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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1994-08-12

Référence

DOSSIERS : 1991-13, 1992-PM/EM-1 et 1994

Régime

Exécution publique de la musique

Loi sur le droit d’auteur, article 67.2

Commissaires

M. le juge Donald Medhurst

Michel Hétu, c.r.

Mme Judith Alexander

Me Michel Latraverse

Motifs additionnels exprimés par M. le juge Medhurst oncernant les tarifs 4 et 5.B

Tarif des droits à percevoir pour l’exécution ou la communication par télécommunication au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1992, 1993 et 1994

Motifs de la décision

POUR LES ANNÉES 1992 À 1994 :

4, 5.B

Concerts

9

Événements sportifs

11

Cirques, spectacles sur glace, spectacles d’humoristes et spectacles de magiciens

POUR LES ANNÉES 1993 ET 1994 :

1.B

Radio non commerciale

7

Patinoires

8

Réceptions, congrès, assemblées et présentations de mode

19

Exercices physiques

POUR L’ANNÉE 1994 :

13

Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et établissements du même genre

5.A

Expositions et foires

10

Parcs, rues ou places publiques

12

Ontario Place Corporation, Canada’s Wonderland et établissements du même genre

13.A

Avions

14

Exécution d’œuvres particulières

15.B

Attente musicale

18

Musique enregistrée utilisée à des fins de danse

20

Bars karaoké et établissements du même genre

21

Installations récréatives exploitées par une municipalité, une école, un collège ou une université

I. INTRODUCTION GÉNÉRALE

Conformément à l’article 67 de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé auprès de la Commission un projet de tarif des droits à percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales, en 1994. Des projets au même effet avaient été déposés pour les années 1992 et 1993.

Ce projet de tarif a été publié dans la Gazette du Canada, le 9 octobre 1993. À cette occasion, la Commission avisa les utilisateurs éventuels et leurs représentants qu’ils pouvaient s’opposer à la certification du tarif, au plus tard le 6 novembre 1993. Les projets déposés pour les années 1992 et 1993 avaient aussi été publiés auparavant.

Les présents motifs portent sur les tarifs 4, 5.B, 9 et 11 (pour 1992 à 1994), les tarifs 1.B, 7, 8 et 19 (pour 1993 et 1994) ainsi que les tarifs 3, 5.A, 10, 12, 13.A, 14, 15.B, 18 et 20 (pour 1994). Le tarif 21 est ajouté en 1994. Les autres tarifs feront l’objet de décisions ultérieures.

II. FORMULATION DES TARIFS

Comme cela avait été fait dans la décision du 6 décembre 1993, et pour les motifs qui avaient alors été exposés, d’autres modifications ont été apportées au texte des tarifs certifiés. Encore une fois, les modifications ne changent pas le contenu des tarifs et visent à en rendre la lecture plus accessible au public.

III. L’ENTENTE SOCAN/CAMP

La Canadian Alliance of Music Presenters (CAMP), regroupement ad hoc d’usagers du droit d’exécution aux termes des tarifs 4 et 5.B (Concerts), 9 (Événements sportifs) et 11 (Cirques), s’est opposée à ces tarifs en 1992 et 1993. Le 9 août 1993, la SOCAN déposait une entente intervenue entre elle et la CAMP. L’entente traite de la plupart des éléments des tarifs auxquels la CAMP s’était opposée, pour des périodes allant, selon le cas, de 1992 à 1997.

Le 3 septembre, la Commission adressait un certain nombre de questions à la CAMP et à la SOCAN. Leurs réponses ont clarifié certains aspects de l’entente et disposé de quelques malentendus quant à son sens et à sa portée. La Commission a par ailleurs sollicité et reçu les commentaires de plusieurs personnes s’étant montrées intéressées aux tarifs visés dans l’entente. Certaines de ces personnes ont participé aux audiences portant sur les tarifs 4 et 5.B.

Les questions soulevées par l’entente sont analysées dans les passages de la présente décision portant sur les tarifs pertinents.

IV. DEMANDE D’UN TARIF DISTINCT TRAITANT DES INSTALLATIONS RÉCRÉATIVES

L’ancêtre de l’Ontario Recreational Facilities Association (ORFA) débuta ses activités en 1947. Ses quelque 2 000 membres incluent des récréologues, des entreprises, des associations et des municipalités ontariennes opérant des installations récréatives. La SOCAN en est un membre associé.

L’ORFA commença à s’intéresser aux questions de droit d’auteur au début des années 1980. La relation qu’elle entretient avec la SOCAN en est une de coopération mutuelle. Avec l’aide de celle-ci, elle tenta de renseigner ses membres sur l’obligation qui leur incombe de payer des redevances pour l’exécution publique de la musique, ainsi que sur la façon de traiter avec la SOCAN. Elle aida à la tenue de conférences portant sur le droit d’auteur en Ontario, de même qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan. L’ORFA semble avoir discuté de questions de droit d’auteur avec la plupart des associations qui lui sont apparentées à travers le Canada, sinon avec toutes. Elle assure la Commission que les regroupements d’installations récréatives du reste du Canada sont au courant de sa démarche auprès de la Commission et sont d’accord avec celle-ci.

L’opposition de 1993 de l’ORFA est la première ayant mené à la tenue d’audiences, d’autres oppositions, remontant jusqu’en 1987, ayant été retirées. Un échange de correspondance entre l’ORFA et la Commission a permis d’établir que son opposition pour 1993 visait les tarifs 7 (Patinoires), 8 (Réceptions, présentations de mode), 9 (Événements sportifs), 11 (Cirques) et 19 (Exercices physiques).

Les audiences portant sur ces tarifs furent retardées afin de permettre la poursuite de négociations entre l’ORFA et la SOCAN. L’examen de ces tarifs fut mis en branle lorsqu’il devint clair qu’une telle entente était impossible. L’audience visant à examiner la proposition de l’ORFA eut lieu le 14 décembre 1993. L’ORFA proposa l’adoption de deux tarifs supplémentaires qui viseraient les installations récréatives propriété d’une municipalité.

Le premier tarif, « la proposition A », servirait d’alternative aux tarifs 7, 9 et 11. Il permettrait l’achat d’une licence annuelle pour chaque installation couvrant tous les événements au cours desquels la musique est utilisée à des fins secondaires et où la majorité des participants sont âgés de moins de dix-neuf ans. La redevance annuelle serait de 75 $, augmentant à 150 $ si des frais d’entrée étaient exigés pour quelque événement que ce soit couvert par la licence durant l’année.

Le deuxième tarif, « la proposition B », servirait d’alternative aux tarifs 8 et 19. Il permettrait l’achat d’une licence annuelle couvrant les événements à l’occasion desquels la musique est un élément secondaire. Le prix par local serait en fonction du nombre d’« événements-jours » ou du nombre moyen de locations au cours de l’année, passant de 125 $ si le nombre d’événements-jours ne dépasse pas 52, augmentant à 275 $ pour la tenue de 53 à 156 événements-jours, et atteignant finalement 500 $ si le nombre d’événements-jours dépasse 156.

Les échanges portant sur la proposition de l’ORFA ont porté sur plusieurs questions.

A. RESPECT DES TARIFS

La SOCAN a raison de dire que très peu de preuve a été versée au dossier de la présente affaire pour déterminer dans quelle mesure les municipalités se conforment aux tarifs. Néanmoins, la Commission est d’accord avec l’ORFA pour dire que cela semble poser un sérieux problème. En 1992, 753 des quelque 3 900 municipalités canadiennes ont obtenu une licence au titre de l’un ou l’autre des tarifs. [1] La Commission considère très improbable que 80 pour cent des municipalités n’aient jamais besoin d’obtenir de licence de la SOCAN.

La preuve portant sur le nombre d’établissements détenant une licence semble confirmer l’existence d’un problème. L’ORFA évalue à 2 000 le nombre d’installations récréatives en Saskatchewan et en Ontario, et à plus de 4 000 pour l’ensemble du Canada. Au Canada, en 1992, seulement 1 156 de ces établissements détenaient une licence de la SOCAN.

La Commission partage aussi le point de vue de l’ORFA quant aux deux sources principales de ce problème. D’abord, plusieurs opérateurs ne savent tout simplement pas qu’il leur faut détenir une licence s’ils exécutent de la musique en public, et encore moins qu’il leur en faut peut-être plus d’une. Avant que l’ORFA devienne consciente de cette possibilité, il semble qu’on tenait généralement pour acquis que la redevance prévue par le tarif 7 visait tous les usages de musique dans un établissement.

Ensuite, la structure tarifaire actuelle est perçue comme étant inutilement complexe, difficile à comprendre et à administrer. Certes, la SOCAN offre aux municipalités des accommodements leur permettant d’acheter une licence pour tous leurs établissements. M. Perkins a aussi probablement raison de dire que les municipalités maintiennent déjà à d’autres fins les renseignements dont ils doivent faire part à la SOCAN. Ces facteurs aident sans doute à réduire la complexité administrative des tarifs. Toutefois, cela ne suffit peut-être pas à modifier la façon des intéressés de voir les choses. Qui plus est, l’obligation de faire rapport à plusieurs reprises et en vertu de plusieurs tarifs n’a pas pour effet d’encourager les gens à s’y conformer.

L’ORFA soutient qu’un tarif plus transparent, plus simple à administrer et qui réduit au minimum les exigences de rapport pour chaque établissement amènerait les intéressés à se conformer davantage à leurs obligations. Elle soutient aussi qu’un tarif unique aurait de meilleures chances de survivre aux débats qui entourent les budgets municipaux. La Commission partage ce point de vue en ce qui concerne les municipalités plus petites.

B. ÉVOLUTION DE L’INDUSTRIE

L’ORFA soutient par ailleurs que les installations récréatives fournissent aujourd’hui des services plus variés que par le passé, faisant en sorte qu’elles sont plus susceptibles de devoir verser des redevances au titre de plusieurs tarifs. La Commission partage aussi ce point de vue. La preuve démontre que 70 pour cent des établissements détenant une licence en vertu du tarif 7 ne détiennent que cette seule licence; cela ne veut pas dire pour autant que ces établissements n’aient pas besoin d’autres licences, ou qu’ils soient utilisés à une seule fin.

C. L’IMPACT DES VERSEMENTS EFFECTUÉS AU TITRE DE PLUSIEURS TARIFS

L’ORFA soutient que les versements effectués en vertu de plusieurs tarifs qui, pris individuellement, sont équitables, peuvent imposer un fardeau financier excessif aux installations récréatives multifonctionnelles.

Il se peut fort bien que les redevances minimums soient trop lourdes soit pour ceux qui versent des droits en vertu de plusieurs tarifs, soit pour ceux à qui un tarif impose le versement répété d’un prix minimum pour un même usage. La situation est d’autant plus complexe que différents tarifs utilisent des unités de calculs différentes : événement, période de temps, nombre de participants, superficie, etc. C’est ainsi que le prix payé pour la musique exécutée durant des présentations de mode ayant attiré 1 000 spectateurs au total au cours d’une année augmente dans la mesure où le nombre de personnes présentes à chaque présentation diminue. Et pourtant, il se peut fort bien que ce nombre soit fonction de la population d’une communauté; si tel est le cas, les petites communautés se trouvent à payer davantage que les organisations importantes et ce, bien qu’elles desservent le même nombre de personnes.

D. IMPACT SUR LE MONTANT DES REDEVANCES VERSÉES À LA SOCAN

La SOCAN soutient que la formule proposée par l’ORFA réduirait ses revenus. L’ORFA répond que cette structure tarifaire permettrait d’en arriver à une distribution plus équitable du fardeau financier parmi l’ensemble des usagers. En ce moment, plusieurs usagers ne respectent pas les obligations qui leur incombent aux termes des tarifs. Un tarif plus simple et multifonctionnel serait plus largement respecté; cela pourrait aisément compenser la perte de revenus résultant d’une diminution du prix.

E. ASPECTS PRATIQUES DES TARIFS PROPOSÉS

La Commission s’entend avec la SOCAN pour dire que les tarifs proposés par l’ORFA, tels que présentés, sont inacceptables.

La proposition A comporte plusieurs faiblesses. La Commission trouve néanmoins attrayante la proposition d’un tarif multifonctionnel. Elle croit aussi que le dossier de la présente affaire contient suffisamment d’éléments pour lui permettre de mettre au point une formule tarifaire qui remplace la proposition A, et qui satisfasse aux attentes légitimes exprimées par l’ORFA et dispose des objections soulevées par la SOCAN.

Premièrement, elle suppose que la majorité des participants aient moins de dix-neuf ans. Il s’agit d’un facteur difficile à vérifier tant pour la SOCAN que pour l’établissement. La Commission le considère impraticable.

Deuxièmement, un tarif comportant deux prix, dont un de 75 $ lorsque l’entrée à tous les événements est libre, garantirait à toutes fins utiles une perte de revenus pour la SOCAN. La Commission n’entend pas créer par inadvertance une telle réduction où l’on n’en demande pas une. Le prix pour un tarif multifonctionnel ne saurait être inférieur au prix minimum le plus élevé des tarifs qu’il est censé remplacer, et devrait être suffisamment élevé pour permettre qu’éventuellement, la SOCAN obtienne au moins des revenus du même ordre de la part du groupe d’usagers concernés. Le prix de 150 $ proposé par l’ORFA devrait permettre d’atteindre ce résultat.

