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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1996-09-20

Référence

DOSSIERS : Exécution publique de la musique 1994, 1995, 1996, 1997

Régime

Exécution publique de la musique

Loi sur le droit d'auteur, article 67.2

Commissaires

Michel Hétu, c.r.

Mme Adrian Burns

M. Andrew E. Fenus

Tarif des droits à percevoir pour l'exécution ou la communication par télécommunication, au canada, d'œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1994, 1995, 1996 et 1997

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION GÉNÉRALE

Conformément à l'article 67 de la Loi sur le droit d'auteur (la Loi), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé auprès de la Commission un projet de tarif des droits à percevoir pour l'exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d'œuvres musicales ou dramatico-musicales, en 1996. Des projets au même effet avaient été déposés pour les années 1994 et 1995.

Ce projet de tarif a été publié dans la Gazette du Canada le 30 septembre 1995, accompagné d'un avis portant que les utilisateurs éventuels et leurs représentants pouvaient s'opposer à la certification du tarif au plus tard le 28 octobre 1995. [1] Les projets déposés à l'égard des années 1994 et 1995 avaient aussi été publiés auparavant.

Les présents motifs portent sur les tarifs suivants :

Les tarifs non contestés : les tarifs 1.A (pour 1995 à 1997), 3.A (pour 1995 et 1996), 2.B, 2.C, 5.A, 7 à 10, 11.B, 12, 13, 15, 18, 20 et 21 (pour 1996);

Les tarifs contestés : le tarif 3.B (pour 1995), les tarifs 4, 5.B et 14 (pour 1995 et 1996) et le tarif 16 (pour 1994 à 1996). Ces tarifs ont fait l’objet d’audiences.

Le tarif 17.B proposé par la SOCAN pour les années 1995 et 1996 a été retiré pour 1995.

Les tarifs suivants feront l’objet de décisions ultérieures : les tarifs 1.B (pour 1996), 2.A (pour 1994 à 1996), 3.B, 11.A, 17.A, 17.B, 19 et 22 (pour 1996), ainsi qu'un tarif pour le réseau de télévision CTV (pour 1993 à 1998).

II. LES TARIFS NON CONTESTÉS

Tarif 1.A (Radio commerciale) pour 1995, 1996 et 1997

Le projet de tarif 1.A publié le 24 septembre 1994 vise les années 1995 à 1997. Personne ne s'y est opposé. Toutefois, dans une lettre déposée le 21 octobre 1994, l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) s'inquiétait qu'un tarif soit certifié pour une période de trois ans, alors même que l'industrie de la radio connaissait des changements rapides sur les plans structurel et technologique, et que des modifications à la Loi étaient attendues. Par la même occasion, l'ACR demandait l'occasion de formuler des commentaires sur le libellé du tarif. La Commission avait alors décidé de remettre à plus tard l'homologation du tarif de façon à permettre à l'ACR et à la SOCAN de s'entendre sur cette formulation.

Le 31 janvier 1996, l'ACR informait la Commission qu'elle ne s'opposait plus à l'homologation du tarif tel que publié et ce, même si elle n'en était pas arrivée à s'entendre avec la SOCAN sur le libellé du tarif.

Pour sa part, Radio Ville-Marie s'est opposée au tarif 1 pour l'année 1996. Le 20 août 1996, elle retirait son opposition au tarif 1.A, tout en la maintenant aux fins du tarif 1.B (Radio non commerciale).

Par conséquent, la Commission certifie, pour les années 1995 à 1997, le tarif 1.A tel que déposé.

Tarif 2.B (TVOntario);

Tarif 2.C (Radio-Québec);

Tarif 5.A (Expositions et foires);

Tarif 7 (Patinoires);

Tarif 8 (Réceptions, congrès, assemblées et présentations de mode);

Tarif 10 (Parcs, rues et autres endroits publics);

Tarif 11.B (Spectacles d'humoristes et spectacles de magiciens);

Tarif 12 (Parcs thématiques, Ontario Place Corporation et établissements du même genre; Canada's Wonderland et établissements du même genre);

Tarif 13 (Transports en commun);

Tarif 20 (Bars karaoké et établissements du même genre); et

Tarif 21 (Installations récréatives exploitées par une municipalité, une école, un collège ou une université).

Ces tarifs proposés pour 1996 sont les mêmes que ceux approuvés pour 1995, à deux choses près. La redevance prévue au tarif 2.B (TVOntario) passe de 272 800 $ à 300 080 $. Le tarif 13.B (Navires à passagers) prévoit une réduction de la redevance pour chaque mois complet de non exploitation.

Il n'y a eu aucune opposition à ces tarifs. La Commission les certifie donc de façon à donner effet aux projets tels que déposés par la SOCAN.

Tarif 9 (Événements sportifs); et

Tarif 18 (Musique enregistrée utilisée à des fins de danse)

Ces tarifs proposés pour 1996 reflètent des ententes que la SOCAN a conclues avec divers usagers ou associations d'usagers intéressés. Ils sont certifiés tels que déposés par la SOCAN.

Tarif 15 (Musique de fond dans les établissements non régis par le tarif no 16)

Personne ne s'est opposé à ce tarif. L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires avait toutefois formulé certains commentaires sur l'application du paragraphe 69(2) de la Loi, qui prévoit, pour l'essentiel, que les exécutions publiques au moyen d'un appareil radiophonique ne sont pas assujetties au tarif. En pratique, la SOCAN ne perçoit pas de redevances pour les exécutions publiques de musique au moyen d'un appareil de télévision, au motif que la bande sonore d'une émission de télévision est transmise sur ondes FM et donc, sur ondes radio.

La Commission prend note de cette interprétation, mais ne peut l'intégrer au tarif. En effet, la définition de «représentation», «exécution» ou «audition» contenue dans la Loi établit une distinction entre appareils récepteurs de radio et de télévision, distinction dont la Commission doit prendre acte. Le tarif est donc certifié tel que déposé par la SOCAN, sauf sous un aspect. Une mention sera ajoutée au tarif 15.A (Musique de fond) indiquant que le paragraphe 69(2) de la Loi prévoit qu'à l'égard des exécutions publiques effectuées au moyen d'un appareil radiophonique récepteur, en tout endroit autre qu'un théâtre servant ordinairement et régulièrement de lieu d'amusement où est exigé un prix d'entrée, aucune redevance n'est exigible du propriétaire ou usager de l'appareil radiophonique récepteur.

Cette mention n’apparaîtra pas cependant au tarif 15.B, concernant l’attente musicale au téléphone, car l’activité visée implique le droit de communication au public par télécommunication plutôt que le droit d’exécution publique. Or, l’exception visée à l’article 69(2) ne s’étend qu’aux exécutions publiques.

III. LES TARIFS CONTESTÉS

A. Tarif 3.B (Cabarets, cafés, clubs, etc. - Musique enregistrée accompagnant un spectacle)

i. Introduction

Jusqu'en 1982, les établissements jouant de la musique enregistrée comme partie intégrante d'un divertissement présenté par des exécutants en personne versaient les redevances prévues aux tarifs applicables à la musique de fond. En 1983, la Société de droits d’exécution du Canada (SDE) fit établir un tarif distinct pour ce genre d'usage; le taux fut fixé aux deux-tiers de celui applicable aux exécutions par des exécutants en personne. [2] En 1988, l’Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada (CAPAC) adoptait elle aussi cette structure tarifaire. Suite à la fusion de 1991, les redevances payables à la SOCAN furent établies dans la plupart des cas à la somme des taux alors en vigueur. La redevance minimale fut fixée à 54 $, et un taux de 1,42 pour cent appliqué à la portion de la compensation annuelle pour divertissement excédant 100 000 $.

En 1992, la SOCAN demanda de porter le tarif 3.A (applicable aux exécutions par des exécutants en personne) à 3 pour cent et le tarif 3.B (pour l'exécution d'œuvres au moyen de musique enregistrée faisant partie intégrante du divertissement par des exécutants en personne) à 2 pour cent.

L'Association des hôtels du Canada et l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, qui s'étaient opposées à cette hausse, conclurent une entente avec la SOCAN le 16 novembre 1992. Le tarif 3.A passerait à 2,5 pour cent en 1992, augmentant progressivement jusqu'à 3 pour cent en 1997, et la redevance minimale serait de 80 $. Quant au tarif 3.B, il serait porté à 1,66 pour cent en 1992, augmentant progressivement jusqu'à 2 pour cent en 1997, et la redevance minimale serait de 60 $. Le 12 août 1994, la Commission certifiait pour les années 1992 à 1994 un tarif reprenant l'essentiel de l'entente.

