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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2007-05-11

Référence

Dossiers : Copie privée 2005, 2006 et 2007

Régime

Copie pour usage privé

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 83(8)

Commissaires

M. Stephen J. Callary

Me Francine Bertrand-Venne

Me Sylvie Charron

Tarif des redevances à percevoir par la scpcp en 2005, 2006 et 2007 sur la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Ceci est la quatrième décision homologuant le tarif définitif que la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) peut percevoir sur la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent (« copie privée »). Ce tarif s’applique aux années 2005, 2006 et 2007. La redevance sur les cassettes audio vierges passe de 29 à 24 ¢; celle sur les CD-R et les CD-RW reste à 21 ¢; pour les CD-R Audio, les CD-RW Audio et les MiniDisc, la redevance est réduite de 77 à 21 ¢.

A. Le processus ayant mené à l’audience

[2] La SCPCP a déposé, en vertu de l’article 83 de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »), des projets de tarifs distincts pour 2005, 2006 et 2007. Ils ont été publiés dans la Gazette du Canada le 10 avril 2004, le 30 avril 2005 et le 25 février 2006, ainsi que des avis indiquant que quiconque pouvait y faire opposition.

[3] La Commission a entendu la présente affaire le 24 octobre 2006, soit environ 30 mois après la publication du projet visant l’année 2005. Ce retard est attribuable à plusieurs facteurs.

[4] Le 12 décembre 2003, la Commission rendait la décision homologuant le Tarif pour la copie privée, 2003-2004. [1] Tant la SCPCP que les opposants ont demandé à la Cour d’appel fédérale de revoir cette décision. Après la publication du projet de tarif pour 2005, la Commission, à la demande des parties, a reporté l’examen du projet jusqu’à ce que la Cour ait statué sur la demande de contrôle judiciaire.

[5] Le 14 décembre 2004, la Cour d’appel fédérale annulait la redevance sur la mémoire non amovible intégrée en permanence aux enregistreurs audionumériques au motif que cette mémoire ne constitue pas un « support audio » au sens de l’article 79 de la Loi. [2] Le 10 février 2005, la SCPCP demandait l’autorisation de se pourvoir en appel devant la Cour suprême du Canada à l’égard de cette question. La société a proposé que les redevances ne soient pas modifiées avant que la Cour ait tranché. Le 28 juillet 2005, cette dernière rejetait la demande de pourvoi. La SCPCP et les opposants ont ensuite, pendant plusieurs mois, discuté de diverses questions, notamment de procédure.

[6] Dans une ordonnance en date du 31 janvier 2006, la Commission a relevé 11 questions qui, selon elle, avaient été soulevées par les parties, à savoir :

  1. la prise en compte du régime d’exonération dans l’établissement des redevances;
  2. l’imposition de conditions pour le régime d’exonération;
  3. le comportement de certains titulaires de droits;
  4. l’utilisation équitable;
  5. la proportion de supports servant à la copie privée a diminué, ce qui pourrait faire en sorte que certains supports ne sont plus éligibles;
  6. le modèle Stohn/Audley et sa pertinence;
  7. l’adoption d’une structure tarifaire différente;
  8. modifications aux obligations de rapport;
  9. la SCPCP comme société de perception désignée;
  10. l’évitement (marchés gris et noir);
  11. la constitutionnalité du régime.

L’ordonnance indiquait l’ordre dans lequel les parties produiraient leurs éléments de preuve concernant chacune des questions, ainsi que les questions que chacun des opposants serait autorisé à aborder. Elle demandait aux parties de relever d’autres questions pertinentes. Elle prévoyait également la tenue d’une conférence préparatoire le 22 février 2006, en vue de discuter des questions soulevées par l’ordonnance et de fixer le calendrier de l’instance.

[7] Le 24 février 2006, la Commission précisait que seules les questions 1, 5, 6, 7, 8 et 10 restaient à aborder. L’ordonnance clarifiait le statut des parties et leur demandait de présenter des observations sur le traitement des renseignements confidentiels. Elle informait les parties que le projet de tarif visant l’année 2007 serait publié le lendemain et fixait provisoirement au 1er mai 2006 la date de la conférence préparatoire au cours de laquelle les parties pourraient discuter des questions soulevées par cette proposition. L’ordonnance indiquait que la Commission souhaitait examiner les trois projets de tarifs en même temps et fixait un échéancier menant à la tenue d’une audience le 24 octobre 2006. La proposition visant l’année 2007 ne soulevant aucune nouvelle question, la conférence préparatoire du 1er mai a été annulée.

[8] Le 16 mai 2006, à la demande de la SCPCP, la Commission clarifiait les questions 4 et 6. Le 29 mai, elle décidait formellement que les trois projets de tarifs seraient examinés ensemble. Le 2 octobre, la Commission posait 14 questions supplémentaires portant sur certains enjeux soulevés par la preuve de la SCPCP. Le 27 novembre et les 4 et 18 décembre, après que l’audience ait été tenue, nous avons demandé des renseignements supplémentaires. La SCPCP a déposé ses observations finales sur la présente affaire le 17 janvier 2007.

[9] Une série de décisions provisoires ont permis à la SCPCP de continuer à percevoir les redevances, même si aucune décision finale n’avait été rendue.

B. La position des parties

[10] Les taux que la SCPCP a proposés pour 2005 à 2007 sont les mêmes que ceux homologués par la Commission pour 2003 et 2004 : 29 ¢ par cassette audio d’une durée de plus de 40 minutes, 21 ¢ par CD-R et CD-RW et 77 ¢ par CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc. Pour 2005 et 2006, la SCPCP proposait également que la mémoire non amovible intégrée en permanence aux enregistreurs audionumériques soit assujettie à des redevances; cette demande a été retirée par suite de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire SCPCP c. CSMA. Les seuls changements que la SCPCP recherche se rapportent aux dispositions administratives. Ils sont décrits ci-après, aux paragraphes 95, 96 et 107.

[11] La Société Radio-Canada s’est opposée à tous les projets de tarifs. Elle s’est retirée après avoir conclu avec la SCPCP une entente exonérant de la redevance ses achats de supports audio vierges.

[12] L’Association canadienne des radiodiffuseurs s’est également opposée aux trois projets de tarifs. Elle aussi a retiré ses oppositions après que la SCPCP eut convenu que l’entente conclue pour 2003-2004 exonérant de la redevance ses achats de supports audio vierges, continuerait à s’appliquer à ses membres jusqu’à la fin de 2007. L’entente prévoit également que la SCPCP ne percevra pas de redevances sur les disques durs d’ordinateurs que les radiodiffuseurs utilisent essentiellement à des fins de radiodiffusion.

[13] La Canadian Storage Media Alliance (CSMA) s’est opposée aux projets visant les années 2005 et 2006. Peu à peu, il est devenu clair que la CSMA s’opposait avant tout aux modifications que la SCPCP souhaitait apporter aux dispositions administratives pour 2006. La CSMA a par la suite accepté une version modifiée de ces dispositions, qui se retrouve dans le projet pour 2007. Le 24 février 2006, la Commission autorisait la CSMA à exercer un « mandat de surveillance » lui accordant le droit de surveiller l’audience, de recevoir copie des ordonnances et avis de la Commission et de présenter des observations.

[14] Le Conseil canadien du commerce de détail, Wal-Mart Canada, Bureau en Gros (Staples/Business Depot), Best Buy Canada, London Drugs, InterTAN Canada Ltd. (s/n RadioShack Canada) et Costco Wholesale Canada Ltd. (collectivement appelés « les détaillants ») se sont opposés aux projets de tarifs pour 2005 et 2006. Ils ont retiré leurs oppositions afin de se soustraire à l’obligation de répondre aux demandes de renseignements de la SCPCP. Le 8 mai 2006, la Commission les autorisait également à exercer un mandat de surveillance et à présenter des observations sur les dispositions de vérification nouvellement proposées en se fondant uniquement sur le dossier de l’audience. Ils ne se sont pas opposés au projet pour 2007.

[15] M. Lorenzo Tartamella, représentant Dataware Corporation, s’est opposé au projet de tarif pour 2006. Il a retiré son opposition après avoir éprouvé des difficultés à répondre aux demandes de renseignements formulées par la SCPCP. Le 29 mai 2006, la Commission autorisait également M. Tartamella à exercer un mandat de surveillance aux mêmes conditions que les détaillants.

[16] Rogers Wireless Inc. s’est opposée au projet pour 2006 uniquement en ce qui concerne la mémoire non amovible intégrée en permanence aux enregistreurs audionumériques. Elle a retiré son opposition après que la Cour suprême du Canada eut rejeté la requête en autorisation d’appel de la SCPCP, étant alors évident que la redevance ne s’appliquerait pas à ce type de mémoire.

[17] Sept particuliers se sont opposés au tarif pour 2007. Le 24 avril 2006, la Commission leur a demandé s’ils avaient l’intention de participer aux audiences. Quatre personnes ont indiqué que non; deux autres n’ont pas fourni de réponse. Une personne a déclaré qu’elle entendait participer; elle a par la suite omis de se conformer à la directive sur la procédure. La Commission a par conséquent déclaré que toutes ces personnes avaient retiré leur opposition.

