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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1993-12-06

Référence

DOSSIERS : 1989-2, 1990-4, 1991-13 et 1992-PM/EM-1

Régime

Exécution publique de la musique

Loi sur le droit d’auteur, article 67.2

Commissaires

M. le juge Donald Medhurst

Michel Hétu, c.r.

Mme Judith Alexander

Me Michel Latraverse

Motifs additionnels exprimés par le Commissaire Latraverse concernant le tarif 2.A.1

Tarif des droits à percevoir pour l’exécution au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1991

Motifs de la décision

POUR LES ANNÉES 1990 À 1993 :

2.A.1

Télévision commercial

POUR LES ANNÉES 1992 ET 1993 :

10

Parcs, rues ou places publiques

POUR L’ANNÉE 1993 :

1.A

Radio commercial

2.B

Office de la telecommunication éducative de l’Ontario

2.C

Société de radio-télévision du Québec

3

Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et établissements du même genre

5.A

Expositions et foires

12

Ontario Place Corporation, Canada’s Wonderland et autres établissements du même genre

13.A

Avions

14

Exécution d’œuvres particulières

15

Musique de fond dans les établissements non assujettis au tarif no 16

16

Fournisseurs de musique

18

Musique enregistrée utilisée à des fins de danse

20

Bars karaoké et établissements du même genre

I. INTRODUCTION

Conformément à l’article 67 de la Loi sur le droit d’auteur (ci-après, la « Loi »), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé auprès de la Commission un projet de tarif des droits à percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales, en 1993. Des projets au même effet avaient été déposés pour les années 1990 à 1992.

Ce projet de tarif a été publié dans la Gazette du Canada, le 26 septembre 1992. À cette occasion, la Commission avisa les utilisateurs éventuels et leurs représentants qu’ils pouvaient s’opposer à la certification du tarif, au plus tard le 24 octobre 1992. Les projets déposés à l’égard des années 1990 à 1992 avaient aussi été publiés auparavant.

Les présents motifs portent sur le tarif 2.A.1 (pour 1990 à 1993), le tarif 10 (pour 1992 et 1993) ainsi que les tarifs 1.A, 2.B, 2.C, 3, 5.A, 12, 13.A, 14, 15, 16, 18 et 20 (pour 1993). Les autres tarifs feront l’objet de décisions ultérieures.

Le 23 septembre 1993, la SOCAN demandait à la Commission de modifier le projet de tarif avec effet à compter du 1er septembre de cette année. Le projet de loi C-88, devenu le chapitre 23 des lois de 1993, permet à la SOCAN de formuler une telle requête afin de s’assurer qu’elle soit en mesure de percevoir des redevances pour la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales. Par souci de prudence, la Commission a fait droit à la demande. La question de savoir si la SOCAN peut percevoir des redevances pour les télécommunications effectuées avant le 1er septembre reste ouverte.

II. FORMULATION DES TARIFS

La Commission se soucie toujours de la formulation des tarifs qu’elle certifie. Elle a avisé la SOCAN qu’elle considère la formulation des tarifs pour l’exécution publique de la musique trop souvent archaïque ou inutilement compliquée, et qu’il y aurait avantage à s’inspirer des principes de rédaction qui ont servi en matière de retransmission.

C’est dans cet esprit que les tarifs certifiés par les présentes ont été reformulés. Les modifications ont fait l’objet de plusieurs consultations avec la SOCAN. La Commission a par ailleurs demandé et obtenu des commentaires de la part des opposants aux tarifs 1.A et 2.A.1. La Commission souhaite remercier toutes ces personnes de leur collaboration. Les modifications ne changent pas le contenu des tarifs; elles visent plutôt à en rendre la lecture plus accessible au public.

Les modifications apportées à ces tarifs ne sont que le début d’un effort qui se veut nécessairement à plus long terme. Les usagers et la SOCAN sont invités à faire parvenir leurs commentaires à ce sujet, car la Commission entend soumettre tous les tarifs de 1994 au même examen.

TARIF 1.A (RADIO COMMERCIALE)

III. INTRODUCTION

Les stations de radio commerciales paient 3,2 pour cent de leurs revenus bruts aux sociétés de gestion des droits d’exécution publique depuis 1978. [1] En 1987, les sociétés demandèrent que ce taux soit porté à 3,5 pour cent; l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) demanda qu’il soit ramené à 2,9 pour cent. La Commission d’appel du droit d’auteur maintint le statu quo. Une entente maintenant le taux à ce niveau pour les années 1988 à 1992 fut homologuée par la Commission d’appel en 1988 et 1989, et par cette Commission en 1990. En 1991, Standard Broadcasting et CFMX demandèrent l’établissement d’un taux réduit pour les stations utilisant moins de musique protégée; la Commission établit un taux de 1,4 pour cent pour les stations utilisant de la musique protégée durant moins de 20 pour cent de leur temps d’antenne (les « petits utilisateurs »). En 1992, la SOCAN demanda que les stations soient obligées de tenir une documentation permettant d’établir leur usage de musique protégée avant de pouvoir se réclamer du statut de petit utilisateur. La Commission refusa au motif que la clause de vérification suffisait pour permettre à la SOCAN de confirmer une telle réclamation.

Dans son projet de tarif de droits pour 1993, la SOCAN propose trois modifications au tarif applicable à la radio commerciale. Elle demande que les taux soient portés à 5 et 2,2 pour cent. Elle propose que le statut de petit utilisateur soit établi à chaque mois plutôt que pour toute l’année. Enfin, elle voudrait qu’obligation expresse soit faite aux stations se réclamant du statut de petit utilisateur d’établir leur éligibilité.

L’ACR, Standard et CFMX ont déposé des oppositions. Elles demandent de ramener le taux généralement applicable à 2,8 pour cent; les petits utilisateurs continueraient d’être assujettis à un taux de 1,4 pour cent. Elles sont d’accord pour que le taux applicable soit déterminé à tous les mois, mais s’opposent à ce que la station ait le fardeau d’établir qu’elle a droit au taux réduit. Enfin, elles demandent qu’il ne soit pas tenu compte de la musique dite de production », incorporée notamment aux messages publicitaires, aux messages d’intérêt public et aux ritournelles, aux fins d’établir le statut de petit utilisateur d’une station.

Les audiences portant sur ce tarif ont duré sept jours et se sont tenues du 15 au 23 juin 1993.

IV. ANALYSE

A. LE MAINTIEN DE PLUS D’UN TAUX

La Commission partage le point de vue des parties à l’effet qu’il y a lieu de maintenir deux taux dans ce tarif. Durant les audiences, on a fait allusion à la possibilité d’établir plus que deux niveaux de tarification. M. Michel Arpin, Vice-président à la planification et secrétaire de Radiomutuel, a confirmé que l’ACR, après un examen poussé de la question, considère qu’un tarif comportant uniquement deux taux répond le mieux aux besoins du marché canadien. La SOCAN semble d’accord avec cette façon de procéder. La Commission partage le point de vue de M. Arpin.

B. LA MODIFICATION DES TAUX APPLICABLES

Au soutien de sa demande d’augmentation des taux, la SOCAN a mis de l’avant plusieurs arguments. Elle soutient que les stations de radio commerciales utilisent davantage de musique qu’auparavant. Elle prétend que l’établissement d’un taux pour les petits utilisateurs a invalidé le taux général. Elle affirme que les stations sont en mesure de payer plus de redevances pour la musique qu’elles utilisent. Enfin, elle souligne que sa part des coûts de production a diminué au cours des vingt dernières années.

Au soutien de sa demande de réduction de taux, l’ACR peint un portrait qu’elle dit précaire de l’état de santé de l’industrie. Elle fait état des bénéfices promotionnels que les auteurs obtiennent du fait que leurs œuvres sont jouées en ondes. Elle prétend qu’il y a lieu de tenir compte du taux payé par les stations de radio aux États-Unis. Enfin, elle énumère les nombreuses contributions que les stations de radio apportent à l’industrie de la musique.

Compte tenu de la preuve présentée à l’audience, la Commission est d’avis que les taux devraient être maintenus à leur niveau actuel.

Pour soutenir que l’usage de musique a augmenté, la SOCAN se fonde d’abord sur la prétention que la longueur moyenne d’une chanson a augmenté depuis 1987. La Commission partage l’avis de l’ACR à l’effet que la preuve déposée par la SOCAN à cet effet est anecdotique et ne peut être projetée pour l’ensemble de l’industrie, le témoin s’étant lui-même refusé à le faire. [2]

La SOCAN prétend par ailleurs que le relâchement des règles du CRTC portant sur le contenu encourage une utilisation plus grande de musique. Son témoin a affirmé que le contenu de la programmation des stations MA t MF avait convergé [3] et que l’élimination en 1993 des exigences portant sur le contenu verbal devrait renforcer cette tendance. [4] Encore une fois, la Commission est d’avis que la preuve ne permet pas d’établir clairement l’effet du relâchement des exigences portant sur le contenu. Certes, la déréglementation abolit les barrières empêchant une plus grande utilisation de musique; cela étant dit, les stations MA, incapables de produire un son de même qualité que celui offert par les stations MF, pourraient réduire leur utilisation de musique, particulièrement dans les grands marchés.

