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Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2004-03-26

Référence

Dossier : Exécution publique d’œuvres musicales

Régime

Exécution publique d’œuvres musicales

Loi sur le droit d’auteur, article 67.1 et suivants

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

Me Sylvie Charron

Me Brigitte Doucet

Projets de tarif examines

QUESTION DE COMPÉTENCE

Tarif des redevances à percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé son projet de tarif nº 4 (Exécution par des interprètes en personne dans des salles de concert ou d’autres lieux de divertissement) pour l’année 2003 (le «tarif concerts 2003») en vertu de l’article 67.1 de la Loi sur le droit d’auteur (la «Loi»). Ce tarif a été dûment publié par la Commission du droit d’auteur (la «Commission») dans le Supplément de la Gazette du Canada, Partie I, daté du 11 mai 2002.

Le tarif concerts 2003 prévoit le paiement de redevances «pour une licence permettant l’exécution en tout temps et aussi souvent que désiré en 2003, de l’une ou de la totalité des œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN...» lors de concerts de musique populaire ou de musique classique.

Maple Leaf Sports & Entertainment Ltd. (MLSE), qui exploite un site (le Centre Air Canada de Toronto) parfois utilisé pour des concerts, s’est opposé au tarif concerts 2003 en vertu du paragraphe 67.1(5) de la Loi. L’opposition est fondée sur divers motifs, notamment la question de la compétence de la Commission à l’égard du droit d’autorisation. Cette opposition est formulée comme suit :

«[TRADUCTION] La Commission du droit d’auteur n’a pas compétence en vertu du paragraphe 68(3) de la Loi pour homologuer un tarif visant le droit d’autorisation. La compétence de la Commission est limitée à un tarif applicable uniquement au droit d’exécution publique ou de communication au public.»

Ce motif d’opposition soulève une question de droit, soit le défaut de compétence allégué à l’égard de l’homologation d’un tarif visant le droit d’autoriser l’exécution publique ou la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales. La SOCAN et MLSE ont convenu, et la Commission a ordonné, que la question de la compétence soit examinée à titre de question préliminaire avant l’audience complète relative au tarif concerts 2003. L’audience sur cette question s’est tenue le 19 juin 2003.

II. LE CADRE LÉGAL

Le paragraphe 3(1) de la Loi énumère les droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur. Les extraits pertinents prévoient :

«3. (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif... d’en exécuter... la totalité ou une partie importante en public... ; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

[...]

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre [...];

[...]

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.»

Par conséquent, en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi, les droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur comprennent le droit d’exécuter en public une œuvre musicale (le «droit d’exécution publique»), le droit de la communiquer au public par télécommunication (le «droit de communication») et le droit d’autoriser ces actes (le «droit d’autorisation»).

Les extraits pertinents de la définition de «société de gestion», telle que la SOCAN, se trouvent à l’article 2 de la Loi et prévoient :

«société... autorisée... à se livrer à la gestion collective du droit d’auteur... pour l’exercice des activités suivantes :

a) l’administration d’un système d’octroi de licences portant sur un répertoire d’œuvres... en vertu duquel elle établit les catégories d’utilisation qu’elle autorise au titre de la présente loi ainsi que les redevances et modalités afférentes; ...»

Dans les dispositions générales applicables à son projet de tarifs pour l’année 2003, la SOCAN inclut le paragraphe suivant :

«Dans les présents tarifs, «licence», «licence permettant l’exécution» et «licence permettant la communication au public par télécommunication» signifient, selon le contexte, une licence d’exécution en public ou de communication au public par télécommunication ou une licence permettant d’autoriser une tierce partie à exécuter en public ou à communiquer au public par télécommunication.» (Non souligné dans l’original)

Les articles 67 à 68.2 de la Loi traitent de la gestion collective du droit d’exécution publique et de communication des œuvres musicales. Dans ses observations écrites, MLSE désigne ce régime par l’expression [TRADUCTION] «régime statutaire», alors que la SOCAN parle du [TRADUCTION] «régime SOCAN». Cette dernière expression est la plus appropriée étant donné qu’elle est d’usage courant. Les extraits pertinents de l’article 67 décrivent les sociétés assujetties au régime SOCAN de la manière suivante :

«67. Les sociétés de gestion chargées d’octroyer des licences ou de percevoir des redevances pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication... d’œuvres musicales...»