[18] On peut ainsi constater qu’avec le temps, toutes les personnes qui s’étaient opposées aux projets de tarifs se sont désistées, ont cessé de s’y opposer activement ou ont été réputées avoir retiré leur opposition. Il ne restait donc que la SCPCP pour participer à l’audience.

C. La preuve

[19] En l’espèce, six témoins ont comparu à la demande de la SCPCP.

[20] Mme Anna Bucci, directrice générale de la SCPCP, a parlé de la structure de la société, de ses coûts administratifs et de ses activités de répartition, ainsi que du coût et des effets du programme d’exonération, qui permet aux personnes utilisant de façon importante certains supports audio à des fins professionnelles ou institutionnelles d’être dispensées du paiement de la redevance. Ces utilisateurs professionnels doivent s’inscrire auprès de la SCPCP et acheter les supports de distributeurs, fabricants ou importateurs agréés par cette dernière.

[21] L’avocate générale de la SCPCP, Mme Laurie Gelbloom, a fait état de la nature et de l’étendue des mesures d’exécution prises par la société de gestion. Elle a donné des précisions sur les quelque 80 vérifications effectuées et a souligné les difficultés rencontrées par les vérificateurs au cours de certaines d’entre elles. Elle a dépeint l’état de chacune des actions en justice engagées par la SCPCP dans le cadre de ses activités d’exécution. Elle a en outre établi une comparaison minutieuse entre les ventes assujetties aux redevances et déclarées à la SCPCP et l’estimation des ventes effectuée par le Santa Clara Consulting Group (SCCG), et a fourni des explications possibles quant aux différences entre les chiffres.

[22] M. Derek Malcolm, un associé du cabinet comptable Grant Thornton, lequel est vérificateur pour le compte de la SCPCP, a présenté un rapport expliquant pour quelles raisons, selon lui, il est nécessaire de modifier les dispositions concernant la vérification et la confidentialité pour faire en sorte que les vérifications soient exhaustives et effectuées en temps voulu.

[23] M. Derek Leebosh, associé principal de Environics Research Group, à Toronto, a présenté les résultats d’un sondage téléphonique effectué pour le compte de la SCPCP et le rapport qui en découle, intitulé Public Opinion on the Levy on Blank CDs and Other Music Recording Media.

[24] Une fois de plus, M. Benoît Gauthier, président de Réseau Circum inc., a scruté les habitudes des Canadiens en matière de copie privée. Il a présenté les résultats du sondage permanent qu’il effectue sur l’utilisation de supports vierges au Canada, mettant à jour et complétant les renseignements fournis en 1999, 2000 et 2002. Les données utilisées cette fois-ci découlaient avant tout de plus de 12 000 interviews téléphoniques effectuées de juillet 2005 à juin 2006. [3]

[25] Le dernier témoin de la SCPCP, M. Paul Audley, président de Paul Audley & Associates Ltd. et un des concepteurs du modèle d’évaluation Stohn/Audley utilisé pour fixer le tarif en 1999 et 2000, a expliqué la façon dont la Commission devrait utiliser le modèle cette fois-ci. Il a également répondu à certaines des questions que la Commission avait posées à la SCPCP.

II. ANALYSE

[26] Après examen du dossier de la présente affaire et des réponses de la SCPCP aux nombreuses questions que nous lui avons posées dans le cadre du présent processus, nous concluons qu’il nous faut répondre aux questions suivantes avant de fixer les taux finaux. Premièrement, quelle est la taille du marché des supports vierges : l’évitement de la redevance justifie-t-il les craintes que la Commission a exprimées dans Copie privée III ? Deuxièmement, le régime d’exonération est-il pertinent pour établir la redevance en général, et en particulier celle sur les cassettes audio? Troisièmement, le modèle Stohn/Audley, employé en 1999 [4] et en 2000 [5] (mais pas en 2003) pour établir les taux de redevances, est-il toujours pertinent, et est-il toujours fiable? Quatrièmement, devrait-on ajuster les taux pour tenir compte des clauses de composition contrôlée? Cinquièmement, quels taux le modèle génère-t-il, ces taux sont-ils justes et équitables, et devrait-on continuer à appliquer un taux distinct à l’égard des CD-R Audio, des CD-RW Audio et des MiniDisc? Enfin, les dispositions relatives aux exigences de rapport et à la confidentialité devraient-elles être modifiées ainsi que le suggère la SCPCP?

A. Le marché des supports audio vierges

[27] Dans Copie privée III, la Commission avait exprimé de graves préoccupations au sujet de la taille des marchés gris et noir par rapport à l’ensemble du marché canadien des CD vierges. Il y avait des écarts entre le nombre de ventes assujetties aux redevances déclarées à la SCPCP et les données figurant dans les rapports du SCCG. On avait supputé sur le nombre de CD vierges vendus sans paiement de redevances. En définitive, la Commission avait l’impression qu’il pouvait y avoir une évasion tarifaire importante. Cette fois-ci, la SCPCP a produit des éléments de preuve dignes de foi qui nous portent à croire que cela ne constitue pas un problème.

[28] Ainsi, Mme Gelbloom a établi la concordance entre le nombre d’unités assujetties à la redevance et déclarées à la SCPCP et les données des rapports du SCCG. Selon elle, la différence est due au fait que les chiffres du SCCG comprennent les CD-R qui sont exportés à l’extérieur du Canada, ainsi que ceux qui sont importés au pays aux fins de duplication, alors que ni l’un ni l’autre ne sont assujettis à la redevance. Mme Gelbloom a également expliqué que la SCPCP utilise en fait les données trimestrielles du SCCG pour calculer le nombre de supports vierges qui passent en transit au Canada et pour en connaître les marques. La SCPCP tient compte des prévisions du groupe et les compare aux ventes réellement déclarées par les importateurs et les fabricants.

[29] Mme Gelbloom a répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que nous avions soulevées à l’égard des marques offertes sur Internet à des prix qui se rapprochent du montant de la redevance ou qui sont inférieurs à celui-ci. Parfois, les détaillants vendent ces produits à perte. La SCPCP connaissait toutes ces marques, y compris celles qui ne lui avaient pas été déclarées, avait découvert leur origine après avoir pris des mesures d’exécution, et avait intenté des actions en justice contre les importateurs dans les cas indiqués.

[30] De plus, Mme Gelbloom a décrit les façons dont diverses marques de CD non déclarées avaient été reconnues par suite de dénonciations, de la prise de mesures d’exécution (y compris le recours à des enquêteurs privés) et d’actions en justice. Au cours des trois dernières années, la SCPCP a intenté 21 procès, certains ayant entraîné d’importantes condamnations au titre des redevances impayées.

[31] En l’espèce, trois éléments ressortent clairement. Premièrement, certains importateurs de supports vierges se donnent un mal fou pour obtenir un avantage compétitif, en évitant de payer la redevance. Deuxièmement, ces tentatives d’évasion tarifaire sont contenues autant que faire se peut, compte tenu du type de marché auquel on a affaire. La SCPCP a mis sur pied un programme d’exécution solide et efficace. Elle a acquis avec le temps une profonde compréhension du marché en cause grâce à divers moyens, y compris des enquêtes sur la vente au détail, la surveillance des marchés, la participation à des salons professionnels et la recherche sur Internet. Cela, en sus des mesures d’exécution, des enquêtes faisant suite à des dénonciations et des vérifications administratives, nous permet de conclure que le marché noir des supports vierges au Canada demeure sous contrôle et ne pose pas le problème que la Commission avait craint il y a environ trois ans.

[32] Rien ne permet de croire non plus que les consommateurs achètent beaucoup de supports vierges à l’étranger afin d’éviter de payer la redevance (ce qu’on appelle le marché gris). L’explication est peut-être simple. L’achat de CD vierges représente bien peu de choses par rapport à l’ensemble des achats d’un consommateur; l’impact de la redevance sur ce dernier ne peut être que minime, ce qui incite bien peu à l’évitement de la redevance à grande échelle.

[33] Nous avons pris connaissance des questions que M. Tartamella soulève à cet égard dans ses observations finales. Certes, les rapports du SCCG ne sont pas parfaits et les données qu’ils fournissent pour le Canada pourraient être plus complètes en ce qui concerne certaines marques de CD moins populaires. Nous croyons néanmoins que ces données et d’autres renseignements suffisent pour permettre à la SCPCP de déceler la grande majorité des évasions tarifaires.

B. Le régime d’exonération

[34] Depuis le tout début, la SCPCP a décidé de permettre à certains utilisateurs d’acheter des supports vierges sans avoir à payer la redevance. Ce régime d’exonération, comme on l’appelle maintenant, a évolué avec le temps, tout comme la perception que la Commission en avait. Au départ, le programme s’appliquait uniquement aux cassettes audio et MiniDisc. Copie privée I a favorisé sa création; Copie privée II l’a qualifié de réalité du marché et en a tenu compte pour fixer le taux applicable aux cassettes audio. Le 1er septembre 2003, le programme a été étendu aux CD enregistrables. Dans Copie privée III, la Commission a conclu que le régime était « illégal ». Elle a également déclaré craindre que l’extension du programme entraîne des injustices. Les opposants avaient convaincu la Commission que l’exonération des CD pourrait avoir d’importantes répercussions sur les circuits de distribution de ces supports. La SCPCP elle-même avait estimé que des milliers de personnes pourraient adhérer au programme, détournant ainsi des millions de CD de la chaîne d’approvisionnement habituelle. Certains craignaient par ailleurs que les nouveaux frais d’inscription entraînent des injustices et une application arbitraire du programme.

