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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1999-10-27

Référence

DOSSIERS : Exécution publique d’œuvres musicales 1996, 1997, 1998

Régime

Exécution publique d’œuvres musicales

Loi sur le droit d’auteur, article 67.2

Commissaires

Michel Hétu, c.r.

Mme Adrian Burns

M. Andrew E. Fenus

Projets de tarif examinés

(TARIF 22 – TRANSMISSION D’OEUVRES MUSICALES À DES ABONNÉS D’UN SERVICE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS NON VISÉ PAR LE TARIF 16 OU LE TARIF 17)
[PHASE I : QUESTIONS JURIDIQUES]

Tarif des droits à percevoir pour l’exécution ou la communication par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

TABLE DES MATIÈRES

I. REMARQUES INTRODUCTIVES - 1 -

A. Le phénomène de l’Internet - 2 -

B. Les prétentions des parties - 3 -

C. La preuve - 4 -

D. L’objet de la présente décision - 5 -

II. L’INTERNET - 6 -

A. Aperçu - 6 -

B. Musique sur l’Internet - 10 -

C. Activités des fournisseurs de contenu - 12 -

D. Ententes commerciales pour la fourniture de contenu - 13 -

E. Conclusion - 16 -

III. ANALYSE - 16 -

A. Que veulent dire les termes «communication», «télécommunication», «public» et «œuvre musicale» dans le contexte des transmissions sur l’Internet? - 18 -

B. À quel moment une communication au public a-t-elle lieu sur l’Internet? - 22 -

C. Qui communique sur l’Internet? En particulier, qui peut invoquer l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi? - 24 -

D. Quand y a-t-il autorisation d’une communication sur l’Internet? - 29 -

E. Quand une communication sur l’Internet se produit-elle au Canada? - 32 -

IV. QUESTIONS CONNEXES - 33 -

A. Le droit d’autoriser et d’effectuer une communication sur l’Internet - 34 -

B. La capacité de la Commission de procéder à l’examen du tarif déposé - 34 -

C. Les œuvres musicales, les signaux de télévision et de radio et l’Internet - 36 -

D. La retransmission et l’Internet - 36 -


I. REMARQUES INTRODUCTIVES

Conformément à l’article 67 de la Loi sur le droit d’auteur [la «Loi»], la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé auprès de la Commission des projets de tarifs pour l’exécution publique, ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales pour les années 1996 à 1998. Ces projets avaient été publiés dans la Gazette du Canada, le 30 septembre 1995, le 19 octobre 1996 et le 18 octobre 1997, respectivement. La Commission a également avisé les utilisateurs de leur droit de s’opposer aux projets de tarifs.

Les tarifs proposés incluent un article 22 (Transmission d’œuvres musicales à des abonnés par le biais d’un service de télécommunications non visé par le tarif 16 ou le tarif 17). Dans sa forme actuelle, le tarif 22 vise la communication d’œuvres musicales, au moyen d’ordinateurs ou d’autres appareils connectés à un réseau de télécommunications, de façon qu’une personne puisse accéder à ces œuvres, indépendamment de toute autre personne. Par «service de télécommunications», on entend les opérations qui prévoient ou autorisent le codage numérique, l’accès direct ou le stockage d’œuvres musicales – en vue de leur transmission à travers un réseau de télécommunications – ou qui donnent accès à un tel réseau. Dans sa forme actuelle, le tarif proposé est donc suffisamment étendu pour couvrir pratiquement n’importe quel réseau d’ordinateurs. Cependant, le dossier de la présente instance traite presque exclusivement de l’Internet, qui, selon SOCAN, devrait être la principale cible du tarif. En conséquence, c’est surtout ce système qui fait l’objet de la présente décision.

Certaines des oppositions au projet de tarif ont suscité des problèmes d’ordre préliminaire. La Commission a choisi de tenir les audiences en deux phases. La première déterminerait quelles activités sur l’Internet, le cas échéant, constituent une utilisation protégée visée par le tarif. La seconde traiterait de l’entité qui devrait payer le tarif ainsi que de la structure tarifaire.

Le 12 novembre 1996, la Commission a soumis aux participants un certain nombre de questions, à savoir :

  1. y a-t-il communication au public par télécommunication lorsqu’une œuvre musicale est transmise, rendue disponible, téléchargée en amont ou en aval, ou est parcourue par voie électronique?
  2. s’il y a communication, qui en est l’auteur, qui en est responsable et qui peut se prévaloir de la dérogation prévue à l’alinéa 2.4(1)b) [1] de la Loi?
  3. les réponses seraient-elles différentes si une œuvre musicale était intégrée dans un signal radio ou de télévision?
  4. parmi les utilisations précitées, y en a-t-il qui sont visées par le régime de retransmission?
  5. est-ce qu’une communication à travers un réseau dont l’accès est restreint constitue une communication au public?
  6. dans quelles circonstances une communication a-t-elle lieu au Canada?
  7. la Commission peut-elle approuver un tarif applicable à des personnes qui se trouvent hors du Canada?
  8. y a-t-il des structures tarifaires dont l’adoption est interdite à la Commission?

L’Association canadienne des distributeurs de films (CMPDA), l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (CRIA), la Canadian Association of Internet Providers (CAIP), l’Association canadienne de télévision par câble (ACTC), AT&T Canada, MCI Communications Corporation, ExpressVu, l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), Time Warner, Stentor politiques publiques Télécom Inc. et la Société Radio-Canada ont participé aux débats, à titre d’opposants ou d’intervenants. La CMPDA et la CRIA ont appuyé le tarif, alors que tous les autres participants s’y sont opposés ou ont allégué que les personnes qu’ils représentaient ne devraient pas en être responsables.

Les paragraphes suivants exposent les motifs de la Commission au sujet des questions de la Phase I. Les audiences tenues à ce sujet ont duré onze jours, soit jusqu’au 15 mai 1998. Le dépôt des argumentations écrites et des répliques s’est terminé le 13 octobre 1998.

A. Le phénomène de l’Internet

L’Internet est un réseau mondial d’ordinateurs interconnectés. C’est l’aboutissement d’un réseau qui, au départ, était destiné à relier divers ordinateurs utilisés par les forces armées, des entrepreneurs du secteur de la défense et des universités faisant de la recherche dans le domaine militaire et qui procurait des connexions redondantes pour assurer la continuité des communications, même si une partie du réseau était endommagée au cours d’opérations militaires.

L’Internet a évolué pour devenir un système de communications de masse, accessible aux utilisateurs dans tous les coins du monde, à condition qu’ils disposent d’un ordinateur personnel ou d’un autre appareil d’accès, du logiciel pertinent et de la possibilité d’accéder au système (à savoir d’«obtenir la connectivité»). Sa croissance phénoménale est devenue possible grâce à un certain nombre de développements, y compris les technologies permettant la conversion et le stockage en numérique de quantités massives de données; les capacités croissantes des dispositifs d’accès pour le téléchargement de quantités considérables de données; l’élaboration de systèmes de distribution à grande largeur de bande; la création de routeurs perfectionnés qui transmettent l’information et l’avènement de logiciels conviviaux permettant d’accéder à l’information enregistrée dans tout ordinateur connecté.

En conséquence, de plus en plus de gens emploient l’Internet au travail et à la maison pour des activités très diverses, notamment pour envoyer des messages électroniques (le courriel), obtenir de l’information pratiquement sur n’importe quel sujet, visionner à l’écran d’un ordinateur des documents qui ont la même apparence et le même confort d’utilisation que la version imprimée et obtenir l’accès à des œuvres musicales, des jeux vidéo, des œuvres audio-visuelles et d’autres produits de divertissement.

L’emploi de l’Internet pour transmettre des œuvres musicales n’a pas connu une évolution aussi rapide, à cause entre autres de la nécessité d’avoir une largeur de bande relativement grande pour transmettre des fichiers audio et les capacités limitées des dispositifs d’accès. On est en train d’éliminer progressivement ces obstacles. Les utilisateurs peuvent maintenant obtenir de l’information au sujet de la bande sonore d’un film, écouter des clips ou passer une commande pour la livraison d’un disque compact (CD) contenant la bande sonore voulue à leur domicile. Ils sont également en mesure de télécharger des œuvres musicales, à partir de serveurs où ces œuvres peuvent avoir été mises, avec ou sans l’autorisation des titulaires du droit d’auteur.

L’Internet transporte aussi des signaux audio ressemblant à la radio conventionnelle ainsi que des éléments d’émission des stations radio traditionnelles. Certains interprètes indépendants emploient la technologie pour contourner les canaux traditionnels de distribution et offrent l’accès en direct à leurs enregistrements musicaux. Des dispositions ont été prises pour la diffusion de concerts en direct sur le «Net».

Les services musicaux disponibles incluent la radio payante, les vidéoclips sur demande, l’achat d’œuvres musicales sous réserve d’essai et d’autres services permettant aux utilisateurs de télécharger la chanson voulue. La musique sert également à relever la valeur de sites particuliers. Un grand nombre de sites sur le World Wide Web (Web) offrent de l’information sur des œuvres musicales, des clips ou les œuvres entières elles-mêmes. À mesure que la technologie s’améliore, les utilisateurs emploieront de plus en plus l’Internet pour obtenir des œuvres musicales sous des formes et des formats divers.

B. Les prétentions des parties

La SOCAN allègue qu’une communication au public a lieu lorsque l’utilisateur final peut accéder à une œuvre musicale, à partir d’un ordinateur connecté à un réseau. Elle soutient aussi que pratiquement tous ceux qui font partie de la chaîne de transmission de l’Internet sont responsables de la communication, notamment ceux qui fournissent les services de transmission, ceux qui utilisent le matériel ou le logiciel employés pour les transmissions, ceux qui assurent la connectivité, ceux qui offrent des services d’hébergement ou ceux qui rendent disponible du contenu. La SOCAN ajoute que personne n’a le droit de se fonder sur la dérogation prévue à l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi. La CMPDA et la CRIA appuient, de façon générale, la SOCAN.

Ceux qui s’opposent au tarif 22 soutiennent que les transmissions sur l’Internet représentent une reproduction de données, et non une communication par télécommunication. De telles transmissions ne sont pas simultanées et elles ont lieu sur demande; ils allèguent donc que ce ne sont pas des communications au public. Ce que l’on communique, ajoutent-ils, ce n’est pas une œuvre musicale, mais plutôt des paquets de données comprimées qui, de toute façon, ne représentent pas une partie importante de l’œuvre. Enfin, s’il y a communication d’œuvres musicales au public sur l’Internet, la responsabilité ne devrait pas être assumée par les fournisseurs de services Internet (ISP) ni par d’autres entités agissant à titre d’intermédiaires, qui ont le droit de se fonder sur l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi.

Selon la position adoptée par l’ACR, même si les transmissions sur l’Internet entraînent des responsabilités en vertu du droit d’auteur, les membres de l’Association ne devraient pas devoir les assumer, parce qu’ils ne fournissent pas un service de télécommunications ou parce qu’ils détiennent déjà une licence pour effectuer de telles communications. L’ACR ajoute que toute responsabilité devrait être assumée conjointement et solidairement par tous ceux qui font partie de la chaîne de communication.

C. La preuve

Dans sa déposition en faveur de la SOCAN, M. David Clark, du Laboratory for Computer Science, au Massachusetts Institute of Technology, a décrit les rouages techniques de l’Internet, en tant que système de communications, les intervenants en cause, le fonctionnement du World Wide Web, les autres modes de livraison pour les transmissions par Internet – comme la multidiffusion et l’enregistrement et la lecture en continu – et la façon dont on peut se servir de l’Internet pour transmettre de la musique. À part quelques exceptions, son analyse et ses conclusions n’ont pas été contestées par les autres témoins.

M. Tom Jurenka, ingénieur et consultant pour l’industrie des télécommunications, a fait état de l’évolution de divers accords commerciaux, des rapports entre entités commerciales et des modèles d’établissement des prix, et a commenté les futures tendances des affaires. Le professeur Paul Hoffert, de York University, est directeur exécutif de CulTech, organisation qui a développé un prototype de système de gestion de la propriété intellectuelle pour authentifier et autoriser les utilisateurs et les distributeurs et pour rendre compte de l’utilisation de la propriété intellectuelle sur les réseaux numériques. Il a fait état des divers formats de fichier de musique employés et de la disponibilité de logiciels permettant le repérage de l’emploi de la musique. Lui ainsi que Me Mark Walker, avocat de la SOCAN, ont illustré l’utilisation de la musique sur l’Internet, en insistant particulièrement sur la manière dont on peut se servir de liens intégrés pour créer des sites virtuels à partir d’une seule page d’accueil. Ils ont également fait des observations sur le nombre de sites qui emploient peut-être de la musique. Me Walker a parlé en outre des difficultés reliées à l’octroi de licences à des sites Web, par opposition à l’octroi de licences aux fournisseurs de services d’accès à l’Internet (IAP), et il a résumé la position de la SOCAN en ce qui concerne le tarif 22.

MM. Joseph DiMona et Bennett Lincoff, cadres supérieurs de la Broadcast Music Inc. (BMI) et de l’American Society of Composers, Authors and Publishers (ASCAP), ont fait part des expériences de ces sociétés américaines de perception des droits d’exécution à l’égard de leurs propres tarifs Internet.

Dans son témoignage en faveur de la CMPDA, M. Thomas Dreier, de l’Institut Max-Planck, a passé en revue les traités internationaux et la législation relatifs au droit d’auteur dans plusieurs pays, en ce qui a trait aux nouvelles technologies et a commenté certaines solutions possibles aux diverses questions juridiques découlant du tarif.

L’ACR a présenté MM. Josh Raphaelson, directeur général d’une division de CHUM Ltd. qui crée des divertissements interactifs pour l’Internet, et Chris Pandoff, directeur général de deux stations radio qui emploient l’Internet. Ils ont témoigné au sujet des diverses utilisations de l’Internet par les radiodiffuseurs, de l’importance du rôle de ce réseau en tant que source de revenus pour ces radiodiffuseurs et des ententes commerciales conclues entre les radiodiffuseurs et leurs fournisseurs de services.

