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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2000-09-29

Référence

DOSSIER : Exécution publique d’enregistrements sonores 1998-2002

Régime

Exécution publique d’enregistrements sonores

Loi sur le droit d’auteur, article 68(3)

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Projet(s) de tarif examiné(s)

TARIF 1.C – RADIO DE LA SRC EN 1998, 1999, 2000, 2001 ET 2002

Tarif des redevances à percevoir par la scgdv pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de la prestation de telles œuvres

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

Les présents motifs traitent des projets de tarif 1.C (SRC – Radio) de la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV) et de la Société de gestion des droits des artistes-musiciens (SOGEDAM). Ces tarifs visent l’exécution publique ou la communication au public par télécommunication par la Société Radio-Canada (SRC) de prestations d’œuvres musicales et d’enregistrements sonores constitués de ces prestations pour les années 1998 à 2002. Le tarif 1.A, auquel les stations de radio commerciales sont assujetties, a été homologué le 13 août 1999. [1] Les autres tarifs déposés par la SCGDV et la SOGEDAM feront l’objet de décisions ultérieures.

L’affaire a nécessité trois conférences préparatoires. Les audiences et plaidoiries se sont étalées sur neuf jours, entre le 23 novembre 1999 et le 16 février 2000. La SOGEDAM n’a pas participé activement au processus.

II. LE CADRE LÉGISLATIF [2]

L’article 19 de la Loi accorde à l’artiste-interprète et au producteur le droit de percevoir une rémunération équitable, partagée par moitié entre eux, pour l’exécution publique ou la communication au public par télécommunication de l’enregistrement sonore publié. L’essentiel du répertoire américain ne fait pas partie du répertoire admissible, les États-Unis n’ayant pas adhéré à la convention internationale traitant des droits visés par le régime canadien.

À l’égard des enregistrements d’œuvres musicales, le droit à rémunération s’exerce par le truchement de sociétés de gestion, qui doivent déposer des projets de tarifs si elles entendent toucher leur part. La Commission établit le montant des redevances et leurs modalités. Le tarif homologué ne doit s’appliquer qu’aux enregistrements admissibles. Il ne doit pas désavantager sur le plan financier certains utilisateurs en raison d’exigences différentes concernant la langue et le contenu imposées par le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion. Enfin, le paiement des redevances doit se faire en un versement unique. [3]

Certaines conditions spéciales s’appliquent aux stations de radio. Les stations communautaires payent 100 $ par année. Les stations commerciales payent 100 $ sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles ne dépassant pas 1,25 million de dollars. Un tiers des redevances est payable en 1998, les deux tiers en 1999 et la totalité par la suite. [4]

III. LES QUESTIONS EN LITIGE

La Commission fait siennes l’analyse et les conclusions de la décision visant les stations commerciales portant sur (a) les principes directeurs applicables; (b) la notion de rémunération équitable; (c) la composition du répertoire admissible et dûment représenté (y compris les réserves exprimées quant à la validité des mesures prises par certaines sociétés de gestion pour acquérir la gestion du droit à rémunération); (d) les comparaisons avec les diffuseurs étrangers, publics ou privés; (e) les motifs pour lesquels il ne revient pas à la Commission d’établir la quote-part de la SOGEDAM.

La Commission reste aussi d’avis que la SCGDV devrait percevoir toutes les redevances, mais uniquement parce que son apport des droits de tous les producteurs permet d’en arriver à ce résultat. Il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de se pencher sur l’interprétation du critère exigeant que le paiement des redevances se fasse au moyen d’un versement unique.

Il reste donc, pour les fins des présents motifs, à débattre de la façon d’établir le montant des redevances que la SRC devrait verser.

IV. LA PREUVE

La preuve écrite et les témoignages ont porté avant tout sur les opérations de la SRC, les ressources dont elle dispose et ses perspectives d’avenir; la façon (fort différente) dont elle utilise le répertoire éligible; l’impact de l’encadrement réglementaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) sur ses opérations et son utilisation du répertoire; la valeur et l’utilité économique du répertoire de façon intrinsèque et par rapport aux stations commerciales; les façons d’établir le montant des redevances, y compris les diverses façons d’établir une comparaison entre la SRC et l’industrie de la radio commerciale; l’apport de la SRC au développement des artistes et de l’industrie canadienne du disque; et la situation générale des industries de la radio et du disque.

