Décisions

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2006-08-18

Référence

Dossier : Exécution publique d’œuvres musicales

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Francine Bertrand-Venne

Me Brigitte Doucet

Projets de tarif examinés

24 – Sonneries (2003-2005)

Tarif des redevances à percevoir par la socan pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Les téléphones cellulaires sont omniprésents; leurs sonneries résonnent partout. Elles révèlent à tout venant l’attrait du propriétaire pour l’indicatif de La Soirée du hockey, Für Elise de Beethoven, Axel F, thème du film Le flic de Beverley Hills, ou toute autre pièce musicale (ou effet sonore) de son choix.

[2] Au salon funéraire, au théâtre, au palais de justice ou dans une salle d’audience, les sonneries sont un fléau. Elles n’en sont pas moins immensément populaires. En 2003, on en a vendu pour 3,5 milliards de dollars américains à travers le monde; c’est environ 10 pour cent de l’ensemble du marché de la musique. Ce montant passerait à 5,2 milliards de dollars américains en 2008.

[3] La plupart des sonneries font appel à la musique. Les titulaires du droit de communiquer cette musique demandent à la Commission d’établir un tarif pour son utilisation. Pour leur part, des entreprises de télécommunications sans fil et l’industrie du disque prétendent que la transmission d’une sonnerie ne fait pas intervenir une communication au public par télécommunication au sens de la Loi sur le droit d’auteur [1] et que dès lors, aucune redevance ne peut être exigée.

[4] Dans les présents motifs, nous tranchons ces questions.

II. CONTEXTE

[5] La sonnerie est le son (ou l’ensemble de sons) que produit un téléphone cellulaire pour avertir l’abonné qu’on cherche à le joindre. Le plus souvent, la sonnerie fait entendre un extrait d’œuvre musicale.

[6] À l’heure actuelle, il existe trois sortes de sonneries musicales. Deux d’entre elles produisent une musique synthétisée (d’où le terme « sonnerie synthétisée » que nous emploierons par la suite). La sonnerie monophonique joue une note à la fois; la sonnerie polyphonique joue simultanément de quatre à seize « voix », offrant une reconstitution plus réaliste de l’œuvre. Les sonneries les plus nouvelles et les plus populaires sont les sonneries dites hifi ou authentiques, connues en anglais sous les noms de mastertones, truetones, ringtunes ou mastertunes. Ces dernières permettent de télécharger et d’écouter un extrait (ou séquence) de l’enregistrement sonore original d’une œuvre musicale.

[7] Au Canada, celui qui livre une sonnerie utilisant une œuvre musicale doit obtenir une licence permettant la reproduction et, de l’avis de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), la communication de l’œuvre. Celui qui livre une sonnerie authentique utilisant cette même œuvre doit aussi obtenir une licence pour la reproduction de la prestation de l’artiste-interprète et de l’enregistrement sonore; si la SOCAN a raison, il doit en plus verser une rémunération équitable pour la communication de l’enregistrement sonore. L’objet de la présente décision se limite à la communication de l’œuvre musicale.

[8] La communication au public par télécommunication d’une œuvre musicale est un acte protégé par le droit d’auteur, tout comme le fait d’autoriser autrui à effectuer une telle communication. C’est la SOCAN, une société de gestion au sens de l’article 2 de la Loi, qui gère ces droits pour ainsi dire l’ensemble du répertoire mondial de la musique protégée par le droit d’auteur.

[9] Le paragraphe 67.1(2) de la Loi exige que la SOCAN dépose un projet de tarif des redevances qu’elle compte percevoir pour l’utilisation de son répertoire. Pour 2003, la SOCAN a déposé son premier projet de tarif visant la communication d’œuvres musicales « incorporées au sein de sonneries (téléphoniques ou autres) ». Elle a proposé un taux de 10 pour cent des revenus du fournisseur de sonneries, jusqu’à un maximum de 7 500 $ par trimestre. Pour 2004, elle a proposé un taux de 10 pour cent, sous réserve d’une redevance minimale de 10 ¢ par sonnerie fournie. Pour 2005, elle a proposé un taux de 10 pour cent et une redevance minimale de 20 ¢ par sonnerie. Les tarifs proposés ont été publiés dans la Gazette du Canada du 11 mai 2002, 19 avril 2003 et 1er mai 2004 respectivement. Les présents motifs traitent du tarif 24 de la SOCAN pour les années 2003 à 2005. [2]

[10] Les utilisateurs éventuels et leurs représentants ont été informés de leur droit de s’opposer aux projets de tarif. Bell Mobilité (Bell), l’Association canadienne des télécommunications sans fil (ACTS) et Telus Mobilité (Telus) (désignées collectivement comme les entreprises de télécommunications sans fil) se sont opposées à au moins un des tarifs proposés, tout comme l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (CRIA). Deux entreprises qui créent, collectionnent et distribuent des sonneries (les agrégateurs de sonneries) ont été autorisées à intervenir, soit Moviso et SilverBirch Studios. La première s’est désistée de la procédure et la seconde s’est limitée à présenter des observations écrites et n’a pas assisté à l’audience. La Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) a déposé des observations écrites qui traduisaient également l’opinion de l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA).

III. POSITION DES PARTICIPANTS

A. La SOCAN

[11] La SOCAN propose un taux de 10 pour cent des revenus du fournisseur de sonneries. Elle prétend avoir établi ce taux en se basant sur l’approche retenue par la Commission pour établir le tarif applicable aux services sonores payants. [3]

[12] La SOCAN n’a pas déposé de tarif pour l’exécution qui peut découler d’une sonnerie jouée dans un lieu public.

B. Les opposantes

[13] Les opposantes ont déposé un mémoire conjoint. Elles admettent que le téléchargement d’une sonnerie constitue une communication par télécommunication; cependant, elles soutiennent que cette communication n’est pas une communication publique, mais plutôt une transaction privée entre un vendeur et un acheteur et qu’à ce titre, elle n’est pas protégée par le droit d’auteur. Les entreprises de télécommunications sans fil ajoutent que les décisions antérieures de la Commission sur la question de ce qui constitue une communication « au public » trahissent une mauvaise compréhension du droit de mise à disposition reconnu dans des traités internationaux récents en matière de droit d’auteur, traités qui n’ont pas été mis en œuvre au Canada.

[14] Subsidiairement, les opposantes sont d’avis que même si elles sont redevables aux auteurs, le tarif ne devrait pas dépasser 1,5 pour cent des recettes du fournisseur de sonneries. Elles prétendent que l’analyse de la SOCAN repose sur une interprétation erronée de la décision Services sonores payants (2002) et que son projet de tarif est incompatible avec les tarifs en vigueur pour ce genre de service ailleurs dans le monde. Elles estiment que la vente d’une sonnerie met surtout en cause le droit de reproduction. La communication est incidente ou accessoire à la transaction, et le tarif devrait en tenir compte.

[15] Enfin, les opposantes demandent que le taux effectif applicable aux sonneries authentiques soit moins élevé que celui pour les sonneries synthétisées. Ce taux moindre se justifierait du fait que le prix plus élevé des sonneries authentiques est attribuable exclusivement à l’ajout d’intrants qui ne proviennent pas de la SOCAN, à savoir l’enregistrement sonore original et la prestation qui y est incorporée. À leur avis, la SOCAN ne devrait pas recevoir une part de ces recettes supplémentaires. Par conséquent, il faudrait réduire soit l’assiette tarifaire, soit le taux.

IV. LA PREUVE

[16] La SOCAN a cherché à démontrer que le téléchargement d’une sonnerie implique une communication au public par télécommunication et que le modèle de référence approprié pour établir le tarif est celui applicable aux services sonores payants.

[17] M. Michael Sone, consultant, a présenté une étude réalisée par NBI/Michael Sone Associates, qui propose un tour d’horizon de l’industrie canadienne des sonneries. Le rapport se penche sur les questions soulevées dans ce marché quant aux méthodes, à la technologie et à l’obtention de droits. Il aborde des sujets comme la stratégie de mise en marché, les genres de combiné, le marché adressable en puissance, les points de ressemblance et de divergence entre les méthodes de téléchargement des divers fournisseurs et les niveaux d’activité. Il fournit aussi des observations détaillées sur le rôle des principaux agrégateurs dans la création des sonneries et des musicothèques.

[18] M. Tom Jurenka, associé, a présenté un rapport préparé par Disus Inc. portant sur les aspects techniques de la transmission de sonneries et a apporté d’autres précisions sur leur transmission et leur utilisation. Son témoignage rejoint en grande partie la description de ce qui se passe sur Internet, consignée dans une décision antérieure de la Commission. [4]

[19] Les témoignages de MM. Paul Spurgeon, vice-président, services juridiques, et chef du contentieux et Paul Hoffert, compositeur, ont porté sur la nécessité d’établir un tarif pour les sonneries, la structure envisagée pour le tarif, l’importance de la musique dans les sonneries, les retombées de ce marché pour les entreprises de télécommunications sans fil et les relations commerciales entre ces dernières et les tiers fournisseurs. M. Spurgeon a expliqué comment le projet de tarif de la SOCAN avait été mis au point et pourquoi, selon lui, le tarif applicable aux services sonores payants constitue un modèle de référence utile pour établir le tarif sous examen.

[20] Le professeur Stanley J. Liebowitz a commenté l’analyse économique déposée par le professeur Frank Mathewson pour le compte des opposantes. Plus précisément, il conteste les prétentions du professeur Mathewson portant que le meilleur point de départ est le prix payé pour la communication des sonneries dans les marchés étrangers, que le tarif applicable aux services sonores payants n’est qu’un piètre indicateur pour établir la valeur du tarif pour les sonneries et que le montant versé pour les sonneries authentiques ne devrait pas être supérieur au montant moyen acquitté pour les autres sonneries.

[21] Quant aux opposantes, elles ont présenté les témoignages de quatre représentants de l’industrie de la téléphonie sans fil, d’un économiste, du représentant d’un agrégateur de sonneries et de trois représentants de l’industrie du disque.

[22] Le panel des témoins de la téléphonie sans fil était composé de MM. Robert Blumenthal, vice-président – produits et services, de Telus Mobilité; Upinder Saini, directeur principal des services Internet sans fil chez Rogers Sans-fil; Peter Barnes, président et chef de la direction de l’ACTS; et Ken Truffen, directeur général – développement des services de données chez Bell Mobilité. Ces témoins ont offert un aperçu de l’industrie au Canada et de l’évolution du marché canadien des sonneries. Ils ont notamment expliqué que l’introduction progressive des sonneries au Canada a été modulée par les possibilités du réseau et la capacité de mémoire disponible dans les combinés pour stocker les données et pour jouer la musique originale.