Parlant au nom de la CAIP, M. Albert Silverman, vice-président de AT&T Canada, a donné un aperçu des services Internet offerts par sa firme, a commenté la position de celle-ci à l’égard de la responsabilisation des ISP et a suggéré certaines options possibles en remplacement du tarif 22. Mme Lisa Balaban, de Medialinx, a passé en revue divers services et accords commerciaux de cette entité, qui emploie le nom commercial de Sympatico. MM. Wayne McLaurin, Darren Widenmaier et Robert Lindstrom ont décrit les services offerts par trois petits ISP, en insistant particulièrement sur la façon dont ils peuvent contrôler le contenu offert par leurs clients. M. Blair Buchanan, qui donne des cours sur les aspects techniques de l’inter-réseautage, a discuté des conséquences de l’architecture en couches de l’Internet pour les communications inter-systèmes, ainsi que du rôle des routeurs et des autres dispositifs Internet. Mme Margo Langford, présidente de la CAIP, a exposé la position de l’Association en ce qui concerne le rôle du secteur des services Internet, les questions de propriété intellectuelle en général et le tarif proposé en particulier.

Témoignant pour l’ACTC, M. Eric Carroll, de Tekton Internet Associates, a parlé de l’évolution, des tendances et des incidences de l’industrie Internet. Il s’est attardé sur les rôles et les activités des intervenants de l’Internet, les moyens de repérer ceux qui affichent des contenus, les différences entre l’Internet et la télédistribution et la disponibilité de la musique sur l’Internet. MM. Guy Labelle, du Groupe Vidéotron, ainsi que Brian Beattie et Wayne Hatton, de Rogers Wave, ont décrit les services Internet offerts par les compagnies canadiennes de télédistribution et fait des observations sur les différences qui existent entre la télédistribution et l’accès à Internet. Enfin, Me David Silverman, avocat américain au fait des développements survenus dans les lois américaines relatives au droit d’auteur concernant l’Internet, a commenté les pratiques d’octroi de licences des sociétés américaines de perception des droits d’exécution et la responsabilité des fournisseurs de services dans ce pays.

D. L’objet de la présente décision

Dans une décision rendue le 17 février 1998, la Commission a décrit ainsi la distinction entre les questions de la Phase I et celles de la Phase II pour ce qui est du tarif 22 :

«[TRADUCTION] La Phase I est censée régler un certain nombre de questions juridiques, ...

La Phase II traitera des questions d’opportunité soulevées par le tarif 22, notamment la structure tarifaire la plus appropriée. Au cours des discussions sur cette structure, on débattra des questions concernant la cible la plus pertinente du tarif et l’on cherchera à déterminer si les licences générales représentent la forme d’autorisation la plus appropriée dans ce marché.

La Phase I déterminera quelles activités entraînent la responsabilité, sous le régime de la Loi, et lesquelles ne le font pas. À la fin de ce processus, ceux dont l’activité n’engage pas la responsabilité pourront se retirer. La Commission ne peut cibler des personnes qui n’utilisent pas le droit d’auteur. Ceux dont les activités entraînent la responsabilité voudront participer à la Phase II. C’est alors seulement que la Commission pourra faire une sélection parmi les personnes qui sont responsables selon la loi, et choisir une "cible" pour le tarif parmi ces personnes.

La question à savoir qui peut être légalement visé par le tarif relève de la Phase I, tandis que la question à savoir quelle devrait être la cible de choix parmi plusieurs personnes qui peuvent être légalement visées relève de la Phase II.»

La présente décision est donc centrée sur les activités relatives aux transmissions par Internet qui peuvent entraîner la responsabilité, sous le régime de l’alinéa 3(1)f) de la Loi; sur la possibilité que la responsabilité en ce qui concerne ces activités soit fondée sur une autre disposition de la Loi (p. ex. celle visant l’autorisation de communication); sur l’applicabilité de la dérogation prévue à l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi; et sur les circonstances dans lesquelles les communications par Internet peuvent avoir lieu au Canada. La partie II donne un aperçu de l’Internet en tant que système de communication, y compris un résumé des diverses activités que comportent les transmissions par Internet, la façon dont l’Internet est employé pour la transmission d’œuvres musicales et les rapports qui existent entre les divers intervenants dans les activités reliées à l’Internet. Les parties III et IV traitent des questions juridiques en jeu.

II. L’INTERNET

A. Aperçu

i. Introduction

L’Internet est un réseau d’ordinateurs et de réseaux d’ordinateurs ayant pour objet de recevoir et d’envoyer des octets de données, groupés en paquets, entre des nœuds terminaux (les ordinateurs d’origine et de destination). Il prend en charge une gamme de services ou d’applications de haut niveau, visibles par l’utilisateur, selon le logiciel chargé sur les nœuds terminaux. Le service de communication de base de l’Internet comprend deux composantes : la structure d’adressage et le modèle de livraison.

À chaque nœud terminal connecté à l’Internet, on attribue une adresse de protocole Internet exclusive ou adresse IP [2] , composée de nombres entiers. Les utilisateurs n’emploient pas d’adresses de ce genre lorsqu’ils sollicitent des services. Ils emploient plutôt des noms (désignés «noms de domaine») qui sont un peu plus conviviaux et qui se composent de caractères. Ces noms sont reconvertis aux adresses IP correspondantes par le système de désignation réparti (DNS), que tous les IAP exploitent à l’intention de leurs abonnés. L’ensemble des noms de domaine constitue la structure d’adressage de l’Internet.

Le modèle de livraison représente ce à quoi l’utilisateur peut s’attendre lorsqu’il envoie de l’information sur Internet. À l’origine, les parties s’efforçaient de faire de leur mieux pour livrer les données, mais ne prenaient pas d’engagement quant à la qualité du service (p. ex. des engagements relatifs à la largeur de bande ou à la fiabilité) [3] , bien qu’il soit maintenant possible d’exiger des assurances concernant la qualité du service (p. ex. que les paquets seront transférés dans un délai déterminé).

Les participants à l’Internet exercent généralement des activités qui appartiennent à l’une des trois grandes catégories mentionnées ci-après.

Première catégorie : les personnes qui fournissent le service de communication. Ce service, à son tour, comporte deux activités principales : procurer l’infrastructure de base et pourvoir à sa maintenance et assurer la connectivité aux abonnés. La prestation de services de communication peut inclure des activités secondaires, telles que l’attribution d’adresses IP ou de noms de domaine, ou encore le développement et la fourniture de produits qui mettent en œuvre les protocoles employés pour les transmissions par Internet.

Les témoins ayant comparu devant la Commission ont employé une terminologie différente pour décrire les personnes qui fournissent le service de communication sur l’Internet. Dans la présente décision, ISP (fournisseur de services Internet) désigne une entité qui fournit tout service de communication de l’Internet, y compris la connectivité aux abonnés. Cette catégorie est répartie, à son tour, en deux sous-catégories, celle des IAP (fournisseurs de l’accès à l’Internet), comprenant les entités qui assurent la connectivité aux abonnés, et celle des BSP (fournisseurs de services de réseau de base) pour les entités qui exploitent les composantes de l’infrastructure de l’Internet.

Procurer la connectivité signifie attribuer une adresse IP à l’abonné, fournir et faire fonctionner le matériel et le logiciel nécessaires pour permettre à l’abonné de se connecter à l’Internet, prendre des dispositions avec d’autres ISP pour établir la connexion avec le reste de l’Internet, et utiliser les routeurs et autres appareils pour faire parvenir l’information.

Deuxième catégorie : les personnes qui fournissent des applications ou des services de haut niveau, y compris le World Wide Web, le courriel et les groupes de discussion sur Internet, qui sont décrits plus en détail ci-dessous. Étant donné que, pour un grand nombre de ces applications, il faut mettre toutes sortes d’information à la disposition des utilisateurs, ceux qui procurent cette information sont couramment désignés par le terme «fournisseurs de contenu».

Troisième catégorie : les participants aux services Internet qui reçoivent ou emploient l’information envoyée à travers ce réseau. Les utilisateurs finaux comprennent les différents abonnés qui se branchent sur l’Internet, au moyen d’une ligne téléphonique commutée ou d’un modem de transmission par câble, et les institutions qui achètent une connexion à grande largeur de bande pour permettre aux membres de l’organisation de se brancher sur l’Internet.

On peut jouer différents rôles pour diverses transmissions sur l’Internet. Dans certains cas, une entité peut procurer la connectivité, ou peut n’exploiter que les routeurs à travers lesquels des paquets sont transmis. Dans d’autres, elle peut rendre le contenu disponible sur ses propres serveurs. Il arrive également qu’il s’agisse d’un utilisateur final de l’information fournie par d’autres. Par conséquent, il importe d’examiner ces rôles séparément lorsqu’on détermine quelles activités peuvent entraîner la responsabilité.

ii. Le service de communication de l’Internet

Le service de communication de l’Internet comporte l’envoi d’une série d’éléments de données, ou paquets, à travers le réseau. Toute communication numérique se compose de bits qui prennent la valeur un ou la valeur zéro et qui sont groupés en octets. Un paquet consiste en une série d’octets (typiquement pas plus de 1500). Chaque paquet comprend la partie données, qui contient le message même ou le fichier, et la partie en-tête, qui contient l’information nécessaire pour transporter le paquet à travers l’Internet.

Les dispositifs employés pour recevoir ou envoyer les paquets sont appelés des routeurs. Un routeur retient l’information pour aussi peu de temps que possible, avant de la transmettre au routeur suivant ou à l’ordinateur de destination.

La partie en-tête de tout paquet contient des numéros de port. Des numéros différents sont associés aux différents services, tels que le World Wide Web, le courriel et la téléphonie par Internet. Le logiciel des routeurs peut interpreter les numéros de port et diriger l’information. Ainsi, les données du port peuvent servir à fournir des services améliorés pour certains types de trafic (p. ex. Real Audio ou téléphonie par Internet) ou à bloquer d’autres types de trafic (p. ex. des jeux).

L’Internet fonctionne au moyen de conventions et de normes (que l’on désigne par «protocoles»), qui sont mises en œuvre dans les logiciels et autres produits employés dans l’exploitation de l’Internet et qui définissent le mode de traitement de l’information.

Le Transmission Control Protocol (TCP) est implanté dans le logiciel utilisé dans les nœuds terminaux. Il ouvre et ferme les connexions nécessaires pour permettre l’échange de l’information; sa fonction consiste à s’assurer que tout message est envoyé, et non à interpréter le message. À cette fin, le logiciel TCP numérote les paquets à envoyer, les enregistre à mesure qu’ils arrivent à destination, en demande la retransmission jusqu’à ce que tous les paquets parviennent à destination et les remet à l’utilisateur dans le bon ordre, dès leur réception. Le logiciel TCP dans l’ordinateur d’origine continuera à envoyer tous les paquets jusqu’à ce que l’ordinateur de destination expédie un accusé de réception. Le logiciel TCP s’adaptera également à la vitesse de transmission des données, selon le degré de congestion du réseau.

Autre protocole employé sur l’Internet : le Real Time Protocol (RTP). Il sert à l’enregistrement et à la lecture en continu ou aux transmissions qui simulent les communications en temps réel. Le RTP peut sauter des paquets, tout en permettant la transmission des paquets suivants, de façon que l’on continue à recevoir l’œuvre comme un tout.

Les connexions à travers l’Internet se font au moyen de diverses relations bilatérales entre ISP. Le protocole de routage garantit que les paquets circuleront uniquement selon les relations prévues entre les divers fournisseurs. Un ISP doit établir des ententes bilatérales suffisantes avec d’autres fournisseurs de services pour s’assurer que le trafic circule d’un point quelconque à un autre sur l’Internet.

Un ISP peut recourir à la mise en antémémoire pour améliorer l’efficience et le temps de réponse des transmissions. En particulier, lorsque l’utilisateur final de l’ISP demande de l’information à un serveur qui peut se trouver à un emplacement éloigné, il est possible de conserver une copie provisoire de l’information dans le serveur local (habituellement désigné serveur indirect ou intermédiaire) de cet ISP. En d’autres termes, lorsqu’un autre client de ce fournisseur demande la même information, celle-ci peut être extraite du serveur local. La mise en antémémoire réduit le coût de livraison des données en permettant l’emploi d’une largeur de bande plus petite.

On peut déployer une antémémoire à n’importe quel point de l’Internet (p. ex. à un point où une liaison sous-marine est établie pour optimiser les transferts transocéaniques de données). L’opérateur du serveur initial où se trouve un site peut empêcher la mise en antémémoire. L’opérateur d’un serveur indirect peut également configurer celui-ci pour limiter la période de conservation de l’information (soit avant qu’une demande ne revienne au serveur d’origine).

iii. Applications disponibles sur l’Internet

Voici une liste d’applications disponibles sur l’Internet ainsi que leur description :

a. World Wide Web

Le World Wide Web (Web) permet à l’utilisateur final d’accéder à l’information enregistrée sur un serveur. Les fichiers ou pages Web reçoivent un nom composé de caractères et désigné par «adresse URL» (Universal Resource Locators), qui peut être converti en adresse IP du serveur sur lequel les fichiers sont enregistrés. Un site Web est une série de pages disponibles à la même adresse URL générale et sous le contrôle de la même entité. L’utilisateur final emploiera un programme informatique, désigné par le terme «navigateur», installé sur son propre ordinateur, pour demander l’information à partir d’un site Web.

