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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2005-10-14

Référence

DOSSIERS : Exécution publique d’oeuvres musicales 2003-2007 et Exécution publique d’enregistrements sonores 2003-2007

Régime

Exécution publique de la musique

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Me Brigitte Doucet

Tarifs des redevances à percevoir par la socan et la scgdv à l’égard de la radio commerciale pour les années 2003 à 2007

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

Les présents motifs traitent des tariffs applicables à l’utilisation du répertoire de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et de la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV) par les stations de radio commerciales pour les années 2003 à 2007. Des projets de tarifs ont été déposés conformément au paragraphe 67.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur (la «Loi»). La SOCAN a déposé des projets distincts pour les années 2003, 2004 et 2005 à 2007, publiés le 11 mai 2002, le 19 avril 2003 et le 28 juin 2003. La SCGDV a depose un projet unique pour toute la période, publié dans la Gazette du Canada le 11 mai 2002. Les utilisateurs éventuels ou leurs représentants ont été avisés de leur droit de faire opposition aux projets. Seule l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) s’est prévalue de ce droit.

Le 3 juin 2003, la Commission a décidé qu’elle disposerait ensemble des projets de tarifs de la SOCAN et de la SCGDV s’appliquant à la radio commerciale. [1] Les audiences ont commencé le 18 mai 2004 et ont duré huit jours. L’argumentation finale a été entendue le 10 juin 2004.

A. Historique des tarifs

Le tarif 1.A de la SOCAN établit les redevances que les stations de radio commerciales versant pour la communication au public par télécommunication d’oeuvres musicales faisant partie du répertoire de la SOCAN. Elle distribute ces redevances aux auteurs de ces oeuvres. Le tarif 1.A de la SCGDV établit les redevances que ces stations versent en guise de rémunération équitable pour la communication au public par telecommunication d’enregistrements sonores publiés constitués d’oeuvres musicales faisant partie du repertoire de la SCGDV. [2] Elle distribue ces redevances aux producteurs d’enregistrements sonores et aux artistes-interprètes dont les prestations sont incorporées dans ces enregistrements.

La musique diffusée à la radio provident principalement d’enregistrements sonores publiés qui sont constitués d’oeuvres musicales. Voilà pourquoi certains considèrent parfois que les tarifs sous examen représentent les deux faces d’une même médaille. Cela dit, l’historique de chaque tarif, qu’il y a lieu de reprendre ici, diffère substantiellement.

i. Le tarif 1.A de la SOCAN

L’auteur détient le droit de diffuser ses oeuvres musicales à la radio depuis 1924. [3] Un an plus tard, la première société de gestion du droit d’exécution publique des oeuvres musicales, la Canadian Performing Rights Society (CPRS, devenue en 1946 l’Association des compositeurs, auteurs et éditeurs de musique du Canada ou CAPAC) voyait le jour. En 1931, la Loi était modifiée afin de permettre au gouvernement de demander à une commission d’enquête d’examiner les tarifs des sociétés de gestion du droit d’exécution, tarifs que le Cabinet pouvait ensuite modifier. En 1936, sur recommandation d’une telle commission, [4] la Loi était de nouveau modifiée afin que tous les tariffs de droits d’exécution soient soumis à l’approbation de la nouvelle Commission d’appel du droit d’auteur avant d’entrer en vigueur. Le premier tarif homologué pour la radio visait l’année 1937. Il s’appliquait aux stations tant commerciales que publiques et prévoyait un versement forfaitaire de 70 000 $, soit environ 8 ¢ par appareil récepteur de radio se trouvant dans le rayon de diffusion d’une ou de plusieurs stations canadiennes. [5] Ce montant était ensuite imputé aux stations suivant une formule qu’il est inutile d’aborder en l’instance.

En 1940, la deuxième société canadienne du droit d’exécution publique, Broadcast Music Inc. (BMI Canada, qui devint en 1978 la Société des droits d’exécution du Canada ou SDE) était constituée. À sa demande, la Commission homologuait pour l’année 1941 un tariff additionnel prévoyant un paiement forfaitaire correspondant à 1 ¢ par appareil récepteur. Le montant total des redevances payables à la CPRS et à BMI Canada s’établissait alors à environ 121 000 $. Le montant des redevances par appareil récepteur est demeuré essentiellement le même jusqu’en 1946. [6]

En 1947, pour la première fois, le tariff homologué séparait les montants versés par les stations commerciales de ceux versés par la Société Radio-Canada (SRC). [7] Les stations commerciales versaient environ 7 ¢ par appareil récepteur à la CAPAC et 1,5 ¢ à BMI Canada. Le taux de BMI Canada était porté à 2 ¢ en 1948. Le taux combiné s’appliquant aux stations commerciales est demeuré à 9 ¢ par appareil jusqu’en 1951, [8] année pour laquelle le montant des redevances payables aux deux sociétés s’établissait à environ 196 000 $.

En 1952, la Commission d’appel du droit d’auteur modifiait l’assiette tarifaire de la CAPAC; le tarif était désormais de 1,75 pour cent des revenus bruts. Bien que cela soit loin de ressortir de la décision, cette modification visait sans doute à refléter la situation qui avait alors cours aux États-Unis. BMI Canada a continué à percevoir une somme forfaitaire correspondant à 2 ¢ par an par appareil récepteur jusqu’en 1955. De 1956 à 1958, ce montant augmentait de 50 pour cent afin de tenir compte de la programmation de réseau. En 1958, le taux de la CAPAC passait à 2 pour cent.

En 1959, le tarif de BMI Canada était aussi établi en fonction d’un pourcentage des recettes publicitaires. Le taux était de 0,75 pour cent, pour un taux combiné CAPAC-BMI de 2,75 pour cent. Les taux sont demeurés inchangés jusqu’en 1961.

En 1962, le taux de BMI Canada était réduit à 0,6 pour cent, pour un taux combiné de 2,6 pour cent. En 1963, le taux de la CAPAC était réduit à 1,85 pour cent, pour un taux combiné de 2,45 pour cent. Le taux de la CAPAC est resté inchangé jusqu’en 1978, alors que celui de BMI Canada était porté à 0,75 pour cent en 1966 (taux combiné : 2,6 pour cent), 0,9 pour cent en 1969 (taux combiné : 2,75 pour cent), 1 pour cent en 1972 (taux combiné : 2,85 pour cent) et 1,15 pour cent en 1973 (taux combiné : 3 pour cent). La plupart des augmentations reflétaient des ententes conclues avec l’ACR.

En 1978, au terme d’une longue audience, la Commission d’appel du droit d’auteur a fait passer le taux combiné à 3,2 pour cent de façon «à refléter fidèlement ce que la Commission considère être la croissance de ce que la valeur intrinsèque de la musique représente pour l’industrie». [9] Le taux de la CAPAC tombait à 1,75 pour cent tandis que celui de la SDE était porté à 1,45 pour cent. De 1979 à 1986, le taux est resté inchangé, reflétant une fois de plus des ententes entre les sociétés de gestion et l’ACR. En 1982, toutefois, le taux de la CAPAC a encore été réduit, passant à 1,66 pour cent, tandis que celui de la SDE était porté à 1,54 pour cent, le taux combiné demeurant à 3,2 pour cent.

En 1987, les sociétés de gestion ont cherché à faire passer le taux à 3,5 pour cent tandis que l’ACR a demandé qu’on le ramène à 2,9 pour cent. Les sociétés de gestion soutenaient que les radiodiffuseurs comptaient plus que jamais sur la musique pour générer des recettes publicitaires et que la musique, en tant que principale source de programmation radio, était nettement sous-évaluée. Elles ajoutaient que l’utilisation spécialisée des répertoires permettait une programmation plus distinctive et que cela devait se traduire par des taux plus élevés.

De son côté, l’ACR cherchait à diminuer le fardeau des radiodiffuseurs. Elle souhaitait que les tarifs canadiens reflètent le taux américain alors en vigueur. Elle mettait en garde contre une crise imminente. La radio faisait face à une concurrence accrue d’autres médias qui s’appropriaient une portion croissante du marché publicitaire. L’augmentation de l’utilisation de musique canadienne imposée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) n’arrangeait pas les choses. Une diminution du taux, soutenait l’ACR, aiderait à diminuer le fardeau financier de l’industrie.

Pour la première fois, les sociétés de gestion et l’ACR ont déposé des études cherchant à établir la part du temps d’antenne que les stations de radio consacraient à la musique. Les études des sociétés de gestion, reposant sur les promesses de réalisation de 180 stations, concluaient que la musique comptait pour 67,2 pour cent de la programmation totale excluant la publicité. L’étude de l’ACR, qui reposait sur le nombre de pièces musicales par heure dans 54 stations sur une période d’une semaine, établissait ce chiffre à 69 pour cent. [10]

Après examen des études, la Commission d’appel du droit d’auteur n’avait «pas appris en quoi la situation actuelle était différente par rapport à celle des années précédentes». [11] Elle concluait toutefois que la musique «représente... près de 70 pour cent de la programmation d’une station de radio moyenne». [12] La Commission connaissait la quantité d’œuvres musicales diffusées à la radio en 1987, mais elle ne pouvait déterminer si cette quantité était supérieure ou inférieure à la situation antérieure. En dernière analyse, la Commission a conclu qu’il n’était pas justifié de modifier le taux, lequel est demeuré à 3,2 pour cent.

De 1988 à 1992, à la suite d’une entente, le taux est resté le même, avec une exception de taille. En 1991, la nouvelle Commission du droit d’auteur [13] établissait un taux de «faible utilisation» de 1,4 pour cent pour les stations dont l’utilisation d’œuvres musicales protégées occupait moins de 20 pour cent du temps d’antenne. En 1993, la Commission a maintenu ces taux en dépit des doléances de la SOCAN, qui souhaitait les augmenter, et de l’ACR, qui souhaitait les diminuer. Depuis lors, soit faute d’opposition soit en raison de la conclusion d’ententes, les choses sont demeurées inchangées.