La SOCAN a aussi prétendu que, toutes choses étant égales par ailleurs, l’usage moyen de musique par les stations assujetties au taux le plus élevé se doit d’avoir augmenté du fait que la Commission a établi un taux distinct pour les petits utilisateurs. Il s’agit là d’une tautologie. Cet énoncé de fait n’est toutefois pertinent que si le taux plus élevé se voulait le reflet d’une moyenne pour l’industrie qu’il y aurait lieu d’ajuster à chaque fois que la structure tarifaire est modifiée. La Commission ne perçoit pas ce taux de cette façon. Elle a établi deux taux afin de refléter un changement dans la conduite de certains utilisateurs. Elle croit que le taux de 3,2 pour cent est un prix juste pour les utilisateurs qui y sont assujettis et ce, même une fois que le taux inférieur a été établi. Tout ajustement, le cas échéant, devra être fonction d’autres facteurs.

La Commission a établi par le passé que la capacité de payer est un facteur, parmi tant d’autres, dont on peut tenir compte dans l’établissement du prix de la musique. La SOCAN et l’ACR se sont donc penchées pendant un certain temps sur la situation financière de l’industrie.

Les témoins ont débattu du caractère plus ou moins pertinent de différents indices lorsqu’il s’agit de déterminer l’état des finances de l’industrie. Certains proposent d’utiliser les revenus avant intérêts, dépréciation et impôts (RAIDI) parce que l’âge des actifs immobilisés, la structure en capital ou les methods comptables n’influent pas sur ce chiffre. D’autres soutiennent que les revenus nets après impôts (RAI) ou les revenus avant intérêts et impôts (RAII) ont aussi leur rôle à jouer. Le RAIDI semble plus stable que le RAI ou le RAII; la Commission croit cependant que tous ces chiffres peuvent offrir de l’information utile lorsque vient le temps de se pencher sur la santé financière d’un utilisateur. Qui plus est, il semble qu’on puisse tirer dans l’ensemble des conclusions similaires de l’utilisation de l’un ou l’autre de ces chiffres.

Premièrement, l’industrie de la radio a clairement connu une période difficile au cours des dernières années. Sa profitabilité a diminué. M. Ronald Osborne, président et premier dirigeant de la société Maclean Hunter, a soutenu que les rendements ne suffisent plus à attirer de nouveaux investisseurs. [5] Cela diffère grandement de la situation telle qu’elle était apparue en 1987 à la Commission d’appel du droit d’auteur, qui énonçait que « l’industrie est toujours en expansion ».

Deuxièmement, il semble que la situation se soit stabilisée, sans que l’industrie ait retrouvé la santé de ses plus belles années. Par ailleurs, on ne saurait dire si son sort est en train de s’améliorer, ou si les profits ont simplement cessé de chuter. M. Kirk, analyste en investissements auprès de la firme Burns Fry Research, a émis l’opinion que l’industrie a atteint son niveau le plus bas, qu’elle commence à s’améliorer et qu’elle connaîtra une certaine croissance au cours des prochaines années. [6] Ses réponses au contre-interrogatoire n’en ont pas moins fait ressortir à quel point il est difficile à ce moment d’établir si les profits de l’industrie ont vraiment atteint leur niveau le plus bas, ou s’il ne s’agit que d’un simple répit dans une tendance qui ira en s’accentuant. [7] Le fait que le malade soit stable ne nous dit pas s’il guérira ou quand cela surviendra.

Troisièmement, la perte de rendement de l’industrie a sa source dans des causes qui n’ont rien à voir avec le prix qu’elle paie pour la musique qu’elle exécute. Qui plus est, rien dans la preuve ne convainc la Commission que l’industrie est moins en mesure de payer pour cette musique qu’elle l’était il y a cinq ou dix ans.

Le professeur Liebowitz a par ailleurs fait ressortir la baisse du rapport entre le coût des droits d’exécution et celui des autres intrants de production. Il a soutenu que dans un marché libre, les droits musicaux croîtraient au même rythme que les autres coûts de programmation. Pour que les droits d’exécution de la musique représentent la même part des dépenses de programmation qu’en 1972, il faudrait selon lui augmenter le taux à 3,74 pour cent. [8] La SOCAN a demandé à ce que le taux soit ajusté l’avenant. La Commission n’entend pas procéder de cette façon et ce pour deux motifs.

Premièrement, il est évident que les redevances pour la musique fluctueront de façon différente des autres coûts de programmation si elles sont fonction des revenus, à moins que ces autres coûts calquent eux aussi les fluctuations de revenus. [9] Ce résultat découle nécessairement de la formule tarifaire mise de l’avant par les sociétés il y a plus de trente ans, et retenue depuis par cette Commission et celle qui l’a précédée. On pourrait établir un tarif qui soit fonction de profits, des coûts ou de toute autre variable pertinente. L’introduction d’une nouvelle stratégie de prix entraînerait son propre bagage de difficultés. Qui plus est, ce n’est pas ce que la SOCAN demande à la Commission de faire.

Deuxièmement, l’établissement d’un lien entre les redevances pour la musique et les autres coûts de programmation suppose qu’on tienne pour acquis que dans un marché libre, la part relative des intrants de production reste à peu près toujours la même. Le rapport déposé par le professeur Liebowitz contredit expressément cette hypothèse. [10] Durant la période utilisée par le témoin pour ses calculs, les dépenses totales de programmation ont augmenté de 494 pour cent, mais le taux de croissance des divers intrants non réglementés a varié de 55 pour cent à 1112 pour cent. [11]

La Commission n’est pas convaincue non plus par la preuve présentée par l’ACR au soutien d’une réduction de taux.

L’ACR souligne que la diffusion d’un enregistrement sert à en promouvoir la vente. Elle soutient que les créateurs trouvent leur intérêt à la diffusion de leurs œuvres et que, par conséquent, il faudrait en tenir compte dans l’établissement du tarif. La Commission est d’avis qu’il s’agit là d’un cas parmi d’autres de rapport symbiotique entre deux industries, sans lien direct avec le prix.

L’ACR a aussi soutenu que les stations canadiennes, ayant accès au même répertoire que les stations américaines, ne devraient pas payer plus cher que ces dernières pour leur musique, [12] allant même jusqu’à prétendre que compte tenu des différences de marché entre le Canada et les États-Unis, les stations canadiennes devraient payer moins cher. Le prix américain, comme les autres prix étrangers, présente toujours un certain intérêt, et peut s’avérer utile; il ne s’agit toutefois que d’un élément pouvant servir à établir un prix pour le Canada, où les conditions peuvent être différentes. [13] Dans l’espèce, les conditions des marchés canadien et américain sont fort différentes, ne serait-ce que parce que le régime américain est fondé sur un consent decree. La présente décision expose les motifs qui amènent la Commission à conclure que cela suffit à établir une distinction entre les marchés canadien et américain dans la section traitant du tarif applicable à la télévision commerciale. [14]

L’ACR a enfin soutenu que la Commission devrait tenir compte de l’apport en espèces et en nature fourni aux artistes par l’industrie de la radio. Les stations doivent jouer de la musique dont le contenu canadien répond aux norms durant 30 pour cent de leur temps d’antenne. Plusieurs autres conditions de licence établissent des conditions favorables aux artistes canadiens. Les contributions en espèces comprennent les sommes payées à des organismes tels la Foundation to Assist Canadian Talent on Records (FACTOR) et son pendant francophone, MUSICACTION. D’autres contributions en espèces (recherche de talents, concours de musique, etc.) portent leur total à dix millions de dollars. Enfin, l’ACR évalue à quatorze millions de dollars les contributions en nature : temps d’antenne gratuit pour la promotion de concert ou le lancement de nouveaux talents canadiens, prêt d’équipements pour fins d’enregistrement.

L’ACR avait déjà souligné durant des audiences précédentes devant la Commission d’appel du droit d’auteur la façon dont les industries de la radio et de la musique se soutiennent mutuellement. Encore une fois, une telle symbiose existe souvent dans les rapports de marchés. Cela ne veut pas dire qu’il faille escompter ces contributions, d’autant plus qu’une large part de celles-ci profite aux exécutants plutôt qu’aux compositeurs. [15] Ces contributions ayant déjà été portées au bilan financier de l’industrie, il n’y a pas lieu d’en tenir compte davantage.