La SOCAN demande donc que les taux applicables soient de 2,8 et 1,87 pour cent en 1995, et de 2,9 et 1,93 pour cent en 1996. La Ontario Adult Entertainment Bar Association (l'Association), Club Pro Adult Entertainment Inc. (Club Pro) et M. Joseph W. Irving (représentant quelques propriétaires et exploitants de clubs de divertissement pour adultes du sud de l’Ontario), se sont opposés au tarif 3.B pour 1995. M. Irving s'est retiré du dossier; la Commission a demandé à Club Pro d'en faire autant pour défaut de se conformer à ses directives en matière de procédure.

Compte tenu du lien évident qui existe entre le tarif 3.B et le tarif 3.A, la Commission a décidé de ne pas certifier le second avant d'avoir fixé le premier.

L'audience portant sur le tarif 3.B a eu lieu les 26, 27 et 28 septembre 1995. Le dossier était en état le 27 février 1996.

ii. Preuve et argumentation

Quelques mots suffisent à résumer la preuve pertinente. La danse érotique est le divertissement offert par la plupart des établissements assujettis au tarif 3.B. Les danseuses s'exécutent, sur la scène et aux tables, au son d'une musique choisie soit par la danseuse qui occupe la scène, soit par un tiers, le plus souvent un disc-jockey.

Trois types de danseuses travaillent dans ces clubs. Les pigistes ne sont pas rémunérées par l'établissement, mais par les clients pour qui ells dansent aux tables. Les salariées reçoivent un cachet pour chaque quart de travail [3] en plus des sommes que les clients leur versent pour danser aux tables. Les têtes d'affiche sont rémunérées par l'établissement; [4] certaines d'entre elles dansent aux tables.

Les participants s'entendent pour dire qu'il est fort difficile pour la SOCAN de faire respecter le tarif 3.B. Les clubs contestent les montants exigés; par le passé, ils ont insisté pour que la SOCAN escompte le montant des redevances de façon à tenir compte des exécutions effectuées au moyen d'un phonographe. [5]

La SOCAN soutient que la musique est tout aussi importante pour la danse aux tables que pour la danse sur la scène. Elle demande que le tarif tienne compte des montants que les danseuses reçoivent des clients, soutenant que l'établissement bénéficie de cette activité. Selon elle, l’exclusion de ces montants inciterait les clubs à engager uniquement des pigistes, réduisant ainsi au minimum de 60 $ par année le montant des redevances.

Les prétentions de l'Association se résument à ce qui suit. Premièrement, les discothèques et les bars sont les véritables concurrents des clubs de divertissement pour adultes. L'importance de la musique est la même, ni plus ni moins, pour les premiers que pour les seconds. Il faudrait donc abolir le tarif 3.B et assujettir les clubs de divertissement pour adultes au tarif 15 ou 18. Deuxièmement, on ne devrait pas tenir compte des montants versés par les clients pour la danse aux tables, puisqu'il s'agit de transactions privées dont l'établissement ne tire aucun bénéfice direct. Troisièmement, les difficultés de mise en application du tarif auxquelles la SOCAN fait face en démontrent le caractère excessif. Subsidiairement, si la formule tarifaire actuelle est maintenue, l'Association souhaite que le taux soit ramené à 1,42 pour cent, comme en 1991.

iii. Analyse

Deux aspects de l'argumentation de l'Association ne sont pas pertinents à la présente affaire. Le premier concerne la soi-disant exemption visant les phonographes. Le tarif 3.B a toujours visé ceux qui ne peuvent se prévaloir de cette exception. Il n'a jamais prévu d'escomptes pour ceux qui utilisent en partie des phonogrammes exemptés ou qui demandent parfois des frais d'entrée. [6] La pertinence que ces considérations auraient pu avoir par le passé a pris fin le 1er janvier 1994, date à laquelle le Parlement a abrogé l'exception. La Commission n'a pas pour mandat de refléter, dans le tarif, une exception qui n'existe plus. La tâche qui lui revient est d'établir un prix qui soit équitable pour les usagers, compte tenu de leur situation particulière, y compris le fait que depuis le 1er janvier 1994, toutes les exécutions d'œuvres musicales auxquelles ils se livrent sont des exécutions protégées dont les droits sont gérés par la SOCAN.

Le second porte sur l'application des règles de preuve ordinaires. La Commission a répété à plusieurs reprises qu'elle n'est liée ni par ces règles, ni par celles portant sur le fardeau de la preuve. La SOCAN a droit à un tarif. Les usagers ne peuvent espérer faire abolir un tarif au seul motif que la SOCAN n'aurait pas présenté une preuve prépondérante en faveur du maintien du tarif, ou encore, comme l'a énoncé le conseiller juridique de l'Association, [TRADUCTION] «vu l'absence de preuve» en faveur de ce maintien.

Dans cette affaire, il convient d'abord de comparer le tarif sous étude aux autres tarifs semblables. [7] L'utilisation de musique faite par un club de divertissement pour adultes présente deux caractéristiques. Premièrement, la musique fait partie intégrante du divertissement qu'achète le client du club. Deuxièmement, ce client ne fait pas partie du divertissement. Les usages assujettis aux tarifs 4, 11 et 12 sont semblables sous ces aspects. Ceux qui sont assujettis aux tarifs 15, 16, 18 ou 20 ne le sont pas : dans le cas des tarifs 15 et 16, la musique ne fait pas partie intégrante de ce qu'achète le client du titulaire de la licence; dans les deux autres, le client participe au divertissement qui est fourni.

Le coût du divertissement constitue une part importante de l'assiette tarifaire dans les tarifs 3, 4, 11 et 12, quand ce n'en est pas l'élément unique. Les taux applicables varient entre 1,2 et 2,9 pour cent. Il semble donc que le tarif 3.B se compare bien à l'ensemble des tarifs de la SOCAN tant par le choix de l'assiette tarifaire que par le taux qu'on y applique.

Il n'en reste pas moins que le tarif 3.B peut être amélioré. Il est clair que l'application de la notion de compensation pour divertissement aux clubs de divertissement pour adultes soulève des difficultés importantes tant pour la SOCAN que pour les usagers. Encore plus que d'autres, ces utilisateurs semblent mal digérer qu'on permette à la SOCAN de consulter leurs états financiers confidentiels aux fins de vérification. Qui plus est, le fait que les danseuses aient deux sources de revenus complique la situation. Les établissements dont les dépenses de divertissement sont élevées ne devraient pas se trouver de ce seul fait désavantagés par rapport à ceux qui ont davantage recours à des pigistes. Le mode de rémunération des danseuses ne devrait d'ailleurs pas changer le montant des redevances que la SOCAN reçoit. Compte tenu du dossier de la présente affaire, la Commission ne voit pas comment elle pourrait en arriver à une définition de «compensation pour divertissement» qui soit comprise de la même façon tant par les utilisateurs que par la SOCAN.

Il semble par ailleurs que les rapports entre la SOCAN et l'industrie du divertissement pour adultes soient plus tendus qu'avec tout autre groupe d'utilisateurs. Il est donc essentiel de mettre au point un tarif que ces utilisateurs soient davantage enclins à respecter.

Pour ces motifs, les clubs de divertissement pour adultes seront assujettis à une formule tarifaire différente, moins sujette aux malentendus, à l'interprétation ou à l'évitement. Le tarif actuel 3.B continuera de s'appliquer aux établissements, autres que ces clubs, qui jouent de la musique enregistrée comme partie intégrante du divertissement présenté par des exécutants en personne.

La formule tarifaire retenue doit être fondée sur des données facilement accessibles, être facile à comprendre, à confirmer et à administrer et difficile à contourner. Elle ne devrait pas fluctuer en fonction de la forme de rémunération des danseuses. Le montant des redevances devrait refléter la taille de l'établissement ainsi que le nombre de jours au cours desquels il est exploité comme club de divertissement pour adultes. Un prix par place, par jour, répond à tous ces critères. Ce prix peut être établi en utilisant les renseignements contenus dans les pièces SOCAN-5B et 5C, portant sur les dépenses de divertissement et le nombre de places disponibles dans onze clubs situés dans la région de Toronto. [8]

Seules les dépenses de divertissement de l'établissement serviront à établir ce prix. Plusieurs motifs amènent la Commission à ne pas tenir compte des sommes versées par les clients pour la danse aux tables. La SOCAN n'a jamais cherché jusqu'ici à inclure ces sommes dans le calcul des redevances; tout au plus a-t-elle fait allusion à la possibilité d'exiger des redevances sur ces sommes comme «outil de négociation». C'est la personne qui s'exécute sur la scène, ou un tiers ) le plus souvent un disc-jockey ) qui choisit la musique. Les danseuses aux tables composent avec la musique qu'on leur fournit. Les sommes qu'un client verse à une danseuse découlent d'une transaction à laquelle le tenancier ne participe pas directement. La sélection de la musique n'a aucun effet sur les décisions d'achat du client en matière de danse aux tables; par contre, la musique accompagnant le divertissement offert sur la scène est plus importante. Enfin, les dépenses de divertissement des clubs faisant partie de l'échantillon utilisé pour établir le tarif sont suffisamment élevées pour établir un tarif raisonnable.