Troisièmement, l’ORFA dispose des problèmes soulevés par les prix minimums en établissant un prix maximum. Les établissements à faibles revenus ont peut-être besoin de la commodité qu’apporte un tarif multifonctionnel; par contre, ceux dont les activités génèrent des revenus importants devraient payer le même prix que les autres usagers dont la situation est similaire. Le tarif devrait prévoir que l’établissement dont les revenus dépassent un certain montant est assujetti aux autres tarifs de la SOCAN. Ce montant devrait probablement être celui qui générerait la même redevance en vertu du tarif touchant le plus grand nombre d’usagers visés. C’est ainsi qu’au taux de 1,2 pour cent, il faut que les revenus de patinage d’un usager atteignent 12 500 $ pour qu’il verse une redevance de 150 $. C’est ce chiffre dont on se servira dans le tarif final.

Quatrièmement, il faudrait éliminer clairement de la portée du tarif les activités que la proposition de l’ORFA n’entend pas englober : les cirques, les spectacles sur glace (sauf un « carnaval » annuel), le hockey junior et professionnel, etc.

Cinquièmement, compte tenu de la preuve versée au dossier, le tarif devrait viser les établissements exploités par les municipalités, peu importe qu’ils soient ou non la propriété de la municipalité. Pour le même motif, les écoles, collèges et universités devraient aussi pouvoir en bénéficier.

Sixièmement, le tarif devrait permettre aux établissements visés par un seul tarif de continuer de verser des redevances en vertu de ce tarif.

La proposition B présente les mêmes désavantages que la proposition A. Par ailleurs, elle repose sur une prémisse qui va à l’encontre du bon sens : on ne saurait raisonnablement soutenir que l’usage de musique est secondaire dans la danse. [2] En tentant, pendant les audiences, de ramener la portée de la disposition aux événements au cours desquels la danse ne joue pas un rôle de premier plan, l’ORFA n’a réussi qu’à embrouiller advantage le débat. Qui plus est, le concept d’événements-jours est confus, du moins dans la forme présentée par l’ORFA.

Par ailleurs, la proposition met en cause le traitement équitable des autres usagers. Le traitement des établissements visés par la proposition serait différent de celui des opérateurs privés, assujettis aux tarifs 8 ou 19. Tout comme M. Perkins, la Commission croit à la nécessité de permettre aux intéressés d’être traités de façon égale.

La Commission n’est pas en mesure en ce moment de modifier la proposition B de façon satisfaisante et ce, bien que la structure des tarifs 8 et 19, pour autant qu’ils visent les installations récréatives, pose des difficultés qui méritent d’être examinées. La Commission rejette la proposition B telle que formulée; toutefois, elle encourage fortement la SOCAN et l’ORFA à élaborer une formule ne présentant pas les inconvénients de la proposition de l’ORFA ou des tarifs actuels.

F. CONCLUSION

L’ajout d’un tarif à ceux qui existent déjà devrait permettre de réduire le fardeau qu’impose l’ensemble du système. Plusieurs détenteurs de licences auront la possibilité de faire rapport à la SOCAN moins souvent, et aux termes d’un seul tarif. Par le fait même, le nombre de licences que la SOCAN devra émettre sera également réduit.

Tout comme l’ORFA, la Commission espère qu’un tarif multifonctionnel permettra de maintenir les revenus de la SOCAN à leur niveau actuel, ou même de les augmenter, tout en allégeant le fardeau administratif des intéressés. La Commission prend note de l’engagement de l’ORFA visant à augmenter à 2 000 le nombre d’établissements détenteurs d’une licence et se conformant pleinement aux tarifs d’exécution publique de la musique dans un avenir rapproché.

Étant nouvelle, cette formule tarifaire est nécessairement expérimentale. C’est la raison pour laquelle elle est appliquée uniquement pour l’année 1994; l’adopter pour 1993 aurait ajouté inutilement au fardeau administratif de la SOCAN et des usagers, ce que le nouveau tarif vise précisément à éviter. La Commission s’attend à ce que la SOCAN et l’ORFA contrôlent le tarif et ses effets et l’informent de tout ajustement qu’il y aurait lieu d’apporter.

V. TARIF 1.B (RADIO NON COMMERCIALE)

A. HISTORIQUE DEPUIS 1991 [3]

Le tarif 1.B vise les stations de radio non commerciales, soit les stations communautaires, étudiantes et autochtones. Depuis déjà un certain temps, ces stations sont assujetties à des redevances établies en fonction de leurs dépenses d’exploitation.

En 1991, suite à l’opposition de l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires (ANREC) et après avoir tenu des audiences, la Commission ramena le taux applicable de 3,2 pour cent à 2,7 pour cent.

En 1992, la SOCAN demanda que le taux passé à 5 pour cent. L’ANREC, l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARC) et l’Association des radios communautaires du Québec (ARCQ) formulèrent des oppositions. La SOCAN et les opposants s’entendirent pour maintenir le taux à 2,7 pour cent et pour tenter de mettre au point une formule tarifaire qui tienne compte de l’usage de la musique et de la part d’écoute de chaque station. Dans la décision entérinant cette entente, la Commission disait voir d’un bon œil que la SOCAN s’engage à examiner avec les opposants la possibilité de fonder le prochain tarif sur la part d’écoute et sur l’utilisation de la musique.

Les projets de tarifs déposés par la SOCAN pour 1993 et 1994 visaient de nouveau à porter le taux à 5 pour cent. L’ANREC, l’ARC et l’ARCQ s’opposèrent à ces projets. Suite à de longues et infructueuses négociations, les opposants demandèrent, en juin 1993, la mise en branle du processus menant à des audiences publiques. Ces audiences eurent lieu les 1er et 2 décembre 1993.

Jusqu’au début des audiences, la position de la SOCAN est demeurée incertaine. Dans le mémoire qu’elle a soumis avant les audiences, elle demandait un tarif dont le taux et l’assiette seraient les mêmes que pour les stations commerciales : 3,2 pour cent des revenus. Pour leur part, les opposants proposèrent un taux de 1,9 pour cent des dépenses d’exploitation.

Tant la SOCAN que les opposants s’entendent maintenant sur deux points. Premièrement, les dépenses d’exploitation des stations devraient continuer à servir d’assiette tarifaire. Deuxièmement, la décision de la Commission devrait porter sur 1993 et 1994. Il ne reste donc qu’à établir un taux.

B. PROPOSITION DES STATIONS

Les opposants demandent que l’enveloppe des droits payables par les stations non commerciales soit fonction du rapport entre leur part d’écoute et celle des stations commerciales. Pour ce faire, ils proposent d’utiliser une formule où l’on combine l’information fournie par les stations au CRTC et à Statistique Canada et les données BBM. La formule semble avoir fait l’objet de discussions et d’un consensus de la part de l’ensemble des membres des trois associations.

On établirait d’abord le montant approximatif de redevances que la SOCAN devrait recevoir au titre du tarif 1.B en établissant un rapport entre la part d’écoute nationale de l’ensemble des stations non commerciales et celle des stations commerciales, et en appliquant ce rapport au montant des redevances versées à la SOCAN par les stations commerciales.

On établirait ensuite le taux applicable en divisant le montant obtenu dans la première étape par le montant des dépenses d’exploitation de l’ensemble des stations non commerciales, tel qu’établi dans les rapports que ces stations déposent auprès du CRTC et de Statistique Canada. [4] Le calcul effectué par les opposants donne un taux de 1,86 pour cent pour chaque station, qu’on arrondirait à 1,9 pour cent.

C. LA PREUVE

L’essentiel des témoignages a porté sur l’utilisation relative de la musique par les stations commerciales et non commerciales, sur la comparabilité de leurs opérations et sur la fiabilité des données d’écoute BBM portant sur les stations non commerciales.

i. Utilisation relative de la musique

Témoignant pour la SOCAN, M. Andrew Forsyth, un spécialiste du domaine des communications, a émis l’opinion que la musique protégée occupe à peu près la même proportion de temps d’antenne chez les stations non commerciales que chez les stations commerciales. Il fonda cette opinion sur une analyse des promesses de réalisation déposées auprès du CRTC par 82 stations non commerciales, ainsi que sur les résultats d’une étude de contenu musical.

Cette étude, touchant 11 stations que M. Forsyth jugeait « représentatives », visait à déterminer le nombre de pieces musicales diffusées au cours d’un vendredi en septembre ou octobre 1993. Elle fut coordonnée par le personnel de la SOCAN et effectuée par des étudiants localisés à divers endroits au Canada. On obtint une moyenne de 12 pièces diffusées par heure de temps d’antenne. En se servant des rapports fournis à la SOCAN par les stations commerciales pour le dernier trimestre de 1992, on en arrive à une moyenne de 10,4 pièces.

La preuve des opposants sur l’usage de la musique dresse un tableau assez différent. Leur analyse, fondée sur les rapports préparés pour le CRTC par quatre des stations retenues par M. Forsyth, pour la semaine au cours de laquelle la SOCAN avait effectué l’analyse d’une journée, donne une moyenne de 9 pièces. Les moyennes obtenues en se servant des rapports d’utilisation de musique fournis à la SOCAN par les stations non commerciales pour le dernier trimestre de 1992 et le premier trimestre de 1993 se situent quant à elles, autour de 8,8.

Les opposants ont malheureusement refusé de fournir à la SOCAN une copie de l’enregistrement de leurs journées de diffusion qu’ils doivent conserver pour se conformer aux règlements du CRTC. La production de ces bobines aurait permis d’établir sans équivoque la quantité de musique utilisée par les stations non commerciales.

Les parties s’entendent par ailleurs pour dire que le contenu verbal occupe une place plus importante chez les stations non commerciales que chez les stations commerciales. Elles n’ont toutefois pas établi si de cela résulte ou non une diminution du contenu musical : une augmentation du contenu verbal pourrait aussi s’expliquer en partie par une quantité moindre de messages publicitaires.

ii. Comparabilité des opérations

La Commission avait déjà souligné, dans sa décision du 31 juillet 1991, les différences marquées qui existent entre les stations de radio commerciales et non commerciales.

La SOCAN soutient que les stations non commerciales se rapprochent des stations commerciales sous tous les points dont il convient de tenir compte dans l’établissement du tarif. M. Forsyth a tenté de faire ressortir les similitudes qui existent entre elles à divers titres. Il leur est davantage possible que par le passé de présenter des messages publicitaires; certaines stations non commerciales en tirent maintenant une part importante de leurs revenus. Leurs revenus nets avant intérêts, la dépréciation et les taxes se compareraient favorablement à ceux des stations commerciales. La part des revenus affectés aux dépenses de programmation serait aussi similaire. M. Forsyth a toutefois admis volontiers que les objectifs des stations non commerciales et l’environnement dans lequel elles opèrent n’ont pas de commune mesure avec ceux des stations commerciales.

Pour leur part, les témoins des opposants, M. Roger Rhéaume, secrétaire-général de l’ARCQ, Mme Rina Thériault, secrétaire-générale de l’ARC, et M. Jeff Whipple, directeur-général de la station CHSR-FM (Frédéricton), vice-président (externe) et ancien président de l’ANREC ont fait ressortir les multiples facteurs qui distinguent les stations non commerciales des stations commerciales. Leur structure juridique est différente : il s’agit de corporations à but non lucratif dont certaines ont reçu le statut d’organisme de charité auprès de Revenu Canada. Leur programmation est diversifiée et vise à rejoindre toutes les couches sociales et tous les groupes d’âge; une large place est donnée à l’information locale ou régionale et à l’animation sociale. Elles font grand usage de musique locale, alternative, indépendante et nouvelle. Leurs sources de financement sont multiples. Toutes ont recours à un éventail de techniques de financement : radiothons, spectacles bénéfice, bingos, etc. Leur gestion s’articule en grande partie autour du travail de bénévoles. Ce sont eux qui font l’animation et qui établissent les politiques des stations; les employés permanents fournissent l’encadrement. Tant les réalités du marché que la réglementation du CRTC leur imposent des contraintes quant à la quantité et à la nature de la publicité qu’elles sont en mesure de diffuser et ce, bien que les différences au niveau de la publicité se soient atténuées depuis quelques années.

Mme Thériault a mentionné que les stations membres de l’ARC assurent un service aux communautés francophones minoritaires hors Québec. Par ailleurs, elle estime que les stations non commerciales ont, en moyenne, un temps d’antenne inférieur de 30 pour cent à celui des stations commerciales. Certaines stations non commerciales diffusent moins de 40 heures par semaine; par contre, la plupart des stations commerciales diffusent de la programmation durant la totalité des 126 heures que le CRTC considère comme étant la semaine de programmation.