En bref, le taux du tarif 1.A de la SOCAN ou ses prédécesseurs a été établi à 2,75 pour cent en 1959, a fléchi jusqu’à 2,45 pour cent en 1963 pour remonter graduellement à 3,2 pour cent en 1978. Il est demeuré constant depuis. La Commission ou son prédécesseur n’a jamais expliqué la façon dont elle s’y est prise pour établir la valeur des droits sous-jacents. Au mieux, trois éléments sont clairs. Premièrement, de 1959 à 1978, la Commission d’appel du droit d’auteur paraît avoir établi les taux de la CAPAC et de BMI Canada séparément. Par la suite, elle a opté pour une approche globale, établissant d’abord un taux unique pour ensuite le répartir entre la CAPAC et la SDE. Puis, toujours en 1978, la Commission a conclu que la musique avait davantage de valeur pour l’industrie de la radio commerciale que ce que l’on croyait auparavant et en a augmenté le prix en conséquence. Troisièmement, en 1987, la Commission a conclu que la quantité de musique diffusée à la radio correspondait à ce que les études nouvellement déposées portant sur l’utilisation de la musique révélaient, mais que ces études ne contenaient rien qui pouvait l’amener à conclure que la radio utilisait plus (ou moins) de musique en 1987 que par le passé; elle décida par conséquent que le taux établi en 1978 était toujours juste.

ii. Le tarif 1.A de la SCGDV

En 1997, la protection et les avantages que la Loi confère à la prestation d’un artiste-interprète ou à l’enregistrement sonore d’un producteur de disque ont été grandement accrus. [14] Ainsi, la communication au public par télécommunication d’un enregistrement sonore publié donne droit à une rémunération équitable. Le producteur d’un enregistrement sonore et l’artiste-interprète dont la prestation y est incorporée ont droit à une part égale de la rémunération. Dans le cas de l’enregistrement sonore d’une œuvre musicale, la rémunération doit être versée à une société de gestion. La SCGDV administre ces droits à rémunération. [15]

La SCGDV a déposé un premier projet de tarif qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1998 pour une période de cinq ans. Le tarif proposé visait plusieurs groupes d’utilisateurs d’enregistrements sonores, dont la radio commerciale. La SCGDV souhaitait que les stations versent un taux augmentant progressivement de 4,68 pour cent pour les recettes publicitaires situées entre 1,25 et 1,5 million de dollars, jusqu’à 9,78 pour cent pour les recettes supérieures à 5 millions de dollars. [16] Au soutien de sa proposition, la SCGDV a présenté plusieurs modèles d’évaluation, tous rejetés par la Commission. La Commission a plutôt utilisé le tarif 1.A de la SOCAN comme point de départ et a établi un rapport de un à un entre le droit de l’auteur d’œuvre musicale d’une part et les droits à rémunération de l’artiste-interprète et du producteur d’autre part. Le taux général a été établi à 1,44 pour cent pour refléter l’importance relative du répertoire admissible de la SCGDV. La Commission a établi un taux de 0,63 pour cent pour les stations ayant droit au statut de faible utilisateur de musique suivant le tarif de la SOCAN et un taux de 100 $ par mois pour les stations de radio parlée qui utilisent le répertoire de la SCGDV uniquement comme musique de production.

B. La position des parties

La SCGDV demande 2 pour cent sur la première tranche de 625 000 $ de recettes publicitaires annuelles d’une station, 4 pour cent sur la deuxième tranche de 625 000 $ et 6 pour cent sur l’excédent. Les stations à faible utilisation verseraient 43 pour cent de ces taux. La SCGDV est d’accord avec la Commission pour dire qu’une rémunération équitable devrait être équitable pour les titulaires de droits d’auteur et les utilisateurs et devrait refléter tant la valeur ajoutée par les premiers que les bénéfices que les seconds retirent de la musique enregistrée en tant que contenu de programmation. Afin d’y parvenir, elle propose une nouvelle méthode d’évaluation suivant laquelle la station qui dévoue tout son temps d’antenne à des enregistrements sonores protégés d’œuvres musicales protégées devrait verser 19,5 pour cent de ses revenus pour ce faire. Ensuite, comme dans d’autres instances, [17] la SCGDV se fonde sur les résultats obtenus par les trois collèges d’ayants droit (auteurs, artistes-interprètes et producteurs) dans le marché du CD préenregistré afin de répartir entre eux ce montant de façon approximativement égale, avant de procéder aux ajustements pour le répertoire.

La SCGDV propose que le tarif soit étagé afin de répondre aux préoccupations touchant son incidence financière sur les stations à faibles revenus. Elle souhaite que les stations puissent bénéficier du taux de faible utilisation sur la base de l’utilisation de son propre répertoire et non de celui de la SOCAN. La SCGDV souhaite aussi que la catégorie de radio parlée soit retirée à cause des problèmes administratifs qu’elle entraîne.

La SOCAN cherche à obtenir 5 pour cent des revenus bruts d’une station en 2003 et 2004 et 6 pour cent de 2005 à 2007. Les stations à faible utilisation verseraient 2,2 et 2,6 pour cent. La SOCAN appuie à quelques réserves près la méthode d’évaluation de la SCGDV, mais elle est en désaccord en ce qui a trait à la répartition de cette valeur; comme par le passé, elle maintient que les redevances pour le droit de communiquer ne devraient pas être établies en fonction du marché du droit de reproduction en général ou du tarif de la copie privée en particulier.

La SOCAN ne veut pas d’un tarif étagé, soutenant que lorsqu’un tarif approprié est convenu, la formule du pourcentage du revenu fait automatiquement en sorte que les stations qui ont un revenu moins élevé versent moins. En raison de la nature universelle de son répertoire, elle ne voit pas la nécessité d’une catégorie radio parlée dans son tarif. Si la catégorie devait s’étendre à la SOCAN, elle préconise des obligations de rapport très strictes assorties d’amendes pour les stations qui s’octroieraient le statut de radio parlée sans y avoir droit. La SOCAN souhaite également un ajustement de la définition de «revenus bruts», mais préfère que la définition de «recettes publicitaires» utilisée par la SCGDV ne s’applique pas à elle. Enfin, la SOCAN souhaite que les obligations de rapport de son tarif soient les mêmes que celles du tarif de la SCGDV.

L’ACR soutient que les tarifs proposés sont disproportionnés par rapport à la valeur que les radiodiffuseurs retirent de l’utilisation de musique. Elle est plutôt convaincue que la valeur des répertoires des sociétés a diminué et qu’il conviendrait de réduire les taux. Elle souhaite conserver la catégorie radio parlée; une définition plus restreinte de la musique de production devrait régler toute difficulté réelle ou éventuelle dans l’administration du tarif. Elle souhaite également que toutes les stations qui répondent à la définition de stations à faible utilisation de musique pour l’application du tarif de la SOCAN continuent à bénéficier du taux de faible utilisation de la SCGDV. L’ACR étendrait la catégorie radio parlée au tarif de la SOCAN; elle soutient qu’il n’y a pas de raison pour que les stations qui utilisent uniquement de la musique de production aient à payer davantage que des frais minimaux pour l’utilisation du répertoire de la SOCAN.

C. La preuve

La SCGDV a axé sa preuve sur l’importance du droit à rémunération pour les artistes-interprètes et les producteurs, la santé financière de l’industrie de la radio commerciale et l’utilisation de musique par ces stations. MM. Paul Audley, Marcel Boyer et Stephen Stohn ont exposé la méthode utilisée par la SCGDV pour en arriver à la valeur globale de ses droits et de ceux de la SOCAN et pour la répartir. En raison de leur compréhension des décisions antérieures de la Commission concernant les tarifs de la SCGDV, ils ont insisté plus particulièrement sur la contribution des producteurs d’enregistrements sonores.

La SCGDV et la SOCAN ont conjointement commandé deux études. M. Douglas Hyatt a présenté ses conclusions sur l’incidence des deux tarifs sur l’industrie de la radio. Erin Research Inc. a préparé une étude sur l’utilisation de la musique, sur laquelle nous reviendrons.

La SOCAN s’est fondée sur les parties de la preuve de la SCGDV portant sur la valeur globale de la musique pour la radio. Les experts en radiodiffusion Mme Monica Auer, MM. Sjef Frenken et Robert Linney ont brossé un tableau de l’évolution de l’industrie de la radio au Canada et du rôle de la musique dans cette évolution.

Les deux sociétés de gestion ont fait valoir diverses préoccupations de nature administrative. Mme Diana Barry, directrice générale de la SCGDV, a décrit les difficultés que présentait l’administration de la portion du tarif visant la radio parlée. Me Paul Spurgeon, vice-président des services juridiques et chef du contentieux de la SOCAN, a expliqué pourquoi, selon lui, la définition de «revenus bruts» devait être élargie pour inclure le troc, l’échange et la contrepartie et pourquoi il fallait modifier les obligations de rapport envers la SOCAN pour les aligner sur celles de la SCGDV.

L’ACR a décrit le contexte de l’industrie de la radio commerciale et mis en preuve sa situation financière et historique, les défis auxquels elle est confrontée et sa contribution à l’industrie canadienne de la musique. M. Peter Macaulay a répondu à la preuve financière des sociétés de gestion. Des cadres supérieurs de la radio, des programmateurs radiophoniques et des gestionnaires ont exposé les nombreuses facettes de l’utilisation de musique dans la programmation radiophonique. M. Ken Goldstein a témoigné sur le rendement financier passé de l’industrie de la radio et les tendances futures; comme par le passé, il a mis l’accent sur les défis concurrentiels et les incertitudes économiques auxquels l’industrie est selon lui confrontée. L’ACR n’a pas déposé d’étude sur l’utilisation de musique ou de modèle différent d’évaluation; elle a plutôt demandé à MM. Barry Kiefl et Peter Fleming de répondre à la preuve de Erin Research et à l’analyse de MM. Audley, Boyer et Stohn.

Les sociétés de gestion et l’ACR ont fourni de l’information contextuelle sur les redevances que les stations commerciales américaines versent aux sociétés de gestion américaines.

II. ANALYSE

A. La musique en tant qu’élément de programmation radiophonique

La programmation radiophonique est faite de musique et de contenu parlé (nouvelles, information, sports). [18] La musique, qui provient pour l’essentiel d’enregistrements sonores, occupe de loin la plus grande partie du temps d’antenne. Il y a plusieurs raisons à cela.

La musique est peu dispendieuse; elle représente tout au plus le cinquième des dépenses de programmation. [19] Le contenu parlé ne l’est pas. Les animateurs sont généralement bien rémunérés. Les nouvelles et les émissions d’affaires publiques sont coûteuses à produire. Il s’agit peut-être de la raison pour laquelle les radiodiffuseurs ont demandé avec insistance (et obtenu) que le CRTC réduise ses exigences quant au contenu parlé.

La musique, bien que peu coûteuse, joue un rôle essentiel dans le succès financier d’une station de radio. Elle peut servir à attirer advantage d’auditeurs ou à attirer le genre d’auditeurs recherché. La musique permet à une station de se donner une image de marque distinctive, élément crucial dans le choix d’antenne des auditeurs; il en résulte un meilleur ciblage, ce qui entraîne des recettes publicitaires accrues. Le fait que la musique puisse ajouter de façon aussi efficace et rentable aux résultats nets des radiodiffuseurs est révélateur.

Aussi importante soit-elle pour la radio, la musique n’atteint son véritable potentiel que lorsqu’on la combine à d’autres éléments. Le premier est le contenu parlé. Les animateurs aident beaucoup à établir l’image de marque distinctive d’une station. Voilà pourquoi les radiodiffuseurs sont disposés à payer bien davantage par minute d’antenne pour les animateurs que pour la musique. Le deuxième est l’habillage ou la programmation. L’agencement des choix musicaux est crucial même pour les services offrant de la musique ininterrompue. [20] Il n’est pas question de faire entendre les choix musicaux de façon aléatoire.

Programmer une station de radio est à la fois un art et une science. À cet égard, le témoignage des programmateurs qui ont comparu pour l’ACR est très éclairant. [21] La programmation d’une station de musique comporte plusieurs étapes. On décide d’abord du genre de musique que la station diffusera. On détermine ensuite la façon dont la musique sera modulée, sa case horaire et sa présentation. La musique est le pivot de ces deux premières étapes. D’autres éléments viennent s’ajouter : animateurs, annonceurs, contenu de nouvelles, importance et nature de la participation communautaire. Des valeurs de production sont injectées, question de s’assurer que la station offre des éléments de divertissement qui retiennent l’auditoire. Les messages publicitaires trouvent finalement leur place, ce qui suppose la mise au point du «hot clock» de la station, un découpage indiquant l’instant précis et la durée de présentation des éléments essentiels. Tous ces éléments doivent se fondre dans le modèle de la station en vue de répondre aux attentes de l’auditoire qu’on cherche à attirer.