Cet échantillon présente par ailleurs deux défauts. Premièrement, il compte uniquement des clubs de la région métropolitaine de Toronto; leurs dépenses de divertissement sont probablement exagérées par rapport à celles des clubs situés dans des villes plus petites. [9] Deuxièmement, les montants versés aux disc-jockeys fluctuent trop pour servir d'étalon fiable dans l'établissement de la valeur de la musique. Par conséquent, deux ajustements s'imposent. Premièrement, il n'est pas tenu compte des sommes versées aux disc-jockeys dans le montant des dépenses de divertissement utilisé pour établir le taux. Deuxièmement, le pourcentage des dépenses de divertissement servant à établir ce taux ne sera pas le taux de 1,87 pour cent que la Commission certifie dans la présente décision pour le tarif 3.B, mais 1,5 pour cent.

La formule servant à établir le taux par place, par jour, est donc la suivante :

Le montant de 286 920 $ représente la moyenne des dépenses de divertissement effectuées en 1994 par les onze clubs dont le nom se retrouve dans la pièce SOCAN-5C. Le chiffre de 282,18 représente le nombre moyen de places permises dans ces clubs en vertu de leur permis d'alcool. [Pièce SOCAN-5B]. Le résultat est un tarif de 4,2 ¢ par jour, par place.

Un dernier ajustement s'impose. Un établissement ne devrait pas payer pour deux journées d'activité du seul fait que ses heures d'ouverture chevauchent deux jours. Le mot «jour» s'entendra donc de la période entre 6 h du matin un jour et 6 h du matin le jour suivant.

Les tarifs 3.A. (pour 1995 et 1996) et 3.B (pour 1995) sont certifiés tels que déposés par la SOCAN. Le nouveau tarif, qui portera le numéro 3.C (pour 1995), reflète les motifs exposés ci-dessus.

B. Tarifs 4 et 5.B (Concerts)

i. Introduction

a. Historique du tarif depuis 1994 [10]

En 1994, la Commission se penchait sur les tarifs «concerts» pour la septième fois en douze ans. Le déroulement de cette instance a pris une tournure inattendue. La SOCAN avait demandé des taux de 5 pour cent en 1992 et 1993, et de 2,2 pour cent en 1994. Durant les audiences, elle demanda, tout en soutenant qu'un taux de 5 pour cent serait équitable, que le tarif reflète les termes d'une entente conclue avec la Canadian Alliance of Music Presenters (CAMP), un regroupement ad hoc d'usagers du droit d'exécution exerçant ses activités avant tout à l'extérieur du Québec. La SOCAN ne fournit pratiquement aucune preuve au soutien de ses prétentions. [11] Pour sa part, la CAMP «s'est contentée de critiquer les positions mises de l'avant par les autres participants.» [12]

La Commission avait permis à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ), association de francophones qui font activement de la chanson et sont pratiquement tous membres de la SOCAN, d'intervenir dans l'affaire. Elle fut la seule à fournir «une argumentation étayée en faveur d'une hausse des tarifs pour les concerts de musique populaire»; [13] elle recherchait un taux de 5 pour cent, tel que la SOCAN l'avait demandé au départ.

Dans sa décision du 12 août 1994, la Commission concluait que, malgré son caractère incomplet et d'importantes réserves,

«... le dossier tel que constitué permet de conclure qu'une augmentation substantielle du tarif serait justifiée. Un tarif de 5 pour cent serait plus conforme aux autres tarifs que la Commission a approuvés. Rien ne permet de conclure qu'il s'agirait là d'un taux trop élevé. En outre, les deux seuls producteurs appelés à témoigner ont affirmé sans hésitation qu'ils considèrent plus équitable un taux de 5 pour cent et que cela ne les amènerait pas à réduire le nombre de concerts qu'ils produisent.

Malheureusement, la Commission ne peut pas approuver des taux supérieurs à ceux que la SOCAN a déposés pour 1994. ...

En théorie, deux options s'offrent à la Commission. Pour l'année 1994, elle pourrait établir un taux de 5 pour cent pour les membres de la CAMP et de la CAPACOA, et de 2,2 pour cent pour le reste de l'industrie. Elle pourrait aussi fixer pour tous un taux de 5 pour cent pour 1992 et 1993, et de 2,2 pour cent pour 1994. Ces options sont clairement inacceptables.

Par conséquent, le taux sera fixé à 2,2 pour cent pour toute la période sous examen. Cependant, la Commission exprime le vœu que la SOCAN songe sérieusement à déposer un projet de tarif «concerts» pour 1995 à un taux supérieur à celui que contient l'entente SOCAN/CAMP. La Commission estime qu'à défaut de ce faire, les intérêts des membres de la SOCAN seront mal servis.» [14]

b. Les prétentions des participants

C'est suite à ces événements que la SOCAN a déposé des projets de tarifs, identiques à peu de choses près, pour 1995 et 1996. Elle demande 5 pour cent pour les concerts de musique populaire, 3,1 pour cent pour les concerts de musique classique et 1,9 pour cent pour les concerts de musique classique faisant partie d'une série. Elle retient comme assiette tarifaire les recettes brutes pour les concerts payants et les coûts bruts de production pour les concerts gratuits. Les exigences de rapport et les échéances de paiement seraient resserrées pour les diffuseurs de séries. [15] Le tarif minimum serait de 20 $. [16]

Les orchestres de musique classique seraient assujettis à la même formule qu'en 1994, soit un prix fixe par concert augmentant avec l'importance du budget de l'orchestre. Des augmentations se situant entre 4,5 et 11 pour cent seraient appliquées chaque année à la grille tarifaire.

L'Association canadienne des organismes artistiques (CAPACOA), Les productions Fogel-Sabourin (Fogel/ Sabourin), ainsi que la Société nationale des Québécois et des Québécoises de la Capitale, le Comité de la Fête nationale de la Saint-Jean et le Festival d'été international de Québec, qui ont formé le Regroupement des producteurs de concerts gratuits du Québec (Regroupement), se sont opposés au projet de tarif pour 1995. [17]

Se sont joints comme opposants au projet de tarif pour 1996 la Commission de la Capitale nationale (CCN), [18] Live Entertainment (Livent), la Société des fêtes et festivals du Québec (qui s’est jointe au Regroupement précité), le Festival franco-ontarien (FFO) et la Société Pro Musica (Pro Musica). [19] La SPACQ obtenait le statut d'intervenant le 21 décembre 1995.

Tous les opposants demandent que les taux contenus au tarif certifié ne dépassent pas ceux prévus par l'entente SOCAN/CAMP. Certains commentent l'assiette tarifaire, d'autres les exigences de rapport.

Fogel/Sabourin est un important producteur de spectacles de Montréal. Sa preuve et son argumentation ont porté essentiellement sur les concerts de musique populaire. Il demande que le taux soit maintenu à 2,2 pour cent ou encore, qu'il reflète l'entente SOCAN/CAMP. Il demande aussi à la Commission de mettre en branle un processus permettant aux intervenants de mettre au point collectivement une nouvelle formule tarifaire, qui soit mieux adaptée au contexte économique actuel de l'industrie du spectacle.

La CAPACOA agit pour les organisations qui présentent des concerts, principalement dans les petites communautés et pour des clientèles de langue anglaise. Elle demande le gel des taux, l'utilisation du cachet des artistes comme assiette tarifaire pour les concerts gratuits et le maintien des exigences de rapport pour les diffuseurs.

Le Regroupement s'exprime au nom de plusieurs organismes qui présentent des concerts gratuits ou quasi gratuits. Il demande l'établissement d'un tarif distinct pour les festivals. L'assiette du tarif, auquel seraient assujettis les concerts pour lesquels il n'y a pas de prix d'entrée séparé, serait les cachets versés aux interprètes, musiciens, choristes et chefs d'orchestre. La CCN, tout en appuyant cette requête, demande une réduction du taux de façon à tenir compte de la variété d'activités offertes durant ces événements. Pour sa part, le FFO, qui tient à Ottawa un festival annuel comportant des concerts gratuits ainsi que plusieurs autres types d'événements, est allé encore plus loin; il demande que le cachet des artistes serve d'assiette tarifaire pour tous les concerts.