M. Whipple a souligné certaines des contraintes auxquelles les stations étudiantes sont confrontées. Leur puissance de diffusion est limitée; elles se servent parfois de fréquences non protégées. 80 pour cent de leurs revenus provient des associations étudiantes qui les parrainent. La diffusion de grands succès est limitée à 15 pour cent du temps d’antenne. La publicité qu’elles diffusent doit être, d’abord et avant tout, de la commandite plutôt que de la publicité conventionnelle. M. Whipple est par ailleurs venu confirmer le témoignage de Mme Thériault quant au nombre d’heures de diffusion : il a établi que les stations non commerciales dont M. Forsyth s’était servi pour son étude ont une semaine de programmation de 99 heures, soit 78 pour cent de celle des stations commerciales. [5]

iii. Fiabilité des données d’écoute

Selon l’analyse des données du sondage BBM pour l’automne 1992 effectuée par M. Forsyth, les stations non commerciales obtiendraient :

  • 1,52 pour cent de l’écoute radiophonique dans les marchés où les données BBM attribuent à au moins une station non commerciale une écoute supérieure à zéro;
  • 1,22 pour cent de l’écoute dans les marchés où l’on retrouve au moins une station non commerciale, que les données BBM lui attribuent ou non une écoute; et
  • 0,97 pour cent de l’écoute pour l’ensemble des marchés canadiens.

Les opposants arrivent à des résultats légèrement différents de ceux de M. Forsyth, mais qui s’en rapprochent néanmoins. En se fondant sur des données fournies par le CRTC mais qui proviennent sans doute des mêmes sources, ils obtiennent une écoute de 0,92 pour cent pour la même période. Pour les sondages de l’automne 1990, du printemps et de l’automne 1990, de l’automne 1992 et du printemps 1993, l’écoute se situerait entre 0,90 pour cent et 1,04 pour cent, avec une moyenne de 0,94 pour cent.

La SOCAN soutient que les données d’écoute portant sur les stations non commerciales ne sont pas suffisamment fiables pour permettre qu’on s’en serve dans l’établissement des droits. Les opposants, sans offrir de preuve à cet égard, soutiennent le contraire.

M. Michael Hanson, expert-conseil en études de marchés et ancien vice-président de BBM, s’est joint à M. Forsyth pour étayer le point de vue de la SOCAN. Ils soulignent que la méthodologie utilisée par BBM vise avant tout à fournir des données fiables pour les stations obtenant une écoute relativement importante. Selon eux, divers facteurs, dont l’importance de l’échantillonnage et le taux de réponse, font en sorte que les résultats sont peu fiables pour les stations dont la cote d’écoute est faible, ainsi que dans les marchés de taille modeste. Or, toutes les stations non commerciales présentent l’une ou l’autre de ces caractéristiques. Cela expliquerait en partie l’instabilité des résultats obtenus par rapport à chaque station. M. Hanson a toutefois semblé tempérer son opinion à cet égard. Ayant d’abord qualifié les données BBM portant sur les stations non commerciales de not useful, il a semblé admettre qu’on pourrait y recourir aux fins d’une analyse plus globale. [6]

La preuve révèle par ailleurs que les trois-quarts des stations non commerciales n’obtiennent aucune écoute documentée par le sondage BBM.

D. ANALYSE

Il semble se dégager ce qui suit de la preuve.

Les différences qui existent entre les stations non commerciales et commerciales restent tout aussi significatives qu’elles l’étaient il y a deux ans. La Commission n’entend pas répéter ici ce qui a été dit à cet égard. L’atténuation de certaines de ces différences ne change d’ailleurs rien au fait que ces deux secteurs de l’industrie de la radio sont différents de par leur essence même.

Le temps d’antenne des stations non commerciales est inférieur d’environ 30 pour cent à celui des stations commerciales. Cela étant dit, les opposants eux-mêmes conviennent dans leur argumentation que cette différence est probablement reflétée dans les cotes d’écoute des stations.

Tous s’entendent pour dire que l’usage de musique protégée des stations non commerciales est beaucoup plus diversifié que celui des stations commerciales. Il est difficile toutefois de dégager des conclusions claires sur la quantité de musique protégée utilisée par les stations non commerciales. L’analyse des promesses de réalisation tendrait à démontrer qu’elle est à peu près la même que pour les stations commerciales. Par contre, les parties n’en viennent pas du tout au même résultat dans leur analyse du nombre de pièces diffusées à l’heure.

La preuve offerte à ce sujet n’est pas concluante. M. Forsyth admet que les promesses de réalisation ne reposent pas nécessairement sur l’usage réel. M. Whipple a cependant admis, en contre-interrogatoire, qu’elles constituent un reflet assez fidèle de l’utilisation de la musique par les stations non commerciales. La SOCAN reconnaît que son étude de contenu musical fondée sur l’écoute de 11 stations n’a pas de valeur scientifique. La programmation des stations non commerciales est plus diversifiée et moins prévisible que celle des stations commerciales; on peut donc douter de la fiabilité d’une étude portant sur une seule journée. Le CRTC semble d’ailleurs partager ce point de vue : lorsqu’il se livre à une analyse de la programmation d’une station non commerciale, il tend à analyser plus d’une journée de programmation. [7]

Pour leur part, les rapports dont les opposants se sont servis pourraient sous-estimer l’usage de la musique. On voit par ailleurs difficilement comment les opposants, ayant mis en doute la pertinence du choix de stations effectué par M. Forsyth pour les fins de son étude, peuvent par la suite présenter comme fiable une etude fondée sur 4 de ces stations. Il est loin d’être certain qu’on réussisse, en étirant la période d’examen, à corriger les défauts d’échantillonnage qui, selon les opposants eux-mêmes, sembleraient exister.

D’autres éléments de preuve font pencher la Commission en faveur du point de vue des opposants quant à la quantité de musique utilisée. Les stations commerciales et non commerciales préparent des rapports d’utilisation de la musique dans le but d’aider la SOCAN à distribuer à ses membres les redevances qu’elle perçoit. Ces rapports établissent le nombre de pièces jouées par heure à 8,8 pour les stations non commerciales et à 10,4 pour les stations commerciales. Cela étant dit, il n’est pas nécessaire, pour les fins de la présente affaire, de trancher cette question : les opposants ne demandent pas de réduction de tarif à ce titre et la SOCAN ne prétend pas que les stations non commerciales utilisent davantage de musique que les stations commerciales.

E. CONCLUSIONS

Les opposants demandent à la Commission de donner suite au désir qu’elle a exprimé d’établir un rapport plus étroit entre la part relative d’écoute des stations commerciales et non commerciales et le montant total des redevances que chaque groupe de stations est appelé à verser. Compte tenu de la preuve dont elle dispose, la Commission est d’avis qu’il faut faire droit à cette demande.

La Commission est sensible à certaines des craintes exprimées par Messieurs Forsyth et Hanson quant à la fiabilité des données BBM pour la radio non commerciale. [8] Elle ne croit toutefois pas que l’incertitude entourant ces données l’empêche d’y avoir recours pour établir le montant des droits à verser par ces stations. L’écoute pour l’ensemble des stations est nécessairement plus fiable que celle de chaque station prise séparément. Il est vrai que la part d’écoute de la radio non commerciale étant si faible, elle peut être sujette à des fluctuations importantes. L’usage de données d’écoute portant sur une plus longue période (cinq ans, par exemple) permettrait de réduire ces fluctuations et d’offrir à la SOCAN, comme aux stations, une certaine stabilité. Par ailleurs, on note que la part d’écoute nationale des stations non commerciales est restée relativement stable tout au long de la période pour laquelle une preuve a été déposée.

Les trois-quarts des stations non commerciales n’obtiennent aucune écoute lors des sondages BBM. Cela pourrait être source d’inquiétudes, n’eût été de deux facteurs qui ressortent de la présente affaire.

Premièrement, les données dont dispose la Commission la portent à croire que l’écoute réelle de ces stations est négligeable. Pour chaque station non commerciale recueillant une écoute dans les données BBM, il y en a trois qui ne recueillent rien. Si l’écoute réelle des stations « sans auditoire » était significative, l’écart entre la part d’écoute des stations non commerciales dans les marchés où les données BBM attribuent à au moins une station non commerciale une écoute supérieure à zéro (1,52) et dans ceux où l’on retrouve au moins une station non commerciale, peu importe qu’elle recueille ou non une part d’écoute (1,22), serait important. Or, comme on peut le constater, tel n’est pas le cas.

Deuxièmement, certaines des caractéristiques des stations non commerciales qui ressortent de la présente affaire pourraient justifier une réduction de prix. En effet, la méthodologie mise de l’avant par les opposants n’implique aucun traitement de faveur relié au mandat des stations ou à leur mode d’opération. Elle ne tient nullement compte du fait que ces stations semblent jouer moins de pièces musicales à l’heure que les stations commerciales, ou de ce qu’elles ont une semaine de diffusion nettement plus courte que les stations commerciales. Qui plus est, si l’on voulait corriger à la hausse les données d’écoute dont la Commission dispose, il faudrait aussi songer à examiner la pertinence de l’élimination des dépenses des stations autochtones (mais non de leur écoute) dans le calcul du tarif. La Commission est d’avis que l’utilisation de multiples correctifs aurait pour effet de compliquer inutilement la formule et que de toute façon, ces divers facteurs se compensent sans doute les uns les autres.

L’usage d’une formule telle que celle proposée par les opposants présente des avantages certains. Les données d’écoute, le montant des dépenses d’exploitation de l’ensemble des stations non commerciales et le montant des droits versés par les stations commerciales sont des chiffres auxquels les participants ont accès. Les parties pourront demander la modification du taux applicable sans avoir à se livrer à une preuve complexe, du moins jusqu’à ce que l’une ou l’autre décide de remettre en question la formule de calcul ou l’un de ses éléments.

Il n’y a pas eu d’argument présenté par les parties quant aux chiffres qu’il y aurait lieu d’utiliser dans le calcul du pourcentage. Le calcul effectué par les opposants se fonde sur des données de différentes périodes : sondages BBM de l’automne 1990, du printemps et de l’automne 1990 et de l’automne 1992, moyenne des redevances versées à la SOCAN par les stations commerciales en 1991 et 1992 et dépenses d’exploitation des stations non commerciales en 1992. D’autres données sont disponibles au dossier. En les utilisant, on obtient des taux qui varient entre 1,8 et 2,0 pour cent. Compte tenu des circonstances, de la preuve au dossier et des arguments présentés par les parties en faveur d’ajustements du taux à la hausse comme à la baisse, le taux de 1,9 pour cent des frais d’exploitation de chacune des stations non commerciales, tel que mis de l’avant par les opposants, paraît juste et équitable pour 1993 et 1994.

TARIF 3 (CABARETS, CAFÉS, CLUBS, BARS À COCKTAIL, SALLES À MANGER, FOYERS, RESTAURANTS, AUBERGES, TAVERNES ET ÉTABLISSEMENTS DU MÊME GENRE);

TARIF 12 (ONTARIO PLACE CORPORATION, CANADA’S WONDERLAND ET ÉTABLISSEMENTS DU MÊME GENRE);

TARIF 18 (MUSIQUE ENREGISTRÉE UTILISÉE À DES FINS DE DANSE);

ET

TARIF 20 (BARS KARAOKÉ ET ÉTABLISSEMENTS DU MÊME GENRE).

Ces tarifs reflètent des ententes que la SOCAN à conclues avec l’Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires (tarifs 3, 18 et 20), l’Association des hôtels du Canada (tarifs 3 et 18), l’Ontario Place Corporation et la Canadian Alliance of Music Presenters (tarif 12.A), et avec Canada’s Wonderland (tarif 12.B). Ces tarifs sont certifiés de façon à donner effet aux ententes en question.

VI. TARIFS 4 ET 5.B (CONCERTS)

A. INTRODUCTION

Plusieurs facteurs rendent nécessaire un examen détaillé du tarif concerts dans la présente décision. Il s’agit entre autres de l’importance des changements que la SOCAN demande d’y apporter, de l’entente SOCAN/CAMP et des propositions mises de l’avant par d’autres participants aux audiences.

L’introduction aborde l’historique du tarif concerts et décrit la position des participants. Certaines questions d’ordre général et juridique sont ensuite examinées. Suivent les concerts de musique populaire, puis les questions soulevées par les concerts gratuits et les redevances minimums. La dernière section traite des concerts de musique classique.

i. Historique jusqu’en 1982

La CPRS, ancêtre de la CAPAC, déposa un premier tarif pour l’exécution publique de la musique dans les salles de concerts en 1939. La redevance par concert était fonction du nombre de places disponibles. De 1939 à 1948, elle variait de 1 $ si le nombre de sièges était inférieur à 200 personnes, à 5 $ si ce nombre dépassait 500. La redevance annuelle minimum était de 5 $.

En 1949, la redevance pour les salles contenant 600 sièges passa à 6 $, augmentant jusqu’à 20 $ pour celles pouvant recevoir 2 500 personnes ou plus. La CAPAC fut expressément autorisée à émettre une licence générale annuelle au taux réduit dont elle pourrait convenir avec l’utilisateur. Les concerts communautaires firent l’objet d’un tarif distinct, établi selon le nombre d’abonnés à la série. Le prix par concert variait de 5 $ si le nombre d’abonnés ne dépassait pas 500, à 15 $ s’il dépassait 3 000. En 1954, la redevance minimum par concert passa à 5 $ et la redevance annuelle minimum fut abolie. En 1961, on établit des prix plus élevés, allant jusqu’à 25 $ pour les salles pouvant recevoir 3 000 personnes ou plus.