[23] Le professeur Frank Mathewson a analysé les aspects économiques du projet de tarif de la SOCAN, décrit certaines approches économiques permettant d’établir les redevances relatives à un tarif pour les sonneries et présenté des observations quant à certains points de référence à partir desquels nous pourrions définir un éventail de résultats possibles. Il a conclu que le marché des services sonores payants était trop différent de celui des sonneries pour constituer une référence valable, que les redevances payées ailleurs dans le monde pour l’utilisation de musique dans les sonneries représentaient un prix de référence plus fiable et que le taux effectif devrait être moins élevé pour les sonneries authentiques que pour les autres, de manière à tenir compte du fait que le prix supérieur des premières résulte de facteurs qui ne sont pas liés à l’utilisation du répertoire de la SOCAN.

[24] M. Alex Crookes, dirigeant principal – technologie chez M-Qube, a exposé le rôle de son entreprise à titre d’agrégateur. Ses clients sont des entreprises qui offrent des sonneries, qu’il s’agisse d’entreprises de télécommunications sans fil ou de tiers fournisseurs de sonneries comme MuchMusic. M. Crookes a expliqué le mode d’acquisition du contenu et le processus de création des sonneries. L’agrégateur doit d’abord identifier le thème marquant d’une pièce musicale; il crée ensuite les fichiers qui seront offerts aux entreprises de télécommunications. Pour produire une sonnerie synthétisée, des musiciens employés par M-Qube utilisent un format MIDI [5] pour produire une transcription électronique de la musique qui sera offerte comme sonnerie à ces entreprises. Quant aux sonneries authentiques, une version numérique originale d’une chanson est convertie en divers formats qui se prêtent à la reproduction dans un cellulaire.

[25] Une fois les sonneries produites, M-Qube les affiche sur les sites Web de sonneries de ses clients en les stockant sur des serveurs accessibles aux consommateurs. M-Qube dispose, dans son référentiel de contenu, d’une vitrine exposant son inventaire d’objets binaires – des sonneries – qu’il est possible de sélectionner pour qu’ils soient transmis aux combinés qu’utilise l’entreprise de télécommunications. M-Qube offre à ses clients l’assistance technologique requise pour que les consommateurs puissent accéder au site Web, choisir et acheter une sonnerie et faire en sorte qu’ils réussissent ensuite à la télécharger vers leur combiné. M-Qube aide aussi ses clients au chapitre de la technologie de facturation.

[26] Enfin, le panel des témoins de l’industrie du disque composé de M. Graham Henderson, président de la CRIA; Mme Christine Prudham, vice-présidente aux affaires juridiques et commerciales chez Sony BMG Music (Canada) Inc.; et M. Marcel Deluca, vice-président aux affaires commerciales de Warner Music Canada Ltd., ont offert une vue d’ensemble de l’incidence des questions liées à l’industrie des sonneries sur l’industrie du disque. Ils ont exposé de façon assez élaborée les distinctions entre sonneries synthétisées et authentiques ainsi que la valeur ajoutée que la prestation et l’enregistrement sonore apportent à cette dernière.

V. ASPECTS TECHNIQUES DE LA LIVRAISON DE SONNERIES

[27] Il y a cinq ans, les sonneries étaient un phénomène pratiquement inconnu. En 2003, on en a téléchargé quelque 6 millions au Canada, générant des recettes d’environ 9,6 millions de dollars. Les données pour l’année 2004 révèlent que le marché a connu une croissance fulgurante.

[28] Une sonnerie, c’est un extrait sonore quelconque. La qualité sonore varie selon la technologie. Avant l’année 2000, les combinés offerts sur le marché proposaient un choix limité d’options en remplacement de la sonnerie traditionnelle. Les sonneries de la première génération se résumaient à quelques variations tirées d’un signal unique synthétisé, agencé selon diverses combinaisons de séquences sonores brèves et allongées, et téléchargé vers un combiné doté d’un synthétiseur, qui pouvait transformer le signal en musique. Les sonneries monophoniques produisaient un son métallique rappelant celui d’un instrument à vent jouant en solo. En 2000, la technologie a progressé à un point tel qu’il est devenu possible d’intégrer des sons multiples, ou polyphoniques, dans le jeu de puces du téléphone.

[29] Les sonneries authentiques représentent la génération suivante de sonneries musicales. Elles permettent l’utilisation de la version enregistrée originale de l’œuvre musicale. Il s’agit d’une version compressée d’un extrait de l’enregistrement sonore original, transformé en fichier audio, puis téléchargé vers un combiné.

[30] Les fabricants produisent des combinés capables de télécharger des sonneries additionnelles depuis les sites Web des entreprises de télécommunications sans fil ou de tiers associés. Il est facile d’acheter et d’utiliser une sonnerie, même si la technologie pour ce faire est perfectionnée et complexe. L’abonné accède au site Web du fournisseur de sonneries au moyen du navigateur sans fil qui se trouve dans son combiné ou en utilisant un ordinateur. Les sites Web des entreprises de télécommunications doivent contenir les liens qui guideront l’utilisateur dans le catalogue de sonneries en fonction du type de combiné qu’il possède. Le site doit aussi être doté du protocole WAP ou du SMS [6] pour permettre la distribution personnalisée de la sonnerie jusqu’au combiné de l’utilisateur, une fois que celle-ci a été sélectionnée et payée. Le site doit aussi disposer de liens permettant le paiement par carte de crédit ou l’inscription de l’achat sur la facture de l’abonné. Enfin, le site doit figurer dans le menu du cellulaire, l’accès direct depuis le combiné étant la méthode de prédilection des abonnés.

[31] L’abonné qui décide de commander une sonnerie consulte le navigateur du combiné et clique sur l’icône « Sonneries », qui le met en communication avec le serveur de l’entreprise de télécommunications. Ce serveur lui présente un menu à partir duquel il fait son choix; lorsque le paiement a été accepté, la sonnerie est livrée directement par le réseau. Les personnes qui préfèrent commander à partir d’un ordinateur peuvent se rendre au site Web, où elles pourront faire leur choix; une fois le paiement accepté, la sonnerie peut être livrée au combiné comme pièce jointe à un message SMS ou encore, téléchargée vers l’ordinateur puis transférée au combiné au moyen d’un câble, d’un modem sans fil ou de la technologie Bluetooth. [7]

[32] Les nouveaux modèles de cellulaires stimulent la popularité des sonneries. Les sonneries qui ne produisent qu’un tintement sont ennuyantes et peu attrayantes pour le marché des jeunes. La mise en marché de combinés polyphoniques perfectionnés a permis aux agrégateurs de produire des sonneries offrant une reproduction plus fidèle de l’original. Plus tard, l’arrivée de téléphones plus sophistiqués, dotés d’une plus grande capacité de mémoire, a permis aux agrégateurs de fournir des extraits de grande qualité tirés de l’enregistrement original. Grâce à de nouveaux progrès, les consommateurs peuvent aujourd’hui se servir de leur cellulaire comme enregistreur audionumérique, y télécharger des enregistrements sonores complets et les écouter quand bon leur semble. Tout indique que le marché de la téléphonie sans fil et, partant, la demande pour des sonneries, poursuivront leur expansion tant et aussi longtemps que la fidélité d’enregistrement et la capacité de mémoire continueront de progresser.

[33] Les utilisateurs de cellulaires préféreraient sans doute avoir accès à une gamme plus étendue de fournisseurs de sonneries. Au Canada, cependant, l’accès aux sonneries est entièrement contrôlé. Les combinés jouent uniquement des sonneries achetées puis téléchargées dans des formats précis, offertes par les entreprises de télécommunications ou par des tiers fournisseurs associés. Les entreprises canadiennes ont tiré des leçons de l’expérience d’autres marchés. En Europe, par exemple, les entreprises ont mis en place une plate-forme ouverte, non encadrée, afin de faciliter les SMS : des tiers fournisseurs ont pour ainsi dire pris le contrôle de la plate-forme. Les entreprises canadiennes se sont assurées que les sonneries proposées à leurs clients soient des copies légitimes et payées, livrées de façon sécuritaire. [8] Les entreprises nord-américaines de télécommunications contrôlent tant le produit que les services, les cellulaires en étant un exemple parfait.

[34] Les entreprises de télécommunications sans fil ont recours à des agrégateurs pour faciliter la livraison à leurs clients. En moyenne, à peu de choses près, les recettes des entreprises de télécommunications sans fil sont partagées à parts égales avec les agrégateurs, qui sont principalement représentés au Canada par deux sociétés. Moviso détient environ 75 pour cent du marché, alors que M-Qube détient la quasi-totalité du 25 pour cent restant. Moviso fournit le contenu des sonneries à Bell et à Rogers, qui détient désormais Microcell. Par ailleurs, M-Qube a obtenu un contrat exclusif de gestion du site Web de Telus.

VI. QUESTIONS JURIDIQUES

[35] Durant l’audience, nous avons demandé aux participants de traiter des questions suivantes :

  1. Une sonnerie représente-t-elle une « partie importante » d’une œuvre musicale?
  2. La communication d’une sonnerie est-elle une communication « au public »?
  3. Lorsqu’une sonnerie joue dans un lieu public, y a-t-il exécution en public; si oui, le fournisseur de la sonnerie autorise-t-il cette exécution?
  4. Si la communication d’une sonnerie n’est pas une communication « au public », la Commission peut-elle néanmoins homologuer le tarif 24 s’il y a exécution en public lorsqu’une sonnerie joue dans un lieu public?
  5. Lorsque le fournisseur de sonneries et l’utilisateur ne se trouvent pas tous deux au Canada, à quel moment existe-t-il un « lien réel et important »? Par exemple, la communication d’une sonnerie aux États-Unis, à partir d’un serveur américain, à un abonné canadien par un fournisseur canadien de services de téléphonie sans fil constitue-t-elle une communication au Canada?
  6. Dans la mesure où la livraison de sonneries pourrait comporter la reproduction d’une fixation réalisée à une fin autre que celle pour laquelle l’autorisation de l’artiste-interprète a été donnée, l’utilisation d’une sonnerie entraîne-t-elle une utilisation protégée d’une prestation d’artiste-interprète?

[36] Après lecture des observations des participants, nous avons conclu qu’il suffit de répondre à deux questions pour statuer sur le droit de la SOCAN de percevoir une redevance pour la transmission d’une sonnerie par un fournisseur à un utilisateur de cellulaire. Il s’agit de décider si une sonnerie musicale utilise une « partie importante » de l’œuvre musicale et si la transmission d’une sonnerie comporte une communication « au public » par télécommunication aux termes de l’alinéa 3(1)f) de la Loi.