[35] Mme Bucci a expliqué ce qui était réellement arrivé depuis trois ans, apaisant ainsi les craintes que la Commission avait éprouvées à cet égard. Le nouveau programme est déficitaire depuis sa mise sur pied. Moins de 600 organisations commerciales se sont inscrites. Et, surtout, en 2005, les CD exonérés représentaient à peine deux pour cent de l’ensemble des unités assujetties aux redevances ou exportées. Le programme sert avant tout aux cassettes audio et aux organismes sans but lucratif.

[36] Le nombre d’organisations qui se sont inscrites afin d’acheter des CD sans payer la redevance ne correspond en rien à ce que la SCPCP avait escompté en 2003. Les causes de ce phénomène restent obscures. Il se peut que les organisations estiment que le montant de la redevance n’est pas suffisamment important pour que cela vaille la peine de s’inscrire.

[37] Il reste à déterminer l’effet que le régime d’exonération a sur les cassettes audio. Dans Copie privée II, la Commission a conclu que, même si elle ne pouvait elle-même établir d’exemptions, il lui était possible, pour des motifs juridiques et pratiques et des considérations de politique publique, de tenir compte des cassettes audio vendues en franchise en les excluant du calcul de la redevance. La Commission ajoutait que le programme était une réalité du marché qui devrait être prise en considération aux fins de l’établissement du taux. Sinon, il en résulterait un taux injustement bas. [6]

[38] Dans Copie privée III, la Commission a réitéré qu’elle ne pouvait créer d’exemptions. Elle a toutefois jugé que le programme d’exonération n’avait aucun fondement juridique et qu’il était donc illégal, ce qui signifiait qu’on ne pouvait tenir compte de ses effets dans l’établissement du tarif. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision. [7]

[39] Logiquement, cela aurait dû entraîner une réduction du taux applicable aux cassettes audio. La Commission a toutefois décidé de ne pas modifier le taux, déclarant que le marché des cassettes avait atteint sa pleine maturité et que les consommateurs avaient accepté de payer la redevance sur ce type de support. En outre, étant donné que tous les autres taux restaient inchangés, il semblait juste de ne pas modifier non plus celui pour les cassettes audio.

[40] À notre avis, il est temps que le taux de la redevance sur les cassettes audio cesse de tenir compte de l’incidence du programme d’exonération. Les raisons qui ont incité la Commission à ne pas modifier le taux il y trois ans n’existent plus. Ce marché s’affaisse; il n’est plus question de marché parvenu à maturité. La Cour d’appel fédérale a dissipé toute réserve que la Commission pouvait avoir au sujet de la nature juridique du programme. Le taux que nous homologuons à l’égard des cassettes audio sera ajusté en conséquence.

C. La pertinence et la fiabilité du modèle d’évaluation Stohn/Audley

[41] Lorsqu’il n’y a pas de marché existant dans lequel un prix a été fixé au regard des droits pertinents, la Commission procède généralement en examinant le prix fixé pour une utilisation semblable comme indicateur substitutif du prix qu’on lui demande de fixer. Dans Copie privée I et II, la Commission a utilisé comme indicateur le modèle proposé par la SCPCP et conçu par MM. Stephen Stohn et Paul Audley (d’où le « modèle Stohn/Audley »). En général, le modèle tente de dériver la valeur d’une copie privée d’enregistrement sonore à partir de la rémunération que les titulaires de droits tirent de la vente d’un CD préenregistré. La SCPCP propose d’utiliser ce modèle à nouveau afin de démontrer que les taux qu’elle demande, étant inférieurs à ceux que le modèle générerait, sont par conséquent raisonnables.

[42] Dans Copie privée III, la Commission a exprimé des inquiétudes en ce qui a trait à l’usage continu du modèle, notamment en raison des incertitudes soulevées par la preuve. Comme nous l’avons expliqué aux paragraphes 27 à 33, la SCPCP a répondu à certaines de ces préoccupations, et celles-ci ne posent plus un problème en ce qui concerne le modèle.

[43] En l’espèce, la SCPCP ne demande pas d’augmentation. Pour justifier le maintien des taux actuels, elle a examiné tous les facteurs considérés dans le modèle et les a mis à jour en utilisant les renseignements obtenus du sondage de veille musicale et les autres éléments de preuve présentés au cours de l’audience et par la suite à la demande de la Commission. C’est ce qui a amené la SCPCP à conclure que, même si elle suggérait de maintenir les taux actuels, ceux-ci auraient facilement pu être augmentés.

[44] La participation de personnes autres que la SCPCP a été minimale en l’espèce. Aucun opposant n’a participé aux audiences. M. Tartamella et les détaillants ont commenté par écrit certains aspects de l’affaire, mais pas l’application du modèle Stohn/Audley. En définitive, la Commission elle-même a dû soulever des questions à l’égard de chacune des étapes du modèle afin de souligner quels éléments de preuve semblaient non convaincants, incomplets ou contradictoires.

[45] Le modèle, nous l’avons dit, est basé sur la rémunération approximative que les titulaires de droits tirent de la vente d’un CD préenregistré. Depuis le début, la Commission a cru qu’une autre façon de procéder serait d’utiliser, comme référence, le marché des téléchargements autorisés de pièces musicales. [8] Toutefois, pour des raisons qui ont été expliquées dans le passé, cela était, et est encore, impossible en pratique. Comme M. Audley l’a souligné, un des éléments essentiels du calcul, à savoir la rémunération des auteurs, restait inconnu jusqu’à tout récemment. Ce problème est désormais résolu, la Commission ayant établi la rémunération des auteurs dans ce marché. [9] Il sera désormais plus facile d’adopter une solution de rechange. La Commission devra tout de même l’évaluer et, en particulier, examiner si le marché des téléchargements numériques aura acquis suffisamment de maturité pour être utilisé comme référence lorsque seront tenues les audiences portant sur le tarif pour la copie privée pour les années 2008 et 2009.

[46] Certains aspects du modèle d’évaluation ont fait l’objet de critiques cette fois-ci comme auparavant; il demeure toutefois un outil précieux lorsqu’il s’agit d’évaluer la pertinence des activités de copie privée et leur incidence sur les taux. Une grande partie du modèle repose sur des données relativement robustes, telles que l’analyse des relations contractuelles typiques associées à la production d’enregistrements sonores. Le modèle est toujours pertinent aujourd’hui, même si des ajustements s’avèrent nécessaires.

[47] Certains de ces ajustements sont faciles à effectuer. Par exemple, le modèle peut tenir compte des clauses de composition contrôlée en estimant leur fréquence et leur incidence sur le marché des CD préenregistrés. Le modèle tient déjà compte du nombre moyen de plages par CD, de sorte que tout changement de cette moyenne peut être reflété sans difficulté. Il a été tenu compte de la diminution de la part du marché des clubs de disques et des gammes à rabais, ainsi que de l’importante réduction du prix de détail suggéré (PDS) des CD préenregistrés.

[48] Le principal désavantage du modèle est que certaines de ses plus importantes variables sont basées sur des données incertaines ou estimées. L’ajustement relatif aux activités « accessoires » ou « secondaires » (visant à refléter la valeur moindre des copies privées), le pourcentage des CD vierges achetés par des particuliers et le nombre de copies privées effectuées au moyen de supports audio sont dérivés du sondage de veille musicale. Même s’il a été effectué avec le plus grand professionnalisme, ce sondage nous renseigne sur ce que les consommateurs interrogés croient avoir fait, pas nécessairement sur ce qu’ils ont réellement fait. De plus, certains résultats peuvent sembler contre-intuitifs, quoique cela peut être expliqué, ainsi que le démontrent les paragraphes 82 et 83.

[49] Il est donc toujours utile d’appliquer le modèle pour avoir une idée des taux qui devraient être fixés, tout en relativisant les chiffres obtenus quand cela s’avère nécessaire.

D. Les clauses de composition contrôlée

[50] La clause de composition contrôlée (CCC) est une entente contractuelle entre un artiste-interprète et une maison de disques qui permet à cette dernière d’obtenir une licence de reproduction mécanique à un taux réduit si l’artiste détient ou contrôle tout ou partie des droits sur les œuvres musicales qu’il enregistre. Généralement, l’arrangement réduit le taux par plage de 25 pour cent, bloque la redevance à ce qui s’applique au moment de la conclusion du contrat, plafonne le nombre de plages à l’égard desquelles une redevance doit être payée et considère jusqu’à 15 pour cent des CD comme des « marchandises gratuites » pour lesquelles aucune redevance n’est payable. Au Canada, deux facteurs limitent l’impact des CCC. L’entente conclue par l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA) et l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (CRIA) plafonne certains escomptes. En outre, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) n’a jamais inclus cette clause dans les ententes qu’elle a conclues avec les producteurs de disques indépendants du Québec et refuse, depuis 1995, de renouveler son contrat avec la CRIA précisément pour éviter qu’une telle clause ne s’applique.