Les participants ont par ailleurs renvoyé la Commission à d’importantes parties de la preuve examinée dans la décision visant les stations commerciales. Cette façon de procéder a permis de réduire de façon significative la durée des audiences.

V. MOTIFS

A. La façon d’établir le montant des redevances

La SRC-Radio n’a pas de revenus publicitaires. Son mandat l’amène à opérer d’une façon qu’une entreprise commerciale ne pourrait justifier. De là le besoin, reconnu à maintes reprises, d’avoir recours à un prix de substitut.

Une alternative s’offre à la Commission. Les participants lui demandent d’utiliser comme point de départ les redevances que les stations commerciales versent à la SCGDV. Cette démarche se rapproche de la formule que la Commission avait utilisée en 1991 pour établir les redevances que la SRC verse à la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN). [5] Elle n’a rien de déraisonnable en soi.

Cela dit, la Commission préfère que les redevances que la SRC verse à la SCGDV soient fonction du montant des redevances qu’elle verse à la SOCAN, ajusté pour tenir compte de l’utilisation relative que la SRC fait des répertoires de ces deux sociétés de gestion. Cette façon de procéder comporte plusieurs avantages.

Premièrement, le montant que la SRC verse à la SOCAN est un prix librement négocié depuis 1992.

Deuxièmement, c’est précisément la façon dont la Commission a procédé dans la décision visant les stations commerciales. Les deux secteurs de l’industrie de la radio s’en trouvent traités de façon similaire.

Troisièmement, cela évite, comme l’a demandé la SRC par le passé, que ses redevances soient tributaires de celles versées par les stations commerciales. La SRC-Radio se dit différente. Elle n’a pas de revenus publicitaires. Elle offre non pas un format radiophonique, mais une programmation, des émissions. Les stations commerciales opèrent dans un marché sur lequel elle dit ne pas avoir d’influence et qui serait différent du sien. La démarche retenue établit les redevances de la SRC uniquement à partir de données de la SRC. Cette dernière est désormais en mesure, si elle le désire, de négocier les droits qu’elle verse pour ses intrants musicaux libre de toute contrainte réglementaire liée à l’industrie de la radio commerciale. On minimise du même coup les fluctuations que pourraient entraîner les décisions d’affaires des stations commerciales dans les redevances de la SRC.

Quatrièmement, cela permet, comme le demande la SRC, de fixer en numéraire le montant des redevances plutôt que d’avoir recours à une formule tarifaire. Cette dernière solution s’impose si l’on retient la formule proposée par les participants, à cause de l’inévitable fluctuation des données nécessaires à son application. [6] Par contre, les redevances que la SRC verse à la SOCAN n’ont pratiquement pas fluctué en dix ans; [7] on peut donc se permettre de fixer pour cinq ans ce que la SRC verse à la SCGDV si ce sont ces redevances qui servent à établir ce montant. [8]

Cinquièmement, cela évite d’avoir à décider s’il faut ou non prendre en compte le traitement de faveur dont jouit le premier 1,25 million de dollars de revenus publicitaires des stations commerciales. La SCGDV y voit un abattement consenti aux seules stations commerciales et dont il ne faut pas tenir compte. La SRC prétend qu’il faut prendre les stations commerciales comme elles se trouvent, avec tous les avantages et toutes les obligations découlant du régime mis sur pied par le législateur, s’il s’agit d’établir une comparaison entre les droits versés par la SRC et ce dont les stations commerciales sont redevables. Il s’agit là d’un débat quasi-insoluble, dans lequel il serait périlleux de s’engager à moins d’y être absolument tenu.

Sixièmement, le calcul des redevances s’en trouve simplifié. Les seules données nécessaires sont le montant des redevances versées à la SOCAN, l’utilisation faite des deux répertoires et, si on décide de procéder à une pondération, certaines données d’écoute. Ce sont des données que la SRC connaît (ou devrait connaître). Pas besoin de prédire les revenus des stations commerciales. Pas besoin d’inclure (ou d’escompter) l’effet du traitement de faveur dont elles bénéficient. Reste, certes, la question de la pondération des données pour tenir compte des variations dans le niveau d’utilisation des répertoires dans la programmation régionale et locale. Comme on le verra par la suite, il est toutefois possible d’éviter de s’engager dans ce débat, du moins pour l’instant.

Septièmement, les sociétés de gestion représentent dans une large mesure les mêmes ayants droit. Plus ces recoupements sont importants, plus on est en droit de se demander pourquoi on exigerait que l’utilisateur verse des redevances pour le bénéfice de ces ayants droit en fonction de formules différentes, voire incompatibles. S’agissant pour l’utilisateur d’un intrant unique dans la plupart des cas [9] , on en vient même à envisager l’intégration des formules tarifaires.