En 1981, on augmenta les prix prévus dans le tarif de la CAPAC : ainsi, la redevance de 5 $ passait à 6,25 $, et celle de 25 $ à 31,25 $. Par ailleurs, un taux de 0,175 pour cent des recettes au guichet commença à s’appliquer aux salles pouvant recevoir plus de 3 500 personnes. En 1982, les prix furent encore une fois relevés, pour s’établir entre 7,80 $ et 35,30 $.

BMI Canada, l’ancêtre de la SDE, déposa son premier tarif concerts en 1959. Le prix par spectacle fut établi à 3 $ pour une salle pouvant recevoir jusqu’à 6 000 personnes, augmentant jusqu’à 7,50 $ pour celles pouvant en recevoir plus de 12 000. En 1967, le tarif fut modifié de façon à établir une grille distincte pour la musique classique. Pour les autres genres de musique, la redevance fut fixée à 0,0075 $ par place disponible, et la redevance minimum à 5 $ par spectacle. Pour la musique classique, la redevance par spectacle variait entre 5 $ si le nombre de places disponibles ne dépassait pas 1 000, et 15 $ s’il dépassait 3 000. En 1972, on adopta un tarif pour les spectacles en plein air où des places assises ne sont généralement pas prévues, le prix étant fixé à 0,0075 $ par jour par personne. En 1981, le tarif fut établi à 0,125 pour cent de la recette au guichet pour la musique classique et à 0,175 pour cent pour les autres genres de musique; la redevance minimum passa à 10 $ par concert.

En 1982, la situation était donc la suivante :

  • la SDE percevait 0,125 pour cent de la recette des concerts de musique classique et 0,175 pour les autres, la redevance minimum étant de 10 $ par concert.
  • la CAPAC percevait 0,175 pour cent de la recette des salles pouvant recevoir plus de 3 500 personnes. Les autres versaient entre 7,80 $ et 35,30 $, selon le nombre de places. Les concerts communautaires versaient entre 7,80 $ et 23,40 $, selon le nombre d’abonnés. Aucune distinction n’était faite entre la musique classique et les autres.

Les tarifs concerts avaient jusque- soulevé peu de débats. Les choses allaient changer du tout au tout.

ii. Historique de 1983 à 1992

En 1983, la SDE et la CAPAC demandèrent que leur tarif soit porté à 3 pour cent, pour un taux combiné de 6 pour cent. Plusieurs oppositions furent déposées. La Commission d’appel du droit d’auteur augmenta le taux combiné à 0,5 pour cent pour la musique classique et à 2 pour cent pour les autres genres de musique. Elle conclut que des augmentations par des facteurs variant entre 16 et 40 seraient « excessives dans le cas d’une augmentation annuelle [et] susceptibles de créer des difficultés financières sérieuses aux producteurs de spectacles dans le contexte économique actuel », surtout en période de contrôle des prix et des salaires. Le taux pour les concerts de musique classique fut établi au quart de celui s’appliquant aux autres types de musique, la Commission étant d’avis que cela tiendrait compte de la quantité de musique protégée utilisée durant ces concerts.

En 1985, la Commission permit que le taux de 2 pour cent s’applique aux exécutions faites durant les expositions. Les opposants demandèrent une réduction des taux pour les concerts dont les recettes étaient inférieures à 50 000 $ ou supérieures à 250 000 $; le taux fut ramené à 1 pour cent sur les recettes dépassant 250 000 $.

En 1986, les deux sociétés demandèrent un taux combiné de 2 pour cent. Malgré cela, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) demanda que ce taux soit porté à 6 pour cent. La Commission rejeta cette demande au motif que cela affecterait l’équité du processus de certification des tarifs. On ne pouvait demander aux usagers de payer davantage que le prix établi dans les projets des sociétés de musique sans les en aviser et leur donner l’occasion de faire valoir leurs arguments à l’encontre d’une telle augmentation. Le nombre d’usagers potentiels était tel qu’il était tout simplement impossible de donner un tel avis. La Commission décida par la même occasion qu’une réduction du taux sur les recettes dépassant 250 000 $ était injustifiée et serait abandonnée.

En 1987, la demande de la CAPAC de porter son taux à 3 pour cent fut rejetée. La Commission conclut que les circonstances n’avaient pas évolué au point de justifier une telle augmentation.

En 1991, suite à la fusion de la CAPAC et de la SDE, la présente Commission établit pour la première fois un tarif unique pour les concerts; elle additionna tout simplement les taux existants. Dans cette décision, la Commission s’étendit assez longuement sur les variations de formules tarifaires. Elle se dit concernée par l’apparent manque de cohérence et de comparabilité entre les tarifs et leurs structures. Elle exprima l’espoir qu’un effort d’harmonisation des tarifs mènerait à long terme à un traitement plus équitable de tous les intéressés :

La Commission entend assurer une certaine cohérence entre les divers éléments du tarif pour l’exécution publique de la musique. L’incohérence peut mener à l’injustice. Cette question ne concerne pas uniquement les usagers; elle est au cœur même des préoccupations des membres de la SOCAN qui désirent obtenir une juste rémunération pour l’utilisation e leurs œuvres. [9]

iii. La présente affaire

La suite des événements s’est avérée longue et tortueuse.

Dans ses projets de tarif pour 1992, la SOCAN a clairement tenté de refléter certaines des préoccupations exprimées dans la décision de la Commission pour 1991, et plus particulièrement celles portant sur la cohérence et la comparabilité des tarifs. Ces projets, dont le projet de tarif concerts, comportaient plusieurs modifications.

La SOCAN demanda que le taux pour tous les concerts soit établi à 5 pour cent, soit une augmentation de 150 pour cent pour les concerts de musique populaire. La redevance minimum était relevée à 60 $ par concert, mais réduite à 30 $ si moins de 50 personnes assistaient à l’événement. Pour la première fois, la SOCAN demanda que les concerts gratuits soient assujettis au même taux que les concerts payants, le taux étant appliqué aux coûts de production plutôt qu’aux recettes. Les concerts de musique classique bénéficieraient d’une reduction en fonction de la durée des œuvres faisant partie du domaine public exécutées Durant le concert. La CAMP, la Canadian Band Association (Ontario), le Oshawa Civic Band, Canada’s Wonderland et la Kalso Concert Society s’opposèrent aux propositions de la SOCAN.

Le 27 janvier 1992, la Commission établit un calendrier des procédures. Le 22 avril, à la demande de la SOCAN et de la CAMP, la Commission retarda l’examen du tarif concerts afin de permettre la poursuite des négociations. Le 27 juillet, la Commission émit un nouveau calendrier des procédures, devant mener à la tenue d’audiences à partir du 28 octobre 1992. Ces audiences furent remises d’abord au 17 novembre 1992, à la demande de la SOCAN, puis indéfiniment à la demande de la SOCAN et de la CAMP.

Le 1er septembre 1992, la SOCAN déposa ses projets de tarif pour 1993. Le projet de tarif concerts était identique à celui déposé pour 1992, à l’exception d’une demande de hausse des redevances minimums à 60,78 $ et 30,39 $ respectivement. La CAMP redéposa son opposition.

Le 14 avril 1993, une conférence préparatoire fut tenue dans le but de discuter du calendrier des audiences. On fit mention d’une entente entre la CAMP et la SOCAN; Canada’s Wonderland annonça son intention de se conformer aux dispositions de cette entente.

Le 9 août 1993, la SOCAN déposa l’entente qui prenait effet le 20 novembre 1992; elle traitait des concerts de musique populaire, des concerts de musique classique exécutés par des orchestres, mais non du tarif applicable aux autres concerts de musique classique.

Le projet de tarif concerts de la SOCAN pour 1994 reflète les dispositions de l’entente SOCAN/CAMP. Le taux suggéré est de 2,2 pour cent pour tous les concerts, sans réduction de prix pour l’usage d’œuvres faisant partie du domaine public dans les concerts de musique classique. Les redevances minimums proposées sont celles de 1992, soit 60 $ et 30 $. Live Entertainment, l’Association canadienne des organismes artistiques (CAPACOA) et M. Patrick Cardy, professeur de musique, déposèrent des oppositions.

Durant toute cette période, la SPACQ manifesta continuellement son intérêt à l’égard du tarif concerts. Suite à certaines rumeurs concernant le contenu d’une éventuelle entente SOCAN/CAMP, elle écrit à la SOCAN et à la Commission pour exprimer ses préoccupations. Après avoir reçu la lettre de la Commission du 3 septembre 1993 et copie de l’entente, elle demanda de participer à part entière aux audiences portant sur les concerts de musique populaire. La Commission fit droit à cette demande. Elle conclut que la SPACQ offrirait un point de vue que ni la SOCAN, ni la CAMP ne pourraient ou ne voudraient exposer, ce qui pourrait aider la Commission à remplir son mandat de protection de l’intérêt public.

Une conférence préparatoire eut lieu le 2 février 1994. Des audiences suivirent du 25 au 28 avril 1994.

iv. Les points de vue des participants

Les oppositions, demandes d’intervention et commentaires portant sur le tarif concerts que la Commission a reçus au cours des trois dernières années sont trop nombreux pour les énumérer ici. Il y a lieu toutefois d’offrir une courte description des participants à la présente affaire et des positions qu’ils ont adoptées.

On ne sait trop ce que la SOCAN désire obtenir pour 1992 et 1993. Elle semble intimer que, vu l’écoulement du temps, il n’est pas nécessaire de certifier un tarif pour ces deux années. Pour 1994, elle demande que les projets soient approuvés tels que déposés.

La CAMP demande quant à elle que les tarifs pour 1992, 1993 et 1994 reflètent les dispositions de l’entente SOCAN/CAMP :

  • le tarif certifié pour 1992 serait le même qu’en 1991. La SOCAN et les membres de l’Association canadienne des orchestres (ACO) se conformeraient à l’entente de 1983.
  • en 1993, la formule tarifaire pour les concerts de musique populaire reprendrait celle déposée par la SOCAN pour cette année, mais au taux de 2,1 pour cent. Un tarif distinct pour les orchestres exécutant de la musique classique serait établi. Sa structure se rapprocherait de celle que la SOCAN propose pour 1994, mais les taux seraient légèrement plus bas.
  • en 1994, la formule tarifaire pour les concerts de musique populaire resterait la même, le taux passant à 2,2 pour cent. Les taux applicables aux orchestres seraient relevés, et deux catégories supplémentaires viseraient les orchestres dont le budget dépasse 5 millions de dollars.

L’entente SOCAN/CAMP entérine les redevances minimums proposées par la SOCAN; la CAMP n’a toutefois pas exprimé de point de vue à cet égard. La CAMP s’est aussi abstenue de débattre du projet de tarif « par événement » pour les concerts de musique classique.

La SPACQ compte parmi ses membres quelque 250 auteurs et compositeurs québécois, mais représente avant tout la centaine d’entre eux « qui font la chanson active ». Ils sont pratiquement tous embres de la SOCAN. [10] M. Luc lamondon, auteur de renom, en est le président depuis sa fondation en 1981. Elle s’est toujours beaucoup préoccupée des droits payables pour les concerts, qu’elle considère trop bas. Elle demande que la Commission fasse fi de l’entente SOCAN/CAMP et donne plutôt suite aux propositions de la SOCAN d’il y a deux ans en haussant à 5 pour cent le taux pour les concerts de musique populaire et en établissant la redevance minimum à 60 $. Elle a d’abord exprimé l’intention de s’attaquer uniquement à l’année 1994. Toutefois, son argumentation vise l’ensemble de la période sur laquelle la Commission est appelée à se prononcer.

La CAPACOA agit pour les organisations qui présentent des concerts, principalement dans les petites communautés et pour des clientèles de langue anglaise. [11] Elle demande que la redevance minimum soit fixée à 25 $ pour tous les concerts. Elle voudrait par ailleurs que la Commission adopte un tarif visant les organisations présentant des concerts de musique classique. Sa structure ressemblerait à celle du tarif pour les orchestres, mais les redevances varieraient entre 25 $ et 220 $ par concert, et seraient fonction de la recette potentielle de l’événement.

Live Entertainment est la seule société commerciale de présentation de spectacles en Amérique du Nord dont les actions soient cotées en bourse. Elle produit plusieurs comédies musicales et exploite le North York Performing Arts Centre. Elle demande que le taux pour les concerts de musique classique soit maintenu à son niveau de 0,5 pour cent, que les spectacles durant lesquels le répertoire de la SOCAN représente moins du tiers de la musique exécutée soient assujettis à un taux de 0,3 pour cent et que le tarif 14 (Exécution d’œuvres particulières) soit abrogé.

