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Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2006-11-30

Référence

Dossiers : Exécution publique d’œuvres musicales 2003-2007 et Exécution publique d’enregistrements sonores 2003-2007

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et de communication
Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 66.7(1)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise
Me Sylvie Charron
M. Stephen J. Callary

Requête de standard radio inc. pour une décision re : le « règlement sur la définition de recettes publicitaires » et les redevances à verser à la socan et la scgdv à l’égard de la radio commerciale pour les années 2003 à 2007

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Standard Radio Inc. (Standard) demande à la Commission de déclarer que le Règlement sur la définition de recettes publicitaires [1] (le « Règlement ») permet aux radiodiffuseurs de déduire la juste valeur marchande des services de production fournis en vertu de contrats clés en mains avec des annonceurs des recettes publicitaires à partir desquelles les redevances doivent être versées conformément au Tarif SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale, 2003-2007 (le « Tarif pour la radio commerciale »).

[2] Depuis 2003, les stations de radio commerciales calculent les redevances payables à la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et à la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV) en fonction d’un pourcentage de leurs « recettes publicitaires ». Standard soutient que cette modification permet aux stations de déduire la juste valeur marchande de certains des services fournis aux annonceurs de l’assiette tarifaire utilisée aux fins du calcul de leurs redevances. La SOCAN affirme qu’en pratique rien n’a changé et qu’elle a toujours le droit de percevoir les mêmes redevances que dans le passé.

[3] Pour les raisons énoncées ci-dessous, nous en arrivons à la conclusion que la Commission n’a pas le pouvoir d’accéder à la demande de Standard.

II. LES FAITS

[4] Depuis au moins les années 1920, les stations de radio commerciales versent des redevances pour la diffusion d’œuvres musicales (le droit d’exécution ou de communication). Pendant de nombreuses années jusqu’à 2002, les redevances représentaient un pourcentage des « revenus bruts » tel que ce terme était défini dans les tarifs pertinents. Depuis 1998, ces stations versent également des redevances pour diffuser des enregistrements sonores incorporant ces mêmes œuvres (ce qu’on appelle les « droits voisins » des artistes et des maisons de disques). Ces redevances ont toujours représenté un pourcentage des « recettes publicitaires » telle que cette expression est définie dans le Règlement.

[5] Le 14 octobre 2005, la Commission homologuait le Tarif pour la radio commerciale. Ce tarif prévoit que les redevances payables aux deux sociétés sont dorénavant établies en fonction des « recettes publicitaires » telle que cette expression est définie dans le Règlement. Le tarif a fait l’objet d’une demande de révision judiciaire dont ont découlé son annulation et sa remise à la Commission pour réexamen en fonction de facteurs qui ne sont pas pertinents à la question qui nous préoccupe.

[6] Standard exploite 51 stations de radio et, comme bien d’autres, vend de la publicité en ayant recours à deux types d’ententes contractuelles. Le contrat habituel est celui où l’annonceur achète du temps d’antenne par l’entremise d’une agence accréditée ou qui produit lui-même ses publicités. En reconnaissance de la contribution fournie par l’annonceur ou l’agence, l’annonceur profite d’un rabais de 15 pour cent par rapport aux tarifs normaux de publicité. Ce sont généralement les importants annonceurs locaux et les sociétés nationales qui bénéficient de ce tarif. Standard offre également un contrat clés en mains pour les annonceurs qui demandent à la station de réaliser leurs publicités. Les annonceurs locaux optent généralement pour ce type de contrat et payent le plein tarif.

[7] Standard soutient que la définition de « recettes publicitaires » énoncée dans le Règlement lui permet d’exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production qu’elle fournit en vertu de contrats clés en mains. Il est possible d’établir la juste valeur marchande selon plusieurs méthodes qui n’ont pas à être expliquées ici. En utilisant l’une ou l’autre de ces méthodes, on soustrairait entre 6,8 millions de dollars et 10,7 millions de dollars de l’assiette tarifaire pour 2005; pour Standard, cela représente en moyenne 5 pour cent de ses revenus de radiodiffusion déclarés. Il est impossible d’obtenir une estimation précise des économies réalisées par l’exclusion des services de production de l’assiette tarifaire en raison de la façon dont le tarif est établi. Les économies peuvent très bien se traduire par plusieurs centaines de milliers de dollars uniquement pour Standard, et se chiffrer à quelques millions de dollars pour toutes les stations commerciales si les pratiques de l’industrie suivent celles de Standard.