Livent produit des comédies musicales et exploite plusieurs théâtres et salles de concerts. Elle désire que le taux applicable aux concerts de musique classique soit réduit, de façon à refléter le rôle plus modeste que joue la musique protégée dans ce genre d'événements. Pro Musica, organisme voué au rayonnement de la musique de chambre, voudrait que le tarif soit fondé sur la durée des œuvres protégées exécutées lors de chaque concert.

c. La procédure

Les audiences devaient débuter le 28 novembre 1995. Le 6 octobre, la Commission adressait plusieurs questions aux participants. Les dernières réponses lui sont parvenues le 16 novembre. Le 14 novembre, un échéancier permettant aux nouveaux opposants pour 1996 de participer pleinement au processus était mis au point. De nouvelles dates ont alors été établies pour les audiences, qui se sont déroulées entre les 6 et 15 février 1996. Le dossier était en état le 1er mai 1996.

ii. Les concerts de musique populaire

a. Analyse

La décision de la Commission du 12 août 1994 incitait clairement la SOCAN à revoir sa façon de concevoir le tarif «concerts» pour la musique populaire. Le résultat escompté semble avoir été atteint, mais uniquement en partie.

Deux solutions évidentes s'offraient à la SOCAN suite à cette décision. Elle pouvait ignorer l'entente SOCAN/CAMP et déposer des projets comportant des taux plus élevés. La SPACQ a raison de prétendre que l'entente portant sur des usages assujettis à un tarif certifié est nulle et non avenue. [20] Les membres de la CAMP ne disposeraient d'aucun recours pour la faire respecter.

La SOCAN aurait aussi pu ignorer la décision de la Commission et déposer des projets reflétant les taux portés à l'entente. La Commission n'aurait pas eu d'autre choix que de publier les projets de tarifs tels que déposés. À toutes fins pratiques, il aurait alors été impossible d'aller au-delà de ce que la SOCAN demandait sans pécher contre l'équité procédurale. Les taux certifiés auraient été les mêmes que ceux portés à l'entente.

À première vue, la SOCAN a choisi la première solution en demandant un tarif de 5 pour cent. En réalité, toutefois, elle a ouvert une troisième voie dans l'espoir de ménager la chèvre et le chou. De la main gauche, on exige 5 pour cent; de la droite, on permet à ceux qui seraient toujours assujettis à l'entente SOCAN/CAMP de payer 2,3 pour cent en 1995 et 2,4 pour cent en 1996. [21] Ceux qui bénéficieraient de ces réductions jouent un rôle de premier plan dans l'industrie des concerts : en 1994, ils ont versé 64 pour cent des redevances perçues au titre de ce tarif.

Dans les circonstances, ignorer l'entente SOCAN/ CAMP revient à fermer les yeux sur le fait que la SOCAN entend pratiquer deux prix dans un seul et même marché. Il s'agit là non pas d'une [TRADUCTION] «situation inhabituelle», [22] mais bien d'une pratique commerciale déloyale. La Commission n'entend pas permettre à la SOCAN de pratiquer ainsi des prix discriminatoires. La Commission ne peut forcer la SOCAN à percevoir des membres de la CAMP le plein montant d'un tarif qui serait plus élevé que celui prévu par l'entente; elle peut toutefois l'empêcher de percevoir davantage des autres participants dans ce marché.

Pour ce seul motif, la demande de fixation du taux à 5 pour cent est rejetée. Le taux du tarif certifié est de 2,3 pour cent en 1995 et 2,4 pour cent en 1996. [23] Il est à prévoir que le taux en 1997 ne dépasse pas 2,5 pour cent, à moins que la situation évolue de façon importante ou qu'une autre preuve soit versée au dossier. Compte tenu de l'attitude de la SOCAN, la Commission ne voit pas comment elle pourrait autrement faire en sorte que tous les acheteurs de droits «concerts» soient traités de façon équitable et puissent se livrer concurrence sur un pied d'égalité dans ce marché.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner minutieusement la preuve au soutien ou à l'encontre d'une augmentation du taux à 5 pour cent. Cela étant dit, le dossier de la présente affaire est beaucoup plus étoffé qu'en 1994. Les participants ont déposé une preuve qui esquisse une perspective beaucoup plus large de la réalité de l'industrie canadienne contemporaine du spectacle. [24]

En rester là causerait des frustrations inutiles aux participants, et surtout à ceux qui demandent la mise au point d'une nouvelle formule tarifaire, mieux adaptée au marché contemporain du spectacle. Plusieurs témoins ont esquissé certaines difficultés, apparemment endémiques, que soulève la formule tarifaire actuelle, difficultés qui pourraient remettre en doute sa pertinence à long terme. Il semble donc nécessaire d'inventorier certaines de ces difficultés et d'y réfléchir.

b. Les difficultés que soulève le tarif actuel aux yeux de certains

Une augmentation du taux, compte tenu de la structure du tarif, aurait un impact négatif pour les producteurs, les interprètes et les auteurs

Augmenter le taux sans modifier la structure tarifaire pourrait entraîner une réduction du nombre de concerts, si la situation de l'industrie est aussi précaire qu'on l'a prétendu devant la Commission. Une telle réduction aurait un impact négatif sur les revenus des producteurs, certes, mais aussi sur ceux de plusieurs membres de la SOCAN. On a soutenu durant les audiences que la tournée permet à l'artiste en début de carrière de faire ses premières armes, lui permet d'établir la réputation nécessaire à décrocher un contrat d'une maison de disques — et les revenus de vente et d'exécution à la radio qui en découlent — et lui procure 90 pour cent de ses revenus. Si tel est le cas, on peut s'imaginer l'impact qu'aurait sur ces artistes une diminution du nombre de concerts consécutive à une augmentation du tarif. Les bénéfices éventuels des auteurs qui ne sont pas interprètes pourraient aussi s'en trouver diminués dans une certaine mesure.

Même si elle n'entraînait pas une diminution du nombre de concerts, une augmentation sans modification de la structure tarifaire aurait, au mieux, des effets mitigés. Les revenus des auteurs qui ne sont pas interprètes augmenteraient; pour la plupart d'entre eux, toutefois, cette augmentation serait infime. Les revenus des producteurs diminueraient. La situation quant aux interprètes qui co-produisent leurs concerts resterait inchangée ou se détériorerait. [25]

Le tarif actuel semble sous-estimer la contribution de certains auteurs

La SOCAN et la SPACQ déplorent depuis fort longtemps le fait que les auteurs et compositeurs, qui fournissent la «matière première» des concerts, reçoivent une part considérablement moindre des revenus que les interprètes. [26] Elles établissent des comparaisons entre le taux pour les concerts au Canada et les taux européens, ainsi qu'avec le taux des redevances pour les grands droits ici comme ailleurs.

Plusieurs opposants engagés dans la production ou la présentation de concerts de musique populaire semblent partager le point de vue de la SOCAN, du moins en ce qui concerne les auteurs qui ne sont pas interprètes. Ils prennent acte de la différence entre les montants versés pour l'interprétation et ceux versés pour l'utilisation des œuvres. Ils semblent aussi convenir que dans la mesure où les revenus de tournée prennent de plus en plus d'importance, l'auteur qui n'est pas interprète n'obtiendra une part suffisante des recettes provenant de ces activités que si cette part est augmentée.

La structure tarifaire actuelle ne répond peut-être pas aux besoins de l'auteur-compositeur-interprète

Il semble que, dans la plupart des concerts, l'interprète utilise ses propres chansons; [27] plusieurs d'entre eux s'étonnent de certains aspects du régime actuel. Ils comprennent mal devoir payer pour utiliser ce qu'ils croient leur appartenir. Ils s'en prennent à plusieurs des modalités des règles de distribution de la SOCAN : délais, déficit dans les sommes distribuées par rapport aux redevances perçues, traitement égal des artistes s’exécutant en première partie et des têtes d'affiche, et ainsi de suite.

Des règles de distribution plus raffinées pourraient sans doute résoudre plusieurs de ces difficultés apparentes; la Commission ne peut toutefois les modifier. Cela ne veut pas dire pour autant que la Commission devrait rester insensible à ces problèmes dans sa recherche d'une structure tarifaire qui conviennent au plus grand nombre.

Lorsqu'un concert a lieu, l'auteur-compositeur-interprète fournit deux intrants : sa prestation et ses œuvres. La Commission établit le prix du second. Elle pourrait juger opportun, dans certains cas, soit de tenir compte des cachets versés pour le premier dans la détermination du prix du second, soit même d'exiger que l'auteur-compositeur-interprète se fasse rémunérer directement pour ses œuvres par la même personne qui lui verse le prix de sa prestation. [28] Sous un autre angle, il pourrait fort bien être légitime pour celui qui engage l'auteur-compositeur-interprète de chercher à acheter la prestation et à louer les œuvres au moyen d'une transaction unique. Le fait que la SOCAN détienne les droits sur ces œuvres ne constitue pas, en soi, un empêchement dirimant.

Solutions possibles

Le tarif actuel est simple et facile à administrer. Cela étant dit, la recherche de simplicité peut parfois «... faire obstacle à un régime plus juste et plus équitable.» [29] Les marchés complexes nécessitent parfois des structures tarifaires plus raffinées.