Au tout début, M. Cardy, président du comité des activités culturelles de l’Université Carleton, s’est présenté comme usager de musique. Toutefois, c’est clairement à titre de compositeur et d’ancien président de la Ligue canadienne des compositeurs qu’il s’est exprimé. Il s’entend avec la SPACQ pour dire que les taux suggérés dans l’entente SOCAN/CAMP sont trop bas et qu’un taux de 5 pour cent conviendrait davantage. Il se dit prêt néanmoins à accepter le taux de 2,2 pour cent propose par la SOCAN pour 1994, pour le tarif par événement » visant les concerts de musique classique, pour autant qu’il s’agisse d’un premier pas menant à un tarif de 5 pour cent. Par contre, il demande que le taux soit appliqué au montant le plus élevé des recettes au guichet ou des coûts de production. Il demande aussi que les prix applicables aux orchestres soient relevés d’environ 20 pour cent. Enfin, tout en se disant d’accord avec l’établissement d’une licence annuelle pour les séries de concerts, fondée soit sur la recette potentielle (comme le propose la CAPACOA) soit sur le budget de fonctionnement (comme c’est le cas pour les orchestres), il demande que le prix de cette licence soit fixé à un niveau beaucoup plus élevé que celui proposé par la CAPACOA.

B. QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL ET JURIDIQUE

Il y a lieu de disposer d’abord de quatre questions. Elles portent sur l’identité de ceux qui devraient pouvoir participer à la présente affaire, le poids de l’entente SOCAN/CAMP, la possibilité de certifier des tarifs plus élevés que ceux que la SOCAN a proposés et le besoin d’établir ou non des tarifs pour 1992 et 1993.

i. Les parties à la présente affaire

La CAMP et la CAPACOA demandent que la Commission ignore les récriminations de la SPACQ et de M. Cardy. Elles prétendent qu’il faudrait les obliger à s’en tenir à l’entente signée par la société en leurs noms. Selon elles, il ne faut pas que des membres désabusés de la SOCAN puissent se servir de la Commission pour débattre de questions relevant avant tout des mécanismes internes de la SOCAN.

Ces arguments ne sont pas pertinents. La Commission n’entend pas s’ingérer dans la gestion interne de la SOCAN. La question est de savoir si la SPACQ et M. Cardy sont en mesure d’aider la Commission [TRADUCTION] « à examiner, dans l’intérêt public, les projets de tarif, oppositions et répliques à celle-ci, et à certifier les redevances... ». [12] La Commission a déjà indiqué qu’elle désirait les entendre.

ii. L’entente SOCAN/CAMP

Deux questions ont été soulevées relativement à l’entente SOCAN/CAMP. Elles portent sur le poids qu’il y a lieu de lui accorder et sur la représentativité de la CAMP.

a. Le poids de l’entente

La SPACQ a raison de dire que l’entente ne lie pas la Commission. Tous les régimes de gestion collective du droit d’auteur prévus par la Loi prévoient des mécanismes de protection de l’intérêt public. Même les ententes qui dessaisissent la Commission peuvent être révisées par celle-ci sur demande du Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi sur la concurrence.

La SPACQ a aussi soutenu que l’entente ne saurait lier les parties. Fort heureusement, il n’est pas nécessaire de trancher cette question avant d’en arriver à une décision.

Peu importe son statut juridique, l’entente représente un consensus. Il s’agit d’un facteur parmi d’autres dont la Commission devrait tenir compte dans l’établissement de ce qu’elle croit être un tarif équitable. L’entente n’est toutefois pas déterminante. La fonction première de la Commission n’est pas de scruter, faire respecter ou ratifier les ententes intervenues entre des parties, mais bien d’établir des prix dans l’intérêt public. Les décisions de la Commission, [TRADUCTION] « pour autant qu’elles touchent les droits des particuliers, doivent être prises dans l’intérêt public ». [13]

Il est dans l’intérêt public de favoriser les négociations entre la SOCAN et les utilisateurs éventuels. Procéder devant la Commission peut être coûteux et crée de l’incertitude. Les accords favorisent la bonne entente. Même la SPACQ s’entend -dessus.

L’intérêt public exige par ailleurs que la Commission ne certifie pas aveuglément des tarifs au seul motif qu’ils reprennent les termes d’ententes intervenues avec certains usagers, si importants soient-ils. En fin de compte, il revient toujours à la Commission d’établir des taux justes et équitables compte tenu de l’ensemble des circonstances, y compris le fait qu’un projet de tarif déposé par la SOCAN puisse faire suite à une entente.

b. La représentativité de la CAMP

Ceux que la CAMP dit représenter sont des participants de premier plan dans l’industrie des concerts. Les sociétés et institutions dont les noms apparaissent en tant que membres de la CAMP dans le document déposé auprès de la Commission représentent une part importante des concerts de musique populaire et des redevances versées à la SOCAN au Canada.

Au Québec, les chiffres sont inférieurs, mais n’en demeurent pas moins importants. Toutefois, le témoignage de M. Plamondon, tout comme ceux de Messieurs Vinet et L’Espérance, deux des plus importants producteurs de concerts au Québec, établissent clairement que les membres de la CAMP ne représentent pas l’industrie des concerts francophones au Québec. [14]

Par ailleurs, le dossier de la présente affaire n’établit pas clairement dans quelle mesure chaque société ou institution a participé au processus menant à la conclusion de l’entente SOCAN/CAMP ou en a été informée. C’est un comité d’organisation, composé d’environ une demi-douzaine de personnes provenant des divers groups d’usagers intéressés par les tariffs visés dans l’entente, qui dirigeait la CAMP. La moitié de ces personnes étaient probablement intéressées au tarif concerts. M. William Ballard, qui contrôle Concert Productions International, a été l’âme dirigeante de la CAMP en ce qui concerne les concerts de musique populaire. L’avocat de la CAMP a dit ne pas savoir dans quelle mesure les membres du comité avaient communiqué avec les autres utilisateurs principaux. L’entente fut signée par M. Rock, directeur général, pour la SOCAN, et par M. Ballard pour la CAMP. Bien qu’elle prévoie l’adhésion de l’ACO et de certains producteurs anglophones de premier plan, la Commission n’a jamais reçu de confirmation à cet effet.

Il y a parfois lieu de tenir compte de la représentativité d’un participant dans l’établissement d’un tarif. Le caractère équitable de ce qu’il propose et la qualité de son argumentation sont toutefois déterminants. C’est pour ce motif que la participation d’une seule personne a suffi à convaincre la Commission en 1990 de ramener la redevance minimum pour les concerts à son niveau actuel.

iii. Le pouvoir de la Commission de fixer des tarifs plus élevés que ceux demandés par la SOCAN

La Commission d’appel du droit d’auteur a dû, à au moins une reprise, trancher une demande visant à établir des tarifs plus élevés que les projets qui avaient été publiés dans la Gazette du Canada. Elle décida qu’elle pourrait le faire, mais uniquement après avoir donné aux usagers éventuels un avis suffisant. Elle constata que cela pourrait s’avérer impossible à moins que tous les usagers soient déjà devant la Commission, comme c’est le cas d’un tarif visant un seul usager.

Cette Commission croit elle aussi qu’elle est en mesure d’approuver des tarifs plus élevés que ceux qui ont été déposés. Elle retient deux arguments au soutien de cette prétention.

Premièrement, il est clair que la Commission peut apporter des changements importants à la formule tarifaire. [15] Il est presque inévitable qu’à la suite de telles modifications, certains utilisateurs aient à payer plus cher en vertu du tarif certifié que ce qu’ils auraient eu à payer selon les termes de la proposition de la SOCAN.

Deuxièmement, si les propositions de la SOCAN imposaient une limite absolue, l’utilisateur pourrait toujours demander une réduction, mais les autres intéressés ne pourraient jamais chercher à obtenir un correctif où le prix est trop bas. La Commission elle-même, dans l’exercice de son pouvoir de soulever des oppositions, serait confrontée à la même limite. La Commission croit qu’une telle contrainte irait à l’encontre de son mandat d’intérêt public (qui va au-delà de la protection des intérêts des seuls utilisateurs éventuels). Le pouvoir de modification de la formule tarifaire ne saurait s’exercer que dans un sens.

On en revient donc aux exigences d’une procédure équitable. Les usagers éventuels ont droit de connaître les questions susceptibles d’être soulevées en cours d’examen des tarifs. Il sera donc parfois impossible, en pratique, d’aller au-delà de ce que la SOCAN demande.

iv. Le besoin de certifier des tarifs pour 1992 et 1993

La SOCAN soutient que la question de tarifs concerts appropriés pour 1992 et 1993 ne se pose plus. Elle ajoute même qu’il n’est pas nécessaire d’adopter des tarifs pour ces années : les licences ont été émises et les livres comptables sont fermés.

Cette façon de penser est non-fondée en droit. Il se peut que les redevances payables à l’égard de certains spectacles soient encore dues. En outre, sans tarif certifié, les utilisateurs qui ont déjà payé pourraient fort bien demander qu’on les rembourse. La SOCAN n’aurait aucun fondement juridique lui permettant de conserver ces sommes d’argent. Par conséquent, il faut fixer un tarif pour ces deux années. Les intéressés pourront décider de ne pas procéder aux ajustements pouvant résulter de différences entre les versements effectués et les tarifs certifiés; cela ne change rien à la question.

C. LES CONCERTS DE MUSIQUE POPULAIRE

Dans cette partie, la Commission examine d’abord la preuve soumise par la SOCAN et la CAMP, puis analyse celle de la SPACQ. L’argumentation de la CAMP quant à la nature de la preuve requise pour justifier une augmentation des taux est ensuite examinée. Enfin, les conclusions de la Commission sont articulées et le taux est fixé pour la période pertinente.

i. La preuve soumise par la SOCAN et par la CAMP

Comme on pouvait s’y attendre, l’existence d’une entente entre la SOCAN et la CAMP a fortement influencé leur comportement durant la présente affaire. À plusieurs égards, l’entente constitue la seule preuve offerte au soutien des propositions de la SOCAN. On a versé bien peu de choses au dossier pour appuyer les taux proposés. La Commission a trouvé cette partie de l’audience particulièrement frustrante.

Le dossier révèle qu’en 1992, on a versé 2,4 millions de dollars en redevances pour les concerts de musique populaire. [16] Pour 55 pour cent des concerts, on versait la redevance minimum; 35 pour cent de ceux-ci [17] seraient touchés par l’adoption d’un tarif applicable aux coûts de production. Aucune information n’a toutefois été fournie concernant l’impact de cette nouvelle formule sur les producteurs de ces concerts ou sur les revenus de la SOCAN.

La SOCAN soutient toujours qu’un taux de 5 pour cent est équitable. Elle croit que des taux de 2,1 à 2,5 pour cent ne représentent pas la pleine valeur de la musique dans les concerts. M. Rock a admis que les membres du conseil d’administration de la SOCAN [TRADUCTION] « avaient peut-être sous-estimé l’ampleur de l’opposition des membres du Québec ». La SOCAN demande néanmoins que la Commission s’en tienne aux taux fixés dans l’entente. M. Rock a expliqué comment le conseil d’administration de la SOCAN en était venu à ratifier cette entente, que le conseil croit être [TRADUCTION] « dans l’intérêt de la SOCAN, compte tenu de l’ensemble des facteurs qu’ils avaient à l’esprit à ce moment- ». Il a énuméré ces facteurs comme étant le désir de minimizer l’opposition au projet de loi C-88, [18] celui de concentrer ses efforts devant la Commission sur des dossiers percuss comme étant plus importants et la crainte qu’une audience mène au maintien des taux de 1991. Ces facteurs expliquent sans doute pourquoi l’entente a été ratifiée; ils n’aident cependant en rien la Commission dans sa tâche d’établir des droits justes et équitables pour les concerts.

La CAMP n’a présenté aucune preuve, hormis ses réponses aux questions de la Commission du 3 septembre 1993. Elle n’a pas non plus fourni d’explications sur la façon dont elle s’y est prise pour convaincre la SOCAN de parapher l’entente. Elle s’est contentée de critiquer les positions mises de l’avant par les autres participants.

En ce qui concerne les taux à être fixés, la CAMP soutient que, comme la SOCAN détient un monopole, et compte tenu des coûts et de l’incertitude qu’entraîne l’examen d’une opposition à un tarif, l’entente reflète les taux raisonnables les plus élevés. La Commission ne partage pas ce point de vue. Elle s’est exprimée à maintes reprises sur la capacité de la SOCAN de se comporter en monopoleur. Qui plus est, compte tenu du temps que les parties ont mis à conclure l’entente, il est possible qu’elles auraient réduit leurs coûts en laissant la Commission trancher plus tôt.

Il reste donc la preuve de la SPACQ, le seul participant ayant fourni une argumentation étayée en faveur d’une hausse des tarifs pour les concerts de musique populaire.

ii. La preuve de la SPACQ

La preuve déposée par la SPACQ visait à établir que des taux variant entre 2 et 2,5 pour cent sous-évaluent considérablement la contribution des auteurs et compositeurs qui fournissent aux concerts leur matière première. Ont témoigné pour la SPACQ, M. Plamondon, trois autres auteurs ou compositeurs québécois (Mme Geneviève Lapointe, Mme Francine Raymond et M. Richard Séguin), deux producteurs de concerts québécois (Messieurs Robert Vinet et Jean-Claude L’Espérance) et un expert-conseil en communications, M. Richard Paradis. Tous ont demandé à ce que la contribution des auteurs et des compositeurs soit pleinement reconnue.