[8] La SOCAN et la SCGDV ne partagent pas le point de vue de Standard. Elles soutiennent que les revenus de production sont compris dans l’assiette tarifaire. Standard se retrouve donc devant un dilemme : elle peut continuer de verser des redevances sur la valeur de ses services de production, ou elle peut commencer à déduire cette valeur de l’assiette tarifaire et s’exposer ainsi à des poursuites et à devoir verser des dommages-intérêts préétablis dont le montant pourrait être de trois à dix fois le montant des redevances, comme le prévoit le paragraphe 38.1(4) de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »).

[9] Par conséquent, le 13 juillet 2006, Standard a demandé à la Commission de déclarer que le Règlement permet aux radiodiffuseurs de déduire la juste valeur marchande des services de production fournis en vertu de contrats clés en mains avec des annonceurs des recettes publicitaires à partir desquelles les redevances doivent être versées conformément au Tarif pour la radio commerciale. Standard n’a pas demandé à la Commission de se prononcer au sujet des méthodes qui devraient être utilisées pour déterminer la juste valeur marchande.

[10] Le 19 juillet 2006, la Commission a demandé à la SOCAN, à la SCGDV et à l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) de formuler des observations au sujet de la demande de Standard. Le 24 juillet, la Commission a demandé aux parties de se prononcer uniquement sur la question de savoir si la Commission avait le pouvoir de faire droit à la demande. Les deux sociétés de gestion estiment que non. L’ACR appuie la demande de Standard.

III. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[11] Les parties pertinentes de la Loi sont les suivantes :

66.52 La Commission peut, sur demande, modifier toute décision [...] en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances depuis ces décisions.

[…]

66.7 (1) La Commission a, pour la comparution, la prestation de serments, l’assignation et l’interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production d’éléments de preuve, l’exécution de ses décisions et toutes autres questions relevant de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives.

(2) Les décisions de la Commission peuvent, en vue de leur exécution, être assimilées à des actes de la Cour fédérale ou de toute cour supérieure; le cas échéant, leur exécution s’effectue selon les mêmes modalités.

(3) L’assimilation se fait selon la pratique et la procédure suivies par le tribunal saisi ou par la production au greffe du tribunal d’une copie certifiée conforme de la décision. La décision devient dès lors un acte du tribunal.

(4) Les décisions qui modifient les décisions déjà assimilées à des actes d’un tribunal sont réputées modifier ceux-ci et peuvent, selon les mêmes modalités, faire l’objet d’une assimilation.

[...]

68.1 (1) Par dérogation aux tarifs homologués par la Commission conformément au paragraphe 68(3) pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication de prestations d’œuvres musicales ou d’enregistrements sonores constitués de ces prestations, les radiodiffuseurs :

a) dans le cas des systèmes de transmission par ondes radioélectriques, à l’exclusion des systèmes communautaires et des systèmes de transmission publics :

(i) ne payent, chaque année, que 100 $ de redevances sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars,

[…]

(3) Pour l’application du paragraphe (1), la Commission peut, par règlement, définir « recettes publicitaires ».

[12] Jusqu’en 2003, le tarif de la SOCAN pour la radio commerciale donnait la définition suivante de revenus bruts : « sommes brutes payées par toute personne pour l’utilisation d’une ou de plusieurs installations ou services de diffusion offerts par la station de radio commerciale. » Cette définition comportait certaines exclusions.

[13] La partie pertinente du Règlement est la suivante :

2. (1) Pour l’application du paragraphe 68.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, « recettes publicitaires » s’entend du total, net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité, des contreparties en argent, en biens ou en services, reçues par un système pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites.

(2) Aux fins du calcul des recettes publicitaires, les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande.