Les producteurs considèrent que la structure tarifaire actuelle est injuste. Les auteurs-compositeurs-interprètes la trouvent inappropriée. La rémunération qui en résulte pour les auteurs qui ne sont pas des interprètes est insuffisante. Cette structure pourrait ne pas répondre aux besoins des divers participants dans l'industrie contemporaine du spectacle à tellement d'égards qu'il faudrait songer à la modifier de fond en comble.

Une nouvelle structure tarifaire devrait chercher à répondre aux besoins de tous les intéressés : auteurs-compositeurs-interprètes, auteurs qui ne sont pas interprètes, producteurs et diffuseurs.

Un tarif gradué pourrait peut-être donner ce résultat. Le taux pourrait être plus élevé lorsque les œuvres exécutées ne sont pas celles de l'interprète : on pourrait songer à 5 pour cent. [30] Plus l'interprète exécuterait ses propres œuvres, plus le taux diminuerait. Un taux plancher — un pour cent, peut-être — tiendrait compte des dépenses administratives de la SOCAN, des substitutions et additions de dernière minute, ainsi que de la musique incidente. La structure pourrait être ajustée pour tenir compte des artistes s’exécutant en première partie, particulièrement ceux qui interprètent les chansons des autres.

La Commission a demandé à plusieurs témoins leur point de vue sur un tarif qui prévoirait des taux différents pour les auteurs-compositeurs-interprètes et pour ceux qui interprètent les chansons des autres. Certains se sont dit intéressés, tout en se demandant si l'on ne risquait pas d'inciter les producteurs à engager uniquement des auteurs-compositeurs-interprètes. D'autres craignaient qu'une telle mesure mette un frein à la spontanéité et influence la façon dont le contrat entre l'interprète et le promoteur est structuré. D'autres enfin se demandaient comment prévenir les abus qui pourraient découler d'un transfert des droits de l'auteur-compositeur-interprète à un tiers.

La SOCAN a dit craindre qu'une telle formule décourage l'utilisation des chansons des autres, permette aux producteurs d'acheter à rabais les droits d'exécution des auteurs-compositeurs-interprètes, et encourage la falsification des rapports. Il ne saurait être question d'adopter une telle formule sans tenir compte de ces craintes, que ce soit durant les échanges qui pourraient avoir lieu entre les intervenants dans l'industrie ou lors d'éventuelles audiences sur la question. Il faudra peut-être resserrer les exigences de rapport et exiger des producteurs qu'ils enregistrent la prestation aux fins de vérification. Il faudra aussi tenir compte de la possibilité d'utiliser pour la perception des redevances, les renseignements dont la SOCAN dispose déjà aux fins de distribution. [31]

Plusieurs participants demandent que les intéressés, y compris la SOCAN, tentent de mettre au point une nouvelle structure tarifaire améliorée, qui tienne compte des besoins des auteurs et des utilisateurs plutôt que de ceux des institutions ou des organisations dont ils sont membres. La présente audience a permis de formuler plusieurs suggestions à cet égard; la présente décision jette un premier coup d'œil sur certaines d'entre elles. La Commission espère que ces quelques réflexions aideront les participants à mettre en branle un processus de réévaluation qui portera fruit. [32]

iii. Les concerts gratuits

Jusqu'à tout récemment, les concerts gratuits étaient assujettis au tarif minimum. Dans sa décision du 12 août 1994, la Commission, se fondant sur le dossier de l'audience, retenait les coûts de production comme assiette tarifaire pour ces concerts.

La SPACQ et la SOCAN demandent le maintien de l'assiette tarifaire. La SOCAN soutient que les difficultés d'application auxquelles on a fait allusion durant les audiences sont exagérées, et découlent avant tout de la nouveauté de la formule; selon elle, il faut donner aux intéressés le temps de les aplanir. La SOCAN ajoute que la plupart des titulaires de licences ont payé sans problèmes. [33] La SPACQ prétend que le cachet des artistes ne convient pas comme assiette tarifaire et qu'il faudrait à tout le moins y ajouter les montants nécessaires à la présentation des spectacles : son, éclairage, techniciens, et ainsi de suite. [34]

Les opposants ont raison de croire que l'utilisation des coûts de production comme assiette tarifaire a pu entraîner des injustices. Il semble maintenant que l'utilisation de cette assiette peut entraîner des redevances plus élevées pour les concerts gratuits que pour les concerts payants, pour lesquels la billetterie est souvent inférieure aux coûts de production. [35] L'impact de cette mesure semble avoir été encore plus important dans le cas des concerts en plein air, qui entraînent des dépenses qu'on associe difficilement à une prestation, et des concerts pour lesquels une partie des dépenses est occasionnée par leur diffusion à la radio ou à la télévision.

Cette formule s'est aussi avérée difficile d'application et a entraîné des interprétations au cas par cas. Cela a engendré de l'incertitude et de la subjectivité.

Vu l'absence de recettes au guichet, le cachet des artistes semble la meilleure façon d'établir les redevances payables pour les concerts gratuits. C'est une donnée facile à vérifier, sujette aux fluctuations du marché, et qu'on connaît à l'avance dans la plupart des cas, ce qui aide à réduire le fardeau administratif.

L'assiette tarifaire correspondra donc aux cachets versés à ceux qui s'exécutent sur la scène (interprètes, musiciens, danseurs, chefs d'orchestre).

Par ailleurs, la définition de concert gratuit a besoin d'être précisée. Tous les concerts pour lesquels un prix d'entrée supplémentaire n'est pas perçu seront assujettis au tarif pour les concerts gratuits : c'est déjà le cas pour le tarif 5.B. Par conséquent, lorsqu'un prix d'entrée est perçu pour l'accès au lieu de tenue d'un festival, mais non pour les concerts qui y sont donnés, ces concerts seront traités comme des concerts gratuits.

Les concerts pour lesquels les interprètes ne sont pas rémunérés seront assujettis à la redevance minimale.

Il n'est pas nécessaire d'ajuster le taux pour tenir compte du changement d'assiette tarifaire. Les artistes qui participent à des concerts gratuits reçoivent des cachets beaucoup plus élevés que pour les concerts payants. Qui plus est, il semble maintenant évident que ces cachets dépassent souvent les recettes au guichet des diffuseurs de petite, moyenne et même grande envergure. [36]

Comme le cachet des artistes sert d'assiette tarifaire pour tous les concerts gratuits, il n'est pas nécessaire d'adopter un tarif distinct pour les concerts gratuits donnés dans le cadre de festivals.

iv. Les concerts de musique classique

En 1994, la Commission divisait en trois le tarif 4.B. Le tarif par événement était déjà en place. Celui pour les orchestres reprenait les termes de l'entente intervenue entre la SOCAN et l'Association canadienne des orchestres. Le tarif pour les diffuseurs visait à leur offrir une prévisibilité budgétaire semblable à celle dont bénéficiaient les orchestres tout en évitant de les inciter à réduire leur utilisation de musique protégée.

Personne ne s'est opposé aux tarifs pour les orchestres, qui sont certifiés tels que déposés par la SOCAN.

Quant au taux pour le tarif par événement et celui pour les diffuseurs, la SOCAN demande, comme par le passé, qu’il soit tributaire de celui applicable aux concerts de musique populaire, tout en tenant compte du fait qu'on utilise moins de musique protégée durant les concerts de musique classique. Cette demande tient pour acquis que la musique sérieuse devrait être évaluée de la même façon que la musique populaire. La Commission est maintenant d'avis, tout comme Livent et Pro Musica, que cette prémisse doit être remise en question, et qu'il faut desserrer le lien établi jusqu'ici entre les concerts de musique classique et populaire. Les marchés semblent différents, tout comme le sont les défis financiers relevés dans chacun de ces secteurs de l'industrie du concert et les sources de financement. Il est fort possible, par ailleurs, que Pro Musica et Livent aient raison de prétendre que dans l'ensemble, lorsqu'il s'agit de musique sérieuse, la musique protégée ne présente pas le même attrait que celle faisant partie du domaine public. La SOCAN voudra donc à l'avenir présenter une preuve distincte à l'égard de ces tarifs et ne pas s'attendre à ce qu'ils suivent automatiquement les fluctuations du tarif pour les concerts de musique populaire.

La Commission aurait hésité de toute façon à augmenter le tarif. Les hausses de 1994 étaient importantes; il aurait été prématuré de songer à une autre augmentation sans comprendre à fond l'impact de la hausse la plus récente sur ce marché.

Les taux prévus aux tarifs 4.B.1 et 4.B.3 restent donc les mêmes. L'assiette tarifaire pour les concerts gratuits devient le cachet des artistes.