M. Plamondon a exposé son point de vue sur les circonstances ayant mené la SOCAN à proposer un taux de 5 pour cent pour 1992. Il affirme que cette proposition avait le soutien inconditionnel des auteurs et compositeurs québécois, qui demandaient depuis longtemps une telle augmentation. Il déplore l’entente SOCAN/CAMP, qu’il qualifie de négociation à rabais. Il affirme que les membres de la SPACQ n’ont aucunement été consultés au sujet de l’entente. Il estime que les auteurs et compositeurs du Québec et du reste du Canada sont lésés dans leurs droits par cette entente, et c’est pour cette raison que la SPACQ demande à la Commission de ne pas y donner suite. Il dit ne pas comprendre pourquoi la SOCAN a décidé de retirer sa demande initiale de 5 pour cent alors que la Commission semblait favorablement disposée à l’entendre.

M. Plamondon et ses collègues ont reconnu volontiers que la taille du marché québécois influence le montant des redevances que les membres de la SPACQ peuvent recevoir des tarifs concerts. Ils n’en ont pas moins affirmé que le taux actuel leur apporte un revenu dérisoire, et ont soutenu qu’une augmentation de ce taux encouragerait la création de chansons.

Messieurs Vinet et L’Espérance ont affirmé que le montant des droits d’auteur, qu’il s’agisse de 2 ou 5 pour cent, est si peu élevé par rapport aux autres coûts de production, qu’il n’entre pas en ligne de compte dans la décision de présenter un concert de musique populaire. M. Vinet a même ajouté « que les droits d’auteur ne représentent pas une dépense importante dans l’ensemble de nos budgets et qu’à 5 pour cent ou 6 pour cent, ça serait très acceptable pour nous n tant que producteurs ». [19] Ces témoignages sont restés non contredits. [20]

La SPACQ a aussi comparé le tarif concerts à plusieurs autres prix. Elle a d’abord demandé à la Commission de tenir compte du fait que les tariffs équivalents sont plus élevés dans d’autres pays. Se fondant sur des renseignements obtenus de la société française d’exécution publique de la musique, la SACEM, M. Paradis affirme que les taux se situent entre 3 pour cent en Angleterre et 10 pour cent en Italie et au Portugal. M. Plamondon, qui reçoit une part importante de ses droits du marché français, a confirmé le témoignage de M. Paradis voulant que le tarif français soit de 8,8 pour cent. Il a ajouté que les taux européens atteignent 12 pour cent en Suisse. M. Paradis n’avait toutefois pas de renseignements sur les taux américains. Il a simplement dit que la SPACQ ne lui avait pas demandé de les obtenir.

M. Paradis a fait référence aux grands droits pour les comédies musicales, don’t les taux varient entre 10 et 15 pour cent au Canada et ailleurs. Il a comparé les dépenses faites par les personnes qui assistent à un concert au coût des droits d’auteur. Il a émis l’opinion qu’une augmentation du taux à 5 pour cent n’aurait probablement pas d’impact sur la décision des consommateurs d’acheter un billet de spectacle. Il a toutefois admis qu’il ne disposait d’aucune étude fiable sur l’élasticité du prix des billets pour soutenir ses prétentions.

M. Paradis a par ailleurs établi une comparaison entre le tarif concerts et celui qui s’applique à la radio commerciale, qui verse 3,2 pour cent de ses recettes. Il a formulé l’observation que la radio utilize une combinaison de musique et de contenu verbal, alors qu’un concert dépend entièrement de la musique. En toute logique, soutient-il, le taux pour les concerts devrait donc être plus élevé. La CAMP a mis en doute cette comparaison, soulignant que M. Paradis n’avait effectué aucune analyse permettant d’établir l’importance relative de la musique dans les décisions des auditeurs de radio et des spectateurs qui se rendent à un concert.

Les comparaisons mises de l’avant par la SPACQ ont déjà été utilisées dans d’autres contextes. On s’en est servi dans le passé dans le cadre de l’examen du tarif concerts. Certaines peuvent être, pour reprendre l’expression de la SPACQ, une source d’inspiration ». Cela étant dit, toutes ne sont pas aussi utiles.

Il faut se méfier des comparaisons avec les grands droits; il s’agit d’un marché distinct dont la structure est différente de celle de l’industrie des concerts. La différence entre les taux pourrait toutefois constituer en soi un indice que le tarif concerts devrait être plus élevé. Les taux en vigueur à l’étranger peuvent être utiles, pour autant qu’on connaisse le contexte historique et réglementaire dans lesquels ils ont évolué. Cependant, comparer les redevances versées au prix payé pour les biens servant d’intrants à un concert ou les biens consommés à cette occasion s’avère peu utile.

La Commission croit que la comparaison avec le tarif radio est fort pertinente. Point n’est besoin d’une analyse scientifique pour conclure que le rôle joué par la musique est nettement différent, et probablement plus important dans un concert qu’à la radio, ou pour établir qu’on utilise plus de musique en pourcentage du « temps d’antenne » dans un concert qu’à la radio. [21]

iii. La nature de la preuve requise pour augmenter les taux

La CAMP déclare que la preuve et l’argumentation ne sont pas nouvelles par rapport à ce qui a déjà été présenté à la Commission d’appel du droit d’auteur. Elle soutient que la SPACQ devrait [TRADUCTION] « soit démontrer un changement structurel, soit fournir des renseignements ou de l’analyse de nature structurelle qui n’étaient pas disponibles jusque-, pour justifier un changement dans les taux prévus par le tarif ».

Le premier énoncé est juste; le second ne l’est pas, pour plusieurs raisons. Premièrement, l’accepter entraînerait le rejet de toutes les demandes d’augmentation déposées dans le cas présent, y compris celles avec lesquelles la CAMP est d’accord. Deuxièmement, la Commission n’est pas tenue à la règle du précédent. Elle peut, en l’absence de changements structurels et pourvu qu’elle offre aux participants l’occasion de faire valoir leurs points de vue, décider tout simplement que les conclusions passées ne sont pas garantes de tarifs justes et équitables pour l’avenir. Troisièmement, la Commission a déjà dit au sujet du fardeau de preuve qu’elle « s’attend à ce que chaque participant fasse valoir les motifs pour lesquels il soutient une formule tarifaire ou s’y oppose ». [22]

iv. Conclusions

À certains égards, le dossier de la présente affaire aurait pu être plus complet.

Ainsi, on n’y retrouve pas de prevue détaillée sur la situation financière de l’industrie des concerts. Les producteurs de l’extérieur du Québec auraient pu venir expliquer pourquoi, contrairement à ceux qui sont venus témoigner, ils considèrent excessif un taux de 5 pour cent.

Nonobstant ces réserves, le dossier tel que constitué permet de conclure qu’une augmentation substantielle du tarif serait justifiée. Un tarif de 5 pour cent serait plus conforme aux autres tarifs que la Commission a approuvés. Rien ne permet de conclure qu’il s’agirait d’un taux trop élevé. En outre, les deux seuls producteurs appelés à témoigner ont affirmé sans hésitation qu’ils considèrent plus équitable un taux de 5 pour cent et que cela ne les amènerait pas à réduire le nombre de concerts qu’ils produisent.

Malheureusement, la Commission ne peut pas approuver des taux supérieurs à ceux que la SOCAN a déposé pour 1994. Suite à l’entente SOCAN/CAMP, la SOCAN a proposé un taux de 2,2 pour cent pour 1994. C’est ce taux qui fut publié dans la Gazette du Canada. Le traitement équitable des utilisateurs éventuels est en cause. La Commission rejette l’argument voulant que les avis donnés en 1992 et 1993 suffisent pour 1994.

En théorie, deux options s’offrent à la Commission. Pour l’année 1994, elle pourrait établir un taux de 5 pour cent pour les membres de la CAMP et de la CAPACOA, et de 2,2 pour cent pour le reste de l’industrie. Elle pourrait aussi fixer pour tous un taux de 5 pour cent pour 1992 et 1993, et de 2,2 pour cent pour 1994. Ces options sont clairement inacceptables.

Par conséquent, le taux sera fixé à 2,2 pour cent pour toute la période sous examen. Cependant, la Commission exprime le vœu que la SOCAN songe sérieusement à déposer un projet de tarif concerts pour 1995 à un taux supérieur à celui que contient l’entente SOCAN/CAMP. La Commission estime qu’à défaut de ce faire, les intérêts des membres de la SOCAN seront mal servis.

D. LES CONCERTS GRATUITS

En 1991, la SOCAN affirmait que les concerts gratuits dont les coûts de production sont élevés devraient entraîner le paiement de redevances supérieures à la redevance minimum. La Commission décida alors que l’augmentation de cette redevance ne constituait pas la meilleure façon de régler cette question. Elle exprima l’opinion qu’une autre formule, tel un pourcentage des coûts de production, pourrait convenir davantage.

La SOCAN demande maintenant qu’un tel tarif soit adopté pour ces spectacles. L’entente SOCAN/CAMP reprend cette formule. Personne ne s’y est opposé.

La Commission fait droit à la demande de la SOCAN. Il est clairement injuste qu’on ne paye que 20 $ (ou même 60 $) pour la musique utilisée durant la Fête nationale du Québec ou les célébrations de la Fête du Canada. La formule proposée par la SOCAN semble raisonnable dans les circonstances.

La suggestion de M. Cardy d’appliquer le taux au montant le plus élevé des recettes au guichet ou des coûts de production n’est pas sans attrait. La Commission se rend toutefois à l’argument de la SOCAN; cela risquerait de compliquer inutilement l’administration du tarif et il vaut mieux voir si, en pratique, la formule mise de l’avant par la SOCAN crée des injustices.

E. LES REDEVANCES MINIMUMS

La redevance minimum fut établie à 25 $ pour chacune des sociétés en 1983, et augmenta peu à peu à 33 $ en 1989. En 1990, la Commission la ramena à 10 $. En 1991, la Commission rejeta la demande de la SOCAN visant à rétablir le taux de 1989.

La preuve versée au dossier de la présente affaire a porté avant tout sur les montants qui résulteraient de l’augmentation de la redevance minimum. Ainsi, il semble qu’en 1992, environ 11 pour cent des concerts (exception faite des concerts de l’ACO et des spectacles assujettis à la redevance minimum) ont versé des droits variant entre 21 $ et 30 $, et 38 pour cent des droits variant entre 21 $ et 60 $. [23] La SOCAN soutient que si la redevance minimum avait été de 60 $ en 1992, elle aurait perçu des sommes supplémentaires d’environ 260 000 $ pour les concerts de musique populaire et 110 000 $ pour les concerts de musique classique.

Personne n’a déposé de preuve pour soutenir la structure de redevances minimums mise de l’avant par la SOCAN ou pour s’y opposer. La CAPACOA a demandé que la redevance soit fixée à 25 $, sans pour autant expliquer ce qui justifierait une augmentation du taux actuel. La SOCAN s’est contentée de reprendre certains des arguments qu’elle a soulevés dans le passé.

La Commission a choisi d’ignorer l’entente SOCAN/CAMP pour ce qui est d’établir la redevance minimum. La question ne se soulève pas pour la CAMP. Elle n’a fait qu’entériner une disposition qui ne s’applique pratiquement jamais à ses membres.

L’intérêt que la Commission porte aux redevances minimums est constant. Elle décide de laisser la redevance minimum à son niveau actuel pour deux motifs.

Premièrement, aucune preuve n’a été présentée à l’effet qu’une redevance minimum plus élevée servirait mieux les objets d’une telle redevance. Comme la Commission l’a souligné en 1991, une redevance minimum impose aux spectacles dont les recettes sont négligeables un fardeau important; l’augmenter ne ferait qu’accroître le nombre des utilisateurs qui y seraient assujettis.

Deuxièmement, la Commission croit que les chiffres mis de l’avant par la SOCAN pour établir ses « pertes » causées par l’adoption du taux actuel sont peu utiles. Ces mêmes chiffres confirment que l’adoption d’une nouvelle structure tarifaire pour les concerts gratuits éliminera une partie importante de cette perte. Qui plus est, la perte attribuable aux concerts de musique classique est minime pour la SOCAN. Par contre, l’augmentation proposée porterait un coup dur aux petits utilisateurs, tout en les encourageant à réduire la quantité de musique protégée qu’ils présentent : on sait déjà que suite aux demandes d’augmentation de la SOCAN, une petite société musicale exige maintenant des musiciens qu’ils s’engagent à ne pas jouer de musique protégée ou à verser eux-mêmes les redevances que la SOCAN réclame.