La page Web elle-même est représentée dans un certain format, dont le plus courant est le HTML (Hypertext Mark-up Language). Le HTML peut interpréter les divers caractères figurant sur une page Web et déterminer leur lieu de destination, leur forme et leurs couleurs. Le logiciel de navigation installé sur l’ordinateur de l’utilisateur final rassemble les paquets représentant une page Web et affiche la page dans un format permettant la lecture ou l’audition par l’utilisateur. Les fichiers qui se trouvent sur le serveur Web peuvent être enregistrés dans d’autres formats de fichier, tels que GIF (Graphics Interchange Format) ou JPEG (Joint Photographic Experts Group); tant que le navigateur inclut un logiciel qui peut interpréter le format de page applicable, l’utilisateur final est en mesure d’accéder aux fichiers et de les télécharger à partir de l’ordinateur central.

b. Courrier électronique

Le courrier électronique (courriel) est un autre service offert sur l’Internet. Il consiste habituellement en un message, sous forme de texte alphanumérique, auquel peuvent être annexés d’autres fichiers. On peut envoyer du courriel à un destinataire ou à un groupe de destinataires. Le message électronique envoyé à un abonné d’IAP parvient à un serveur (désigné par «serveur POP» [Post Office Protocol]) exploité par l’IAP. L’abonné peut ensuite, à l’aide de son programme de lecture du courrier, télécharger le message à partir du serveur.

c. Groupes de discussion

«Usenet» comprend des groupes de discussion, ou tribunes libres, sur divers sujets. Les groupes peuvent être animés (auquel cas, un administrateur du système examine tous les messages avant de les envoyer) ou non (les messages sont alors envoyés sans être examinés par personne).

L’IAP détermine quels groupes de discussion héberger sur ses serveurs. Les messages envoyés à un serveur de groupes de discussion sont périodiquement reproduits sur tous les serveurs de Usenet qui incluent le groupe de discussion visé. Les messages sont conservés sur les serveurs pour une période prédéterminée, avant d’être supprimés. Un abonné à un groupe de discussion peut y apporter son message ou y lire les messages envoyés par d’autres. Un IAP peut décider d’exclure un groupe de discussion pour un certain sujet, mais ses abonnés peuvent quand même accéder au groupe à partir du serveur d’un autre IAP.

iv. Évolution continue de l’Internet

D’après la preuve présentée à la Commission, il semble peu probable que, dans un proche avenir, il y aura de grands changements dans les activités de base des transmissions par Internet. Les progrès majeurs en cours ont trait aux extensions de la largeur de bande. Les modems par câble peuvent transmettre les données à un débit bien supérieur à celui des autres modems, et ils permettront de réaliser une bonne fidélité audio et des vidéos récréatifs de qualité pour la télévision, le téléphone et les transmissions audio basés sur Internet. Les compagnies de téléphone offrent elles aussi des services plus rapides, grâce à des technologies telles que l’ADSL (asynchronous digital subscriber loop) et à l’utilisation de liaisons par fibres optiques dans le réseau de base de l’Internet. Le but en est d’adapter la vitesse de transmission du réseau à celle des moyens de transmission et de réception du matériel informatique.

B. Musique sur l’Internet

Nous donnons ci-après un aperçu du processus technique qui permet de rendre la musique accessible sur l’Internet ainsi que des divers modes de livraison de la musique. Nous passons également en revue différents types de sites Web musicaux.

i. Processus techniques pour la transmission de la musique

Lorsqu’un fichier audio est envoyé sur l’Internet, il est généralement converti en format numérique, comprimé, transmis, décomprimé et reconverti en signaux audio analogiques. Les fichiers audio se présentent en divers formats. Par exemple, WAV est un format non comprimé conçu pour le stockage et le transfert des fichiers audionumériques. MIDI (interface numérique des instruments de musique) est le format le plus compact et le plus rudimentaire pour la transmission de la musique sur l’Internet. MIDI, ancienne norme employée pour la transmission audionumérique de la musique entre ordinateurs, ne comporte pas de conversion analogique-numérique; c’est plutôt un système de notation employé pour enregistrer numériquement les notes de musique.

Entre autres formats, citons le Real Audio, qui domine actuellement le marché de la musique transmise en temps réel. Ce format utilise un protocole de transfert, appelé Real Audio TCP : lorsque le fichier audio est reçu, un élément logiciel spécial enfichable (plug-in) reconnaît le format audio du fichier et exécute celui-ci. Pour sa part, Liquid Audio emploie le Liquid MusicPlayer. En plus de prendre en charge la transmission de la musique, il permet aux utilisateurs d’écouter à l’avance et d’acheter de la musique de qualité CD par l’Internet. D’autres formats, qui offrent des coefficients de compression très élevés et qui avaient été développés au départ pour diffuser des fichiers vidéo sur des réseaux numériques, sont maintenant employés pour diffuser des fichiers exclusivement musicaux. Cette catégorie inclut le MPEG (Groupe d’experts pour le codage d’images animées), dont la version actuelle est couramment désignée par MP3.

ii. Modes de livraison pour la transmission de la musique

De façon générale, l’information transmise sur Internet est livrée en mode d’extraction monodestinataire : selon ce mode, l’utilisateur demande ou «extrait» l’information lorsqu’il le désire et les paquets ne parviennent qu’à un seul destinataire. Les autres modes de livraison associés aux fichiers audio comprennent la multidiffusion et l’utilisation de logiciel d’enregistrement et de lecture en continu.

On parle de «multidiffusion» lorsqu’un ordinateur envoie un seul ensemble de paquets, qui sont reproduits à un point déterminé du réseau, puis distribués à un certain nombre de destinataires. L’adresse de destination des paquets envoyés en mode multidiffusion consiste en un identificateur de groupe à multidiffusion. Quiconque envoie un message pour joindre le groupe fait dès lors partie d’un arbre de diffusion auquel les paquets sont distribués.

Le système de livraison relatif à la multidiffusion ressemble beaucoup à celui de la communication à destinataire unique, sauf que la reproduction du message et son acheminement ultérieur vers les utilisateurs finaux se font à une étape intermédiaire, plutôt qu’au nœud terminal d’origine. Chaque destinataire reçoit néanmoins son propre ensemble de paquets.

Un fichier audio peut être téléchargé de l’ordinateur central vers le support d’enregistrement, à partir duquel on peut l’exécuter à l’aide d’un logiciel qui l’interprète. On peut toutefois, à l’aide d’un programme d’enregistrement et de lecture en continu, tel que Real Audio, accéder aux fichiers audio qui sont codés et enregistrés sur un serveur, pour vivre ce qui semble être une expérience en temps réel. Dans ce cas, l’œuvre reçue sur l’ordinateur de l’utilisateur est mise dans une zone tampon ou différée d’une ou deux secondes avant d’être exécutée. Le réseau continuera cependant à livrer les paquets restants, dans le bon ordre, pour que l’utilisateur continue à écouter l’œuvre d’une manière qui simule l’exécution en temps réel. On parvient à ce résultat, en partie, grâce aux routeurs qui peuvent identifier le trafic en temps réel et lui appliquer un traitement différent de celui de l’autre trafic.

iii. Quelques utilisations de l’Internet pour les œuvres musicales

On peut employer l’Internet pour la diffusion de musique par réseau : dans ce cas, on rend accessibles, à partir d’un serveur, des éléments d’émission d’un concert en direct. Le nombre d’utilisateurs qui peuvent visionner ce concert est limité par le serveur et par la capacité de la largeur de bande de l’entité qui l’héberge. Les utilisateurs ont accès à l’événement, de façon plus ou moins simultanée. Cependant, contrairement aux modes traditionnels de radiodiffusion, l’utilisateur peut recevoir un programme à n’importe quel point du globe.

L’Internet peut également servir à rendre accessibles des éléments d’émission d’une station radio. Le Real Audio peut servir de logiciel enfichable, donnant aux utilisateurs accès aux éléments d’émission. Cela dit, les radiodiffuseurs canadiens emploient actuellement l’Internet, dans une large mesure, pour fins de commercialisation, en présentant sur leurs sites Web l’information relative à leurs stations et en permettant aux auditeurs de communiquer avec ces stations par courriel. Les activités des stations radio sur Internet incluent parfois également des extraits d’œuvres musicales aux fins de promotion, ainsi que la diffusion de certains événements en temps réel.

Certains programmes de télévision sont aussi disponibles sur l’Internet. On facilite habituellement l’accès aux signaux de télévision en temps réel à l’occasion d’événements spéciaux. Des extraits archivés de signaux de télévision peuvent également être disponibles sur les sites Web des stations de télévision.

Même si, selon la preuve déposée à la Commission, beaucoup de sites Web traitent de musique, un grand nombre de ces sites contiennent uniquement de l’information sur la musique ou sur les groupes musicaux, mais pas d’œuvres musicales proprement dites. Le plan de la Phase I n’incluait pas la détermination du degré de disponibilité des œuvres musicales sur l’Internet, ou de leur disponibilité avec ou sans l’autorisation des détenteurs du droit d’auteur. Cependant, la Commission est convaincue qu’avec les améliorations continuelles de la technologie, l’Internet devient un moyen de plus en plus important pour rendre les œuvres musicales accessibles aux utilisateurs, aux fins d’écoute comme aux fins de reproduction.

C. Activités des fournisseurs de contenu

Pour rendre le contenu disponible sur l’Internet, il faut avoir la connectivité et l’accès à l’espace disque sur un ou plusieurs serveurs. Les fournisseurs de contenu sur Internet rassemblent une série de fichiers et les mettent sur un serveur pour que l’on puisse y accéder. Parfois, la personne entièrement responsable du contenu (le propriétaire du site) assure également l’exploitation et la maintenance du serveur où se trouve le site. C’est habituellement le cas pour les grandes et les moyennes entreprises. Dans les autres cas, il arrive que le fournisseur de contenu ne possède pas ou ne contrôle pas le serveur, et qu’il doive obtenir l’accès à l’espace disque du serveur de quelqu’un d’autre. C’est généralement le cas pour les particuliers et pour les petites entreprises.

Un même serveur peut héberger des sites dont les propriétaires ou les contrôleurs sont des entités différentes. On attribue alors au propriétaire de chaque site le mot de passe nécessaire pour qu’il mette le contenu voulu dans la partie du serveur attribuée à son site. Le propriétaire du serveur ou son délégué aura un mot de passe «de base» qui lui donne un accès illimité à l’ensemble du serveur.

Les relations avec les utilisateurs finaux ont évolué avec l’Internet. Aux premiers stades, l’utilisateur final faisait un seul paiement pour obtenir à la fois la connectivité et l’accès au contenu. Aujourd’hui, il existe souvent une relation directe entre l’utilisateur final et le fournisseur de contenu. En particulier, lorsque l’utilisateur final paie des frais d’abonnement ou emploie l’Internet pour certains genres de commerce électronique, les recettes découlant du contenu (contrairement à celles qui proviennent des droits d’accès) vont directement aux fournisseurs de contenu, plutôt que de demeurer entre les mains de l’IAP de l’utilisateur final.

D. Ententes commerciales pour la fourniture de contenu

Il existe divers types d’ententes commerciales entre les entités qui fournissent du contenu sur l’Internet. Ces types comprennent l’utilisation d’hyperliens, la création et l’exploitation de sites miroirs et des ententes entre fournisseurs de contenu et opérateurs de serveur.

i. Utilisation des hyperliens

Pour comprendre les questions juridiques découlant de l’utilisation des hyperliens, il faut considérer la nature et le fonctionnement de ces liens. Nous nous pencherons également sur certaines ententes commerciales canadiennes – où des hyperliens servent à rendre le contenu accessible aux utilisateurs finaux – et verrons comment repérer les personnes responsables des sites chaînés.

a. Nature et fonctionnement des hyperliens

Toute page d’un site Web peut contenir un ou plusieurs hyperliens avec des pages du même site ou d’autres sites Web établis sur le même serveur ou sur d’autres serveurs que celui qui héberge le site ayant créé les liens. Les fichiers des autres sites sont habituellement contrôlés par une autre entité. Cependant, les hyperliens peuvent être établis avec ou sans une relation d’affaires avec les propriétaires des sites auxquels les liens renvoient.

Les hyperliens peuvent être automatiques ou activés par l’utilisateur. Un lien est automatique lorsqu’un code intégré à la page Web ordonne au navigateur, au moment d’obtenir l’accès au premier site, de télécharger automatiquement un fichier à partir du second site. L’information provenant du second site est extraite, sans autre intervention de l’utilisateur. Un lien est activé par l’utilisateur lorsque celui-ci doit cliquer avec le bouton de la souris sur l’hyperlien pour obtenir l’accès à l’information, à partir du second site. Si les fichiers chaînés se trouvent sur un autre serveur, le navigateur de l’utilisateur établit une connexion directe avec le second serveur. L’hyperlien activé par l’utilisateur peut renvoyer à la page d’accueil ou à une sous-page qui se trouve dans le second site, auquel cas l’utilisateur final devra peut-être prendre d’autres mesures pour accéder à un fichier précis de ce site. Le lien peut également renvoyer directement à un fichier précis, auquel cas l’utilisateur recevra le contenu représenté par ce fichier, sans autre intervention de sa part.

b. Ententes commerciales visant des hyperliens

Une entité qui crée des hyperliens vers des sites appartenant à une autre entité peut établir une relation de cogriffage ou de comarketing, en vertu de laquelle les deux entités sont présentées comme étant responsables de la prestation du contenu. Par exemple, MediaLinx (opérant sous la raison sociale de Sympatico) présente des éléments d’émission de la radiodiffusion de la Société Radio-Canada (SRC) sur l’Internet, et a obtenu la permission d’employer le logo de la SRC sur son site, à titre de lien avec un serveur exploité par la SRC.

Diverses sociétés canadiennes de télédistribution ont également établi des relations d’affaires pour offrir un service de contenu sur Internet au moyen de l’utilisation d’hyperliens. Ainsi, Rogers Cable (Rogers) a établi une telle relation avec une entité américaine appelée @Home Network . Cette relation permet à Rogers de présenter un contenu exclusif sur ses propres sites et une série de liens renvoyant à d’autres sites qui ne sont accessibles qu’à un abonné de Rogers. Dans ce cas, le prix de l’abonnement couvre tant les services généraux d’accès à Internet que l’accès au contenu qui n’est pas disponible pour les non-abonnés.