A. Partie importante d’une œuvre musicale

[37] Le droit d’auteur comporte le droit exclusif de communiquer la totalité « ou une partie importante » de l’œuvre. Les sonneries musicales n’utilisent pour ainsi dire jamais la totalité d’une œuvre. Dès lors, pour faire intervenir la protection du droit d’auteur, il faut nécessairement qu’il y ait utilisation d’une partie importante de l’œuvre.

[38] La CRIA a « tenu pour acquis », aux fins de la présente audience, qu’une sonnerie musicale utilise une partie importante d’une œuvre musicale. Les entreprises de télécommunications, quant à elles, nous ont priés de ne pas statuer sur cette question, dont la résolution n’est pas nécessaire, croient-elles, pour trancher les questions en litige. Nous convenons que la Commission, à l’instar des tribunaux judiciaires, devrait généralement s’abstenir de trancher des questions juridiques et autres dans l’abstrait, sans pouvoir se référer à des faits concrets. [9] Néanmoins, nous estimons qu’il faut répondre à cette question, pour deux motifs. D’abord, la question est essentielle pour juger s’il existe un droit protégé par la Loi. [10] Ensuite, les éléments de preuve dont nous disposons en l’espèce nous permettent de trancher.

[39] M. Truffen a déclaré dans son témoignage que les entreprises de télécommunications sont conscientes de l’engouement des jeunes de 16 à 24 ans pour les sonneries. Ces derniers tiennent beaucoup à exprimer leur individualité et leur personnalité. Ce qui est « branché » dans une sonnerie musicale, c’est qu’elle associe la personne à une chanson, un artiste ou un genre musical particulier comme le country ou la musique rock, ce qui permet de véhiculer certaines convictions, certaines idées. [11] Les consommateurs s’attendent à ce que la sonnerie les associe à la chanson. M. Hoffert a repris la même idée lorsqu’il a dépeint le sentiment d’appartenance des jeunes à l’égard de chansons particulières. Pour illustrer l’importance de l’œuvre musicale pour ce groupe d’âge, il a cité l’exemple du fameux classique rock « Smoke on the Water », allant même jusqu’à en fredonner quelques mesures. [12]

[40] Une sonnerie musicale doit pouvoir passer un message en 30 secondes ou moins. Comme l’a fait remarquer M. Crookes : [TRADUCTION] « Si la sonnerie ne ressemble pas à cette chanson interprétée par cet artiste, on ne vend pas vraiment ce qu’on prétend vendre. » [13] La mise en marché des sonneries authentiques met l’accent sur l’artiste-interprète et sur la chanson. Les agrégateurs produisent des sonneries qui font ressortir les éléments les plus distinctifs de la chanson. Les sonneries authentiques sont créées à partir d’un extrait de l’enregistrement sonore original, après qu’on ait determine [TRADUCTION] « le nombre de secondes de cet extrait répondant le mieux au marché. » [14] Les sonneries synthétisées sont créées en isolant la partie la plus puissante de la mélodie, qui peut être aussi bien le thème central qu’une partie de couplet, et en la transcrivant d’abord en une notation musicale puis en format lisible par machine. [15]

[41] La détermination de ce qui constitue une « partie importante » d’une œuvre est un exercice subjectif, qui nécessite forcément l’appréciation d’un certain nombre de facteurs. Nous reconnaissons qu’il n’existe à cet égard aucune formule établie. L’important est de déterminer si la substance de l’œuvre originale a été extraite et de discerner l’impression qu’a laissée l’œuvre sur l’auditeur. L’auteur John McKeown expose :

[TRADUCTION] Sous le régime de l’ancienne définition d’« œuvre musicale », la question de la violation du droit d’auteur n’était pas décidée en fonction d’une comparaison à la note près, mais en examinant plutôt si la substance de l’œuvre originale avait ou non été reprise. Cet examen mettait à contribution tant l’ouïe que la vue. Le plus souvent, une preuve d’expert aidait le tribunal à circonscrire les ressemblances et les différences, même si l’on a fait observer que cette question devait être tranchée en fonction de la réaction de l’auditeur raisonnable ordinaire.

Le fait que la définition actuelle de l’œuvre musicale ne contient aucune exigence quant à l’existence d’une version écrite ou d’une autre représentation graphique de l’œuvre est compatible avec l’importance accrue de l’impression musicale laissée par l’œuvre. [16]

[42] Les sonneries musicales sont créées soit à partir d’un élément précis et reconnaissable d’une chanson, comme une mélodie ou un élément accrocheur, soit par la reproduction directe d’un enregistrement sonore. Elles visent à offrir [TRADUCTION] « la meilleure représentation possible » de l’original. [17] Le but recherché consiste à produire une sonnerie qui soit une représentation aussi évidente que possible, de façon à ce que presque tout le monde reconnaisse la chanson. Ainsi, l’auditeur reconnaîtra et ressentira immédiatement le thème de La Soirée du hockey seulement si la sonnerie réussit à en recréer l’essence, la substance.

[43] La notion de « partie importante » a été examinée dans la décision Canadian Performing Rights Society Ltd. c. Canadian National Exhibition Association. [18] Le tribunal a reconnu l’importance du caractère distinctif :

[TRADUCTION] On ne peut, pour se prononcer sur la question de savoir si la partie jouée représente une partie importante de l’œuvre, se limiter à comparer la durée de l’extrait joué par rapport à la durée de l’œuvre complète; le fait qu’en l’espèce toute personne présente à la représentation et qui connaissait déjà l’œuvre aurait su que l’éléphant exécutait sa prestation au son de « Walkin’ My Baby Back Home » est très important, sinon décisif. Je n’ai pas moi-même l’avantage d’avoir entendu jouer « Walkin' My Baby Back Home », et je ne sais donc pas s’il pourrait être difficile d’en reconnaître certaines parties; par contre, il appert qu’on a joué le refrain ou une partie du refrain, qui, peut-on penser, est passablement distinctif, et que cet extrait était reconnaissable et a de fait été reconnu; je crois dès lors que la conclusion raisonnable, suivant la preuve dont je dispose, est qu’une partie importante de l’œuvre a été jouée. [19]

[44] Le juge en chef Rose a suivi l’approche adoptée par la Cour d’appel d’Angleterre dans l’arrêt Hawkes and Son (London) Ltd. c. Paramount Film Service Ltd., [20] une affaire qui concernait l’exécution de 20 secondes de la Colonel Bogey March. Le maître des rôles, lord Hansworth, avait conclu que 20 secondes constituait une partie importante de l’œuvre parce que n’importe qui la reconnaîtrait. Dans une décision concordante, lord Slesser a déclaré que [TRADUCTION] « une partie importante, vitale et essentielle a été reproduite en l’occurrence. » [21]

[45] Si la quantité n’est pas déterminante, elle demeure néanmoins un facteur important. Règle générale, une œuvre musicale dure de trois à cinq minutes, le refrain au plus une minute, l’élément accrocheur encore moins. La plupart des sonneries utilisent environ 30 secondes d’une œuvre, ce qui est manifestement une partie importante de cette œuvre.

[46] Nous sommes d’avis qu’une sonnerie musicale utilise une partie importante d’une œuvre musicale. Si une partie importante de l’œuvre musicale n’était pas reproduite, le consommateur ne serait que peu ou pas intéressé à faire l’acquisition de la sonnerie. Les entreprises de télécommunications sans fil n’auraient donc qu’une faible motivation économique à proposer une sonnerie reproduisant une partie négligeable et, partant, non reconnaissable d’une œuvre musicale.

B. Signification du terme « au public »

[47] Reste la question fondamentale. À moins que la transmission d’une sonnerie ne comporte une communication « au public » par télécommunication, nous n’avons pas compétence pour homologuer le tarif que la SOCAN propose.

[48] La méthode par laquelle une sonnerie est transmise depuis l’ordinateur de l’entreprise de télécommunications sans fil jusqu’au téléphone du consommateur a été décrite plus tôt et peut se résumer de la façon suivante. La sonnerie est transcrite en une série de formats audio adaptés aux combinés des abonnés. Les fichiers sont téléchargés vers un serveur-hôte ou un site Web auquel l’abonné aura accès. Il consulte la sélection de sonneries, choisit une sonnerie et l’achète. La sonnerie est téléchargée vers la mémoire du cellulaire. Lorsque l’abonné sélectionne le fichier contenant la sonnerie pour signaler qu’on cherche à le joindre, le cellulaire est programmé pour la faire jouer chaque fois qu’il sonne.

[49] La livraison d’une sonnerie relève du « mode d’extraction monodestinataire », [22] ce qui signifie que l’information est transmise par Internet seulement lorsque l’utilisateur en fait la demande et extrait l’information; celle-ci est alors envoyée à ce seul destinataire. Avant que cette opération puisse avoir lieu, toutefois, encore faut-il avoir accès à l’œuvre sur Internet. Le procédé comporte donc deux étapes : d’abord, l’entreprise de télécommunications rend la sonnerie disponible sur un serveur auquel l’abonné a accès; ensuite, la sonnerie est transmise à l’utilisateur final, à sa demande, ce qui complète l’opération.

[50] Selon la SOCAN, la transmission par Internet de sonneries musicales à des cellulaires constitue une communication au public par télécommunication d’œuvres musicales au sens de la Loi, alors que le fait d’afficher une sonnerie sur un site Web constitue une autorisation de communiquer l’œuvre. Les opposantes font valoir que la position de la SOCAN s’appuie entièrement sur des énoncés formulés dans la décision SOCAN 22 (1999), particulièrement en ce qui concerne la signification du terme « au public », la distinction entre le téléchargement et d’autres formes d’utilisation de la musique sur Internet (p. ex., diffusion en flux, webdiffusion) et la signification de l’expression « mettre à disposition ».

[51] Les entreprises de télécommunications sans fil admettent que le téléchargement d’une sonnerie musicale comporte la communication d’une œuvre musicale par télécommunication, mais elles nient que cette communication soit faite « au public ». Elles soutiennent que la transmission d’une sonnerie consiste en une livraison point à point et d’un expéditeur unique à un destinataire unique, d’un fichier acheté par un consommateur, depuis le site Web du fournisseur jusqu’au combiné du consommateur. Elles affirment que la transaction entre le consommateur et le fournisseur n’est rien de plus qu’une communication privée, ne comportant aucun aspect public. La CRIA partage dans l’ensemble le point de vue des entreprises de télécommunications sur ce point. Ces dernières prétendent en outre que la Commission a commis une erreur dans la décision SOCAN 22 (1999) en accordant une trop grande importance au droit de mise à disposition; au soutien de leur position, elles invoquent avec insistance l’arrêt rendu en 1993 par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Association canadienne de télévision par cable c. Canada (Commission du droit d’auteur). [23] La CRIA n’a exprimé aucune opinion quant à la deuxième question.