Le paragraphe 67.1(1) prévoit ensuite : «Les sociétés visées à l’article 67 sont tenues de déposer auprès de la Commission, ... un projet de tarif...»

Le paragraphe 67.1(4) sanctionne le défaut de déposer un projet de tarif en ces termes : «Le non-dépôt du projet empêche... l’exercice de quelque recours pour violation du droit d’exécution en public ou de communication au public par télécommunication visé à l’article 3...»

On notera dès le départ que les articles 67 à 68.2 de la Loi ne mentionnent pas le droit d’autorisation. [1] Par opposition, les articles 70.1 et suivants, qui visent la gestion collective du droit d’auteur en général (le «régime général»), traitent de l’autorisation d’accomplir un acte protégé. Les extraits pertinents de l’article 70.1 prévoient :

«70.1 Les articles 70.11 à 70.6 s’appliquent dans le cas des sociétés de gestion chargées d’octroyer des licences établissant :

a) à l’égard d’un répertoire d’œuvres... , les catégories d’utilisation à l’égard desquelles l’accomplissement de tout acte mentionné à l’article 3 est autorisé...». [2]

MLSE et la SOCAN conviennent que le droit d’autoriser un acte protégé est distinct du droit d’accomplir cet acte. Chaque droit peut être cédé séparément. Chacun donne lieu à une cause d’action distincte.

MLSE soutient que, comme les dispositions de la Loi traitant du régime SOCAN ne mentionnent pas expressément le droit d’autorisation, la Commission n’est pas compétente à l’égard de l’homologation d’un projet de tarif visant ce droit que la SOCAN chercherait à déposer en vertu de ce régime.

De son côté, la SOCAN fait valoir que l’octroi de licences (l’activité à laquelle elle se livre en vertu du régime SOCAN) est fondamentalement l’octroi d’autorisations d’exécuter ou de communiquer des œuvres musicales et que le droit d’autorisation est donc compris, de manière implicite, dans la portée de ces dispositions. Cet argument est résumé au paragraphe 7 des observations écrites de la SOCAN :

«[TRADUCTION] 7. Au cœur de la gestion collective du droit d’auteur s’inscrit la notion que l’entité chargée de la gestion collective au nom des titulaires de droit d’auteur autorise des tierces parties à exploiter les droits relatifs au droit d’auteur. S’agissant de la SOCAN, ces droits comprennent l’exécution en public, la communication au public par télécommunication et l’autorisation de ces actes. Sauf pour le droit d’autorisation, la société de gestion collective n’exerce pas elle-même les deux autres droits exclusifs : elle ne se livre pas à l’exécution en public ni à la communication au public. Le seul objet de l’entité chargée de la gestion collective est de permettre à des tierces parties (autoriser des tierces parties) d’utiliser ce droit (d’exécuter en public) et de produire de ce fait des redevances au profit des titulaires au nom desquels s’effectue la gestion de ces droits. En fait, la SOCAN n’aurait aucunement besoin de tarifs si elle exécutait en public les œuvres de son répertoire. Ce n’est qu’au moment où la SOCAN, à titre de société de gestion collective, donne l’autorisation (octroie des licences) à des membres du public en vue de l’exécution ou de la communication de ses œuvres musicales que les tarifs sont applicables.» (Souligné par la SOCAN)

Avant d’entreprendre l’analyse des positions respectives des parties, il est utile d’examiner brièvement l’historique de la réglementation de la gestion collective du droit d’auteur pour mieux comprendre l’interprétation correcte des parties pertinentes de la Loi.