C. CHANGEMENT DE LA PÉRIODE SERVANT À ÉTABLIR LE STATUT DE PETIT UTILISATEUR

Les parties s’entendent par ailleurs pour établir le statut de petit utilisateur à chaque mois, ce qui est la période servant à établir le montant de la redevance. La Commission partage ce point de vue.

D. LE FARDEAU D’ÉTABLIR LE STATUT DE PETIT UTILISATEUR

La demande de la SOCAN à l’effet que la station se disant être un petit utilisateur de musique ait le fardeau d’établir son statut n’est pas nouvelle. Il en fut question lors des audiences de 1992. Les opposants s’objectent à toute formulation qui entraînerait un renversement du fardeau de la preuve; ils ajoutent que compte tenu du droit de vérification dont dispose la SOCAN, il est peu probable qu’une station tente de camoufler l’usage véritable qu’elle fait de la musique.

Cette question exige que la Commission maintienne un équilibre judicieux entre les droits et les devoirs de la SOCAN et des stations de radio, de façon à minimiser le fardeau que chacun devra porter. D’une part, la SOCAN ne devrait pas avoir à craindre que le statut de petit utilisateur soit réclamé à tort et à travers; d’autre part, les exigences de rapport ne doivent pas décourager le petit utilisateur de payer un taux auquel il a droit.

Heureusement, les pratiques de l’industrie semblent offrir des éléments de solution. La réglementation du CRTC impose déjà aux stations de radio l’obligation de conserver l’enregistrement de leurs vingt-huit derniers jours de diffusion. Ces enregistrements sont le reflet fidèle de l’utilisation quotidienne de musique d’une station; ils pourraient servir à établir si la station est un petit utilisateur de musique. Cependant, leur période de conservation est trop courte : la période de référence utilisée dans le tarif remonte à quelque soixante jours. On ne peut s’attendre à ce que la SOCAN confirme le statut d’un petit utilisateur avant qu’il prétende l’être. Les parties ont confirmé qu’il ne serait pas démesurément importun d’exiger des petits utilisateurs qu’ils conservent ces enregistrements pour une période de quatre-vingt-dix jours. Les seuls coûts additionnels associés à cette mesure seraient l’achat de rubans et certains frais d’entreposage. Cette façon de procéder semble être un compromis acceptable entre les positions des parties.

E. LA MUSIQUE DE PRODUCTION

Le statut de la musique de production a été débattu lors des audiences portant sur les tarifs de 1991 et 1992. Les opposants au tarif de 1991 soutenaient que les droits d’exécution de cette musique avaient été libérés à la source; pour sa part, la SOCAN affirmait que cela était impossible, puisque ces droits lui sont cédés aux termes du contrat que ses membres signent. La preuve portant sur la provenance de la musique de production était fragmentaire et confuse, aucune preuve ne venant par ailleurs établir que cette musique soit moins importante pour une station.

Au cours de la présente audience, l’ACR a soutenu que le tarif serait plus clair et plus facile à administrer si l’on faisait abstraction de cette musique. Il semble par ailleurs que les règles internes de distribution des argents que la SOCAN reçoit accordent peu d’importance à cette musique. Témoignant pour la SOCAN, M. Victor Perkins a admis que dans un but de simplicité, on ne tenait pas compte des utilisations inférieures à une minute : cette règle englobe presque toute la musique de production, et presque uniquement cette musique. [16] En réplique, la SOCAN a souligné qu’il était particulièrement difficile de vérifier l’usage de cette musique. [17]

La Commission adhère au principe voulant que les auteurs aient le droit d’être compensés pour toute utilisation de leur musique. Par contre, en 1991, personne n’avait exposé combien il est difficile de surveiller la musique de production et ce, bien que l’on se soit livré à un débat d’ordre général sur la surveillance de l’utilisation de musique, les cagnottes et les difficultés ainsi soulevées. Les règles de distribution de la SOCAN font clairement ressortir qu’elle considère peu pratique toute tentative de tenir compte de cette musique. Dans de telles circonstances, il deviant éminemment pratique de faire droit à la demande des opposants.

V. CONCLUSION

Dans l’ensemble, la Commission ne voit rien dans la preuve qui justifie un rajustement des taux payables par les utilisateurs de musique à la radio aux créateurs de cette musique. Par conséquent, les taux payables par les stations de radio commerciale pour leur utilisation de musique resteront les mêmes. Cependant, le tarif est modifié sous deux aspects. Premièrement, on exigera de la station qui soutient être un petit utilisateur qu’elle conserve et mette à la disposition de la SOCAN l’enregistrement complet de ses quatre-vingt-dix derniers jours de diffusion. Deuxièmement, on prévoira expressément qu’il n’est pas tenu compte de la musique de production pour déterminer le statut de petit utilisateur d’une station.

TARIF 2.A.1 (TÉLÉVISION COMMERCIALE)

VI. INTRODUCTION

C’est en 1951 que la Commission d’appel du droit d’auteur a établi pour la première fois les droits que les stations de television commerciale versent aux sociétés de gestion pour l’exécution publique de musique sur leurs ondes. De 1951 à 1955, les parties s’entendirent pour que chaque station verse un montant forfaitaire. En 1956 et 1957, des ententes intervinrent mais aucun tarif ne fut déposé. En 1958, une entente établit un montant global pour l’ensemble des stations. Suite à des audiences, les parties demandèrent que le tarif pour 1959 soit établi à 2,1 pour cent des revenus des stations. D’autres ententes intervinrent de 1960 à 1977; d’abord maintenu 2,1 pour cent, le taux passa progressivement de 2,2 pour cent en 1963 à 2,4 pour cent en 1974. En 1978, l’ACR s’opposa pour la première fois au projet de tarif, qui fut malgré tout maintenu à 2,4 pour cent; il en fut de même en 1979. Une entente entérinée par la Commission maintint le taux à ce niveau de 1980 à 1984. Depuis, l’ACR s’est opposée au projet de tarif à chaque année. En 1985, la Commission maintint le taux de 2,4 pour cent, mais édicta que le montant des droits à verser ne saurait dépasser celui versé en 1984. En 1986, la Commission décida de ramener le taux 2,1 pour cent, taux qu’elle maintint de 1987 à 1989. [18]

Le montant des droits a crû avec l’industrie : de 210 000 $ qu’ils étaient en 1958, ils sont passés à plus de 20 millions de $ en 1989.

Les présents motifs portent sur les années 1990 à 1993. C’est la première fois que la Commission du droit d’auteur est appelée à se pencher sur le tarif 2.A.1, pour établir les redevances payables pour la musique utilisée par les stations de télévision commerciale. Cet examen n’a pu avoir lieu plus tôt à cause d’une contestation judiciaire portant sur le projet de tarif 2.A.2, visant les réseaux de télévision commerciale. La décision de la Cour d’appel fédérale dans cette affaire fait l’objet d’une demande de permission d’appel devant la Cour suprême du Canada; les parties ont néanmoins demandé à la Commission de procéder à l’examen du tarif 2.A.1.

L’ACR s’est opposée aux projets de tarif concernés. Les opérateurs de stations de télévision qui avaient fait de même s’en sont remis à la preuve déposée par l’ACR. Les audiences ont duré douze jours, répartis entre le 12 janvier et le 4 février 1993.

Les projets de tarif déposés par la SOCAN sont identiques à celui adopté en 1989. [19]

Pour sa part, l’ACR propose d’utiliser comme point de départ le montant des droits versés par les stations américaines aux sociétés de gestion américaines. Le rapport entre leurs redevances et leurs revenus servirait de taux pour les stations canadiennes. Le montant ainsi obtenu, représentant moins de la moitié de ce que les stations payent en ce moment, serait ensuite ajusté pour tenir compte de l’inflation. La fraction que chaque station verserait à la SOCAN serait égale au rapport entre les droits qu’elle a versés en 1990 et le montant total des droits versés au titre du tarif 2.A.1 en 1990.

L’ACR demande aussi la mise en place d’un mécanisme permettant à chaque station de réduire le montant des droits à verser à la SOCAN en fonction du nombre d’émissions contenant uniquement de la musique non protégée ou dont les droits ont été autrement libérés.

L’ACR ne conteste pas le fait que la musique joue un certain rôle en matière de programmation télévisuelle. Son procureur a néanmoins tenté de démontrer que ce rôle était moins important que celui d’autres intrants de production, et que de toute façon son importance avait diminué depuis 1958.

VII. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Il faut disposer d’entrée de jeu de deux questions soulevées durant les audiences. La première porte sur le fardeau de preuve qui incombe à chacun. La deuxième a trait au mandat de la Commission. Il semble plus approprié d’aborder à la fin des motifs portant sur le présent tarif la requête en réouverture déposée par l’ACR, visant à réévaluer l’ampleur de la responsabilité du télédiffuseur.