[52] Dans l’arrêt ACTC (1993), la Cour d’appel fédérale a fait sien le principe établi dans Messager c. British Broadcasting Co. [24] Dans cette affaire, un opéra avait été présenté à l’intention de quelques amis dans un studio privé, mais avait aussi été radiodiffusé au grand public. Le tribunal a statué :

[...] ce que la partie défenderesse a fait constituait manifestement une exécution publique. Au lieu de rassembler le public dans une grande salle, elle a transmis des signaux tout en sachant que des millions d’auditeurs, dans leurs maisons ou leurs appartements, pouvaient les capter et que la reproduction sonore de l’opéra bénéficierait ainsi d’un auditoire considérable, et c’est d’ailleurs ce qu’elle souhaitait. Conclure qu’il ne s’agit pas là d’une exécution publique par la partie défenderesse serait faire abstraction des éléments essentiels et réels de la question ainsi que de l’objet de la Copyright Act et de l’intention du législateur. [25]

[53] La Cour d’appel fédérale a jugé que le sens courant de l’expression « en public » est « de manière ouverte, sans dissimulation et au su de tous. » [26] La Cour a aussi convenu que l’expression « au public » a une portée plus étendue que l’expression « en public ». [27]

[54] Ce n’est pas la première fois que la Commission a l’occasion d’examiner ce qui constitue une communication au public par télécommunication dans le domaine de l’Internet. Elle s’est d’abord penchée sur la question dans la décision SOCAN 22 (1999), laquelle a été contestée (et infirmée) sur des points qui sont sans pertinence pour l’analyse de la présente affaire. La Commission avait alors conclu que les transmissions par Internet sont des communications par télécommunication, étant donné que la transmission de paquets de données par Internet répond à la définition de « télécommunication » donnée à l’article 2 de la Loi. Il fallait ensuite répondre à la question suivante : la transmission de données d’un serveur hôte à l’ordinateur d’un utilisateur final constitue-t-elle une transmission « au public »?

[55] La Commission a conclu que cette télécommunication est bel et bien « au public » parce que les fichiers musicaux sont rendus disponibles sur Internet de manière ouverte et sans dissimulation, en sachant – en souhaitant, même – que les fichiers seront transmis à quiconque peut avoir accès à Internet.

[56] Nous sommes en tous points d’accord avec les observations, l’analyse et les conclusions de la Commission, dont les points essentiels sont résumés dans les passages suivants :

La plupart des décisions judiciaires concernant le sens du mot « public » employé dans la Loi portaient sur l’expression « exécution en public » et non sur les mots « communiquer au public ». Néanmoins, depuis que la Cour d’appel fédérale a décidé que l’expression « au public » est plus large que l’expression « en public », on peut à coup sûr poser comme principe qu’une télécommunication s’adresse au public chaque fois qu’une exécution serait publique dans des circonstances semblables. Ces décisions indiquent aussi bien clairement que des expressions comme « en public » et « au public » doivent être interprétées suivant une appréciation réaliste des effets de l’essor technologique et d’une manière compatible avec le sens courant de l’expression « c’est-à-dire de manière ouverte, sans dissimulation et au su de tous ».

En conséquence, une communication destinée à être captée par les abonnés individuellement dans leur foyer est une communication au public. Il en va de même d’une communication qui vise à atteindre seulement un segment du public, par courriel ou par le biais d’un groupe de discussion ou d’un service de babillard électronique ou d’un service offert aux abonnés, ou encore d’une communication sur un réseau à accès limité, tant que la transmission a lieu à l’extérieur du cadre purement domestique, et ce même si seulement certaines personnes sont disposées à verser des droits ou à faire d’autres démarches pour s’abonner au service.

[...]

Cela dit, il faut que la personne qui rend disponible un fichier ait eu l’intention qu’un segment quelconque du public, et plus qu’un seul destinataire, y ait accès pour que sa transmission constitue une communication au public. Par conséquent, une communication par courriel entre un seul expéditeur et un seul destinataire ne devient pas une communication au public uniquement parce qu’elle est effectuée hors du cadre domestique.

[...]

[…] Communiquer est faire connaître un renseignement, qu’il y ait simultanéité ou non. Le caractère privé ou public de la communication doit être apprécié par rapport aux destinataires ciblés. Autrement dit, le laps de temps dans lequel la communication a lieu n’est pas pertinent; une transmission par télécopieur à dix mille destinataires choisis au hasard est une communication au public, bien que la transmission ne puisse être que séquentielle.

Les œuvres musicales sont rendues disponibles sur l’Internet de manière ouverte, sans dissimulation, l’intéressé, en connaissance de cause, ayant l’intention qu’elles soient transmises à tous ceux qui peuvent avoir accès à l’Internet. En conséquence, il peut y avoir communication au public quand celle-ci est faite à des personnes du public à des moments différents, que le moment soit choisi par ces dernières (ce qui est le cas sur l’Internet) ou par la personne responsable de l’envoi de l’œuvre (ce qui est le cas pour les transmissions par télécopieur). [28]

Nous sommes d’avis que ce raisonnement s’applique aussi bien à la transmission d’une sonnerie au combiné d’un abonné qu’à la transmission de données à un ordinateur, examinée dans la décision SOCAN 22 (1999).

[57] Les entreprises de télécommunications sans fil invoquent justement ces énoncés pour soutenir que la décision SOCAN 22 (1999) est erronée. En premier lieu, elles avancent que la Commission, dans sa décision, a formulé un certain nombre de conclusions sans se prononcer précisément sur la question de savoir si tel ou tel téléchargement constituait ou non une communication au public. C’est là mal interpréter la décision de la Commission, qui a clairement exposé ses conclusions sous la rubrique intitulée « Que veulent dire les termes “communication”, “télécommunication”, “public” et “œuvre musicale” dans le contexte des transmissions sur l’Internet? » [29]

[58] L’affirmation des entreprises de télécommunications sans fil selon laquelle la décision SOCAN 22 (1999) n’envisage pas le téléchargement de musique ne concorde pas avec la teneur de la décision. Dans celle-ci, la Commission a examiné la question des téléchargements, depuis l’Internet, de données du même genre que les sonneries en cause dans la présente affaire. Comme l’a fait remarquer avec justesse la SODRAC dans ses observations, la Commission n’a pas décidé qu’un téléchargement en amont ou un téléchargement en aval constitue une communication; elle a disposé qu’entre le premier et le second, il y a une transmission et que cette transmission constitue une communication au public par télécommunication.

[59] Les entreprises de télécommunications sans fil ont aussi clamé que l’analyse des composantes d’une communication au public contenue dans la décision SOCAN 22 (1999) accorde une trop grande importance au fait que « [l]es œuvres musicales sont rendues disponibles [...] de manière ouverte, sans dissimulation » [non souligné dans l’original]. [30] Le droit de mise à disposition est reconnu à l’article 8 du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, conclu en 1996 :

Article 8 – Droit de communication au public

[L]es auteurs [...] jouissent du droit exclusif d’autoriser toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée. [non souligné dans l’original]

[60] Le Canada a signé le Traité de l’OMPI, mais ne l’a pas ratifié. Le droit de mise à disposition n’est mentionné nulle part dans la Loi. Néanmoins, contrairement à ce que prétendent les entreprises de télécommunications sans fil, la Commission n’a pas confondu le droit de communication et celui de mise à disposition. Elle a clairement énoncé qu’il ne saurait y avoir communication s’il n’y a pas eu transmission. L’œuvre n’est pas communiquée au moment où elle est affichée, mais bien au moment où elle est transmise. De fait, la Cour suprême du Canada a expressément manifesté son accord avec cette conclusion. [31]

[61] Les entreprises de télécommunications sans fil soutiennent que la Commission a évoqué à de nombreuses reprises la question de savoir si une œuvre a été rendue disponible ou était accessible à une personne du public plutôt que de se demander si la communication de l’œuvre était une communication au public comme l’exige l’alinéa 3(1)f) de la Loi. Elles soulignent particulièrement les passages suivants :

[I]l faut que la personne qui rend disponible un fichier ait eu l’intention qu’un segment quelconque du public [...] y ait accès pour que sa transmission constitue une communication au public. [32]

Les œuvres musicales sont rendues disponibles sur l’Internet de manière ouverte, sans dissimulation, l’intéressé, en connaissance de cause, ayant l’intention qu’elles soient transmises à tous ceux qui peuvent avoir accès à l’Internet. [33]

[U]ne œuvre est communiquée au public même si elle n’est transmise qu’une seule fois, pourvu qu’elle soit mise à disposition sur un site accessible à un segment du public. [34]

[62] Nous estimons que là encore, les entreprises de télécommunications sans fil interprètent incorrectement la décision. La Commission n’a pas conclu que les droits établis dans le Traité de l’OMPI avaient été ajoutés à la Loi d’une manière quelconque. Elle a même précisé que le Traité ne s’appliquait pas au Canada. Ce que la Commission a décidé est que la personne qui affiche une œuvre sur un serveur, en autorise la communication au public. En d’autres termes, en ce qui concerne les œuvres, le droit d’autoriser comprend déjà le droit de mise à disposition prévu au Traité. [35] L’expression « rendue disponible » employée dans la decision SOCAN 22 (1999) n’est pas équivalente à l’expression technique que l’on trouve dans le Traité. La première énonce uniquement le fait qu’une œuvre doit être affichée sur Internet avant de pouvoir être transmise et téléchargée à l’utilisateur final.

[63] Les entreprises de télécommunications sans fil prétendent que le téléchargement d’une sonnerie musicale consiste en la livraison, point à point et d’un expéditeur unique à un destinataire unique, d’un fichier de musique acheté par un consommateur; dès lors, affirment-elles, la communication est privée et ne constitue pas une communication au public. Nous ne sommes pas d’accord. Les sonneries sont affichées sur un site Web dans le but précis d’en faire la mise en marché et de les communiquer à tout abonné qui désire les télécharger vers son cellulaire. Elles sont commercialisées à l’intention d’un marché composé de membres du public possédant un cellulaire et affichées dans le catalogue d’un site Web en vue d’être communiquées aux personnes de ce segment du public qui achètent le produit. Les entreprises de télécommunications sans fil proposent l’achat d’une sonnerie musicale à tous leurs abonnés, pas à un seul; le fait que l’abonné reçoit l’œuvre dans un environnement privé ne transforme pas en transaction personnelle un acte qui, à tous autres égards, est une communication au public. La situation est en tous points semblable à celle de n’importe quel autre service d’abonnement musical accessible sur Internet à toute personne du public.

