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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1999-12-17

Référence

DOSSIER : Copie privée 1999-2000

Régime

Copie pour usage privé

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 83(8)

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Tarif des redevances à percevoir par la scpcp, en 1999 et 2000, pour la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie pour usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent

Motifs de la décision

TABLE DES MATIÈRES

I. REMARQUES INTRODUCTIVES - 1 -

A. Le cadre législatif - 1 -

B. Le processus ayant mené aux audiences - 2 -

C. Les prétentions des participants - 4 -

D. La nature de la preuve présentée - 5 -

II. QUESTIONS DE DROIT PRÉLIMINAIRES - 6 -

A. La Commission peut-elle trancher les questions d’ordre constitutionnel et les questions relatives à la Charte? - 6 -

B. La Partie VIII constitue-t-elle du droit d’auteur au sens de la constitution canadienne? - 7 -

C. La redevance pour la copie privée est-elle une taxe? - 9 -

D. La partie VIII de la Loi viole-t-elle l’alinéa 2a) ou le paragraphe 15(1) de la Charte? - 12 -

III. INTERPRÉTATION LÉGISLATIVE ET QUESTIONS MIXTES DE DROIT ET DE FAIT - 14 -

A. La capacité de la SCPCP de revendiquer une redevance à l’égard de tout le répertoire admissible - 14 -

B. L’importance du répertoire admissible servant à la copie privée - 17 -

C. Qu’entend-on par «habituellement utilisé par les consommateurs» - 19 -

IV. ANALYSE DE LA PREUVE ÉCONOMIQUE - 21 -

A. L’industrie des supports audio vierges - 22 -

B. L’impact économique de la redevance - 25 -

C. L’impact des activités du marché gris - 26 -

V. LE MONTANT DE LA REDEVANCE - 28 -

A. La structure du tarif - 28 -

B. Le modèle d’évaluation - 28 -

C. Calcul du montant - 29 -

VI. AUTRES QUESTIONS - 36 -

A. Désignation de l’organisme de perception - 36 -

B. Répartition de la redevance entre les sociétés de gestion - 36 -

C. Libellé du tarif - 36 -

D. Le système d’exonération de la redevance - 38 -


I. REMARQUES INTRODUCTIVES

A. Le cadre législatif

Le 19 mars 1998, la partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur [1] [la «Loi»] est entrée en vigueur. [2] Jusque-là, la reproduction d’un enregistrement sonore constituait dans presque tous les cas une violation du droit d’auteur. [3] En pratique, cette interdiction était pour ainsi dire inapplicable. La partie VIII vient légaliser l’une de ces activités : la copie d’enregistrements sonores d’œuvres musicales sur un support audio pour l’usage privé de la personne qui fait la copie [la «copie pour usage privé» ou encore, tout simplement, «copie privée»]. Du même coup, une redevance est exigée sur les supports audio vierges, laquelle vise à rémunérer les auteurs, artistes-interprètes et producteurs titulaires d’un droit d’auteur sur ces enregistrements sonores.

La structure de la partie VIII fait ressortir de façon éloquente l’objet du régime.

L’article 79 présente le contexte en énonçant des définitions qui aident à préciser les personnes bénéficiant de la redevance et celles qui sont tenues de la payer.

L’article 80 légalise la copie privée sur les supports audio. [4]

L’article 81 crée le droit à une rémunération à l’égard des activités de reproduction énoncées à l’article 80. Il indique également qui y a droit : les auteurs d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur au Canada (ce qui signifie, à toutes fins utiles, les auteurs du monde entier) ainsi que les artistes-interprètes et les producteurs qui sont des citoyens ou des résidents du Canada ou d’un pays mentionné dans une déclaration ministérielle faite en application de l’article 85. [5]

L’article 82 indique comment, à quel moment, à qui et à quelles fins la rémunération doit être versée. Cette rémunération prend la forme d’une redevance. Les fabricants et importateurs de supports audio vierges habituellement utilisés par les consommateurs pour copier des enregistrements sonores paient la redevance lorsqu’ils vendent ou aliènent ces supports au Canada. Le paiement est versé au profit des titulaires admissibles à un seul organisme de perception désigné par la Commission.

L’article 83 précise les modalités de fixation de la redevance. Les sociétés de gestion doivent déposer un projet de tarif au nom de leurs membres, faute de quoi elles perdent le droit à rémunération. [6] Toute personne peut s’opposer à un projet de tarif. Après avoir entendu les sociétés de gestion et les opposants, la Commission fixe un tarif juste et équitable et désigne l’organisme de perception. L’article 83 permet également aux titulaires de droits qui ne sont pas représentés par une société de gestion de réclamer une part de la redevance.

Les articles 84 à 88 portent sur différents aspects accessoires du régime. Ils prévoient que la redevance doit être répartie entre les sociétés de gestion selon la proportion fixée par la Commission et indiquent comment le ministre peut modifier, par ajout ou retrait, le répertoire admissible des artistes-interprètes et producteurs. Ils prévoient une exemption à l’égard de toute entité représentant des personnes ayant une déficience perceptuelle et énoncent les pouvoirs de réglementation du Cabinet. Enfin, ils définissent les recours de l’organisme de perception en cas de non-paiement de la redevance.

B. Le processus ayant mené aux audiences

Le 31 mars 1998, conformément au paragraphe 83(1) de la Loi, l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA), la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV), la Société de gestion des droits des artistes-musiciens (SOGEDAM), la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) déposent auprès de la Commission des projets de tarif au nom des titulaires éligibles au droit à rémunération prévu au paragraphe 81(1) de la Loi. Comme l’exige l’article 53 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, les tarifs proposés visent les années 1999 et 2000. Ils sont publiés dans la Gazette du Canada le 13 juin 1998. La Commission donne avis que quiconque désirant s’opposer aux projets de tarifs doit le faire dans les 60 jours de la publication.

La réaction du public est très vive. La Commission reçoit environ 3 000 oppositions et lettres de commentaires. Les plaignants sont non seulement des fabricants et importateurs de supports audio, mais aussi différentes personnes utilisant ces supports pour des fins autres que la copie privée, notamment des églises, des maisons de production d’enregistrements, des artistes, des producteurs de bandes à caractère motivationnel et éducatif, des fabricants de logiciels, des écoles, des stations radio et des personnes souffrant de handicaps. Tous les aspects du régime sont contestés, depuis les montants demandés jusqu’à son existence même. La plupart des plaignants s’opposent à ce que les supports audio qui ne sont pas utilisés pour faire de la copie privée soient assujettis à la redevance. Les lettres de commentaires continuent à affluer jusqu’à la toute fin des audiences.

Bon nombre de ceux qui ont déposé des oppositions n’avaient pas l’intention d’aller plus loin. Au cours des mois qui ont suivi, les participants ont été informés de leurs droits et obligations. Par suite de ces communications, de différents regroupements et d’autres facteurs, le nombre de participants est passé à environ 60 pour atteindre neuf au début des audiences :

  • la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP), agissant au nom des sociétés ayant déposé des projets de tarif;
  • la Canadian Storage Media Alliance (CSMA), représentant les grands importateurs de supports audio vierges (Fuji Photo Film Canada Inc., Sony du Canada Ltée, Maxell Canada, Memtek Canada Ltée [Memorex], AVS Technologies Inc. [TDK] et Kodak Canada Inc.);
  • la Independent Canadian Recording Media Coalition, coalition de petits fournisseurs de supports audio vierges (Precision Sound Corporation, Summit Media Ltd. et Western Imperial Magnetics Inc.), ainsi que la Evangelical Fellowship of Canada, la Camrose Church of God, la Grande Prairie Alliance Church, la First Church of the Nazarene, la United Church of God et MM. Ken Dahl, Al Schmalz et Greg Watrich (personnes et églises s’opposant à l’application de la redevance aux supports que les églises utilisent pour l’exercice de leur ministère) [collectivement «ICRMC»];
  • la First Evangelical Lutheran Church;
  • Bluebird Events et Studio A-Mirador, deux producteurs indépendants d’enregistrements sonores;
  • le procureur général de la province de la Colombie-Britannique, représentant la direction des services judiciaires de cette province;
  • M. L. Graham Newton, ingénieur spécialisé en enregistrement sonore et en matriçage;
  • M. Wes Klause qui, notamment, produit des catalogues sur CD.

Vers la fin des procédures, la Commission a appris que le Conseil des Canadiens avec déficiences avait été empêché par erreur de participer au débat. À la demande de la Commission, des représentants de cet organisme ont exprimé leurs opinions en personne devant elle le 21 septembre 1999, avant le début des plaidoiries orales.

Le texte qui suit est l’énoncé des motifs de la décision à laquelle la Commission en est arrivée dans la présente affaire. La Commission a dû tenir deux conférences préparatoires et rendre un nombre sans précédent de décisions préliminaires, dont une concernant l’alinéa 16(1)c) de la Loi sur les langues officielles. De plus, une requête a été déposée devant la Cour d’appel fédérale. Cette requête, qui visait à empêcher la Commission d’entendre l’affaire, a été rejetée le 12 août 1999. [7] Les audiences de la Commission se sont étalées sur une période de treize jours allant du 24 août au 10 septembre 1999. Quant aux plaidoiries, elles ont duré quatre jours et se sont terminées le 24 septembre 1999.

C. Les prétentions des participants

La SCPCP soutient que le régime de copie privée est valide sur le plan constitutionnel, que les projets de tarifs ont été déposés valablement et qu’elle a le droit de réclamer une redevance à l’égard de tout le répertoire admissible, y compris le répertoire étranger susceptible de faire l’objet d’une déclaration ministérielle. En plus de faire valoir que la Commission n’a pas le droit d’accorder des exemptions, la SCPCP propose une définition très large du support audio et de la notion d’utilisation habituelle. Elle demande que la redevance soit fixée, pour chaque période de 15 minutes de temps d’enregistrement disponible, à 20 ¢ pour les supports analogiques, 39 ¢ pour les minidisques (MiniDisc), les bandes audionumériques (DAT), les CD-R audio et les CD-RW audio et 9 ¢ pour les CD-R et les CD-RW.

La CSMA ne prend pas position au sujet des questions constitutionnelles. Elle soutient qu’une bonne partie du répertoire admissible échappe à la compétence de la Commission et qu’il n’y a donc pas lieu d’en tenir compte pour fixer le montant de la redevance. Selon la CSMA, les maisons de disque ne sont pas des producteurs d’enregistrements sonores au sens de la Loi. Elle interprète les notions de support audio et d’utilisation habituelle de façon beaucoup plus restrictive; ainsi, elle allègue que seuls les types de supports les plus souvent utilisés pour la copie privée sont assujettis à la redevance, de sorte que tous les supports autres que les cassettes audio ne seraient pas visés par le régime. Enfin, elle demande que la redevance corresponde à un pourcentage du prix de gros ne dépassant pas 3 pour cent dans le cas des cassettes audio et 1 pour cent dans le cas des CD enregistrables.

Pour sa part, l’ICRMC soutient que les dispositions de la partie VIII de la Loi ne sont pas des dispositions sur le droit d’auteur, qu’elles vont à l’encontre des articles 2 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte] [8] et qu’elles pourraient constituer des dispositions fiscales invalides. Elle demande également que le fardeau d’établir tous les faits de l’affaire revienne à la SCPCP.

Le procureur général de la Colombie-Britannique allègue que les supports vendus aux institutions ne sont pas assujettis à la redevance ou, subsidiairement, que celle-ci constitue une taxe qui ne peut être perçue d’une province.

La First Evangelical Lutheran Church s’oppose à ce que la redevance s’applique à elle pour plusieurs motifs, notamment parce qu’elle n’est pas un consommateur, qu’elle ne fait pas de copie privée et qu’elle est déjà titulaire d’une licence de reproduction.

Bluebird Events et Studio A-Mirador demandent que ceux qui utilisent des supports audio pour concevoir ou distribuer leurs propres objets du droit d’auteur ne soient pas tenus de payer la redevance. Studio A-Mirador ajoute que les cassettes produites sur mesure ne peuvent être des «supports audio vierges».

M. Graham Newton s’oppose à l’existence d’un régime régissant la copie privée et allègue que, à tout le moins, seuls les supports effectivement utilisés à cette fin devraient être assujettis à la redevance. Subsidiairement, il demande qu’un système d’exemption simple, semblable à celui des numéros d’exemption de taxe, existe au profit de ceux qui se servent des supports à des fins autres que la copie privée.

Selon M. Wes Klause, l’application de la redevance aux CD enregistrables utilisés à des fins autres que la copie privée entraînerait une hausse des coûts qui aurait pour effet de ralentir les progrès technologiques.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences demande que les personnes se servant des cassettes audio pour surmonter les obstacles liés à l’environnement ne soient pas assujetties à la redevance ou, subsidiairement, qu’aucune redevance ne soit exigée à l’égard des cassettes dont le niveau de fidélité varie de faible à moyen.

Conformément à la directive concernant la procédure applicable en l’espèce, la Commission a également reçu des observations écrites de l’Association canadienne des radiodiffuseurs, de l’Association canadienne des commissions/ conseils scolaires et de M. Glenn Sanderse, président de Compact Data Inc.

D. La nature de la preuve présentée

Au cours des audiences, la Commission a entendu les témoignages de représentants des sociétés de gestion et de petits et grands fabricants, grossistes, importateurs, distributeurs et détaillants de différents types de supports audio et matériel d’enregistrement du Canada et des États-Unis ainsi que de représentants d’entreprises spécialisées dans les technologies de l’information et les nouveaux médias, de radiodiffuseurs, de commissions scolaires et de personnes utilisant des supports audio pour enregistrer la parole, des données, des images, l’expression artistique, des cartes et des études géologiques, de même que les représentants d’exploitants de services de copie. Elle a également entendu le témoignage de différents experts canadiens, américains et européens, notamment des économistes et des spécialistes en sondages, ainsi que des représentants de l’industrie internationale des supports audio.

Les éléments de preuve verbale et écrite ont porté sur l’évolution de la technologie de l’enregistrement sonore, les différents types de matériel d’enregistrement disponibles, leur fonctionnement et la qualité des résultats obtenus lors de la copie d’œuvres musicales; l’origine du régime de copie privée; la structure et les recettes de l’industrie de la musique; les répercussions de l’enregistrement à domicile sur les titulaires de droits et sur l’industrie de l’enregistrement; la structure, les recettes et les profits de l’industrie des supports audio; la commercialisation des supports audio et du matériel d’enregistrement, notamment quant aux utilisations dont ils peuvent faire l’objet; les prix et la disponibilité des supports audio et du matériel d’enregistrement dans les magasins, par la poste, par commande téléphonique et sur Internet, au Canada et aux États-Unis; les personnes qui achètent des supports audio; les façons dont on les utilise; les répercussions probables de la redevance sur les fabricants, les détaillants et les consommateurs; les répercussions de mesures similaires adoptées ailleurs, la perception publique du régime et les réactions suscitées par sa mise en œuvre; les mesures pouvant empêcher la duplication et les techniques connexes; les inefficacités et distorsions dans le marché et les importations parallèles pouvant découler de l’application de la redevance; l’organisation des sociétés de gestion des droits de copie privée et la façon dont elles ont procédé pour obtenir leur répertoire; l’accès à la musique sur Internet; les répercussions des règles relatives au contenu canadien en ce qui a trait à l’utilisation de la musique à la radio.