En dernière analyse, le succès dépend en grande partie de la capacité du radiodiffuseur de choisir le talent et la musique de façon judicieuse et de les agencer aux autres éléments. Comme l’a dit M. Bob Harris, radiodiffuseur d’expérience, [TRADUCTION] «Il est de la plus haute importance pour ce que nous faisons en tant que radio [...] de fusionner ces deux éléments afin de créer un environnement attirant, voire irrésistible auquel l’auditeur voudra revenir». [22]

B. Évaluation des droits

Les parties ont exploré un certain nombre de modèles d’évaluation devant la Commission. La SCGDV a expliqué pourquoi, selon elle, le taux de la SOCAN n’était pas un point de départ adéquat et a proposé un nouveau modèle d’évaluation. La SOCAN s’est fondée sur l’approche de la SCGDV pour en arriver à une valeur globale. L’ACR recherchait un tarif qui soit davantage aligné sur les taux américains. Ces modèles et d’autres qui ont été mentionnés sont examinés tour à tour.

i. Le taux américain

L’ACR maintient toujours que les taux canadiens devraient refléter les taux en vigueur aux États-Unis. Cet argument a peut-être eu un poids important il y a environ un demi-siècle. Il se peut que, en 1952, la Commission d’appel du droit d’auteur ait cherché à imiter la situation américaine, bien que les raisons pour ce faire demeurent floues. Le fait que les émissions et la musique américaines représentaient alors une partie beaucoup plus importante qu’aujourd’hui du contenu diffusé sur les ondes canadiennes aurait pu en constituer une raison.

Pour des motifs qui ont été exposés à plusieurs reprises au cours des ans dans les décisions portant sur les tarifs radio et autres tarifs, la Commission rejette à nouveau l’argument de l’ACR. Ces motifs ont été énoncés de façon claire et succincte en 1993 dans une décision traitant des tarifs radio et télévision de la SOCAN :

  1. Le régime américain est fondé sur un consent decree intervenu entre les sociétés de gestion et le Département de la Justice. Le décret, établi suite à des démarches entreprises par le Département, est fondé sur la législation antitrust américaine. Le régime canadien est établi par le Parlement, et fait partie intégrante de la législation régissant les droits d’auteur.
  2. Aux États-Unis, toute entente intervenue entre les utilisateurs et les sociétés a force de loi : la Rate Court intervient uniquement sur demande, à défaut d’entente. Au Canada, ... [l]a Loi exige que la Commission homologue tous les projets de tarif, et lui permet de soulever des questions de son propre crû même en l’absence d’oppositions.
  3. La Rate Court [américaine] a établi un lien direct entre le mot reasonable et le «prix du marché». Au Canada, tant la Commission que les tribunaux judiciaires sont d’avis que ce prix n’est pas le seul qui puisse être raisonnable. [23]

Il existe aujourd’hui d’autres raisons de rejeter le taux américain comme point de départ pour l’établissement du tarif de la radio commerciale canadienne.

Premièrement, même si la radio canadienne, en tant qu’entreprise commerciale et industrie réglementée, était comparable à l’industrie américaine il y a un demi-siècle, ce n’est certainement plus le cas à l’heure actuelle. L’industrie américaine est beaucoup plus concentrée qu’au Canada, à un point que le CRTC ne permettra sans doute jamais. L’utilisation de musique en tant que contenu vedette a diminué aux États-Unis tandis qu’au Canada, comme nous le verrons plus loin, elle a augmenté. [24] Enfin, les stations canadiennes sont tenues de diffuser un niveau minimum de contenu musical canadien, et les stations de langue française doivent diffuser un niveau minimum de contenu musical francophone. Aux États-Unis, le contenu musical n’est pas réglementé.

Deuxièmement, depuis 2001, les redevances de l’American Society of Composers, Authors and Publishers (ASCAP) et de BMI sont établies sous forme de redevances forfaitaires, réparties entre les stations suivant une formule mise au point par le comité agissant au nom de l’industrie radiophonique dans ses négociations avec ces sociétés de gestion. [25] Cette approche ressemble fortement à celle utilisée au Canada dans les années 30 et abandonnée dans les années 50. Les taux ont évolué différemment en fonction de considérations différentes et quelquefois incompatibles.

Troisièmement, la Loi canadienne et la pratique de la Commission favorisent clairement l’exercice de la gestion collective; parfois, la Loi l’impose. Aux États-Unis au contraire, les sociétés de gestion sont, règle générale, perçues comme des organismes qu’il faut surveiller de crainte qu’elles n’adoptent un comportement anticoncurrentiel.

Quatrièmement, les droits dont les stations ont besoin pour diffuser de la musique diffèrent sensiblement dans chaque pays. Par exemple, les stations américaines ne sont pas tenues de verser quoi que ce soit pour l’utilisation d’enregistrements sonores ou de prestations d’artistes-interprètes pour la radiodiffusion en direct.

Pour tous ces motifs, la Commission conclut qu’il est impossible de faire des comparaisons entre les taux canadiens et américains dans ce marché.

ii. La méthode d’évaluation de la SCGDV

MM. Audley, Boyer et Stohn ont élaboré la méthode que la SCGDV et la SOCAN souhaitent voir utilisée pour l’évaluation des droits de communication à la radio commerciale. Le modèle cherche à évaluer le montant que les stations devraient verser pour tous les droits afférents à la musique qu’elles utilisent. [26] Elle met l’accent sur la mesure dans laquelle la musique enregistrée aide les stations à attirer les auditeurs, source de revenus, dans chaque segment de la journée. Il faut d’abord calculer les dépenses de programmation des stations de musique, puis imputer la part de ces dépenses reliées au droit d’auteur à la contribution que la musique enregistrée est censée apporter aux revenus de la station. Le postulat central du modèle est que la part des dépenses de programmation qu’une station consacre à la musique doit être égale à la part des revenus que l’utilisation de musique est censée générer. On procède ensuite à une série d’ajustements, dont la déduction d’un montant devant servir au paiement des droits de reproduction. Le modèle mène la SCGDV à conclure qu’une station qui dévoue tout son temps d’antenne à des enregistrements sonores protégés constitués d’œuvres musicales protégées devrait payer 19,5 pour cent de ses revenus pour les droits de communication qui y sont rattachés. Le taux est ensuite réparti suivant une formule sur laquelle nous reviendrons.

Il n’est pas nécessaire d’examiner plus en détail le modèle de la SCGDV, étant donné qu’il ne peut servir à établir un tarif juste et équitable en l’espèce. Le modèle est complexe, mais ce n’est pas en soi une raison pour le rejeter. Il représente également une tentative intéressante et valable d’évaluer la contribution de la musique en tant qu’intrant de radiodiffusion, ce qui est en soi une entreprise difficile. En théorie, il pourrait donc s’avérer utile pour évaluer la valeur de la musique, ce que la Commission s’efforce toujours de faire dans l’établissement des tarifs.

En pratique toutefois, le modèle présente d’importantes lacunes, à la fois dans la façon dont il arrive à une valeur globale pour les droits pertinents et dans la façon dont il répartit cette valeur parmi les titulaires de droits.

Le modèle est intrinsèquement imprécis puisqu’il repose sur des hypothèses non fondées. Par exemple, la musique occupe 63,5 pour cent du temps d’antenne entre 06 h 00 et 09 h 00. Le modèle suppose qu’elle contribue pour moitié aux revenus générés au cours de cette plage horaire. Rien n’appuie cette hypothèse. Le modèle postule également que le droit de reproduire une prestation et le droit de reproduire un enregistrement sonore ont chacun la même valeur que le droit de reproduire une œuvre musicale, mais il n’apporte guère d’argument au soutien de cette assertion.

Qui plus est, ce modèle est extrêmement instable. De légères fluctuations dans la part des revenus imputés à la musique produisent d’importantes variations du taux. Ayant conclu que la musique génère 60 pour cent des revenus d’une station, la SCGDV arrive à un taux combiné de 19,5 pour cent. Si la musique générait 55 pour cent des revenus, le taux s’établirait à 15,6 pour cent, ce qui est inférieur d’un cinquième; si elle en générait 65 pour cent, le taux s’établirait à 24,5 pour cent, ce qui est supérieur d’un quart. Un modèle aussi instable ne peut être utile vu l’incertitude qu’il engendrerait.

Si la Commission avait décidé d’utiliser le modèle la SCGDV, elle y aurait apporté au moins une correction importante. Le modèle postule qu’une minute de musique contribue à environ la moitié des revenus générés par une minute de contenu parlé. Selon la Commission, le modèle ne tient pas suffisamment compte du fait que les animateurs sont intrinsèquement exclusifs et commandent à ce titre une prime importante. Le ratio que la Commission aurait appliqué aurait sans doute ramené les taux finaux dans la fourchette de ceux qu’elle établit plus loin dans la présente décision.

iii. Autres méthodes d’évaluation

La SCGDV a examiné d’autres façons d’évaluer la valeur des droits sous-jacents. L’une d’elles consiste à comparer les dépenses de programmation et la rentabilité des stations de télévision à celles des stations de radio à formule musicale; cela démontre, selon la SCGDV, que les stations de radio musicales ne versent pas de justes redevances pour la musique qu’elles diffusent. Une autre méthode compare les dépenses de programmation et la rentabilité des stations de radio en fonction de la quantité de musique qu’elles diffusent. Les stations qui diffusent beaucoup moins de musique ont des profits moins élevés et des dépenses de programmation plus élevées; la SCGDV soutient que les redevances pour la musique devraient augmenter pour arriver à une rentabilité à peu près égale des stations. Une troisième propose un hypothétique mécanisme de vente aux enchères similaire à celui qui avait été proposé au cours des premières audiences portant sur les services sonores payants.

Ces comparaisons sont peu utiles. La première suppose une comparaison avec la télévision, une industrie tout à fait différente. La troisième a déjà été rejetée par la Commission, pour des motifs auxquels la présente formation souscrit. [27] Toutes visent à l’atteinte d’un taux de rentabilité ajusté à des valeurs de risque, ce qui se résume à une tentative de dépouiller la radio de ses profits «excédentaires». Prendre en compte la rentabilité pour établir un tarif équitable est une chose; la réglementer en est une autre.

iv. Le point de départ approprié

Pour les motifs mentionnés précédemment, la Commission n’entend pas utiliser aucun des points de départ examinés jusqu’à maintenant. Une autre possibilité évidente consiste, comme en 1999, à commencer avec le taux de la SOCAN. La structure du tarif SOCAN est demeurée la même depuis près de cinquante ans. Le taux n’a pas changé depuis 1978. Il a fait l’objet d’ententes pour une partie importante de la période qui s’est écoulée depuis. Ce taux offre une stabilité tout en permettant des ajustements fondés sur l’évolution du marché. Il est aussi moins instable que le modèle de la SCGDV.