[51] Dans Copie privée I, la Commission a refusé d’escompter les redevances des auteurs pour tenir compte des CCC, après avoir conclu qu’elles avaient peu ou pas d’impact au Canada. Il ressort du dossier de l’audience récente relative au tarif CSI pour les services de musique en ligne (2005-2007) que cette conclusion passait à côté de la véritable question. Surtout, les CCC ont une incidence directe sur les revenus gagnés au Canada par les auteurs-interprètes américains qui, en leur qualité d’auteurs, ont droit à une partie des redevances sur la copie privée.

[52] La Commission a demandé à la SCPCP si la décision de 1999 devrait être réexaminée afin de tenir compte des CCC et, le cas échéant, quelle devrait en être l’incidence sur le montant de la redevance. La SCPCP semble avoir admis qu’on devrait dans une certaine mesure tenir compte des CCC. Elle a par conséquent produit une analyse qui évalue leur incidence globale sur le taux moyen réel au Canada pour les licences de reproduction mécanique. La correction qui en a résulté est indiquée au paragraphe 54 et se reflète dans notre calcul de la redevance.

E. Taux générés par le modèle

[53] Les paragraphes 54 à 80 décrivent brièvement les taux que le modèle Stohn/Audley générerait en utilisant les chiffres que la SCPCP propose. Des calculs détaillés se trouvent à l’annexe jointe aux présents motifs. On trouvera dans la présente décision des comparaisons avec les données connexes que la Commission a utilisées en 2000 dans Copie privée II, de même que certaines comparaisons avec les chiffres que la SCPCP proposait en 2003; toutefois, comme nous n’avons pas utilisé le modèle pour fixer les taux dans Copie privée III, ces comparaisons sont intrinsèquement douteuses.

i. Ajustements généraux

a. Rémunération des auteurs

[54] La première étape du modèle Stohn/Audley veut qu’on estime la rémunération tirée par les auteurs de la vente d’un CD préenregistré. On utilise d’abord le taux applicable aux licences de reproduction mécanique, qui est de 7,7 ¢ pour 2005 et 2006 ainsi que l’ont convenu la CMRRA et la CRIA. Ce taux est ramené à 6,95 ¢ pour tenir compte de l’incidence des CCC sur le marché canadien. [10] Dans Copie privée II, le taux retenu par la Commission était de 7,55 ¢. Vient ensuite le nombre moyen de plages par CD préenregistré, établi au moyen d’une analyse des ventes de CD préenregistrés déclarées à SoundScan. Ce nombre, qui était de 14 dans Copie privée II, passe aujourd’hui à 15. On tient compte ensuite des escomptes relatifs aux clubs de disques et aux gammes à rabais. Ces chiffres ont diminué avant tout parce que les clubs de disques sont nettement moins populaires. Ces chiffres ont dû être ajustés après qu’on ait tenu compte, dans les calculs, des résultats de l’analyse des CCC. [11] L’estimation ainsi obtenue au titre de la rémunération des auteurs, soit 1,0086 $ par CD préenregistré, figure à la ligne F de l’annexe.

b. Rémunération des artistes-interprètes et des producteurs

[55] On évalue la rémunération combinée des artistes-interprètes et des producteurs d’après le PDS pour les CD préenregistrés. Selon la SCPCP, ce prix, qui était de 19,98 $ (soit le prix retenu dans Copie privée II), a été ramené à 17,98 $ en 2004. On ne dispose pas d’éléments de preuve plus récents. Le prix actuel pourrait être plus bas.

[56] Selon les détaillants, ce prix devrait être beaucoup plus bas, compte tenu du fait que le prix de vente réel des CD préenregistrés a considérablement chuté au cours des dernières années. Bien que cela soit vrai, ce n’est pas une considération pertinente. Les redevances payées aux artistes-interprètes et aux producteurs sont calculées d’après le PDS et non le prix de vente.

[57] Nous avons déjà expliqué pourquoi la déduction effectuée au titre des clubs de disques est elle aussi inférieure ici à ce qu’elle était dans Copie privée I ou II. Il en découle une rémunération estimative des artistes-interprètes et des producteurs de 1,9991 $ (ligne M de l’annexe). La rémunération totale des auteurs, artistes-interprètes et producteurs est donc de 3,0077 $ par CD préenregistré (ligne N de l’annexe). Ce chiffre est légèrement plus élevé que celui qui avait été calculé dans Copie privée II.

c. Ajustement relatif au répertoire admissible

[58] Aucun changement n’a été apporté à ce troisième élément du modèle Stohn/Audley. La Commission continue de croire que la plupart des copies privées sont des copies d’enregistrements tirés du répertoire admissible pour ce qui est des auteurs. Le pourcentage utilisé est de 96 pour cent. Les pourcentages sont de 28 et 22 pour cent dans le cas des artistes-interprètes et des producteurs. Cela donne une rémunération de 1,4617 $ (ligne S de l’annexe) en ce qui a trait au répertoire admissible.

d. Ajustement relatif à la nature accessoire de l’activité

[59] Dans le passé, la Commission a estimé que la copie d’un CD appartenant au copiste valait moitié moins que l’original. Quant aux copies tirées d’autres sources, la Commission appliquait une réduction de 25 pour cent. Dans Copie privée II, la preuve indiquait que la moitié de toutes les copies étaient des copies de CD préenregistrés appartenant au copiste. En 2005-2006, cette proportion était de 25 pour cent selon le sondage de veille musicale. La réduction totale qui convient, compte tenu de la nature accessoire de l’activité, est donc de 31,25 pour cent. Ceci donne la rémunération ajustée de 1,0049 $ indiquée à la ligne V de l’annexe.

e. Téléchargements payants et copies promotionnelles

[60] Dans Copie privée III, la Commission déclarait que les copies privées de fichiers téléchargés à l’égard desquels le droit de reproduction a déjà été payé devraient être soustraites du calcul de la redevance. Il n’est pas nécessaire de compenser les titulaires de droits au moyen de la redevance sur la copie privée lorsque ces derniers ont permis la copie. Toutefois, la Commission n’avait alors pas accordé d’escompte, ne disposant d’aucun élément de preuve sur l’étendue de l’activité.

[61] En l’espèce, le sondage de veille musicale indique que 6 pour cent des plages copiées ont été achetées en ligne, l’achat conférant le droit de copier la plage sur un autre support. Un autre 3 pour cent des plages copiées étaient des copies promotionnelles obtenues gratuitement sur les sites commerciaux. La SCPCP soutient qu’on devrait tenir compte des téléchargements payants pour réduire le taux applicable aux supports numériques, [12] mais qu’on ne devrait pas tenir compte des téléchargements promotionnels. Elle croit que ces téléchargements comportent rarement le droit d’effectuer des copies supplémentaires. Nous ne sommes pas du même avis. Les copies promotionnelles constituent un outil de marketing; elles sont offertes dans le but d’inciter le client à acheter les œuvres d’un artiste particulier. Leur objet même est de faire en sorte que le plus de personnes possible entendent les chansons. Il serait illogique que les titulaires de droits imposent des restrictions sévères quant à leur utilisation. Nous inclurions donc les téléchargements promotionnels dans toute correction qui serait apportée afin de tenir compte des téléchargements autorisés.

ii. Supports vises

a. Cassettes audio

[62] La SCPCP n’a guère produit d’éléments de preuve nouveaux en ce qui concerne les cassettes audio; elle a simplement déclaré qu’elle souscrivait à l’opinion que la Commission avait exprimée dans Copie privée III, portant qu’il n’était pas nécessaire d’ajuster le taux au titre des cassettes non assujetties à la redevance.

[63] Trois principaux facteurs entraîneraient la modification du taux de la redevance par rapport à 2001-2002. Premièrement, la rémunération ajustée, qui sert de point de départ du calcul des taux individuels, est maintenant plus élevée, comme l’indique la ligne V de l’annexe. Deuxièmement, le sondage de veille musicale indique que le pourcentage des cassettes utilisées pour copier de la musique a diminué de 65 à 59 pour cent. Ces changements donnent un taux de près de 30 ¢.

[64] Le troisième facteur est l’effet du régime d’exonération. Pour les motifs mentionnés au paragraphe 40, nous croyons qu’il n’y a plus aucune raison de tenir compte de l’exonération dans le taux.

[65] La preuve indique que 22 pour cent de toutes les ventes de cassettes audio déclarées à la SCPCP en 2005 étaient exonérées. Ce pourcentage se rapproche beaucoup du 20 pour cent que la Commission a retenu dans Copie privée II afin de tenir compte des effets du régime. Dans cette même décision, la Commission a déclaré que l’augmentation du taux, qui est passé de 23,3 ¢ en 1999-2000 à 29 ¢ en 2001-2002, était en grande partie due à la prise en compte du régime d’exonération. [13]

[66] La manière la plus facile de ne plus tenir compte des effets du régime sur le taux applicable aux cassettes audio est d’introduire la correction inverse. Si 95 pour cent des cassettes audio sur lesquelles la redevance a été payée ont été achetées par des particuliers, et si 20 pour cent de toutes les cassettes audio vendues étaient exonérées, il est alors légitime de présumer que 75 pour cent de toutes les cassettes audio ont été achetées par des particuliers. C’est ce pourcentage que nous utilisons à la ligne AC de l’annexe, pour faire en sorte qu’il n’y ait plus d’augmentation du taux applicable aux cassettes audio qui soit fondée sur le régime d’exonération.