À ceci s’ajoutent certains des motifs exprimés dans la décision visant les stations commerciales. Le tarif de la SOCAN et celui de la SCGDV traitent d’un usage similaire dans un marché similaire. Il n’y a pas de raison de croire qu’à la radio les enregistrements sonores ont une valeur supérieure aux œuvres enregistrées. Il s’agit des mêmes utilisations, des mêmes enregistrements et des mêmes radiodiffuseurs. Sauf preuve contraire, une prestation pré-enregistrée n’apporte ni plus, ni moins au radiodiffuseur qu’une œuvre pré-enregistrée.

B. L’usage que la SRC fait du répertoire admissible d’enregistrements sonores

La cueillette et l’analyse des données d’utilisation du répertoire admissible pour une période témoin n’a pas semblé être marquée au coin de la collaboration et de la transparence. Il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour que les participants en arrivent à des résultats qui, s’ils demeurent différents, se rapprochent suffisamment pour que le choix d’une donnée plutôt que l’autre ne change rien, ou presque, au montant des redevances.

Peu avant la fin des audiences, les protagonistes ont appris l’existence de bandes censées reproduire toute la programmation des quatre principales stations de la SRC durant la période témoin. Elles ont donc demandé de faire procéder à une étude (l’étude Erin) visant à évaluer la validité des résultats obtenus précédemment de façon à apporter les correctifs nécessaires le cas échéant. Les bandes se sont avérées fort incomplètes; il a fallu se livrer à diverses opérations pour en dériver des résultats que les participants croient fiables. L’étude conclut que la SRC utilise entre 4 et 7 pour cent de plus d’œuvres musicales que les études initiales avaient établi.

La SRC demande qu’on utilise les données originales, telles qu’elle les a interprétées. La SCGDV procéderait à un «ajustement» qui, comme le constate la SRC, revient en fait à utiliser, là où elles sont disponibles, les données de l’étude Erin de préférence aux données originales. La Commission abonde dans le sens de la SRC. Les données de l’étude Erin ne devraient servir au calcul des redevances que s’il existe des différences importantes entre l’analyse originale et les résultats de la vérification. Compte tenu de l’incertitude entourant toute la preuve au dossier, une différence de l’ordre de 7 pour cent dans l’utilisation de la musique est suffisamment minime pour valider les résultats de l’étude originale quant à l’utilisation des enregistrements sonores. Cela est d’autant plus vrai si, comme on le constatera par ailleurs, la musique additionnelle recensée dans l’étude Erin est moins susceptible de faire partie du répertoire de la SCGDV que celle recensée dans l’étude originale.

On a longuement débattu l’opportunité de pondérer les données d’utilisation en fonction de la part d’écoute de chaque réseau, de la part d’écoute relative de la programmation régionale et de chaque réseau [10] ou encore, de la part d’écoute de chaque émission. Pour les motifs exposés plus loin, la Commission entend utiliser uniquement les données concernant les quatre stations principales du réseau; il y a donc lieu cette fois-ci de pondérer sur cette même base. À l’avenir toutefois, il faudra songer à se fonder sur un échantillon plus étendu, voire sur un recensement complet de l’utilisation des répertoires pertinents. Toute autre façon de procéder ignorerait les différences qui existent sans doute dans l’utilisation que les stations de taille plus modeste font des répertoires pertinents.

La SCGDV aurait ajusté les données à la hausse pour tenir compte de la possibilité que la SRC ne se soit pas conformée aux exigences de contenu canadien durant la période témoin. La Commission n’entend pas le faire. L’examen d’une seule semaine de programmation ne peut permettre de conclure que la SRC ne s’acquitte pas de ses obligations à cet égard. Les témoins de la SRC ont par ailleurs affirmé que si la SRC n’a pas mis en doute les conclusions du CRTC, ce n’est pas parce que celles-ci étaient nécessairement correctes. Qui plus est, comme le procureur de la SRC l’a démontré durant son argumentation orale, procéder à un tel ajustement aurait peu d’impact sur le résultat final. [11]

En application des principes énoncés ci-dessus, la SCGDV aurait établi à 20,74 pour cent la proportion du temps d’antenne durant laquelle la SRC diffuse le répertoire de la SCGDV. La SRC l’établit à 20,79 pour cent. La Commission entend utiliser, ici comme ailleurs, les données de la SRC.