Les éléments de preuve présentés comprenaient des observations formulées aux comités parlementaires au sujet de l’adoption du projet de loi C-32, des déclarations ministérielles, des échantillons de produits, des documents publicitaires, des sondages et des rapports d’experts ainsi que des textes de loi américains, européens et autres portant, notamment, sur les mesures de protection à l’encontre de la duplication et l’enregistrement à domicile.

II. QUESTIONS DE DROIT PRÉLIMINAIRES

Les opposants soulèvent plusieurs questions d’ordre constitutionnel. Certains font aussi valoir que le régime de copie privée viole la Charte. Avant de répondre à ces questions, la Commission doit décider si elle a compétence pour les examiner.

A. La Commission peut-elle trancher les questions d’ordre constitutionnel et les questions relatives à la Charte?

Tout organisme, même celui qui exerce des fonctions purement administratives, est autorisé à interpréter et à appliquer sa loi habilitante. En fait, toute instance décisionnelle peut traiter de partage des compétences, et tous les pouvoirs discrétionnaires doivent être exercés d’une façon compatible avec la Charte. [9] Cependant, seule l’instance décisionnelle habilitée à trancher des questions de droit générales peut se pencher sur la Charte, et ce, uniquement dans les cas où elle a compétence sur les parties, sur l’objet du litige ainsi que sur la réparation demandée. [10]

Le pouvoir d’examiner des questions de droit générales peut être exprès ou implicite. [11] La Loi n’accorde pas à la Commission le pouvoir exprès de trancher des questions de droit. La Cour d’appel fédérale a statué que la Commission peut examiner les questions de droit et de compétence à titre de pouvoir accessoire aux pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante, [12] mais elle n’a jamais décidé s’il s’agit d’un pouvoir équivalent à celui de trancher des questions de droit générales. Cela dit, la Commission s’est penchée à maintes reprises sur des questions générales de droit d’auteur, de droit privé et de droit administratif. La Cour fédérale a même approuvé à diverses occasions les décisions que la Commission a rendues au sujet d’un certain nombre de questions de droit de nature générale. [13] Par conséquent, il semblerait que la Commission soit habilitée à se prononcer sur des questions de droit générales, lorsque ces questions doivent être tranchées afin qu’elle puisse remplir son mandat.

Un certain nombre de facteurs tirés d’autres décisions judiciaires militent également en faveur de la reconnaissance du pouvoir de la Commission de traiter de Constitution et de Charte. La Commission remplit des fonctions quasi-judiciaires. Elle est l’un des seize tribunaux fédéraux dont les décisions ne peuvent être révisées que par la Cour d’appel fédérale, laquelle fait montre d’une très grande retenue à son endroit. Le président de la Commission est un juge, en fonction ou à la retraite, de cour supérieure, de cour de comté ou de cour de district. La Commission doit motiver ses décisions. Elle examine un petit nombre de dossiers qui sont généralement assez complexes et demandent beaucoup de temps. Ses procédures lui permettent de compiler un ensemble d’éléments de preuve fiables.

Enfin, dans le cas sous étude, la Commission a compétence à l’égard des parties, de l’objet du litige et de la réparation demandée. Les sociétés de gestion et les opposants ont qualité pour agir en l’espèce. La redevance et son application à différents types de supports sont manifestement du ressort de la Commission, tout comme l’homologation du tarif ou la façon de l’adapter aux circonstances de l’affaire.

La Commission peut donc se prononcer sur les questions constitutionnelles et sur les questions relatives à la Charte soulevées en l’espèce.

B. La Partie VIII constitue-t-elle du droit d’auteur au sens de la constitution canadienne?

Le droit d’auteur relève exclusivement de la compétence fédérale. Afin de décider si la partie VIII de la Loi constitue du droit d’auteur, la Commission doit examiner l’objet du régime de copie privée. S’il s’agit de sa caractéristique véritable, de son objet essentiel, l’ensemble du régime est valide; toute caractéristique susceptible d’empiéter sur les pouvoirs provinciaux est incidente et n’affecte en rien la validité constitutionnelle des dispositions en cause.

L’ICRMC et le procureur général de la Colombie-Britannique soutiennent que la partie VIII n’est pas suffisamment liée aux principes du droit d’auteur pour constituer une législation valide dans ce domaine. La Commission n’est pas d’accord. La partie VIII prévoit le paiement d’une rémunération aux titulaires de droits à l’égard d’une activité mettant en cause l’utilisation d’un objet qui est bel et bien visé par le droit d’auteur et qu’il est difficile, voire impossible, de contrôler; elle légalise l’activité en question et oblige ceux qui fabriquent ou importent les supports utilisés à cette fin à payer la rémunération. Le lien entre ces trois éléments du régime est évident : le droit à rémunération est le corollaire du droit à la copie privée.

La partie VIII n’indique pas de façon précise quels sont les supports assujettis à la redevance : le régime est structuré de façon à tenir compte des progrès technologiques touchant les supports audio. Cependant, il existe un lien manifeste entre l’activité, le montant de la rémunération et les marchandises assujetties à la redevance. Ce n’est qu’à l’égard de la copie pour usage privé de la musique qu’une rémunération peut être exigée sous forme de redevance. Seuls les supports habituellement utilisés pour cette activité sont assujettis à la redevance. La décision de la Commission au sujet des types de support audio qu’utilise ou n’utilise pas habituellement le consommateur dans la poursuite de l’activité légalisée permet de renforcer ce lien.

Certains des supports assujettis à la redevance ne sont pas utilisés pour la copie privée. De plus, le régime canadien ne permet pas les types d’exemption qu’autorise la loi australienne. Néanmoins, la question de savoir si la partie VIII relève ou non du droit d’auteur ne saurait dépendre de l’existence d’un lien parfait entre l’activité légalisée et le support visé. Après tout, c’est la quasi-impossibilité de contrôler la copie privée qui est à l’origine du régime. Comme l’a dit la Haute Cour de l’Australie dans des termes très semblables à ceux qui figurent à la partie VIII, dans une décision à laquelle l’ICRMC attache une grande importance :

[TRADUCTION] «Il est possible que les cassettes vierges achetées ne soient pas toutes utilisées pour la copie privée d’enregistrements sonores, mais il est évident que, dans ce cas, les titulaires de droits d’auteur peuvent subir une perte en raison de la diminution des ventes d’enregistrements sonores qui auraient autrement eu lieu. La redevance imposée par le texte de loi ne touche que la vente des cassettes vierges qui sont habituellement utilisées pour la reproduction d’enregistrements sonores et les ventes de cassettes vierges habituellement utilisées à d’autres fins ne sont pas assujetties nu à la redevance [14] (Non souligné dans l’original)

La loi australienne précisait quels supports étaient assujettis à la redevance. Ce faisant, on empêchait que le régime s’adapte aux changements technologiques ou de marché; le lien entre l’activité et le support assujetti à la redevance ne pouvait que s’affaiblir avec le temps. Le Parlement canadien a plutôt cherché à assurer la constance du lien en permettant à la Commission d’établir, entre l’activité, le support et la redevance, une relation aussi forte, équitable et réaliste que possible. La Commission décide quels sont les supports «habituellement utilisés par les consommateurs» pour la copie privée; elle adopte un régime général permettant de déterminer le montant de la redevance à exiger, compte tenu de l’ampleur de l’utilisation des différents types de support aux fins de l’activité ciblée. Elle donne ainsi effet à l’intention du législateur et renforce le lien entre l’abandon du droit de reproduction en copie privée et la rémunération accordée par le régime.

De par son caractère véritable, donc, la partie VIII traite des droits des titulaires et de ceux qui reproduisent leurs œuvres. Les auteurs, artistes-interprètes et producteurs admissibles obtiennent un droit à rémunération. Ce droit est accordé en échange de l’autorisation accordée aux consommateurs de copier des œuvres musicales pour leur propre usage. Le montant de la redevance établi par la Commission est raisonnablement et équitablement proportionnel à l’utilisation qui est faite des supports audio pour l’enregistrement d’œuvres musicales. C’est là un sujet qui tombe nettement sous le coup du paragraphe 91(23) de la Loi constitutionnelle de 1867, et ce, même si, de par son application et ses conséquences, la partie VIII diffère de toutes les autres dispositions de la législation canadienne en matière de propriété intellectuelle et pourrait avoir pour effet d’imposer une redevance sur un support qui n’est pas effectivement utilisé pour la copie privée.

Les dispositions de la partie VIII sont à juste titre du ressort fédéral et le Parlement les a valablement édictées en vertu du paragraphe 91(23) de la Loi constitutionnelle de 1867. Toute atteinte à la propriété ou au droit civil est incidente et n’entraîne aucune conséquence sur le plan constitutionnel.

C. La redevance pour la copie privée est-elle une taxe?

L’ICRMC et le procureur général de la Colombie-Britannique soutiennent également que la redevance pour la copie privée constitue une taxe. S’ils ont raison, la partie VIII est invalide puisque la façon dont elle a été présentée n’est pas conforme aux articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867. De plus, si la redevance est une taxe, l’article 125 de cette même Loi indique clairement que les provinces n’y sont pas assujetties.

Dans le récent jugement qu’elle a rendu dans l’affaire Première nation de Westbank, [15] la Cour suprême du Canada indique comment décider si un prélèvement est une taxe ou autre chose :

«... la tâche essentielle du tribunal est de déterminer si, de par son caractère véritable, l’objet principal du prélèvement est : 1) de taxer, c.-à-d., percevoir des revenus à des fins générales; 2) de financer ou de créer un régime de réglementation, c.-à-d., être une redevance de nature réglementaire ou être accessoire ou rattaché à un régime de réglementation; ou, 3) de recevoir paiement pour des services directement rendus, c.-à-d., être des frais d’utilisation.

...

Pour déterminer si une redevance contestée est une “taxe” ou un “prélèvement de nature réglementaire” [...], il faut poser plusieurs questions clés. La redevance est-elle : (1) obligatoire et exigible en vertu d’une loi, (2) imposée sous l’autorité du législateur, (3) perçue par un organisme public, (4) pour une fin d’intérêt public, (5) sans aucun lien avec une forme de régime de réglementation? Si la réponse à toutes ces questions est affirmative, le prélèvement en question sera habituellement qualifié de taxe.

Il ressort de la cinquième question formulée ci-dessus que le tribunal doit constater la présence d’un régime de réglementation pour conclure à l’existence d’un “prélèvement de nature réglementaire”. Pour conclure à l’existence d’un régime de réglementation, le tribunal doit rechercher la présence d’un ou de plusieurs des indices suivants : 1) un code de réglementation complet, complexe et détaillé; 2) un objet de réglementation qui cherche à influencer un comportement donné; 3) la présence de coûts réels ou estimés liés à la réglementation; 4) un rapport entre la réglementation et la personne visée qui en bénéficie ou qui en a causé le besoin. Cette énumération n’est pas exhaustive. Pour qu’une redevance soit “liée” ou “rattachée” à ce régime de réglementation, le tribunal doit pouvoir établir une relation entre la redevance et le régime lui-même. Il en est ainsi lorsque les revenus sont liés aux coûts du régime de réglementation ou lorsque les redevances elles-mêmes ont un objet de réglementation, comme la réglementation d’un comportement donné.» [16]

La redevance pour la copie privée n’est pas une taxe, pour deux raisons. Premièrement, même si elle est fixée par un organisme public qui détermine également qui la percevra, elle n’est pas perçue par un organisme public, mais par la société de gestion ou l’entité qui, de l’avis de la Commission, est le mieux en mesure de s’acquitter des responsabilités découlant de la partie VIII. [17] La redevance n’est pas fixée non plus sur les instances d’un organisme public : seuls les sociétés de gestion ou l’organisme de perception peuvent mettre en branle le processus menant à l’homologation d’un tarif. Deuxièmement, la redevance ne vise pas une fin d’intérêt public, mais a plutôt pour but de rémunérer une catégorie bien définie de bénéficiaires (auteurs, artistes-interprètes et producteurs admissibles) pour l’utilisation de leurs objets de droit d’auteur au moyen de paiements versés par une catégorie bien définie de débiteurs. [18] Il ne s’agit pas de recettes destinées à un organisme public, mais de revenus destinés à des personnes.

Pour reprendre les propos de la Cour suprême du Canada, la redevance pour la copie privée est une charge «rattachée» à un régime de réglementation et créée pour compléter celui-ci. Elle a une importance vitale pour la réalisation des objectifs du régime. La partie VIII énonce tout ce qui est nécessaire à légaliser la copie privée tout en veillant à ce que les titulaires admissibles touchent une rémunération correspondant à la valeur des copies ainsi faites. Elle indique qui dépose les tarifs et qui paie, perçoit ou peut toucher une part de la redevance. Elle confie à la Commission la tâche d’établir la redevance, laquelle doit être juste et équitable. Il s’ensuit nécessairement qu’un lien doit exister entre le montant payé par les importateurs et les fabricants des supports visés et l’importance de l’activité donnant lieu au paiement. De fait, aucun autre système réaliste ne pourrait créer un lien plus fort entre le montant du paiement et l’ampleur de l’utilisation.

Le régime vise également à influencer le comportement. Sachant que la copie d’œuvres musicales pour leur propre usage est maintenant autorisée, les consommateurs voudront peut-être profiter de cet avantage, ce qui pourrait se traduire par une plus grande diffusion des œuvres musicales, par un accroissement des ventes de supports audio et par une hausse des efforts créatifs de la part des auteurs, artistes et producteurs encouragés par la possibilité de toucher une rémunération équitable.

Enfin, ceux qui sont les plus directement touchés par le régime en bénéficient et en ont causé le besoin. En vendant et en commercialisant activement les supports audio vierges, les fabricants et les importateurs ont encouragé l’activité qui est maintenant légalisée et en ont directement profité. [19] C’est en partie à cause de leur façon d’agir qu’une forme de contrôle s’est révélée nécessaire et ils pourront maintenant bénéficier du régime, dans la mesure où, comme nous venons de le dire, la légalisation de l’activité mènera à une augmentation de la vente de leurs produits.

En définitive, la redevance pour la copie privée se rapproche probablement davantage, de par sa nature, du régime examiné dans l’arrêt Massey-Ferguson. [20] Il s’agit en effet d’un régime essentiellement compensatoire. Les montants que touche l’organisme de perception sont des montants liquidatifs visant à satisfaire les créances des titulaires de droits admissibles en ce qui a trait à la rémunération à laquelle ils ont droit au titre de l’article 81 de la Loi. Les bénéficiaires et les débiteurs sont définis par l’activité ou l’entreprise particulière qu’ils exercent ou poursuivent. Le fait que le régime impose un coût d’exploitation supplémentaire ne transforme pas la redevance en une taxe au sens constitutionnel.