[67] Compte tenu de ces changements, nous homologuons un taux de 24 ¢ pour les cassettes audio. Cela représente 5 ¢ de moins que le taux précédent de 29 ¢.

[68] De toute évidence, la cassette audio est un support qui perd de l’importance. Le nombre d’unités vendues en 2005 correspond au tiers du nombre d’unités vendues en 2001. Les cassettes audio génèrent aujourd’hui moins de 5 pour cent de toutes les redevances perçues par la SCPCP. Néanmoins, nous croyons pour l’instant que la cassette audio est encore un support qui est habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique.

b. CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc

[69] La gamme de produits « Audio » a été créée en partie pour satisfaire aux exigences de la Audio Home Recording Act [14] américaine. Ces CD sont codés de façon à être reconnus comme des supports audio s’ils sont lus sur une platine d’enregistrement audionumérique. Ils peuvent ne pas être lus par tous les lecteurs CD-ROM, mais ils sont par ailleurs identiques à leur équivalent non Audio. Les décisions antérieures de la Commission ont toujours traité les CD Audio et les MiniDisc comme un ensemble.

[70] Dans Copie privée III, la Commission s’inquiétait du manque d’information et de preuve à l’égard de ces supports. Elle avait alors ajouté être portée à appliquer le même taux que celui des autres CD vierges, mais elle avait préféré maintenir le statu quo.

[71] Nous nous trouvons aujourd’hui dans la même situation. La SCPCP n’a pas produit de renseignements portant précisément sur la proportion des CD-R Audio, des CD-RW Audio ou des MiniDisc qui est achetée par les consommateurs, ni sur la proportion de ces supports qui est utilisée pour copier de la musique. Ce que nous savons, c’est que la gamme Audio représente moins de un pour cent de l’ensemble du marché des CD vierges, et les MiniDisc, cinq fois moins.

[72] Dans le passé, la Commission a présumé que 95 pour cent de ces supports étaient achetés par des particuliers et que, de ce nombre, 95 pour cent servaient à copier de la musique. La SCPCP soutient que ces hypothèses sont encore raisonnables. Selon elle, il est peu probable que la gamme Audio soit utilisée à des fins professionnelles, en raison du prix élevé et du fait qu’on n’obtient pas une qualité supérieure. Seuls les consommateurs qui possèdent un dispositif d’enregistrement spécialement conçu pour la gamme Audio achètent ces supports.

[73] La Commission ne veut pas continuer à accepter ces hypothèses, et ce, pour les raisons suivantes. Premièrement, nous avons demandé à la SCPCP, il y a trois ans, de fournir des renseignements plus précis sur cette gamme de produits. Elle ne l’a pas fait. Même les observations supplémentaires que la SCPCP a présentées après que la Commission eut expressément envisagé la possibilité de mettre ensemble les lignes « Audio » et « données » ne faisaient que réitérer des hypothèses déjà formulées. Deuxièmement, le sondage de veille musicale établit une distinction entre les CD réinscriptibles et les autres CD, mais pas entre les CD Audio et les CD ordinaires. Par conséquent, les chiffres générés par ce sondage au titre de la proportion des CD-R qui sont achetés par les consommateurs et de la proportion de ceux qui sont utilisés pour copier de la musique constituent une moyenne pour les CD-R ordinaires et les CD-R Audio. Ou bien ces chiffres sont identiques pour ces deux catégories, ou bien ils ne le sont pas. S’ils sont plus élevés dans le cas des CD-R Audio, justifiant ainsi un taux plus élevé, ils seront inférieurs dans le cas des CD-R ordinaires, justifiant donc un plus bas taux.

[74] Troisièmement, les CD Audio et les MiniDisc ont toujours été, et resteront toujours, des produits marginaux. Il y a encore moins d’enregistrements sonores qui sont copiés sur ces supports que sur les cassettes. Quatrièmement, selon la SCPCP elle-même, les consommateurs ne choisissent pas d’acheter ces supports, mais ils le font parce que rien d’autre ne fonctionnera avec le type de dispositif d’enregistrement qu’ils possèdent. Le prix qu’ils paient est plus élevé, mais la qualité de la reproduction qu’ils obtiennent n’est pas meilleure. Payer une redevance plus élevée pour la gamme Audio est un fardeau supplémentaire qu’il est difficile de justifier dans les circonstances.

[75] Pour ces motifs, nous homologuons, à titre de redevances sur les CD-R Audio, les CD-RW Audio et les MiniDisc le même montant que ce que nous homologuons au paragraphe 87 pour les CD-R et les CD-RW.

c. CD-R et CD-RW

[76] La première variable importante dont il faut tenir compte pour fixer le taux applicable aux CD est la proportion des CD vierges qui sont achetés par des particuliers. Dans Copie privée II, la Commission estimait cette proportion à 45 pour cent. En 2003-2004, la SCPCP soutenait que 70,8 pour cent des CD vierges étaient achetés par des particuliers; la Commission n’a pas retenu ce pourcentage, pour les motifs énoncés au paragraphe 27.

[77] Cette fois-ci, nous avons tendance à accepter la preuve produite par la SCPCP portant que les particuliers achètent 50,3 pour cent de tous les CD. Si on présume que 156,9 millions de CD ont été vendus de juillet 2005 à juin 2006, cela signifierait que 78,9 millions de CD ont été achetés par des particuliers.

[78] La deuxième variable importante qu’il faut mesurer est la proportion des CD achetés par des particuliers utilisés pour faire des copies privées. Dans Copie privée II, la Commission a retenu le pourcentage de 56 pour cent. En 2003-2004, la SCPCP proposait 65 pour cent. Cette fois-ci, la preuve présentée par la SCPCP donne à penser que le pourcentage serait de 60 pour cent. Encore une fois, ce pourcentage semble raisonnable.

[79] Une autre statistique importante est le pourcentage d’unités que les consommateurs gaspillent en tentant de copier de la musique sur des CD vierges. Dans Copie privée II, la Commission a fixé ce pourcentage à 12 pour cent. Dans Copie privée III, la SCPCP a avancé un pourcentage de 5 pour cent. Cette fois, selon le sondage de veille musicale, les consommateurs ont déclaré avoir gaspillé 3 pour cent de leurs CD. On peut s’attendre à ce que, avec le temps, les consommateurs aient plus de facilité à faire des copies et à ce que les logiciels deviennent plus conviviaux, ce qui devrait entraîner une diminution du pourcentage de CD vierges que les consommateurs gaspillent en tentant de copier de la musique.

[80] Le dernier chiffre important dont il faut tenir compte dans l’application du modèle Stohn/Audley aux CD vierges est la correction à apporter au titre des téléchargements sur Internet. Si nous appliquions les chiffres fournis par la SCPCP et les principes que nous avons énoncés aux paragraphes 60 et 61, nous obtiendrions un escompte de 9 pour cent.

[81] Le taux obtenu en appliquant strictement le modèle Stohn/Audley, d’après les chiffres proposés par la SCPCP, serait alors de 29 ¢, soit 8 ¢ de plus que le taux actuel de 21 ¢. Cela peut sembler contre-intuitif. D’après les données fournies par la SCPCP elle-même, lorsque nous comparons les données de 2001-2002 avec celles de 2005-2006, le nombre de plages copiées sur des CD vierges a baissé de près de 10 pour cent (de 706 à 639 millions), tandis que le nombre de CD vierges vendus a augmenté d’un peu plus de 35 pour cent. Ces facteurs tendraient à faire baisser considérablement le taux applicable aux CD vierges.

[82] D’autres facteurs tendent à faire augmenter le montant de la redevance. Dans Copie privée II, la rémunération ajustée était de 0,8653 $; elle passe à 1,0049 $, soit 16 pour cent de plus. La proportion de CD achetés par les consommateurs a augmenté. Le changement proposé de 12 à 3 pour cent au facteur pour le gaspillage entraînerait une augmentation directement proportionnelle du taux final. Somme toute, donc, et sous réserve de ce que nous affirmons au paragraphe 86, le modèle Stohn/Audley semble très solide, et une augmentation de 21 à 29 ¢ n’est pas clairement irrationnelle. En outre, l’approche adoptée par la SCPCP elle-même à l’égard de l’application du modèle reflète les changements survenus avec le temps en ce qui a trait au marché des CD vierges et à l’utilisation de ceux-ci par les consommateurs. En 2000, la SCPCP proposait en dernière analyse un taux de 49 ¢ pour les CD vierges. En 2002, elle demandait 59 ¢. Cette fois-ci, le modèle générerait moins de la moitié de ce chiffre.