L'application du tarif minimum n'est pas étendue au tarif 4.B.3. La Commission continue de croire que «La musique faisant partie du domaine public a une telle importance dans les concerts de musique classique, qu'une redevance minimale pourrait décourager l'usage de musique protégée.» [37]

Présentement, l'utilisateur assujetti au tarif 4.B.3 verse des redevances une fois l'an, à l'avance, si la redevance ne dépasse pas 100 $. Sinon, des versements trimestriels sont effectués. La SOCAN demande des rapports et versements trimestriels, déposés dans les 30 jours suivant la fin de chaque trimestre. Elle soutient que cette façon de procéder n'est pas plus lourde que la formule actuelle, qui nécessite d'abord le dépôt d'un rapport provisoire et d'un versement, suivi d'un rapport final et d'un ajustement. Elle prétend aussi que cette façon de procéder permettrait la distribution plus rapide des montants en jeu, les concerts faisant l'objet d'une cagnotte distincte.

Les exigences de rapport prévues au tarif 4.B.3 demeurent les mêmes. Ce tarif est encore expérimental; on y a eu recours que fort peu. La SOCAN n'a pas convaincu la Commission que la solution qu'elle met de l'avant faciliterait les choses.

Il y a toutefois lieu de préciser que les revenus d'abonnement et des frais d'adhésion font partie de l'assiette tarifaire : en effet, il semble que la plupart des organisations présentant des spectacles dans les collectivités plus petites aient recours à ces formes de financement. [38]

Pro Musica demandait un tarif qui soit fondé sur la durée des œuvres protégées exécutées lors de chaque concert. Cette formule serait trop lourde et pourrait encourager les interprètes à ne pas utiliser de musique protégée. En outre, les organismes comme Pro Musica, qui ne présentent pas de concerts comportant plus d'une œuvre protégée, peuvent se prévaloir du tarif 14 et n'ont pas, de toute façon, à verser de redevances pour les concerts qui n'en comportent aucune.

C. Tarif 14 (Exécution d'œuvres particulières)

La SOCAN n'entend plus empêcher le recours à ce tarif dans le cas des concerts. Il est donc certifié tel que formulé en 1994.

D. Tarif 16 (Fournisseurs de musique)

i. Introduction

Un tarif pour l'exécution publique de musique achetée d'un fournisseur existe, sous une forme ou sous une autre, depuis les années quarante, sinon avant. Les formules tarifaires utilisées par chacune des sociétés de perception de l'époque étaient fort différentes.

C'est ainsi qu'en 1960, la CAPAC percevait 2,75 pour cent du coût des systèmes de musique «par fil» pour les établissements industriels, et 5,5 pour cent pour les autres, sous réserve d'un minimum de 30 $. En 1961, on adoptait un nouveau tarif, portant sur toute la musique de fond et comportant neuf sous-catégories. Le prix était fixe pour les établissements ne dépassant pas une certaine superficie, et augmentait graduellement pour les établissements plus grands. Les fournisseurs qui s'engageaient à remettre les redevances bénéficiaient d'un escompte de 5 à 20 pour cent. [39] À partir de 1971, la CAPAC obtint d'assujettir à nouveau les fournisseurs de musique à un tarif distinct, reflétant pour l'essentiel la formule utilisée dans le tarif pour 1960. [40] Les taux demeurèrent les mêmes jusqu'en 1990. Le coût de l'équipement accompagnant le service de musique était parfois inclus, mais pas toujours, dans l'assiette tarifaire.

Quant à elle, la SDE et son ancêtre, BMI Canada, commencèrent à percevoir des redevances des fournisseurs de musique en 1956. Les fournisseurs étaient désignés titulaires de la licence. Le montant des redevances était de un pour cent du coût du service si ce dernier dépassait 100 $ par mois. Les autres établissements versaient 6 $ par année, ou 3 $ si l'établissement était ouvert moins de six mois par année. [41] Les taux ne changèrent pas jusqu'en 1983. La taux passa alors à 1,06 pour cent, puis à 1,2 pour cent en 1985 et à 2 pour cent en 1988; [42] quant au taux applicable aux autres établissements, il passa de 6,35 $ en 1983 à 7,90 $ en 1986, puis à 15 $ en 1988 et à 18 $ en 1989. À partir de 1988, le prix minimum était réduit pour les fournisseurs acquittant des redevances pour plus de 10 établissements.

En 1991, la CAPAC et la SDE fusionnèrent. Dans l'ensemble, les taux prévus par le tarif 16 devinrent la somme des taux alors en vigueur : 4,75 pour cent pour les établissements industriels et 7,5 pour cent pour les autres établissements, la redevance minimale étant de 48 $ pour tous les locaux à l'exception des bureaux de professionnels. Les petits commerces employant cinq personnes ou moins et dont l'abonnement coûtait 10 $ par mois ou moins payaient 20 $ par année. La redevance minimale diminuait progressivement de 45,60 $ à 33,60 $ pour les fournisseurs comptant trois clients ou plus. En 1992 et 1993, les taux demeurèrent les mêmes. Toutefois, la Commission apporta en 1993 des modifications au libellé du tarif, modifications qui ont soulevé certaines des controverses qui font l'objet du présent débat.

Les projets de tarifs sous étude portent sur les années 1994 à 1996. Le projet pour 1994 est identique au tarif certifié pour l'année 1993. La SOCAN demande qu'à partir de 1995, la redevance soit de 7,5 pour cent du coût du service de musique pour tous les établissements assujettis au tarif 16, et que la redevance minimale soit de 90,38 $. La diminution graduelle de la redevance minimale en fonction du nombre de clients du fournisseur serait éliminée.

DMX Canada Partnership (DMX), qui s'était opposée au projet pour l'année 1994, a retiré son opposition le 15 avril 1995. DMX, CHUM Satellite Business Music Network (CHUM) et Standard Sound Systems (Standard) se sont opposées aux projets pour les années 1995 et 1996. Ces sociétés fournissent de la musique de fond à plus de la moitié des établissements assujettis au tarif 16.

L'audience portant sur le tarif 16 a eu lieu les 12, 13 et 14 décembre 1995. Le dossier était en état le 4 avril 1996.

ii. Les prétentions des participants

L'argumentation de la SOCAN au soutien d'un changement de structure tarifaire peut se résumer comme suit. Premièrement, le tarif 16 porte sur deux usages distincts; la redevance devrait tenir compte des revenus engendrés par l'utilisation de musique dans ces deux marchés. Deuxièmement, la musique de fond a pris de l'importance pour les établissements commerciaux; elle entraîne des gains de productivité et des augmentations du chiffre d'affaires dont il faut tenir compte. Troisièmement, la nature même de l'utilisation de musique assujettie au tarif s'est transformée, passant de la simple musique de fond à un usage beaucoup plus évident de musique, impliquant souvent l'exécution à fort volume des succès de l'heure. Quatrièmement, la distinction entre les établissements industriels et les autres est dépassée et la disposition visant les petits commerces, désuète. Cinquièmement, la diminution graduelle de la redevance minimale pour les fournisseurs comptant plusieurs clients est injustifiée puisque, de toute façon, les droits ne sont pas assez élevés. Si les fournisseurs étaient véritablement des percepteurs de redevances, la grille applicable serait celle prévue au tarif 15. D'ailleurs, les fournisseurs de musique ont besoin eux-mêmes d'une licence pour l'usage auquel ils se livrent, et ils ne rendent pas service à la SOCAN en percevant les redevances que devraient verser ceux qui achètent leurs services.

Les opposants s'en prennent à l'importance de la hausse demandée par la SOCAN et rejettent son analyse fondée sur l'existence de deux utilisations. Ils demandent de faire reconnaître leur rôle en tant que percepteurs de redevances, et soutiennent que cet arrangement réduit considérablement les coûts de mise en application et de perception de la SOCAN. Ils prétendent qu'on ne peut fixer la redevance minimale au même niveau que dans le tarif 15 sans faire fi du service que les fournisseurs rendent à la SOCAN et nuire à leur industrie. Selon eux, le dossier de la présente affaire ne contient rien qui justifie soit la disparition de la distinction entre les établissements industriels et les autres, soit le taux pour les petits commerces. Ils conviennent que la structure tarifaire a peut-être besoin d'être modifiée pour l'avenir, mais demandent l'application de la formule du tarif pour 1992 durant la période sous étude.

Les opposants ne se sont pas opposés à ce que les bureaux de professionnels soient assujettis à la redevance minimale.

iii. Analyse

La SOCAN a totalement échoué dans sa tentative de convaincre la Commission du besoin de modifier soit les taux, soit la structure du tarif. Aucune preuve n'a été avancée au soutien de la prétention portant que le tarif est beaucoup trop bas. Les «explications» superficielles offertes par M. Perkins et par madame Pollock n'ont pas répondu aux questions répétées de la Commission portant sur plusieurs sujets. Parfois, les témoins n'arrivaient tout simplement pas à expliquer quoi que ce soit des origines, des fondements et de l'évolution du tarif; parfois encore, ils les dénaturaient. Le témoignage du docteur Chebat n'a servi à rien dans la recherche du prix pour une licence générale, et ce, pour des motifs qui sont précisés un peu plus loin. La preuve claire, convaincante et instructive des témoins des opposants contrastait de façon évidente avec celle de la SOCAN.