IV. ANALYSE

[14] La Commission du droit d’auteur dispose uniquement des pouvoirs « que lui confère expressément la loi ou qui sont implicitement nécessaires à l’exercice régulier de sa compétence principale. » [2] La Commission a évidemment le pouvoir d’homologuer et de modifier les tarifs, et de définir par règlement ce qui constitue des « recettes publicitaires » et de modifier cette définition, toujours par voie réglementaire. Aucune disposition dans la Loi ne confère à la Commission le pouvoir d’interpréter ses propres règlements à titre autonome; elle ne peut le faire qu’à titre accessoire ou corollaire de l’exercice d’un pouvoir qui lui est expressément conféré.

[15] Standard fonde ses arguments sur l’affirmation voulant que le paragraphe 66.7(1) de la Loi confère à la Commission de vastes pouvoirs et que l’interprétation de ses règlements est inhérente à l’exécution de son mandat. Standard affirme que, de ce fait, le pouvoir de préciser ses propres règlements fait partie des « autres questions relevant de sa compétence ». La Commission a pris le Règlement, elle en a traité dans plusieurs décisions, elle est un tribunal spécialisé; elle est donc la mieux en mesure d’expliquer ce qu’elle a voulu dire.

[16] Dans sa décision sur la Mise à exécution du tarif de la copie privée, la Commission a conclu que le paragraphe 66.7(1) ne lui conférait pas le pouvoir d’émettre des ordonnances visant à faire appliquer ses tarifs. De façon sommaire, la Commission a déterminé que les pouvoirs qui lui sont conférés par ce paragraphe se limitent à ceux nécessaires pour l’aider à exercer sa fonction principale et qu’ils doivent être interprétés en tenant compte de l’article 66.7 et de l’objectif de la Loi dans son ensemble. Le libellé du paragraphe 66.7(1) laisse sous-entendre qu’on parle d’une audience ou d’une procédure interlocutoire où la Commission exerce sa compétence. Le segment « […] l’exécution de ses décisions » s’applique lorsque la Commission exerce sa fonction principale, non pas au respect de ses ordonnances. La portée par ailleurs générale de cette allocation de pouvoir et à « […] toutes autres questions relevant de sa compétence » doit être interprétée dans ce contexte.

[17] Ce raisonnement s’applique d’autant plus ici puisque le paragraphe 66.7(1), s’il comporte une référence expresse à l’exécution des décisions de la Commission, ne fait pas mention de l’interprétation de ses règlements. Par conséquent, la décision Mise à exécution du tarif de la copie privée appuie l’affirmation voulant que la Commission peut interpréter ou préciser ses règlements uniquement dans la mesure où cela est nécessaire à l’exercice de son mandat principal : homologuer et modifier des tarifs et instituer ou modifier des règlements. La résolution des différends portant sur l’interprétation de règlements ne s’inscrit pas dans le mandat principal et n’y est pas accessoire.

[18] Les décisions sur lesquelles s’appuient Standard et l’ACR au soutien de leurs arguments respectifs ne sont pas pertinentes à l’égard de la question qui nous occupe. La décision de la Cour fédérale dans l’affaire SOCAN c. Canada (Commission du droit d’auteur) [3] ne leur est d’aucune aide puisqu’elle portait sur le pouvoir de la Commission d’émettre des ordonnances de procédure, non pas de rendre des décisions de fond. Les arrêts CTV Television Network Ltd. c. Canada (Commission du droit d’auteur) [4] , Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) [5] et Maple Leaf Broadcasting Co. c. CAPAC Ltd. [6] ne viennent que confirmer que les pouvoirs auxiliaires doivent être liés à l’exercice des fonctions principales, ce qui n’est pas le cas ici. L’arrêt Chrysler Canada c. Canada (Tribunal de la concurrence) [7] s’avère également sans pertinence en l’espèce, pour les motifs clairement énoncés dans la décision Mise à exécution du tarif de la copie privée. [8]