III. L’HISTORIQUE DE LA RÉGLEMENTATION DE LA GESTION COLLECTIVE

La création de la première société de gestion, la Canadian Performing Rights Society (CPRS), remonte à 1925. Le droit de contrôler l’exécution en public des œuvres musicales n’a pas été réglementé avant 1931. À partir de ce moment, dans le cas où le ministre responsable de l’application de la Loi estimait que la société agissait à l’encontre de l’intérêt public, il avait le pouvoir d’ordonner une enquête sur les activités de la CPRS. Il a d’ailleurs pris cette mesure à la suite de plaintes de certains utilisateurs. À partir de 1936, les sociétés n’ont pu intenter d’actions pour violation du droit d’exécution sauf s’il existait un tarif homologué par la Commission d’appel du droit d’auteur (devenue en 1989 la Commission du droit d’auteur) ou avec l’autorisation du ministre responsable de l’application de la Loi. Telle a été la genèse du régime SOCAN.

En 1989 et en 1997, le législateur a ajouté d’autres régimes de réglementation à la Loi. Il en existe actuellement quatre, tous administrés par la Commission. Le premier, le régime SOCAN [3] , régit l’exécution en public ou la communication au public d’œuvres musicales ainsi que le droit à rémunération pour l’exécution ou la communication d’enregistrements sonores, soit les droits voisins. Ce régime est assujetti au dépôt obligatoire de tarifs. Le deuxième vise la retransmission d’œuvres par signal de radio ou de télévision, [4] assujetti à un régime de licence obligatoire faisant nécessairement intervenir une ou plusieurs sociétés de gestion; la Loi empêche les titulaires d’exercer eux-mêmes leurs droits. Le régime s’applique maintenant aussi à la reproduction d’émissions et à l’exécution publique de l’exemplaire reproduit par des établissements d’enseignement. Par le troisième régime, le législateur a autorisé la copie pour usage privé d’enregistrements sonores [5] et soumis les supports audio vierges à une redevance, établie selon un régime très semblable au régime de retransmission. Enfin, toutes les autres sociétés de gestion qui administrent l’octroi de licences sont assujetties au régime général. [6] Ces sociétés ont le choix de conclure des ententes avec les utilisateurs individuels ou de déposer des projets de tarifs auprès de la Commission. Dans le premier scénario, la Commission intervient sur demande, dans le cas où une société et un utilisateur n’arrivent pas à s’entendre sur les redevances ou sur les conditions d’une licence. Dans le second, le processus d’examen et d’homologation de ces tarifs est identique à celui des régimes particuliers. Le tarif homologué est exécutoire à l’égard de tous les utilisateurs; toutefois, les ententes ont préséance.

IV. ANALYSE

C’est un principe bien établi d’interprétation des lois qu’il faut toujours avoir à l’esprit le but manifeste de la législation. Dans l’arrêt Jodrey (Succession) c. NÉ (Min. des Finances), [7] le juge Dickson écrit :

«La bonne méthode, applicable à l’interprétation des lois en général, est d’interpréter la loi en tenant compte de son objet et de son but et de lui donner l’interprétation qui permettra au mieux de les atteindre.»

Plus récemment, le juge Iacobucci dans l’arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex et al., [8] adopte la formulation de la règle que donne Driedger :

«[TRADUCTION] Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur.» [9]

L’objet des articles 67 à 68.2 de la Loi est de créer un moyen par lequel une société de gestion, en l’occurrence la SOCAN, est autorisée à percevoir des utilisateurs d’œuvres protégées par un droit d’auteur, au profit des personnes qui ont des droits sur ces œuvres, des redevances fixées par un tarif homologué par la Commission. Comme le droit d’autorisation est compris dans les droits que gère la SOCAN, il pourrait en toute logique être visé dans les projets de tarifs qu’elle dépose en vertu de l’article 67.1 de la Loi.

Ce n’est pas la première fois que la Commission est saisie de la question du droit d’autorisation. Dans la décision Tarif des droits à percevoir par la SOCAN, Exécution publique d’œuvres musicales 1996, 1997, 1998 (Tarif 22, Internet), [10] la Commission s’est penchée sur la question de savoir si la SOCAN gère, outre le droit de communication au public, le droit d’autoriser la communication au public et elle a conclu par l’affirmative.