Le site Web exclusif pour le service @Home Network offert par Rogers inclut de la musique, à titre de catégorie d’information. Cette catégorie contient des liens qui renvoient à divers sites de musique (y compris des sites d’émissions audio en direct). Le service de contenu @Home Network procure des liens avec des serveurs Real Audio et permet le téléchargement de musique.

Le Groupe Vidéotron offre l’accès à l’Internet à ses abonnés du service de télédistribution, alors qu’une division de cette entreprise (appelée Vidéotron.net) fournit un service de contenu sur Internet, sous la marque de commerce InfiniT. En règle générale, un abonné au service d’accès à Internet de Vidéotron obtiendra d’abord l’accès au site Web InfiniT, qui pourra inclure des liens avec d’autres sites.

Comme il est dit plus haut, un fournisseur de contenu peut également établir des liens avec des sites appartenant à des tiers, sans avoir de relations d’affaires ou contractuelles avec les propriétaires de ces sites. Dans certains cas, les liens peuvent s’accompagner de commentaires qui décrivent ce que l’utilisateur peut trouver dans les sites chaînés. MediaLinx inclut de tels commentaires dans certains de ses liens. Ceux-ci sont formulés soit par le personnel même de MediaLinx, soit par les abonnés de la firme et, dans ce dernier cas, ils sont édités avant d’être rendus disponibles par MediaLinx. Les sites de musique mentionnés sur les sites de MediaLinx traitent généralement du secteur de la musique et incluent de l’information sur l’achat de CD.

c. Repérage de la personne responsable des sites chaînés

À cause de l’organisation de la structure d’adressage de l’Internet, lorsque le propriétaire d’un site crée un lien avec d’autres sites, il n’est pas très difficile de repérer la personne responsable du site chaîné et l’opérateur du serveur où se trouve ce site.

Comme nous l’avons déjà mentionné, une adresse IP est associée à chaque dispositif connecté à l’Internet, y compris tout serveur hôte d’un site Web. On tient des registres contenant le nom et l’adresse de toute entité à laquelle on a attribué une adresse IP, ainsi que l’identité de toute personne ayant reçu une adresse URL associée à un site Web.

De plus, certains programmes d’ordinateur peuvent retracer le chemin pris par un paquet pour parvenir à une adresse IP de destination. Ainsi, même s’il est parfois difficile de déterminer directement qui possède un site Web ou exploite un serveur Web, on peut le faire en repérant les ISP qui connectent tous les serveurs Web à l’Internet. En conséquence, lorsqu’un site a une série de liens avec d’autres sites, on devrait pouvoir repérer la personne qui a reçu l’adresse URL associée au site chaîné et celle qui est responsable de l’exploitation du serveur où se trouve le site chaîné.

ii. Ententes de duplication (mirroring)

Un «site miroir» suppose la conclusion d’une entente, selon laquelle le propriétaire d’un site Web permet à une autre entité de copier le contenu de ce site sur un autre serveur. Ce dernier sera plus proche d’un groupe d’utilisateurs, qui peuvent obtenir l’accès aux fichiers, sans revenir au site d’origine.

Il existe deux types d’ententes de duplication (ou mirroring). Dans le premier, le propriétaire d’un site Web s’entend pour qu’une copie du site soit hébergée sur un autre serveur. Dans le second, le propriétaire du site permet à une autre personne d’opérer un site miroir au nom de cette dernière personne.

À titre d’exemple du second type d’entente au Canada, citons l’entente de duplication conclue entre MediaLinx et diverses firmes du groupe Stentor (tel que ce groupe était constitué lors des audiences). MediaLinx a permis à ces entreprises de créer des sites miroirs contenant des copies du contenu des sites de MediaLinx et de mettre ces sites à la disposition de leurs propres clients, sous la raison sociale de Sympatico. Un contenu de MediaLinx a également été rendu accessible par le canal d’autres ISP. Le contenu du site miroir de chaque entreprise a été personnalisé pour offrir un contenu additionnel aux utilisateurs finaux.

iii. Ententes d’hébergement sur le Web

AT&T Canada offre des services d’hébergement sur le Web aux clients du secteur résidentiel et du secteur des affaires. Cette firme possède les serveurs et les logiciels nécessaires à l’hébergement et elle donne simplement au client le droit de mettre de l’information sur les serveurs; le cas échéant, le client reçoit un code et un mot de passe d’utilisateur ainsi qu’une connexion pour pouvoir présenter un contenu sur le serveur installé dans les locaux de AT&T Canada.

Les petits ISP canadiens offrent également des services d’hébergement. Leurs contrats avec leurs clients rendent ceux-ci responsables du contenu. En cas de plainte au sujet de certains genres de fichiers présentés sur le serveur d’un ISP par son client (p. ex. un logiciel piraté), le fournisseur pourrait donner suite à la plainte, conformément au Code d’éthique de la CAIP. Entre autres mesures prises en conséquence, l’ISP peut exiger du client, au moyen d’un avis de retrait, qu’il retire les fichiers faisant l’objet de la plainte.

Ceux qui fournissent des services d’hébergement sur le Web procurent généralement plus que de l’espace disque. Le logiciel du serveur Web peut être employé pour offrir divers autres services aux clients, tels que l’authentification des utilisateurs et la notification du nombre de demandes d’information des sites Web établis sur le serveur. En général, l’opérateur du serveur se réserve également le mot de passe maître et le droit de retirer tout fichier répréhensible qui est téléchargé vers n’importe quel site Web installé sur le serveur.

E. Conclusion

Quelques phrases suffisent pour décrire l’essence d’Internet et ce qui s’y passe. L’Internet est un réseau de télécommunications. Son objet est de transmettre des fichiers contenant des données, y compris de la musique au sens courant de ce terme. Pour qu’il y ait transmission, les conditions qui suivent doivent être réunies. Premièrement, le fichier est enregistré sur un serveur accessible sur l’Internet. Deuxièmement, à la demande du destinataire et au moment fixé par celui-ci, le fichier est divisé en paquets et transmis du serveur hôte au serveur du destinataire, à travers un ou plusieurs routeurs. Troisièmement, le destinataire, habituellement à l’aide d’un ordinateur, peut reconstituer et ouvrir le fichier dès réception ou l’enregistrer en vue de son ouverture ultérieure; dans l’un et l’autre cas, il y a reproduction du fichier, encore une fois au sens courant de ce terme.

Voilà les éléments qui fondent l’analyse que fera la Commission de ce qui se produit sur l’Internet dans l’optique du droit.

III. ANALYSE

Les conclusions tirées par la Commission sur les questions soulevées dans la présente instance peuvent se résumer dans les termes suivants :

  1. Une œuvre musicale n’est pas communiquée au moment où elle est rendue disponible sur un serveur.
  2. Une œuvre musicale est communiquée par télécommunication au moment où un serveur contenant l’œuvre répond à une demande et qu’il y a transmission de paquets sur l’Internet, permettant au destinataire d’écouter, de voir ou de copier l’œuvre.
  3. Le caractère public ou privé d’une communication sur l’Internet découle de principes juridiques établis.
  4. Il n’est pas nécessaire qu’une communication soit instantanée ou simultanée pour être une communication au public.
  5. En rendant une œuvre disponible, une personne autorise sa communication.
  6. La personne qui a rendu une œuvre disponible la communique au moment où elle est transmise à partir d’un serveur (hôte, antémémoire, site miroir).
  7. Les personnes qui peuvent invoquer l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi relativement à la communication d’une œuvre ne communiquent pas celle-ci. Il s’agit généralement de toutes les entités qui agissent comme intermédiaires sur l’Internet, notamment l’ISP de la personne qui rend l’œuvre disponible, les personnes dont les serveurs servent d’antémémoire ou de site miroir, l’ISP du destinataire et ceux qui exploitent des routeurs servant à la transmission.
  8. Une entité ne peut pas se prévaloir de l’alinéa 2.4(1)b) en ce qui concerne la communication d’une œuvre si ses rapports avec la personne qui a rendu l’œuvre disponible sont tels qu’il est possible d’affirmer qu’elle a agi de concert avec cette personne ou si elle ne se limite pas au rôle d’intermédiaire.
  9. La personne qui crée un hyperlien intégré qui renvoie à une œuvre autorise la communication de celle-ci. La personne qui ne fait que fournir un lien que l’utilisateur doit activer ne l’autorise pas.
  10. Les communications ont lieu au site du serveur à partir duquel l’œuvre est transmise, peu importe l’origine de la demande ou l’emplacement du site Web d’origine. Par conséquent, pour qu’une communication ait lieu au Canada, elle doit provenir d’un serveur situé au Canada sur lequel un contenu a été mis. À ce propos, la communication mise en branle par un hyperlien intégré a lieu au site auquel le lien conduit.

Les conclusions qui précèdent dérivent des réponses que la Commission a données aux questions suivantes :

  1. Que veulent dire les termes «communication», «télécommunication», «public» et «œuvre musicale» dans le contexte des transmissions sur l’Internet?
  2. À quel moment une communication au public a-t-elle lieu sur l’Internet?
  3. Qui communique sur l’Internet? En particulier, qui peut invoquer l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi?
  4. Quand y a-t-il autorisation d’une communication sur l’Internet?
  5. Quand une communication sur l’Internet se produit-elle au Canada?

La plupart des réponses à ces questions peuvent être tirées des récentes décisions de la Cour d’appel fédérale concernant la nature des transmissions par télévision et par câble. [4] Quelques autres questions qui ont été soulevées dans le cadre de cette instance sont examinées à la fin des présents motifs.

A. Que veulent dire les termes «communication», «télécommunication», «public» et «œuvre musicale» dans le contexte des transmissions sur l’Internet?

i. Les transmissions sur l’Internet sont des communications

Communiquer c’est faire connaître ou transmettre des renseignements. [5] Une œuvre musicale est une information. Elle est communiquée au moment où elle est transmise à quelqu’un ou qu’on la lui fait connaître. Par exemple, une œuvre musicale est communiquée lorsque sa notation est publiée dans un journal. Elle est aussi communiquée lorsque des paquets de données [6] sont transmis sur l’Internet de telle façon qu’une fois ces paquets rassemblés, il est possible d’exécuter, copier ou autrement transmettre l’œuvre au destinataire ou de la lui faire connaître.

Les transmissions sur l’Internet restent des communications au sens de la Loi bien qu’elles comportent également, ou produisent, une ou plusieurs reproductions transitoires ou permanentes. Une même activité peut entraîner la responsabilité sous plus d’une rubrique du paragraphe 3(1) de la Loi. [7] Ainsi, une transmission par télécopieur est au bout du compte une communication, même si elle comporte une reproduction.

ii. Les transmissions sur l’Internet sont des communications par télécommunication

L’article 2 de la Loi définit la télécommunication comme étant «toute transmission de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature par fil, radio, procédé visuel ou optique, ou autre système électromagnétique». Les paquets de renseignements transmis sur l’Internet rentrent dans cette définition.

Il convient de distinguer les termes «communiquer» et «par télécommunication». «Communiquer» s’entend du fait de faire connaître, tandis que la locution «par télécommunication» s’entend des moyens matériels utilisés pour communiquer.

iii. Le caractère public ou privé d’une communication sur l’Internet découle de principes juridiques établis

La plupart des décisions judiciaires concernant le sens du mot «public» employé dans la Loi portaient sur l’expression «exécution en public» et non sur les mots «communiquer au public». Néanmoins, depuis que la Cour d’appel fédérale a décidé que l’expression «au public» est plus large que l’expression «en public», [8] on peut à coup sûr poser comme principe qu’une télécommunication s’adresse au public chaque fois qu’une exécution serait publique dans des circonstances semblables. Ces décisions indiquent aussi bien clairement que des expressions comme «en public» et «au public» doivent être interprétées suivant une appréciation réaliste des effets de l’essor technologique et d’une manière compatible avec le sens courant de l’expression «c’est-à-dire de manière ouverte, sans dissimulation et au su de tous». [9]

En conséquence, une communication destinée à être captée par les abonnés individuellement dans leur foyer est une communication au public. [10] Il en va de même d’une communication qui vise à atteindre seulement un segment du public, par courriel ou par le biais d’un groupe de discussion ou d’un service de babillard électronique ou d’un service offert aux abonnés, ou encore d’une communication sur un réseau à accès limité, tant que la transmission a lieu à l’extérieur du cadre purement domestique [11] , et ce même si seulement certaines personnes sont disposées à verser des droits ou à faire d’autres démarches pour s’abonner au service.

Par exemple, une communication à un groupe de discussion sera une communication au public si ledit groupe constitue un public. Si tout client d’un IAP qui héberge un groupe de discussion peut y avoir accès, alors toute transmission qui survient lorsqu’un membre du groupe obtient accès à une œuvre implique habituellement une communication au public.

Cela dit, il faut que la personne qui rend disponible un fichier ait eu l’intention qu’un segment quelconque du public, et plus qu’un seul destinataire, y ait accès pour que sa transmission constitue une communication au public. Par conséquent, une communication par courriel entre un seul expéditeur et un seul destinataire ne devient pas une communication au public uniquement parce qu’elle est effectuée hors du cadre domestique.

iv. Il n’est pas nécessaire qu’une communication soit instantanée ou simultanée pour être une communication au public

Les opposants au tarif 22 soutiennent qu’une communication au public suppose l’instantanéité de l’opération du côté du destinataire, caractéristique qui la distinguerait de la reproduction. Ils comparent ce qui se passe sur l’Internet avec la radiodiffusion, où la réception et l’audition ou l’écoute sont simultanées, et en concluent que les transmissions sur l’Internet ne sont pas des communications au public.

La Commission ne souscrit pas à ce point de vue. Communiquer est faire connaître un renseignement, qu’il y ait simultanéité ou non. Le caractère privé ou public de la communication doit être apprécié par rapport aux destinataires ciblés. Autrement dit, le laps de temps dans lequel la communication a lieu n’est pas pertinent; une transmission par télécopieur à dix mille destinataires choisis au hasard est une communication au public, bien que la transmission ne puisse être que séquentielle.