La SCGDV soutient que le taux de la SOCAN ne reflète pas adéquatement la valeur que la radio commerciale retire de la diffusion d’œuvres musicales, sans parler des enregistrements sonores. Pour répondre à cette préoccupation, il n’est pas nécessaire d’écarter ce taux. Il faut examiner l’historique du taux et l’évolution du marché afin de voir si, compte tenu des circonstances, le taux actuel est juste, trop élevé ou trop bas.

v. Ajustement du point de depart

Il n’est nul besoin de débattre longuement la nécessité de diminuer le taux. La Commission estime que les arguments avancés par l’ACR à ce sujet ne sont pas convaincants. Ainsi que l’analyse de la capacité de l’industrie de verser des redevances le démontrera plus loin, l’avenir n’est pas aussi sombre que M. Goldstein le laisse croire. De même, pour des raisons maintes fois invoquées, la Commission refuse de prendre en compte, dans l’établissement du tarif, le fait que la radio commerciale apporte une contribution substantielle à l’industrie canadienne de la musique ou un soutien promotionnel continu aux artistes canadiens. [28]

Au contraire, la Commission est d’avis qu’il convient d’augmenter le taux pour trois raisons. Premièrement, toutes choses étant égales par ailleurs, le taux actuel est trop bas. Deuxièmement, la radio diffuse plus de musique maintenant qu’en 1987. Troisièmement, la radio fait une utilisation plus efficiente de la musique.

a. La musique vaut davantage que ce que la Commission croyait auparavant

Ces dernières années, la Commission a fait allusion à la possibilité que la musique à la radio commerciale soit sous-évaluée. [29] La preuve déposée à la présente audience permet maintenant à la Commission de conclure que le répertoire de la SOCAN est sous-évalué depuis des années, pour les motifs qui suivent.

Premièrement, les redevances représentent un pourcentage trop faible des dépenses de programmation. [30] Les plus grosses stations consacrent tout au plus un cinquième de leurs dépenses de programmation au versement de redevances musicales de toute nature. Les stations qui perçoivent moins de 1,25 million de dollars en recettes publicitaires annuelles versent moitié moins. C’est insuffisant si l’on considère qu’il s’agit là du contenu essentiel de la plupart des stations commerciales.

Deuxièmement, ainsi qu’il appert de leurs prétentions devant d’autres organismes, les stations de radio ont démontré à maintes reprises qu’elles accordent une plus grande valeur à la musique que ce qu’elles ont bien voulu concéder devant cette Commission. Plusieurs d’entre elles ont demandé au CRTC de passer de la bande MA à la bande MF. Plusieurs ont demandé de pouvoir diffuser moins de contenu parlé et davantage de musique. Que ces demandes aient été accordées ou non n’est pas pertinent à ce point de l’analyse. Selon la Commission, le fait que les stations ont présenté de telles demandes démontre en soi que la musique vaut davantage pour elles que les redevances qu’elles versent actuellement. [31]

Le répertoire de la SOCAN a fait l’objet d’une sous-évaluation historique. Bien que le rapport de MM. Audley, Boyer et Stohn ne puisse être utilisé pour la quantifier, l’ensemble de la preuve amène la Commission à penser que cette sous-évaluation, qu’elle estime importante, se situe dans un intervalle de 10 à 15 pour cent. En l’absence d’éléments de preuve plus précis à cet effet, la Commission croit qu’il vaut mieux être prudent et considère qu’une correction du taux de 10 pour cent, portant le taux à 3,5 pour cent, est appropriée à ce stade-ci de l’analyse.

b. La radio utilise maintenant plus de musique que par le passé

La radio commerciale utilise maintenant plus de musique que ne l’a estimé la Commission d’appel du droit d’auteur dans sa décision de 1987. Cette conclusion se fonde sur une preuve directe et sur des inférences tirées du dossier de la présente audience.

En vue de la présente instance, les deux sociétés de gestion ont demandé à Erin Research Inc. d’analyser l’utilisation de musique vedette [32] par les stations commerciales à formule musicale. Selon la SCGDV, la méthodologie est d’une précision inégalée : jamais auparavant la musique n’a été suivie et mesurée à la seconde près. [33] On a procédé par écoute des bandes témoin des émissions diffusées par 27 stations un samedi, un dimanche et un jour de semaine, habituellement un mercredi.

Les résultats ont été rapportés en deux parties : la première fait état de l’utilisation d’enregistrements sonores comme contenu vedette diffusé entre 06 h 00 et minuit; la deuxième inclut de plus la musique utilisée dans d’autres contextes, tels dans les émissions, l’indicatif, la promotion de la station et les messages publicitaires, pour la journée entière. La principale conclusion de l’étude est que l’utilisation des enregistrements sonores en tant que contenu vedette représente 76,1 pour cent de la programmation totale. Se fondant sur l’étude, et vu que l’utilisation de musique s’est accrue davantage au cours des périodes de grande écoute, la SCGDV a conclu que la radio commerciale utilise 10,6 pour cent plus de musique que ce que la Commission a retenu en 1987.

L’ACR n’a pas mené sa propre étude sur l’utilisation de musique. Elle a plutôt mis en doute les résultats, la fiabilité et la comparabilité de l’étude Erin. Elle a soutenu que l’échantillon était trop petit, non représentatif, non aléatoire et que, même s’il l’avait été, sa taille entraînerait une marge d’erreur statistique inacceptable.

Il sied mal à l’ACR de mettre en doute la fiabilité de l’étude Erin sur la base de la taille de l’échantillon utilisé. L’ACR a consenti à fournir les bandes témoin d’au plus 30 stations. [34] Elle s’est en outre farouchement opposée aux tentatives passées de recueillir des données à partir d’un échantillonnage de stations plus grand. [35] Finalement, un échantillonnage de 27 stations a été retenu. C’est principalement à cause de l’attitude même de l’ACR au cours du présent débat et dans des débats antérieurs que la SCGDV a utilisé un échantillon de la taille de celui qu’elle a sélectionné.

Qui plus est, plusieurs motifs conduisent la Commission à conclure que dans la mesure où elle peut être sujette à caution, l’étude Erin sous-estime l’augmentation de l’utilisation de musique.

L’ACR soutient que les stations MA sont surreprésentées dans l’échantillonnage utilisé par Erin. La Commission est d’accord. Un échantillonnage de 14 stations MA et de 13 stations MF ne représente pas adéquatement l’état actuel de l’industrie de la radio commerciale.

En 2002, les stations MF représentaient 60 pour cent de toutes les stations et comptaient pour 75 pour cent de l’auditoire de la radio commerciale. L’étude sous-évalue donc quasi certainement la quantité de musique utilisée par la plupart des stations commerciales. Une analyse des données de l’étude confirme que les stations MF ont tendance à diffuser plus de musique que les stations MA. En moyenne, les stations étudiées ont utilisé des enregistrements sonores à titre de contenu vedette dans une proportion de 67,3 pour cent de leur temps d’antenne. La proportion s’établissait à 59,4 pour cent pour les stations MA; elle était de 75,8 pour cent pour les stations MF. En outre, 12 des 13 stations MF utilisaient des enregistrements sonores davantage que la moyenne générale, tandis que 9 des 14 stations MA utilisaient des enregistrements sonores moins que la moyenne. [36] À partir de cette information, et étant donné que les stations MF représentent maintenant une part bien plus importante du marché qu’en 1987, la seule conclusion logique est que la SCGDV a fait une estimation prudente de l’augmentation de l’utilisation de musique par l’industrie en général.

L’ACR fait aussi observer que peu de stations MF à revenu élevé font partie de l’échantillon. Intuitivement, cela pourrait nous conduire à sous-estimer la quantité de musique utilisée, étant donné que la plupart des grandes stations MF sont des stations musicales. Sur ce point, toutefois, l’analyse des données contenues dans l’étude Erin ne permet pas à la Commission d’arriver à une conclusion définitive. Toute incertitude pouvant résulter du fait que l’étude a pu accorder trop d’importance aux petites et moyennes stations ne paraît guère porter à conséquence. La répartition entre petites, moyennes et grandes stations en fonction de leur utilisation relative d’enregistrements sonores à titre de contenu vedette est passablement égale; aucune différence évidente ou importante ne ressort. Ainsi, sur les 17 stations qui utilisaient des enregistrements sonores davantage que la moyenne générale, 6 étaient de petite taille, 6 étaient de taille moyenne et 5 étaient de grande taille. De même, sur les 10 stations qui utilisaient des enregistrements sonores dans une proportion moindre que la moyenne générale, 3 étaient de petite taille, 3 étaient de taille moyenne et 4 étaient de grande taille.

En définitive, la Commission conclut que toute faille dans l’étude Erin laisserait croire à une augmentation réelle de l’utilisation de musique supérieure à 10,6 pour cent. [37]

L’ACR a soulevé des doutes au sujet des différences méthodologiques entre l’étude Erin et les études de 1987 sur l’utilisation de musique. Elle a fait observer qu’en 1993, la SOCAN avait elle-même remis en question la validité des études de 1987. Elle a avancé également que d’autres études menées depuis 1987 tendraient à démontrer que l’utilisation de musique a diminué, et non pas augmenté, depuis qu’elles ont été menées. En dernière analyse, tout cela est étranger au débat. La fiabilité de l’étude Erin est cruciale; la fiabilité ou la comparabilité des études antérieures ne l’est pas. En ce qui a trait au passé, la seule information vraiment pertinente pour notre propos est ce que la Commission a conclu et non le contenu des études. La dernière conclusion définitive rendue par la Commission sur la quantité de musique diffusée à la radio remonte à 1987. Il est impossible de savoir ce que la Commission pensait du contenu de ces études à la lecture des décisions rendues depuis. Il convient donc de comparer les conclusions de la Commission datant de 1987 à celles de la Commission en l’espèce, en fonction de la preuve au dossier.

D’autres indices nous mènent également à conclure que la radio utilise davantage de musique aujourd’hui qu’elle ne le faisait en 1987.

Premièrement, les radiodiffuseurs ont maintenant le droit d’utiliser moins de contenu parlé. Entre 1984 et 2001, 99 stations ont demandé au CRTC la permission de modifier leur contenu parlé; 90 d’entre elles souhaitaient le réduire. [38] Il n’est pas déraisonnable de conclure que cela a entraîné une augmentation du contenu musical.

Deuxièmement, le nombre de stations MF a augmenté plus que le nombre total de stations. Cela résulte de passages de la bande MA à la bande MF. Il y a eu au-delà de 60 conversions de cette nature depuis 1998. De nouvelles stations MF ont été ajoutées; très peu de nouvelles licences MA, s’il en est, ont été délivrées. [39] Étant donné que la bande MF est un véhicule technologiquement supérieur pour la diffusion de musique, il serait raisonnable de conclure qu’il en est résulté une augmentation globale de l’utilisation de musique à la radio.