C. L’usage que la SRC fait du répertoire de la SOCAN

Le 24 novembre 1999, la Commission portait à l’attention des participants l’entente établissant les redevances que la SRC-Radio verserait à la SOCAN en 2000 pour l’utilisation de son répertoire. [12] Par la même occasion, elle signalait la possibilité d’établir un rapport entre les redevances que perçoit la SOCAN et celles que la Commission était appelée à établir dans l’espèce et invitait les participants à commenter la question. Le 28 avril 2000, les participants s’étant tus jusque-là, la Commission leur demandait d’évaluer, à partir des données déjà versées au dossier, de l’étude Erin ou de toutes autres données pertinentes, l’utilisation probable du répertoire de la SOCAN par la SRC durant la période ayant servi à établir l’utilisation du répertoire de la SCGDV.

La SRC a d’abord soutenu que les dernières données disponibles étaient celles de 1990, visant les deux stations anglophones de Toronto et les deux stations francophones de Montréal et portant sur une semaine. [13] La SCGDV a tenté d’estimer cette utilisation à partir des données déjà disponibles au dossier. [14] Utilisant l’étude de 1990 comme point de départ, elle a extrait des données portant sur l’utilisation de musique en 1998 celles visant les stations ayant fait l’objet de l’étude de 1990. La SCGDV aurait ensuite pondéré les données selon la part d’écoute de chacun des réseaux, ce qui n’avait pas été fait en 1990.

La SRC soutient que la démarche de la SCGDV repose sur des fondations fragiles, entre autres à cause de la réorganisation des réseaux de la SRC depuis 1990 et des changements que cela a entraîné dans l’utilisation de musique. Elle demande à la Commission de ne pas s’y fier.

L’analyse de la SCGDV repose sur des présomptions que la Commission qualifierait de forcées dans toute autre circonstance. Cela dit, la Commission ne dispose de rien d’autre si elle entend procéder comme elle le désire. Elle opte donc pour agir comme on le fait lorsque vient le temps d’évaluer les dommages intérêts pour violation du droit d’auteur : «[traduction] le tribunal fait du mieux qu’il peut, même s’il doit se livrer à des conjectures pour déterminer le montant qu’il accorde.» [15]

Le choix des quatre stations ayant servi à l’étude de 1990 s’impose. En effet, la démarche que la Commission retient exige l’établissement d’un rapport entre l’utilisation des répertoires concernés, ce qui suppose de connaître la proportion des œuvres musicales utilisées faisant partie du domaine public. Les seuls chiffres disponibles à cet égard sont ceux de 1990. Il faut donc avoir recours à ces mêmes stations pour établir les données pertinentes en 1998.

Les données auraient ensuite été pondérées en fonction de l’écoute relative des stations retenues pour le calcul durant la période témoin, soit le printemps 1998. Point n’est besoin de s’étendre longuement sur ce sujet : comme on le verra plus loin, cela n’influence pas le résultat final.

En application des principes énoncés ci-dessus, la Commission aurait établi à 21,26 pour cent la proportion du temps d’antenne durant laquelle la SRC diffuse le répertoire de la SOCAN.

D. Le résultat final

N’eût été des difficultés particulières que soulève le présent dossier, la Commission aurait donc établi le montant des redevances payables par la SRC à la SCGDV à partir de la formule suivante :

Le montant de redevances ainsi calculé, qui se trouve à la ligne 15 du tableau I, aurait été de 1 179 765 $.

Cela dit, compte tenu de la nature des données disponibles, il aurait fallu ensuite procéder à certains rajustements. Le tableau I, et particulièrement la ligne 16, illustre l’effet potentiel de deux de ces rajustements; le montant de redevances ainsi calculé aurait plutôt été d’environ 970 000 $.