La Commission demeure « préoccupée en général de la question des taux minimums, et plus particulièrement, de leur niveau, de leurs fluctuations et de leurs effets. Elle croit que divers facteurs devraient être examinés, dont le montant des recettes qu’ils génèrent, et leur effet potentiel sur le respect des tarifs ». [24]

F. LES CONCERTS DE MUSIQUE CLASSIQUE

Dans cette partie, la Commission traite d’abord du tarif « par événement », ensuite du tarif pour les orchestres et enfin, de la demande de la CAPACOA pour un tarif applicable aux présentateurs de spectacles.

i. Le tarif « par événement »

Les participants semblent s’entendre sur la nécessité de maintenir le tarif « par événement ». Ils s’entendent pour que la structure tarifaire reflète celle des concerts de musique populaire et que le taux applicable aux concerts de musique populaire serve de point de départ. Enfin, personne ne demande de définir la notion de musique classique. Il semble que la SOCAN et les utilisateurs s’entendent sur son sens et que l’absence de définition n’ait jamais posé de problèmes.

Il ne reste donc qu’à fixer un taux. La SOCAN demande qu’il soit établi au même niveau que pour les concerts de musique populaire, sans réduction de prix. M. Cardy est d’accord avec ce « premier pas ». Live Entertainment demande que le taux soit maintenu à son niveau actuel et qu’un taux plus bas soit établi pour les spectacles utilisant de la musique protégée pour moins du tiers de leur durée.

La SOCAN n’a fourni aucune preuve de l’impact que pourrait avoir une augmentation de 340 pour cent sur les utilisateurs. Elle soutient toutefois que la quantité de musique protégée utilisée dans les concerts requérant une licence est suffisamment élevée pour justifier le même prix que pour les concerts de musique populaire. Elle ajoute qu’un taux de 2,2 pour cent des recettes au guichet n’est pas excessif parce qu’une part importante des revenus de l’industrie des concerts de musique classique provient de sources autres que les recettes au guichet, notamment les subventions.

Pour sa part, le vice-président exécutif de Live Entertainment, M. Daniel Brambilla, a affirmé qu’un tarif plus élevé pourrait l’amener à demander à son directeur de la programmation de regrouper la musique protégée dans le moins grand nombre possible de concerts. M. Stephen Cera, directeur du programme de musique classique de Live Entertainment, a émis l’opinion qu’en règle générale, les spectateurs préfèrent la musique faisant partie du domaine public à la musique protégée. Se fondant sur ces témoignages, Live Entertainment a soutenu que le répertoire de la SOCAN a, toutes proportions gardées, moins de valeur pour les concerts de musique classique vu la popularité et la disponibilité du repertoire de musique du domaine public. En réponse à une question de la Commission, Cera a toutefois admis volontiers qu’il ne voudrait pas offrir une programmation excluant toute musique protégée.

La Commission est d’avis que le taux applicable aux concerts de musique classique devrait être inférieur à celui des concerts de musique populaire et ce, de façon à tenir compte de la quantité moindre de musique protégée utilisée dans les concerts de musique classique. Elle rejette la prétention de la SOCAN voulant que cette quantité soit suffisamment importante pour rendre inutile une telle correction.

La Commission rejette aussi la prétention de la SOCAN à l’effet que l’adoption de taux identiques pour les concerts de musique populaire et classique ne ferait que refléter l’importance relative des subventions versées à ces deux secteurs de l’industrie. D’ailleurs, le dossier de la présente affaire ne permettrait pas d’apporter une telle correction, en supposant même qu’elle soit appropriée. Le chiffre de 65 pour cent mis de l’avant par la SOCAN pour établir le niveau des subventions vise uniquement les membres de l’ACO. [25] D’autres éléments de preuve indiquent des niveaux différents, pouvant être aussi bas que 13 pour cent. [26] La preuve révèle aussi que l’importance des subventions reçues par les présentateurs est nettement différente au Québec que dans les autres provinces. [27]

La Commission rejette par ailleurs les prétentions de Live Entertainment voulant que la musique protégée ait moins de valeur dans les concerts classiques. La Commission s’entend avec la SOCAN pour dire que la musique protégée, peu importe laquelle, a la même valeur. L’existence d’un bien de substitution n’a pas d’importance à cet égard.

Le taux fixé en 1983 reposait sur la prémisse voulant qu’environ le quart de la musique exécutée durant les concerts de musique classique était protégée. Le dossier de la présente affaire mène à une conclusion fort différente. Durant la première moitié de l’année 1993, la musique protégée occupait 37 pour cent de la durée des concerts exécutés par des membres de l’ACO et 61 pour cent des autres concerts. [28] Selon la Commission, le rapport qu’il convient d’appliquer est le pourcentage, en durée, de musique protégée exécutée durant les concerts de musique classique qui ont besoin d’une licence de la SOCAN, exception faite de ceux de l’ACO. Il n’y a pas lieu de tenir compte des concerts qui ne font aucun usage de musique protégée et qui, par conséquent, se passent de licence. L’application de ce pourcentage au taux fixé pour les concerts de musique populaire donne 1,3 pour cent.

Au soutien d’une demande de tarif réduit pour usage restreint, M. Brambilla a affirmé que des 96 concerts inscrits à la saison 1993-1994 du North York Performing Arts Centre, 21 n’utilisaient qu’une œuvre protégée. Selon lui, ils pourraient donc bénéficier d’une licence émise en vertu du tarif 14. Dans son argumentation écrite, Live Entertainment a fait ressortir les différences importantes de prix entre les licences émises en vertu des tarifs 4 et 14. Selon elle, ces différences sont telles que la cohérence entre les tarifs favorise l’adoption d’un tarif réduit pour usage restreint et l’abolition du tarif 14.

La Commission rejette ces pretentions pour deux motifs. Premièrement, le taux de 1,3 pour cent tient déjà compte des concerts au cours desquels peu de musique protégée est exécutée; offrir un tarif réduit reviendrait à escompter deux fois ces spectacles. Deuxièmement, l’établissement d’un tarif à rabais dans une formule « par événement » encouragerait les utilisateurs à jouer moins de musique protégée.

Il se peut fort bien que le tarif 14, tel que rédigé, offre une alternative à celui qui n’exécute qu’une seule œuvre protégée durant un concert. La réplique de la SOCAN à l’argumentation de Live Entertainment mentionne que cette dernière a offert de verser des droits en vertu du tarif 14. La Commission ne peut remédier à cet état de chose cette année. Lors du dépôt de ses prochains projets de tarif, la SOCAN voudra peut-être ajouter au tarif 14 une disposition le rendant inapplicable aux événements visés dans le tarif 4.

ii. Le tarif pour les orchestres

En 1983, la CAPAC et l’ACO conclurent une entente permettant aux membres de cette dernière d’acheter une licence générale annuelle. Les orchestres convinrent de payer entre 15 $ et 75 $ par concert, selon l’importance de leur budget annuel, peu importe qu’il y ait ou non de la musique protégée au programme. La SDE offrait des conditions identiques. L’entente ne fut jamais modifiée. Entre 1983 et 1991, donc, les membres de l’ACO versaient entre 30 $ et 150 $ par concert. Ni cette Commission ni la précédente n’eurent connaissance de cette entente jusqu’à ce que le texte de l’entente SOCAN/CAMP en confirme l’existence.

Les propositions de la SOCAN pour 1994 incorporent cette formule dans le tarif conformément aux dispositions de l’entente SOCAN/CAMP. Les taux arient entre 37,50 $ et 225 $. [29] La SOCAN et la CAMP demandent que le projet pour 1994 soit certifié tel que déposé. La CAMP demande aussi que la formule soit adoptée pour 1993 conformément à l’entente. Tout en se disant d’accord avec la structure tarifaire, M. Cardy demande que les redevances soient augmentées de façon à refléter l’augmentation générale des prix depuis 1983.

La preuve est à l’effet que l’entente de 1983 avait pour but de simplifier l’administration du tarif et la perception des redevances. Il semble aussi que l’ACO représente à toutes fins pratiques tous les orchestres canadiens, et que tant la SOCAN que les utilisateurs trouvent acceptable la formule mise au point dans l’entente de 1983.

La Commission est d’avis que le tarif proposé pour les orchestres en 1994 devrait être approuvé. La formule existe depuis plus de dix ans. Les parties s’en disent satisfaites. Elle semble soulever très peu de problèmes. De plus, elle a l’avantage de ne pas inciter les utilisateurs n’utiliser que de la musique du domaine public. Cela étant dit, elle ne devrait pas être adoptée pour 1993 : cette structure tarifaire n’avait pas été publiée à l’époque, et on ne sait ce qu’il adviendrait si on l’étendait aux orchestres qui ne sont pas membres de l’ACO.

Cette formule comporte certaines limites. Des orchestres ayant le même budget paient des prix différents pour la musique qu’ils utilisent, en fonction du nombre de concerts qu’ils présentent. Un tarif qui serait fonction du budget ou des ventes au guichet et dont le taux tiendrait compte de la quantité de musique protégée exécutée au cours de la saison toute entière, permettrait peut-être de contourner cette difficulté tout en offrant les mêmes avantages que la formule mise de l’avant par les parties. La SOCAN et l’ACO pourraient songer à proposer une telle solution à l’avenir.

Les audiences ont permis de confirmer qu’il y avait lieu d’ajuster le texte du tarif. Ainsi, il convient de bien spécifier les ensembles musicaux visés. De même, il y a lieu d’éliminer tout doute quant à la nécessité de verser des redevances pour les concerts qui ne contiennent pas de musique protégée. Le texte du tarif certifié comporte les correctifs appropriés.

La Commission certifie le tarif aux taux suggérés par la SOCAN. M. Cardy suggère d’effectuer une correction pour tenir compte de l’inflation. Ce faisant, il oublie que la redevance par concert augmente en fonction du budget de l’orchestre. Il y a lieu de croire que ce budget augmente avec l’inflation. Qui plus est, en établissant de nouvelles redevances plus importantes pour les orchestres dont le budget est plus élevé, la formule proposée semble éviter le risqué qu’avec l’inflation, trop d’orchestres se retrouvent dans la dernière catégorie.

iii. Le tarif pour les présentateurs

Le directeur exécutif de la CAPACOA, M. Peter Feldman, demande au nom de celle-ci que les « présentateurs » puissent acquérir une licence annuelle pour tous les concerts qu’ils présentent. La structure tarifaire serait semblable à celle qui s’applique aux orchestres. Les taux, variant entre 25 $ et 220 $ par concert, seraient toutefois fonction de la recette potentielle moyenne par concert. Traduits en pourcentage des recettes, ces taux fluctuent de 1 pour cent pour les plus petits concerts à 0,4 pour cent pour les plus importants.

Les concerts de musique classique sont généralement offerts en séries. La proposition de la CAPACOA a fini par incorporer ce concept. Chaque série, plutôt que la saison complète, ferait l’objet d’un calcul distinct.

La SOCAN reconnaît le mérite des licences annuelles. Elle ne s’oppose pas au principe d’offrir une telle licence aux présentateurs. Elle critique toutefois la formule mise de l’avant par la CAPACOA. Quant à M. Cardy, il semble appuyer la démarche de la CAPACOA, mais demande que les redevances soient plus élevées.

La Commission accepte d’établir un tarif permettant à un présentateur d’acheter une licence annuelle pour une série. Elle rejette les objections de la SOCAN. Certaines des difficultés soulevées paraissent justifiées en théorie; aucune preuve n’a toutefois été offerte permettant d’en évaluer l’importance pratique.

Ceci dit, le tarif devrait répondre à certains objectifs. Il devrait réduire le fardeau administratif des usagers sans augmenter celui de la SOCAN. Il devrait tenir compte de la quantité de musique protégée utilisée tout en évitant de décourager l’usage de cette musique. Il devrait faire en sorte qu’un présentateur ne soit pas confronté à des augmentations importantes à chaque niveau de recettes. Enfin, il ne devrait pas exiger des petits présentateurs qu’ils paient plus pour leur musique que les utilisateurs plus importants. En somme, il devrait être neutre.

De par sa nature même, la formule que propose la CAPACOA n’est pas neutre. Comme toute autre structure tarifaire à paliers, elle confronte les utilisateurs à des choix impossibles. Ainsi, le présentateur d’un concert dont la recette potentielle passerait de 4 990 $ à 5 010 $, suite à l’offre d’un seul billet de plus, risquerait de voir le prix de sa licence augmenter de $. Il est difficile, et peut-être impossible, de résoudre une telle difficulté avec une formule de ce genre.

Selon la Commission, le tarif le plus efficace permet d’acquérir une licence annuelle en fonction d’une formule qui tienne compte de tous les spectacles inclus dans la série, qu’ils contiennent ou non de la musique protégée, et évite les hausses brutales de prix. C’est ce que permet une formule à pourcentage qui utilise une assiette tarifaire identifiable, telle les recettes. Il semble inutile d’avoir recours à la notion de recette potentielle. Certes, les recettes au guichet ne sont pas connues au début de l’année; on peut toutefois acquérir la licence en versant une redevance estimative, et corriger le versement à la fin de l’année une fois que le montant exact des recettes est établi. L’utilisation des recettes au guichet comme assiette permet en plus de répondre à toutes les difficultés d’ordre théorique soulevées par la SOCAN par rapport à l’utilisation de la notion de recette potentielle.