Comme la Commission l’a expliqué par le passé, «[l]e rajustement apporté pour tenir compte d’une utilisation accrue n’est pas incompatible avec la notion de licence générale. Le caractère général de la licence enlève toute importance aux variations d’utilisation une fois que le prix est fixé et non avant. Il existe de nombreux tarifs qui tiennent compte des différents niveaux d’utilisation du répertoire dans le cadre de ce tarif ou entre différents tarifs». [40]

La Commission conclut que le chiffre de 10,6 pour cent que la SCGDV infère de l’étude Erin représente un minimum pour toute augmentation à cet égard. Un rajustement de 13 pour cent ou plus pourrait peut-être mieux refléter la véritable augmentation de l’utilisation de musique. La Commission préfère néanmoins utiliser le seul chiffre qui lui soit disponible, même si ce faisant il est possible qu’elle agisse de manière trop conservatrice. La Commission applique donc un rajustement de 10,6 pour cent afin de refléter l’augmentation convenable à cette étape. Cela porte le taux à 3,9 pour cent.

c. La radio fait maintenant une utilisation plus efficiente de la musique

De manière générale, la radio utilise maintenant la musique de façon plus efficiente qu’en 1987, en partie grâce à une utilisation plus grande de musique, ce qui génère plus de revenus.

Les modifications apportées au cadre réglementaire ont laissé l’industrie libre d’utiliser plus de musique, lui permettant de diminuer le contenu parlé, pour des raisons financières et opérationnelles. Cette simple substitution entraîne des profits plus élevés. Cela semble confirmé par le fait que, comme nous le verrons plus loin, l’amélioration des résultats financiers de 1998 à 2002 était plus prononcée pour les stations musicales.

La programmation des stations de radio vise à rejoindre le groupe optimal d’auditeurs pour capter les «oreilles» permettant de maximiser l’attrait des stations auprès des annonceurs. Cette programmation repose sur un dosage adéquat de musique, de présentation, d’animateurs, de promotions et d’information. Une partie de cette aptitude à bien cibler les auditeurs en fonction de la formule de la station est à mettre au crédit de la musique. Plus la musique réussit à attirer et retenir les auditeurs, plus rentable sera la formule de la station et plus rentable sera l’éventuelle campagne publicitaire.

La musique est maintenant beaucoup plus utilisée, et avec plus d’emphase, dans la programmation radio qu’elle ne l’était en 1987. Les radiodiffuseurs ont d’abord développé la programmation par créneau dans les années 80; ils créent maintenant des sélections musicales correspondant à des profils psychologiques particuliers. Certaines stations parmi les plus populaires ont maintenant des prénoms tels Bob, Jack, Joe et Ted. Ces stations ont en commun de concevoir leur programmation musicale en vue de se doter d’une personnalité visant à attirer un auditoire de plus en plus ciblé. Bob, un rockeur bosseur, cherche à attirer un auditoire surtout féminin chez les 35 à 54 ans. Jack, un rockeur plus dur à cuire, cible la clientèle masculine des 35 à 50 ans. La capacité d’une station de développer une personnalité musicale dépend en partie de sa capacité d’utiliser plus de musique.

Les annonceurs confient leur publicité aux stations qui rejoignent leur auditoire cible, tant sur le plan démographique que psychographique. Les choix musicaux d’une station jouent un rôle dans la précision du ciblage. Lorsque Jack a fait son apparition à Calgary, il en est résulté une augmentation importante de la part de marché. L’image de marque distinctive peut ainsi faire augmenter les cotes d’écoute. Et même sans augmentation de cotes, l’image de marque distinctive peut faire accroître les revenus en permettant un meilleur ciblage et, du coup, un auditoire mieux circonscrit et donc plus facile à vendre.

La preuve démontre que ces formules ont eu une incidence importante sur les parts de marché et les revenus. [41] De même, les stations attirent maintenant les auditeurs en leur promettant «plus de musique tout le temps», et des blocs de musique ininterrompue, tels «10 chansons sans pause commerciale». Ce sont d’autres exemples qui illustrent en quoi l’augmentation de l’utilisation des répertoires engendre des utilisations plus efficientes, qui génèrent en contrepartie plus de revenus.

Enfin, il est notable que malgré la diversité des canaux publicitaires qui s’offrent aux entreprises désireuses d’annoncer leurs produits, la radio soit encore en mesure d’accroître ses revenus année après année.

La Commission a déclaré par le passé que «les titulaires de droits ont le droit de tirer des bénéfices supplémentaires des nouvelles applications des répertoires». [42] Il en va de même pour l’augmentation des utilisations. Selon la Commission, l’utilisation accrue de musique par la radio a aidé celle-ci à dégager d’importantes efficiences, dont une partie devrait revenir aux titulaires de droits.

Entre 1998 et 2002, les recettes publicitaires de l’industrie se sont accrues d’environ 160 millions de dollars, soit en moyenne 40 millions de dollars par année. Il n’y a pas de façon précise de mesurer la contribution de la musique à cette augmentation. La Commission considère que 5 à 10 pour cent de l’accroissement annuel des recettes compenserait adéquatement les titulaires de droits pour les efficiences que l’industrie a pu dégager, en partie grâce à sa plus grande consommation de musique. La fourchette tarifaire qui permet de générer de telles redevances supplémentaires est de 4,1 à 4,3 pour cent. La Commission choisit le milieu de cet écart, ce qui amène le taux à 4,2 pour cent.

vi. La relation entre le taux de la SCGDV et celui de la SOCAN

Les tentatives de la SCGDV de se dissocier du tarif de la SOCAN ne sont pas convaincantes. Pour les raisons énoncées en 1999, la Commission reste d’avis que le taux de la SCGDV devrait être établi en fonction de celui de la SOCAN. [43]

La Commission a toujours établi un ratio de un à un entre les deux taux depuis qu’elle a homologué le premier tarif de la SCGDV en 1999. [44] La SCGDV n’a pas remis cette approche en question avant 2002, lorsque la Commission a homologué le tarif pour les services sonores payants. Elle a alors demandé à la Cour d’appel fédérale de revoir cette approche; la Cour a rejeté la demande. [45]

La SCGDV tente une fois de plus de convaincre la Commission d’abandonner le ratio de un pour un. Elle propose de distribuer approximativement un tiers des redevances aux auteurs, un tiers aux producteurs et un tiers aux artistes-interprètes avant tout rajustement en fonction du répertoire. Cette proposition repose sur deux arguments principaux. Premièrement, elle correspond à la situation qui existe dans le marché du CD préenregistré. Deuxièmement, elle reconnaît le simple fait que, toutes choses étant égales, chacun des collèges d’ayants droit en cause devrait être traité de façon égale.

La Commission n’a entendu aucun nouvel élément de preuve ou argument qui pourrait la convaincre de modifier la valeur relative des répertoires. Une fois de plus la Commission conclut que la communication d’une œuvre musicale devrait recevoir la même rémunération que la communication d’un enregistrement sonore, sous réserve de rajustements pour les répertoires. À cet égard, la Commission souscrit toujours à l’énoncé suivant tiré de sa décision de 1999 :

La Commission estime qu’il n’y a pas de raison de croire qu’à la radio les enregistrements sonores ont une valeur supérieure aux œuvres enregistrées, et ce pour plusieurs motifs. D’abord, rien n’oblige la Commission à se guider sur les prix du marché, surtout s’il s’agit d’un marché différent; son pouvoir d’appréciation lui permet d’adopter toute autre démarche raisonnable. Deuxièmement, il s’agit des mêmes utilisations, des mêmes enregistrements et des mêmes radiodiffuseurs. Troisièmement, on peut facilement soutenir qu’une prestation pré-enregistrée n’apporte ni plus, ni moins au radiodiffuseur qu’une œuvre pré-enregistrée : dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de quelque chose qui a déjà été fixé. Quatrièmement, il importe peu qu’un des participants ait reçu davantage qu’un autre pour la fixation de l’enregistrement; nous sommes en présence de marchés distincts et de droits différents à savoir, le droit de faire l’enregistrement et celui de le communiquer. [46]

L’insistance de la SCGDV à vouloir réexaminer la question semble découler, du moins en partie, d’une mauvaise compréhension des décisions passées de la Commission.

Premièrement, la Commission n’a jamais considéré que le paragraphe 19(1) de la Loi créait un seul droit à rémunération équitable. Cette disposition crée deux droits interreliés mais distincts. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette position, bien que la décision n’offre pas d’analyse à l’appui et se fonde simplement sur ce que «[l]es parties reconnaissent». [47] La formulation du paragraphe 23(2) de la Loi fait clairement ressortir qu’il existe deux droits à rémunération distincts et ce, malgré que ces droits découlent d’un seul geste, la communication d’un enregistrement sonore.

Deuxièmement, la SCGDV suppose erronément que la Commission [TRADUCTION] «a mis l’accent sur la valeur du droit de l’artiste-interprète par rapport à celui de l’auteur» et que «la valeur du droit du producteur n’a toujours pas été établie». [48] Ces déclarations témoignent d’une incompréhension fondamentale de la décision de 1999. La Commission n’a d’aucune façon omis de prendre en compte la contribution des producteurs non plus qu’elle n’a considéré que le droit de ces derniers était englobé dans celui de l’artiste-interprète. La Commission a toujours été consciente du fait que trois collèges d’ayants droit étaient en cause. Contrairement à ce que la SCGDV a elle-même soutenu à l’occasion, le rapport déposé par M. Audley lors des audiences de 1998 mettait clairement en relief les droits des trois groupes. [49] Pour interpréter la décision de 1999 comme ciblant la contribution des artistes-interprètes au détriment de celle du producteur, il faut prendre certains énoncés isolément ou hors contexte. Considérée dans son intégralité, la décision démontre que tous les droits pertinents ont été pris en considération. La Cour d’appel fédérale s’en est d’ailleurs clairement rendue compte. [50]

Troisièmement, la méthodologie d’évaluation utilisée dans les décisions portant sur la copie privée n’a jamais supposé que, toutes choses étant égales, les auteurs, artistes-interprètes et producteurs devaient chacun recevoir un tiers des redevances. L’approche était cumulative, inductive, et non déductive. Les proportions utilisées dans la répartition des redevances résultaient de l’addition de la valeur des divers droits, et non de l’établissement d’une valeur globale puis de sa répartition. C’est par pur hasard que le modèle attribuait une valeur à peu près égale aux trois droits. Qui plus est, la contribution conjointe des artistes-interprètes et des producteurs était évaluée à partir d’un seul montant, réparti par le marché pour deux tiers à l’artiste-interprète et pour un tiers au producteur. [51] Autrement dit, les données mêmes sur lesquelles la SCGDV se fonde pour demander des parts égales ne vont pas dans ce sens. Quoi qu’il en soit, la Commission considère toujours que le marché de la reproduction ne peut servir de point de départ pour répartir la valeur du droit de communication entre titulaires de droits.

Pour ces motifs, la Commission maintient le ratio de un à un entre la SCGDV et la SOCAN. La Commission prend acte de l’entente intervenue entre les parties suivant laquelle le répertoire de la SCGDV représente maintenant 50 pour cent de tous les enregistrements, et non plus 45 pour cent. Le taux de la SCGDV sera donc de 2,1 pour cent, soit la moitié de celui de la SOCAN.