[19] Standard cite également la décision CRTC c. CTV Television Network Ltd. dans laquelle la cour a statué que « [...] s’il y avait eu des doutes quant à la teneur de la condition, il aurait été possible de les dissiper en demandant des précisions au comité de direction. » [9] Cette observation était fondée sur l’alinéa 17(1)b) de la loi constitutive du CRTC alors en vigueur qui prévoyait que le comité de direction pouvait « à la demande d’un titulaire de licences, modifier toutes conditions d’une licence de radiodiffusion à lui attribuer. » [10] D’ailleurs, Standard n’a fourni aucun exemple prouvant cette pratique, sauf dans un contexte où le CRTC est officiellement saisi d’une question en vertu de l’un de ses pouvoirs exprès. Standard a souligné que [TRADUCTION] « le CRTC rend régulièrement des décisions qui résultent d’une interprétation de ses propres règlements selon le contexte particulier de la situation en cause ». [non surligné dans l’original] Cet énoncé renforce l’argument selon lequel la Commission n’a pas besoin du pouvoir de régler un litige concernant l’interprétation d’un règlement pour remplir son mandat, à moins qu’elle ne soit autrement chargée d’une affaire qui ne peut être résolue sans interpréter le règlement en question.

[20] Notre refus de régler la question ne prive pas Standard de recours. L’entreprise pourrait demander à la Commission de modifier le tarif, quoique cela n’aurait d’effet qu’à l’égard de la SOCAN, puisque le tarif ne peut modifier le Règlement qui, lui, établit l’assiette tarifaire pour la SCGDV. Elle pourrait demander à la Commission de modifier le Règlement. Si Standard désire obtenir une décision définitive sur le sens du Règlement tout en évitant l’effet punitif du paragraphe 38.1(4) de la Loi, elle pourrait continuer de verser sous protêt des redevances sur la valeur des services de production et demander un jugement déclaratoire. En fait, Standard devra probablement choisir cette option quoi qu’il advienne si elle souhaite obtenir une décision exécutoire lui permettant une rétroaction jusqu’en 2003 dans le cas de la SOCAN et jusqu’en 1998 en ce qui concerne la SCGDV.

[21] Puisque nous jugeons que la Commission n’a pas le pouvoir de rendre la décision que Standard souhaite, nous n’avons pas à traiter des autres questions soulevées par les parties, y compris l’applicabilité du principe de dessaisissement. La requête est donc rejetée.

MOTIFS CONCORDANTS DU VICE-PRÉSIDENT CALLARY

V. INTRODUCTION

[22] Je suis d’accord avec le président Vancise et la commissaire Charron sur le fait que la Commission n’a pas le pouvoir de rendre la décision que Standard demande. Malgré cela, je crois que je devrais émettre une opinion au sujet de cette requête, et ce, pour deux raisons. Premièrement, cela pourrait aider les parties à déterminer leur plan d’action. Deuxièmement, j’estime que si un tribunal était appelé à examiner la question, le point de vue de la Commission pourrait lui être utile, d’autant plus que la position de la Commission à ce jour n’a pas toujours été uniforme. À mon avis, la juste valeur marchande des services de production peut être déduite des revenus tirés des contrats clés en mains, et ce, pour les raisons énoncées ci-dessous.

VI. ANALYSE

[23] Standard soutient que la valeur des services de production n’est pas incluse dans les « recettes publicitaires » tel que ce terme est défini dans le Règlement. La SOCAN s’est principalement prononcée sur la question de compétence et a estimé que Standard tentait de redéfinir la portée du tarif. Cet argument est fondé sur une déclaration, reprise plus loin, qu’on retrouve dans la décision homologuant le Tarif pour la radio commerciale et selon laquelle les « revenus bruts » et les « recettes publicitaires » sont les mêmes. De son côté, la SCGDV a soutenu que Standard vise à modifier [TRADUCTION] « une pratique bien établie en vertu du Tarif SCGDV pour la radio commerciale 1998-2002 » de manière à contourner les exigences prévues à l’article 66.52 de la Loi.

[24] La définition de « recettes publicitaires » est claire : « […] s’entend du total [...] reçues par un système pour annoncer […]. » Créer une annonce publicitaire ne constitue pas une activité publicitaire. Il est tout à fait possible d’offrir des services de production et de ne pas pouvoir faire de la publicité. Il s’agit de deux activités distinctes. Une lecture normale de la disposition susmentionnée ne permet aucunement de conclure qu’on cherchait à inclure les services de production dans les recettes publicitaires. Des déterminants comme « […] net […] et des commissions versées aux agences de publicité » précisent d’une manière sans équivoque que les coûts extrinsèques devraient être exclus, l’assiette tarifaire correspondant ainsi au seul montant payé aux stations pour annoncer. Les revenus tirés de la diffusion de messages d’intérêt public ou pour des commandites, qui sont inclus, sont de nature semblable à celle des recettes publicitaires, ce qui n’est pas le cas des recettes de production. La prise en compte de la juste valeur marchande des biens reçus en échange de publicité constitue un autre indice de l’intention recherchée dans le Règlement.