Peut-être la SOCAN a-t-elle des motifs valables, mise à part l'affirmation gratuite que l'industrie est en mesure d'absorber une hausse, pour demander une augmentation du tarif; si tel est le cas, elle les a passés sous silence. Il est faux d'affirmer que les modifications proposées rapprocheraient les redevances payables en vertu du tarif 16 de celles prévues au tarif 15; [43] de toute façon, cela ne constituerait pas une justification suffisante pour procéder aux modifications proposées.

Il y a lieu néanmoins de traiter d'un certain nombre de questions aux fins de la présente affaire.

La SOCAN a probablement raison de soutenir que le tarif 16 vise parfois deux usages protégés dont elle gère les droits. [44] La communication par télécommunication entre le fournisseur et l'acheteur, lorsqu'elle existe, est probablement une communication au public. Par ailleurs, l'exécution, par l'acheteur, de la musique fournie par le service est publique dans la plupart des cas. [45]

Cela ne veut pas dire pour autant que la SOCAN devrait recevoir davantage lorsque l'exécution implique deux usages protégés plutôt qu'un. Le besoin d'une ou plusieurs licences ayant été établi, ce sont les considérations d'ordre économique qui prennent le dessus dans la détermination du prix. [46] La musique est exécutée dans un commerce pour être entendue par ses clients et ses employés. Il s'agit du niveau de marché le plus pertinent à la détermination du prix pour la consommation de musique de fond, qui fait l'objet du tarif 16. À cet égard, il importe peu que la musique soit «livrée» par signal radio, sur un disque compact ou sur une cassette achetée d'un détaillant, ou encore sur le signal ou la bande magnétique d'un fournisseur de musique. Le niveau de consommation du répertoire de la SOCAN reste le même peu importe le nombre d'usages protégés nécessaires pour faire en sorte que la musique soit entendue par le destinataire. Le montant des redevances que l'auteur reçoit pour l'exécution ne devrait donc pas être fonction du moyen utilisé pour l'effectuer. Inversement, il ne faudrait pas exiger d'un commerce qu'il paye davantage pour exécuter de la musique du seul fait qu'il se sert d'une technologie plutôt que d'une autre pour se la procurer.

Sous un autre angle, le titulaire est pleinement rémunéré pour l'utilisation de sa musique par le versement des redevances pour l'utilisation principale ) soit l'exécution dans le commerce ) et ce peu importe que cela implique une utilisation préalable et incidente, soit la communication de l'œuvre au commerce. Le prix fixé pour l'utilisation principale tient déjà compte de la valeur pour le compositeur de cette utilisation préalable.

S’appuyant sur le témoignage du docteur Chebat, la SOCAN semble soutenir qu'une sélection minutieuse de musique, et les effets qui en découlent sur l'humeur des employés et des clients, procure une valeur ajoutée dont il faudrait tenir compte dans le prix de la licence. La Commission ne partage pas ce point de vue. La licence de la SOCAN donne accès à son répertoire, peu importe ce qu'on y choisit. Ce qui influence l'humeur des intéressés, ce n'est pas l'exécution de musique au hasard, mais la sélection et l'assemblage minutieux auxquels se livre le fournisseur de service, qui augmente la valeur de la compilation créée par ce dernier. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte de cette valeur ajoutée dans la détermination du prix payé pour l'exécution publique.

On ne peut pour autant en déduire que le prix payé pour de la musique de fond devrait nécessairement être le même, qu'elle soit ou non achetée d'un fournisseur. Les participants s'entendent tous pour continuer d'utiliser le coût du service comme assiette tarifaire du tarif 16. Cette formule est utilisée depuis plus de 30 ans. Par le passé, on a parfois appliqué aux fournisseurs de musique une formule semblable à celle du tarif 15; pour des motifs qui n'ont pas été dévoilés, la SOCAN et les fournisseurs ont préféré la formule actuelle. Qui plus est, plusieurs tarifs sont fonction d'un pourcentage du prix du divertissement dont la musique fait partie lorsque l'auditeur n'est pas celui qui achète ce divertissement. [47]

Reste l'argument de la SOCAN à l'encontre d'une diminution graduelle de la redevance minimale pour les fournisseurs qui ont plusieurs clients. Le témoignage de M. West Sr. a fait clairement ressortir qu'il existe depuis les années soixante, sinon même avant, un arrangement entre la SOCAN et les fournisseurs de musique. Cet arrangement, dont chacun tire des bénéfices importants, se retrouve sous une forme ou sous une autre dans les tarifs comme dans des ententes parallèles. Percevoir les redevances des fournisseurs de musique permet à la SOCAN de réduire ses frais et son fardeau administratifs, et garantit une conformité absolue dans un marché où, de toute évidence, l'application d'une autre formule serait difficile et coûteuse. [48] Les mêmes motifs d'efficacité exigent que le fournisseur soit celui à qui la licence est délivrée.

La SOCAN n'a rien déposé qui permette de croire que les escomptes dont bénéficient les fournisseurs de musique dépassent les bénéfices économiques qu'elle retire de cet arrangement. Si la SOCAN croit fermement que tel est le cas et qu'elle est en mesure de faire respecter le tarif 15, rien ne l'empêche de laisser tomber le tarif 16 et de percevoir des redevances, fondées sur le tarif 15, de chacun des abonnés à un service de musique.

L'escompte pour les petits commerces est par ailleurs maintenu. La Commission n'est pas convaincue que cette disposition est périmée. Si elle l'est, son maintien ne portera pas préjudice à la SOCAN de toute façon. La redevance minimale s'appliquera maintenant aux bureaux de professionnels, puisqu'il ne semble y avoir aucun motif pour ne pas les y assujettir.

Le libellé du tarif est modifié à plusieurs égards. Premièrement, on précise que le tarif vise à la fois l'exécution à laquelle se livre l'acheteur du service et, le cas échéant, la télécommunication effectuée par ce dernier. Deuxièmement, la notion de musique «de fond» est réintroduite. Troisièmement, le libellé est modifié pour tenir compte du fait que la musique est souvent livrée de façon électronique plutôt que sur supports. Quatrièmement, on permet clairement une déduction raisonnable pour tenir compte du coût des équipements.

CHUM et Standard demandent à la Commission d'entreprendre un réexamen des tarifs 15, 16, 17 et 22 de façon à mieux les harmoniser. L'objet de cette demande semble être l'établissement de taux comparables pour la musique de fond sans égard à la façon dont elle est livrée. Il s'agit là d'un objectif louable qu'il faut garder à l'esprit. Pour ce faire, la Commission devra comprendre la raison d'être des différences de structure tarifaire entre les tarifs 15 et 16 et déterminer si ces différences sont justifiées.

Dans un avenir rapproché, il faudra peut-être songer à modifier certains tarifs de façon à les rendre technologiquement neutres; cela pourrait vouloir dire exiger des fournisseurs d'autres signaux, y compris les câblodistributeurs, qu'ils versent des redevances pour les exécutions publiques auxquelles leurs clients se livrent. La Loi exige certes que l'exploitant du commerce qui pourra bientôt s'abonner à un service de radio payante obtienne une licence en vertu du tarif 15. Toutefois, et sous réserve de la preuve et de l'argumentation qui seront présentées en temps et lieu, les raisons qui portent la Commission à demander que le service de musique verse les redevances pour les exécutions publiques de ses clients semblent tout aussi pertinentes pour les services transmis par câble. Qui plus est, et toujours sous réserve de la preuve et de l'argumentation qui seront présentées plus tard, rien ne semble justifier que la SOCAN reçoive plus, ou moins, de redevances en raison de l'identité du fournisseur de musique ou du moyen utilisé pour le livrer.

Le secrétaire de la Commissson,

Signature

Claude Majeau



[1] Un erratum portant sur le projet de tarif 9 (Événements sportifs) fut publié le 14 octobre 1995. Les utilisateurs éventuels pouvaient s'opposer à ce tarif jusqu'au 11 novembre suivant.

[2] La redevance était de 27 $ si les coûts de divertissement annuels ne dépassaient pas 5 000 $; elle grimpait à 1 133 $ et 0,53 pour cent de l'excédent si ces coûts dépassaient 160 000 $.

[3] Dans la région métropolitaine de Toronto, on parle d'environ 60 $.

[4] Leurs honoraires varient entre 1 000 $ et 5 000 $ par semaine.