Bien qu’il ait été fort utile pour nous permettre de déterminer si le régime relatif à la copie privée relève du droit d’auteur, l’arrêt Australian Tape Manufacturers Association ne nous éclaire pas vraiment quant à la question de savoir si la redevance constitue une taxe. La conclusion de la Haute Cour de l’Australie selon laquelle le régime australien était effectivement une taxe repose en effet sur des règles constitutionnelles et des principes d’interprétation qui ne sont pas reconnus en droit canadien. Ainsi, après avoir expressément rejeté l’analyse que la Cour suprême du Canada avait présentée dans l’arrêt Massey-Ferguson, [21] la Haute Cour a statué qu’une cotisation obligatoire peut être une taxe même si elle n’est pas perçue pour une fin publique ou gouvernementale :

[TRADUCTION] «Il n’y a aucune raison en principe pour laquelle la cotisation financière obligatoire découlant de l’exercice de pouvoirs législatifs ne pourrait à bon droit être considérée comme une taxe, même si elle a été imposée par une autorité non publique ou exigée dans un but qui ne saurait être considéré comme un objet public.» [22]

Ces commentaires vont manifestement à l’encontre des principes que la Cour suprême du Canada a toujours appliqués. Cela suffit pour écarter la décision australienne et ne pas en tenir compte pour décider si la redevance canadienne est une taxe.

La redevance pour la copie privée n’est pas une taxe, mais une charge obligatoire imposée conformément à un régime de réglementation lié directement au droit d’auteur. Elle vise à assurer un paiement, sous forme de redevance, à titre de rémunération à l’égard de la reproduction d’œuvres protégées par un droit d’auteur par suite de la légalisation de la copie privée d’œuvres musicales enregistrées. La partie VIII n’étant pas un régime fiscal, elle s’applique aux gouvernements provinciaux.

D. La partie VIII de la Loi viole-t-elle l’alinéa 2a) ou le paragraphe 15(1) de la Charte?

L’ICRMC allègue que la partie VIII viole la liberté de religion et est discriminatoire. Selon elle, en énonçant que tous les supports audio sont assujettis à la redevance, la partie VIII nuit à la diffusion des Évangiles par les adeptes du mouvement chrétien évangélique. Le Conseil des Canadiens avec déficiences ajoute qu’il pourrait y avoir discrimination à l’endroit des personnes qui utilisent des supports audio dans la poursuite de certaines activités.

i. Liberté de religion

La liberté de religion correspond essentiellement au droit d’avoir, d’exercer et de professer des croyances religieuses sans crainte de représailles ainsi qu’au droit de manifester ces croyances par le culte, l’enseignement et la propagation. Dans l’arrêt Edward Books, [23] la Cour suprême a invalidé la loi ontarienne intitulée Loi sur les jours fériés dans le commerce de détail, parce qu’elle avait pour effet d’imposer une charge financière aux détaillants qui observaient une fête religieuse pendant des journées autres que le dimanche, ce qui allait à l’encontre de la liberté de religion. Toutefois, la Cour précise que ce ne sont pas toutes les charges financières qui portent atteinte à la liberté de religion :

«L’alinéa 2a) n’exige pas que les législatures éliminent tout coût, si infime soit-il, imposé par l’État relativement à la pratique d’une religion. Autrement, la Charte offrirait une protection contre une mesure législative laïque aussi inoffensive qu’une loi fiscale qui imposerait une taxe de vente modeste sur tous les produits, y compris ceux dont on se sert pour le culte religieux. ... La Constitution ne protège les particuliers et les groupes que dans la mesure où des croyances ou un comportement d’ordre religieux pourraient être raisonnablement ou véritablement menacés. Pour qu’un fardeau ou un coût imposé par l’État soit interdit par l’al. 2a), il doit être susceptible de porter atteinte à une croyance ou pratique religieuse. Bref, l’action législative ou administrative qui accroît le coût de la pratique ou de quelque autre manifestation des croyances religieuses n’est pas interdite si le fardeau ainsi imposé est négligeable ou insignifiant.» [24] [non souligné à l’original]

La partie VIII de la Loi respecte indubitablement la condition énoncée dans l’arrêt Edward Books et ne va donc pas à l’encontre de l’alinéa 2a) de la Charte. La mesure s’applique à tous les supports audio. Les répercussions de la redevance sur les organisations religieuses seront probablement peu importantes : une redevance de 30 pour cent aurait pour effet d’augmenter les frais d’exploitation de la Evangelical Fellowship of Canada de moins d’un demi pour cent [25] et ceux de la First Evangelical Lutherian Church de Calgary de moins de deux centièmes pour cent. [26] Enfin, comme certains des supports qui ne seront pas assujettis à la redevance pourraient fort bien convenir aux fins des organisations religieuses, la mesure ne constitue d’aucune façon une menace pour les activités religieuses.

La Commission convient également avec la SCPCP que toute tentative visant à analyser de façon plus détaillée les répercussions de la redevance sur la liberté de religion est prématurée, ne serait-ce que parce que la proportion de la redevance qui sera effectivement refilée aux consommateurs est inconnue pour l’instant.

ii. Discrimination

Une discrimination interdite par le paragraphe 15(1) de la Charte survient lorsqu’une loi crée une distinction «qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société.» [27] Cette discrimination est établie par la preuve que a) la loi crée une distinction, b) cette distinction entraîne une négation de l’un des quatre droits à l’égalité, fondée sur l’appartenance de la personne qui invoque le droit à un groupe identifiable; c) cette distinction est «discriminatoire» au sens de l’article 15. [28] Une distinction est discriminatoire au sens de l’article 15 si elle est susceptible de favoriser ou de perpétuer l’opinion que les individus lésés par cette distinction sont moins capables ou moins dignes d’être reconnus ou valorisés en tant qu’êtres humains ou en tant que membres de la société canadienne méritant le même intérêt, le même respect et la même considération. [29]

La partie VIII n’établit pas de distinction entre des groupes identifiables de la population canadienne. Elle ne crée aucune distinction donnant lieu à des conséquences défavorables pour l’un ou l’autre des groupes dont l’exercice du culte comporte un coût économique. Elle n’impose à aucun groupe, à sa face même, une charge qu’elle n’impose pas à d’autres ni ne restreint les possibilités de qui que ce soit. Dans la mesure où les importateurs et les fabricants décident de refiler le coût de la redevance aux consommateurs, quiconque utilise un support audio vierge paiera cette redevance.

Enfin, la partie VIII n’est pas susceptible de menacer la participation pleine et entière de qui que ce soit dans la société canadienne. À vrai dire, le législateur a tenté d’atténuer les répercussions du régime pour les personnes dont la capacité d’acquérir le sentiment de leur valeur personnelle pourrait être affectée, ne serait-ce que de façon éloignée. Le paragraphe 86(1) de la Loi exonère de la redevance les sociétés, associations ou personnes morales représentant les personnes ayant une déficience perceptuelle. À l’article 2 de la Loi, l’expression «déficience perceptuelle» est définie comme une déficience qui empêche la lecture ou l’écoute d’une œuvre sur le support original ou qui la rend difficile, notamment en raison de la privation, en tout ou en grande partie, du sens de l’ouïe ou de la vue ou de l’incapacité d’orienter le regard, de l’incapacité de tenir ou de manipuler un livre ou d’une insuffisance relative à la compréhension. Il semblerait donc que, par le truchement de ces associations, toute personne dont la capacité de réalisation personnelle dépend de l’utilisation de supports audio soit à l’abri des conséquences économiques de la redevance, si mineures soient-elles.

Étant donné que la Commission conclut à l’absence de violation de la Charte, il n’est pas nécessaire d’analyser la partie VIII à la lumière de l’article premier de celle-ci.

III. INTERPRÉTATION LÉGISLATIVE ET QUESTIONS MIXTES DE DROIT ET DE FAIT

A. La capacité de la SCPCP de revendiquer une redevance à l’égard de tout le répertoire admissible

Les opposants soutiennent que la SCPCP ne peut réclamer de redevances à l’égard de tout le répertoire admissible pour au moins deux raisons. D’abord, une partie, sinon la totalité des entités qui ont déposé un projet de tarif n’étaient pas admissibles. Ensuite, celles qui l’étaient ne peuvent réclamer de redevances qu’à l’égard du répertoire qu’elles administrent effectivement. La SCPCP répond que même une société de gestion qui ne gère pas encore les droits de copie privée de certains titulaires peut valablement déposer un tarif, pourvu qu’elle y ait été autorisée par ses règlements internes.

La preuve présentée au sujet de la nature des liens entre les différentes sociétés de gestion et leurs membres en ce qui a trait à la copie privée était, au mieux, fragmentaire. Néanmoins, elle indique qu’au 31 mars 1998 (date limite fixée pour le dépôt des projets de tarif), l’AVLA Audio-Video Licensing Agency Inc. (AVLA), la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ), la Société de gestion collective de l’Union des artistes (ArtistI), la SOGEDAM et la SODRAC avaient signé avec au moins quelques-uns de leurs membres des contrats renvoyant expressément à l’administration de droits de copie privée. La SOCAN, l’ACTRA Performer’s Rights Society (APRS), l’American Federation of Musicians (AFM) et la CMRRA ne l’avaient pas fait, mais elles avaient modifié leurs règlements internes afin de pouvoir administrer ces droits. Ces changements avaient été apportés par des organes (p. ex., conseil d’administration) dont faisaient partie certains titulaires de droits. La Commission croit également qu’on peut raisonnablement présumer que chaque organisation a recruté de nouveaux membres après ces changements et avant le 31 mars 1998. À cette même date, les sociétés membres de la SCGDV l’avaient autorisée à agir en leur nom. La création de la SCPCP est survenue quelques mois plus tard et les sociétés de gestion qui avaient déposé des projets de tarif l’ont autorisée à agir pour leur compte. Enfin, personne prétendant représenter des titulaires ne s’est opposé aux revendications formulées par la SCPCP ou ses sociétés membres.

La «chaîne de titres», ainsi qu’on l’a parfois appelée, soulève deux questions. D’abord, la Commission est-elle dûment saisie de la question de la copie privée? En deuxième lieu, dans quelle mesure le répertoire admissible peut-il donner lieu à rémunération? La «chaîne de titres», ainsi qu’on l’a parfois appelée, soulève deux questions. D’abord, la Commission est-elle dûment saisie de la question de la copie privée? En deuxième lieu, dans quelle mesure le répertoire admissible peut-il donner lieu à rémunération?

i. La Commission est-elle dûment saisie de la question de la copie privée?

Pour répondre à cette question, il faut savoir si la CMRRA, la SCGDV, la SOGEDAM, la SODRAC et la SOCAN, qui ont déposé des projets de tarif le 31 mars 1998, étaient alors des sociétés de gestion du droit à rémunération pour la copie privée.

Une société de gestion qui n’administre pas le droit à rémunération pour la copie privée d’au moins certains titulaires ne peut déposer valablement un projet de tarif en application du paragraphe 83(1) de la Loi, et ce, même si ce paragraphe n’indique pas expressément que les sociétés déposant ces projets doivent gérer ce droit à rémunération. Cette disposition énonce que les sociétés de gestion doivent avoir été «habilitées à cette fin» et ajoute que l’autorisation peut prendre la forme, notamment, d’une cession, d’une licence ou d’un mandat.

En lisant cette disposition, on conclut rapidement que la «fin» mentionnée est la gestion du droit à rémunération pour la copie privée. Cette fin doit être un objet autorisé par voie de «cession, licence, mandat ou autrement»; il ne peut donc s’agir simplement du pouvoir de déposer des projets de tarif. Pour ce faire, point n’est besoin de licence ou de mandat. En revanche, les cessions, les licences et les mandats constituent la façon habituelle d’obtenir l’administration des droits d’auteur. De plus, la transaction doit porter sur la copie privée. Une société de gestion qui administre des droits d’exécution ne peut se servir de ce mandat pour revendiquer le pouvoir d’agir à titre de société de gestion du droit à rémunération pour la copie privée.

De plus, l’autorisation nécessaire des titulaires de droits doit avoir été obtenue au plus tard à la date fixée dans la Loi pour le dépôt des projets de tarif (en l’occurrence, le 31 mars 1998). La seule façon dont les titulaires de droits peuvent être rémunérés à l’égard de la copie privée réside dans la perception de redevances par l’organisme de perception en vertu d’un tarif homologué. [30] La Commission ne peut homologuer un tarif à l’égard d’une année donnée si aucun projet n’est déposé au plus tard le 31 mars de l’année précédente; sans ce dépôt, elle n’est pas saisie de la question. Par conséquent, l’absence de dépôt se traduit par la perte du droit à rémunération. En d’autres termes, les fabricants et importateurs ont le droit de vendre des supports audio sans payer quoi que ce soit si aucun projet de tarif n’est déposé dans les délais prévus. Permettre aux titulaires de droits de modifier rétroactivement la situation au détriment des importateurs et fabricants irait à l’encontre de l’objet du régime établi par la Loi. Il ne saurait être question d’invoquer des règles de droit privé pour atteindre un résultat allant à l’encontre de ce régime. Qui plus est, la ratification ne peut en modifier de façon rétroactive les conséquences naturelles. Par conséquent, à moins qu’une société de gestion n’agisse en qualité de société de gestion du droit à rémunération (et donc pour le compte de titulaires qui l’ont déjà autorisée à agir en leur nom) lorsqu’elle dépose un projet de tarif, le dépôt n’est pas valable.

Cependant, l’autorisation peut être obtenue au moyen de toute méthode implicite ou explicite reconnue par les règles de droit privé. Par exemple, les règles régissant le mandat implicite ou le mandat par ratification peuvent très bien s’appliquer en faveur d’une société de gestion putative lorsque certains titulaires ont participé au processus lui permettant de déposer le tarif ou d’administrer le droit à rémunération. Ainsi, les administrateurs de la CMRRA, qui sont également des éditeurs de musique et, de ce fait, titulaires de droits au titre de la partie VIII, ont accordé à l’agence un mandat implicite l’autorisant à administrer les droits que leur accorde cette partie lorsqu’ils ont voté de façon à lui permettre de gérer ce droit à rémunération.

Compte tenu de ces principes, toutes les entités qui ont déposé des projets de tarif étaient autorisées à le faire au titre du paragraphe 83(1) de la Loi. L’AFM, la CMRRA, l’APRS et la SOCAN avaient obtenu un mandat implicite les autorisant à agir au nom des titulaires de droits siégeant à leur conseil d’administration. La SOGEDAM et la SODRAC avaient indubitablement obtenu les autorisations nécessaires d’au moins quelques-uns de leurs membres, tout comme l’avaient fait l’AVLA, la SOPROQ et ArtistI pour la SCGDV. De plus, comme nous l’avons dit précédemment, chacun des membres recrutés après les changements apportés aux contrats d’adhésion des sociétés de gestion et avant le 31 mars 1998 les a formellement autorisées à agir pour son compte pour les fins du régime. En tout état de cause, la SODRAC a dûment déposé un projet de tarif à l’égard des auteurs admissibles, la SOGEDAM et la SCGDV ont fait de même dans le cas des artistes-interprètes admissibles, ainsi que cette dernière en ce qui concerne les producteurs admissibles. La Commission est donc saisie à l’égard de toutes les catégories de titulaires.

ii. La part du répertoire admissible pouvant donner lieu à rémunération

De l’avis de la Commission, les tarifs homologués doivent tenir compte de tous les objets admissibles à l’égard desquels des projets ont été valablement déposés.