C. Ajustements

i. Étagement

La SCGDV demande un tarif étagé. La SOCAN s’y oppose, au motif que la formule de pourcentage du revenu s’autorégule en plus d’être d’application simple et pratique. Les tranches inférieures que la SCGDV propose visent les revenus pour lesquels une station verse à la SCGDV un montant de 100 $ par année conformément au paragraphe 68.1(1) de la Loi. L’étagement du tarif a donc une incidence importante pour la SOCAN mais n’en a aucune pour la SCGDV. Cette dernière cherche sans doute par cette approche à démontrer au législateur que la Commission peut répondre aux préoccupations particulières des stations plus petites et que le bénéfice que la Loi confère à la radio, et à aucun autre utilisateur du répertoire de la SCGDV, est inutile.

Le tarif des redevances que les stations versent pour reproduire les œuvres musicales est étagé, contrairement aux tarifs de la SOCAN ou de la SCGDV. En 1999, la Commission a refusé d’étager le tarif 1.A de la SCGDV pour plusieurs raisons. Un tarif fixe était la seule façon d’assurer l’équité pour toutes les parties tout en étant compatible avec le tarif 1.A de la SOCAN. En outre, il n’était pas nécessaire de recourir à l’étagement pour alléger le fardeau des petits intervenants.

La présente décision majore les tarifs radio d’environ 30 pour cent. Il s’agit d’une augmentation importante, d’autant plus qu’elle rétroagit à 2003.

La preuve versée au dossier au cours de l’instance permet à la Commission de conclure que les stations dont les recettes publicitaires annuelles ne sont pas supérieures à 1,25 million de dollars devraient pour l’heure demeurer assujetties au taux en vigueur. Les petites stations réalisent des profits moindres, s’il s’en trouve. Il se peut que les stations des communautés culturelles et de langue française soient encore moins bien pourvues pour faire face à l’augmentation des deux tarifs. Les lettres que la Commission a reçues selon lesquelles toute augmentation causerait un préjudice grave à certaines petites stations ne constituent pas en soi une preuve, mais ces doléances sont corroborées par les données financières déposées par les parties à l’instance et par le témoignage de M. Marc-André Levesque de Groupe Radio Antenne 6. L’étagement du tarif permet à la Commission de répondre aux inquiétudes des petites stations. La preuve au dossier n’a cependant pas convaincu la Commission de la nécessité de créer deux tranches de revenus pour les petites stations, soit une dont les recettes publicitaires annuelles ne dépassent pas 625 000 $ et l’autre dont les recettes dépassent 625 000 $ mais ne dépassent pas 1 250 000 $. Le taux homologué ne comporte donc que deux tranches de revenus : celle pour les stations dont les recettes publicitaires annuelles ne dépassent pas 1 250 000 $ et celle pour les autres.

La SOCAN a raison de dire que le tarif actuel présente l’avantage de la simplicité. Cela dit, la simplicité peut quelquefois «faire obstacle à un régime plus juste et plus équitable». [52] Afin d’alléger le fardeau que l’augmentation du tarif peut imposer aux stations plus petites et moins rentables, il est nécessaire, au moins temporairement, d’étager le tarif en plafonnant le taux auquel ces stations sont assujetties. L’étagement pourra être maintenu si l’ACR persuade la Commission que la situation financière des stations plus petites justifie non seulement d’adoucir l’introduction d’une hausse du tarif, mais d’étager le tarif pour le long terme.

La Commission est consciente de deux choses. Premièrement, le plafonnement du taux pour les stations plus petites prive de redevances les titulaires de droits. Deuxièmement, seules les petites stations indépendantes ont véritablement besoin d’un plafond; celles qui appartiennent à de grands groupes n’en ont sans doute pas besoin. Il faudra aborder les deux questions si l’ACR désire que ces dernières puissent continuer à se prévaloir de l’étagement à l’expiration du présent tarif.

Un plafonnement du taux qui s’appliquerait uniquement aux stations dont les recettes publicitaires annuelles ne sont pas supérieures à 1,25 million de dollars créerait des difficultés. Celles dont les recettes sont légèrement supérieures se verraient pénalisées. La solution à ce problème est de plafonner le taux pour toutes les stations pour cette première tranche de revenus. Pour éviter que les stations dont les recettes sont supérieures à ce montant ne bénéficient d’une mesure qui ne leur est pas destinée, il faut récupérer ces bénéfices en établissant le taux final à plus de 4,2 pour cent pour les recettes annuelles supérieures à 1,25 million de dollars.

La Commission évalue qu’en moyenne, une augmentation de 0,4 point de pourcentage permettrait d’annuler pour le groupe des grandes stations les bénéfices entraînés par le plafonnement, tout en maintenant le taux global effectif à 4,2 pour cent. Toutefois, une telle augmentation entraînerait une trop grande variabilité des taux effectifs qui seraient beaucoup plus élevés que 4,2 pour cent pour les plus grandes stations de ce groupe, et beaucoup plus faibles que 4,2 pour cent pour les plus petites du même groupe. La Commission préfère minimiser cette variabilité en augmentant de 0,2 point le taux applicable aux recettes annuelles supérieures à 1,25 million de dollars. L’ACR devra fournir à la Commission toutes les données nécessaires à l’élaboration d’une approche plus précise le cas échéant.

À vrai dire, le paragraphe 68.1(1) de la Loi rend inutile l’étagement du taux de la SCGDV. Néanmoins, la Commission indiquera plus loin dans la présente décision la façon dont elle aurait décidé en l’absence de cette disposition. Pour les motifs prononcés en 1999, imposer un mécanisme de récupération à la SCGDV sur la portion des recettes publicitaires dépassant 1,25 million de dollars irait «à l’encontre de la mesure législative permettant à toutes les stations de verser uniquement 100 $ sur la partie de leurs recettes publicitaires ne dépassant pas à 1,25 million de dollars». [53]

ii. Les stations à faible utilisation

Toutes les parties s’accordent à dire que les stations qui utilisent moins de musique protégée devraient verser moins. Toutefois, appliquer l’ancien ratio au taux général adopté aujourd’hui serait injuste. Ce taux est augmenté pour trois motifs, dont deux ne s’appliquent pas aux stations à faible utilisation. La quantité de musique qu’elles peuvent utiliser demeure plafonnée au même niveau que par le passé; elles ne devraient donc pas verser davantage en raison de l’utilisation accrue de musique par l’industrie. La faible quantité de musique que ces stations utilisent, de même que leurs marges de profit négatives, impliquent qu’elles ne bénéficient probablement pas, ou très peu, des efficiences additionnelles. La Commission est donc d’avis que ces stations ne devraient pas verser davantage à ce titre non plus. Leur taux devrait être augmenté à seule fin de prendre en compte la sous-évaluation historique de la musique. Le taux de faible utilisation est donc fixé à 1,5 pour cent pour la SOCAN et à 0,75 pour cent pour la SCGDV.

Cette augmentation beaucoup plus faible ne suscite pas, auprès des stations plus petites, les mêmes inquiétudes que l’augmentation du taux général. Il n’est pas nécessaire d’imposer un plafond.

En 1999, la SCGDV et l’ACR ont consenti, pour des considérations tant pratiques que politiques, à ce que toutes les stations qui jouissent du taux de faible utilisation de la SOCAN versent également un taux moins élevé à la SCGDV. Premièrement, il était difficile pour une station de déterminer si un enregistrement sonore appartenait au répertoire de la SCGDV sans l’aide de la SCGDV. Deuxièmement, il était beaucoup plus difficile pour les stations de langue française de se qualifier pour le taux moins élevé. [54]

La SCGDV souhaite maintenant qu’on utilise son répertoire, et non celui de la SOCAN, pour identifier les stations susceptibles de bénéficier d’un taux moins élevé. L’ACR s’oppose au changement proposé, au motif qu’il entraînerait des inconvénients administratifs. La Commission partage l’opinion de l’ACR. Les motifs avancés en 1999 en faveur de l’utilisation du répertoire de la SOCAN aux fins de se qualifier en vertu du tarif de la SCGDV demeurent valables. Qui plus est, le petit gain de précision qui résulterait de l’utilisation du répertoire de la SCGDV ne justifierait pas les frais additionnels de surveillance que devrait assumer l’industrie. À l’exception de quelques stations de musique classique, rien ne permet de croire qu’une station utilise un répertoire plus ou moins que l’autre dans une proportion importante. Or, le fardeau administratif de toutes les stations à faible utilisation serait doublé, voire davantage, si la Commission acquiesçait à la demande de la SCGDV. Jusqu’à ce que des outils qui permettent une telle surveillance soient élaborés (sans doute par la SCGDV), il semble préférable de laisser les choses dans leur état actuel.

Le choix du taux de la SCGDV en fonction de l’utilisation du répertoire de la SOCAN pourrait n’être qu’une mesure temporaire. Viendra peut-être le temps où les différences dans la durée des droits afférents atténueront le lien entre les deux répertoires. Le cas échéant, la SCGDV en fera la preuve. Il sera alors temps de revoir cette question.

iii. La radio parlée

Compte tenu des difficultés d’administration qu’elle éprouve, la SCGDV a demandé l’abolition de la catégorie de son tarif portant sur la radio parlée. En revanche, l’ACR demande qu’un taux pour la radio parlée soit également inclus dans le tarif de la SOCAN. La SOCAN est en désaccord avec l’ACR.

Il ressort de la preuve que cette partie du tarif s’est révélée beaucoup plus difficile à administrer que le reste. Cette partie permet uniquement l’utilisation de musique de production (c’est-à-dire, la musique incorporée dans la programmation interstitielle, tels les messages publicitaires, les messages d’intérêt public et les ritournelles). Certaines stations qui se réclament de la catégorie recourent à une définition des plus libérales de ce qui constitue de la musique de production. Faire entendre «Il fait chaud» interprété par Pauline Ester lors d’un bulletin météo qui prévoit des températures supérieures à la normale aide sans doute à maintenir l’attention de l’auditeur, tout comme ce serait le cas si on faisait entendre «Samedi soir» de Beau Dommage à l’émission du retour à la maison du vendredi. La Commission est d’avis toutefois que ce genre d’utilisation ne relève pas de la musique de production.

L’ACR a tenté de minimiser l’importance de ces utilisations, soutenant qu’elles représentaient une portion négligeable du temps d’antenne quotidien d’une station. Cet argument est hors propos. Étant donné son expérience devant cette Commission, et particulièrement la réaction de la Commission devant d’autres dérogations dites mineures à l’application de la licence générale modifiée en télévision, [55] l’ACR devrait savoir que la Commission se montre peu tolérante à l’égard de tels «glissements», particulièrement lorsque les utilisateurs obtiennent un traitement plus favorable après avoir donné l’assurance qu’ils n’éprouveraient aucune difficulté à se soumettre aux contraintes inhérentes à ce traitement.

L’ACR croit que le recours à une définition plus précise de la musique de production, telle celle qui s’appliquait à la station de radio CKO dans les années 80, disposerait de la question. [56] La Commission n’est pas convaincue que ce soit la solution. CKO était une véritable station de radio parlée, conformément aux conditions de sa licence du CRTC. CKO versait également bien davantage que les 100 $ mensuels que les stations de radio parlée versaient à la SCGDV suivant l’ancien tarif.