A. Le fardeau de la preuve

Tant la SOCAN que l’ACR soutiennent que c’est à l’autre qu’il revient d’établir le caractère raisonnable de sa proposition de tarif ou le caractère déraisonnable de celle de l’autre participant. Compte tenu de la confusion qui semble régner à cet égard, il est nécessaire de s’attarder à cette question.

La SOCAN soutient que l’économie même de la Loi fait en sorte qu’il revient à l’opposant d’établir le caractère déraisonnable du tarif proposé. La SOCAN a le droit de faire établir un tarif; qui plus est, quoique l’usager doive formuler une opposition, rien n’exige que la SOCAN accompagne le projet de tarif d’une justification de sa formule tarifaire. Elle ajoute par ailleurs que dans le cas présent, la formule tarifaire est le résultat d’une évolution progressive dans laquelle la Commission d’appel du droit d’auteur a joué un rôle de premier plan.

Pour sa part, l’ACR maintient qu’il revient plutôt à la SOCAN d’établir le caractère raisonnable du tarif proposé, puisque la Commission existe d’abord et avant tout « pour éviter que la présence des sociétés de perception ... ne vienne déséquilibrer le rapport de forces qui devrait exister entre les titulaires de droits et les usagers ». [20] Elle souligne le fait que la Commission demande habituellement à la SOCAN de procéder en premier lors des audiences, y voyant un argument au soutien de sa position.

Ces façons de voir reposent de façon excessive sur les règles ordinaires de preuve. La Commission ne tranche pas des litiges entre parties privées. Elle n’est pas liée par les principes gouvernant l’établissement du fardeau de la prevue dans les affaires civiles. Ces principes constituent tout au plus un élément dont la Commission, étant maîtresse de sa procédure, tient compte dans l’établissement de règles qui lui soient propres.

La loi constitutive de la Commission ne vient jeter sur cette question qu’un éclairage diffus. La Loi n’édicte pas à qui il revient d’établir le caractère raisonnable ou non d’un projet de tarif; elle ne fait qu’établir un processus menant à l’homologation. Ce faisant, toutefois, elle fournit certains indices à l’effet que chaque participant doive jouer un role actif devant la Commission. Ainsi, si la SOCAN a droit à l’établissement d’un tarif, elle ne peut s’attendre à ce que la Commission approuve automatiquement les tarifs qui ne font pas l’objet d’une opposition; la Commission peut, de son propre chef, demander à la SOCAN qu’elle lui explique ce qui sous-tend la structure tarifaire proposée, ce qu’elle a fait en 1991, à l’occasion de la fusion de la CAPAC et de la SDE. Cela étant dit, la SOCAN a raison de prétendre qu’il serait peu pratique de lui demander de réinventer la roue à chaque fois qu’un projet de tarif fait l’objet d’un examen. Une formule tarifaire qui existe depuis fort longtemps et qui a fait l’objet d’examens répétés peut acquérir un certain ascendant.

Par conséquent, dans la mesure où un tarif est contesté, la Commission s’attend à ce que chaque participant fasse valoir les motifs pour lesquels il soutient une formule tarifaire ou s’y oppose : c’est précisément ce qu’ont fait la SOCAN et l’ACR durant ces audiences. Il appartient ensuite à la Commission d’évaluer le dossier à son mérite, compte tenu de l’ensemble de la preuve déposée, des prétentions soutenues par les participants, et des considérations de politique publique pertinentes.

B. Le mandat de la Commission

Dans son argumentation écrite, l’ACR soutient par ailleurs que la structure et le niveau du tarif doivent nécessairement [TRADUCTION] « se rapprocher de façon équitable et raisonnable du prix qui serait établi s’il existait un marché libre pour les droits d’exécution ». [21]

La Commission rejette cette proposition. Son mandat est d’établir des tarifs dont le fondement est « raisonnable et convenable » ou encore « rationnel ». [22] Elle assure un certain équilibre dans les marchés entre les titulaires de droits et les usagers; cela ne veut pas dire qu’elle doive nécessairement établir les droits en fonction d’un prix librement négocié, que ce soit ou non dans un marché concurrentiel. La Cour d’appel fédérale a déjà établi le principe voulant que le prix du marché » ne constitue qu’une base rationnelle parmi d’autres. [23] De toute façon, il est très difficile de concevoir un marché libre » des droits d’exécution publique au Canada.

VIII. ANALYSE

A. La formule tarifaire actuelle

L’ACR met de l’avant divers arguments qui, selon elle, devraient mener la Commission à mettre de côté la formule tarifaire actuelle. Aucun de ces arguments ne convainc la Commission.

L’ACR se fonde d’abord sur une etude effectuée par la firme Coopers & Lybrand et déposée durant l’audience. Cette etude conclut, ce sur quoi tous semblent s’entendre d’ailleurs, qu’il n’existe pas de corrélation entre la quantité de musique utilisée durant une émission et les revenus de publicité qu’elle génère. L’ACR soutient que la formule tarifaire actuelle prend précisément pour acquis l’existence d’une telle corrélation. La Commission ne partage pas ce point de vue. L’étude examine les émissions prises individuellement; pour sa part, la formule tarifaire a pour objet l’ensemble de la programmation d’une station de télévision, la preuve ayant par ailleurs établi que toutes les stations utilisent la musique à peu près de la même façon.

L’ACR soutient ensuite que la musique serait le seul intrant de production télévisuelle dont le prix est fonction des revenus. La preuve est pourtant à l’effet contraire; dans plus d’un cas, les revenus sont un des facteurs dont il est tenu compte dans l’établissement de la compensation. [24]

L’ACR note enfin que la formule tarifaire canadienne a été spécifiquement rejetée par la juridiction américaine qui établit le prix à payer pour l’exécution publique de musique lorsque les sociétés de gestion et les utilisateurs n’arrivent pas à ’entendre. [25] Deux raisons amènent la ommission à accorder peu de poids à cette décision.

Premièrement, la décision est fondée sur la proposition voulant que le prix américain doive se rapprocher d’un prix librement négocié. La décision rejette par la suite la formule tarifaire dont on se sert présentement au Canada, considérant qu’un montant forfaitaire convient davantage qu’une formule fondée sur un pourcentage de revenus.

Comme on l’a déjà mentionné, il n’est pas essentiel que le tarif canadien se rapproche d’un prix librement négocié. En supposant même que cela fût le cas, la Commission ne partagerait pas le point de vue de la juridiction américaine à l’effet qu’un montant forfaitaire convient davantage.

Deuxièmement, il existe, entre les régimes canadien et américain d’établissement du prix à payer pour l’exécution publique de la musique, des différences importantes qui diminuent considérablement la pertinence des décisions américaines pour les fins de la Commission :

  1. Le régime américain est fondé sur un consent decree intervenu entre les sociétés de gestion et le Département de la Justice. Le décret, établi suite à des démarches entreprises par le Département, est fondé sur la législation antitrust américaine. Le régime canadien est établi par le Parlement, et fait partie intégrante de la législation régissant les droits d’auteur.
  2. Aux États-Unis, toute entente intervenue entre les utilisateurs et les sociétés a force de loi : la Rate Court intervient uniquement sur demande, à défaut d’entente. Au Canada, les ententes n’ont pas de statut juridique, comme le démontre la décision de 1991 sur la radio commerciale. [26] La Loi exige que la Commission homologue tous les projets de tarif, et lui permet de soulever des questions de son propre crû même en l’absence d’oppositions.
  3. La Rate Court a établi un lien direct entre le mot reasonable et le « prix du marché ». Au Canada, tant la Commission que les tribunaux judiciaires sont d’avis que ce prix n’est pas le seul qui puisse être raisonnable.

La Commission retient plutôt les arguments mis de l’avant par la SOCAN en faveur de la formule tarifaire actuelle. Elle est simple, facile à administrer et à comprendre, n’a pas à être réévaluée constamment, tient compte automatiquement des variations de prix, d’auditoire, de revenus et du nombre d’usagers. Témoignant pour l’ACR, M. Estey a admis que la formule n’est pas irrationnelle et [TRADUCTION] « s’administre toute seule ». [27]

B. Le montant des droits

L’ACR soutient par ailleurs que le montant de droits qu’acquittent les stations de télévision canadiennes est de toute façon trop élevé. L’ACR souligne que depuis 1959, la part des revenus que les stations américaines versent en droits d’exécution publique a considérablement diminué, alors qu’elle est demeurée la même au Canada. Or, soutient-elle, lors de la mise au point de la formule tarifaire actuelle, en 1958, les parties et la Commission d’appel du droit d’auteur avaient voulu établir une corrélation entre les droits américains et canadiens. En supposant que cela ait été le cas, cette Commission-ci n’entend pas retenir cette corrélation.