Ainsi, l’analyse de la SCGDV présume que la proportion d’œuvres musicales faisant partie du domaine public est la même aujourd’hui qu’en 1990. Compte tenu des changements radicaux dans le mandat et la programmation de chacun des réseaux, cela est peu probable. Les chaînes parlées utilisent beaucoup moins de musique qu’auparavant. [16] Compte tenu de la nature des changements intervenus, la proportion de musique protégée a probablement augmenté du même coup. En l’absence de toutes données à cet égard, la Commission aurait eu tendance à corriger les données de 1990; l’utilisation du rapport utilisé dans le dossier de la copie privée (95 pour cent de musique faisant partie du répertoire de la SOCAN) au lieu des 77,9 pour cent et 69,4 pour cent obtenus en 1990, se serait sans doute imposée. [17]

Deuxièmement, l’analyse de la SCGDV présume que la musique additionnelle identifiée dans l’étude Erin est tout aussi susceptible de faire partie de son répertoire que la musique recensée dans l’étude originale. Or, en toute probabilité, cette musique est plus susceptible de faire partie du répertoire de la SOCAN, et peu susceptible de faire partie du répertoire de la SCGDV. En effet, il semble s’agir avant tout de musique protégée mais non publiée. [18] L’étude originale avait même omis de traiter d’une certaine quantité de musique exécutée devant public. [19] En l’absence de toutes données à cet égard, la Commission aurait sans doute procédé en attribuant pratiquement toute la musique détectée par l’étude Erin à la SOCAN et non à la SCGDV.

Cela dit, il n’est pas nécessaire de procéder à ces rajustements, puisque le tarif homologué est inférieur au montant obtenu en y procédant. En effet, la Commission entend établir les redevances à un montant fixe pour la durée du tarif. La SCGDV n’a pas proposé de tel montant. Pour les fins de la présente affaire, et compte tenu encore une fois de l’incertitude entourant toute la preuve versée au dossier, il serait inéquitable d’établir les redevances à davantage que le montant le plus élevé porté au tableau 8 du plan d’argumentation de la SRC. Le montant des redevances est donc établi à 960 000 $ par an.

E. Autres réductions

i. L’alinéa 68(2)(a)(ii) de la Loi

L’alinéa 68(2)(a)(ii ) de la Loi stipule que le tarif ne peut avoir «pour effet, en raison d’exigences différentes concernant la langue et le contenu imposées par le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion établi à l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, de désavantager sur le plan financier certains utilisateurs assujettis à cette loi». Il est possible que les exigences de contenu auxquelles la SRC est assujettie l’amène à utiliser le répertoire admissible davantage qu’elle le ferait en l’absence de telles exigences. La Commission refuse néanmoins de réduire pour ce motif le montant des redevances.

Premièrement, les subsides que la SRC reçoit tiennent compte des exigences de contenu qui lui incombent. Les sommes que la SRC investit par unité d’écoute dépassent largement ce que les stations commerciales peuvent se permettre. [20] Le correctif au désavantage découlant des exigences de contenu, pour autant qu’il existe, est donc déjà fourni.

Deuxièmement, comme on l’a souligné dans la décision visant les stations commerciales, la Loi n’exige pas qu’on écarte l’impact du contexte réglementaire sur le niveau d’utilisation. Elle exige plutôt que certains utilisateurs ne soient pas désavantagés par rapport à d’autres à cause des exigences de la politique canadienne en matière de radiodiffusion. Les titulaires de droits n’ont pas à subventionner les utilisateurs au motif que ces derniers doivent se conformer à certaines exigences de nature réglementaire.

Qui plus est, la SRC se dit différente. C’est de façon incidente que la SRC et les stations commerciales opèrent dans le même marché : au dire même de la SRC, la première fournit de la programmation à un auditoire alors que l’autre fournit un format à un auditoire, pour ensuite vendre un auditoire à des publicitaires. [21] Comment alors la SRC pourrait-elle être désavantagée par rapport à des utilisateurs qu’elle dit opérer dans un marché différent du sien?

Troisièmement, l’objet des politiques du CRTC n’est pas le même que celui du droit d’auteur. Le second vise la rémunération pour l’utilisation de tous les enregistrements admissibles; les premières répondent aux objets de la Loi sur la radiodiffusion et visent avant tout la création d’œuvres et d’enregistrements canadiens. Réduire la rémunération des titulaires de droits en raison de celles-ci serait à la fois inopportun et injuste.

ii. Les autres moyens mis de l’avant pour une réduction

La SRC demande qu’on tienne compte des bénéfices que son activité procure aux titulaires de droits. La Commission continue de rejeter ce motif comme justifiant une réduction, d’autant plus que la SRC reçoit d’importantes sommes précisément au titre des bénéfices qu’elle doit apporter à l’industrie.

Quant à la prétention que la SRC utilise des portions du répertoire admissible qui ont une valeur économique moindre, la Commission la rejette au motif que, toutes choses étant égales, toutes les parties du répertoire ont la même valeur. L’argument est d’autant plus spécieux que si les portions de répertoire que la SRC utilise sont moins prisées par les stations commerciales, cela ne nous dit rien de ce que ces portions valent pour la SRC, qui se doit précisément de faire le contrepoids aux stations commerciales.