[83] Ce qui importe encore davantage est le fait que les comparaisons entre le taux fixé pour 2003-2004 et celui que nous fixons aujourd’hui posent en soi un problème, comme nous l’avons déjà mentionné. Dans Copie privée III, la Commission n’a pas tant fixé le taux qu’elle l’a maintenu à ce que l’application du modèle Stohn/Audley avait généré en 2001. Par conséquent, on ne peut tester la fiabilité du modèle en comparant la situation actuelle avec celle qui se présentait à l’époque de Copie privée III. Il faut plutôt se reporter aux données utilisées dans Copie privée II, c’est-à-dire les données de 1999-2000. Bien entendu, on obtient alors un tableau totalement différent. Au cours de cette période, par exemple, le nombre de plages copiées sur des CD a presque triplé, passant de 233 à 639 millions. Toutes choses étant égales par ailleurs, le montant total des redevances perçues devrait alors être augmenté par un facteur semblable.

[84] C’est ce qui explique pourquoi nous avons estimé qu’il était utile d’analyser le modèle Stohn/Audley pour avoir une idée de ce que les taux devraient être. Nous n’utiliserons toutefois pas les chiffres générés par le modèle, et ce, pour deux raisons.

[85] Premièrement, la SCPCP ne demande que 21 ¢. Bien que la Commission ne soit pas liée par le principe interdisant de statuer ultra petita, elle doit néanmoins s’assurer que le processus adopté est équitable lorsqu’il s’agit de fixer un tarif plus élevé que ce que demande une société de gestion. En l’espèce, ce facteur nous empêche tout simplement de fixer un taux supérieur à celui que la SCPCP a demandé.

[86] Deuxièmement, nous n’aurions pas accepté certains des chiffres avancés par la SCPCP sans avoir vérifié davantage leur fiabilité. Nous soupçonnons que les consommateurs qui tentent de copier de la musique gaspillent plus de 3 pour cent de leurs CD vierges. Nous ne serions pas surpris de constater que le nombre de téléchargements payants et promotionnels soit supérieur à ce qu’a révélé le sondage de veille musicale, ou encore que ce sondage sous-estime le temps d’enregistrement inutilisé. [15] Enfin, compte tenu de ce qui se passe sur le marché de la musique en ligne, il se peut que l’ajustement à effectuer pour tenir compte de la nature accessoire des copies privées supplémentaires doive être révisé à la hausse. [16] Cela étant dit, nous sommes convaincus que, même après avoir procédé à une série de corrections pour tenir compte de nos réserves, nous aurions probablement homologué un taux supérieur à 21 ¢.

[87] Pour les motifs que nous venons d’indiquer, la Commission homologue un taux de 21 ¢ pour les CD vierges, comme la SCPCP l’a demandé.

[88] Le marché des CD vierges a sans doute plafonné en 2005. Selon les prévisions du SCCG, on peut s’attendre à ce que les ventes totales accusent une baisse constante à compter de 2006 et à ce qu’elles ne représentent, en 2010, qu’une petite fraction de ce qu’elles étaient. Cette importante diminution des ventes de CD est assurément liée à la popularité croissante des nouvelles technologies telles que les enregistreurs audionumériques, les clés USB et autres dispositifs et supports. L’absence de redevances sur ces dispositifs et supports entraînera inévitablement une importante réduction des montants générés par le régime de copie privée. En fait, nous estimons que, par suite de la décision de la Cour d’appel fédérale de supprimer la redevance que nous avions établie sur les enregistreurs audionumériques dans Copie privée III, la SCPCP a perçu 35 millions de dollars de moins en redevances pour les années 2004 à 2006.

F. Taux homologués et redevances totales

[89] Pour les années 2005 à 2007, la Commission homologue les taux suivants :

  • 24 ¢ par cassette audio d’une durée de 40 minutes ou plus. Il s’agit d’une diminution de 5 ¢ par rapport au taux actuel, qui est de 29 ¢.
  • 21 ¢ par CD-R ou CD-RW. Le taux reste ainsi le même que le taux actuel.
  • 21 ¢ par CD-R Audio, CD-RW Audio ou MiniDisc. Il s’agit d’une diminution d’environ 70 pour cent par rapport au taux actuel, qui est de 77 ¢.

[90] La Commission estime que ces taux généreront des redevances totales d’environ 29,5 millions de dollars pour l’année 2005, soit environ un million de dollars de moins que ce que les taux antérieurs auraient généré. Quatre-vingt-cinq pour cent de cette diminution est attribuable au taux inférieur homologué à l’égard de la gamme Audio et des MiniDisc, et l’autre 15 pour cent, au taux inférieur homologué à l’égard des cassettes audio.

[91] Les taux que la Commission homologue prennent effet le 1er janvier 2005. La SCPCP devra donc remettre aux fabricants et aux importateurs les montants qu’elle a perçus en trop auprès d’eux. Nous estimons que ces montants totalisent environ 2,5 millions de dollars. Il ne nous appartient toutefois pas de déterminer qui, dans la chaîne économique menant aux consommateurs finaux, sera le bénéficiaire ultime de ces remboursements.

G. Modifications aux dispositions administratives

[92] Depuis le début, les vérifications auprès de certains fabricants et importateurs de supports audio vierges posent problème. Avant de se rendre là où la vérification doit être effectuée, la SCPCP envoie toujours un avis comportant une liste des types de documents dont les vérificateurs ont besoin. Pourtant, dans la majorité des cas, les vérifications s’avèrent complexes, difficiles et longues. En 2006, la SCPCP a procédé à 31 vérifications. Dans 17 cas, les vérificateurs ont eu de la difficulté à obtenir les documents dont ils avaient besoin pour achever leur tâche; à neuf reprises, les vérificateurs n’ont pu, pour cette raison, terminer la vérification. Ces problèmes deviennent encore plus fréquents lorsque la SCPCP intensifie ses mesures d’exécution, puisque cela incite les sociétés à déclarer davantage leurs ventes ou importations, ce qui fait que plus de sociétés doivent faire l’objet d’une vérification.

[93] Pour ces motifs, la SCPCP a demandé que deux changements soient apportés aux dispositions administratives du tarif. Le premier concerne la nature des renseignements que les importateurs et fabricants de supports vierges doivent conserver aux fins de vérification. Le deuxième se rapporte à la faculté de la SCPCP de faire part à d’autres personnes des renseignements qu’elle obtient.

i. Vérifications

[94] De 1999 à 2004, le tarif pour la copie privée indiquait ceci : « Le fabricant ou importateur tient et conserve pendant une période de six ans les registres permettant à la SCPCP de déterminer facilement les montants exigibles et les renseignements qui doivent être fournis en vertu du présent tarif. » Ce libellé est semblable à celui de la plupart des dispositions concernant les vérifications que l’on trouve dans d’autres tarifs homologués par la Commission.

[95] Le projet de tarif pour 2006 ajoute ce qui suit aux dispositions antérieures :

[...] Ces registres doivent être les documents d’origine et doivent pouvoir permettre de déterminer toutes les sources d’approvisionnement en supports audio vierges, le nombre de supports acquis ou fabriqués, ainsi que la vente ou autre disposition de ces supports. Ces registres incluent, non limitativement, les ventes, les achats, l’inventaire et les états financiers. Le vérificateur peut prendre toutes mesures et faire toutes enquêtes raisonnables à l’intérieur et à l’extérieur de la compagnie, afin de confirmer que les renseignements fournis à la SCPCP sont complets et exacts.

[96] Le projet de tarif pour 2007 substitue ce qui suit à la deuxième phrase du paragraphe précédent :

Ces registres incluent, non limitativement, les ventes, les achats et les comptes d’inventaire, ainsi que les états financiers lorsque ceux-ci sont raisonnablement nécessaires afin de confirmer que les renseignements fournis sont complets et exacts.

[97] M. Malcolm, qui a effectué plusieurs vérifications pour le compte de la SCPCP, a témoigné que la simple référence actuelle aux registres n’est pas suffisante pour désigner convenablement les types de documents commerciaux que les fabricants et importateurs de supports vierges devraient conserver et mettre à la disposition des vérificateurs de la SCPCP. Il estimait, en raison des difficultés qu’il avait lui-même eues au cours de diverses vérifications, qu’il faut clarifier la portée de certaines procédures de vérification qui peuvent être entreprises.

[98] La CSMA appuie le libellé de la disposition applicable à l’année 2007. M. Tartamella approuve la SCPCP lorsqu’elle demande que soient adoptées des dispositions plus claires en la matière, et il ajoute que l’octroi de pouvoirs plus étendus est la [TRADUCTION] « seule façon d’obtenir des renseignements ». [17]

[99] Par contre, les détaillants ont produit des commentaires exhaustifs dans le but de démontrer que les nouvelles dispositions relatives aux vérifications étaient inutiles, que, s’apparentant aux ordonnances Anton Piller, elles débordaient peut-être la compétence de la Commission et qu’elles risquaient de faire l’objet de contestations fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés Charte »).

[100] Nous croyons que l’attitude adoptée par la CSMA et M. Tartamella est celle qui convient. Comme nous l’avons indiqué au paragraphe 31, certains importateurs de supports vierges se donnent un mal fou pour obtenir un avantage compétitif, en évitant de payer la redevance. La SCPCP doit disposer des outils lui permettant de prendre des mesures efficaces à l’égard de ces importateurs. Simplement prévoir ce qui sont en fait des règles de gouvernance de base ne peut léser qui que ce soit.