Il semble que les marchés canadien et américain présentent des structures de prix fort différentes. Ainsi, les professeurs Benston et Liebowitz se sont entendus pour dire qu’il existe probablement un lien entre les droits de composition [28] et les droits d’exécution [29] : à long terme, si les seconds diminuent, les premiers devraient augmenter, et vice versa. Il y a donc lieu de croire, et ce bien qu’aucune preuve n’ait été déposée à cet égard, que le niveau moins élevé des droits d’exécution américains a déjà mené à des droits de composition américains proportionnellement plus importants que ceux versés au Canada.

L’ACR a établi que des changements importants sont intervenus depuis 1959, date à laquelle le tarif a été établi à 2,1 pour cent des recettes d’une station de télévision commerciale. De radio en images, la télévision s’est transformée en médium indépendant. Les émissions préenregistrées ont remplacé les émissions en direct. On fait une utilisation moins importante d’œuvres faisant déjà partie du répertoire, et plus importante d’œuvres commandées pour chaque production. Les émissions de variétés ont perdu le rôle de tout premier plan qu’elles assumaient au tout début. Par ailleurs, les témoins de l’ACR ont admis que ces changements sont intervenus bien avant l’examen du projet de tarif pour 1986, date à laquelle la Commission d’appel du droit d’auteur a établi le taux à son niveau actuel. Les études effectuées par MM. Perkins (pour la SOCAN) et Potts (pour l’ACR) concordent sur un point : la façon dont on utilise la musique est restée la même à toutes fins pratiques depuis 1985. [30]

La Commission est d’avis que toute comparaison, s’il doit en être faite, devrait se faire par rapport à la situation telle qu’elle existait en 1986, et non en 1959. La Commission a relu attentivement la décision de la Commission d’appel du droit d’auteur établissant la formule tarifaire pour l’année 1986. Après examen du dossier de la présente affaire, elle fait sienne le raisonnement et les conclusions de la Commission d’appel. La preuve déposée durant la présente audience ne vient d’ailleurs que confirmer l’état de faits qui existait à l’époque. Les changements intervenus depuis 1986 sont ou bien non pertinents, ou bien pas assez significatifs pour justifier une réduction du taux. La Commission ne voit rien dans l’évolution de l’industrie depuis 1986 qui puisse justifier un changement d’approche. [31]

La situation financière de l’industrie, qui s’est détériorée depuis les années 70, n’a pas suffisamment changé depuis 1986 pour justifier un correctif. [32] Qui plus est, la Commission ne croit pas que cette détérioration soit reliée aux droits d’exécution de la musique. Ainsi, le témoignage du professeur Liebowitz est à l’effet que l’importance relative des droits d’exécution par rapport aux autres coûts de production a diminué de 50 pour cent entre 1972 et 1990. [33]

L’ACR a aussi souligné que les droits de composition sont négociés, alors que les droits d’exécution sont réglementés. Comme il est censé exister un équilibre ntre ces droits, il serait préférable, soutient l’ACR, de réduire les droits d’exécution afin de permettre au marché de jouer un rôle plus important dans l’établissement de la rémunération totale des détenteurs de droits.

La Commission est d’avis qu’il serait contre-indiqué de modifier l’équilibre qui existe en ce moment. Partageant en cela l’opinion du professeur Liebowitz, elle croit qu’une telle modification serait accompagnée de distorsions pendant une période de transition qui pourrait être fort longue, sans pour autant entraîner de réels bénéfices à long terme. Elle conclut que le rapport de forces serait trop défavorable aux détenteurs de droits dans le marché canadien. De plus, une telle mesure pourrait entraîner une diminution excessive du rôle de la gestion collective des droits d’exécution, gestion dont la Loi reconnaît la légitimité, et qu’elle semble même encourager.

C. Autres arguments

La Commission considère non pertinents un certain nombre d’arguments qui ont été mis de l’avant par les parties.

La Commission n’entend pas tenir compte du fait que la part du lion des droits versés par les stations de télévision sont remis à des auteurs américains. Cet état de choses est fonction de la programmation que les stations diffusent, et non du tarif qu’établit la Commission. Tenter de modifier la structure tarifaire de façon à favoriser les auteurs canadiens irait à l’encontre de la règle du traitement national. Certes, cette règle ne se trouve pas énoncée comme telle dans la Loi, sauf par rapport aux droits de retransmission. [34] La Commission est néanmoins d’avis qu’une telle interprétation est davantage conforme aux dispositions de la Convention de Berne.

De même, les règles de distribution des argents que la SOCAN reçoit ne sont pas pertinentes en soi à la présente espèce et ce, bien qu’elles puissent donner une idée de la valeur que la SOCAN attribue à divers types de musique. La gestion des affaires internes de la société relève de celle-ci et de ses membres.

On a insisté sur le fait que la SOCAN est un monopoleur; la Commission ne croit pas qu’il soit particulièrement utile d’y faire allusion. L’existence même de la Commission empêche la SOCAN de soutirer des prix de monopoles. La Loi a mis sur pied la Commission pour régir les prix que la SOCAN peut exiger de ceux qui exécutent de la musique en public. [35]

D. La formule tarifaire mise de l’avant par l’ACR

Affirmer que la formule actuelle demeure raisonnable ne suffit pas à clore le débat. La Commission doit être aussi convaincue qu’elle demeure préférable à l’alternative mise de l’avant par l’ACR.

L’ACR propose d’établir le tarif à un montant forfaitaire par station qui soit fonction d’un montant global; elle demande par ailleurs que le diffuseur puisse se prévaloir d’un régime de licence à la pièce », à la place ou en sus de la licence générale traditionnelle.

i. L’établissement d’un montant global

Tel qu’on l’a noté plus tôt, la Commission n’entend pas établir le tarif à un montant forfaitaire. Tout montant fixe, que ce soit pour chaque utilisateur ou pour l’ensemble de l’industrie, n’offre aucun des avantages de la formule actuelle. Il faudrait le réévaluer constamment. Les problèmes que causerait l’établissement, comme le propose l’ACR, d’un montant fixe, dont le paiement devrait être partagé parmi les utilisateurs, sont encore pires. Cette façon de procéder risquerait de causer des litiges entre les utilisateurs quant à l’étendue relative de la responsabilité de chacun. Cette formule fut utilisée en 1958, avec les désavantages que M. Estey, témoignant pour l’ACR, a soulignés. Déjà en 1958, avec moins d’utilisateurs, l’association avait éprouvé des difficultés à diviser une somme toujours grandissante entre des stations de télévision qui étaient par ailleurs en concurrence les unes avec les autres. [36]

ii. L’octroi d’un escompte pour la programmation dont la musique n’est pas sujette au contrôle de la SOCAN

L’ACR voudrait qu’une station puisse réduire les versements qu’elle effectue à la SOCAN en libérant les droits d’exécution à la source. De prime abord, cette façon de procéder pourrait sembler intéressante. Elle semblerait permettre une certaine concurrence. La Commission rejette malgré tout la proposition de l’ACR. Les arguments que la Commission a retenus pour ne pas modifier l’équilibre qui existe entre les droits d’exécution et les droits de composition sont pertinents au débat. Cette proposition comporte par ailleurs des difficultés intrinsèques, et soulève en plus des difficultés au niveau de la politique publique.

Il n’est pas certain que la formule mise de l’avant par l’ACR favorise la libération des droits à la source. Cet objectif n’a pas encore été atteint aux États-Unis, où la formule est en place depuis quelque temps déjà. Témoignant pour l’ACR, MM. Rich et Zwaska ont admis que les économies réalisées en vertu de ce régime l’ont été d’abord et avant tout à cause de l’existence de trois sociétés de gestion américaines. [37]

La Commission a certes établi un tarif réduit pour les stations de radio utilisant peu de musique protégée. La raison en est simple : l’usage de musique protégée varie considérablement d’une station de radio à l’autre. Le dossier de la présente affaire est à l’effet que les stations de télévision utilisent plus ou moins la même quantité de musique protégée et ce, plus ou moins de la même façon.

La proposition précise faite durant la présente audience soulève par ailleurs des difficultés particulières. La preuve soumise quant à la façon dont cette formule pourrait opérer était pour le moins limitée. Les explications données pour justifier de ne pas recourir aux majorations établies aux États-Unis sont aussi peu convaincantes.

