Décisions

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2008-02-29

Référence

Dossier : Reproduction d’enregistrements sonores

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, article 66.51

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Tarif des redevances à percevoir par avla/soproq pour la reproduction d’enregistrements sonores, au Canada, par les stations de radio commerciales pour les années 2008 à 2011

Motifs de la décision

[1] Le 30 mars 2007, la AVLA Audio-Visual Licensing Agency inc. (AVLA) et la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ) (« les sociétés ») ont déposé conjointement un premier projet de tarif visant la reproduction d’enregistrements sonores par des stations de radio commerciales, conformément au paragraphe 70.13(2) de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »). Le projet, qui s’applique aux années 2008 à 2011, a été publié dans la Gazette du Canada. L’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) s’y est opposée.

[2] Le 18 décembre 2007, les sociétés ont demandé un tarif provisoire en vertu de l’article 66.51 de la Loi. Le lendemain, l’ACR s’est opposée à la demande et, le 28 décembre, les sociétés ont répondu à cette opposition.

[3] La demande énonce correctement le critère établi par la Commission pour l’octroi de mesures provisoires. Une ordonnance provisoire peut être rendue si la demande principale n’est pas manifestement dépourvue de fondement. Les sociétés satisfont à cet élément. Ensuite, l’octroi de la mesure doit remédier aux effets nuisibles subis par le demandeur en raison de la longueur de l’instance. Nous sommes d’avis que les sociétés ne satisfont pas à cette exigence parce que les arguments qu’elles invoquent pour conclure à l’existence d’effets nuisibles sont dénués de pertinence, inapplicables aux sociétés ou tout simplement erronés.

[4] Tout d’abord, les sociétés soutiennent ne pas percevoir de redevances tarifaires pouvant servir à financer la procédure. Nous estimons au contraire que les sociétés sont tout à fait capables d’en supporter les coûts. Leurs revenus provenant de licences sont probablement importants. Qui plus est, contrairement à ce qu’elles prétendent, elles perçoivent des redevances tarifaires. Ensemble, elles reçoivent chaque année des millions de dollars de la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV) au titre de la part du producteur de la rémunération versée en vertu de l’article 19 de la Loi. Elles reçoivent aussi 15 pour cent des redevances de copie privée, ce qui représente aussi des millions de dollars. D’autres sociétés de gestion utilisent régulièrement leurs autres revenus pour financer le coût des recours devant la Commission.

[5] Deuxièmement, les sociétés font remarquer que le processus d’échange de renseignements peut être exigeant. Cet argument ne les aide pas. En général, ce processus profite avant tout aux sociétés de gestion, lesquelles ont un intérêt plus grand (et mieux fondé) à tenter de comprendre le modèle de gestion des utilisateurs que ces derniers ne sont intéressés à comprendre les pratiques commerciales des sociétés de gestion. L’existence du processus d’échange de renseignements ne gêne pas les sociétés, il les avantage.

[6] Troisièmement, le fait que les tarifs sans précédent font souvent l’objet d’une révision judiciaire est, au mieux, sans pertinence. Même contesté, un tarif homologué demeure exigible à moins que la Cour d’appel fédérale n’en suspende l’application.

[7] Quatrièmement, les sociétés prétendent que l’ACR a contribué à retarder et compliquer considérablement la présente instance en demandant qu’elle soit jointe aux projets de tarifs de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), de la SCGDV et de CMRRA/SODRAC inc. (CSI) pour les stations de radio commerciales. Nous ne partageons pas ce point de vue. La demande de l’ACR est légitime et s’inscrit dans la foulée de décisions récentes de la Commission, qui s’efforce de traiter dans une même instance tous les droits en jeu relativement à un usage distinct. C’est pour ce motif qu’on a fait droit à la demande le 22 février dernier.

[8] Cinquièmement, les sociétés font valoir que puisque l’un des objets de la Loi est de permettre la gestion collective du droit d’auteur, la Commission devrait rendre la décision provisoire de façon à leur donner la possibilité de recouvrer une partie de leurs coûts de démarrage. Quelle que soit la valeur de cet argument, il ne s’applique pas aux sociétés de gestion bien établies qui le soulèvent en l’espèce.

[9] Les décisions de la Commission disposant de demandes de décisions provisoires sur lesquelles les sociétés se fondent ne leur sont d’aucun secours. La décision Demande de modification du tarif sur la retransmission de signaux de télévision, 1992-1994 [1] n’a fait que rendre provisoire le tarif homologué, afin de permettre à une société de gestion de présenter une demande relative à la journée de diffusion en tant qu’œuvre de compilation depuis la date du tarif provisoire. Un tarif homologué était en vigueur, la loi avait changé, la société souhaitait que la répartition des redevances prévue dans le tarif homologué soit modifiée de façon à rendre compte du changement dans l’état du droit, mais la Commission n’était pas certaine de pouvoir autoriser la modification rétroactivement alors qu’un tarif homologué était en vigueur. Quant à la décision du 24 novembre 2006 homologuant le Tarif provisoire SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale, 2005-2007, elle repose sur un certain nombre de facteurs, notamment le souci d’éviter la circulation inutile d’argent et l’imposition de nombreux nouveaux calculs. [2] En l’espèce, l’établissement d’un tarif provisoire mène au résultat contraire : le tarif serait fort probablement différent du tarif définitif, ce qui imposerait de nouveaux calculs.

[10] Enfin, toute analyse des effets nuisibles potentiels de la longueur de l’instance nécessite l’examen de la prépondérance des inconvénients. Dans le cas présent, ce facteur favorise les stations de radio, non les sociétés. L’établissement d’un tarif provisoire, comme nous venons de dire, supposera des paiements qui devront nécessairement être recalculés. Les stations de radio commerciales ne sont pas légion et elles ne sont pas des entreprises irresponsables. La perception rétroactive des redevances ne devrait pas causer de grandes difficultés. Il n’existe aucun risque que les sociétés ne reçoivent pas ce qui leur revient. Cette situation tranche nettement avec celle, par exemple, en copie privée, dans laquelle il peut être très difficile, voire impossible, pour la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) de percevoir les redevances à défaut de tarif.

[11] Deux arguments soulevés par les sociétés dans leur réponse du 28 décembre 2007 méritent d’être examinés. Premièrement, elles soutiennent que la demande de tarif provisoire devrait être accordée de façon sommaire, parce que l’ARC n’a pas établi que la demande ne satisfait pas au critère donnant ouverture à l’octroi d’une telle mesure. C’est là aborder la question par le mauvais bout de la lorgnette. Il incombe à la personne qui sollicite une mesure provisoire de démontrer qu’elle est nécessaire, qu’on s’y oppose ou non. Deuxièmement, contrairement à ce qu’affirment les sociétés, ni la AVLA ni la SOPROQ ne sont [TRADUCTION] « tenues d’engager une instance devant la Commission du droit d’auteur pour gérer collectivement leurs droits. » Ces sociétés de gestion sont soumises au régime général. Elles peuvent conclure des contrats de licence avec des utilisateurs individuels. De fait, dans le régime général, de telles ententes ont préséance sur le tarif.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] (1994) 55 C.P.R. (3d) 55; (1990-1994), R.C.D.A 239, 28 février 1994.

[2] Paragraphe 15 de la décision.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.