Le répertoire ne peut se limiter au répertoire existant à la date du dépôt ou à une autre date particulière pendant ou après le processus d’homologation. Cette restriction irait à l’encontre de la nature prospective du tarif et enlèverait tout son sens au paragraphe 83(11) de la Loi, qui traite des titulaires orphelins. [31] La seule interprétation compatible avec cette disposition est celle reconnaissant que le répertoire admissible comprend tous les types d’œuvres musicales, de prestations ou d’enregistrements sonores à l’égard desquels un projet de tarif a été déposé.

Comme nous l’avons vu, des projets de tarif ont été déposés en bonne et due forme à l’égard des trois catégories de titulaires. De plus, la Commission est d’avis qu’à la date du dépôt des projets de tarif, la SODRAC, la SOGEDAM et la SCGDV avaient obtenu un nombre suffisant d’autorisations pour représenter chaque type possible d’œuvres, de prestations et d’enregistrements sonores faisant partie du répertoire admissible. La conclusion de la Commission selon laquelle tous les projets de tarif ont été déposés valablement ne fait que renforcer cette opinion.

Le paragraphe 83(1) de la Loi énonce, dans sa version anglaise, qu’une société dépose un tarif «for the benefit» de ses titulaires. Cet élément de la disposition ne doit pas être interprété de façon à restreindre la portée du tarif qu’une société de gestion peut déposer. Premièrement, la version française est moins restrictive : elle exige uniquement que la société agisse «au nom» des titulaires. Deuxièmement, restreindre le répertoire dont la Commission est saisie à celui des membres des sociétés admissibles enlèverait au paragraphe 83(11) tout son sens ou forcerait les titulaires à rémunérer les titulaires orphelins à même leur propre part de la redevance. Troisièmement, cette expression ne devrait pas être interprétée de façon à restreindre la nature prospective du régime. Quatrièmement, le paragraphe 83(8), conjugué à l’obligation de désigner un seul organisme de perception, indique clairement qu’une structure tarifaire intégrée est envisagée; obliger les societies à déposer des projets portant uniquement sur leur propre répertoire irait à l’encontre du régime établi par la Loi. Par conséquent, même si une société agit au nom de ses titulaires de droits lorsqu’elle dépose un projet de tarif, elle peut tenir compte de l’ensemble du répertoire admissible, y compris la partie appartenant aux membres d’autres sociétés de gestion, à ceux qui ne sont pas membres et à des personnes inconnues.

B. L’importance du répertoire admissible servant à la copie privée

La SCPCP se fonde sur une étude de temps d’antenne préparée par ses experts Paul Audley et Stephen Stohn (Stohn/Audley) [32] pour demander que le répertoire admissible soit fixé à 100 pour cent pour les auteurs, à 37 pour cent pour les artistes-interprètes et à 31 pour cent pour les producteurs. À la demande de la Commission, la SCPCP a subséquemment déposé une analyse des ventes d’enregistrements fixant les pourcentages à 30 pour cent dans le cas des artistes-interprètes et à 25 pour cent dans le cas des producteurs. Dans un cas comme dans l’autre, la SCPCP tient compte des producteurs et artistes-interprètes étrangers qui, à son avis, pourraient être admissibles. La SCPCP demande à la Commission de tenir compte des deux recherches pour fixer la part du répertoire admissible, faisant valoir qu’il y a lieu de tenir compte trois fois plus du temps d’antenne que des ventes.

La CSMA soutient que l’enquête de temps d’antenne favorise indûment les titulaires admissibles en raison des règles que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) impose aux radiodiffuseurs en matière de contenu canadien. Elle demande à la Commission de tenir compte uniquement de l’analyse des ventes d’enregistrements, ajoutant que même ces estimations sont exagérées. Elle demande également à la Commission de ne pas tenir compte des producteurs et artistes-interprètes étrangers.

Les deux études ne donnent pas une indication parfaite du répertoire utilisé pour la copie privée, mais elles comportent suffisamment de renseignements pour permettre à la Commission de trancher. La Commission espère que des données plus étoffées seront disponibles à l’avenir. Aux fins du présent tarif et pour les motifs invoqués par la CSMA, elle convient que l’étude de temps d’antenne donne probablement lieu à une surestimation des taux d’admissibilité dans le cas des artistes-interprètes et des producteurs. Leur part du temps d’antenne est nettement supérieure à leur part des ventes et aucune donnée ne permet de dire que la première est un indicateur plus précis de l’ampleur de la copie privée que la deuxième. En revanche, l’analyse des ventes sous-estime probablement la proportion de copie privée imputable aux enregistrements canadiens, parce qu’elle porte uniquement sur les 250 albums les plus vendus au Canada et ne tient pas entièrement compte des ventes d’enregistrements en français au Québec. C’est pourquoi la Commission utilise une moyenne simple des résultats obtenus des deux études.

Il n’y a pas lieu de tenir compte des artistes-interprètes et producteurs étrangers. L’article 79 de la Loi est clair : seuls les producteurs et artistes-interprètes canadiens ont droit à une part de la redevance jusqu’à ce que le ministre publie une déclaration conformément à l’article 85 de la Loi. La SCPCP pourra toujours se prévaloir de l’article 66.52 de la Loi et demander que le tarif soit modifié si une telle déclaration devait entrer en vigueur avant la fin de l’an prochain.

Compte tenu de ces facteurs, la Commission en arrive à la conclusion que 28 pour cent de la copie privée est faite à partir du répertoire des artistes-interprètes admissibles, tandis que 23 pour cent est faite à partir du répertoire des producteurs admissibles.

Par ailleurs, il faut tenir compte des œuvres musicales faisant partie du domaine public. La CSMA établirait cette proportion à 5 pour cent, et la SCPCP à 3 pour cent. Se fondant sur les maigres données dont elle dispose, la Commission estime que 96 pour cent de la copie privée est faite à partir du répertoire des auteurs admissibles.

L’ICRMC fait valoir par ailleurs que le «producteur» d’un enregistrement sonore n’est pas la maison de disque, mais la personne (parfois appelée «producteur artistique»), qui dirige l’effort artistique et créateur menant à la production de l’enregistrement. La Commission n’est pas d’accord. Suivant l’article 2 de la Loi, le producteur d’un enregistrement sonore est la personne qui effectue les opérations nécessaires à la première fixation de sons. L’article 2.11 ajoute que ces opérations comprennent celles qui sont liées à la conclusion des contrats avec les artistes-interprètes, au financement et aux services techniques nécessaires à la première fixation de sons. La mention des ententes contractuelles et financières vise nécessairement la personne qui accepte le risque financier lié à la production de disques et non celle qui façonne les sons du disque et donne des conseils artistiques aux artistes-interprètes.

C. Qu’entend-on par «habituellement utilisé par les consommateurs»

À l’article 79 de la Loi, le «support audio» est défini comme «tout support audio habituellement utilisé par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores...». Personne ne s’interroge sur la possibilité de reproduire les enregistrements sonores sur les supports visés par la SCPCP ou sur la notion de consommateur. Par contre, les mots «habituellement utilisé» suscitent un débat.

Est admissible, selon la SCPCP, le support que les particuliers utilisent régulièrement, couramment ou normalement pour la copie privée; elle ajoute qu’un type de support peut se prêter à plus d’un usage courant. Pour sa part, la CSMA soutient que la redevance devrait s’appliquer uniquement aux supports qui sont le plus souvent utilisés pour la copie privée, ce qui exclurait les supports (comme les minidisques) dont la part du marché est marginale, même si la plupart ou la totalité de ceux-ci sont utilisés à cette fin.

Bien que le mot «habituellement» ait un sens large, variable selon le contexte et «très fluide», [33] les dictionnaires et la jurisprudence nous aident beaucoup à en comprendre la signification. Ce mot est utilisé pour décrire tout ce qui est régulier, normal ou ordinaire ou encore simplement tout ce qui se répète ou est habituel. [34] Par conséquent, ce qui confère à un événement ou à une situation son caractère habituel n’est pas nécessairement la quantité, mais plutôt la régularité. Une personne peut passer habituellement la fête de Noël avec sa famille, même si cela se produit une fois par année seulement : la régularité avec laquelle la personne rend visite à ses proches fait de cette visite un événement «habituel».

Les tribunaux ont eux aussi tendance à mettre l’accent sur la régularité plutôt que sur la fréquence. [35] Il n’est pas nécessaire qu’une activité habituelle soit la principale activité d’une personne, pourvu qu’elle ne soit pas rare, anormale ou minime et qu’elle ne soit pas non plus sans importance ou sans signification. [36] Pour être habituelle, l’utilisation d’une résidence secondaire par une famille ne doit pas nécessairement être fréquente, mais plutôt régulière. [37]

De nos jours, on donne généralement à l’expression qui se trouve dans un texte législatif le sens que lui reconnaîtrait une personne raisonnable, compte tenu du contexte, des conventions linguistiques et des connaissances que nous avons du monde, notamment de l’objet du texte législatif où se trouve l’expression et des facteurs politiques qui en motivent l’utilisation. [38] Par conséquent, l’objet du régime a une importance primordiale pour l’interprétation d’une notion aussi fluide que celle que véhicule le mot «habituel». [39] Un des objets du régime consiste à légaliser la copie privée. Un autre est de compenser adéquatement les auteurs, les artistes- interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores. Cet objet ne sera pas atteint si la définition de «support audio vierge» est interprétée de façon restrictive. Une interprétation trop restrictive enlèvera toute signification au régime. Une interprétation large de la définition permet d’uniformiser les règles du jeu pour les importateurs et les fabricants en faisant en sorte que seuls les supports qui ne sont manifestement pas utilisés pour la copie privée ne soient pas assujettis à la redevance. Par conséquent, il convient d’interpréter l’utilisation habituelle visée par la définition de «support audio» comme une utilisation qui comprend tous les emplois non négligeables.

Il s’ensuit qu’une personne qui a fait deux copies d’enregistrements sonores sur un type de support au cours de chacune des deux dernières années utilise habituellement ce type de support pour la copie privée, même si elle peut tout aussi bien utiliser beaucoup d’autres supports du même type à d’autres fins : un support peut se prêter à plus d’une utilisation habituelle.

De plus, étant donné que la définition renvoie à l’utilisation habituelle par les consommateurs, l’analyse doit porter sur la personne qui utilise le support pour son propre plaisir, à l’exclusion des autres. Ainsi, le fait que 5 pour cent seulement des supports d’un type donné soient vendus aux consommateurs ne signifie pas que le support n’est pas admissible. En fait, tous les supports de ce type, y compris les 95 pour cent qui sont vendus à d’autres que des consommateurs, sont assujettis à la redevance, tant et aussi longtemps qu’un nombre non marginal de consommateurs s’en servent pour faire de la copie privée d’une manière qui n’est pas marginale.

En revanche, les supports réservés essentiellement à un usage commercial ou professionnel ne sont pas assujettis, même si quelques personnes utilisent la technologie pour faire de la copie privée. Une poignée d’excentriques ne constitue pas un groupe de consommateurs.

Compte tenu de ces principes, la Commission conclut que toutes les cassettes audio d’une durée d’au moins 40 minutes sont assujetties au régime. La preuve montre que les cassettes C-45 sont les cassettes de la durée la plus courte pouvant commodément être utilisées pour la copie privée, toute autre durée ne convenant tout simplement pas à cette fin; les ventes totales de ces cassettes et des cassettes de plus courte durée ne représentent qu’un infime montant. Toutefois, la Commission retient le seuil des 40 minutes afin d’empêcher que les fabricants ne modifient la durée des cassettes dans le simple but d’éviter l’application du tarif. [40]

La Commission note l’opposition de la SCPCP à une telle détermination. La SCPCP craint que le marché ne tente de se soustraire à l’imposition de la redevance en fabriquant des cassettes de différentes durées, ou en plaçant des sons préenregistrés sur des supports par ailleurs vierges. De toute façon, pour les motifs susmentionnés, la Commission estime que les cassettes audio d’une durée de 40 minutes ou moins ne sont pas des supports audio dont se servent ordinairement les consommateurs pour copier des œuvres musicales.

Aucune distinction n’est établie entre les cassettes de type I, qui représentent 72 pour cent du marché, et les autres cassettes. Si, comme la Commission l’indique plus loin, près des deux tiers de toutes les cassettes servent à la copie privée, un grand nombre de cassettes de ce type doivent donc être employées à cette fin. De plus, il appert nettement du témoignage et de la démonstration de M. David Basskin, président de la CMRRA, que la qualité des copies faites maintenant sur les cassettes de type I est à peu près la même, à toutes fins utiles, que celle faites sur d’autres types de cassettes.

La Commission ne fait pas de distinction non plus entre les cassettes de durée normale et les cassettes de durée spéciale ou encore les cassettes présentant d’autres caractéristiques (p. ex., celles dont les dispositifs de protection contre l’enregistrement ont été enlevés) qui les rendent moins aptes à l’utilisation pour la copie privée. Une trop grande spécificité pourrait permettre l’évitement de la redevance par la mise en marché de nouveaux types de cassettes et de cassettes de durées différentes.

Le minidisque, le CD-R audio et le CD-RW audio sont également assujettis au régime. Même si ces supports ne représentent qu’un pour cent du total des ventes, ils visent principalement, sinon exclusivement les consommateurs, qui les achètent dans le but de copier de la musique. Le minidisque, le CD-R audio et le CD-RW audio sont également assujettis au régime. Même si ces supports ne représentent qu’un pour cent du total des ventes, ils visent principalement, sinon exclusivement les consommateurs, qui les achètent dans le but de copier de la musique.

Enfin, le CD-R et le CD-RW sont assujettis au régime. La proportion des supports de cette nature qui sont utilisés pour la copie privée oscille probablement entre 5 pour cent et 15 pour cent. Même s’il l’on s’en tient au pourcentage inférieur, cela signifierait que deux millions de copies privées ont été faites sur ces supports en 1999. Cette proportion respecte manifestement la norme du caractère habituel, selon l’interprétation qu’en donne la Commission.

Les supports audio manifestement destinés à être utilisés à une fin autre que la copie privée sont exclus. Tel est le cas des microcassettes couramment employées sur les dictaphones. Les bandes audionumériques représentent un autre exemple car, à toutes fins utiles, elles sont utilisées par des professionnels et non par des consommateurs.