La Commission maintient son opinion et considère toujours que «de par la logique interne de la Loi, le droit d’autoriser un acte assujetti au régime SOCAN est lui-même assujetti à ce régime. Toute autre interprétation permettrait à une société de gestion du droit d’exécution de contourner la loi et de priver les utilisateurs de la protection que leur offrent ces exigences d’origine législative». [11] Néanmoins, par souci d’exhaustivité, la Commission analysera en détail la question de l’autorisation.

D’entrée de jeu, on semble avoir tendance à confondre le droit d’autorisation avec quelque chose d’autre. Cette confusion naît du fait que le verbe «autoriser» possède au moins deux sens dans la Loi. Le premier, qui se trouve par exemple dans la définition de «société de gestion», implique l’octroi d’une permission. Le second, qui figure notamment au paragraphe 3(1) de la Loi, vise une façon protégée d’utiliser l’œuvre, un acte pour lequel une permission peut être accordée. Par exemple, si le titulaire d’un droit d’auteur confère une licence à un promoteur pour qu’un groupe musical exécute les chansons du titulaire, il accorde la permission d’autoriser (acte faisant l’objet d’une protection en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi) le groupe à effectuer cette prestation. Par ailleurs, si le même titulaire octroie directement une licence au groupe musical, c’est alors une permission d’exécution (acte faisant également l’objet d’une protection en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi) qui est accordée. [12] Chacun des deux exemples donnés implique l’octroi d’une permission, mais seul le premier met en cause le droit d’autoriser au sens où l’entend le paragraphe 3(1) de la Loi.

Il est généralement reconnu que tous les actes protégés au paragraphe 3(1) sont distincts, y compris le droit d’autoriser. Bien qu’il ait sa propre existence, le droit d’autoriser est, selon la Commission, de nature différente puisqu’il est directement lié à l’acte qui est autorisé. En effet, le droit d’autorisation existe uniquement si l’acte qu’on autorise est lui-même un acte protégé. Par exemple, le droit d’exécution publique peut exister sans que le droit de communication soit protégé, mais le droit d’autoriser une communication ne peut exister si le droit de communication ne l’est pas.

MLSE soutient qu’en raison de la nature distincte de ces droits et des dispositions pertinentes du régime SOCAN, la compétence de la Commission en vertu du paragraphe 68(3) ne s’étend pas à l’homologation de tarifs déposés en application du paragraphe 67.1(1) et visant le droit d’autorisation. Si la Commission disposait de cette compétence, ce serait en vertu du paragraphe 70.13(1).

Ce point de vue est erroné. Sauf le régime général, les régimes de la Loi qui régissent la gestion collective ne mentionnent pas le droit d’autorisation. Le législateur a prévu que le régime général coexisterait avec les régimes spécifiques, qui sont plus ciblés et plus exigeants en matière de dépôt de projets de tarifs et de protection des utilisateurs. Cela doit donc signifier que la portée de la protection accordée aux utilisateurs et le degré d’autonomie d’une société de gestion varient d’un régime à l’autre. Si la Commission acceptait l’argument de MLSE, les sociétés auraient la faculté de modifier le degré de protection réglementaire : elles n’auraient qu’à cesser d’octroyer des licences pour un acte en vertu d’un régime spécifique et à commencer à octroyer des licences visant le droit d’autorisation du même acte, en vertu du régime général.

Le même raisonnement s’appliquerait aux autres dispositions de la Loi. Toute disposition qui crée une protection à l’égard d’un acte protège également le droit d’autoriser cet acte. [13] Par contre, peu de dispositions nuançant, limitant ou réglementant la protection d’un acte mentionnent le droit d’autoriser cet acte. [14] Si MLSE a raison, chaque fois qu’un acte est nuancé, limité ou réglementé, le droit d’autoriser cet acte ne l’est pas.