[64] Dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, [36] la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont toutes jugé que la transmission d’une seule télécopie à une seule personne ne constituait pas une communication au public par télécommunication. Voilà un exemple d’une véritable transaction point à point, qui part d’un point unique et qui doit parvenir à un point unique. La Cour suprême a cependant fait remarquer qu’une série de transmissions séquentielles ou répétées pourrait constituer une communication au public. La juge en chef McLachlin s’est exprimée comme suit au paragraphe 78 :

Je souscris à ces conclusions. Transmettre une seule copie à une seule personne par télécopieur n’équivaut pas à communiquer l’œuvre au public. Cela dit, la transmission répétée d’une copie d’une même œuvre à de nombreux destinataires pourrait constituer une communication au public et violer le droit d’auteur. Toutefois, aucune preuve n’a établi que ce genre de transmission aurait eu lieu en l’espèce.

[65] En conséquence, des messages au contenu identique (des sonneries musicales) transmis à différentes personnes peuvent constituer une communication au public même s’ils sont envoyés un par un. Par contre, des messages au contenu différent transmis à différentes personnes peuvent ne pas constituer une communication au public, pour autant qu’il s’agisse de transactions isolées, ponctuelles. Dans tous les cas, le facteur le plus décisif demeure de savoir si la communication se fait ou non à l’intérieur d’un « cadre domestique ».

[66] La simultanéité n’est pas une condition préalable à l’existence d’une communication au public. C’est ce que la Commission a conclu dans SOCAN 22 (1999), déclarant :

4. Il n’est pas nécessaire qu’une communication soit instantanée ou simultanée pour être une communication au public.

[…] Communiquer est faire connaître un renseignement, qu’il y ait simultanéité ou non. Le caractère privé ou public de la communication doit être apprécié par rapport aux destinataires ciblés. Autrement dit, le laps de temps dans lequel la communication a lieu n’est pas pertinent; une transmission par télécopieur à dix mille destinataires choisis au hasard est une communication au public, bien que la transmission ne puisse être que séquentielle. [37]

Cette interprétation trouve appui dans les observations de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt CCH Canadienne que nous venons de citer.

[67] La Commission a aussi affirmé qu’imposer la simultanéité serait contraire à la nécessité d’adopter une conception réaliste de l’apport et de l’effet des changements technologiques. Elle a conclu que toute interprétation prescrivant la simultanéité devait être écartée pour des raisons de principe. Elle a indiqué :

Une telle interprétation doit également être écartée parce qu’elle pourrait rendre inefficace toute la législation canadienne relative au droit d’auteur dans le monde des télécommunications, en soustrayant à la protection du droit d’auteur toutes les futures réalisations en interactivité, en adressabilité et en transmission sur demande. Comme l’ont souligné ceux qui appuient le tarif 22, le fait que l’Internet soit interactif et pleinement adressable par les personnes du public qui choisissent d’accéder à l’œuvre n’en change pas l’objet sous-jacent qui est de permettre la transmission de l’œuvre à quiconque obtient l’accès à l’Internet et souhaite recevoir l’œuvre. [38]

[68] Nous abondons dans le même sens. Les entreprises de télécommunications sans fil tentent de vendre le plus grand nombre possible de copies de chaque sonnerie, afin de maximiser ventes et bénéfices. Leur intention, leur souhait même, est d’effectuer une série de transactions répétées concernant la même œuvre avec de nombreux destinataires. Cette situation, croyonsnous, constitue une communication au public.

[69] Les opposantes ajoutent que contrairement à la diffusion en flux, le téléchargement n’est pas une communication qui peut être entendue; elle n’est rendue disponible à aucune autre personne ni ne lui est accessible. Le téléchargement ne suppose pas un accès à la communication continue d’une œuvre à un grand nombre de personnes. Cet argument est fondé sur une fausse prémisse. La musique pour diffusion en flux ne peut être entendue durant sa communication; l’ordinateur du destinataire doit d’abord stocker et organiser convenablement les paquets qu’il a reçus avant de pouvoir les jouer. Nous partageons l’avis de M. Jurenka, qui a déclaré que la seule différence entre les deux, sur le plan technique, réside en l’intention d’utilisation chez le consommateur. Les deux procédés consistent en une transmission, et chacun peut constituer une transmission « au public ».

[70] Enfin, la CRIA prétend que le téléchargement de sonneries n’est rien de plus qu’une forme particulière de livraison de contenu, au même titre que le courrier électronique, par exemple, remplace le courrier traditionnel. Cet argument porte non pas sur le caractère public ou privé de la communication, mais sur le mode de livraison. Or, en l’occurrence, la Loi n’est pas technologiquement neutre. Les conséquences à l’égard du droit d’auteur sont différentes selon que la sonnerie est transmise par Internet ou par courrier ordinaire, parce que la Loi est ainsi faite. La SOCAN a droit à une redevance dans le premier cas et pas dans le second, non pas du fait qu’un mode de transmission est privé et l’autre public, mais parce que la Loi protège la communication au public effectuée par télécommunication et non celle effectuée par courrier ordinaire.

[71] Nous concluons en conséquence que l’achat par Internet d’une sonnerie musicale comporte une transmission qui constitue une communication au public par télécommunication.

VII. ÉTABLISSEMENT DU TARIF

[72] Dans cette partie, nous analysons en détail les différentes méthodologies proposées par les participants, pour ensuite établir le taux selon celle que nous retenons.

A. Les méthodologies proposées par les participants

i. La SOCAN

[73] La SOCAN établirait la redevance payable pour le droit de communication en se servant de la comparaison avec le droit de reproduction que, selon elle, la Commission a utilisée dans la décision Services sonores payants (2002). Elle soutient que la Commission avait alors établi la redevance payable pour le droit de communication à 1,5 fois le taux implicite payable pour le droit de reproduction dans l’industrie du disque. La SOCAN croit que ce même ratio devrait s’appliquer aux sonneries, étant donné les similitudes qu’elle dit exister entre ce marché et celui des services sonores payants.

[74] La SOCAN a déposé en preuve des données portant sur les prix pratiqués dans le marché des sonneries pour le droit de reproduction. Le caractère confidentiel de certaines données fait en sorte qu’il n’est pas possible de reprendre ici les calculs auxquels la SOCAN s’est livrée. On peut toutefois affirmer que si nous décidions d’utiliser ces calculs, le taux de 10 pour cent que la SOCAN propose serait éminemment raisonnable.

[75] Cela dit, nous n’entendons pas retenir le ratio que la SOCAN propose, pour deux motifs. Premièrement, cette façon de faire est fondée sur une fausse prémisse. La SOCAN soutient que dans la décision Services sonores payants (2002), [TRADUCTION] « le taux de 13 pour cent de la SOCAN [...] a été établi afin que la compensation versée aux membres de la SOCAN reflète un montant plus élevé que celle qu’ils reçoivent pour le droit de reproduction des enregistrements sonores utilisés par les services sonores payants. » [39] La Commission ne s’est pas livrée à une telle comparaison; le témoin qui a expliqué la méthodologie de la SOCAN en l’espèce l’a d’ailleurs admis en contre-interrogatoire. [40]

[76] Deuxièmement, comme le soulignent les opposantes, les services sonores payants et les sonneries sont des produits très différents, qui utilisent la musique de manière très différente. Les services sonores payants offrent à leurs abonnés des sélections de pièces complètes, non modifiées, en continu et organisées selon divers genres musicaux. L’abonné n’est pas en mesure de connaître à l’avance quelle pièce il écoutera; son intérêt est de faire l’écoute continue du genre musical qu’il choisit. Les fournisseurs de sonneries offrent un inventaire d’extraits musicaux, disponibles individuellement pour fins de téléchargement vers la mémoire d’un cellulaire, que le consommateur n’achète pas pour en faire l’écoute continue. Ces caractéristiques différentes impliquent que les services sonores payants ne peuvent être considérés comme un substitut économique aux sonneries, et en conséquence ne peuvent servir de modèle de référence utile.

ii. Les opposantes

[77] Les opposantes proposent plusieurs méthodologies possibles pour établir le taux de redevances. Le professeur Mathewson a mis au point une grille qui permet de classer diverses sources de prix de référence en fonction de trois facteurs : selon qu’ils rémunèrent le même droit ou le même droit en relation avec un autre, qu’ils portent sur la même utilisation de musique ou sur une utilisation similaire, et qu’ils sont en vigueur au Canada ou à l’étranger.

[78] Le professeur Liebowitz, témoin de la SOCAN, a exprimé certaines réserves quant à l’utilité d’une telle grille. Selon lui, elle ne tient pas compte de dimensions importantes telles que la nature des marchés, le fait qu’ils soient réglementés ou libres ou le degré de concurrence qu’ils affichent.

[79] Nous n’entendons pas utiliser la taxonomie des sources possibles de prix de référence mise au point par le professeur Mathewson. Nous partageons certaines des réserves que le professeur Liebowitz a exprimées à son égard. Par ailleurs, et même en supposant qu’une telle taxonomie soit utile, rien n’indique que celle qui nous a été présentée soit complète ou encore qu’elle organise les prix de référence de la façon la plus utile qui soit.

[80] Le professeur Mathewson a rappelé que la Commission a déjà utilisé des taux existants au Canada pour le même droit ou pour une utilisation similaire, que ces taux aient été établis par elle ou négociés, comme point de départ pour établir un nouveau taux. Selon lui, toutefois, il n’existe pas au Canada de taux pour le droit de communication d’œuvres musicales dans le marché des sonneries ou pour une utilisation similaire, qui puisse être utile comme point de départ.

[81] Par ailleurs, le professeur Mathewson a souligné que la Commission a déjà eu recours à des taux étrangers pour la même utilisation comme mesure de validation des taux. Il nous a informés des taux en vigueur pour la communication et la reproduction des sonneries dans plusieurs pays. Certains ont été négociés, d’autres ont été établis par réglementation. Il a admis qu’il peut être périlleux de comparer les prix pratiqués à l’étranger, entre autres parce qu’on connaît rarement l’ensemble des facteurs qui les ont entraînés.