La définition de l’expression «support audio vierge» est une définition ouverte. De nouveaux types de support pourront être identifiés au fur et à mesure que les marchés évolueront, si la Commission a la conviction que les consommateurs ont trouvé d’autres façons de faire des copies privées de leurs pièces musicales préférées.

IV. ANALYSE DE LA PREUVE ÉCONOMIQUE

Les participants ont abordé, dans leur preuve, la nature et la structure de l’industrie des supports audio vierges, les répercussions économiques de la redevance proposée par la SCPCP et les répercussions possibles, sur le marché concerné, de l’émergence d’un marché gris. La preuve présentée par la SCPCP est constituée d’une étude préparée par le cabinet d’experts-comptables Grant Thornton. La CSMA s’en est remise à une réplique préparée par le professeur James Brander et au témoignage d’un certain nombre de fabricants, importateurs, revendeurs, acheteurs et utilisateurs de supports audio. Les questions abordées sont examinées tour à tour ci-après.

Comme il apparaîtra plus loin, bien que le cadre économique présenté par Grant Thornton constitue un outil d’analyse utile, l’étude n’offre pas une estimation fiable des répercussions économiques probables de la redevance proposée sur la demande de supports audio vierges ou sur les niveaux de recettes et d’emploi des fabricants et importateurs canadiens. Cela dit, étant donné que la CSMA n’a elle-même soumis aucune preuve quantitative concernant l’impact économique, et puisque le montant de la redevance est sensiblement inférieur à ce qu’a proposé la SCPCP, la Commission se doit de conclure que le tarif homologué ne devrait pas avoir d’effet négatif important sur l’industrie.

A. L’industrie des supports audio vierges

Une abondante information sur l’industrie canadienne des supports audio vierges a été présentée au cours de ces audiences, aussi bien sur les caractéristiques actuelles du marché que sur les tendances futures de l’industrie.

Les formes particulières de supports audio visés par le projet de tarif comprennent les cassettes audio, les bandes audionumériques (DAT), les minidisques, les CD-R, les CD-RW, les CD-R audio et les CD-RW audio. [41] De nouvelles formes de supports audio émergent rapidement. Notons les disques numériques versatiles (DVD), les cartes mémoire, les cartes intelligentes et la mémoire flash d’appareils audio portatifs (comme le lecteur Rio de Diamond) utilisés pour stocker et lire des fichiers audio MP3 téléchargés en général à partir de l’Internet.

Les tendances actuelles du marché sont diamétralement opposées pour les cassettes audio et les supports numériques. Plus de 80 pour cent des foyers canadiens possèdent un magnétophone, mais la demande de cassettes n’a cessé de fléchir. Elle a diminué d’environ 40 pour cent entre 1994 et 1998 et devrait se contracter encore de 12 pour cent par année en 1999 et 2000. Les cassettes de type I d’une durée de 90 minutes continueront de constituer la majorité des ventes.

En revanche, la pénétration des graveurs CD, bien qu’elle soit actuellement très faible, devrait croître rapidement, entraînant avec elle la demande de supports CD enregistrables. Selon des témoins de la CSMA, cette croissance est actuellement dominée par des utilisateurs commerciaux qui utilisent ce support pour stocker des données plutôt que pour copier de la musique. Toutefois, la preuve et les documents déposés, notamment les documents publicitaires et l’information sur les pratiques de copie privée dans d’autres pays, incitent la Commission à croire que l’utilisation de supports numériques pour la copie privée est en croissance rapide au Canada et représente déjà une part du marché supérieure à celle qu’étaient prêts à reconnaître la plupart des témoins de la CSMA.

La part des autres formes de supports numériques est beaucoup plus faible et le demeurera probablement. Les enregistreurs à bandes audionumériques sont presque exclusivement utilisés par les professionnels, et les ventes de ces supports ne devraient pas progresser de façon importante. La technologie des minidisques a suscité jusqu’ici un intérêt limité et les enregistreurs de CD audio ne sont devenus disponibles que récemment au Canada. Les volumes de ventes des supports connexes sont donc négligeables; la croissance de leurs ventes en pourcentage est peut-être rapide, mais les volumes demeureront vraisemblablement très faibles par rapport à l’industrie dans son ensemble. [42]

Le marché canadien est approvisionné par environ 20 fabricants et importateurs. La plupart des supports sont importés. Les huit membres de la CSMA, qui représentent plus de 90 pour cent du marché des cassettes audio et 60 pour cent du marché des CD enregistrables au Canada, misent exclusivement sur des supports fabriqués à l’étranger qu’ils achètent par l’entremise de leurs sociétés mères. Le reste de l’industrie est formé d’entreprises indépendantes qui importent généralement des supports audio vierges et qui, dans de très rares cas, font l’assemblage de cassettes audio.

Le tableau qui suit présente le sommaire des estimations du groupe de témoins de l’industrie de la CSMA quant aux prix de gros et de détail des divers types de supports concernés.

TABLE I / TABLEAU I

Blank Recording Media Prices / Prix des supports audio vierges

Blank Recording Media / Supports audio vierges

Wholesale Price / Prix de gros

Retail Price / Prix de detail

Type I Cassette de type I (1998)

$0.80

$0.89 - $1.49

Type II Cassette de type II (1998)

$1.60

$1.79 - $2.99

Type IV Cassette de type IV (1998)

$2.00

$3.99 - $6.99

DAT / Bande audionumérique (1998)

$8.80

$10.00 - $13.00

MiniDisc / Minidisque (1998)

$3.80 - $4.20

$5.00 - $6.00

CD-R Audio (1998)

$4.50 - $5.50

$8.00 - $10.00

CD-RW Audio (1998)

$9.00 - $11.00

$15.00 - $18.00

CD-R (current / actuellement)

Ÿ $1.70

$1.70 - $2.50

CD-RW (current / actuellement)

$2.00 - $5.00

$3.50 - $10.00

Les prix de la plupart des types de supports sont actuellement à la baisse, de façon radicale dans le cas des CD-R. Les fourchettes de prix relativement larges reflètent, entre autres facteurs, des variations dans l’emballage et le marquage des produits.

La CSMA a aussi fourni des données sur les recettes et les volumes de ventes de l’industrie. Dans chaque cas, de l’information sur les tendances a été présentée. Le tableau qui suit, fondé sur l’information fournie, présente le sommaire des ventes pour 1998, ainsi que les attentes de la Commission quant aux ventes probables en 1999 et 2000.

TABLE II / TALEAU II

Blank Recording Media Sales Volumes (in millions of units)

Volumes de ventes de supports audio vierges (en millions d’unités)

Recording Media / Support

1998 [43]

1999 [44]

2000

Cassettes

23.9

20.9

18.5

DAT / Bandes audionumériques

0.1

0.1

0.1

MiniDisc / Minidisques

0.1

0.1

0.2

CD-R/RW Audio

-

0.2

0.3

CD-R/RW

21

46

88

Total

45.1

67.3

107.1

Une preuve anecdotique a été fournie quant aux répercussions du téléchargement, à partir de l’Internet, de musique en format MP3 ou d’autres formats semblables. Le magazine Wired, dans son édition d’août 1999, [45] estime qu’entre janvier et juin 1999, il s’est téléchargé quotidiennement 17 millions de fichiers MP3. Si ce chiffre est exact, quelque 6 milliards de chansons seront copiées à partir de l’Internet en 1999, comparativement à des ventes mondiales de CD de 846 millions en 1998. Un grand nombre de ces chansons peuvent ensuite être gravées sur des CD vierges à la maison pour former des compilations personnelles de musique. La convergence de plusieurs facteurs – disponibilité des logiciels, disponibilité des graveurs CD à des prix grand public et lenteur de l’industrie à réagir à l’exemple de la Secure Digital Media Initiative (SDMI) – pourrait avoir contribué à la croissance mondiale explosive des ventes de CD enregistrables. La Commission espère dans l’avenir recevoir des éléments de preuve statistiques sur l’impact de ce nouveau phénomène sur les comportements en matière de copie privée.

B. L’impact économique de la redevance

L’étude de Grant Thornton examine sous trois angles les répercussions possibles de la redevance sur les supports audio vierges.

Premièrement, même après l’ajout de la redevance proposée, le coût des copies privées demeurera bien inférieur à celui de la musique préenregistrée et, par conséquent, demeurera un choix attrayant pour les consommateurs. C’est clairement le cas pour les cassettes audio : compte tenu de la vaste base établie de magnétophones, le coût marginal de la copie correspond essentiellement au coût de la cassette, avec ou sans la redevance. Le coût relatif de la copie sur CD-R est sensible au volume de copie effectué. À ce jour, relativement peu de consommateurs possèdent un graveur CD; par conséquent, l’étude inclut l’amortissement du coût du graveur dans le calcul du coût marginal de l’exécution d’une copie sur CD-R. Elle conclut que le coût de la copie sur CD-R à la maison sera généralement inférieur au prix des CD préenregistrés si une personne copie au moins cinq CD par année.

Deuxièmement, en se fondant sur un modèle théorique de choix du consommateur, l’étude de Grant Thornton tente de démontrer comment un ménage moyen pourrait réagir à la redevance. Présumant que les dépenses d’un ménage moyen consacrées à ces articles sont fixes, elle montre que l’introduction de la redevance entraîne une contraction de la demande de tous les supports audio vierges. La contraction est moins prononcée pour les CD-R, compte tenu de la hausse de prix relative plus faible applicable aux CD-R en vertu de la proposition de la SCPCP. En augmentant de façon relativement minime ses dépenses en supports audio vierges, le ménage moyen pourrait compenser l’impact de la redevance; ce faisant, il substituerait les CD-R aux supports analogiques. Grant Thornton soutient que cette réaction à la redevance est probable, compte tenu notamment de la faible hausse des dépenses en cause (c.-à-d. de l’ordre de 6 $ par ménage par année).

Troisièmement, Grant Thornton construit un modèle économétrique pour estimer l’impact de la redevance proposée. Le modèle comporte l’estimation de régressions individuelles de la demande pour les bandes à polarisation normale, les bandes à haute polarisation et les CD-R, l’objectif étant d’estimer l’impact individuel de variables comme les prix des supports audio vierges, les prix de l’équipement audio et le revenu sur la demande, pour chaque type de support. En fait, l’exercice consiste à estimer l’impact de la redevance sur la demande de bandes normales, de bandes à haute polarisation et de CD-R, tous les autres facteurs étant maintenus constants.

Grant Thornton conclut, d’après son modèle économétrique, que la redevance proposée stimulerait la demande globale de supports audio vierges, ce qui accroîtrait les recettes globales et les niveaux d’emplois des importateurs et des fabricants canadiens. Ce résultat contre-intuitif s’explique par le fait que le pourcentage d’augmentation de prix proposé est plus faible pour les CD-R que pour les supports audio vierges analogiques. Grant Thornton s’attend à ce qu’il en résulte un effet de substitution amenant les consommateurs à délaisser les bandes et à adopter les CD-R plus rapidement qu’ils ne l’auraient fait autrement. À partir de ces résultats, Grant Thornton conclut que l’introduction de la redevance proposée aura un impact positif sur l’industrie des supports audio vierges au Canada.

La Commission est d’avis que l’analyse de Grant Thornton sur le coût des copies privées à la maison jette peu d’éclairage sur la réaction probable des consommateurs à la redevance. En ce qui touche le déplacement des consommateurs de l’analogique au numérique, l’analyse omet de tenir compte pleinement des coûts des nouveaux équipements que la plupart des consommateurs devraient assumer.

Le modèle théorique du choix du consommateur est également de valeur pratique limitée. Il suppose simplement que le ménage moyen accroîtra ses dépenses en supports audio pour compenser le coût de la redevance et que dans ce processus, il passera de l’analogique au numérique. Le modèle omet d’examiner d’où l’argent proviendra : le ménage moyen doit vivre avec un budget fixe et la plupart des ménages devraient se procurer un graveur CD avant de faire une seule copie numérique. Le fait de simplement supposer que la hausse moyenne est faible et facilement absorbée se révèle, en fait, de peu d’utilité.

Enfin, les estimations économétriques de l’impact de la redevance ne sont pas fiables. Le manque général de précision statistique des estimations des paramètres associés aux modèles de la demande enlève pratiquement toute valeur aux estimations de l’impact tirées des modèles, en l’absence de toute analyse de sensibilité. Comme l’a admis Grant Thornton et comme le démontrent clairement les résultats statistiques, les trois modèles de la demande souffrent de problèmes de multicolinéarité importants. Pour contrer ce problème, Grant Thornton a choisi de supprimer un certain nombre de variables dans chacun des modèles, y compris la tendance temporelle et les variables des prix des supports audio vierges substituts. Toutefois, malgré la suppression de plusieurs variables, la vaste majorité des paramètres restants demeurent statistiquement non significatifs. Même si ce n’était pas le cas, la suppression de variables clés n’accroîtrait pas nécessairement l’exactitude des estimations des paramètres restants. Les résultats présentés semblent nettement indiquer que les modèles n’arrivent pas à démêler correctement l’écheveau des effets des divers facteurs influant sur la demande de chaque type de support audio soumis à la modélisation. [46]

C. L’impact des activités du marché gris

La SCPCP et la CSMA examinent toutes deux les activités du marché gris susceptibles de résulter de l’introduction d’une redevance sur les supports audio vierges au Canada. [47] Grant Thornton reconnaît que les écarts de prix avec les États-Unis pourraient être importants dans le cas des cassettes, et moindres dans le cas des CD-R. Malgré cela, Grant Thornton soumet plusieurs raisons pour lesquelles les activités du marché gris seraient vraisemblablement peu importantes. Notons, parmi celles-ci, la faible valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain, l’absence de circuits de distribution légitimes pour les vendeurs du marché gris, le montant relativement modeste de la redevance par rapport aux dépenses de loisirs d’un ménage moyen, et des indices laissant croire que les consommateurs considèrent généralement la redevance comme «équitable». Des pratiques de commercialisation comme les prix d’appel et le groupement de produits pourraient aider à réduire l’impact de la redevance sur les consommateurs; et un étiquetage de sécurité, par exemple l’inscription sur les produits de la mention «redevance payée», pourrait réduire les activités du marché gris. Enfin, les frais d’expédition et le taux de change éliminent largement l’incitation à importer des CD-R des États-Unis par l’Internet, avec ou sans redevance.

Le professeur Brander ne partage pas ces conclusions. À son avis, de nombreux facteurs contribueraient à accroître les activités du marché gris si la redevance proposée était approuvée. Il existerait de vastes écarts de prix. Les fluctuations du taux de change se répercuteraient, en fin de compte, sur le prix de tous les supports, qu’ils soient achetés sur le marché gris ou par les circuits conventionnels. Il serait relativement facile de ramener des bandes des États-Unis en franchissant la frontière. L’Internet ou des circuits de vente téléphonique offriraient un moyen facile d’acheter des bandes directement de l’étranger. De petites sociétés à numéros à existence éphémère pourraient être établies dans le but d’importer et de distribuer des supports sur le marché gris. Et, facteur plus important encore, des acheteurs commerciaux ayant des besoins à grande échelle pourraient facilement commander en vrac directement des États-Unis.