De l’avis de la Commission, l’interprétation suggérée par MLSE va à l’encontre des régimes de réglementation qu’administre la Commission et est incompatible avec la règle d’interprétation exposée dans les arrêts Bell ExpressVu et Succession Jodrey. Dans son raisonnement, MLSE se concentre sur les mots d’une seule disposition de la Loi au lieu d’interpréter cette disposition en fonction du contexte global de la Loi.

MLSE s’inquiète de ce qu’elle appelle une situation sans issue. Elle laisse entendre que si le droit d’autorisation était visé par le régime SOCAN, celle-ci pourrait alors ne pas déposer de tarif portant sur le droit d’autorisation et le paragraphe 67.1(4) ne l’empêcherait pas d’intenter une action pour violation du droit d’autorisation; les utilisateurs ne jouiraient pas de la protection du paragraphe 68.2(2). De même, des procédures en violation du droit d’autorisation pourraient être engagées à l’encontre d’une personne même si les redevances afférentes au droit d’exécution en public ont déjà été acquittées.

La Commission est d’avis que ces craintes ne sont pas fondées. Si la mention à l’article 67.1 de la Loi du droit d’exécution en public couvre implicitement le droit d’autorisation, la même règle vaut pour les autres mentions semblables dans le régime de la SOCAN. Par conséquent, les paragraphes 67.1(4) et 68.2(2) s’appliquent au droit d’autorisation tout autant qu’au droit d’exécution en public.

En outre, comme l’explique l’arrêt Falcon, [15] le droit d’autorisation existe comme droit distinct afin d’imposer une responsabilité à ceux qui autorisent chez d’autres personnes un comportement en violation du droit d’auteur. Il serait donc illogique d’imposer une responsabilité à la personne qui autorise un acte déjà dûment autorisé. Il s’ensuit que la personne qui a obtenu le droit d’autoriser une prestation protège l’exécutant contre toute responsabilité. Inversement, la personne qui aurait besoin d’une licence à l’égard du droit d’autorisation n’en a plus besoin si l’exécutant qui relève d’elle est déjà titulaire d’une licence d’exécution, puisqu’il n’y a plus rien qui puisse faire l’objet d’une autorisation : [TRADUCTION] «ne peut constituer un délit le simple fait d’autoriser une personne à accomplir ou de faire accomplir à une personne un acte qu’elle a le droit d’accomplir». [16]

MLSE fait valoir que l’arrêt CAPAC permet d’affirmer que le droit d’autoriser une prestation n’est pas régi par le régime SOCAN. Cela est erroné. L’extrait cité par MLSE déclare simplement qu’aider une personne à donner une prestation dûment autorisée par une licence valide d’exécution ne constitue pas une violation du droit d’autorisation, que les tarifs de la CAPAC ne visaient pas alors le droit d’autorisation et qu’aux termes de la législation en vigueur à l’époque, le régime SOCAN s’appliquait au droit d’exécution en public mais non au droit de transmettre au moyen de la radiophonie.

Selon la Commission, la seule manière d’envisager ces questions est, tel que le propose la SOCAN, d’interpréter toute mention du droit d’accomplir un acte comme visant aussi le droit d’autoriser l’acte. Dans cette optique, toute disposition qui vise un acte [17] s’applique simultanément à l’autorisation d’accomplir cet acte.

Il reste à traiter des autres questions soulevées dans l’argumentation des participants. En premier lieu, la proposition de la SOCAN voulant que le titulaire qui cède le droit d’exécution cède aussi implicitement le droit d’autorisation connexe constitue une erreur. Un titulaire peut céder le droit d’exécution et conserver le droit d’autorisation; il pourrait même céder ces deux droits à des sociétés distinctes. Il va de soi qu’étant donné la relation qui existe entre ces deux droits, les actes d’une société pourraient empêcher l’autre d’agir.

La SOCAN semble penser qu’une société de gestion ne pourrait tout simplement pas exister sans avoir obtenu la cession du droit d’autorisation. La Commission n’est pas de cet avis. Une société n’a pas besoin du droit d’autorisation pour être une société de gestion selon la définition de l’article 2 de la Loi. L’interprétation contraire entraînerait des conséquences absurdes : si une société qui ne gère pas le droit d’autorisation n’est pas une société de gestion au sens de la Loi, elle pourrait alors échapper à toute forme de réglementation prévue par la Loi.