[82] Cela dit, il a quand même soutenu qu’on pouvait obtenir des balises intéressantes en se livrant à trois constatations à l’égard des prix pratiqués dans les pays pour lesquels des données ont été présentées. Premièrement, le taux payable pour le droit de communication varie entre 1,1 et 5 pour cent du prix de détail des sonneries. Deuxièmement, le ratio entre les prix payés pour le droit de communication et le droit de reproduction se situe entre 0,1 et 0,54. Troisièmement, le total des redevances versées pour les deux droits varie de 7,7 à 15 pour cent. En appliquant ces divers facteurs à certaines données, parfois confidentielles, pertinentes au marché canadien, les opposantes concluent que le taux payable au Canada pour le droit de communication dans le marché des sonneries devrait se situer entre 0 et 5,4 pour cent.

[83] En bout de piste, les opposantes demandent que nous établissions le taux à au plus 1,5 pour cent. Ce taux se situe dans chacun des trois intervalles obtenus grâce aux données étrangères. De plus, il s’apparente à celui qu’on retrouve dans certaines données de références américaines qui s’appliquent au Canada. Les opposantes trouvent cette comparaison fort pertinente, puisque selon elles, elle reflète l’état d’un marché adjacent, qui constitue probablement la source la plus importante de musique utilisée comme sonneries au Canada.

[84] Le professeur Liebowitz soumet que les tarifs étrangers ne peuvent être utilisés comme point de départ parce que le rapport du professeur Mathewson ne contiendrait pas suffisamment d’informations à leur sujet. En particulier, le rapport n’explique pas la très grande variabilité constatée des taux pour la communication, ni celle des ratios entre les taux pour la communication et les taux pour la reproduction. Sans une analyse de ces variations, il soutient qu’il est impossible de déterminer si le Canada devrait se placer dans le haut, dans le bas, dans le milieu ou complètement à l’extérieur de l’intervalle. Selon lui, il est raisonnable de penser que si le taux canadien pour la reproduction se situe dans le haut (ou dans le bas) de l’intervalle des pays étrangers, le taux pour la communication devrait se situer au même endroit.

[85] Nous jugeons qu’en l’instance, on ne peut utiliser comme point de départ les prix de référence provenant de l’étranger. Comme la Commission l’a souligné à maintes reprises dans ses décisions antérieures, [41] nous sommes encore une fois d’avis que les circonstances entourant la détermination d’un prix sont importantes et doivent être connues dans une certaine mesure si on compte l’utiliser comme point de départ. Dans la présente affaire, nous ne croyons pas disposer de suffisamment d’informations quant aux données provenant de l’étranger pour le faire.

[86] Nous rejetons aussi les comparaisons fondées sur les données de référence américaines, pour deux motifs. Nous partageons les réserves que la Commission a maintes fois exprimées à l’égard des données américaines, réserves qu’il ne servirait à rien de répéter ici. [42] Surtout, nous sommes d’avis que les données versées en preuve sont susceptibles de sous-évaluer le droit de communication. En effet, ces données proviennent d’ententes portant sur un ensemble de biens et de services. Il ressort de ces ententes que le droit de communication n’était pas l’objet principal de la négociation. Il est donc possible qu’on ait offert ce droit à rabais dans le but de conclure une entente favorable pour l’ensemble des biens et services concernés.

B. La méthodologie que nous retenons

[87] La SOCAN a versé au dossier des ententes qu’elle a conclues avec des tiers fournisseurs de sonneries. La nature expérimentale de ces ententes, et le fait que l’une d’elles ait été renégociée à la baisse, nous amènent à ne pas les utiliser comme prix de référence. Nous sommes également d’avis qu’il n’existe pas une utilisation de musique suffisamment similaire à celle qui est faite dans le cas des sonneries pour pouvoir servir de point de départ.

[88] La SOCAN a suggéré que nous établissions le taux de redevances pour la communication de sonneries musicales, en établissant une comparaison avec le taux pour la reproduction pour ces mêmes sonneries. Nous avons rejeté le comparateur que la SOCAN propose, pour les motifs que nous avons déjà exposés. Cela dit, nous considérons l’approche que la SOCAN propose intéressante, ne serait-ce que parce qu’elle s’apparente à l’approche que la Commission avait retenue pour établir le droit de reproduction des œuvres musicales par les stations de radio commerciales. [43] Par conséquent, nous déterminerons d’abord la moyenne des taux payables pour la reproduction d’œuvres musicales dans le cadre des ententes commerciales canadiennes versées au dossier. Nous déterminerons ensuite un ratio entre le taux pour la communication et le taux pour la reproduction des sonneries que nous appliquerons au taux moyen pour la reproduction afin d’établir le tarif pour le droit de communication.

[89] Dans cette affaire, nous aurions pu établir des taux nominaux, exprimés par exemple en cents par sonnerie. Nous ne le ferons pas, pour deux raisons. Premièrement, le marché lui-même semble avoir déjà fait un choix : à une exception près, les ententes déposées en preuve comportent toutes des taux exprimés en pourcentage des revenus, plutôt qu’un montant fixe. Deuxièmement, de façon plus fondamentale, la valeur du droit que nous sommes appelés à établir ne devrait pas être une constante, mais devrait varier selon le type de sonneries considéré. Les prix des différents types de sonneries sont le reflet de la valeur des sonneries et des droits qui y sont inclus. La fixation d’un taux exprimé en pourcentage du prix des sonneries permet de prendre en compte cette variation de valeur des droits.

i. La moyenne des taux de reproduction

[90] Près d’une cinquantaine d’ententes commerciales individuelles liées aux sonneries ont été déposées en preuve. [44] Ces ententes diffèrent considérablement l’une de l’autre. Elles impliquent des sociétés de gestion, des producteurs d’enregistrements sonores, des éditeurs de musique ainsi que des agrégateurs et des fournisseurs de sonneries. Elles portent sur les droits de communication ou de reproduction d’œuvres musicales, d’enregistrements sonores et de prestations d’artistes-interprètes, [45] soit individuellement, soit de façon conjointe. Les modalités de ces ententes varient également considérablement. Il est toutefois possible d’en tirer certaines informations utiles.

[91] Au total, 14 de ces ententes prévoient des taux spécifiques pour les activités de reproduction associées à l’utilisation d’œuvres musicales dans le processus de production et de téléchargement de sonneries. De manière générale, les taux de redevances sont exprimés en pourcentage du prix de détail des sonneries, sous réserve d’une redevance minimale par sonnerie, exprimée en cents.

[92] Nous mettons de côté deux de ces ententes. La première ne s’applique pas au Canada; le dossier de la présente affaire contient suffisamment de données canadiennes pour nous permettre d’établir un taux en utilisant seulement ces données. La seconde porte sur un répertoire extrêmement limité. Pour le reste, les données sont cohérentes. Presque tous les taux pertinents se regroupent en grappes qui encadrent de près la moyenne simple de ces taux. Les valeurs aberrantes sont pratiquement inexistantes. La moyenne simple des taux prévus par ces ententes constitue donc un point de départ intéressant. Cela dit, nous concluons que les prix minimums que prévoient les ententes auraient tendance à faire augmenter légèrement la moyenne effective. Pour ces motifs, nous en venons à la conclusion que la moyenne des taux effectifs payables au Canada pour le droit de reproduction des œuvres musicales dans le marché des sonneries se situe autour de 12 pour cent.

ii. Le ratio entre les taux pour la communication et la reproduction

[93] Le marché de la radio commerciale offre des parallèles intéressants pour la présente affaire. Dans la décision CSI - Radio commerciale (2003), la Commission se penchait pour la première fois sur l’établissement d’un tarif pour la reproduction d’œuvres musicales par ces stations. Plusieurs facteurs ont été pris en compte dans l’établissement de ce tarif. En particulier, la Commission a tenu compte du caractère accessoire du droit de reproduction dans le cadre des activités de radiodiffusion des stations. Elle a également tenu compte du fait qu’en radiodiffusion, l’obtention d’une licence de reproduction est optionnelle : on peut exploiter une station de radio sans reproduire d’œuvres musicales. Ces facteurs ont amené la Commission à vouloir éviter d’établir un tarif trop élevé, qui agirait comme frein à l’adoption des nouvelles technologies de radiodiffusion. À tout prendre, la Commission a établi la redevance à 1 pour cent, avant de l’ajuster pour tenir compte de la part du répertoire admissible effectivement représenté par les sociétés de gestion concernées. Un pour cent représente environ le tiers du taux de 3,2 pour cent qui était alors payable par la radio commerciale pour pouvoir communiquer des œuvres musicales.

[94] Dans la présente instance, la situation est inversée. Une sonnerie musicale est avant tout la reproduction d’un extrait d’une œuvre emmagasiné dans la mémoire du cellulaire de l’abonné. Ce que ce dernier cherche à obtenir, c’est un fichier (et donc, une copie) contenant l’extrait de l’œuvre qu’il entend utiliser comme sonnerie. Le droit de communication permet uniquement de livrer la sonnerie à l’abonné d’une certaine façon. D’autres modes de livraison sont possibles : par exemple, les sonneries pourraient être vendues sur CD ou encore, être chargées à partir d’une station d’achat. Ces modes de livraison sont sans doute moins efficaces et plus coûteux; il n’en reste pas moins qu’ils existent. [46] En matière de sonneries, le droit de communication est donc accessoire, et vaut moins que le droit de reproduction.

[95] La Commission avait établi, pour la radio commerciale, un ratio d’un tiers pour le droit qu’elle jugeait accessoire. Nous croyons toutefois, pour les raisons qui suivent, que le ratio entre le taux pour la communication et le taux pour la reproduction doit être plus élevé dans le présent dossier.

[96] Même s’il est accessoire et optionnel dans le marché des sonneries, il n’en demeure pas moins qu’il est fort profitable d’obtenir le droit de communication. Il permet d’utiliser une technologie électronique instantanée de livraison, qui facilite grandement la transaction tout en la rendant plus accessible et moins coûteuse. Le modèle opérationnel actuel des fournisseurs de sonneries dépend de manière cruciale du droit de communication et ceux-ci ne connaîtraient pas le succès dont ils jouissent maintenant s’ils cessaient d’utiliser ce droit.

[97] Les fournisseurs utilisent les technologies de livraison basées sur le droit de communication depuis qu’ils sont en affaires. [47] Modifier ce modèle opérationnel entraînerait des coûts importants. Dans ce contexte, la possibilité que le tarif que nous homologuons vienne réduire significativement l’utilisation de ces technologies est mince.