Enfin, la formule est fondée sur certaines prémisses qui n’ont pas été justifiées. L’ACR n’explique pas pourquoi les stations qui se pré- vaudraient de la licence « à la pièce » devraient calculer leur rabais à partir du taux général, plutôt qu’à partir d’un taux plus élevé. Cette licence se veut un accessoire de la licence générale, et non un remplacement pour celle-ci. Si le rabais se calcule à partir du taux général, le régime que l’ACR propose est toujours au moins aussi avantageux que la licence générale et ce, pour tous les usagers : inévitablement, l’usager y gagne et le créateur y perd. Qui plus est, cette façon de procéder impose à la SOCAN un fardeau additionnel de surveillance que les usagers n’ont as intérêt à mitiger. [38]

Cela dit, la Commission rejette cette méthodologie d’abord et avant tout pour des motifs de politique publique. Cette façon de procéder minerait le caractère général de la licence. Compte tenu de la structure, de l’importance et des autres caractéristiques du marché canadien des droits d’exécution, il est improbable que la libération à la source des droits se développe effectivement au Canada. Les États-Unis sont le seul pays où les sociétés de gestion ne peuvent obtenir des cessions exclusives de droits. À toutes fins pratiques, leurs membres sont donc les seuls à pouvoir céder leurs droits d’exécution aux stations de télévision canadiennes. [39] Il pourrait en résulter un avantage pour les compositeurs américains ou pour ceux qui sont membres des sociétés américaines. La Commission n’entend pas favoriser le développement d’un tel état de faits.

La Commission est consciente qu’en retenant la formule actuelle, elle empêche à toutes fins pratiques la mise sur pied d’un régime de libération des droits à la source. Elle préfère néanmoins la formule actuelle.

IX. LA REQUÊTE EN RÉOUVERTURE DE L’ACR

MOTIFS DE LA MAJORITÉ

Le 5 juillet 1993, l’ACR demandait à la Commission de reprendre les audiences portant sur le tarif télévision. Elle souhaitait soutenir que la Commission, lorsqu’elle établit le prix à payer par une station de télévision pour une licence d’exécution publique de la musique, ne devait ni ne pouvait tenir compte des spectateurs qui reçoivent leurs signaux locaux par le biais d’un retransmetteur. Dans une ordonnance émise le 22 juillet 1993, la Commission demandait à l’ACR de déposer un mémoire énonçant de façon détaillée l’argumentation au soutien de ses prétentions.

L’ordonnance précisait que si la Commission, ayant pris en considération le mémoire de l’ACR, et tenant comme avérés les faits qui y étaient allégués, en venait à la conclusion que le résultat de l’affaire ne serait pas affecté, elle publierait sa décision finale, mettant fin du même coup à la participation de la SOCAN au processus.

La Commission ne partage pas le point de vue exprimé par l’ACR dans son mémoire. Elle est d’avis que l’argumentation qui sous-tend ce point de vue n’a pas d’effet sur ce qui constitue le prix équitable qu’un diffuseur devrait payer pour l’exécution publique de musique qu’il effectue en diffusant un signal de television dans un marché local. Au soutien de ses conclusions, la Commission invoque les décisions mêmes sur lesquelles l’ACR se fonde pour soutenir ses prétentions, ainsi que l’intention législative clairement exprimée dans certaines dispositions de la Loi.

L’ACR ne nie pas qu’un diffuseur exécute de la musique. [40] Elle admet en outre que cette exécution a un caractère public. [41]

Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a récemment énoncé le principe voulant que [TRADUCTION] « la transmission de services spécialisés par [un câblodistributeur] ... onstitue une exécution en public ». [42] Cet énoncé, que la Commission croit tout aussi pertinent par rapport à la transmission d’un signal de radiodiffusion par une station de télévision, fait ressortir deux autres caractéristiques de l’exécution effectuée par le diffuseur.

Premièrement, il confirme que c’est lors de la transmission que s’effectue cette exécution. Elle a donc lieu, peu importe qu’il y ait ou non quelqu’un qui regarde l’émission : [TRADUCTION] « ... le fait que l’abonné doive allumer son appareil de télévision ne change rien à la nature de la transmission ». [43]

Deuxièmement, il confirme que le diffuseur se livre à une seule exécution et ce, même si la transmission d’un signal local de radiodiffusion par un câblodistributeur constitue une exécution publique. Cette dernière exécution est distincte de celle effectuée par le diffuseur, au même titre que l’exécution effectuée par la station lorsqu’elle diffuse un spectacle en direct est distincte de celle qui a lieu dans la salle de spectacle. [44] Cela ne change rien au fait que le diffuseur effectue une exécution publique.

Les diffuseurs exécutent de la musique en public; pour ce faire, ils ont besoin d’une licence de la SOCAN. Cela ayant été établi, il ne reste qu’à déterminer le prix de cette licence.

La Commission peut établir ce prix en fonction des critères raisonnables de son choix. À ce stade de l’examen d’un tarif, ce sont les considérations d’ordre économique qui prennent le dessus. La nature de l’auditoire et le fait qu’un tiers puisse se servir de l’exécution pour se livrer à une autre de son crû ne sont que deux facteurs parmi plusieurs autres dont il peut être tenu compte dans l’établissement du prix à payer pour cette exécution. [45]

Dans l’espèce, la Commission croit approprié d’établir un rapport entre la valeur économique de la musique pour le diffuseur et l’ensemble de ses revenus. Deux motifs, au moins, l’amènent à tirer cette conclusion.

Premièrement, la Commission considère que le nombre total de téléspectateurs importe davantage que la technologie servant à les rejoindre. Les tribunaux judiciaires ont déjà exprimé le souhait que la Loi soit appliquée d’une façon « technologiquement neutre ». [46] Dans un marché local, le choix que l’abonné fait de visionner un signal par l’intermédiaire du câble plutôt qu’au moyen des ondes hertziennes n’a pas d’effet direct sur les revenus du diffuseur. Il est donc raisonnable de tenir compte de tout l’auditoire potentiel dans l’établissement du fardeau financier qui incombe à ce dernier.

Deuxièmement, tenir compte de l’ensemble des revenus du diffuseur, c’est prendre acte des pratiques d’autres marchés, [47] et de celles des diffuseurs eux-mêmes. Les uns comme les autres ne tiennent aucun compte de la part d’audience qui est rejointe directement, plutôt que par l’entremise du câble. Le prix payé pour la programmation est fonction de l’auditoire potentiel total dans le marché. Le prix de la publicité et les revenus des diffuseurs sont fonction du même facteur, peu importe que le visionnement se fasse ou non par la voie du câble : les diffuseurs ne vont pas jusqu’à partager leurs revenus avec les câblodistributeurs. Cela tend à supporter le point de vue de la Commission à l’effet que la valeur du répertoire de la SOCAN pour un diffuseur ne change en rien du fait que c’est grâce au câble qu’il obtient une partie de sa part d’écoute dans le marché local. Par conséquent, elle en vient à la conclusion qu’il est raisonnable d’établir le prix en fonction de tous les bénéfices que le diffuseur obtient de son usage de ce répertoire; elle est d’avis par ailleurs que ce faisant, on évite de permettre aux stations de télévision de s’enrichir sans cause. [48]

Cette analyse est d’ailleurs en accord avec le régime de retransmission mis sur pied dans la Loi; il s’agit d’« un régime complet relatif à la retransmission de signaux que des stations de télévision et de radio transmettent d’abord par la voie des ondes ». [49] L’ACR soutient que malgré l’existence de ce régime, la retransmission de musique sur un signal local constitue un usage protégé, et que les retransmetteurs ne peuvent trouver refuge derrière ces dispositions à l’égard de l’exécution publique qu’ils effectuent simultanément; ces affirmations se heurtent à ce qui semble être les objets clairs de ce régime et l’intention non-ambiguë du Parlement.

Il ne fait aucun doute que le câblodistributeur qui transmet un signal local le retransmet au sens où l’entend l’article 28.01 de la Loi. Le régime prévoit expressément qu’à certaines conditions, le câblodistributeur peut retransmettre les signaux locaux, y compris la musique qu’ils comportent, sans qu’il lui en coûte rien. On ne peut agir dans le sens que l’ACR propose sans empêcher que cette retransmission n’ait lieu aux conditions établies dans le régime.

Vu l’absence d’un régime de compensation pour la retransmission de signaux locaux, l’ACR ne saurait soutenir non plus que la SOCAN reçoit deux paiements pour le même auditoire.

Certes, les arrêts ACTC et CTV soulèvent plusieurs difficultés d’interprétation de la Loi. Ces deux décisions font présentement l’objet de demandes de permission d’en appeler devant la Cour suprême du Canada. Si cette permission est accordée, la décision du Tribunal pourrait fort bien amener la Commission à nuancer ses conclusions. Par ailleurs, tant l’ACR que la SOCAN avaient demandé à la Commission de se pencher sur le tarif 2.A.1 avant même que la décision de la Cour d’appel fédérale ait été rendue. Ni l’une ni l’autre n’ont demandé à la Commission de surseoir au prononcé de sa décision dans une affaire dont les origines remontent à plus de quatre ans. Dans ces circonstances, la Commission croit préférable de rendre sa décision sans plus attendre.

Compte tenu de la façon dont la Commission en arrive à sa décision, il n’est pas nécessaire de traiter des autres questions soulevées dans le mémoire de l’ACR.

X. MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES EXPRIMÉS PAR LE COMMISSAIRE LATRAVERSE

Je partage l’opinion de mes collègues sur le tarif 2.A.1, et les motifs sous-tendant cette décision.