La Commission n’est plus convaincue de l’utilité d’une catégorie de radio parlée, vu particulièrement le tarif comparativement moins élevé dorénavant applicable aux stations à faible utilisation de musique. Si tant est qu’il en existe, il semble y avoir très peu de stations qui n’utilisent absolument aucun enregistrement sonore publié ailleurs que dans des messages publicitaires, l’indicatif de la station ou des messages d’intérêt général. La preuve démontre également que l’ajout de cette catégorie complique l’administration du tarif de la SCGDV, au bénéfice d’un très petit nombre de stations. Cette catégorie sera donc éliminée du tarif la SCGDV. Il n’est donc nul besoin d’ajouter une telle catégorie au tarif de la SOCAN.

La définition de musique de production pourra éventuellement faire l’objet d’un réexamen étant donné qu’elle s’applique également aux stations à faible utilisation de musique. Toutefois, tout problème à cet égard est probablement marginal. Les stations qui disent utiliser peu de musique s’efforcent vraisemblablement d’en utiliser pour beaucoup moins que 20 pour cent du temps d’antenne afin de s’assurer qu’elles se conforment au tarif.

D. Taux finaux

Les stations de radio commerciales verseront à la SOCAN 3,2 pour cent sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars et 4,4 pour cent sur l’excédent; les stations à faible utilisation verseront 1,5 pour cent. En ce qui a trait à la SCGDV, le taux s’établirait à 1,44 pour cent pour les stations dont les recettes ne dépassent pas 1,25 million de dollars, en l’absence de l’exemption législative. Le taux de 2,1 pour cent s’applique aux stations dont les recettes sont supérieures à 1,25 million et le nouveau taux de faible utilisation s’établit à 0,75 pour cent.

Comme par le passé, le tarif homologué ne tient pas compte du traitement particulier dont les stations bénéficient aux termes du paragraphe 68.1(1) de la Loi. Le législateur a décrété que toutes versent uniquement 100 $ à la SCGDV sur la partie de leurs recettes publicitaires qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars. La Commission juge nécessaire d’indiquer ce qu’elle aurait considéré juste et équitable en l’absence de ce diktat. Étant donné les concessions prévues au tarif, même la plus petite des stations serait en mesure de verser les redevances homologuées. Permettre aux gros radiodiffuseurs qui réalisent des profits importants d’échapper au versement de la totalité des redevances prévues au tarif de la SCGDV sur une portion quelconque de leurs recettes constitue au mieux une subvention à peine voilée. Le paragraphe 68.1(1) ne semble reposer sur aucune justification économique ou financière.

Pour l’année 2003, le tarif homologué par la Commission générerait des redevances de 42,2 millions de dollars pour la SOCAN et de 19,8 millions de dollars pour la SCGDV. L’application de l’exemption prévue par la Loi réduit le montant auquel a droit la SCGDV à 13,3 millions de dollars, soit une perte annuelle de 6,5 millions de dollars. (Voir tableau en annexe)

E. La capacité de payer de l’industrie

Entre 1998 et 2002, les revenus totaux de l’ensemble des stations ont augmenté de 18 pour cent, et la marge d’excédent brut d’exploitation (EBITDA) est passé de 17,5 à 20,5 pour cent. Pour les stations de musique, les revenus totaux ont augmenté de 20 pour cent et la marge d’EBITDA est passé de 20,9 à 24,9 pour cent. [57]

Au cours de la même période, les stations ont bénéficié d’un cadre réglementaire plus souple, ce qui a permis un regroupement de l’industrie. La Politique de 1998 concernant la radio commerciale du CRTC visait à créer une industrie forte et bien financée; [58] il semble, à l’examen des résultats financiers, qu’on y soit parvenu.

La concentration de la propriété, bien que moins prononcée qu’aux États-Unis, a aussi renforcé l’attrait de la radio auprès de l’industrie publicitaire. Les radiodiffuseurs d’un même groupe ont maintenant plus que jamais recours à des formules créneaux de façon à se distinguer et à vendre de la publicité sans empiéter sur l’offre des stations au sein du même groupe. Ce type de formule, de même que l’utilisation d’outils de recherche en marketing toujours plus sophistiqués pour cerner précisément la composition démographique et la psychographie des auditoires cibles auxquels les annonceurs désirent s’adresser, font en sorte que la radio est maintenant plus que jamais en mesure de diffuser des campagnes publicitaires efficaces.

En vertu du tarif que la Commission homologue, une station de radio commerciale à formule musicale, de petite taille, ayant des recettes publicitaires annuelles d’environ 400 000 $ (soit le revenu moyen des stations de petite taille), paiera à la SOCAN et à la SCGDV des redevances totales d’environ 13 000 $. Ce montant demeure inchangé par rapport à ce que cette station payait déjà en vertu des tarifs précédemment homologués. Une station de taille moyenne ayant des recettes annuelles de 925 000 $ (le revenu moyen des stations de taille moyenne) paiera des redevances totales de près de 30 000 $, soit également le même montant qu’auparavant. Une grande station de musique ayant des recettes annuelles de 4,5 millions de dollars (le revenu moyen des stations de grande taille) paiera des redevances totales d’un peu plus de 250 000 $, une augmentation d’environ 60 000 $ par rapport à ce qu’elle payait auparavant.

La preuve au dossier démontre clairement que l’industrie de la radio commerciale est en mesure de verser le plein montant des redevances payables en vertu du tarif, malgré les augmentations approuvées par la Commission. Même si les augmentations avaient été consenties dès 1999, les marges de profit de l’industrie auraient continué de s’accroître de manière importante. [59] Le propre expert financier de l’ACR a déclaré que selon toute vraisemblance les profits allaient continuer à augmenter avec la même vigueur même si les tarifs demandés étaient intégralement homologués. [60]

F. Questions administratives

i. L’assiette tarifaire de la SOCAN

Les redevances de la SOCAN sont établies en fonction des «revenus bruts» d’une station tel que ce terme est défini au tarif précédent. Les redevances de la SCGDV sont établies en fonction des «recettes publicitaires» d’une station tel que ce terme est défini dans le Règlement sur la définition de recettes publicitaires (DORS/98-447) que la Commission a adopté conformément au paragraphe 68.1(3) de la Loi. L’historique de l’adoption de ce règlement montre que la Commission a toujours eu l’intention de voir ces deux définitions se fondre en une assiette tarifaire unique.

La SOCAN a demandé que la définition de «revenus bruts» soit modifiée pour mentionner clairement le troc, l’échange et la contrepartie. Toutefois, elle ne souhaite pas que son assiette tarifaire soit définie par renvoi à la définition réglementaire qui s’applique à la SCGDV. La Commission ne voit pas de raison d’imposer un fardeau additionnel résultant de calculs distincts fondés sur des assiettes tarifaires potentiellement différentes lorsqu’elle refuse d’imposer, pour des raisons différentes, un tel fardeau additionnel aux stations à faible utilisation de musique.

La SOCAN soutient que la définition de «revenus bruts» peut englober des revenus qui ne sont pas inclus dans la définition de «recettes publicitaires». La Commission préfère s’en tenir à sa compréhension voulant que les deux définitions représentent la même assiette tarifaire. Si cette interprétation est inexacte, la SOCAN aura l’occasion d’en faire la démonstration ultérieurement. La Commission sera alors en mesure de décider de l’opportunité d’adopter à nouveau des définitions distinctes, de modifier la définition réglementaire de «recettes publicitaires» ou de laisser les choses en l’état. Pour l’instant, la définition réglementaire s’appliquera à la SOCAN et à la SCGDV.

ii. Application du tariff

L’article 3 du tarif en définit l’application. Son libellé mérite qu’on le commente sous deux aspects.

Cet article ne prévoit que le droit de communiquer au public par télécommunication. La SOCAN gère aussi le droit d’autoriser la communication des œuvres faisant partie de son répertoire. Malgré cela, le tarif homologué ne parle pas de ce droit. Le mentionner aurait inutilement compliqué le libellé du tarif. Par ailleurs, il semble que l’absence d’une telle mention dans le tarif SOCAN-SCGDV pour les services sonores payants n’ait pas soulevé de difficultés. Dans le cas contraire, la Commission envisagera de prendre des mesures correctrices, sur demande, conformément à l’article 66.52 de la Loi.

Par ailleurs, l’article 3 vise la communication «à des fins privées et domestiques». Cette mention est incluse dans les tarifs de la SOCAN pour la radio commerciale depuis pas mal de temps. Bien qu’elle ne soit probablement plus nécessaire, elle a été maintenue par excès de prudence. La SOCAN devra en expliquer l’utilité si elle se retrouve dans son prochain projet de tarif.

iii. Obligations de rapport

Le présent tarif impose à une station de radio l’obligation d’informer la SCGDV de son utilisation d’enregistrements sonores pour au plus 14 jours par année. La station n’est pas tenue par le tarif de faire rapport de son utilisation de musique à la SOCAN; en pratique, toutefois, elle le fait, et pour le même nombre de jours. La SOCAN demande maintenant que les exigences de rapport soient incluses dans le tarif; l’ACR ne s’y oppose pas. La Commission fait droit à demande de la SOCAN.

Tant la SCGDV que la SOCAN demandent que les stations leur fassent désormais rapport pour jusqu’à 21 jours par année. La demande se fonde sur deux prémisses. La première veut qu’ajouter aux exigences de rapport permette une répartition plus précise des redevances. La seconde veut que la vaste majorité des stations utilisent déjà un logiciel de programmation qui leur fournit des données d’utilisation de musique sous forme électronique, ce qui réduit à rien, ou presque, le fardeau que cela leur imposerait. L’ACR soutient qu’aucune preuve n’a été versée au soutien de cette mesure. Qui plus est, cela pourrait résulter en un fardeau administratif démesuré aux stations plus petites. L’ACR voudrait aussi que les sociétés soient tenues d’utiliser les données des mêmes journées.

La Commission rejette, pour cette fois-ci, la demande d’augmentation du nombre de jours de rapport dans l’année. Il est vrai qu’ajouter aux exigences de rapport permettrait une répartition plus précise des redevances sans pour autant augmenter vraiment le fardeau des stations qui utilisent un logiciel de programmation. Cela explique pourquoi les services sonores payants font rapport de leur utilisation de musique sept jours par mois. Par contre, la Commission n’est pas convaincue que la vaste majorité des stations utilisent un logiciel de programmation; un doute persiste quant à savoir si les très nombreuses stations de petite ou très petite taille en sont rendues là. Cela dit, l’ACR doit s’attendre la prochaine fois à ce qu’on lui demande des preuves établissant à quel point les stations de radio continuent de fonctionner sur papier, de même que des suggestions sur la façon de porter les exigences de rapport à 21 jours ou même plus sans pour autant augmenter indûment le fardeau administratif des stations qui continuent de fonctionner sur papier.

La demande de l’ACR voulant que les deux sociétés partagent les données de rapport est conforme à d’autres tarifs du même ordre [61] et la Commission y fait droit.

iv. Un tarif unique

À la demande de l’ACR, [62] et pour les motifs énoncés dans la décision de la Commission portant sur les services sonores payants, [63] confirmée par la Cour d’appel fédérale, [64] la Commission homologue un tarif unique pour les deux sociétés de gestion. Aucune n’en subit de préjudice.

v. Dispositions transitoires

Les tarifs que la Commission homologue représentent une rupture importante par rapport aux tarifs antérieurs. Afin d’aider les radiodiffuseurs à absorber plus facilement l’augmentation, le nouveau tarif leur permet d’étaler les montants additionnels dus pour le passé, sans intérêts, sur la période tarifaire qui reste à courir.