Quant à l’argument portant sur les contraintes financières auxquelles la SRC doit faire face, il en est traité suffisamment dans les paragraphes qui suivent.

iii. La capacité de payer de la SRC

Pour la durée du tarif et sous réserve des abattements dont elle bénéficie en vertu de la Loi, la SRC versera des redevances représentant environ 0,4 pour cent des dépenses d’exploitation du réseau, qui s’élèvent à plus de 250 millions de dollars. Même en tenant compte du traitement de faveur dont jouit le premier 1,25 million de dollars de revenus publicitaires des stations commerciales, le pourcentage de leurs recettes que ces dernières versent équivaut à près du double de ce que la SRC paie.

Par ailleurs, comme les subsides de la SRC proviennent du même Parlement qui lui a imposé l’obligation de payer des redevances en 1997, il faut présumer que ce dernier est convaincu que la SRC a les moyens de les payer.

VI. LA STRUCTURE TARIFAIRE

Les brefs commentaires qui suivent permettront de mieux comprendre le libellé du tarif.

Premièrement, comme personne ne soulève de questions sur ce point, le tarif est établi pour une période de cinq ans.

Deuxièmement, l’alinéa 68.1(1)( c) de la Loi prévoit l’application progressive des redevances fixées par la Commission à l’égard des systèmes de transmission publics. Or, la SRC-Radio est un tel système sans qu’il soit nécessaire que le gouvernement exerce son pouvoir de définir l’expression. [22] Par conséquent, la SRC est tenue de verser uniquement le tiers des redevances en 1998, les deux tiers en 1999 et la totalité par la suite et ce, par dérogation au tarif que la Commission homologue. Il est donc utile d’inclure dans le tarif une référence à la disposition pertinente.

Troisièmement, comme c’est le cas pour la SOCAN, les versements seront effectués à tous les mois.

Quatrièmement, le tarif reprend pour l’essentiel les dispositions de l’entente régissant les rapports entre la SRC et la SOCAN. Ainsi, compte tenu de la formule tarifaire retenue, point n’est besoin de prévoir de dispositions visant la vérification des données.

Quant aux obligations de rapport, la SRC sera tenue de remettre à la SCGDV les données que reçoit la SOCAN. La Commission n’entend pas imposer d’autres obligations de rapport, sous réserve de ce qu’on dira en conclusion. Encore une fois, la Commission s’attend fortement à ce que la SCGDV collabore avec la SOCAN afin de faciliter la tâche de la SRC.

A. Intérêts sur paiements tardifs

Tout montant non payé à son échéance portera intérêt calculé quotidiennement au taux d’escompte en vigueur le dernier jour du mois précédent (tel qu’il est publié par la Banque du Canada), plus un pour cent. L’intérêt n’est pas composé.

B. Dispositions transitoires

Le présent tarif comporte des dispositions transitoires qui sont nécessaires parce qu’il prend effet le 1er janvier 1998 et ce, même s’il a été homologué beaucoup plus tard. Un tableau fournit les facteurs d’intérêts qui seront appliqués aux sommes dues pour les usages du répertoire effectués durant un mois donné. Les facteurs de multiplication ont été établis en utilisant le taux d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois précédent pour la période allant de janvier 1998 à août 2000 tel qu’il a été publié par la Banque du Canada (les taux pour les mois de septembre et octobre 2000 ont été établis en fonction du taux de la Banque du Canada actuellement en vigueur). La Commission estime que cette affaire ne nécessite pas l’imposition d’une pénalité en sus du facteur d’intérêt pour les paiements rétroactifs puisque la SRC n’était pas en mesure d’estimer le montant éventuel du tarif homologué par la Commission. L’intérêt n’est pas composé. Le montant dû pour un mois donné est le montant des redevances établi conformément au tarif, multiplié par le facteur fourni pour le mois en question.

VII. CONCLUSION

Pour conclure, la Commission se permet certaines réflexions sur le déroulement de l’instance, l’importance des ressources en temps et en argent que la Commission et les participants ont dû consacrer à la présente affaire, et les moyens de faire en sorte qu’ils soient réduits à l’avenir.