Je ne peux souscrire à certains des motifs qu’ils ont invoqués pour ne pas donner suite à la requête en réouverture de l’ACR.

Je rejetterais cependant la requête en réouverture de l’ACR pour deux motifs.

Premièrement, la requête est tardive. Le procureur de l’ACR l’a présentée le 5 juillet 1993, alors que les audiences étaient terminées depuis le 4 février 1993, et que les répliques écrites à l’argumentation des parties avaient été soumises à la Commission le 14 avril 1993.

L’ACR fonde sa requête principalement sur les conclusions de deux arrêts de la Cour d’appel fédérale, les arrêts ACTC et CTV, tous deux rendus le 5 janvier 1993. Les audiences devant la Commission se sont déroulées entre le 12 janvier 1993 et le 4 février 1993. Les arguments et la preuve que le procureur de l’ACR propose de soumettre auraient très bien pu l’être dans le cadre de ces audiences, ou dans les jours qui suivirent. Il ne l’a pas fait. Comme le tarif sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer est un tarif annuel, l’ACR pourra très bien le faire l’an prochain, si elle le juge à propos.

Notre rôle est d’établir des tarifs à court terme, dans ce cas-ci un tarif annuel; donc, ce tarif doit être connu dans un délai raisonnable, également court terme. L’ACR ne s’est pas déchargée d’une façon prépondérante du fardeau de nous démontrer que nous devions surseoir à rendre une décision sur ce tarif.

Deuxièmement, le paragraphe 28.01(2) de la Loi exclut le paiement de droits pour la retransmission de signaux locaux, ne la considérant pas comme une violation du droit d’auteur. Le seul commentaire de l’ACR à ce sujet est le suivant :

[TRADUCTION] Compte tenu que le paragraphe 28.01(2) de la Loi ne vise que la communication d’œuvres musicales, et non celle de l’exécution de telles œuvres, cette disposition ne peut entraîner que la retransmission sur le câble de musique portée sur un signal local ne constitue pas une violation du droit d’auteur. [50]

Il n’y a rien d’autre dans le mémoire de l’ACR pour supporter son affirmation sur ce point. Cela me paraît insuffisant.

Je ne souscris pas à tous les motifs explicités par mes collègues pour les raisons suivantes.

S’il n’y a aucun doute à l’effet que l’émission d’un signal de télévision par un télédiffuseur constitue une exécution publique, la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt ACTC permet de conclure que la transmission d’un signal par le câblodistributeur constitue également une exécution publique.

Mes collègues décident qu’il s’agit de deux exécutions séparées. L’une, celle des télédiffuseurs, engagerait une responsabilité complète pour le paiement des droits, indépendamment du mode de réception; l’autre, celle des câblodistributeurs, n’engagerait aucune responsabilité, vu l’exemption prévue au paragraphe 28.01(2) de la Loi.

Ma lecture de l’arrêt ACTC me porte à croire qu’il s’agit d’une même exécution publique, délivrée à l’audience par deux médias différents. Comme l’écrit le Juge Létourneau :

[TRADUCTION] Cela étant dit, si l’on entend faire reposer sur l’abonné l’ultime responsabilité pour la matérialisation de l’exécution publique et par conséquent, de la violation du droit d’auteur, il ne fait aucun doute, si l’on donne au mot « autorisation » une interprétation libérale qui tienne compte de son sens ordinaire, que l’appelant autorise la matérialisation effectuée par l’abonné. [51]

Si tel est le cas, est-il raisonnable de décider que le télédiffuseur encourt 100 pour cent du coût de la responsabilité à l’égard des auteurs, parce que les câblodistributeurs jouiraient d’une franchise légale ?

Je ne trouve aucun texte ou support juridique pour justifier ce transfert de responsabilité.

TARIF 2.B (OFFICE DE LA TÉLÉCOMMUNICATION ÉDUCATIVE DE L’ONTARIO)

ET

TARIF 2.C (SOCIÉTÉ DE RADIO-TÉLÉVISION DU QUÉBEC)

Le projet de tarif de la SOCAN pour 1993, qui avait été déposé avant que la Commission ne rende sa décision concernant le tarif de TVOntario pour 1992, aurait porté à 364 696,50 $ le prix que TVOntario paye pour l’usage qu’elle fait de la musique. Pour Radio-Québec, ce prix aurait été porté à 240 988,45 $. TVOntario et Radio-Québec se sont opposées à ces tarifs. Le 18 février 1993, la Commission fixait à 272 800 $ la redevance payable par TVOntario en 1992; la redevance payable par Radio-Québec était fixée à 234 080 $.

Par la suite, la SOCAN a déposé auprès de la Commission deux ententes intervenues entre elle et TVOntario et Radio-Québec. Ces ententes demandent que les tarifs soient maintenus en 1993 au même niveau qu’en 1992.

Ces ententes sont conformes à la formule dont la Commission s’est servie en 1992 pour tenir compte de l’inflation, formule qu’elle entend utiliser à nouveau cette année. L’augmentation de l’indice des prix à la consommation ayant été inférieure à deux pour cent pour la période allant de juin 1991 à juin 1992, les montants en argent utilisés dans les tarifs pour 1993 resteront les mêmes qu’en 1992. Par conséquent, la Commission certifie les tariffs 2.B et 2.C pour 1993 de façon à donner effet aux ententes en question.

TARIF 3 (CABARETS, CAFÉS, CLUBS, BARS À COCKTAIL, SALLES À MANGER, FOYERS, RESTAURANTS, AUBERGES, TAVERNES ET ÉTABLISSEMENTS DU MÊME GENRE);

TARIF 12 (ONTARIO PLACE CORPORATION, CANADA’S WONDERLAND ET AUTRES ÉTABLISSEMENTS DU MÊME GENRE);

TARIF 18 (MUSIQUE ENREGISTRÉE UTILISÉE À DES FINS DE DANSE);

ET

TARIF 20 (BARS KARAOKÉ ET ÉTABLISSEMENTS DU MÊME GENRE)

La SOCAN a conclu des ententes par rapport à tous ces tarifs pour 1992 et 1993. Des ententes ont été conclues avec l’Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires par rapport aux tarifs 3, 18 et 20; avec l’Association des hôtels du Canada par rapport aux tarifs 3 et 18; avec l’Ontario Place Corporation et la Canadian Alliance of Music Presenters par rapport au tarif 12.A; et avec Canada’s Wonderland par rapport au tarif 12.B. Notons que les deux dernières ententes touchent également les années 1994 et 1995.

La Commission a adressé à la SOCAN certaines questions portant sur des différences existant entre les tarifs 12.A et 12.B. Dans l’ensemble, la Commission est satisfaite des éclaircissements que la SOCAN lui a fournis.

La Commission certifie donc, pour 1993, les tarifs 3, 12, 18 et 20 de façon à donner effet aux ententes en question.

TARIF 5.A (EXPOSITIONS ET FOIRES);

TARIF 13.A (AVIONS);

ET

TARIF 16 (FOURNISSEURS DE MUSIQUE)

Les tarifs proposés pour 1993 sont les mêmes que les tarifs approuvés pour 1992. Ils reflètent les ententes intervenues entre les intéressés. Il n’y a eu aucune opposition à ces tarifs. La Commission certifie, pour 1993, les tarifs 5.A, 13.A et 16 de façon à donner effet aux ententes en question.

TARIF 10 (PARCS, RUES OU PLACES PUBLIQUES)

Les projets que la SOCAN avait déposés pour 1992 et 1993 demandaient d’augmenter les montants qui sont portés à ce tarif. La SOCAN demandait aussi que les concerts exécutés dans les parcs soient assujettis au tarif 4 plutôt qu’à un tarif séparé. L’Ontario Recreational Facilities Association (ORFA) a déposé à l’égard de ce tarif une opposition qu’elle a retirée le 9 novembre 1993.

La Commission est elle aussi d’avis que les concerts qui faisaient jusqu’ici l’objet du tarif 10 devraient être assujettis au tarif applicable aux concerts en général. Par ailleurs, compte tenu de la formule d’ajustement que la Commission avait retenue en 1992 et retient encore pour les montants en argent utilisés dans les tarifs de 1993, les montants portés au tarif 10 en 1992 seront augmentés de 4,3 pour cent par rapport à 1991, et resteront les mêmes en 1993 qu’en 1992.

TARIF 14 (EXÉCUTION D’ŒUVRES PARTICULIÈRES)

Le projet de tarif 14 de la SOCAN pour 1993 comportait des hausses importantes par rapport à 1992. Malgré cela, personne ne s’y est opposé.