Il reste à établir un taux qui soit fonction de celui qui s’applique aux concerts de musique populaire. M. Cardy propose d’utiliser le pourcentage de concerts comportant une part, si minime soit-elle, de musique protégée. Conformément à la formule qu’elle a retenue pour le tarif « par événement », la Commission préfère établir le taux en fonction du pourcentage, en durée, de musique protégée exécutée dans tous les concerts faisant partie d’une série, que ces concerts contiennent ou non de la musique protégée.

Le tarif impose le versement de droits pour les concerts au cours desquels aucune musique protégée n’est exécutée. Il y a donc lieu de tenir compte de ces concerts lorsque vient le temps d’établir la quantité de musique protégée utilisée par l’industrie dans son ensemble. La seule information versée au dossier de la présente affaire qui tienne compte de ces concerts se trouve dans la pièce SOCAN-3, et porte sur les concerts donnés par les membres de l’ACO; la musique protégée représente 37 pour cent, en durée, de toute la musique exécutée durant ces concerts. Il n’est pas déraisonnable de croire que le niveau d’utilisation des présentateurs se rapproche de ce chiffre. [30] L’application de ce pourcentage au taux fixé pour les concerts de musique populaire donne 0,77 pour cent. Par souci de simplicité, ce chiffre est arrondi à 0,80 pour cent*.

Ce tarif ne comportera pas de redevance minimum. La musique faisant partie du domaine public a une telle importance dans les concerts de musique classique, qu’une redevance minimum pourrait décourager l’usage de musique protégée. Cela étant dit, afin d’éviter que la SOCAN ait à recevoir un trop grand nombre de petits paiements, le tarif prévoira un versement unique, payé d’avance si la redevance estimative ne dépasse pas 100 $. Dans les autres cas, des versements trimestriels seront effectués, comme c’est le cas pour d’autres tarifs.

VII. MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES EXPRIMÉS PAR M. LE JUGE MEDHURST

Je suis d’accord avec les taux que la présente décision fixe pour les concerts de musique populaire. Avec égards, toutefois, je ne souscris pas aux motifs exprimés par mes collègues sur deux points.

Premièrement, j’attache beaucoup plus d’importance qu’eux aux prix que propose la SOCAN dans ses projets de tarif. Je suis loin d’être certain que la Commission puisse accorder à la SOCAN plus qu’elle ne demande. À mon avis, ses demandes fixent le maximum qu’elle peut espérer obtenir. En allant au-delà, la Commission pourrait fort bien s’attribuer des pouvoirs qu’elle n’a pas. Indépendamment de ces considérations d’ordre juridique, et mise à part la question des avis aux intéressés, je trouverais de toute manière déplacé d’aller au-delà de ces demandes.

Deuxièmement, je ne partage pas leur point de vue sur le poids à accorder aux ententes intervenues entre la SOCAN et des utilisateurs éventuels. La SOCAN représente ses membres. Dans la mesure où les intérêts des utilisateurs éventuels sont correctement reflétés dans une entente, la Commission devrait hésiter longuement avant d’intervenir. Je ne conçois pas qu’un taux qu’on estime trop bas puisse causer préjudice aux utilisateurs.

Par contre, l’intervention de la Commission ne m’inquiète pas lorsque l’entente ne tient pas suffisamment compte des intérêts des utilisateurs.

* Chiffre corrigé, avis de correction de la Commission, Gazette du Canada, le 24 septembre 1994

Par conséquent, je suis d’accord avec mes collègues pour ne pas tenir compte de l’entente SOCAN/CAMP dans l’établissement de la redevance minimum pour les concerts.

Il est possible que certains membres de la SOCAN aient raison de se plaindre de l’entente SOCAN/CAMP ou des projets de tarif déposés pour 1994. Selon moi, c’est ailleurs, et non devant cette Commission, qu’il leur faut exprimer ce mécontentement.

Ces considérations ne font que confirmer mon sentiment que le taux établi dans la présente décision pour les concerts de musique populaire est le bon. Par conséquent, je n’ai pas à élaborer davantage sur ces questions.

TARIF 5.A (EXPOSITIONS ET FOIRES);

TARIF 13.A (AVIONS);

ET

TARIF 14 (EXÉCUTION D’ŒUVRES PARTICULIÈRES).

Les tarifs proposés pour 1994 sont les mêmes que les tarifs approuvés pour 1993. Il n’y a eu aucune opposition à ces tarifs. La Commission certifie donc, pour 1994, les tarifs 5.A, 13.A et 14 de façon à donner effet aux projets tels que déposés.

TARIF 7 (PATINOIRES)

Dans ses projets de tarifs pour 1993 et 1994, la SOCAN avait demandé que le taux applicable en vertu de ce tarif soit porté de 1,2 à 2 pour cent des revenus, et que le prix minimum passe de 99,75 $ à 107,12 $. Par la suite, elle a demandé que le prix minimum demeure au même niveau qu’en 1992, tout en maintenant sa demande d’augmentation du taux.

L’ORFA ayant concentré ses efforts sur l’obtention d’un tarif distinct, personne ne s’est opposé à l’augmentation du tarif 7. La SOCAN n’a offert aucun motif justifiant une augmen-tation de cette importance. La Commission n’en voit aucun, rejette la demande d’augmentation de la SOCAN et certifie le tarif 7 aux taux de 1992.

TARIF 8 (RÉCEPTIONS, CONGRÈS, ASSEMBLÉES ET PRÉSENTATIONS DE MODE)

Dans ses projets de tarifs pour 1993 et 1994, la SOCAN avait demandé que les taux applicables en vertu de ce tarif soient portés de 28,75 $/57,55 $ à 29,12 $/58,30 $. Prenant acte des lignes directrices de la Commission sur la façon de tenir compte de l’inflation, la SOCAN demande maintenant que ces taux demeurent au même niveau qu’en 1992. La Commission certifie le tarif en conséquence.

TARIF 9 (ÉVÉNEMENTS SPORTIFS)

ET

TARIF 11 (CIRQUES, SPECTACLES SUR GLACE, SPECTACLES D’HUMORISTES ET SPECTACLES DE MAGICIENS).

Introduction

C’est en 1991 que la Commission a approuvé ces tarifs pour la dernière fois. Le retard à certifier ces tarifs résulte des longues négociations qui ont eu lieu entre la SOCAN et la CAMP, qui s’était opposée aux propositions de tarifs de la SOCAN pour 1992 et 1993. La CAMP et la SOCAN s’étant entendues sur une formule tarifaire et l’ORFA ayant remplacé son opposition aux tarifs 9 et 11 (entre autres) par une demande de tarif séparé, personne désormais ne s’oppose à ces tarifs.

Tarif 9

Plusieurs formules ont été mises de l’avant pour le tarif 9. Au départ, l’entente SOCAN/CAMP comportait plusieurs ambiguïtés. En fin de compte, la SOCAN et la CAMP ont demandé que les tarifs pour 1992 et 1993 reprennent celui qui avait été certifié pour 1991. En 1994, le prix minimum serait établi à 18 $, et un prix par personne ayant payé sa place serait fixé. Ce prix varierait entre 0,25 et 0,80 cents, selon le prix d’entrée moyen et le type d’événement (amateur, professionnel ou de ligue majeure).

La Commission considère la formule acceptable et certifie le tarif 9 en conséquence.

Tarif 11

Dans ses propositions pour 1992 et 1993, la SOCAN demandait que le taux prévu par le tarif 11 soit porté de 1,6 à 3 pour cent des revenus et que le prix minimum passe de 59,15 $ à 60 $ en 1992, augmentant à 60,78 $ en 1993. Aux termes de l’entente SOCAN/CAMP, le tarif certifié en 1991 serait repris en 1992. En 1993 et 1994, le tarif serait divisé. Le tarif 11.A reprendrait les mêmes taux pour les cirques et les spectacles sur glace. Le tarif 11.B établirait une redevance fixe de 35 $ pour les spectacles d’humoristes et de magiciens, pour autant que l’usage de la musique soit accessoire; sinon, l’événement serait assujetti au tarif concerts.

Tant la SOCAN que la CAMP reconnaissent la nature expérimentale du tarif 11.B, et qu’il y aura bientôt lieu de le réexaminer.

La Commission considère la formule acceptable et certifie le tarif 11 en conséquence.

TARIF 10 (PARCS, RUES OU PLACES PUBLIQUES)

Le projet que la SOCAN avait déposé pour 1994 demandait d’augmenter les montants qui sont portés à ce tarif. Il n’y a eu aucune opposition à ce tarif. Compte tenu de la formule d’ajustement que la Commission retient encore une fois cette année, les montants en argent portés au tarif 10 en 1994 resteront les mêmes qu’en 1993.

TARIF 15.B (ATTENTE MUSICALE)

Le projet de tarif de la SOCAN pour 1994 demandait que le prix pour la première ligne principale de standard passe de 90,38 $ à 93 $. Compte tenu de la formule d’ajustement des prix que la Commission retient encore une fois cette année, ce montant en argent restera le même qu’en 1993.

TARIF 19 (EXERCICES PHYSIQUES)

Les projets de tarifs de la SOCAN pour 1993 et 1994 demandaient que le taux applicable en vertu de ce tarif passe de 2,14 $ à 2,20 $, multiplié par le nombre moyen de participants par semaine et que le prix minimum soit augmenté de 128 $ à 131,69 $. Prenant acte des lignes directrices de la Commission sur la façon de tenir compte de l’inflation, la SOCAN demande maintenant que ces taux demeurent au même niveau qu’en 1992. La Commission fait droit à cette demande.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] Pièces SOCAN-4 and ORFA-5.

[2] L’ORFA a semblé en fin de compte vouloir tempérer son point de vue : voir la transcription, p. 38.

[3] L’évolution du tarif avant 1991 est décrite aux pages 24-25 de la décision de la Commission du 31 juillet 1991 (pp. 303-304 dans ce recueil).

[4] À cause du grand nombre de stations autochtones qui ne versent pas de redevances à la SOCAN, on exclurait du dénominateur leurs dépenses d’exploitation.

[5] Transcription, pp. 411-412.

[6] Transcription, p. 138.

[7] Témoignage de M. Rhéaume, transcription, p. 349.

[8] Comme le souligne la SOCAN, les mêmes difficultés se soulèvent à l’égard des petites stations commerciales.

[9] Décision de la Commission du droit d’auteur, 31 juillet 1991, p. 9 (page 291 dans ce recueil).

[10] La réponse de la SPACQ à la demande de renseignements no 5 de la CAMP indique qu’au moins deux ne le seraient pas.

[11] Sa contrepartie québécoise, RIDEAU, fait affaire avec le marché francophone : CAPACOA-6, p. 1.

[12] Society of Composers, Authors and Music Publishers of Canada Inc. v. Canada (Copyright Board) (1993), 47 CPR (3d) 297, (CF prem. inst.), 323d.

[13] Society of composers, supra, 319h.

[14] On n’a jamais demandé à Messieurs Vinet et L’Espérance d’adhérer à la CAMP. Ils ont par ailleurs affirmé que la liste des membres de la CAMP contient le nom d’un seul producteur important au Québec.

[15] Voir PROCAN v. Canadian Broadcasting Corporation, supra.

[16] Les concerts tenus au Québec représentaient 39 pour cent des spectacles, mais seulement 25 pour cent des redevances.

[17] Soit environ 2 000 concerts selon les évaluations faites par la SOCAN.

[18] Connu sous le nom de projet de loi SOCAN, dont l’objet était de supprimer une ambiguïté dans la Loi concernant certains utilisateurs de musique.

[19] Transcription, p. 178.

[20] Seul M. J. Marantz, directeur de la programmation du Calgary Centre for Performing Arts, témoin de la CAPACOA, a émis l’opinion qu’une augmentation à 5 pour cent pourrait entraîner une réduction du cachet des artistes exécutants.

[21] On pourrait soutenir que pour certains concerts, la musique ne constitue qu’un des pôles d’attraction avec l’exécutant, les arrangements scéniques, etc. On pourrait ainsi accorder une importance différente à la musique dans divers types de concerts. Il s’agit d’une démarche qu’on ne de-mande pas à la Commission d’effectuer et que l’ancienne Commission, après une courte période d’essai, a décidé d’abandonner.

[22] Décision de la Commission du droit d’auteur, 6 décembre 1993.

[23] Pièce SOCAN-2, tableau 3 et tableau révisé 5-A.

[24] Décision de la Commission du droit d’auteur du 7 décembre 1990.

[25] Réponse de la CAMP à la demande de renseignement no 7 de la SOCAN.

[26] Pièces SPACQ-2A (42 pour cent) et CAPACOA-3 (13 pour cent).

[27] Pièce CAPACOA-2.

[28] La différence s’explique du fait que les personnes autres que des membres de l’ACO n’ont pas à faire rapport à la SOCAN des concerts pour lesquels aucune licence n’est requise.

[29] L’entente prévoit des augmentations progressives, les redevances atteignant entre 45 $ et 300 $ par concert en 1997.

[30] Une analyse du programme de la saison 1993-1994 du North York Performing Arts Centre tend à soutenir cette conclusion.

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