Les œuvres musicales sont rendues disponibles sur l’Internet de manière ouverte, sans dissimulation, l’intéressé, en connaissance de cause, ayant l’intention qu’elles soient transmises à tous ceux qui peuvent avoir accès à l’Internet. En conséquence, il peut y avoir communication au public quand celle-ci est faite à des personnes du public à des moments différents, que le moment soit choisi par ces dernières (ce qui est le cas sur l’Internet) ou par la personne responsable de l’envoi de l’œuvre (ce qui est le cas pour les transmissions par télécopieur). [12]

La Loi ne prescrit aucunement qu’une communication soit faite simultanément aux destinataires visés pour être une communication au public. [13] Néanmoins, pour conclure à l’existence d’une telle exigence, les opposants au tarif 22 s’appuient sur un passage de la décision ACTC de la Section de première instance [14] , selon lequel «on [peut] communiquer au public au moyen d’une série de communications individuelles simultanées à de nombreuses personnes dans des sites différents».

Pour diverses raisons, la position des opposants n’est pas étayée par le passage précité. Premièrement, les seuls genres de communication en cause dans ACTC étaient des communications simultanées. Aussi n’est-il pas étonnant que la décision porte précisément sur celles-ci. Deuxièmement, la décision fait expressément mention de la possibilité de communiquer une œuvre au public par télécopieur [15] , ce qui implique nécessairement une transmission non simultanée. Troisièmement, absolument aucune mention n’est faite de la simultanéité dans l’arrêt en appel. Quatrièmement, tant la Section de première instance que la Cour d’appel ont clairement exprimé la nécessité d’une «appréciation réaliste des effets de l’essor technologique». [16] Exiger la simultanéité irait à l’encontre de cette mise en garde.

Une telle interprétation doit également être écartée parce qu’elle pourrait rendre inefficace toute la législation canadienne relative au droit d’auteur dans le monde des télécommunications, en soustrayant à la protection du droit d’auteur toutes les futures réalisations en interactivité, en adressabilité et en transmission sur demande. Comme l’ont souligné ceux qui appuient le tarif 22, le fait que l’Internet soit interactif et pleinement adressable par les personnes du public qui choisissent d’accéder à l’œuvre n’en change pas l’objet sous-jacent qui est de permettre la transmission de l’œuvre à quiconque obtient l’accès à l’Internet et souhaite recevoir l’œuvre. [17]

v. Les œuvres musicales peuvent être communiquées par télécommunication sur l’Internet

Les opposants au tarif 22 affirment que les diverses opérations et technologies auxquelles il faut recourir pour rendre la musique disponible sur l’Internet signifient que les œuvres musicales, au sens de la Loi, ne sont pas communiquées sur l’Internet. La Commission rejette cet argument.

Les opposants au tarif 22 disent que le processus de compression et de décompression signifie qu’autre chose qu’une œuvre musicale est transmis. Pourtant, le résultat de ces opérations est qu’un renseignement est fourni permettant à un destinataire profane de reconnaître l’œuvre. Cela est suffisant en soi. [18] Si de telles opérations, ou d’autres telles que la modulation ou le codage, pouvaient changer de quelque façon la nature de ce qui est communiqué, il serait alors impossible de communiquer une œuvre musicale par transmission numérique. Il en résulterait une situation assez absurde : les stations de radiodiffusion n’auraient plus à verser de redevances à la SOCAN dès qu’elles auraient adopté la technologie numérique.

La Commission rejette aussi l’argument voulant qu’il n’y ait pas communication de l’œuvre parce que celle-ci est divisée en paquets, chacun de ces paquets ne pouvant contenir une partie importante de l’œuvre. L’œuvre est divisée ainsi en raison uniquement des exigences techniques de l’Internet. Ce qui est transmis en réponse à une demande, ce n’est pas un, mais une série de paquets de données résultant en une communication de l’œuvre. Bien que certains intermédiaires puissent ne pas transmettre l’intégralité de l’œuvre ou une partie importante de celle-ci, tous les paquets indispensables à la communication de l’œuvre sont transmis du serveur sur lequel elle se trouve à l’utilisateur final. En conséquence, l’œuvre est communiquée.

Dans le même ordre d’idées, le fait que des paquets puissent être envoyés ou reçus dans le désordre n’est pas pertinent non plus. Une copie d’une œuvre se trouve sur un disque dur même si les données pertinentes sont stockées dans divers secteurs séparés du disque dur.

Les opposants au tarif 22 soutiennent en outre que ce qui est transmis sur l’Internet, ce n’est pas l’œuvre elle-même, mais des instructions permettant à l’utilisateur final de la reconstituer. De l’avis de la Commission, ce qui est transmis, c’est une œuvre musicale dans divers formats en conformité avec les exigences techniques de l’Internet. Quoi qu’il en soit, le résultat final est la reconstitution sur l’ordinateur de l’utilisateur final de tout ce qui est nécessaire pour voir, écouter ou stocker l’œuvre, et donc une communication de celle-ci. Encore une fois, toute autre interprétation irait à l’encontre de la mise en garde de la Cour d’appel fédérale et ferait dépendre les droits des auteurs de la technologie employée. [19]

Les opposants au tarif 22 s’appuient sur des décisions antérieures de la Cour fédérale et de la Cour suprême pour affirmer que ce qui est communiqué sur l’Internet, ce ne sont pas des œuvres, mais des exécutions des œuvres. [20] Cet argument ne tient pas compte de l’évolution législative survenue depuis que ces décisions ont été rendues, dont l’effet cumulatif est que les œuvres musicales peuvent être communiquées par télécommunication. [21]

Ainsi, depuis 1989, est inclus à l’alinéa 3(1)f) de la Loi «le droit [...] de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre [...] musicale». De plus, suivant la définition donnée dans la Loi, «télécommunication» s’entend de «toute transmission de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature par fil, radio, procédé visuel ou optique, ou autre système électromagnétique».

En dépit de ces modifications, la Cour d’appel fédérale, se fondant sur la définition du terme «œuvre musicale», à savoir «combinaison de mélodie et d’harmonie, ou l’une et l’autre, imprimée, manuscrite, ou d’autre façon produite ou reproduite graphiquement» a décidé que l’œuvre musicale et son support sont indissociables. [22] Par conséquent, il n’y avait communication au public par télécommunication d’œuvres musicales, par opposition à la communication d’une exécution de celles-ci, que si de la musique en feuille était montrée à la caméra ou télécopiée à un segment du public.

Le législateur a répondu à cette décision en remplaçant la définition du mot «œuvre musicale» par ceci : «Toute œuvre ou toute composition musicale». [23] La transmission de musique par les câblodistributeurs (et d’autres) a cessé d’être une exécution publique pour devenir une télécommunication au public. Finalement, le 1er janvier 1994, entrait en vigueur une disposition venant préciser que la personne qui communique une œuvre ne l’exécute pas. [24]

En conséquence, il n’est plus vrai de dire que l’œuvre musicale et son support sont indissociables et les arrêts CTV 1968, CTV 1993 et ACTC (C.A.) ne font plus autorité sur la question. [25] Qui plus est, dire qu’une œuvre musicale peut être communiquée sur l’Internet est la seule conclusion que permettent les règles d’interprétation utilisées par les tribunaux judiciaires lorsqu’ils interprètent la Loi.

B. À quel moment une communication au public a-t-elle lieu sur l’Internet?

i. Une œuvre est communiquée non pas au moment où elle est rendue disponible, mais au moment où elle est transmise.

Ceux qui soutiennent qu’une œuvre est communiquée au moment où elle est mise à disposition ou rendue disponible, par exemple, au moment où elle est enregistrée sur un serveur hôte où les personnes du public peuvent y avoir accès, s’appuient tant sur un traité international que sur la jurisprudence canadienne.

Ils citent l’article 8 du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur adopté en décembre 1996. Cet article dispose que les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée. Toutefois, le Traité ne lie pas le Canada car le gouvernement canadien l’a signé mais ne l’a pas ratifié.

Ils se fondent également sur les arrêts ACTC (C.A.) et ACR 1994. Encore une fois, ces décisions n’apportent pas beaucoup d’eau au moulin de ceux qui appuient le tarif 22.

La première décision a rejeté l’argument que les câblodistributeurs n’exécutent pas d’œuvres musicales en public parce que les abonnés doivent allumer leur téléviseur pour qu’une œuvre soit écoutée :

«l’appelante transmet directement au public [...] le fait que l’abonné doive allumer le téléviseur ne modifie en rien la nature de la transmission. L’appelante fait plus que simplement faciliter l’exécution publique [...] elle est l’exécutant véritable par l’intermédiaire d’un mandataire de bonne foi ou avec l’aide d’un tiers qui, en dernier lieu, allume le téléviseur.» [26]

La seconde a souscrit à la proposition qui suit de la Commission :

«Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a récemment énoncé le principe voulant que [TRADUCTION] “la transmission de services spécialisés par [un câblodistributeur] ... constitue une exécution en public”. Cet énoncé, que la Commission croit tout aussi pertinent par rapport à la transmission d’un signal de radiodiffusion par une station de télévision, fait ressortir deux autres caractéristiques de l’exécution effectuée par le diffuseur. Premièrement, il confirme que c’est lors de la transmission que s’effectue cette exécution. Elle a donc lieu peu importe qu’il y ait ou non quelqu’un qui regarde l’émission : [...]» [27]

Ces décisions ne disent pas qu’une œuvre est communiquée au moment où elle est rendue disponible. Elles portent plutôt sur la nature de ce qui se produit quand le signal d’un câblodistributeur ou d’une station de télévision classique est transmis. Incidemment, elles précisent en outre qu’un acte protégé [28] peut avoir lieu sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’un individu a effectivement écouté l’œuvre transmise. Par conséquent, une œuvre n’est pas communiquée au moment où elle est rendue disponible.

Cela dit, pour décider à quel moment une communication a lieu sur l’Internet, les décisions ACTC (C.A.) et ACR 1994 sont utiles sous au moins trois aspects.

Premièrement, étant donné que l’exécution a lieu au moment de la transmission, il est facile de conclure par analogie que la communication d’une œuvre sur l’Internet a lieu à ce moment-là. Une communication au public a donc lieu chaque fois qu’une personne du public utilise un navigateur pour avoir accès à l’œuvre enregistrée sur l’ordinateur d’origine.

Deuxièmement, une œuvre est communiquée au public même si elle n’est transmise qu’une seule fois, pourvu qu’elle soit mise à disposition sur un site accessible à un segment du public. Comme nous l’avons vu précédemment, il y a communication au public si c’est à un public que la communication est destinée. La mesure dans laquelle un individu qui souhaite communiquer l’œuvre réussit à le faire n’est pas pertinente.

Troisièmement, la communication a lieu au moment où l’œuvre est transmise, qu’elle soit écoutée dès réception ou non, qu’elle soit enregistrée en vue d’une écoute ultérieure ou qu’elle ne soit jamais écoutée. La communication par télécopieur n’en est pas moins une communication si le message est stocké sur ordinateur pour extraction ultérieure plutôt que d’être immédiatement imprimé.

C. Qui communique sur l’Internet? En particulier, qui peut invoquer l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi?

i. Quand une œuvre est transmise, c’est la personne qui l’a mise à disposition qui la communique

La personne qui rend disponible une œuvre – il s’agit habituellement du fournisseur de contenu – le fait dans le seul but que d’autres puissent y avoir accès. Comme les transmissions sur l’Internet sont des communications, il faut chercher l’origine de la transmission pour trouver qui est responsable de celle-ci. Toute communication d’une œuvre a lieu parce qu’une personne a accompli toutes les démarches nécessaires pour la rendre disponible pour communication. Le fait que cela se réalise à la demande du destinataire ou par l’intermédiaire d’un tiers ne change rien au fait que le fournisseur de contenu est l’auteur de la communication.

Le fait que la communication soit automatisée n’est pas pertinent. Si le système est programmé pour fonctionner automatiquement une fois que certaines démarches sont accomplies par des personnes autres que le fournisseur de contenu, c’est que l’Internet est ainsi conçu et que la personne qui rend disponible le contenu souhaite tirer profit des avantages inhérents à cette conception. Pour revenir à notre analogie, la personne qui programme un télécopieur pour transmettre un message pendant son sommeil est néanmoins l’auteur de la communication.

Le fait que le matériel qui transmet en réalité l’œuvre au cours d’une communication donnée ne soit peut-être pas celui sur lequel elle a été mise à l’origine n’est pas plus pertinent. La personne qui a rendu disponible l’œuvre la communique et ce, peu importe que la transmission provienne du serveur d’origine, de l’antémémoire ou d’un site miroir. Dans le cas des sites d’origine ou miroirs, la responsabilité est évidente : l’œuvre a été enregistrée conformément à des ententes en bonne et due forme conclues par la personne qui rend l’œuvre disponible. Mais la responsabilité est tout aussi manifeste dans le cas des transmissions provenant des serveurs offrant la mise en antémémoire ou serveurs intermédiaires, bien que ces opérations aient lieu sans l’autorisation de la personne qui rend disponible l’œuvre. Ces moyens techniques sont des éléments constitutifs de l’Internet. La personne qui rend disponible le contenu utilise ces moyens. De fait, elle peut empêcher la mise en antémémoire grâce à divers mécanismes comme les métabalises.

ii. Les personnes qui peuvent invoquer l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi relativement à la communication d’une œuvre ne communiquent pas celle-ci. Il s’agit généralement de toutes les entités qui agissent comme intermédiaires sur l’Internet, notamment l’IPS de la personne qui rend l’œuvre disponible, les personnes dont les serveurs servent d’antémémoire ou de site miroir, l’ISP du destinataire et ceux qui exploitent des routeurs servant à la transmission

L’alinéa 2.4(1)b) de la Loi dispose : «n’effectue pas une communication au public la personne qui ne fait que fournir à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci l’effectue». Ceux qui appuient le tarif 22 et ses opposants expriment à l’égard de cette disposition des avis diamétralement opposés.