Il ressort clairement des débats entourant la présente affaire que personne ne dispose d’une base de données recensant l’usage que la SRC fait des œuvres musicales et enregistrements sonores dans sa programmation nationale, régionale et locale. [23] La Commission n’est pas en mesure de juger si la mise en place d’un tel outil de travail est économiquement viable ou techniquement faisable. [24] Il est néanmoins permis de croire que l’établissement d’un tel outil simplifierait considérablement certains aspects de la gestion collective, et pourrait trouver une viabilité économique si l’information, plutôt que de rester entre les mains d’un seul, devait être établie en collaboration avec la SOCAN, la SCGDV et autres sociétés intéressées. De fait, l’apport économique représenté par la fourniture de telles données aux sociétés de gestion pourrait fort bien être reconnu sous la forme d’un abattement de redevances. La mesure permettrait non seulement d’établir un modèle de distribution équitable, mais camperait clairement la SRC à titre de chef de file dans la coopération entre utilisateurs et titulaires de droits. Enfin, elle pourrait simplifier considérablement le travail de la Commission, d’autres organismes de réglementation, des participants aux audiences devant la Commission et de la Société elle-même lorsque vient le temps de reprendre les nombreux processus réglementaires dans lesquels la Société est impliquée.

Point n’est besoin d’ajouter qu’une telle base de données aurait raccourci les présents débats et les aurait rendus moins acrimonieux. Il est permis de croire que si les ressources qui ont dû être consacrées à la présente affaire dépassent, et de beaucoup, le montant des redevances établi par la Commission, c’est dû en majeure partie à l’absence d’un recensement fiable de l’utilisation du répertoire.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau


TABLE I

Analyse de l’utilisation du répertoire de la SOCAN par la SRC et calculs alternatifs

Lignes 1 et 2 : pièce NRCC-XXII, tableau 1. Ligne 4 : pièce NRCC-XXII, tableau 3

Ligne 6 : pièce CBC-41, tableau 2

Ligne 11 : pièce NRCC-XXV, page 5 (tableau du bas, dernière ligne)

Ligne 13 : pièce CBC-40, tableau 2, dernière ligne

JR = journée de radiodiffusion

 

CBL Radio 1

CBL-FM Radio 2

CBF Première chaîne

CBF-FM Chaîne culturelle

Total

DONNÉES DE LA SCGDV (en fonction des parts d’auditoire de la SRC)

1. Musique protégée (1990, % JR)

25.4

38.4

27.7

24.3

 

2. Musique totale (1990, % JR)

32.6

72.7

39.9

72.8

 

3. Musique protégée / Musique totale (1990, en %) [1/2]

77.90

52.80

69.40

33.40

 

 

4. Musique totale (1998, % JR)

21.45

70.85

24.08

61.22

 

5. Musique protégée (1998, % JR) [3*4]

16.70

37.40

16.70

20.40

 

 

 

 

 

 

 

6. Part d’auditoire (printemps 98, en %)

59.18

21.06

14.90

4.86

 

7. Utilisation pondérée de musique protégée (toutes les stations, 1998, % JR) [5*6]

9.89

7.88

2.49

0.99

21.26

 

CALCUL DES REDEVANCES COMPENSATOIRES

8. Musique protégée / Musique totale (1998, en %) [ligne 3 pour Radio 2 et Chaîne culturelle; décision de la Commission pour Radio 1 et Première chaîne]

95

52.8

95

33.4

 

 

9. Musique protégée (1998, % JR) [8*4]

20.4

37.4

22.9

20.4

 

10. Utilisation pondérée de musique protégée (toutes les stations, 1998, % JR) [9*6]

12.06

7.88

3.41

0.99

24.34

 

11. Ajustement des premiers résultats en fonction de l’étude Erin [36,25 / 34,09]

1.063

12. Utilisation imputée de musique protégée (toutes les stations, 1998, % JR)[total ligne 10 × ligne 11]

25.88

 

13. Utilisation du répertoire de la SCGDV par la SRC (toutes les stations, 1998, % JR)

20.79

14. Redevances radio de la SRC à la SOCAN pour l’an 2000

1,206,436 $

 

15. Redevances radio de la SRC à la SCGDV, selon la SCGDV [(ligne 13 × ligne 14) ÷ ligne 7]

1,179,765 $

16. Redevances radio de la SRC à la SCGDV, selon la Commission [(ligne 13 × ligne14) ÷ ligne 12]

969,157 $

17. Redevances radio de la SRC à la SCGDV, selon la SRC [CBC-37, tableau 8, case E-10]

960,140 $

18. Redevances radio de la SRC (1999), tel qu’il a été décidé par la Commission

960,000 $

 



[1] Voir Tarif des redevances à percevoir par la SCGDV pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de la prestation de telles œuvres en 1998 à 2002 pour le tarif 1.A (Radio commerciale) http://www.cda-cb.gc.ca/decisions/m13081999-b.pdf; (1999) 3 C.P.R. (4è) 350 (décision visant les stations de radio commerciales).