[5] Jusqu’au 1er janvier 1994, les exécutions effectuées au moyen d’un phonographe bénéficiaient, dans certaines circonstances, d’une exemption aux termes du paragraphe 69(2) de la Loi.

[6] Le fait que la SOCAN ait permis de tels escomptes quand elle cherchait à régler des différends n'est pas pertinent en l'espèce.

[7] La Commission ne voit pas la nécessité de recourir, dans ce cas-ci, à des comparaisons avec les tarifs américains. Les données canadiennes permettent d'établir suffisamment de comparaisons utiles pour trancher la question.

[8] Les redevances versées par ces clubs en 1994 représentaient près de 10 pour cent des redevances versées au titre du tarif 3.B.

[9] En 1994, la SOCAN a perçu en moyenne 1 564 $ des 337 établissements qui ont versé des droits en vertu du tarif 3.B [voir la pièce SOCAN-2]. La moyenne de dépenses de divertissement se situerait donc autour de 87 000 $. Pour les clubs faisant partie de l'échantillon, cette moyenne est d'environ 287 000 $.

[10] L'évolution du tarif avant 1994 est décrite dans la décision intitulée Tarif des droits à percevoir pour l'exécution ou la communication par télécommunication au Canada d'oeuvres musicales ou dramatico-musicales en 1992, en 1993 et en 1994 (1994), Rapports de la Commission du droit d'auteur, 1990-1994, 385, pp. 402-407. [Ci-après «Exécution publique, 1994»].

[11] Exécution publique, 1994, p. 413.

[12] Exécution publique, 1994, p. 414.

[13] Exécution publique, 1994, p. 414.

[14] Exécution publique, 1994, p. 417 et 418.

[15] En français, le tarif parle de présentateurs. Le dossier de la présente affaire semble toutefois indiquer que c'est l'expression «diffuseur» qui est utilisée par les intéressés.

[16] Le minimum s'appliquerait aux diffuseurs uniquement en 1996.

[17] Le 22 août 1995, la CAMP a retiré son opposition.

[18] La CCN avait obtenu le statut d'intervenant pour le dossier de 1995.

[19] En plus de la participation de ces opposants à l’audience, la Commission avait également reçu une trentaine d’autres oppositions. Pour l’ensemble, ces derniers opposants appuyaient la position défendue par les participants lors de l’audience.

[20] Il n'est pas nécessaire, aux fins de la présente affaire, de décider si une telle entente lie les parties en l'absence d'un tel tarif.

[21] La SOCAN ne permet à personne de se joindre à l'entente. Elle croit par ailleurs que certains des «membres» de la CAMP ont dénoncé l'entente et seront assujettis au tarif.

[22] M. Rock, tr., p. 1150.

[23] La Commission ne peut, comme le demande le FFO, certifier un tarif pour une période allant au-delà de celle pour laquelle des projets de tarifs ont été déposés et publiés.

[24] En 1994, six témoins ayant un intérêt direct dans le marché des concerts populaires ont comparu : deux auteurs, deux producteurs de concerts et deux auteurs-compositeurs-interprètes. Tous provenaient du Québec et témoignaient à la demande de la SPACQ. Cette année, douze témoins ayant un intérêt direct dans le marché des concerts populaires ont comparu : un auteur, un auteur-compositeur-interprète, cinq producteurs de concerts, un diffuseur-pigiste, deux gérants de groupes (dont un est membre du conseil d'administration de la section canadienne de l'International Managers Forum, une importante association de gérants de groupes), une représentante de RIDEAU, une association de diffuseurs de spectacles au Québec et dans les autres marchés francophones, et un représentant de l'Ontario Council of Folk Festivals. Ces témoins, qui provenaient du Québec et d'ailleurs, ont traité de divers aspects du marché et offert des points de vues dont on n'avait pas fait part jusqu'ici à la Commission.

[25] Il semble que les ensembles les mieux connus obtiennent jusqu'à 90 pour cent de la recette nette. L'interprète qui chante les compositions des autres recevra donc 90 ¢ de moins pour chaque dollar de redevances versé à la SOCAN. Quant à l'auteur-compositeur-interprète, il ne recevra cet argent que beaucoup plus tard, et seulement en partie.

[26] Il semble que les cachets d'artistes représentent 73 pour cent de la recette brute en ce qui a trait aux 28 membres de RIDEAU qui ont fait l'objet d'une enquête en 1995. Dans le cas des producteurs commerciaux, tels Donald K. Donald, MCA, CPI et Fogel/Sabourin, ce pourcentage se situerait entre 40 et 50 pour cent.

[27] La preuve dont dispose la Commission établit que c'est le cas pour 85 à 90 pour cent des concerts au Canada anglais, et pour 70 à 75 pour cent des concerts au Canada français.

[28] C'est ce que la Commission a fait, par exemple, dans le cas des utilisateurs qui achètent leur musique de fond d'un grossiste : voir infra, la décision de la Commission portant sur le tarif 16.

[29] Tarif des droits à percevoir pour l'exécution au Canada d'œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1991 (1991), Rapports de la Commission du droit d'auteur, 1990-1994, 283, p. 293.

[30] Le taux ne devrait pas être tellement élevé qu'il aurait des effets pervers tels que ceux dont certains témoins ont donné un aperçu. Voir par exemple, tr., p. 422, 423 et 783.

[31] D'autres facteurs pourraient entrer en jeu. Par exemple, les interprètes qui chantent leurs propres chansons auront-ils toujours droit au «supplément» de 20 pour cent que prévoient les règles de distribution pour les concerts plus petits? Comment tiendra-t-on compte, par ailleurs, de la perte éventuelle de revenu des éditeurs?

[32] Les participants pourront entre autres tenter d'en arriver à un consensus sur les facteurs qu'ils considèrent pertinents et ce, même s'ils n'arrivent pas à s'entendre sur l'importance relative de ces facteurs ou encore, sur le taux qui devrait s'appliquer.

[33] Argumentation, p.13; tr. p. 972.

[34] Dans son témoignage, M. Plamondon a parlé de «frais de plateau».

[35] Cela semble particulièrement vrai dans le cas des diffuseurs qui sont membres de RIDEAU ou de CAPACOA : M. Arcand, tr. p. 928.

[36] Voir les pièces Fogel/Sabourin-14 et 15.

[37] Exécution publique, 1994, p. 426.

[38] M. Zukerman, tr., pp. 1935-1937.

[39] Certains fournisseurs continuèrent de verser des redevances fondées sur le coût du service. La pièce C/S-32 confirme que ce fut le cas de CJAD entre 1963 et 1970. La façon dont le nom de CJAD a été inséré dans le document porte à croire qu'il s'agissait là d'un contrat type qu'on aurait pu utiliser à l'égard d'autres fournisseurs.

[40] Deux changements furent effectués. La redevance pour les petits établissements payant moins de 10 $ par mois pour leur service de musique fut fixée à 12 $ par année, et les bureaux de professionnels n'étaient pas assujettis à la redevance minimale.

[41] Ces montants étaient bien inférieurs aux redevances payées par les établissements commerciaux ou industriels qui fournissaient leur propre musique. Voir par exemple les tarifs 6, 7 et 8 de 1971.

[42] La même année, le seuil à partir duquel le taux s'appliquait passa de 100 $ par mois à 1 000 $ par année.

[43] Le tarif 15 est fondé sur la superficie. Le tarif 16 que propose la SOCAN serait toujours fondé sur le coût du service. Les redevances qui résultent de ces deux formules sont probablement fort différentes, tout particulièrement dans le cas des grandes surfaces. Dans la proposition de la SOCAN, c'est uniquement le prix minimum qui est le même dans les deux tarifs.

[44] Tel n'est pas le cas pour cette minorité de clients à qui le fournisseur de musique remet des bandes magnétiques.

[45] Aux fins de la présente décision, il n'est pas nécessaire d'établir si les exécutions bénéficient de l'exemption prévue au paragraphe 69(2) de la Loi lorsque le service est transmis au moyen des ondes radio.

[46] Tarif des droits à percevoir pour l'exécution au Canada d'oeuvres musicales ou dramatico-musicales en 1990, 1991, 1992 et 1993 (1993), Rapports de la Commission du droit d'auteur, 1990-1994, 345, p. 366, cité dans l’arrêt Canadian Association of Broadcasters c. SOCAN (1994), 58 C.P.R. (3d) 190 (C.A.F.), p. 199a.

[47] C'est le cas des tarifs 3 et 12. Il est évidemment impossible d'utiliser cette assiette tarifaire dans le tarif 15.

[48] Comment expliquer autrement le fait que seulement 3 855 comptes soient ouverts au titre du tarif 15.A pour tout le Canada, alors que les fournisseurs de musique versent des redevances impliquant plus de 12 000 établissements?

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