Les opposants au tarif 22 affirment que ceux qui exploitent le matériel ou des installations servant aux transmissions sur l’Internet ne participent pas à la communication qui peut avoir lieu. Ces intermédiaires Internet comprennent, selon eux, ceux qui exploitent les routeurs, fournissent le matériel ou les logiciels utilisés pour fournir la connectivité, ou qui exploitent un serveur sur lequel un tiers met un contenu, toute personne en fait, sauf la personne responsable du contenu et l’utilisateur final. En fait, ils estiment que seuls l’expéditeur et le destinataire participent à la communication du point de vue juridique.

Pour leur part, ceux qui appuient le tarif 22 soutiennent que l’alinéa 2.4(1)b) s’applique seulement à la fourniture des installations matérielles utilisées par autrui pour communiquer une œuvre au public. D’après eux, l’expression «moyens de télécommunication» s’entend des moyens de transmission, et non d’un service ou d’autres moyens de communication. Ils affirment que l’expression «moyens de télécommunication» suggère l’idée de matériel ou de systèmes ou d’installations matériels, par opposition à un «service», à savoir la fourniture d’une aide, notamment professionnelle. [29]

De l’avis de ceux qui appuient le tarif 22, opposer fourniture de moyens et prestation de services permet d’en arriver à la conclusion, par exemple, que l’alinéa 2.4(1)b) s’applique à une société de téléphone si elle fournit des lignes et des installations pour un ISP, mais non la connectivité ou d’autres services Internet. Ils affirment que ces services ne sont pas nécessaires pour qu’il y ait communication et que, par conséquent, l’exemption ne s’applique pas.

L’interprétation que préconisent ceux qui appuient le tarif 22 est trop étroite. Le mot «moyens» a une portée plus large que celle du mot »installations». Les «moyens» nécessaires pour faire une transmission sur l’Internet, auxquels l’alinéa 2.4(1)b) renvoie, ne se limitent pas aux routeurs et autre matériel. Ils englobent tous les logiciels de connexion, les services assurant la connectivité, les installations et services offrant l’hébergement sans lesquels la communication n’aurait pas lieu, tout comme l’équipement de commutation, le logiciel et les autres installations qui font partie de l’infrastructure d’une entreprise de télécommunications permettant la transmission de la voix, des données et d’autres informations.

Au surplus, un intermédiaire Internet n’est pas empêché d’invoquer l’alinéa 2.4(1)b) simplement parce qu’il assure des services qui sont accessoires à la fourniture des moyens de communication ou parce qu’il prend certains moyens ou suit certaines méthodes (comme la mise en antémémoire) pour améliorer la performance. L’alinéa 2.4(1)b) ne comprend aucun mot excluant son application quand les «télécommunications» sont fournies dans le cadre de la prestation de services. L’exemption ne cesse pas non plus de s’appliquer pour l’unique raison que l’intermédiaire a peut-être conclu un contrat avec ses abonnés. Tant que son rôle relativement à une transmission donnée est limité à la fourniture des moyens nécessaires à la transmission de données provenant d’autrui et destinées à être transmises sur l’Internet, et tant que les services accessoires qu’il fournit ne vont pas jusqu’à la participation à la communication de l’œuvre ou à l’autorisation de sa communication, [30] il convient de lui accorder le bénéfice de l’exemption.

Ceux qui appuient le tarif 22 soutiennent de plus que la décision Michelin [31] permet d’affirmer que les exceptions prévues par la Loi, comme l’alinéa 2.4(1)b), doivent être interprétées restrictivement. C’est inexact. Ce que permet d’affirmer cette décision, c’est que les tribunaux doivent éviter d’inclure dans la Loi des exceptions qui ne s’y trouvent pas. En outre, il n’y a aucune raison de croire qu’une disposition particulière de la Loi doive être interprétée restrictivement. La jurisprudence récente établit clairement que l’interprétation de la Loi doit être fondée sur le sens ordinaire des mots qui y sont employés, [32] tenir compte du contexte dans lequel la terminologie particulière est utilisée et être conciliable avec les nombreuses parties connexes de la loi [33] , et être appliquée d’une façon aussi technologiquement neutre que possible.

Il a également été fait grand cas de la décision Electric Despatch. [34] D’un certain point de vue, celle-ci a présagé la raison d’être de l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi car la cour y a décidé que la partie dont les fils ont servi à envoyer un message n’engage pas sa responsabilité contractuelle en ce qui concerne la transmission; de plus, elle y a interprété la notion de transmission comme englobant la personne qui envoie le message et celle qui le reçoit, mais non l’intermédiaire qui fournit les moyens techniques. Toutefois, la décision n’est pas pertinente pour ce qui nous occupe, ne serait-ce que parce qu’elle portait sur l’interprétation d’une clause d’un contrat suivant les règles généralement applicables à ces documents.

Au bout du compte, il faut prendre chaque transmission isolément afin de décider si, en l’occurrence, un intermédiaire donné est un simple agent permettant à autrui de communiquer ou s’il agit à un autre titre. D’une façon générale, cependant, on peut dire à coup sûr, en ce qui a trait à la plupart des transmissions, que seule la personne qui rend disponible une œuvre musicale communique celle-ci. [35]

iii. Il n’est pas toujours loisible aux intermédiaires Internet d’invoquer l’alinéa 2.4(1)b)

La responsabilité d’une entité qui participe à une quelconque transmission sur l’Internet doit être évaluée en fonction du rôle qu’elle joue dans cette transmission, et non en fonction de ce qu’elle accomplit en général sur l’Internet. Par conséquent, les intermédiaires Internet ne peuvent invoquer l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi qu’à l’égard des communications dans lesquelles ils se limitent à agir à titre d’intermédiaires. Dans certains cas, en raison de rapports commerciaux ou d’autres facteurs, des intermédiaires agissent différemment, de concert avec d’autres entités. C’est ce qui se produit lorsqu’un ISP rend disponible du contenu, se joint à d’autres pour le faire, crée des liens intégrés ou anime un groupe de discussion. En pareil cas, ces entités n’agissent plus à titre d’intermédiaires; leur responsabilité doit être évaluée selon les règles générales qui régissent la responsabilité en matière de droit d’auteur. [36] Il en est de même lorsqu’un ISP déploie une antémémoire pour d’autres raisons que l’amélioration du rendement du système, modifie le contenu mis en antémémoire ou fait obstacle à tout moyen d’obtenir des renseignements quant au nombre d’«occurrences» ou d’«accès» au matériel mis en antémémoire.

Ainsi, les entités dont les routeurs ne traitent qu’un nombre restreint des paquets transmis pourront toujours prétendre qu’elles ne traitent pas une partie importante de l’œuvre. Par contraste, il ne servira à rien, comme dans toutes les autres situations, d’invoquer les notions d’intention ou de causalité pour tenter d’éluder toute responsabilité puisque les dispositions législatives «n’exigent pas la preuve de la connaissance de l’existence du droit d’auteur ni du fait que l’acte constitue une contrefaçon. La contrefaçon consiste simplement en l’exécution d’un acte que seul “le titulaire [du droit d’auteur] a la faculté d’exécuter”». [37]

Dans le même ordre d’idées, les entités qui souhaiteraient invoquer des décisions qui ont examiné la notion d’autorisation pour tenter de se soustraire à toute responsabilité auront probablement de la difficulté à le faire, ne serait-ce que parce que la responsabilité qui leur incombe découlerait non du fait qu’elles ont autorisé la communication, mais plutôt de ce qu’elles y ont été des participants actifs et directs.

iv. L’alinéa 2.4(1)c) de la Loi n’est pas d’un grand secours à l’égard des transmissions sur l’Internet

L’alinéa 2.4(1)c) de la Loi prévoit que «toute transmission par une personne par télécommunication, communiquée au public par une autre ... constitue une communication unique au public, ces personnes étant en l’occurrence solidaires, dès lors qu’elle s’effectue par suite de l’exploitation ... d’une entreprise de programmation.»

En vertu du paragraphe 2.4(2), le gouverneur en conseil a défini l’expression «entreprise de programmation» comme :

«... un réseau, autre qu’un réseau au sens de la Loi sur la radiodiffusion, constitué :

a) d’une part, d’une personne qui transmet par télécommunication tout ou partie de ses émissions ou de sa programmation directement ou indirectement à la personne visée à l’alinéa b);

b) d’autre part, d’une personne qui communique au public par télécommunication tout ou partie des émissions ou de la programmation visées à l’alinéa a).» [38]

SOCAN a fait valoir que les œuvres musicales sur un site Web entrent dans la définition des termes «émissions» ou «programmation» et que cette disposition s’applique :

  1. lorsque l’opérateur d’un site Web transmet de la programmation à un IAP, lequel la transmet à son tour à ses abonnés;
  2. lorsque l’opérateur d’un site Web transmet du contenu qui est mis sur un site miroir ou mis en antémémoire sur le serveur d’un IAP;
  3. lorsqu’une entité fournit du contenu destiné à être inclus sur le site Web d’un IAP ou d’un service en ligne qui le transmet à ses abonnés.

Les opposants au tarif 22 soulignent avec raison que l’alinéa 2.4(1)c) impose une responsabilité à la personne à l’origine de la communication d’une œuvre musicale lorsque la communication initiale n’était pas faite au public. Cette disposition n’est pas d’un grand secours dans le contexte de l’Internet. D’abord, cette disposition est inutile pour ce qui est d’imposer une responsabilité à la personne qui rend disponible l’œuvre puisque cette personne se trouve à communiquer l’œuvre. Ensuite, tant qu’il est loisible aux «autres personnes» visées dans cette disposition d’invoquer l’alinéa 2.4(1)b), celles-ci ne communiquent pas l’œuvre et, partant, les conditions établies dans cette disposition ne sont pas réunies.

De plus, l’alinéa 2.4(1)c) ne vise que les entreprises de programmation définies par règlement. La question de savoir si cela peut inclure d’autres entités que des réseaux de télévision ou de radio, des services spécialisés et des câblodistributeurs demeure ouverte.

Quant à la question de savoir si le contenu transmis sur l’Internet constitue de la programmation, le CRTC a établi que, pour l’application de la Loi sur la radiodiffusion, divers services numériques, vidéo et audio pouvaient être englobés dans la définition donnée aux termes émissions ou programmation dans cette Loi. Reste à savoir si cela est suffisant.

D. Quand y a-t-il autorisation d’une communication sur l’Internet?

i. Quiconque rend une œuvre disponible au public sur un serveur se trouve à en autoriser la communication

Une œuvre musicale n’est pas communiquée lorsqu’elle est rendue disponible, mais uniquement lorsqu’elle est transmise. La communication en est toutefois autorisée dès que l’œuvre est rendue disponible.

L’«autorisation» constitue une utilisation protégée distincte sous le régime de la Loi. [39] Autoriser, c’est sanctionner, appuyer et soutenir. [40] La personne qui rend disponible une œuvre musicale sur un site accessible par l’Internet en autorise la communication. Elle le fait uniquement afin que celle-ci puisse être communiquée, en sachant fort bien et en espérant qu’une telle communication aura lieu. La personne qui rend l’œuvre disponible ne fait pas que fournir les moyens d’assurer la communication de l’œuvre; elle contrôle ou prétend contrôler le droit de la communiquer.

D’un autre point de vue, en rendant une œuvre musicale disponible sur un site, la personne demande à son ISP (lequel est tenu par contrat d’y satisfaire) de transmettre l’œuvre à la demande des utilisateurs finaux, ce qui donne lieu à la communication recherchée par le fournisseur de contenu. Dans ces circonstances, la personne qui fournit l’œuvre doit être considérée comme prétendant être habilitée à l’affecter à l’utilisation à laquelle elle est destinée.

Cela se situe clairement à l’opposé des décisions dans lesquelles les tribunaux ont refusé de conclure que le fait de fournir du matériel ou des moyens susceptibles d’être utilisés pour porter atteinte au droit d’auteur ne constitue pas un acte d’autorisation, et ont mis l’accent sur le manque de contrôle de la part de la personne censée avoir autorisé une utilisation protégée.

Ainsi, dans l’arrêt Vigneux [41] , la Cour a conclu que la personne qui avait loué un phonographe ne pouvait être tenue responsable d’avoir autorisé l’exécution de musique dans un restaurant où l’appareil était utilisé puisqu’elle n’avait pas la haute main sur cette utilisation et n’avait pas «voix au chapitre pour ce qui était de la question de savoir si, à un moment donné, cette machine devait être disponible pour les clients du restaurant». [42] Dans l’arrêt Muzak , la défenderesse avait fourni des enregistrements d’œuvres musicales à des tiers qui les avaient utilisés pour exécuter les œuvres en public. Le juge Kellock a estimé que le contexte factuel de l’espèce s’apparentait à celui de l’affaire Vigneux et a conclu que Muzak avait autorisé l’utilisation de ses enregistrements dans les exécutions, mais n’avait pas autorisé les exécutions. De même, dans la décision de Tervagne, après avoir établi que la personne qui a loué un théâtre dans lequel une exécution en violation du droit d’auteur avait eu lieu n’exerçait aucun contrôle sur l’utilisation du théâtre, la Cour a dû conclure que l’exploitant du théâtre n’avait pas autorisé la représentation en violation du droit d’auteur qui avait eu lieu à cet endroit. La défenderesse n’avait fait qu’approuver l’utilisation de la salle et elle était en droit de présumer que la personne qui la prenait en location présenterait la pièce de théâtre licitement. Dans le cas qui nous occupe, le fournisseur de contenu qui rend une œuvre disponible sur un site contrôle le choix de la musique, y compris le fait qu’il s’agit ou non de musique protégée.