Le secrétaire general,

Signature

Claude Majeau


TABLE / TABLEAU

Estimates of Royalties Paid by Commercial Radio Stations Under the Previous and the New Certified Rates, for 2003 ($000)

Estimation des redevances versées par les stations de radio commerciales en vertu des précédents et des nouveaux taux homologués, pour 2003 (en milliers de dollars)

 

Royalties to SOCAN
Redevances à la SOCAN

Royalties to NRCC
Redevances à la SCGDV

 

Previous Rates
Taux précédents

New Rates
Nouveaux taux

Previous Rates
Taux précédents

New Rates
Nouveaux taux

Rates
Taux

Royalties
Redevances

Rates
Taux

Royalties
Redevances

Rates
Taux

Royalties
Redevances

Rates
Taux

Royalties
Redevances

Royalties, Excluding the Statutory Exemption Clause * Redevances, excluant la clause d’exemption statutaire *

Music Stations
Stations de musique

Small/Petites Medium/Moyennes Large/Grandes

 

 

3.2 %

3.2 %

3.2 %

 

 

1,589

4,025

27,406

 

 

3.2 %

3.2 %

4.4 %

 

 

1,589

4,025

34,624

 

 

$100

$100

1.44 %

 

 

14

14

8,681

 

 

$100

$100

2.1 %

 

 

14

14

12,651

 

 

715

1,811

16,302

 

Total: Music Stations
Total : Stations de musique

 

 

33,020

 

 

40,238

 

 

8,709

 

 

12,679

 

18,828

Total: Low Music-Use and All-Talk Radio Stations Total : Stations de radio parlée et à faible utilisation de musique

1.4 %

1,846

1.5 %

1,979

0.63 %

280

0.75 %

638

989

Total: All Stations
Total : Toutes stations

 

34,866

 

42,217

 

8,989

 

13,317

19,817


* Under subsection 68.1(1) of the Act, notwithstanding the tariff approved by the Board, commercial radio stations shall pay, for the communication to the public by telecommunication of performer’s performances of musical works, or of sound recordings embodying such performer’s performances, royalties of $100 on the first $1.25 million of annual advertising revenues.

* En vertu du paragraphe 68.1(1) de la Loi, par dérogation aux tarifs homologués par la Commission, les stations de radio commerciales ne payent, pour la communication au public par télécommunication de prestations d’œuvres musicales ou d’enregistrements sonores constitués de ces prestations, que 100 $ de redevances sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars.



[1] En 2002, pour la première fois, la Commission examinait conjointement des projets de tarifs de la SOCAN et de la SCGDV : voir la décision de la Commission du 15 mars 2002 portant sur le tarif de la SOCAN-SCGDV pour les services sonores payants pour les années 1997-2002.

[2] Diffuser de la musique à la radio peut impliquer d’autres utilisations protégées par le droit d’auteur qui ne sont pas abordées dans les présents motifs, tel le droit de reproduire une œuvre musicale ou un enregistrement sonore d’œuvre musicale.

[3] À l’origine, diffuser de la musique à la radio constituait une exécution en public. Depuis 1993, suite à une modification aux définitions d’«œuvre musicale» et d’«exécution», diffuser de la musique à la radio constitue une communication au public par télécommunication.

[4] Rapport de l’honorable juge Parker, Ottawa, Secrétariat d’État, 1935.

[5] Ce taux était le même que celui établi par le Cabinet pour les années 1935-36 à la suite du rapport de la Commission Parker. La formule était facile à appliquer à l’époque étant donné que chaque appareil récepteur faisait l’objet d’une licence.

[6] Une troisième société de gestion, l’«American Performing Rights Society», se vit octroyer un quart de cent par appareil mais uniquement pour l’année 1944.

[7] Pour être plus précis, la Commission a augmenté le taux de la CAPAC pour le fixer à 14 ¢ par poste récepteur et a distribué ensuite les redevances à parts égales entre la SRC et les radiodiffuseurs privés. Le tarif de BMI Canada ne visait que les radiodiffuseurs privés. BMI Canada et la SRC avaient conclu une entente distincte qui a mis quelques années à se refléter dans le tarif homologué.

[8] Le tarif de 1950 comportait certaines dispositions transitoires rendues nécessaires par l’adhésion de Terre-Neuve à la fédération canadienne.

[9] Rapport final au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1978, 165, à la page 177.

[10] Rapport final au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1987, 425, à la page 430; 15 C.P.R. (3d) 129, à la page 136 (anglais seulement).

[11] Ibid., 431; C.P.R. page 137.

[12] Ibid., 440; C.P.R. page 145.

[13] Les modifications créant la Commission du droit d’auteur sont entrées en vigueur en 1989.

[14] Les dispositions pertinentes se trouvent à la Partie II de la Loi.

[15] Une autre société de gestion, la Société de gestion des droits des artistes-musiciens (SOGEDAM), existe également mais n’a pas déposé de projets de tarifs auprès de la Commission depuis plusieurs années.

[16] Comme nous le verrons plus loin, la Loi établit déjà le montant qu’une station doit verser sur la partie de ses recettes publicitaires qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars.

[18] La seule autre composante possible est le silence, ce que les stations évitent autant que possible.

[19] Voir pièce NRCC-7, tableau 13, page 34. En moyenne les redevances versées à la SOCAN, à la SCGDV et à CMRRA/SODRAC inc. (CSI) représentent 9,8 pour cent des dépenses de programmation des stations dont les recettes annuelles sont de 625 000 $ ou moins,11,9 pour cent pour celles dont les recettes se situent entre 625 000 $ et 1,25 million de dollars et 20,8 pour cent pour les stations plus importantes. Exprimés en pourcentage des recettes, les taux sont de 3,5, 3,6 et 4,9 pour cent.

[20] Voir, de façon générale, la décision de la Commission du 15 mars 2002 portant sur le tarif de la SOCAN-SCGDV pour les services sonores payants pour les années 1997-2002.

[21] Transcriptions, pages 1497 et suivantes.

[22] Transcriptions, page 1513.

[23] Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 1990-1994, pages 359 et 360. Le passage figure dans la partie de la décision qui traite de la télévision commerciale, mais il en est fait mention dans celle qui traite de la radio commerciale : voir page 352.

[24] Sur ces deux points, voir la pièce CAB-15, pages 4 et 5.

[25] Sur ce point, voir la pièce CAB-15, pages 9 et 11. Une troisième société de gestion, la Performing Rights Organization for Songwriters and Publishers (SESAC) perçoit aussi des redevances des radiodiffuseurs américains selon [TRADUCTION] «une grille de taux que la SESAC a développée unilatéralement. Cette grille de taux établit les redevances en fonction de la taille du marché et du taux le plus élevé que la station perçoit pour une minute de publicité.» : CAB-15, page 12.

[26] Cela inclut non seulement la communication d’œuvres musicales et d’enregistrements sonores (y compris les prestations qui y sont incorporées), mais aussi la reproduction d’œuvres musicales et d’enregistrements sonores.

[27] Supra note 20, page 8.

[28] Décision de la Commission du 13 août 1999 portant sur le tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998- 2002, page 29; décision de la Commission du 28 mars 2003 portant sur le tarif de la CMRRA/SODRAC inc. (CSI) pour la radio commerciale pour les années 2001-2004.

[29] Supra note 20, page 12.

[30] Conclure que les dépenses reliées à la musique dans la programmation de la radio sont trop faibles ne signifie pas qu’on réglemente pour autant les profits de l’industrie.

[31] En 1993, par contre, la preuve quant à l’effet du relâchement des exigences de contenu parlé était insuffisante pour permettre à la Commission de conclure de façon définitive : voir décision de la Commission du 6 décembre 1993 portant sur le tarif 1.A (Radio commerciale) de la SOCAN pour l’année 1993, Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 1990-1994, 345, aux pages 349-350.

[32] La musique vedette est celle qu’on utilise en avant-plan, et non pas comme indicatif musical pour un bulletin de nouvelles ou un bulletin météo, dans un message publicitaire ou comme indicatif de la station ou de promotions ou représentations en direct ou de musique de fond utilisée au cours d’une émission comme lors d’un match de hockey.

[33] L’étude de 1987 sur l’utilisation de musique ne reposait que sur le nombre d’œuvres diffusées, auxquelles on imputait ensuite une certaine durée.

[34] Voir la pièce NRCC-26.

[35] Voir, par exemple, la décision de la Commission du 28 mars 2003 portant sur le tarif de la CMRRA/SODRAC inc. (CSI) pour la radio commerciale pour les années 2001-2004, page 25.

[36] Ces chiffres proviennent, ou sont dérivés, de la pièce NRCC-5, page 19, tableau 10.

[37] Pièce NRCC-7, page 19.

[38] Pièce SOCAN-2, page 20.

[39] Suivant la pièce CAB-4, pages 11 et 12, de 1998 à 2002, le nombre total de stations a augmenté de 42, 93 stations MF ont vu le jour et 51 stations MA ont disparu. Le nombre de passages d’une bande à l’autre au cours de cette période correspond à peu de choses près à la diminution du nombre de stations MA.

[40] Supra note 20, page 14.

[41] Pièce SOCAN-3, page 9.

[42] Supra note 20, page 16; supra note 35, page 13.

[43] Décision de la Commission du 13 août 1999 portant sur le tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998-2002, page 30.

[44] Voir par exemple, supra notes 43 et 20; voir aussi la décision de la Commission du 29 septembre 2000 portant sur le tarif 1.C (SRC – Radio) de la SCGDV pour les années 1998-2002, page 6.

[45] Société canadienne de gestion des droits voisins c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, [2004] 1 R.C.F. 303, paragraphe 11.

[46] Supra note 43, page 32 (renvois omis).

[47] Supra note 45, paragraphe 11.

[48] Pièce NRCC-33, page 1, paragraphes 2a), 2c).

[49] Pièce NRCC-24 de 1999, paragraphes 58, 59.

[50] Supra note 45, paragraphes 18 et 19.

[51] Décision de la Commission du 17 décembre 1999 portant sur le tarif pour la copie privée pour les années 1999 et 2000, page 46.

[52] Voir décision de la Commission du 31 juillet 1991 portant sur divers tarifs de la SOCAN pour l’année 1991, Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 1990-1994, 283, à la page 293.

[53] Supra note 43, page 40.

[54] Transcriptions, 25 juin 1998, pages 1945- 1950; les pages 1945 à 1947 ont été déposées à l’instance sous la cote CAB-22.

[56] Pièce CAB-30.

[57] Pièce NRCC-4, pages 15 à 19.

[58] Avis public CRTC 1998-41, Ottawa, 30 avril 1998; pièce NRCC-4.

[59] Pièce NRCC-4, pages 17 et 19.

[60] Transcriptions, page 833.

[61] Voir, par exemple, le paragraphe 9(4) et l’alinéa 10(2)i) du tarif SOCAN-SCGDV pour les services sonores payants.

[62] Pièce CAB-1.A (révisée), pages 14 et 15.

[63] Supra note 20, page 25.

[64] Supra note 45, paragraphes 70 à 74.

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