[98] Par contre, le marché des sonneries a beau connaître une forte croissance, il n’en est pas moins nouveau et donc, potentiellement instable. La nature du produit, les prix et les ententes entre les différents protagonistes sont tous susceptibles de changer de manière significative au cours des prochaines années. Nous devons faire preuve de prudence et éviter qu’un taux trop élevé devienne un obstacle à l’évolution du marché.

[99] Pour toutes ces raisons, nous croyons approprié et raisonnable dans les circonstances que la valeur du droit de communication soit établie à la moitié de la valeur du droit de reproduction.

iii. Le taux

[100] Le ratio de 0,5, appliqué au taux de reproduction moyen de 12 pour cent que nous avons retenu génère un taux de 6 pour cent.

C. Les mesures de validation

[101] Le dossier de la présente affaire contient certaines données que nous n’avons pas utilisées pour établir le taux de redevances et qui peuvent toutefois servir à nous conforter dans notre choix.

[102] Les ententes que la SOCAN a conclues, qui visent le droit de communication dans le marché des sonneries et qui ne peuvent servir à établir le tarif pour les motifs déjà exposés, prévoient des taux dont la moyenne est plus élevée que le taux que nous avons retenu.

[103] Certaines ententes confidentielles versées au dossier et portant sur des droits autres que le droit de communication de l’œuvre musicale prévoient [CONFIDENTIEL]. Le taux que nous retenons se situe [CONFIDENTIEL]. [48]

[104] Le taux que nous retenons est plus élevé que tous les taux étrangers dont nous avons été informés. Toutefois, comme le taux canadien moyen pour la reproduction l’est également, il en résulte que le ratio de 0,5 entre le taux pour la communication et le taux pour la reproduction au Canada, se situe à l’intérieur de l’intervalle des ratios étrangers de 0,15 à 0,54. [49]

D. L’assiette tarifaire

[105] Certaines sonneries utilisent autre chose (voix, effet sonore, œuvre du domaine public) qu’une œuvre du répertoire de la SOCAN. Selon les opposantes, ces sonneries représentent environ 14 pour cent des téléchargements et 11,5 pour cent des revenus. Ils demandent soit d’exclure ces téléchargements de l’assiette tarifaire, soit de réduire de 10 pour cent le taux qui s’appliquerait à l’ensemble des revenus de téléchargement. La SOCAN a dit préférer la première option. Nous la retenons, d’autant plus que durant l’argumentation orale, les opposantes ont exprimé leur accord. Cela dit, ici comme dans les autres tarifs contenant des dispositions similaires, puisqu’il est parfois possible de libérer les droits pour des œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN sans obtenir de licence de cette dernière, on a exclu de l’assiette tarifaire les sonneries pour lesquelles une licence de la SOCAN n’est pas nécessaire.

[106] Tel que proposé par les participants, les frais d’utilisation de réseau sont exclus de l’assiette tarifaire. Ces frais constituent une mesure non pas de la valeur de la sonnerie, mais plutôt de la valeur des technologies de livraison. Toutes les ententes commerciales versées au dossier les excluent. Puisque ces frais s’appliquent à toutes les opérations effectuées sur Internet avec le cellulaire, il est peu probable que le présent tarif incite les fournisseurs à modifier à leur avantage la relation entre le prix des sonneries et les frais d’utilisation de réseau. Le marché a déjà été en mesure d’absorber les taux pour la reproduction actuellement en vigueur dans l’industrie, taux plus élevés que celui que nous homologuons pour la communication, sans pour autant entraîner de telles distorsions.

E. Le taux pour les sonneries authentiques

[107] La SOCAN demande que le même taux s’applique à toutes les sonneries. Les opposantes soutiennent que des formules différentes devraient s’appliquer aux sonneries synthétisées et authentiques. Selon eux, appliquer le même taux au prix de détail plus élevé de ces dernières accorderait aux membres de la SOCAN des revenus supplémentaires qu’ils ne devraient pas toucher, puisque le prix plus élevé de ces sonneries ne reflète pas la contribution de l’œuvre musicale, mais plutôt celle de l’enregistrement sonore. Cette valeur étant ajoutée par les producteurs, ils devraient seuls en recevoir les bénéfices.

[108] Au soutien de leurs prétentions, les opposantes affirment que le consommateur choisit l’artiste-interprète et non l’auteur de l’œuvre musicale lorsqu’il achète une sonnerie authentique. Nous ne partageons pas ce point de vue. Comme nous l’avons déjà souligné, le consommateur qui songe à acheter une sonnerie accorde autant d’importance à l’œuvre musicale, qu’il en connaisse ou non l’auteur, qu’à l’artiste-interprète.

[109] Nous sommes conscients qu’une partie de la valeur ajoutée des sonneries authentiques est attribuable aux producteurs et artistes-interprètes. Nous considérons toutefois, comme nous l’avons fait dans d’autres instances, que les auteurs participent eux aussi à cette valeur ajoutée.

[110] Les producteurs de disques qui ont comparu devant nous soutiennent qu’ils doivent être en mesure de percevoir suffisamment de redevances dans le marché des sonneries pour leur permettre de récupérer une partie du coût de production de l’enregistrement sonore. Certes, il faut s’attendre à ce que les décisions d’affaires que prennent les producteurs tiennent compte des revenus qu’ils prévoient encaisser dans l’ensemble de leurs marchés, y compris celui des sonneries. Cela dit, il ne saurait être question d’escompter les redevances payables aux titulaires de droits sur les œuvres musicales au seul motif de permettre aux producteurs d’augmenter leurs recettes. Une telle mesure serait contraire à l’esprit, sinon à la lettre, de l’article 90 de la Loi. [50]

[111] Qui plus est, l’argument des opposantes contredit non seulement le comportement des marchés, mais aussi le leur dans la présente instance. Les ententes versées au dossier, qu’elles visent le droit de communication ou de reproduction et qu’elles concernent les œuvres musicales ou les enregistrements sonores, comportent les mêmes taux pour les deux types de sonneries. Les données provenant de l’étranger sont au même effet. Les deux seules exceptions prévoient des taux plus élevés pour les sonneries authentiques. Par ailleurs, il est clair que la création d’une sonnerie polyphonique implique l’achat d’intrants (coûts d’orchestration) dont on n’a pas besoin pour une sonnerie monophonique. Or, personne ne propose que le taux pour les premières soit différent de celui pour les secondes. Si l’ajout d’intrants dû au passage de la monophonie à la polyphonie ne change pas le taux de redevances, l’ajout d’autres intrants pour le passage à la sonnerie authentique ne devrait pas non plus entraîner un tel changement.

[112] Le taux applicable et l’assiette tarifaire seront donc les mêmes pour les sonneries authentiques que pour les sonneries synthétisées.

F. Une redevance minimale

[113] La SOCAN proposait au départ une redevance minimale de 10 ¢ par sonnerie pour 2004 et de 20 ¢ pour 2005. Elle a ensuite suggéré que la redevance minimale soit la même que la redevance que la Commission homologuera pour une sonnerie vendue à 1 $. Selon la SOCAN, une telle redevance est nécessaire pour tenir compte des sonneries distribuées gratuitement ou vendues dans un ensemble tel qu’il est impossible d’en déterminer le prix de vente spécifique.

[114] Les opposantes soutiennent qu’une redevance minimale de 20 ¢ revient à imputer un prix de détail plancher de 2 $ à toutes les sonneries. Elles ajoutent qu’un tarif qui comporterait une redevance minimale constituerait une garantie pour la SOCAN d’être payée pour des sonneries même quand elles sont gratuites pour les consommateurs. À leur avis, cela représenterait un changement radical de philosophie de la part de la Commission. Elles suggèrent plutôt qu’il n’y ait pas de redevance minimale ou dans l’alternative, qu’elle soit établie à un très faible niveau, mensuellement ou par sonnerie, pour couvrir les coûts administratifs d’une licence de la SOCAN. Selon elles, les redevances minimales des tarifs existants de la SOCAN sont déjà établies à de faibles niveaux.

[115] La Commission a récemment énoncé le principe voulant que la redevance minimale soit le reflet à la fois des coûts administratifs de la SOCAN engendrés par la délivrance d’une licence et de la valeur intrinsèque de la musique. [51] Nous sommes d’accord avec ce principe. Dans la présente instance, c’est le second facteur qui nous incite à homologuer une redevance minimale. L’impossibilité d’attacher un prix spécifique à une sonnerie, peu importe la raison, ne signifie pas pour autant que les ayants droit renoncent à leur rémunération. La valeur intrinsèque de la musique incorporée à une sonnerie gratuite n’est pas nulle; une redevance minimale permet de la refléter. Qui plus est, toutes les ententes commerciales au dossier contiennent une redevance minimale égale ou supérieure à la redevance qui s’applique à une sonnerie dont le prix au détail est de 1 $. Nous établirons donc une redevance minimale de 6 ¢ par sonnerie, montant égal à la redevance qui s’applique à une sonnerie vendue à 1 $. Cette redevance minimale est homologuée seulement pour les années 2004 et 2005, la SOCAN n’en ayant pas demandé pour 2003.

G. Un plafond trimestriel pour 2003

[116] Pour 2003, la SOCAN proposait de plafonner les redevances à 7 500 $ par trimestre. La SOCAN n’a pas versé de preuve au sujet de ce maximum; il semble toutefois qu’elle cherchait ainsi à adopter une approche prudente face au nouveau marché que constituaient les sonneries à l’époque. Puisqu’il s’agit d’une mesure temporaire pour une période déjà révolue, nous maintenons le plafond.

H. Libellé du tarif

[117] Le projet de tarif de la SOCAN vise le « fournisseur de service de sonneries », défini comme la personne qui fournit ou autorise la fourniture de sonneries à des abonnés. Il vise les entreprises de télécommunications sans fil, les tiers associés, les agrégateurs et tout autre fournisseur de contenu ou de sonneries, pour autant qu’ils les communiquent ou en autorisent la communication. Plus d’une personne pourrait donc être redevable à la SOCAN pour une même communication. Comme la Commission l’a déjà dit dans Services sonores payants (2002), nous considérons qu’il ne nous revient pas de déterminer la responsabilité du paiement puisque la SOCAN a le droit de chercher à obtenir le paiement de chacune de ces personnes, sans égard au fait que le tarif cible l’une ou l’autre. Dans les circonstances, le tarif sera à visée neutre.

[118] Comme c’est souvent le cas, l’aide des participants pour finaliser le libellé du tarif nous a permis d’en arriver à un texte qui reflète nos intentions sans soulever de difficultés inattendues dans son application au jour le jour. Il ne reste que quelques commentaires à formuler en plus de ceux qui ont déjà été faits sur d’autres aspects du tarif.