Plusieurs des témoins de l’industrie de la CSMA croient également que l’introduction de la redevance proposée par la SCPCP entraînerait une importante activité sur le marché gris. Ils admettent que ces activités ne sont pas rares aujourd’hui, même en l’absence de la redevance. Les prix évoluent rapidement, notamment dans le cas des CD-R, de sorte qu’il est difficile de prévoir et de comparer les prix qui pourraient exister au Canada et aux États-Unis une fois la redevance instaurée.

Il existe peu d’éléments fiables au dossier qui puissent aider à estimer raisonnablement l’impact de l’introduction d’une redevance dans ce domaine. La probabilité d’un accroissement des activités du marché gris est directement liée aux écarts de prix entre le Canada et les autres pays, en particulier les États-Unis. De telles activités ont déjà lieu en l’absence d’une redevance.

La Commission est d’avis que la redevance qu’elle établit n’aura pas d’effet sensible sur les activités du marché gris au Canada. Certains prétendent que tout ce qui dépasserait un montant symbolique aura un impact dans un marché caractérisé par de faibles marges bénéficiaires et une demande vraisemblablement très élastique. Mais en contrepartie, il faut tenir compte des obstacles et inconvénients importants qui se posent à quiconque désire importer des supports audio vierges pour son utilisation personnelle. Quant à ceux qui pourraient tenter de vendre au détail des supports du marché gris au Canada, ils sont assujettis à la redevance puisqu’ils importent des supports audio vierges en vue d’en faire le commerce. Il est vraisemblable que la SCPCP réagirait aux activités commerciales du marché gris si elles devenaient importantes.

L’expérience des 19 pays européens ayant instauré des régimes similaires révèle le besoin d’une coopération entre la société de gestion, l’importateur et le détaillant si l’on veut éviter que le régime crée d’importantes distorsions de prix. Les pays qui ont eu le plus de succès ont tenu compte à la fois de l’intérêt des détaillants et de celui des titulaires de droits. Ces régimes peuvent comporter diverses initiatives, par exemple lancer des campagnes de sensibilisation et de promotion auprès du public, offrir une reconnaissance publique à ceux qui font un effort spécial pour s’acquitter de leurs obligations, et s’assurer que les produits de la redevance sont perçus comme bénéfiques à tous les acteurs dans le processus d’édification d’une vigoureuse industrie de la musique.

V. LE MONTANT DE LA REDEVANCE

Afin d’établir le montant de la redevance, la Commission doit se pencher sur la structure du tarif, choisir une méthode d’évaluation et procéder à certains rajustements.

A. La structure du tarif

La SCPCP demande l’établissement d’un tarif sous forme d’un montant fixe par intervalle de 15 minutes. La CSMA préfère un pourcentage du prix de gros.

Un tarif établi sous forme d’un pourcentage du prix de gros serait inéquitable. On s’attend à ce que ces prix baissent considérablement; la valeur de la propriété intellectuelle sous-jacente, quant à elle, ne va pas diminuer. [48]

Par ailleurs, pour la facilité et la simplicité administratives, et pour réduire au minimum le coût de détermination de la redevance à payer, il est préférable de l’établir à un prix donné pour chaque type de support plutôt qu’en termes d’intervalles de 15 minutes. Pour les mêmes raisons, des types différents devraient être établis seulement quand la proportion des supports utilisée pour la copie privée varie de façon importante. Par conséquent, la Commission établit un tarif unique pour toutes les cassettes audio, un pour les CD-R/RW et un pour les CD-R/CD-RW audio et les minidisques.

B. Le modèle d’évaluation

La SCPCP, par l’entremise de MM. Stohn et Audley, a offert le seul modèle d’évaluation complet.

Il n’existe actuellement aucun mécanisme de marché permettant d’établir de façon fiable la valeur de l’utilisation de droits musicaux pour la copie privée. MM. Stohn et Audley ont donc examiné plusieurs indicateurs substitutifs pouvant servir à établir la valeur de la copie privée; il s’agit de situations comparables dans lesquelles un vendeur consentant et un acheteur consentant réalisent des transactions portant sur l’utilisation de musique protégée par le droit d’auteur. La méthode qu’ils préfèrent utilise la rémunération type qui reviendrait aux titulaires dans le cas de CD préenregistrés. Avec cette méthode, l’évaluation peut être faite et documentée avec une exactitude raisonnable. La SCPCP soutient que la rémunération venant de l’achat d’un support préenregistré devrait servir de référence pour la redevance, car la copie privée reproduit exactement le contenu de l’original préenregistré et en est un substitut.

Le professeur Brander ne souscrit pas à cette approche. À son avis, cette méthode reflète le prix qu’un vendeur consentant est prêt à demander pour le droit de copier de la musique, mais non le prix qui aurait cours sur le marché. Selon lui, une copie a une valeur réduite pour le consommateur en raison de son utilité marginale décroissante. Il a mentionné plusieurs approches pouvant servir à évaluer cette perte d’utilité, ou encore à rajuster la redevance calculée selon le modèle de Stohn/Audley.

MM. Stohn et Audley reconnaissent que le prix des droits sous-jacents varie, et diminue dans le cas des circuits de distribution secondaires. C’est pourquoi ils tiennent compte des redevances plus faibles souvent versées pour les clubs de disques et les gammes à prix réduit. Ils reconnaissent également que le prix des droits sous-jacents est inférieur, du moins en ce qui touche les artistes-interprètes et les producteurs, quand une œuvre musicale est enregistrée sur un support de prix inférieur, par exemple sur une cassette analogique comparativement à un CD.

Sous réserve des rajustements indiqués ci-dessous, le cadre général proposé par MM. Stohn et Audley peut raisonnablement servir de point de départ à l’établissement du montant de la redevance. Il a le mérite d’utiliser comme indicateur substitutif le marché se rapprochant certainement le plus du marché visé, et qui se prête lui-même à des fluctuations liées aux conditions commerciales. Il a aussi le mérite d’être le seul modèle complet proposé par les participants.

C. Calcul du montant

Le tableau qui suit résume le calcul du montant de la redevance par la Commission :

TABLE III / TABLEAU III

CALCULATION OF THE LEVY / CALCUL DE LA REDEVANCE

A. Authors’ remuneration / Rémunération des auteurs [mechanical licence royalty per song per top-line CD × average number of songs per CD] / [prix de la licence de reproduction mécanique par chanson par CD haut de gamme × nombre moyen de chansons par CD]

7.1¢ × 13

$0.923

B. Performers’ and makers’ remuneration / Rémunération des artistes-interprètes et producteurs [Top-line CD SLRP × % royalty × discounts] / [PDS d’un CD haut de gamme x % de redevance x réductions]

$19.50 × .18 × (1 Ÿ .363)

$2.23587

C. Total Royalties per top-line CD / Redevances totales par CD haut de gamme [A+B]

$0.923 + $2.23587

$3.15887

D. Eligible authors’ weighted share of all private copies / Part pondérée des copies privées revenant aux auteurs admissibles [(A ÷ C) × % of private copies using eligible authors’ repertoire] / [(A ÷ C) × % des copies privées utilisant le répertoire des auteurs admissibles]

($0.92 ÷ $3.15887) × 96%

27.96%

E. Eligible performers’ weighted share of all private copies / Part pondérée des copies privées revenant aux auteurs-interprètes admissibles [(B ÷ C) × % of private copies using eligible performers’ repertoire ÷ 2] / [(B ÷ C) × % des copies privées utilisant le répertoire des artistes-interprètes admissibles ÷ 2]

($2.23587 ÷ $3.15887) × 28%÷2

9.91%

F. Eligible makers’ weighted share of all private copies / Part pondérée des copies privées revenant aux producteurs admissibles [(B ÷ C) × % of private copies using eligible makers’ repertoire ÷ 2] / [(B ÷ C) × % des copies privées utilisant le répertoire des producteurs admissibles ÷ 2]

($2.23587 ÷ $3.15887) × 23%÷2

8.14%

G. Qualifying repertoire’s weighted share of all private copies / Part pondérée des copies privées attribuable au répertoire admissible [D + E + F]

27.96% + 9.91% + 8.14%

46.01%

H. Imputed remuneration of qualifying repertoire per top-line CD / Rémunération imputée du répertoire admissible par CD haut de gamme [C × G]

$3.15887 × 46.01%

$1.45339

I. Adjusted remuneration (secondary market) / Rémunération rajustée (marché secondaire) [H ÷ 2]

$1.45339 ÷ 2

$0.72670

J. Levy on cassettes / Redevance sur les cassettes [I ÷ 2 × % media purchased by individuals × % of purchases used to private copy (no waste factor)] / [I ÷ 2 × % des supports achetés par des consommateurs × % des achats utilisés pour la copie privée (pas de facteur de perte)]

$0.72670 ÷ 2×.8×.8

$0.233

K. Levy on CD-R Audio, CD-RW Audio, MiniDisc / Redevance sur les CD-R audio, les CD-RW audio et les minidisques [I × % media purchased by individuals × % of purchases used to private copy × (1 Ÿ % waste)] / [I × % des supports achetés par des consommateurs × % des achats utilisés pour la copie privée × (1 Ÿ % de perte)]

$0.72670 × .95 × .95 × (1 Ÿ .075)

$0.608

L. Levy on CD-R, CD-RW / Redevance sur les CD-R et les CD-RW [same as K / meme équation qu’en K]

$0.72670 × .20 × .40 × (1 Ÿ .10)

$0.052

Le modèle que la Commission retient consiste d’abord à estimer la rémunération type moyenne que reçoivent l’ensemble des auteurs, artistes-interprètes et producteurs pour un CD préenregistré haut de gamme [paragraphe 1 ci-dessous]. Ce montant est réduit pour retrancher le répertoire non admissible [2], puis pour tenir compte de la nature du marché de la copie privée [3]. Il est de nouveau rajusté pour s’assurer que la redevance ne tient compte que de la copie privée d’enregistrements sonores; les ventes à d’autres acheteurs que des consommateurs, les utilisations autres que la copie privée et le gaspillage de supports sont retranchés. Un autre rajustement est effectué pour les cassettes audio, afin de tenir compte des différences entre les enregistrements analogiques et numériques [4].

i. Établissement de la rémunération type pour un enregistrement numérique haut de gamme

La première étape consiste à déterminer la rémunération type des auteurs, artistes-interprètes et producteurs pour la vente d’un CD préenregistré haut de gamme.

a. Auteurs

La SCPCP demande que le montant de départ soit de 7,1 ¢ par chanson. C’est le prix auquel les licences de reproduction sont actuellement octroyées. La CSMA suggère de réduire ce montant à 6,1 ¢ pour tenir compte du fait que certaines licences plus anciennes ont peut-être été octroyées à un prix inférieur. La Commission accepte le témoignage de M. Stohn selon lequel même dans ces cas, la pratique de l’industrie est de payer le taux courant. Quoi qu’il en soit, le tarif établi est de nature prospective.

La Commission accepte aussi l’estimation de Stohn/Audley selon laquelle le disque compact moyen contient 13 pièces. Les autres estimations se sont révélées peu convaincantes.

La Commission rejette la proposition de la CSMA de rajuster les redevances des auteurs pour tenir compte des clauses dites de «composition réglementée». Ces clauses sont beaucoup moins fréquentes au Canada qu’aux États-Unis; dans des marchés comme le Québec, elles sont entièrement disparues.

Selon ces déterminations, la rémunération type des auteurs est de 92 ¢ pour un CD haut de gamme [(7,1 × 13)]. [49]

b. Artistes-interprètes et producteurs

MM. Stohn et Audley fondent la rémunération des artistes-interprètes et des producteurs sur un prix de détail suggéré (PDS) de 19,50 $ pour les CD préenregistrés haut de gamme. Rien ne laisse croire que cette estimation n’est pas appropriée.

Selon MM. Stohn et Audley, la redevance payable à l’artiste-interprète qui ne paie pas les coûts de l’enregistrement sonore, même s’il est reconnu qu’elle varie, est généralement de l’ordre de 12 pour cent du PDS. Ce taux est normalement l’objet de réductions additionnelles équivalant à 36,3 pour cent. [50] Dans les cas où l’artiste-interprète paie le coût d’un enregistrement sonore et demande à une maison de disques de se charger de sa confection, de sa distribution et de sa commercialisation, la redevance type est de 50 pour cent plus élevée, soit 18 pour cent.

De l’avis de la Commission, la maison de disques qui verse 18 pour cent à un artiste-interprète agit comme promoteur et distributeur, tandis que l’artiste-interprète est le producteur. Par conséquent, la proportion de 18 pour cent du PDS semble refléter la rémunération à la fois de l’artiste-interprète et du producteur, et sert de base pour le calcul de la redevance. [51]

MM. Stohn et Audley suggèrent d’autres rajustements. Par exemple, ils proposent d’ajouter un montant représentant les coûts de développement et d’administration des maisons de disque, ainsi qu’une marge bénéficiaire. De l’avis de la Commission, ces éléments n’ont pour objet que de gonfler le taux de rémunération.

D’autres rajustements méritent plus d’attention. Par exemple, il semble que les maisons de disques font des versements additionnels à l’AFM au titre des musiciens «de séances d’enregistrement», qui sont clairement des artistes-interprètes. En revanche, la redevance payable à un artiste-interprète englobe généralement la rémunération payable au producteur artistique, qui n’est pas partie prenante à la redevance. La Commission estime que ces facteurs, et peut-être d’autres, s’annulent grosso modo les uns les autres; par conséquent, une part de 18 pour cent du PDS, réduite de 36,3 pour cent, est un juste reflet de ce que les artistes-interprètes et les producteurs reçoivent sur la vente d’un CD préenregistré haut de gamme.

Selon ces déterminations, les artistes-interprètes et les producteurs reçoivent une rémunération type de 2,24 $ pour un CD haut de gamme [19,50 $ × ,18 × (1Ÿ,363)]; l’ensemble des titulaires de droits reçoivent une rémunération type de 3,16 $ [,92 ¢ + 2,24 $].

ii. Rajustement pour tenir compte de l’utilisation du répertoire non admissible

Dans l’étape suivante, on tient compte du répertoire non admissible. Deux éléments entrent en jeu. Le premier, déjà pris en considération, exige l’établissement de la part des copies privées utilisant le répertoire admissible. [52] Le deuxième exige l’établissement de valeurs relatives pour les trois collèges d’ayants droit. Les deux ensembles de chiffres permettent alors de calculer la part pondérée des copies privées qui revient à chaque catégorie [tableau III, lignes D, E et F]. La somme de ces parts représente la part pondérée de toutes les copies privées attribuable à l’ensemble du répertoire admissible [tableau III, ligne G].