[101] Contrairement à ce que les détaillants soutiennent, il n’y a aucune similitude entre une ordonnance Anton Piller et une vérification de la SCPCP. L’ordonnance Anton Piller est une mesure ex parte prise par un tribunal dont le but est de prévenir la destruction de preuves. Elle enjoint à une personne d’autoriser une ou plus d’une personne à entrer, sans préavis, dans un lieu et à saisir, dans les faits, des registres. La personne qui refuse de se conformer à l’ordonnance peut être reconnue coupable d’outrage au tribunal. Reconnaissant que l’ordonnance a un caractère attentatoire, le tribunal prend normalement des mesures de protection strictes. L’ordonnance est rendue uniquement si une action en justice a été régulièrement intentée contre les défendeurs. La partie requérante doit faire preuve de la plus entière bonne foi et établir une preuve prima facie solide. L’ordonnance prévoit habituellement la présence d’un procureur indépendant qui agira à titre de fonctionnaire judiciaire. Un rapport détaillé doit être déposé auprès du tribunal. Le rapport doit décrire avec précision les objets ou documents saisis. Tous les registres saisis doivent être photocopiés et rendus à leur propriétaire le plus tôt possible. Certains tribunaux exigeront couramment que la partie requérante fournisse un cautionnement pour frais.

[102] Par contre, une vérification de la SCPCP sert uniquement à s’assurer que l’importateur ou le fabricant de supports se conforme au tarif. Il n’y a pas de visite surprise : l’intéressé sera contacté à l’avance pour convenir de la date de la vérification. La vérification n’est pas une ordonnance judiciaire; le refus de s’y conformer n’entraîne pas de procédure pour outrage, quoiqu’il peut constituer une violation du tarif. Il serait possible d’entrer par la force dans les locaux uniquement si le tribunal rendait une ordonnance en ce sens; le refus de laisser les vérificateurs entrer dans les lieux n’entraîne aucune conséquence immédiate. Les vérificateurs ne sont pas autorisés à saisir ou à confisquer des objets ou des documents; ils ne peuvent que consulter des documents et en demander des copies et encore là, la personne qui n’obtempère pas ne subira aucune conséquence immédiate. Enfin, une vérification est une pratique commerciale courante; il n’est pas nécessaire d’intenter une action au civil avant ou après la vérification.

[103] La Cour fédérale a déjà réglé la question du risque qu’une vérification de la SCPCP soit illégale au regard de la Charte. Lorsqu’elle est convenablement effectuée, elle ne constitue pas une perquisition, fouille ou saisie abusive. [18]

[104] L’article 9 du tarif sera libellé de manière à refléter ce que la SCPCP cherche à accomplir. Il est inutile d’examiner la question de savoir si la disposition s’appliquera rétroactivement. D’une part, les registres qui doivent être conservés aux termes de cette disposition sont des registres que toute entreprise commerciale doit de toute façon conserver conformément à d’autres règles de droit; il est donc raisonnable de s’attendre à ce que ces registres aient été conservés dans le passé. D’autre part, une vérification est un événement qui a lieu à un moment précis ou pendant une période donnée. Elle peut uniquement être effectuée conformément aux règles alors en vigueur. Par conséquent, la nouvelle disposition s’appliquera à toutes les vérifications qui seront effectuées après la publication du tarif ainsi qu’à toutes les vérifications en cours.

ii. Confidentialité

[105] La SCPCP demande également que des changements soient apportés à l’article 10 du tarif, qui traite de l’obligation de « garde[r] confidentiels les renseignements qu’un fabricant ou importateur lui transmet en application du présent tarif ». Là encore, un examen de l’évolution du libellé de cet article pourrait être utile.

[106] Les dispositions pertinentes de l’article 10 du Tarif pour la copie privée, 2003-2004 se lisent comme suit :

10. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), la SCPCP garde confidentiels les renseignements qu’un fabricant ou importateur lui transmet en application du présent tarif, à moins que le fabricant ou l’importateur ne consente par écrit à ce qu’ils soient divulgués.

(2) La SCPCP peut faire part des renseignements visés au paragraphe (1)

(i) à la Commission du droit d’auteur;

(ii) à toute personne, dans le cadre d’une affaire portée devant la Commission;

(iii) à une société de gestion représentée par la SCPCP, dans la mesure où cela est nécessaire pour effectuer la répartition et que les données ont été colligées de façon à éviter la divulgation de renseignements à l’égard d’un fabricant ou manufacturier particulier;

(iv) si la loi ou une ordonnance d’un tribunal l’y oblige.

(3) [...]

(4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux renseignements disponibles au public ou obtenus d’un tiers non tenu lui-même de garder confidentiels ces renseignements.

(5) Malgré ce qui précède, ne constituent pas des renseignements confidentiels la dénomination sociale du fabricant ou de l’importateur, les appellations commerciales dont il se sert pour faire affaires et les types de support dont il fait état en vertu de l’alinéa 8d).

[107] La disposition proposée pour 2005 est identique. Pour 2006 et 2007, la SCPCP demande que le paragraphe (2) soit modifié de manière à lui permettre de faire part de renseignements « à toute autre personne, mais seulement lorsque requis par la SCPCP dans le cadre soit d’une vérification en vertu de l’article 9 ci-dessus, soit de l’exercice de ses droits en vertu de l’article 88 de la Loi ».

[108] La SCPCP veut être en mesure d’utiliser les renseignements fournis conformément à l’article 8 du tarif ou recueillis au cours d’une vérification effectuée en vertu de l’article 9, surtout pour mettre les personnes tentées de se soustraire aux redevances en présence de la preuve qu’elles ont importé au Canada et vendu des supports audio vierges. À l’heure actuelle, lorsqu’elle obtient d’une personne copie d’un document concernant la livraison de CD vierges à cette personne par un fournisseur, la SCPCP ne peut communiquer ce document au fournisseur sans le consentement de la personne qui a fourni le document, même si le fournisseur connaît de toute évidence l’existence du document. Sans un tel consentement, la SCPCP doit obtenir une ordonnance judiciaire la libérant de son obligation de confidentialité, [19] ce qui nécessite à la fois temps et argent.

[109] Les détaillants sont d’avis que, puisque les tribunaux ont jusqu’à présent été portés à soustraire la SCPCP à son obligation de confidentialité lorsque cette dernière le demande, aucun changement n’est nécessaire. La Commission n’est pas d’accord. Nous ne voyons aucune raison d’empêcher la SCPCP d’utiliser un renseignement à des fins d’exécution ou de vérification sans avoir à obtenir une ordonnance judiciaire, dans la mesure où la personne à qui le renseignement est communiqué le connaît déjà ou devrait déjà le connaître. [20] Fait révélateur, les décisions que les tribunaux ont rendues à ce jour indiquent que la SCPCP n’a pas abusé de ses pouvoirs de vérification et que ses vérificateurs ont fait preuve de prudence et ont agi en conformité avec les règles de conduite généralement reconnues.

[110] La SCPCP sera autorisée à faire part de renseignements aux personnes qui les connaissent ou qui sont présumées les connaître. Le libellé du tarif est modifié en conséquence. Pour les motifs énoncés au paragraphe 104, il est inutile de traiter de la question de l’application rétroactive de la disposition.

H. Autres questions

i. Répartition de la redevance entre les sociétés de gestion

[111] Nous n’avons entendu aucun commentaire sur cette question. La redevance sera répartie de la même façon que dans Copie privée III. Ainsi, les sociétés de gestion représentant les auteurs admissibles ont droit à 66 pour cent, les artistes-interprètes admissibles, à 18,9 pour cent, et les producteurs admissibles, à 15,1 pour cent. Nous remarquons aussi que dans le projet de tarif, la SCPCP ne mentionne plus la SOGEDAM (Société de gestion des droits des artistes-musiciens) comme ayant droit à une part des sommes accordées aux artistes-interprètes admissibles.

ii. Utilisation de la preuve par sondage

[112] Le procureur des détaillants a exhorté la Commission à ne pas tenir compte de la preuve par sondage que la SCPCP a produite, soutenant qu’elle n’était aucunement pertinente au regard de la question en litige, en plus de ne pas être fiable. Il s’est référé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc. [21] pour appuyer cette prétention. Nous concluons que cette décision ne peut aucunement s’appliquer en l’espèce.

[113] L’arrêt Mattel portait sur la probabilité de confusion entre une marque de commerce très connue et une autre marque. Devant le juge des requêtes, l’appelante avait cherché à produire un nouvel élément de preuve, à savoir un sondage d’opinion. Le principal motif de contestation de cette preuve touchait sa pertinence. Le juge Binnie a déclaré que le sondage ne répondait pas à la question en litige, n’était pas pertinent et devrait être exclu.

[114] La SCPCP a présenté deux sondages. Le premier est la veille musicale. La SCPCP a produit son équivalent depuis les toutes premières audiences portant sur la copie privée. Le sondage ne possède aucune des caractéristiques qui amèneraient un tribunal à conclure qu’il devrait être exclu en se fondant sur l’arrêt Mattel. Le sondage a été organisé sous la direction d’un professionnel expérimenté et a résisté au test de trois contre-interrogatoires. Il est bien conçu et administré de manière impartiale. Les questions qu’on y pose sont d’intérêt pour comprendre le marché de la copie privée au Canada; il en va de même de ses conclusions. Les résultats du sondage sont dans l’ensemble fiables et valables.