[119] Premièrement, bien que le tarif soit structuré de façon à ce qu’un paiement soit dû à chaque fois qu’une sonnerie est téléchargée, la licence vise tous les usages que la SOCAN administre et qui sont directement associés à la vente de sonneries, y compris le furetage.

[120] Deuxièmement, nous avons inclus une définition de sonnerie même si cela n’était pas strictement nécessaire : nous avons peine à croire, par exemple, qu’on pourrait tenter de soutenir qu’une sonnerie authentique n’est pas une sonnerie. Une définition deviendra utile une fois que le tarif traitera aussi des sonneries pour l’appelant. Nous avons cru préférable de tester maintenant la définition que nous proposons, et non plus tard.

[121] Troisièmement, nous avons ajouté aux exigences de rapport afin que la SOCAN dispose de suffisamment de renseignements pour évaluer la justesse des rapports d’utilisateurs et pour déterminer à qui les redevances devraient être distribuées. Nous avons en même temps cherché à y arriver de la façon la moins intrusive possible du point de vue des titulaires de licences.

[122] Quatrièmement, le tarif contient certaines dispositions transitoires qui sont nécessaires parce que le tarif prend effet le 1er janvier 2003 bien qu’il soit homologué beaucoup plus tard. Ainsi, le tarif, qui prend fin avec l’année 2005, contient néanmoins une mention portant sur des montants payables avant le 30 juin 2006. Cette mention est nécessaire parce que le tarif est homologué après la date à laquelle il prend fin, et que les utilisateurs doivent disposer d’un délai raisonnable après l’homologation du tarif afin de remplir les obligations qu’il leur impose.

[123] Par ailleurs, un tableau fournit les facteurs d’intérêts qui seront appliqués aux sommes dues pour les usages effectués durant un mois donné. Les facteurs de multiplication ont été établis en utilisant le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois précédent, pour la période allant de janvier 2003 à juin 2006, tel qu’il a été publié par la Banque du Canada. Nous estimons que cette affaire ne nécessite pas l’imposition d’une pénalité en sus du facteur d’intérêt pour les paiements rétroactifs puisque les fournisseurs de sonneries n’étaient pas en mesure d’estimer le montant éventuel du tarif homologué par la Commission. L’intérêt n’est pas composé. Le montant dû pour une période donnée est le montant des redevances établi conformément au tarif, multiplié par le facteur fourni pour le mois en question.

[124] Durant les consultations portant sur le libellé du tarif, les opposantes ont demandé des modifications à la clause de vérification habituelle qu’on retrouve dans la plupart des tarifs de la SOCAN. Nous n’avons pas apporté ces changements. Rien ne porte à croire que la SOCAN ait abusé à ce jour de son pouvoir de vérification. Le risque de tels abus est d’autant plus mince que le tarif concerne avant tout des transactions passées. C’est lors des prochaines audiences portant sur le présent tarif que cette question devrait être réexaminée.

I. Les taux finaux et les redevances totales

[125] Pour les années 2003 à 2005, nous homologuons le taux de redevances à 6 pour cent du prix payé par l’abonné pour une sonnerie nécessitant une licence de la SOCAN, net des frais d’utilisation de réseau. Pour les années 2004 et 2005, une redevance minimale de 6 ¢ s’applique pour chaque sonnerie. Pour 2003, les redevances trimestrielles sont plafonnées à 7 500 $.

[126] En nous basant sur les données de la SOCAN, nous estimons le montant de redevances totales générées par le tarif à près de 325 000 $ en 2003, 950 000 $ en 2004 et 1 570 000 $ en 2005. Cette estimation ne tient pas compte de l’impact du plafond de 7 500 $ par trimestre pour 2003.

J. La capacité de payer

[127] La croissance du marché canadien des sonneries a été très rapide au cours des dernières années. M. Sone estimait à plus de 15 millions de dollars les revenus générés par la vente au détail de sonneries en 2004, et prévoyait que ces revenus pourraient atteindre les 30 millions de dollars en 2006. Par ailleurs, les coûts reliés à la production et à la vente de sonneries semblent être assez faibles. Ces données, qui n’ont pas été contestées par les opposantes, sont des indications d’un secteur en bonne santé financière. Qui plus est, le taux que nous établissons est suffisamment bas pour ne pas entraîner [CONFIDENTIEL] dans le marché des sonneries. Autrement dit, [CONFIDENTIEL] plus importantes que le montant des redevances qui seront effectivement versées. Il ne devrait donc y avoir aucune conséquence sur les prix pratiqués dans le marché. [52]

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] L.R.C. 1985, ch. C-42, ci-après la « Loi ».

[2] Deux motifs font en sorte que la Commission n’est pas en mesure de disposer du projet de tarif pour 2006. D’une part, au moins une des opposantes à ce projet n’a pas participé à la présente instance. D’autre part, le projet pour 2006 traite aussi des sonneries d’attente, et la procédure couvrant la période de 2003 à 2005 était trop avancée pour permettre aux participants d’aborder cette question. La sonnerie d’attente (ou « sonnerie pour l’appelant ») est définie par la SOCAN comme une sonnerie « qui donne lieu à une exécution sonore d’une œuvre musicale pour l’appelant, lors d’un appel entrant ».

[3] La décision pertinente est SOCAN-SCGDV - Services sonores payants pour les années 1997 à 2002 (15 mars 2002), ci-après Services sonores payants (2002).

[5] L’interface numérique des instruments de musique (MIDI) désigne une norme et un ensemble de commandes qui permettent de stocker et de transmettre de l’information relative à la musique. Les unités de sortie MIDI interprètent cette information et l’utilisent pour synthétiser la musique.

[6] Le Wireless Application Protocol ou protocole WAP pour les applications sans fil est un environnement d’application et un ensemble de protocoles de communication pour les dispositifs sans fil conçu pour donner un accès indépendant à Internet et à la technologie de pointe. Le service d’envoi de messages courts (SMS) permet à un abonné d’envoyer ou de recevoir un court message à partir d’un cellulaire.

[7] La technologie Bluetooth permet les connexions sans fil de courte portée entre un ordinateur et différents périphériques, dont les cellulaires.

[8] Témoignage de M. Blumenthal, tr., p. 452.

[9] BMG Canada Inc. c. John Doe, [2005] 4 R.C.F. 81.

[10] Voir décision de la Commission du 6 mars 2006, re : Breakthrough Films & Television Inc., Toronto (Ontario).

[11] Témoignage de M. Truffen, tr., p. 406.

[12] Tr., p. 115.

[13] Tr., p. 558.

[14] Témoignage de M. Crookes, tr., p. 562.

[15] Témoignage de M. Crookes, tr., p. 556.

[16] John McKeown, Fox: Canadian Law of Copyright and Industrial Designs on Copyright, 4d (Toronto, Carswell, 2005) au ¶ 21:5(b).

[17] Témoignage de M. Crookes, tr., p. 559.

[18] [1934] O.R. 610 (H.C. Ont).

[19] Ibid., à la p. 615.

[20] [1934] 1 Ch. D. 593 (C.A. R.-U.).

[21] Ibid., à la p. 606.

[22] SOCAN 22 (1999), à la p. 17.

[23] [1993] 2 C.F. 138 (C.A.), ci-après ACTC (1993).

[24] [1927] 2 K.B. 543.

[25] Ibid., aux pp. 548-549.

[26] ACTC (1993), à la p. 153.

[27] ACTC (1993), aux pp. 148 et 149.

[28] SOCAN 22 (1999), aux pp. 29-30 (les renvois ont été omis).

[29] SOCAN 22 (1999), aux pp. 34 et suivantes.

[30] SOCAN 22 (1999), à la p. 30.

[31] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Assoc. canadienne des fournisseurs Internet [2004] 2 R.C.S. 427, au ¶ 42.

[32] SOCAN 22 (1999), à la p. 29.

[33] SOCAN 22 (1999), à la p. 30.

[34] SOCAN 22 (1999), à la p. 36.

[35] La situation peut être tout à fait différente en ce qui a trait aux autres objets du droit d’auteur.

[36] [2004] 1 R.C.S. 339; [2002] 4 R.C.F. 213 (C.A.F.); [2000] 2 C.F. 451 (C.F. 1re inst.), ci-après CCH Canadienne.

[37] SOCAN 22 (1999), à la p. 30.

[38] SOCAN 22 (1999), à la p. 31 (renvoi omis).

[39] Pièce SOCAN-1, au ¶ 33.

[40] Témoignage de M. Spurgeon, tr., p. 207.

[41] Voir notamment CMRRA/SODRAC inc. (Stations de radio commerciales) pour les années 2001 à 2004 (28 mars 2003), à la p. 11, ci-après CSI - Radio commerciale (2003).

[42] L’exemple le plus récent étant SOCAN - SCGDV - Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 (14 octobre 2005), aux pp. 13 à 15.

[43] CSI - Radio commerciale (2003).

[44] Pièces SOCAN-7, SOCAN-9 (onglets B-15, C-15, D-15, I et N), SOCAN-13, SOCAN-14 et CWTA-9. Presque toutes ces ententes sont confidentielles à l’exception des pièces SOCAN-7 (licences expérimentales entre la SOCAN et certains fournisseurs de sonneries) et SOCAN-13 (entente entre CMRRA et M-Qube).

[45] La preuve au dossier montre que les producteurs d’enregistrements sonores agissent pour le compte des artistes-interprètes.

[46] À cet égard, l’analogie est frappante avec la station de radio qui choisit de reproduire la musique sur un serveur et donc de payer la redevance qui en découle, plutôt que de recourir à une technologie moins efficace telle que jouer la musique à partir de CD.

[47] Les radiodiffuseurs, par contre, avaient été en affaires durant plusieurs années avant d’avoir besoin du droit de reproduction.

[48] On a tronqué de la version publique de ce paragraphe certains renseignements qui sont nécessaires à la compréhension de la décision, mais qui sont de nature confidentielle.

[49] Voir pièce CWTA-2, tableau 5 révisé - 27 juin 2005. Le professeur Liebowitz a corrigé la borne inférieure de l’intervalle la portant à 0,15 : voir pièce SOCAN-1.C, p. 16.

[50] L’article 90 de la Loi prévoit que les droits à rémunération des artistes-interprètes et des producteurs n’ont pas, par eux-mêmes, d’effet négatif sur la fixation des redevances afférentes aux droits des auteurs.

[51] Voir décision de la Commission du 19 mars 2004 portant sur divers tarifs de la SOCAN, à la p. 13.

[52] Voir supra note 48.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.