[25] Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), publié avec le Règlement, énonce clairement l’opinion de la Commission. Le Règlement permet « au système d’exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre de contrats “clés en mains” ». [11] Les tribunaux étaient auparavant portés à considérer avec prudence l’utilisation de facteurs extrinsèques comme outils d’interprétation. Récemment, toutefois, les énoncés de l’étude d’impact de la réglementation ont souvent servi d’arguments de poids pour interpréter les règlements ambigus. [12] Le REIR est venu préciser l’intention de la Commission lorsqu’elle a rédigé ce règlement.

[26] L’illogisme d’inclure les services de production dans les recettes publicitaires est d’autant plus mis en évidence si l’on considère que les coûts de production des publicités produites par les grandes entreprises ou par les annonceurs qui ont recours aux services d’une agence ne sont pas inclus dans la définition. Je ne vois aucune raison pour que les stations de radio soient pénalisées parce qu’elles jouent deux rôles en offrant à la fois des services de production et de publicité aux petits annonceurs locaux.

[27] La SOCAN souligne à juste titre que la Commission a déclaré ce qui suit lorsqu’elle a décidé d’utiliser la même assiette tarifaire pour la SOCAN et la SCGDV pour la radio commerciale :

Les redevances de la SOCAN sont établies en fonction des « revenus bruts » d’une station tel que ce terme est défini au tarif. Les redevances de la SCGDV sont établies en fonction des « recettes publicitaires » d’une station tel que ce terme est défini dans le Règlement sur la définition de recettes publicitaires [...] L’historique de l’adoption de ce règlement montre que la Commission a toujours eu l’intention de voir ces deux définitions se fondre en une assiette tarifaire unique.

[...]

La SOCAN soutient que la définition de « revenus bruts » peut englober un revenu qui n’est pas inclus dans la définition de « recettes publicitaires ». La Commission préfère s’en tenir à son interprétation constante voulant que les deux définitions représentent la même assiette tarifaire. [13]

[28] Cette affirmation est exacte si, et seulement si, le terme « revenus bruts » n’inclut pas les revenus de production. C’est une question qui n’a pas été réglée, comme le souligne la Commission dans sa plus récente décision homologuant le tarif qu’une station de radio commerciale verse pour la reproduction d’œuvres musicales, décision rendue cinq mois après que la Commission eut homologué le Tarif pour la radio commerciale :

Dans le tarif 2001-2004 de CSI, les redevances étaient fonction des « revenus bruts » d’une station [...] C’était la même chose pour le tarif de la [...] SOCAN [...] jusqu’en 2002. Par ailleurs, les redevances de la [...] SCGDV ont toujours été fonction des « recettes publicitaires » telles que définies dans le Règlement sur la définition de recettes publicitaires (DORS/98-447).

Dans la décision homologuant le Tarif SOCAN/SCGDV pour la radio commerciale, 2003-2007, la Commission a choisi d’utiliser les recettes publicitaires pour la SOCAN comme pour la SCGDV, puisqu’elle ne voyait pas de motif pour imposer des calculs distincts fondés sur des assiettes tarifaires que la Commission croyait similaires ou identiques.

[...]

La Commission croit maintenant que l’harmonisation des assiettes pourrait avoir certaines répercussions. Les données statistiques du CRTC identifient séparément certains revenus qui pourraient ne pas être des recettes publicitaires mais qui sont clairement des revenus bruts. [14]

[29] Abstraction faite de ces déclarations, l’intention de la Commission est demeurée claire. Les assiettes tarifaires de la SCGDV, de la SOCAN et de la CSI devraient être harmonisées. Les recettes publicitaires sont un bon substitut à la part d’écoute; les revenus de production ne le sont pas. On devrait donc utiliser les recettes publicitaires, et non les revenus de production, pour calculer les redevances payables à toutes ces sociétés de gestion.