Bien que d’autres modes de pondération aient été examinés, la SCPCP et la CSMA conviennent que la façon la plus appropriée de regrouper les valeurs pour les trois catégories de titulaires est de se fonder sur le ratio de la rémunération reçue par album haut de gamme par les auteurs d’une part, et les artistes-interprètes et producteurs d’autre part, puis de répartir également entre ces derniers la part combinée qui leur est attribuable. La Commission souscrit à cette approche. Ainsi, dans le cas d’un enregistrement sonore pour lequel tous les titulaires de droits sont admissibles, les auteurs recevraient 29,2 pour cent [0,92 ÷ 3,16] des redevances, tandis que les artistes-interprètes et les producteurs recevraient des parts égales de 35,4 pour cent [2,24 ÷ 3,16 ÷ 2]. L’application de ces facteurs aux pourcentages représentant le répertoire admissible de chaque collège signifie que globalement, la redevance devrait être fixée à 46 pour cent de ce qu’elle serait si tout le répertoire copié était admissible, c.-à-d. :

(1) 96% of 29.2% =

27.96%

(2) 28% of 35.4% =

9.91%

(3) 23% of 35.4% =

8.14%

Total:

46.01%

(Voir Tableau III, point G)

Selon ces déterminations relatives à l’utilisation du répertoire admissible, les titulaires admissibles représentent en moyenne 1,45 $ du prix d’un CD haut de gamme [3,16 $ × ,46], les auteurs, artistes-interprètes et producteurs non admissibles représentant le reste.

iii. Rajustement de la rémunération pour tenir compte de la nature secondaire du marché

L’étape suivante consiste à rajuster la rémunération en fonction des caractéristiques du marché de la copie privée.

De l’avis de la Commission, s’il y avait un marché libre pour les copies privées, le prix payé pour la propriété intellectuelle sous-jacente serait largement inférieur aux redevances payées pour des enregistrements haut de gamme. Il n’est pas raisonnable de supposer que les consommateurs paieraient autant pour les droits sous-jacents dans le cas de la copie privée d’un CD qu’ils possèdent déjà; à ce propos, la Commission partage l’avis du professeur Brander. Il n’est pas raisonnable, non plus, de supposer que chaque copie privée entraîne la perte d’une vente. La théorie économique nous enseigne qu’en présence de telles conditions du marché, les titulaires de droits réduiraient leurs prix afin de maximiser leurs revenus.

Le marché de l’enregistrement fixe déjà des prix plus bas dans les marchés secondaires comme les clubs de disque et les gammes à prix réduits. Les auteurs obtiennent environ 75 pour cent des redevances perçues sur les enregistrements haut de gamme; les artistes-interprètes et producteurs n’en obtiennent que la moitié. De l’avis de la Commission, les prix obtenus par ces derniers sur les marchés secondaires reflètent davantage ce qui se produirait dans un marché libre pour les copies privées. Cette conclusion est corroborée par les modèles d’évaluation de rechange du professeur Brander. Par conséquent, la valeur du modèle de Stohn/Audley est réduite de moitié pour tenir compte de la nature secondaire du marché de la copie privée.

Selon ces déterminations, la rémunération rajustée de l’ensemble des titulaires admissibles pour une copie numérique privée est de 73 ¢ [1,45 $ ÷ 2].

iv. Autres rajustements

MM. Stohn et Audley, se fondant principalement sur l’étude de marché du Réseau Circum, font d’autres rajustements pour tenir compte de la proportion de supports audio vierges achetés par des consommateurs, ainsi que de la proportion de ces achats servant à faire des copies privées. Ils proposent aussi de tenir compte des différences de prix entre supports numériques et analogiques.

La CSMA souscrit à ces rajustements, ajoutant qu’il faudrait prendre en considération le temps d’enregistrement inutilisé et les supports gaspillés. Elle propose aussi que la Commission se fonde davantage sur les résultats de l’étude de AC Nielsen, bien qu’elle se soit dite en accord avec l’étude de Réseau Circum à d’autres égards.

La formule de la Commission tient compte du pourcentage de supports achetés par des consommateurs, du pourcentage des achats utilisés pour copier de la musique, du pourcentage de perte et de la différence de prix entre supports numériques et analogiques.

a. Rajustement tenant compte de la plus grande capacité et de la réutilisation

Un CD préenregistré type contient entre 50 et 60 minutes de musique et est facilement copié sur une cassette de 60 ou de 90 minutes. Un CD enregistrable type peut contenir jusqu’à 74 minutes de musique. Cela dit, la Commission ne rajuste pas la redevance pour tenir compte de la durée plus longue des supports audio vierges par rapport aux supports préenregistrés. Premièrement, tous les experts conviennent que les consommateurs n’utilisent pas les supports audio vierges à leur pleine capacité quand ils copient de la musique. Le fait de tenir compte de la durée plus longue des supports audio vierges entraînerait la nécessité d’une correction additionnelle au titre de la capacité inutilisée; l’approche de la Commission rend ce rajustement inutile. Deuxièmement, bon nombre de supports audio vierges servent à enregistrer des albums complets plutôt que des compilations personnalisées. C’est vrai en particulier dans le cas des CD-R. Un CD préenregistré complet peut être copié assez aisément sur un autre CD; le regroupement de 13 pistes ou plus provenant de différentes sources sur le disque rigide d’un ordinateur avant de les copier sur un CD prend généralement beaucoup plus de temps et exige une plus grande habileté technique.

MM. Stohn et Audley font valoir que si la capacité inutilisée doit être prise en considération, la réutilisation de supports vierges devrait l’être également. La Commission n’est pas convaincue de cela. La réutilisation du support entraîne l’effacement du contenu existant. La valeur d’une copie temporaire est probablement plus faible que celle d’une copie permanente. Fait plus important encore, les CD-R ne peuvent être réutilisés. [53]

b. Rajustement tenant compte de la part de marché des supports réellement utilisés pour la copie privée et des différences entre les supports analogiques et numériques : le taux final

(i) Cassettes audio

La SCPCP et la CSMA proposent d’établir la redevance applicable aux cassettes audio à partir du taux fixé pour les supports numériques, plutôt que par un calcul séparé. La Commission est d’accord. Dans le marché haut de gamme, les prix de détail et de gros des cassettes préenregistrées sont environ la moitié de ceux des CD. Par conséquent, le point de départ du calcul du taux final visant les cassettes audio devrait être la moitié du point de départ utilisé pour les supports numériques.

MM. Stohn et Audley supposent que toutes les cassettes audio sont achetées par des consommateurs. La CSMA estime que la proportion n’est que de 60 pour cent. Il existe peu d’éléments de preuve pour aider la Commission à cet égard; la vérité se situe probablement quelque part entre ces deux évaluations. Par conséquent, la Commission utilise 80 pour cent dans ses calculs. Dans ce cas comme pour tous les autres types de supports, le dénominateur inclut les ventes à ceux qui pourraient profiter du système d’exonération de la redevance proposé par la SCPCP [54] et aux associations représentant des personnes ayant des déficiences perceptuelles.

Par ailleurs, la SCPCP estime que les consommateurs utilisent 87 pour cent des cassettes qu’ils achètent pour copier des enregistrements sonores. La CSMA estime que cette proportion se situe entre 69 à 76 pour cent. La Commission utilise la valeur intermédiaire de 80 pour cent.

Puisque les cassettes audio sont réutilisables, il n’est pas nécessaire de tenir compte des pertes. Puisque les cassettes audio sont réutilisables, il n’est pas nécessaire de tenir compte des pertes.

En conséquence, la redevance sur les cassettes audio est établie à 23,3 ¢ [73 ÷ 2 × 0,8 × 0,8].

(ii) CD-R audio, CD-RW audio et minidisques

Les CD-R audio, les CD-RW audio et les minidisques, ainsi que le matériel servant à les utiliser, sont commercialisés dans le but unique de copier de la musique, et il est raisonnable de supposer que 95 pour cent de ces supports sont achetés par des consommateurs. Il est également raisonnable de supposer que 95 pour cent de ces achats servent à copier de la musique préenregistrée, le reste servant à copier d’autres types de musique. Enfin, il est vraisemblable qu’un certain pourcentage de ces supports est gaspillé. En l’absence de tout élément factuel sur lequel s’appuyer à cet égard, la Commission estime raisonnable d’appliquer à ce titre un rajustement de 7,5 pour cent.

En conséquence, la redevance pour ces supports est établie à 60,8 ¢ [73 × ,95 × ,95 × (1 Ÿ ,075)].

(iii) CD-R et CD-RW

MM. Stohn et Audley soutiennent que les consommateurs achètent 38 pour cent des CD-R et des CD-RW. La CSMA suggère une proportion se situant quelque part entre 15 et 20 pour cent. Encore une fois, la preuve disponible en cette matière est fragmentaire et, dans une certaine mesure, insatisfaisante. Vingt pour cent semble une estimation raisonnable de la part de ce marché représentée par les consommateurs en ce moment. L’étude du Réseau Circum a produit un échantillon de taille si faible de répondants qui utilisaient de l’équipement numérique à des fins de copie privée que ses résultats, dans ce domaine, ne sont pas fiables.

MM. Stohn et Audley soutiennent ensuite que 54 pour cent des CD-R et des CD-RW achetés par des consommateurs servent à copier de la musique. La CSMA soumet un chiffre beaucoup plus faible de 18 pour cent; elle retranche les supports audio vierges qui ont été achetés mais non encore utilisés. Il n’est pas raisonnable de supposer qu’aucun de ces supports ne servira à copier de la musique. Par ailleurs, ces supports sont très souvent utilisés pour des fonctions comme la sauvegarde de données et d’applications logicielles, l’enregistrement de documents volumineux et le stockage de photographies. De l’avis de la Commission, sur la base du peu d’information disponible, les consommateurs utilisent 40 pour cent des CD-R et des CD-RW qu’ils achètent pour copier des enregistrements sonores.

Il semble plus aisé de gaspiller un CD-R qu’un CD-R audio, un CD-RW audio ou un minidisque; la Commission accorde donc 10 pour cent au titre de la perte.

En conséquence, la redevance sur ces supports est établie à 5,2 ¢ [73 × ,20 × ,40 × (1 Ÿ ,10)].

Si les chiffres de ventes projetées qui figurent au tableau II se révèlent exacts, la redevance générera environ 8,85 millions de dollars en 2000. Ce chiffre ne tient pas compte de l’impact de toute activité du marché gris ni du système proposé d’exonération de la redevance.

VI. AUTRES QUESTIONS

A. Désignation de l’organisme de perception

Vu l’absence de débat sur cette question, la SCPCP est désignée à titre d’organisme de perception aux fins du tarif pour la copie privée conformément à l’alinéa 83(8)d) de la Loi.

B. Répartition de la redevance entre les sociétés de gestion

L’article 84 de la Loi énonce que l’organisme de perception doit répartir les redevances entre les sociétés de gestion qui représentent les auteurs, artistes-interprètes et producteurs admissibles selon la proportion fixée par la Commission. La SCPCP s’est bornée à déposer un accord que ses sociétés membres ont conclu à ce sujet, demandant que le tarif soit fondé sur l’accord.

La Commission ne voit aucune raison d’agir de cette façon. La formule utilisée pour fixer le montant de la redevance est le reflet logique de l’évaluation des trois répertoires, tirée, en définitive, du modèle soumis par les experts de la SCPCP. Il n’est que raisonnable que ceci se traduise dans la répartition des redevances. Les sociétés demeurent libres d’en convenir autrement.

Étant donné la façon dont la SCPCP a procédé, il a été impossible de répartir les redevances entre les sociétés représentant une partie d’un groupe donné de titulaires. Par conséquent, le tarif répartit les parts revenant à chaque groupe d’une façon globale.

Le pourcentage applicable à chaque collège correspond à la part de toutes les copies privées attribuables à ce groupe [tableau III, lignes D à F] par rapport au rajustement pondéré du répertoire admissible [tableau III, ligne G]. Les auteurs donc ont droit à 60,8 pour cent [27,96 ÷ 46,01] de la redevance, les artistes-interprètes, à 21,5 pour cent [9,91 ÷ 46,01], et les producteurs, à 17,7 pour cent [8,14 ÷ 46,01].

C. Libellé du tarif

Le libellé du tarif appelle les seuls commentaires suivants.

i. Titre

Le titre indique la fonction réelle du tarif. Il ne s’agit pas d’un tarif «afférent à» la copie privée (ce qui pourrait sous-entendre que les supports non utilisés à cette fin ne sont pas assujettis à la redevance), mais plutôt d’un tarif «pour» la copie privée, comme l’indique l’article 81.

ii. Notes

Trois notes précèdent le tarif et fournissent des renseignements qui ne peuvent pas vraiment figurer dans le tarif lui-même. La Commission estime qu’il convient de présenter ces renseignements au début du tarif afin que celui-ci ne soit jamais distribué sans ces données.

La note 1 reprend les articles 82 et 86, qui énoncent essentiellement la responsabilité des payeurs, dans un langage peut-être plus facile à comprendre pour le lecteur moyen. Les notes 2 et 3 concernent les engagements de la SCPCP qui débordent le cadre du tarif proprement dit.

iii. Définition de «support audio vierge»

L’expression est définie dans la Loi et la Commission ne peut donc la modifier. Cependant, la Commission a tenté d’intégrer dans le tarif une forme de définition qui informe le lecteur tout en tenant compte de l’évolution du marché.

Il n’est pas nécessaire d’inclure la définition de «support audio» dans le tarif; c’est pourquoi cette notion est englobée dans la définition de l’expression «support audio vierge». Les supports visés par le tarif sont énumérés de façon explicite mais la définition demeure ouverte.

La définition permet également de tenir compte des désignations faites par le Cabinet. On ne pourra donc soutenir en pareil cas qu’il faut modifier le tarif pour tenir compte des supports concernés. Une note en bas de page informe le lecteur qu’aucune déclaration n’a été faite jusqu’à maintenant.

iv. Supports exempts

Le paragraphe 3(2) reprend les dispositions de la Loi indiquant quelles sont les ventes ne donnant pas lieu à la redevance. Même si elle n’est pas vraiment nécessaire, cette précision permet au lecteur de savoir rapidement quels sont les supports pouvant être vendus sans qu’il soit nécessaire de tenir compte de la redevance.

v. Dispositions administratives

Par souci d’uniformité, la Commission a retenu la formulation utilisée dans les tarifs sur les droits voisins et d’autres tarifs pertinents plutôt que celle que les participants ont proposée.

La Commission a opté pour des rapports et paiements aux deux mois, tout en permettant à ceux qui versent des paiements relativement minimes de déposer des rapports aux six mois. La Commission souhaite que cette décision concilie la nécessité d’assurer des paiements en temps opportun avec la possibilité d’atténuer le fardeau des petits fabricants et importateurs en ce qui a trait à la présentation des rapports.

Comme c’est le cas pour les autres tarifs homologués par la Commission, les fabricants et importateurs paieront les coûts de vérification si les redevances ont été sous-estimées de plus de dix pour cent. Cela dit, de façon à permettre aux fabricants et importateurs de s’adapter au nouveau tarif, ce seuil sera porté à vingt pour cent pour les deux périodes comptables de l’an 2000.

vi. Période d’effet du tarif

Selon l’article 53 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, le premier tarif que la Commission homologue doit être en vigueur pendant les années 1999 et 2000.