En deuxième lieu, MLSE soutient que la portée d’un tarif homologué au titre du régime général est limitée à un répertoire d’œuvres particulier alors que celle d’un tarif homologué au titre du régime SOCAN ne l’est pas. Cette position est incorrecte. Une société de gestion exerçant son activité dans le cadre du régime SOCAN ne peut obtenir de tarif que pour le répertoire qu’elle administre effectivement. [18] La même règle s’applique au régime général.

En réalité, l’opposition que MLSE a cherché à établir entre le régime SOCAN et le régime général à l’égard de l’étendue du répertoire est plus apparente que réelle. La définition de la «société de gestion», qui prévoit que le système de licences «port[e] sur un répertoire d’œuvres», [19] est incorporée par renvoi au régime SOCAN, comme c’est le cas de toute expression définie. Dans le régime général, l’article 70.1 utilise l’expression «société de gestion» et la définit également. Les termes de la définition de l’article 2 font écho à chacun des paragraphes de l’article 70.1 sous leurs aspects pertinents. Il existe une explication simple à cet apparent double emploi : l’article 70.1 est entré en vigueur en 1989 alors que la définition de la société de gestion a été ajoutée en 1997, sans qu’on apporte les modifications appropriées à l’article 70.1.

En troisième lieu, l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi prévoit que : «n’effectue pas une communication au public la personne qui ne fait que fournir à un tiers les moyens de communication nécessaires pour que celui-ci l’effectue; ...» La Cour d’appel fédérale a déclaré que cette disposition s’applique à la communication mais non à son autorisation. [20] MLSE fait valoir que cette conclusion s’applique également aux autres dispositions de la Loi. La Commission est d’avis qu’il faut faire une distinction à deux égards au moins. D’une part, l’alinéa 2.4(1)b) fait partie de «l’article de la Loi consacré aux définitions», [21] alors que les dispositions examinées dans la présente décision réglementent la conduite des sociétés de gestion et l’accomplissement d’actes protégés. D’autre part, comme il a été expliqué précédemment, si on n’interprète pas toute mention des droits d’exécution ou de communication comme visant le droit d’autorisation dans le cadre du régime SOCAN, le but même visé par le régime est aisément mis en échec. Il en va de même de presque toutes les autres dispositions de la Loi, sous réserve d’une exception peut-être, l’alinéa 2.4(1)b). Selon l’interprétation de la Cour d’appel fédérale, cette disposition protège la responsabilité des fournisseurs de service Internet uniquement dans la mesure où ils respectent la disposition et, en même temps, n’«autorisent, approuvent ou tolèrent» pas l’acte de contrefaçon d’une autre personne. Cet élément est mentionné très clairement par la Cour :

«Par ailleurs, comme il est loisible aux exploitants de serveurs hôtes de prendre connaissance du contenu des données diffusées sur leur serveur et d’en retirer les éléments inconvenants, on pourrait conclure qu’ils accordent l’autorisation implicite de communiquer des données répréhensibles s’ils omettent de les supprimer après avoir été avisés de leur présence sur le serveur et après avoir eu une possibilité suffisante de les retirer.» [22]

Quatrièmement, MLSE suggère que la SOCAN a le choix de déposer un tarif applicable au droit d’exécution en public soit en vertu du régime SOCAN, soit en vertu du régime général. C’est là une autre erreur. Si tel était le cas, la SOCAN pourrait échapper à la sanction prévue au régime SOCAN pour le non-dépôt des tarifs et elle aurait la faculté de traiter directement avec les utilisateurs sans être tenue de déposer un projet de tarifs.