[2] Le cadre législatif du régime dit des droits voisins est décrit en détail dans la décision visant les stations de radio commerciales.

[3] Articles 19, 20, 67.1 et 68 de la Loi.

[4] Article 68.1 de la Loi.

[5] Tarif des droits à percevoir pour l’exécution publique au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1991, Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 1990-1994, pages 283, 309-312.

[6] La croissance rapide des revenus des stations commerciales aurait autrement entraîné une déconnexion progressive entre un montant fixe de redevances pour la SRC et les redevances que versent les stations commerciales, déconnexion qui aurait crû de façon exponentielle si on avait tenu compte du traitement de faveur dont jouissent ces dernières.

[7] Elles ont augmenté de moins de huit pour cent en neuf ans, passant de 1 117 323 $ en 1991 à 1 206 436 $ en 2000.

[8] Toute fluctuation inopinée des redevances versées à la SOCAN pourrait évidemment constituer une évolution importante des circonstances donnant lieu à la réouverture du tarif.

[9] On ne peut communiquer l’enregistrement sonore sans communiquer en même temps l’œuvre et les prestations sous-jacentes.

[10] Il s’agissait en fait d’une pondération par station, attribuant à chaque station de l’échantillon l’écoute totale obtenue par toutes les stations de la SRC dans la région.

[11] Transcriptions, page 1181.

[12] Transcriptions, pages 245-247.

[13] Pièce NRCC-II, annexe A.

[14] Pièce NRCC-XXII.

[15] Harold G. FOX, The Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 2e édition, Carswell, Toronto, 1967, p. 464, tel que cité dans U & R Tax Services Ltd. c. H & R Block Canada Inc. (1995), 62 C.P.R. (3e) 257 (C.F. prem. inst.). Voir aussi Slumber-Magic Adjustable Bed Co. c. Sleep-King Adjustable Bed Co. (1984), 3 C.P.R. (3e) 81 (C.S.C.-B.); Jacques c. La Nouvelle de Sherbrooke (11 février 1991) J.E. 91-619 (C.S.).

[16] Pièce NRCC-XXIII, page 2.

[17] Le fait de procéder à un tel ajustement n’aurait pas nécessité un ajustement similaire du répertoire de la SCGDV puisque l’analyse des titres déjà effectuée portait sur l’éligibilité des enregistrements, pas de la musique.

L’analyse aurait pu être poussée plus loin, pour tenter d’identifier les motifs faisant en sorte qu’en 1990, la radio FM française utilisait beaucoup moins le répertoire de la SOCAN que sa contrepartie anglaise.

[18] Pièce NRCC-XXV, page 3. On parle de musique thème (The House, Cross Country Checkup) ou de musique exécutée devant un public en salle (On Stage at the Gould, Madly Off in All Directions). La dernière émission est particulièrement intéressante, puisque la seule musique utilisée est le thème de l’émission et de la musique récente exécutée devant un public en salle; par conséquent, toute cette musique se retrouve probablement dans le répertoire de la SOCAN, mais rien n’est utilisé qui fasse partie du répertoire de la SCGDV.

[19] Pièce CBC-41, paragraphe 9.

[20] Les titulaires de droit ne demandent d’ailleurs pas de prime au titre des sommes que la SRC investit et qui dépassent la valeur économique de sa programmation.

[21] La situation pourrait changer si la SRC devait à l’avenir dépendre pour une large part sur des revenus publicitaires.

[22] Tarif des droits à percevoir par la SOCAN pour l’exécution ou la communication par télécommunication au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales pour le tarif 17 pour les années 1990 à 1995 (1996), http://www.cda-cb.gc.ca/decisions/m19041996-b.pdf; p. 40.

[23] Si l’on se fonde sur le texte des décisions antérieures de la Commission, il y a lieu de croire que la SOCAN dispose des données les plus complètes à cet égard : Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 1990-1994, page 288.

[24] Il semble en effet que les stations australiennes préparent et fournissent aux sociétés de gestion de tels recensements sous forme électronique depuis déjà quelques années.

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