Toutefois, dans une lettre adressée à la Commission ainsi que dans un communiqué de presse, tous deux datés du 18 janvier 1999, les membres de la SCPCP ont fait savoir qu’ils reporteraient la perception de la redevance jusqu’à la décision de la Commission au sujet de la redevance proposée ou jusqu’au 31 décembre 1999, si cette date est antérieure. Ce faisant, les sociétés ont répondu aux pressions croissants provenant du public ainsi qu’à l’incertitude entourant l’application rétroactive du tarif. La Commission a jugé opportun de mentionner cet engagement dans la note précédant le tarif afin d’attirer l’attention des lecteurs à ce sujet.

D. Le système d’exonération de la redevance

La Commission ne peut protéger des conséquences de la redevance ceux qui ne font pas de copie privée. La seule exception est énoncée à l’article 86 de la Loi, lequel prévoit qu’aucune redevance n’est payable dans le cas des ventes aux associations représentant des personnes ayant une déficience perceptuelle. Compte tenu des principes d’interprétation législative, la Commission doit en arriver à la conclusion qu’elle ne peut créer d’autres exceptions.

De plus, on ne saurait sérieusement prétendre que les institutions ou les entreprises sont exonérées de la redevance. La redevance vise les supports et non les personnes. Elle est payée par les fabricants et les importateurs, qui peuvent ensuite l’intégrer dans leurs prix comme bon leur semble.

Afin d’atténuer les effets de la redevance pour certains groupes, la SCPCP a proposé de conclure des accords autorisant la vente en franchise de la redevance à certaines catégories d’utilisateurs. La proposition de la SCPCP a été longuement débattue. Étant donné que la Commission ne peut créer d’exemptions, il ne convient pas d’utiliser le tarif pour instaurer pareil système. Encore une fois, il n’a pas été tenu compte de cette proposition pour l’établissement de la redevance. Les supports pouvant bénéficier de ce système ont été traités comme si la redevance serait perçue sur leur vente. Par conséquent, point n’est besoin de commenter le bien-fondé de la proposition subsidiaire de Bluebird Events.

Cela dit, l’existence ou l’absence d’un mécanisme accommodant certains utilisateurs confrontés aux conséquences du régime, même si ce ne sont pas eux qui l’ont rendu nécessaire, pourrait bien avoir des répercussions sur le montant qui constitue un taux raisonnable. Ainsi, il se pourrait qu’un taux élevé au point de menacer les liens entre un fabricant et les grandes institutions avec lesquelles il fait affaires soit foncièrement déraisonnable, indépendamment de la valeur de l’élément de propriété intellectuelle sous-jacent, à moins que la SCPCP ne trouve une façon d’accommoder le fabricant pour lui permettre de maintenir ce lien. Heureusement, la Commission estime que vu le niveau des taux fixés dans la présente décision, il n’est pas nécessaire de les examiner sous cet angle, du moins pour l’instant.

Le régime proposé par la SCPCP et les révisions s’y rapportant sont des faits qui doivent être portés à l’attention des fabricants, des importateurs et des utilisateurs de supports. C’est la raison pour laquelle on en parle dans les notes précédant le tarif.

Le secrétaire de la Commission,

Signature

Claude Majeau



[1] L.R.C. 1985, ch. C-42, modifié.

[2] Projet de loi C-32, maintenant Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, L.C. 1997, ch. 24, art. 50, 53; Décret fixant les dates d’entrée en vigueur de certains articles de la Loi [sur le droit d’auteur], C.P. 1998-365, 12 mars 1998, Gazette du Canada, partie II, Vol. 132, no 7, page 1149. La partie VIII était l’un des principaux éléments de la phase II de la réforme de la Loi qui était attendue depuis longtemps.

[3] La copie privée n’a jamais constitué une utilisation équitable au sens de la Loi. Ceux qui soutiennent le contraire confondent les notions canadienne d’utilisation équitable et américaine d’exploitation équitable. Au Canada, l’utilisation équitable constitue un moyen de défense à l’allégation de violation du droit d’auteur. Ce moyen peut être invoqué lorsqu’une œuvre protégée est utilisée de façon équitable pour des fins de recherche, d’étude privée, de critique, de compte rendu ou de communication de nouvelles. La copie d’une œuvre musicale à toute autre fin viole le droit de reproduction du titulaire du droit d’auteur. De plus, aucune exception ne devrait être présumée lorsqu’elle n’est pas indiquée clairement dans la Loi : Cie générale des Établissements Michelin - Michelin & Cie c. T.C.A. - Canada (1996), 71 C.P.R. (3d) 348 (C.F. 1re inst.), page 379. Par conséquent, aucune exemption implicite n’existe au profit des personnes qui copient une œuvre musicale pour l’écouter dans leur véhicule ou pendant qu’elles font du jogging.

Il n’est donc pas nécessaire de se demander si la reproduction d’une œuvre complète peut constituer une utilisation équitable : voir Allen c. Toronto Star Newspapers Ltd. (1997), 36 O.R. (3d) 201 (C. div.); Zamacoïs c. Douville, [1944] R.C.É. 208, contra.

[4] L’article 80 n’a pas pour effet de légaliser a) les copies faites pour l’usage d’une personne autre que la personne qui fait la copie; et b) les copies d’un enregistrement autre qu’un enregistrement sonore d’œuvres musicales. Il permet par contre à une personne de faire une copie personnelle d’un enregistrement appartenant à une autre personne.

[5] Une déclaration devrait cibler les pays accordant aux artistes-interprètes et producteurs canadiens une réciprocité matérielle en ce qui a trait à la copie privée d’enregistrements sonores. Aucune déclaration n’a été faite à ce jour.

[6] Cette règle est expliquée plus loin : voir III.A.1., infra (texte correspondant à la note 31).

[7] Evangelical Fellowship of Canada c. Canadian Musical Reproduction Rights Agency (C.A.), 18 août 1999, [1999] J.C.F. no 1391, no de greffe A-371 (le juge Rothstein, J.C.A.).

[8] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (L.R.C. 1985, annexe A II, no 44), soit l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).

[9] Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, par. 20 (le juge en chef Lamer), par. 55 et 56 (le juge La Forest); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (jugement non publié en date du 9 juillet 1999, C.S.C.), par. 53.

[10] Cooper; Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570; Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [1991] 2 R.C.S. 5; Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1991] 2 R.C.S. 22.

[11] Cuddy Chicks, page 14e; Cooper, par. 46.

[12] Réseau de télévision CTV Ltée c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1993] 2 C.F. 115 (C.A.); FWS Joint Sports Claimants c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1992] 1 C.F. 487 (C.A.).

[13] Ainsi, dans l’arrêt FWS Joint Sports Claimants, supra, note 12, la Cour a statué que la Commission avait tranché correctement un certain nombre de questions de cette nature, notamment celle de savoir s’il existe un droit d’auteur à l’égard de la compilation de programmes de télévision qui font eux-mêmes l’objet d’un droit d’auteur en faveur d’une tierce partie, la question de savoir s’il existe un droit d’auteur afférent à la présentation d’un match sportif, la question de savoir qui est le premier titulaire des droits afférents à la radiodiffusion d’un match et quelles sont les circonstances dans lesquelles il est possible d’admettre une preuve extrinsèque pour interpréter ou contredire les termes d’un contrat.

[14] Australian Tape Manufacturers Association Ltd. and Others c. Commonwealth of Australia, [1993] 112 A.L.R. 53 (H.C.).

[15] Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority (jugement non publié en date du 10 septembre 1999, C.S.C.).

[16] Ibid., par. 30, 43, 44.

[17] Alinéa 83(8)d) de la Loi.

[18] Massey-Ferguson Industries Ltd. c. Saskatchewan (Ministre de l’Agriculture), [1981] 2 R.C.S. 413, page 432.

[19] Le fait que, du point de vue juridique, les fabricants n’ont pas autorisé la copie privée au sens de la Loi n’est pas pertinent en ce qui a trait à la question de savoir s’ils ont tiré profit de la reproduction illégale d’enregistrements sonores.

[20] Supra, note 18, page 432.

[21] Ibid.

[22] Australian Tape Manufacturers Association, supra, note 14, page 58 (où la Cour a cité l’arrêt Air Caledonie International c. Commonwealth (1988), CLR 462, page 467), pages 60-62.

[23] R. c. Edward Books & Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713.

[24] Id., page 759.

[25] 1 200 $ sur un montant de 2 700 000 $ : transcriptions, page 3069.

[26] Environ 47 $ sur un montant de plus de 360 000 $ : pièces FEL Church-3, pages 7-36, FEL Church-5, pages 9-6.

[27] Andrews c. Law Society of B.C., [1989] 1 R.C.S. 143, page 174.

[28] Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513.

[29] Ibid.

[30] C’est vrai même dans le cas des titulaires dits orphelins : le paragraphe 83(11) de la Loi ne s’applique pas lorsque aucun tarif homologué n’est en vigueur.

[31] Voici le libellé de cette disposition : «Les auteurs, artistes-interprètes et producteurs admissibles qui ne sont pas représentés par une société de gestion peuvent, aux mêmes conditions que ceux qui le sont, réclamer la rémunération visée à l’article 81 auprès de la société de gestion désignée par la Commission, d’office ou sur demande, si pendant la période où une telle rémunération est payable, un tarif homologué s’applique à leur type d’œuvre musicale, de prestation d’une œuvre musicale ou d’enregistrement sonore constitué d’une œuvre musicale ou d’une prestation d’une œuvre musicale, selon le cas.»

[32] Pièce CPCC-22.

[33] R. c. Johnny (1983), 149 D.L.R. (3d) 710, page 714 (C.A. C.-B.).

[34] Voir, p. ex., Black’s Law Dictionary, 5è éd. (regular; usual; normal; common; often recurring; exercised by, or characteristic of, the normal or average individual); Oxford English Dictionary, 2e éd. (As a matter of regular practice or occurrence. In the ordinary or usual course of events or state of things; in most cases, usually, commonly); Dictionary of Canadian Law (qui définit l’usage habituel comme un usage courant, normal, régulier ou usuel dans la vie de tous les jours).

Selon les dictionnaires français, le mot «habituel» signifie «qui tient de l’habitude par sa régularité» ou encore «normal» ou «très fréquent».

[35] Voir, p. ex., Thomson c. M.N.R., [1946] 1 D.L.R. 689 (C.S.C.).

[36] Verrier c. Ministre du Revenu national (1988), 23 F.T.R. 217, par. 6.

[37] Voir, p. ex., Bailey c. Bailey, [1992] O.J. 967 (Div. gén.).

[38] Côté, P.-A., Interprétation des lois, 2e éd. (Cowansville, Yvon Blais, 1990), page 234; Sullivan, R., Driedger on the Interpretation of Statutes, 3e éd. (Toronto, Butterworths, 1994), page 131.

[39] R. c. Johnny, supra, note 33.

[40] Il ne serait pas étonnant que, suite à la présente décision, une cassette de durée plus courte soit désormais utilisée pour une partie des usages non visés par le tarif. Ainsi, M. Bruce Clemenger, directeur des affaires nationales, The Evangelical Fellowship of Canada, a souligné que la durée d’une homélie varie habituellement de 30 à 40 minutes : transcriptions, page 3039.

[41] CD-R désigne les disques compacts enregistrables, sur lesquels il est possible d’enregistrer une seule fois. CR-RW désigne les disques compacts réenregistrables, sur lesquels il est possible d’enregistrer plusieurs fois. La gamme de produits «audio» a été créée au moins en partie pour répondre aux exigences légales américaines. Ces produits sont codés de façon à être reconnus comme des produits audio s’ils sont lus sur un équipement d’enregistrement audionumérique et peuvent ne pas être lus par tous les lecteurs CD-ROM, mais sont par ailleurs technologiquement identiques à leurs équivalents non audio.

[42] Il se pourrait aussi que la vente de la technologie des CD-R audio ne prenne jamais son envol au Canada. La loi canadienne n’exige pas l’installation de mécanismes de protection contre la copie sur l’équipement d’enregistrement audionumérique.

[43] Transcriptions, pages 1618 à 1639; pièce CSMA-8, chiffres majorés d’un peu plus de 10 pour cent pour tenir compte des ventes d’entreprises non incluses dans les données de l’étude ITA/IRMA menée auprès de l’industrie, qui sont fournies dans cette pièce : voir les pièces CSMA-37 et CPCC-23 (annexe 4).

[44] Les estimations pour 1999 et 2000 sont fondées sur le témoignage des témoins de la CSMA et la preuve déposée. En l’absence de toute valeur fiable d’élasticité par rapport aux prix, les estimations font abstraction de tout impact que la redevance pourrait avoir sur les ventes.

Les ventes futures de CD-R et de CD-RW sont très difficiles à prévoir. On s’attend à ce qu’elles croissent rapidement et à ce que ces produits deviennent les supports dominants. Compte tenu du stade précoce de développement du marché, il n’est pas surprenant d’observer d’énormes variations dans les prévisions. La Commission accepte l’estimation du groupe de témoins de l’industrie de la CSMA selon laquelle environ 21 millions de CD-R, y compris un nombre relativement peu élevé de CD-RW, ont été vendus au Canada en 1998, et malgré les prévisions moins optimistes du groupe de témoins, la Commission s’attend à ce qu’une croissance importante survienne en 1999, avec des ventes de CD-R et de CD-RW qui dépasseront 45 millions, et qui doubleront ensuite à 88 millions en 2000.

[45] Pièce Board-2.

[46] C’est-à-dire à déterminer avec exactitude l’effet prix propre, l’effet prix croisé et l’effet de diffusion par rapport à d’autres effets.

[47] Pour les fins de la présente décision, les ventes du marché gris sont les ventes au Canada de supports audio vierges substituables échappant à la redevance. Un marché gris est un marché légal qui est créé par l’importation de biens venant de l’étranger. Généralement, ces biens se vendent à moindre prix que ceux du marché intérieur, même après le paiement des droits de douane.

[48] Le professeur Brander a reconnu cette lacune durant son témoignage : transcriptions, page 2934.

[49] Dans l’exposé des présents motifs, les chiffres sont arrondis au cent le plus proche. Aucun arrondissement n’a été fait dans le calcul du montant réel de la redevance. Voir le tableau III.

[50] Ces réductions sont la «déduction du contenant» et l’allocation pour «produits gratuits». La redevance réduite résultante est parfois appelée, en anglais, «penny rate».

[51] La CSMA a réclamé un rajustement tenant compte de la variation des taux de redevance types pour les artistes associés à des étiquettes indépendantes, aux grandes étiquettes canadiennes ou aux étiquettes québécoises. La Commission estime que le taux rajusté de 18 pour cent tient déjà compte de ce facteur.

[52] Voir la partie III.B, supra.

[53] Les ventes de CD-RW, qui sont des supports réutilisables, sont si faibles qu’elles n’influent pas sur cette conclusion.

[54] Voir la partie VI.D, infra.

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