Cinquièmement, MLSE a soulevé les difficultés éventuelles que pourrait susciter le traitement différent du droit d’autorisation au Canada et dans les pays étrangers. Les auteurs étrangers peuvent avoir au Canada des droits qu’ils n’ont pas dans leur pays de résidence, tout comme les auteurs canadiens peuvent avoir des droits dans d’autres pays qu’ils n’ont pas au Canada : c’est la conséquence nécessaire du principe du traitement national. Il est possible que, par contrat, la SOCAN gère le droit d’autorisation d’un certain nombre de titulaires de droits, mais non de l’ensemble. Ces considérations n’ont aucune influence sur l’interprétation de la Loi.

Enfin, MLSE a souligné que de décider si une personne a autorisé un acte est une décision complexe, qui exige une analyse détaillée dépendant des faits. Cela est vrai mais n’est pas pertinent en l’espèce. La question n’était pas de savoir si le droit d’autorisation avait été exercé ou violé. Elle n’était pas non plus de savoir si le tarif concerts vise les salles de concert ou si celles-ci ont une responsabilité à l’égard des prestations d’autres personnes. Ce sont là des questions qui pourront se poser un jour, peut-être devant une autre juridiction.

A. DÉCISION

Pour ces motifs, la Commission rejette les motifs d’opposition soulevés par MLSE à l’égard de la compétence de la Commission pour homologuer le projet de tarif des concerts 2003 de la SOCAN.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] Les régimes de retransmission et de copie privée n’en font pas état non plus.

[2] Comme le droit d’autorisation est un «acte mentionné à l’article 3», la disposition s’applique dans le cas où le droit d’autorisation est géré par une société de gestion.

[3] Articles 67 à 68.2 de la Loi.

[4] Articles 71 à 76 de la Loi.

[5] Articles 79 à 88 de la Loi.

[6] Articles 70.1 à 70.6 de la Loi.

[7] (1980) 2 R.C.S. 744, page 807.

[8] (2002) 2 R.C.S. 559, page 580.

[9] Voir Construction of Statutes, E. Driedger (2è éd. 1983), à la page 87.

[10] (2000) 1 C.P.R. (4è), 417.

[11] Ibid., 461.

[12] La situation doit être distinguée de la violation qui se produit dans le cas, prévu au paragraphe 27(5) de la Loi, où une personne, dans un but de profit, permet l’utilisation d’un théâtre ou d’un autre lieu de divertissement pour une exécution publique non autorisée. Cette forme de violation diffère totalement du droit d’autorisation.

[13] Voir les paragraphes 3(1) in fine, 15(1) in fine, 18(1) in fine, 21(1) in fine et 26(1) in fine. L’unique exception a trait au droit conféré à l’alinéa 21(1)c), qui est un droit d’autorisation.

[14] L’article 2.3 semble être la seule exception à cette proposition.

[15] Falcon c. Famous Players Film Co., (1926) 2 KB 474, 491 (C.A.).

[16] CAPAC c. CTV Television Network Ltd., (1968) 55 C.P.R., 132 à la page 135. Voir également CCH Canadian Ltd. c. Barreau du Haut-Canada, (2002) 18 C.P.R. (4è), 161.

[17] À l’exception, peut-être, de l’alinéa 2.4(1)b) : voir ci-dessous.

[18] La SOCAN a dû l’établir dans le passé, tout comme plus récemment la Société canadienne de gestion des droits voisins. Voir la décision de la Commission du 31 juillet 1991 : Tarifs des droits à percevoir par la SOCAN pour l’exécution publique au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1991, www.cb-cda.gc.ca/decisions/m31071991-b.pdf, (1991) 37 C.P.R. (3è) 385, et la décision du 13 août 1999 : Tarif des redevances à percevoir par la SCGDV pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de la prestation de telles œuvres pour les années 1998 à 2002 pour le tarif 1.A (Radio commerciale), www.cb-cda.gc.ca/decisions/m13081999-b.pdf, (1999) 3 C.P.R. (4è) 350.

[19] Article 2 de la Loi.

[20] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet (C.A.), (2002) 4 C.F. 3, paragraphe 150. [ci-après SOCAN c. ACFI].

[21] SOCAN c. ACFI au par. 109.

[22] SOCAN c. ACFI au par. 160.

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