La Commission a adressé à la SOCAN des questions ainsi que des commentaires à cet égard. Suite à ces démarches, la SOCAN, dans une lettre en date du premier octobre 1993, a avisé la Commission qu’elle acceptait que le tarif soit maintenu à son niveau de 1992. La Commission certifie donc le tarif à ce niveau.

TARIF 15.A (MUSIQUE DE FOND)

Compte tenu de la formule d’ajustement que la Commission retient pour les montants en argent utilisés dans les tarifs de 1993, le tarif 15.A pour cette année restera le même qu’en 1992.

TARIF 15.B (ATTENTE MUSICALE)

Les projets que la SOCAN avait déposés pour 1992 et 1993 comportaient un nouveau tarif pour l’exécution de musique enregistrée pour fins d’attente au téléphone. La redevance pour 1992 aurait été de 91,85 $ pour une ligne principale de standard plus 2 $ pour chaque ligne principale de standard additionnelle; en 1993, elle aurait été de 93,04 $ et de 2,03 $ respectivement. Personne ne s’est opposé à ce tarif en 1992 ou en 1993.

La Commission a demandé à la SOCAN divers suppléments d’information à cet égard. Elle tenait tout particulièrement à clarifier la notion de « ligne de standard principale » qui sert de toile de fond à ce tarif. Suite à ces échanges, la SOCAN a incorporé à son projet de tarif pour 1994 une définition de cette expression. La Commission la trouve acceptable et s’en sert dans la présente décision.

Le 3 novembre 1993, la SOCAN a confirmé le fait qu’il serait peu pratique, compte tenu du temps écoulé, de certifier un tarif pour l’année 1992. Pour l’année 1993, la Commission établit le taux de base au même montant que la redevance minimum payable en vertu du tarif 15.A, et à 2 $ la redevance payable pour chaque ligne de standard additionnelle.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] La décision de la Commission d’appel du droit d’auteur pour l’année 1987, publiée en anglais sous le titre de Copyright Appeal Board 1987 Report (1987), 15 CPR (3d) 129, comporte aux pp. 134-135 un historique plus complet de ce tarif.

[2] Transcription, pp. 712, 771-772, 800-806.

[3] M. Forsyth, transcription, p. 458; SOCAN-3, p. 21.

[4] Transcription, pp. 432-435; SOCAN-3, p. 20.

[5] Transcription, p. 885.

[6] Transcription, p. 129; SOCAN-2.

[7] Transcription, pp. 243-245.

[8] Transcription, p. 1055.

[9] Durant la période qu’a retenue le professeur Liebowitz, les coûts de programmation ont grimpé de 494 pour cent et les revenus de 405 pour cent.

[10] SOCAN-4, tableau 2, p. 12.

[11] Fait intéressant à noter, le professeur Liebowitz souligne (SOCAN-4, p. 11) que pour la période de référence, l’augmentation des revenus suit de près l’augmentation médiane des coûts de production : huit des intrants ont vu leurs prix augmenter plus rapidement que les revenus, cependant que sept ont moins augmenté.

[12] Le taux américain semble être de 2,8 pour cent : ACR-8.

[13] Voir les décisions portant sur la retransmission 1989-1, p. 21 (p. 18 dans ce recueil), et 1991-10, p. 22 (p. 151 dans ce recueil).

[14] Voir infra, pp. 17-18 (p. 147 dans ce recueil).

[15] Transcription, pp. 418-419.

[16] Transcription, pp. 1166-1168.

[17] Réplique de la SOCAN, p. 6.

[18] Ces détails se retrouvent dans la pièce SOCAN-26.

[19] Au début des audiences, la SOCAN a demandé à ce que l’assiette servant à établir les droits payables par les stations affiliées à un réseau soit élargie. La Commission a rejeté cette requête : voir transcription, pp. 8 à 27, 245 et 246.

[20] Exécution publique, dossier 1990-4, décision du 31 juillet 1991 [ci-après « Exécution publique, 1991 »], p. 16 (p. 297 dans ce recueil).

[21] Argumentation, para. 47.

[22] PROCAN c. Canadian Broadcasting Corporation, supra., pp. 449 (Heald J.) et 452 (Mahoney J.).

[23] CAPAC c. Canadian Broadcasting Corporation, supra, p. 450 (M. le juge Mahoney).

[24] Voir, par exemple, le témoignage de M. Morley, transcription, pp. 336 et suivantes, sur la rémunération exprimée en termes de « points ». Voir aussi le témoignage de M. Crawley, transcription, p. 2208.

[25] Argumentation de l’ACR, paragraphes 84-86.

[26] Exécution publique, 1991, p. 20 (p. 300 dans ce recueil).

[27] Transcription, pp. 923-924.

[28] Ce que les parties ont appelé les front-end payments.

[29] Ce que les parties ont appelé les back-end payments.

[30] Transcription, p. 1934.

[31] À cet égard, il existe une distinction importante entre la présente affaire et celle qui a fait l’objet d’une ordonnance de révision judiciaire dans l’affaire PROCAN c. Canadian Broadcasting Corporation (1986), 7 CPR (3d) 433 (CAF). Dans cette affaire, l’honorable juge Heald avait conclu à la p. 449 qu’en l’absence de fondement rationnel autonome pour une formule tarifaire, le fait que la formule ait existé depuis longtemps ne constitue pas une considération pertinente. Tel n’est pas le cas si la formule tarifaire reflète raisonnablement le prix qui devrait être payé pour l’usage dont il est question, sans égard au fait que le tarif ait été en place depuis un certain temps.

[32] Voir, entre autres, le témoignage de MM. McCabe, Scarth et Scapilatti (pour l’ACR) et de M. Kirk (pour la SOCAN), ainsi que la pièce ACR-4.

[33] Transcription, p. 398.

[34] Voir l’article 70.63(2).

[35] Cela explique peut-être le fait que le Directeur des enquêtes ait décidé de ne pas s’opposer à la fusion de la CAPAC et de la SDE.

[36] Transcription, pp. 922-923.

[37] Transcription, pp. 1305-1306.

[38] Par contre, les stations qui utilisent peu de musique protégée ont accepté de se plier à un mécanisme de rapport qui rend le fardeau de surveillance de la SOCAN beaucoup plus supportable.

[39] En théorie, un compositeur pourrait décider de ne pas adhérer à la SOCAN. Cette hypothèse n’est toutefois pas réaliste.

[40] Cette conclusion découle nécessairement du passage contenu dans l’arrêt CAPAC c. CTV, [1968] RCS 676, [CAPAC] à la p. 683, où le juge Pigeon parle en termes de [TRADUCTION] « l’usage fait du droit d’auteur en exécutant les œuvres au moyen d’une diffusion télévisuelle ».

[41] La transmission effectuée par un diffuseur est publique de par sa nature : voir ce qu’en dit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CTV Television Network c. Canada (Commission du droit d’auteur) (1993), 46 CPR (3d) 343 (CAF) [CTV], 358c-d, par rapport aux stations affiliées au réseau CTV. Par contre, la transmis-sion effectuée par CTV à ses stations affiliées est privée : CTV, 357a-358d. Il en est de même de la transmission entre un service spécialisé et un retransmetteur.

[42] Association canadienne de télévision par câble c. Canada (Commission du droit d’auteur) (1993), 46 CPR (3d) 359, (CAF) [ACTC], 371c. [l’italique est de nous]

[43] ACTC, 371g.

[44] ACTC, 371g. Cet énoncé dispose par ailleurs de la prétention voulant que le choix exercé par le spectateur détermine qui du diffuseur ou du retransmetteur exécute la musique portée sur un signal en clair. Pour que l’abonné au câble choisisse, entre deux exécutions, celle qu’il désire regarder, il faut que deux exécutions aient eu lieu.

[45] La Cour suprême du Canada a même laissé entendre que dans l’établissement de redevances, la Commission pourrait tenir compte de revenus découlant d’activités qui sont clairement exclues du champ d’application de la Loi : CAPAC, 683.

[46] Voir CAPAC, 682-3; ACTC, 368h.

[47] La Commission peut tenir compte des pratiques de marchés dans l’établissement du prix de la licence d’exécution publique de musique : PROCAN c. Canadian Broadcasting Corporation (1986), 7 CPR (3d) 433 (CAF), 450 (M. le juge Mahoney).

[48] Les décisions de la Commission portant sur les redevances à payer par TVOntario, la SRC et Radio-Québec, décisions auxquelles l’ACR fait référence à la page 13 de son argumentation écrite, sont toutes fondées sur la part d’écoute, peu importe que cette part soit dérivée ou non du câble.

[49] Re Royalties for Retransmission Rights of Distant Radio and Television Signals (1990), 32 CPR (3d) 97 (Copyright Board), 139a. La version française de cette décision n’a pas été publiée : la citation se retrouve à la page 60 de la décision (p. 53 dans ce recueil) émise par la Commission.

[50] Mémoire de l’ACR, p. 9.

[51] ACTC, 371h.

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