Les décisions anglaises vont dans le même sens. Dans l’arrêt CBS Inc., [43] la Cour a conclu que la détaillante défenderesse, qui avait loué des disques et vendu des bandes sonores vierges que les clients avaient utilisées pour faire des copies des disques loués, n’était pas responsable d’avoir autorisé la violation. La défenderesse n’avait pas fourni le matériel ou les moyens d’enregistrement et n’avait pas prétendu donner à ses clients la permission de copier les disques. La Cour a conclu que le seul fait d’aider un tiers à entreprendre un acte qui est une violation du droit d’auteur ne constitue pas une autorisation à commettre la violation. Dans l’arrêt CBS Songs, [44] la Cour a conclu que le fabricant de magnétocassettes à platines jumelées permettant à l’acquéreur de faire des copies n’était pas responsable car il n’avait pas sanctionné, appuyé ni soutenu un usage des magnétocassettes qui porterait atteinte aux droits protégés. C’est l’acquéreur qui décidait s’il voulait copier les enregistrements sur cassette et lesquels copier, tandis que le fournisseur des magnétocassettes n’avait aucun contrôle sur l’utilisation des appareils.

Il appert que ces décisions se concentrent sur le fait de fournir du matériel ou des moyens qu’une autre personne utilise pour porter atteinte au droit d’auteur. En de telles circonstances, l’autorisation ne se produit que lorsqu’une personne exerce sur les activités du «bénéficiaire» un degré de contrôle réel ou apparent suffisant pour donner à croire qu’elle est habilitée à accorder à autrui le droit d’utiliser l’œuvre d’une façon qui est visée par les droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur. La probabilité d’un tel état de fait augmente dans la mesure où les intérêts commerciaux des parties sont liés à l’utilisation protégée et à la connaissance réelle ou supposée de la probabilité d’une utilisation protégée. Cette probabilité baisse lorsque les outils ou les moyens peuvent être utilisés pour permettre l’utilisation d’œuvres non protégées ou pour exploiter des utilisations non protégées.

La présente espèce se détache dans un contraste absolu de toutes les situations examinées dans ces affaires. Les fournisseurs de contenu ne fournissent pas des outils pour qu’il puisse y avoir utilisation; ils fournissent l’œuvre. Ils déterminent le contenu. Ils décident si le site comprendra des œuvres musicales. Ils choisissent ces œuvres, qu’elles soient protégées ou non. Ils savent et prévoient que les fichiers qu’ils rendent disponibles serviront à permettre une utilisation qui est protégée si l’œuvre n’est pas tombée dans le domaine public, renseignement qu’il leur incombe de vérifier : leurs arrangements contractuels avec la personne dont ils retiennent les services pour assurer la transmission de l’œuvre prévoient clairement que la seule utilisation du contenu est la production de messages sonores et visuels sur le matériel informatique du destinataire. [45] En fait, dès qu’elle est rendue disponible, la musique, en supposant qu’elle est protégée, ne peut être utilisée sans violation du droit d’auteur.

De plus, c’est l’acte même de rendre disponible qui constitue une autorisation. En agissant de la sorte, la personne se trouve à offrir à ceux qui ont accès à l’Internet de leur communiquer l’œuvre. Par conséquent, lorsqu’il s’agit de l’Internet, l’autorisation se produit avant la communication. Cette conclusion n’est pas aussi surprenante qu’elle en a l’air. Par exemple, la SOCAN autorise clairement une station à diffuser de la musique lorsqu’elle délivre une licence, et non au moment où la diffusion se produit. [46]

Compte tenu de ce qui a été dit à l’égard de l’alinéa 2.4 (1)b) de la Loi, il n’est pas nécessaire de s’étendre sur la question de savoir si ce que font les intermédiaires Internet constitue une autorisation. En fait, procéder ainsi, ce serait considérer la question par le mauvais bout de la lorgnette. Même le fait qu’un ISP sache que ses installations peuvent servir à des fins illicites ne peut rendre ce fournisseur responsable d’avoir autorisé la violation s’il ne prétend pas accorder à l’auteur de l’atteinte une licence ou une permission d’agir illégalement. [47] Il faudrait qu’un intermédiaire sanctionne, appuie et soutienne plus que la seule utilisation de matériel qui peut servir à porter atteinte au droit d’auteur. [48] De plus, l’ISP a le droit de présumer que ses installations seront utilisées conformément à la loi. [49]

Cela dit, d’autres personnes peuvent autoriser des communications sur l’Internet. Lorsqu’il existe certains liens entre une personne et le fournisseur de contenu, ou que le comportement de la personne manifeste certaines caractéristiques, il peut y avoir «autorisation». [50] La question de savoir si quelque autre personne que le fournisseur de contenu peut être tenue responsable d’avoir autorisé la communication d’une œuvre oblige à examiner si, dans les circonstances particulières, une partie accorde ou prétend accorder à une autre le droit de communiquer l’œuvre. Ainsi, tandis que la personne qui apporte un message à un groupe de discussion peut être responsable tout autant d’avoir autorisé la communication que de l’avoir effectuée, l’entité qui agit comme animateur peut être responsable soit d’avoir autorisé la communication du message qu’elle laisse partir vers le groupe de discussion ou qu’elle révise, soit d’avoir participé solidairement à sa communication. [51]

ii. La personne qui crée un hyperlien automatique ou intégré vers une œuvre autorise la communication de l’œuvre à partir du site visé par le lien. La personne qui fournit uniquement un lien qui doit être activé par l’utilisateur n’autorise pas la communication

En soi, la création d’hyperliens n’implique pas la communication publique de quelque œuvre comprise dans les sites visés par les liens. Dans leur forme la plus simple, les hyperliens représentent une liste électronique d’adresses.

Toutefois, le fournisseur de contenu qui inclut dans une page Web un lien automatique chargé d’effectuer la transmission d’une œuvre musicale vers le destinataire, sans autre intervention de la part de ce dernier, se présente comme responsable du matériel qui se trouve sur les sites chaînés et en autorise donc la communication. Cela vaut même en l’absence de relations d’affaires entre lui et le propriétaire des sites chaînés. En créant de tels hyperliens automatiques, le propriétaire du site se constitue «partie ayant un intérêt dans [la communication] en garantissant le droit [de communication]». [52]

E. Quand une communication sur l’Internet se produit-elle au Canada?

Pour que la communication se produise au Canada, il faut qu’elle provienne d’un serveur situé au Canada sur lequel le fichier se trouve. Il ressort clairement de l’arrêt ACR 1994 que les communications se produisent au lieu d’où provient la transmission. Le lieu d’origine de la demande, la situation de la personne qui rend disponible le contenu et la situation du site Web initial n’ont aucun rapport. [53] Par conséquent, le droit d’autoriser ne doit être obtenu de la personne qui administre le droit au Canada que lorsque l’information se trouve sur un serveur canadien, et le droit de communiquer ne doit être obtenu de cette même personne que lorsque la transmission provient d’un serveur situé au Canada. Réciproquement, l’étranger qui rend disponible une œuvre musicale sur un serveur canadien doit obtenir une licence de cette même personne.

Il y a mise à disposition non seulement sur le site initial, mais aussi sur tout site miroir. Un site miroir n’est qu’un site parmi d’autres dans lequel le fournisseur de contenu a placé des données. Par conséquent, lorsqu’une œuvre est transmise à partir d’un serveur fournissant un site miroir situé au Canada, la communication a lieu au Canada.

Pour les mêmes raisons, les communications mises en branle par un hyperlien intégré se produisent sur le site visé par le lien. Par conséquent, la personne qui crée un lien intégré vers un site étranger à partir d’un site canadien n’est pas tenue d’obtenir une licence de la SOCAN. Réciproquement, la personne qui crée un lien intégré vers un site sur un serveur situé au Canada en autorise la communication au Canada, peu importe l’endroit où se trouve cette personne.

Par contraste, lorsqu’une transmission passe par une antémémoire, la communication se produit au lieu du site hôte ou du site miroir à partir duquel l’antémémoire a à l’origine obtenu les données. [54] L’antémémoire, à l’instar du routeur, ne constitue qu’un élément intrinsèque du système de télécommunications qu’est l’Internet. Les données ne se trouvent en antémémoire que pour une période de temps limitée, sur l’initiative de la personne qui exploite le matériel comprenant l’antémémoire. Les données, ainsi que les moyens pris pour les communiquer, se trouvent ailleurs. Cela contraste avec les sites miroirs, dont l’existence est connue et agréée par le fournisseur de contenu.

Il faut toutefois formuler une réserve à l’analyse qui précède. En effet, la question de savoir si l’entité qui fournit du contenu à l’extérieur du Canada dans l’intention de le communiquer précisément à des destinataires au Canada le communique au Canada demeure ouverte. [55]

IV. QUESTIONS CONNEXES

Les participants ont soulevé d’autres questions qui méritent d’être examinées séparément. Au nombre de leurs préoccupations figurent les questions de savoir qui administre le droit d’autoriser des communications sur l’Internet, si ce droit est assujetti au régime de réglementation prévu aux articles 67 et suivants de la Loi et si la Commission a compétence pour homologuer le tarif 22 compte tenu de ses conclusions sur la responsabilité, la question des différences qui peuvent exister en matière de responsabilité entre la communication d’œuvres mises sur l’Internet et la communication d’œuvres incluses dans un signal de radiodiffusion, et la question de l’interaction qui peut exister entre les transmissions sur l’Internet et le régime de la retransmission. La question de savoir si la Commission est empêchée d’adopter certaines structures tarifaires ne fait pas partie des questions qu’il est nécessaire de débattre immédiatement; de toute façon, elle n’a pas été exposée adéquatement par les participants. Elle ne sera donc pas traitée ici.

A. Le droit d’autoriser et d’effectuer une communication sur l’Internet

Force est de conclure, à la lumière de la Loi, du bon sens et de la teneur des propres contrats de cession de la SOCAN, que la SOCAN administre le droit d’autoriser une communication tout autant que le droit de communiquer.

En premier lieu, la Loi elle-même envisage qu’une société comme la SOCAN puisse administrer le droit d’autoriser. Ainsi, selon la définition donnée à l’expression «société de gestion», l’objet d’une telle société est de se livrer à l’administration d’un système d’octroi de licences portant sur certaines utilisations «qu’elle autorise». L’article 2.7 prévoit qu’une licence est «l’autorisation accordée au licencié d’accomplir un acte» [notre soulignement]. Enfin, en vertu de l’article 67 de la Loi, la SOCAN est une société chargée d’octroyer des «licences», lesquelles sont des «autorisations d’accomplir un acte».

En deuxième lieu, le bon sens veut que la SOCAN soit tenue d’administrer le droit d’autoriser pour que le régime puisse fonctionner de façon satisfaisante. La SOCAN elle-même n’a pratiquement que faire du droit de communiquer puisqu’il ne lui arrive que rarement, voire jamais, de communiquer des œuvres elle-même. Elle accorde plutôt à d’autres le droit de communiquer, ce qui constitue l’essence même de l’acte d’autorisation d’une communication. [56] De plus, certains des titulaires de licences de la SOCAN ont besoin non du droit d’agir, mais du droit d’autoriser. C’est le cas des organisateurs de concerts, des fournisseurs de musique et autres professionnels semblables. Si la SOCAN était incapable d’accorder le droit d’autoriser, ces personnes seraient dans l’impossibilité d’obtenir la licence appropriée.

En troisième lieu, les cessions obtenues par la SOCAN définissent au nombre des droits cédés celui d’autoriser une exécution ou une communication. [57] De plus, comme ces cessions sont exclusives, il est difficile d’imaginer comment, en pratique, les cédants pourraient de quelque façon conserver en réserve le droit d’autoriser un acte qu’ils n’ont plus le droit de faire eux-mêmes.

Dans le même ordre d’idées, de par la logique interne de la Loi, le droit d’autoriser un acte assujetti au régime de la SOCAN est lui-même assujetti à ce régime. Toute autre interprétation permettrait à une société de gestion du droit d’exécution de contourner la loi et de priver les utilisateurs de la protection que leur offrent ces exigences d’origine législative.

B. La capacité de la Commission de procéder à l’examen du tarif déposé

La Commission a conclu que lorsque le rôle des intermédiaires Internet dans une transmission donnée se limite à fournir les outils nécessaires à la transmission, la seule personne qui est responsable de la communication d’une œuvre est celle qui l’a rendue disponible. Compte tenu de cette conclusion, le tarif 22 tel qu’il a été déposé permet-il de saisir la Commission de cette question?

La SOCAN prétend que la Commission doit approuver le tarif 22 dès lors que ce tarif est déposé par une société de gestion autorisée et qu’il s’applique à des œuvres musicales protégées qui peuvent être communiquées au public par télécommunication à l’égard d’activités d’utilisateurs visées par le tarif. Elle ajoute que la Commission ne devrait se retenir d’homologuer un tarif qu’en l’absence de possibilité qu’une situation de concession de licence soit visée par le tarif, et que la Commission n’est pas habilitée à décider si une personne est ou n’est pas tenue de verser des redevances à la SOCAN. Finalement, la SOCAN prétend que la Commission devrait homologuer le tarif dès lors qu’une des activités envisagées constitue une communication au public par télécommunication ou l’autorisation d’une telle communication.

Pour sa part, la CAIP a articulé son argumentation autour de quatre propositions. En premier lieu, un tarif ne peut viser tout simplement des «communications au public» et doit viser des activités précises susceptibles de porter atteinte au droit de communication. En deuxième lieu, le tarif 22 ne vise que les activités comprises dans la définition à deux volets donnée à l’expression «service de télécommunications» (c’est-à-dire «permettre ou sanctionner l’encodage numérique, l’accès sélectif et/ou la mémorisation d’œuvres musicales – en vue de leur transmission par le biais d’un réseau de télécommunications – ou permettre l’accès à un tel réseau.»). En troisième lieu, ces activités sont des activités qui ne portent aucune atteinte au droit d’auteur; elles sont effectuées par des entités qui ne sont pas engagées dans la communication d’œuvres musicales sur l’Internet. En quatrième lieu, la Commission ne peut substituer d’autres activités ou d’autres entités à celles qui sont visées par la SOCAN; si les activités visées dans le tarif ne constituent pas des communications d’œuvres musicales au public, alors la Commission devrait rejeter le tarif en entier.