[115] Le deuxième sondage, effectué par Environics Research Group, est un sondage d’opinion typique. La SCPCP l’a présenté pour tenter de démontrer qu’une majorité de Canadiens estime que la redevance pour la copie privée est juste et équitable, que ces derniers ont accepté le montant des redevances imposé à l’heure actuelle et que la Commission ne devrait pas avoir de difficulté à maintenir ce montant. Nous n’avons aucunement tenu compte de ce sondage pour arriver à notre décision. Par conséquent, la question est sans objet.

iii. Statut des participants

[116] En l’espèce, nous avons d’abord autorisé la CSMA à exercer un mandat de surveillance. Nous avons éventuellement accordé un statut semblable aux détaillants et à M. Tartamella. En définitive, cette décision s’est avérée inutile. La directive sur la procédure de la Commission prévoit que toute personne intéressée peut présenter des observations sur une question avant la date fixée pour la présentation des plaidoiries orales ou le dépôt des argumentations écrites. Les événements subséquents ont démontré que ces « observateurs » auraient pu présenter toute observation utile qu’ils auraient souhaité formuler sans qu’il nous soit nécessaire de créer un nouveau niveau de participation apparent qui n’a fait que semer la confusion.

Le secrétaire general,

Signature

Claude Majeau


ANNEXE
Copie privée 2005-2007
Calcul du taux de la redevance

RÉMUNÉRATION DES AUTEURS

A

Redevance des licences de reproduction mécanique par chanson, par CD haut de gamme

0,0695 $

B

Nombre moyen de plages par CD

15

C

Pourcentage des ventes attribuables aux clubs de disques et aux gammes à rabais

13 %

D

Escompte relatif aux ventes des clubs de disques et de gammes à rabais

25 %

E

Ajustement pour tenir compte des ventes des clubs de disques et de gammes à rabais [C × D] 0,13 × 0,25

3,25 %

F

Rémunération des auteurs [A × B × (1 – E)] 0,0695 × 15 × (1 – 0,0325)

1,0086 $

 

RÉMUNÉRATION DES ARTISTES-INTERPRÈTES ET DES PRODUCTEURS

G

Prix de détail suggéré des CD haut de gamme

17,98 $

H

Redevance (en pourcentage)

18 %

I

Rabais applicables (contenant, allocation pour produits gratuits)

36,25 %

J

Escompte relatif aux ventes des clubs de disques et de gammes à rabais

50 %

K

Ajustement pour tenir compte des ventes des clubs de disques et de gammes à rabais [C × J] 0,13 × 0,5

6,5 %

L

Versements à l’American Federation of Musicians

0,07 $

M

Rémunération des artistes-interprètes et des producteurs [(G × H × (1 – I) × (1 – K) ) + L] (17,98 × 0,18 × (1 – 0,3625) × (1 – 0,065) ) + 0,07

1,9991 $

N

Redevances totales par CD préenregistré [F + M] 1,0086 + 1,9991

3,0077 $

 

AJUSTEMENT RELATIF AU RÉPERTOIRE ADMISSIBLE

O

Part pondérée des copies privées revenant aux auteurs admissibles [(F ÷ N) × % des copies privées faisant partie du répertoire d’auteurs admissibles] 1,0086 ÷ 3,0077 × 96 %

32,2 %

P

Part pondérée des copies privées revenant aux artistes-interprètes admissibles [(M ÷ N) × % des copies privées faisant partie du répertoire des artistes- interprètes admissibles ÷ 2] 1,9991 ÷ 3,0077 × 27,5 % ÷ 2

9,1 %

Q

Part pondérée des copies privées revenant aux producteurs admissibles [(M ÷ N) × % des copies privées faisant partie du répertoire des producteurs admissibles ÷ 2] 1,9991 ÷ 3,0077 × 22 % ÷ 2

7,3 %

R

Part pondérée des copies privées provenant du répertoire admissible [O + P + Q] 32,2 + 9,1 + 7,3

48,6 %

S

Rémunération imputée au répertoire admissible par CD [N × R] 3,0077 × 0,486

1,4617 $

 

RÉMUNÉRATION AJUSTÉE (NATURE ACCESSOIRE DE L’ACTIVITÉ)

T

Ajustement pour les copies de CD appartenant au copiste [% des copies privées × 50 %] 25 % × 50 %

12,5 %

U

Ajustement pour les copies d’autres sources [% des copies privées × 25 %] 75 % × 25 %

18,75 %

V

Rémunération ajustée [S × (1 – (T + U ) )] 1,4617 $ × (1 – (0,125 + 0,1875) )

1,0049 $

W

Durée moyenne d’un CD préenregistré [B × 4'10"] 15 × 4'10"

62,5 min.

X

Pourcentage de la durée d’enregistrement moyenne utilisée sur un CD préenregistré

87 %

Y

Pourcentage de copies déjà autorisées (téléchargements payants et promotionnels)

9 %

 

TAUX DE LA REDEVANCE SUR LES CASSETTES AUDIO

AA

Capacité d’enregistrement moyenne pondérée

82,6 min.

AB

Ajustement pour tenir compte de la capacité d’enregistrement [( (AA × X) – W) ÷ W ÷ 2] ( (82,6 × 0,87) – 62,5) ÷ 62,5 ÷ 2

7,5 %

AC

Taux de la redevance sur les cassettes [V ÷ 2 × % de cassettes achetées par les particuliers × % des cassettes achetées en vue des faire des copies privées × (1 + AB)] 1,0049 $ ÷ 2 × 0,75 × 0,59 × (1 + 0,075)

0,24 $

 

TAUX DE LA REDEVANCE SUR LES CD-R, CD-R AUDIO, CD-RW, CD-RW AUDIO ET MINIDISC

AD

Capacité d’enregistrement moyenne

79,1 min.

AE

Ajustement pour tenir compte de la capacité d’enregistrement [( (AD × X) – W) ÷ W × 0,66] ( (79,1 × 0,87) – 62,5) ÷ 62,5 × 0,66

6,7 %

AF

Taux de la redevance sur les CD-R, CD-R Audio, CD-RW, CD-RW Audio et les MiniDisc [V × % de CD-R achetés par les particuliers × % des CD-R achetés en vue de faire des copies privées × (1 – % de perte) × (1 + AE) × (1 – Y)] 1,0049 $ × 0,503 × 0,6 × (1 – 0,03) × (1 + 0,067) × (1 – 0,09)

0,29 $

 



[1] Décision du 12 décembre 2003 homologuant le Tarif pour la copie privée, 2003-2004 (ci-après Copie privée III).

[2] Société canadienne de perception de la copie privée c. Canadian Storage Media Alliance (C.A.F.) [2005] 2 R.C.F. 654 (ci-après SCPCP c. CSMA).

[3] Pièce CPCC-4 (ci-après le « sondage de veille musicale »).

[4] Décision du 17 décembre 1999 homologuant le Tarif pour la copie privée, 1999-2000 (ci-après Copie privée I).

[5] Décision du 15 décembre 2000 homologuant le Tarif pour la copie privée, 2001-2002 (ci-après Copie privée II).

[6] Copie privée II, aux pages 16 à 18.

[7] Copie privée III, aux pages 22 à 29; SCPCP c. CSMA, aux paragraphes 58, et 75 à 127.

[8] Copie privée I, à la page 36.

[9] Décision du 16 mars 2007 homologuant le Tarif CSI pour les services de musique en ligne, 2005-2007 (ci-après Musique en ligne).

[10] An Analysis of the Impact of Controlled Composition Clauses on the Mechanical Licensing Rate Paid in Canada Under the CMRRA and SODRAC Agreements, pièce CPCC-14, à la page 5.

[11] Ibid.

[12] Le nombre de fichiers téléchargés qui sont copiés sur des cassettes audio est négligeable.

[13] Supra, note 6.

[14] 17 U.S.C. §1001-10 (1992).

[15] Selon le sondage, le nombre de plages qui sont copiées sur un CD est d’environ 16,5. Cependant, en divisant le nombre de plages qui, selon le sondage, sont copiées sur un CD, par le nombre de CD utilisés par des consommateurs pour copier de la musique, selon le témoignage de M. Audley, on obtient un nombre d’environ 14.

[16] Musique en ligne, au paragraphe 88.

[17] Observations de M. Tartamella, 17 novembre 2006, à la page 4.

[18] Société canadienne de perception de la copie privée c. Cano Tech Inc. (C.F.) 2006 CF 28, paragraphes 103-117; appel rejeté, 2007 CAF 14 (ci-après Cano Tech).

[19] Cano Tech, par. 71; SCPCP c. 9087-0718 Québec Inc., Vortek Systèmes s.e.n.c., 2006 CF 283; SCPCP c. Fuzion and Yeung, 2006 CF 1284.

[20] Nous ne voudrions pas permettre à un importateur d’empêcher la SCPCP de montrer un contrat de vente au fournisseur dont le nom figure dans le document au motif qu’il s’agit d’un faux.

[21] [2006] 1 R.C.S. 772 (ci-après Mattel).

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