[30] Standard ne ventile pas la valeur des services de production lorsqu’elle déclare ses recettes publicitaires à Statistique Canada ou au CRTC. Aux fins de l’interprétation du Règlement, cela n’est pas pertinent. La terminologie utilisée devant d’autres entités a peu de poids au moment d’évaluer le sens à donner au terme « recettes publicitaires » dans le Règlement.

[31] Le fait que les stations de radio aient pu par le passé verser des redevances à la SCGDV sur leurs revenus de production n’est pas pertinent non plus. Comme la Commission l’a démontré dernièrement, il se peut qu’une certaine confusion règne sur cette question et « [d]es comparaisons entre les renseignements fournis aux sociétés de gestion par des stations données pour des mois précis permettront d’apprécier ce qui s’est fait en pratique [...]. » [15]

[32] Standard a indiqué dans ses observations que des incohérences apparentes dans leurs pratiques de facturation pourraient provoquer de la confusion. Standard facture aux annonceurs locaux le même montant, qu’ils utilisent des groupes de production internes ou les ressources de la station de radio. Les agences accréditées reçoivent un rabais que les annonceurs indépendants ne reçoivent pas. Il se peut que les détails des contrats et les décisions d’affaire d’une station de radio aient une influence sur la part d’un contrat qui peut être attribuée aux coûts de production. Toutefois, un certain montant est dépensé en coûts de production lorsqu’une station de radio produit une annonce publicitaire. Un certain montant doit donc être déduit pour les services de production qui ne sont pas inclus dans la définition de recettes publicitaires comme je l’ai expliqué précédemment. Ce montant doit être la juste valeur marchande des services fournis; je me refuse toutefois à commenter la façon d’établir cette valeur.

[33] La façon de calculer la juste valeur marchande des services de production n’est pas sans controverse. Standard n’a pas demandé à ce qu’on rende une décision sur ce point, mais elle a proposé dans ses observations cinq méthodes d’évaluation possibles. Il serait prématuré de commenter l’une ou l’autre de ces méthodes ou la gamme des estimations proposées.

[34] Cela étant dit, je suis conscient qu’en bout de piste la question ne sera réglée définitivement que de la façon mentionnée au paragraphe 20 de la présente décision. Je rejetterais donc moi aussi la demande.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] DORS/98-447, Gazette du Canada, partie II, vol. 132, no 19, p. 2589.

[2] Décision de la Commission du 19 janvier 2004 sur la Mise à exécution du tarif de la copie privée, à la p. 4.

[3] (1993), 47 C.P.R. (3d) 297 (C.F.S.P.I.).

[4] [1993] 1 C.F. 115 (C.A.).

[5] [1989] 1 R.C.S. à la p. 1722.

[6] [1954] R.C.S. à la p. 624.

[7] [1992] 2 R.C.S. à la p. 394.

[8] Supra note 2, aux pp. 5,7.

[9] [1982] 1 R.C.S. 530, aux pp. 541-542.

[10] Ibid., à la p. 537.

[11] Supra note 1, à la p. 2591. Dans le texte anglais, l’expression « key in hands » est utilisée en référence à l’expression « clés en mains » du français, mais le terme « turnkey » aurait été un terme plus juste dans le texte original.

[12] Voir RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, aux ¶ 90-91. Voir aussi Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes 4th ed. (2002), aux pp. 499-500; HOULE, France, Regulatory History Material as an Extrinsic Aid to Interpretation: An Empirical Study on the use of RIAS by the Federal Court of Canada, (2006) 19 Canadian Journal of Administrative Law and Practice, 151.

[13] Décision de la Commission du 14 octobre 2005 homologuant le tarif SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale, 2003-2007, à la p. 40.

[14] Décision de la Commission du 25 mars 2006 (motifs datés du 31 mars 2006) homologuant le tarif de la CMRRA/SODRAC inc. pour les stations de radio commerciales (2005 et 2006); [renvois ont été omis].

[15] Ibid., aux pp. 5-6.

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