La SOCAN a raison de prétendre que la CAIP interprète mal le projet de tarif tel qu’il a été déposé. La personne qui rend disponible du contenu «communique.., au moyen d’ordinateurs ou d’autres appareils connectés à un réseau de télécommunications». Les mots «par le biais d’un réseau de télécommunications» ne font pas seulement référence (si tant est) à l’utilisateur visé, mais aussi aux moyens par lesquels la communication est effectuée. Cela ressort de façon particulièrement claire dans la version française du tarif («Pour une licence permettant la communication à des abonnés par le biais d’un service de télécommunications à l’aide d’un ordinateur» [notre soulignement]).

De plus, le tarif 22 ne vise pas seulement les deux activités mentionnées dans la définition du «service de télécommunications» figurant dans le tarif. Cette définition est à la fois disjonctive et inclusive; par conséquent, les deux parties de la définition ne visent pas à donner une définition exhaustive de l’expression.

De toute façon, il n’est pas nécessaire que le tarif précise qui doit payer. Il suffit qu’il précise l’utilisation qui est visée et le prix applicable à cette utilisation. Cela a été fait de façon satisfaisante en l’espèce.

C. Les œuvres musicales, les signaux de télévision et de radio et l’Internet

La SOCAN a raison d’affirmer que la transmission sur l’Internet d’une œuvre musicale incluse dans un signal de radio ou de télévision est une communication distincte. [58] Cela dit, la question de savoir si la SOCAN est déjà adéquatement rémunérée pour cette utilisation distincte devrait relever de la Phase II. Les participants voudront sans doute tenir compte de ce que la Commission a déjà dit dans le cadre d’un autre tarif portant sur deux utilisations distinctes dans le cadre de la prestation d’un même service. [59]

D. La retransmission et l’Internet

Encore une fois, la transmission sur l’Internet d’une œuvre musicale incluse dans un signal de radio ou de télévision est une communication distincte. Si elle est effectuée par le diffuseur lui-même, il ne s’agit pas d’une retransmission. Si elle est effectuée par quelque autre personne, elle ne remplit pas les conditions stipulées dans le régime de la retransmission. Par conséquent, le régime de la SOCAN s’applique à cette communication distincte, et la seule personne qui en est responsable est celle qui rend le signal disponible sur son site, pourvu que les intermédiaires Internet engagés dans la transmission se limitent à fournir les moyens nécessaires pour que la transmission ait lieu.

Le secrétaire de la Commission,

Signature

Claude Majeau



[1] L’alinéa 2.4(1)b) de la Loi se lit comme suit : «n’effectue pas une communication au public la personne qui ne fait que fournir à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci l’effectue».

[2] L’adresse est statique si elle est attribuée en permanence à une composante de l’Internet, et dynamique si elle ne l’est que pour la durée de la connexion. Chaque fournisseur de l’accès à l’Internet reçoit une gamme d’adresses, qu’il peut employer pour procurer à ses abonnés l’accès soit au besoin, soit de façon permanente.

[3] C’est ce que l’on désigne parfois par «modèle (ou contrat) de livraison avec engagement de faire son possible».

[4] Pour cette raison, la Commission n’a pas senti le besoin de baser sa décision sur la preuve touchant la situation aux États-Unis ou en Europe. De toute façon, les précédents européens auraient été de peu de secours car la législation ne traite pas expressément de l’Internet et la jurisprudence semble inexistante. C’est pourquoi M. Dreier s’est contenté d’établir une analogie avec la radiodiffusion par satellite et la câblodistribution.

Quant aux précédents américains, ils sont nombreux. Toutefois, les distinctions importantes qui existent entre le droit d’auteur aux États-Unis et au Canada sur des questions telles que les droits de distribution et la responsabilité contributive, combinées aux dispositions détaillées de la loi qui portent sur la responsabilité des ISP, signifient que les causes américaines ne peuvent pas vraiment servir à interpréter les principes juridiques canadiens applicables en la matière.

[5] Voir les définitions du Oxford Reference Dictionary, du Black’s Law Dictionary et du Petit Robert.

[6] Ou, comme dans le cas des transmissions par la radiodiffusion ou par la câblodistribution, des ondes radioélectriques ou des signaux électriques : Réseau de Télévision CTV Ltée c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1993] 2 C.F. 115 [ci-après CTV 1993]; Association canadienne de télévision par câble c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1993] 2 C.F. 138 (C.A.) [ci-après ACTC (C.A.)]; [1991] 34 C.P.R. (3d) 521 [ci-après ACTC (1re inst.)].

[7] Bishop c. Stevens, [1990] 2 R.C.S. 467 [ci-après Bishop].

[8] CTV 1993; ACTC (C.A.).

[9] ACTC (C.A.) à la p. 153.

[10] ACTC (C.A.).

[11] Rank Film Production Ltd. c. Dodds [1983] 2 IPR 113, à la p. 115; Australasian Performing Right Association Ltd. c. Commonwealth Bank of Australia, [1992] 25 IPR 157; Telstra Corporation Ltd. c. Australasian Performing Right Association Ltd. [1997] 38 IPR 294 (H.C. Aust.) aux pp. 303 et 304; Performing Rights Society c. Gillette Industries Ltd., [1943] 1 All E.R. 413, à la p. 416.

[12] Il va sans dire qu’il y a encore plus de chances qu’une transmission sur l’Internet par multidiffusion soit une télécommunication au public.

[13] Par contraste, les alinéas 21(1)c) et 31(2)c) de la Loi énoncent une telle exigence.

[14] ACTC (1re inst.) à la p. 537.

[15] ACTC (1re inst.) à la p. 540c.

[16] ACTC (1re inst.) à la p. 538f; ACTC (C.A.) à la p. 153.

[17] Ceux qui appuient le tarif 22 ont également fondé leur position sur la définition du mot «public» donnée au paragraphe 1721(2) de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Les obligations internationales du Canada peuvent servir à l’interprétation des lois canadiennes : voir National Corn Growers Association c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 1324, à la p. 1371; R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, (Butterworths, Toronto, 1994), (3e éd.), à la p. 459. Toutefois, comme la Cour d’appel fédérale a refusé à maintes reprises d’invoquer les obligations énoncées dans les traités pour interpréter des dispositions de loi qui n’avaient pas été modifiées par suite du traité (CTV 1993; ACTC (C.A.); Association canadienne des radiodiffuseurs c. SOCAN [1994] 58 C.P.R. (3d) 190 (C.A.F.) [ci-après ACR 1994]) et que la définition donnée dans l’ALÉNA n’a pas été importée dans la Loi, il serait imprudent de s’en remettre à la définition de l’ALÉNA.

[18] Preston c. 20th Century Fox Canada Ltd. [1990] 33 C.P.R. (3d) 242 (C.F. 1re inst.); appel rejeté [1993] 53 C.P.R. (3d) 407 (C.A.F.).

[19] ACTC (C.A.) à la p. 153.

[20] CAPAC c. CTV, [1968] R.C.S. 676 [ci-après CTV 1968]; CTV 1993; ACTC (C.A.); ACR 1994.

[21] Pour la description de cette évolution, voir la décision de la Commission portant sur le tarif 17 de la SOCAN : Exécution publique de la musique (Re) [1994] Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur à la p. 380; SOCAN Statement of Royalties, 1990-1995 (Tariff 17) (Re) [1996] 70 C.P.R. (3d) 501 aux pages 505-506 (Cop. Bd.).

[22] CTV 1993; ACTC (C.A.).

[23] L.C. 1993, chap. 23, art. 1.

[24] Le paragraphe 3(4) de la Loi, L.C. 1993, chap. 44, art. 55(3), maintenant l’article 2.3 de la Loi.

[25] Fait à signaler, dans ACR 1994, la Cour a pris soin de ne pas traiter de la situation à partir du 1er septembre 1993 : voir à la p. 197.

[26] ACTC (C.A.) à la p. 155.

[27] ACR 1994, paragraphe 23, citant la décision de la Commission en révision.

[28] À l’époque, le droit d’exécuter, maintenant le droit de communiquer.

[29] R. c. McLaughlin, [1982] R.C.S. 331. Cet arrêt traite de l’interprétation du terme «installations de télécommunication» qui est employé à l’article 287.1 du Code criminel et qui, d’après ceux qui appuient le tarif 22, comporterait sensiblement la même idée.

Pour justifier la distinction entre «moyens» et «service», la SOCAN fonde aussi son interprétation du terme «service» sur l’affaire Bartholomew Green 1751 Association Inc. c. P.G. du Canada, [1978] 2 C.F. 391 (C.F. 1re inst.) et sur diverses définitions données dans la Loi sur les télécommunications, L.C. (1993), ch. 38, art. 23.

[30] Ce qui serait le cas, par exemple, si un ISP offrait un service de conception de pages Web dans le cadre duquel le concepteur offrirait un éventail d’œuvres musicales protégées à inclure dans une page Web.

[31] Cie générale des Établissements Michelin – Michelin & Cie c. T.U.A. – Canada [1996] 71 C.P.R. (3d) 348 (C.F. 1re inst.), à la p. 379.

[32] Bishop.

[33] Compo Co. c. Blue Crest Music, Inc., [1980] 1 R.C.S. 357 [ci-après Compo]; Bishop.

[34] Electric Despatch Co. of Toronto c. Bell Telephone Co. of Canada [1892] 20 R.C.S. 83.

[35] Tant le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur que le projet de directive européenne contiennent des dispositions dont l’effet est semblable à celui de l’alinéa 2.4(1)b). La législation américaine renferme maintenant des exigences détaillées auxquelles doivent satisfaire les ISP pour se prévaloir de l’exemption de responsabilité, encore que la jurisprudence antérieure ait contribué à faire en sorte que leur responsabilité ne soit pas engagée dans la plupart des cas. À ce jour, le législateur canadien n’a pas fait connaître son intention d’établir un tel régime détaillé sui generis.

[36] Le fait que diverses parties soient engagées dans la transmission n’empêche pas de conclure que chacune communique l’œuvre. Par exemple, si le propriétaire d’un site permet à une autre personne d’opérer un site miroir au nom de cette dernière personne dans le cadre d’une entente de duplication, tant le propriétaire du site original que la personne opérant le site miroir communiquent les œuvres hébergées dans le site original lorsqu’elles sont transmises à partir du site miroir.

[37] Voir, par ex., Compo à la p. 375.

[38] Règlement sur les entreprises de programmation (DORS/93-436) Gazette du Canada, Partie II, Vol. 127, Édition spéciale no 1, 31 août 1993.

[39] Voir H.G. Fox, The Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, (2d. ed.) 1967, Carswell, à la p. 334.

[40] L’arrêt de base au Canada sur cette question est l’arrêt Muzak Corp. c. Composers, Authors and Publishers Assoc. (Canada), [1953] 2 R.C.S. 182 [ci-après Muzak ], qui s’est fondé à cet égard sur Falcon c. Famous Players Film Co., [1926] 2 K.B. 474 [ci-après Falcon]. Voir également Underwriters’ Survey Bureau Ltd. c. Massie & Renwick Ltd., [1938] 2 D.L.R. 31, à la p. 46, cité dans de Tervagne c. Beloeil (Ville) (1re inst.), [1993] 3 C.F. 227, à la p. 237 h-i.

[41] Vigneux c. Canadian Performing Right Society [1945] 4 C.P.R. 65 (C.P.) [ci-après Vigneux].

[42] Vigneux, à la p. 77.

[43] CBS Inc. c. Ames Records & Tapes Ltd., [1981] 2 All E.R. 812 (Ch.) [ci-après CBS Inc.].

[44] CBS Songs Ltd. c. Amstrad Consumer Electronics TLC, [1988] 2 All E.R. 484 (H.L.) [ci-après CBS Songs].

[45] Voir ACTC (C.A.) aux pages 155e et 156a.

[46] Cette interprétation correspond également à l’article 8 du Traité de l’OMPI et au projet de directive européenne. Aucun de ces actes ne précise toutefois qui serait tenu responsable d’avoir autorisé la communication.

[47] Falcon.

[48] CBS Inc.; CBS Songs.

[49] de Tervagne.

[50] de Tervagne, à la p. 245g.

[51] Les arrêts CTV 1968 et CTV 1993 ne sont d’aucun secours à cet égard. Ils n’examinent pas l’autorisation comme une utilisation distincte au sens du paragraphe 3(1) de la Loi. Ils statuent simplement qu’une personne ne peut être tenue responsable d’avoir facilité une utilisation protégée déjà autorisée par le titulaire des droits sur l’œuvre.

[52] Muzak à la p. 189 (le juge Rand).

[53] Il se peut, bien sûr, qu’une communication en provenance du Canada qui est reçue ailleurs constitue une violation du droit relatif à la communication dans cet autre pays.

[54] À moins que l’antémémoire n’ait été créée à d’autres fins que celle d’améliorer la performance du système ou que les données mises en antémémoire aient été modifies ou trafiquées; dans ce cas, l’opérateur de l’antémémoire est solidairement responsable : voir III C) 3), supra.

[55] CAPAC c. International Good Music Inc., [163] R.C.S. 136.

Les difficultés éprouvées lorsqu’il s’agit de déterminer à quel endroit se produisent les activités protégées aux fins de l’application du droit d’auteur ne se limitent pas au Canada. En Europe, les communications sont généralement réputées se produire au point de transmission, même si certains tribunaux européens ont conclu que les communications se produisent dans le pays de destination, où les diffuseurs visent particulièrement un groupe cible dans ce deuxième pays.

Par contraste, le Traité de l’OMPI et le projet de directive européenne destiné à le mettre en application ne parlent pas de la question du lieu de l’acte d’autorisation.

[56] Voir, par exemple, CTV 1968.

[57] Voir, par exemple, le paragraphe 4.3 du Contrat d’adhésion et de cession des droits d’exécution. Ce contrat a été si souvent examiné devant la Commission qu’il fait partie des faits dont elle a connaissance d’office.

[58] ACR 1994.

[59] SOCAN Statement of Royalties, 1994-1997 (Re) [1996] 71 C.P.R. (3d) 196, aux pages 217-218 (Cop. Bd.).

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