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Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2004-03-19

Référence

DOSSIERS : Exécution publique d’œuvres musicales 1998 à 2004

Régime

Exécution publique d’œuvres musicales

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

Me Sylvie Charron

M. Andrew E. Fenus

Projets de tarif examinés

2.A, 1998-2004 et Tarif 17, 2001-2004

Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

Au fil des années, et comme l’exige l’article 67 de la Loi sur le droit d’auteur (la «Loi»), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé des projets de tarifs pour les années 1998 à 2004. La Commission a publié ces propositions et a avisé les utilisateurs de leur droit de s’y opposer. Deux des tarifs portent sur la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales sur les ondes des stations de télévision commerciales, tant conventionnelles que spécialisées et payantes. Les présents motifs portent sur ces tarifs.

Le tarif 2.A vise la télévision commerciale conventionnelle. L’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) s’y est opposée. Le tarif 17 [1] vise la télévision spécialisée et payante. Ceux qui produisent ou distribuent ces signaux s’y sont opposés. Représentaient les entreprises de programmation (services spécialisés et payants) Astral Télé Réseaux Inc., Cable News Network, A&E Television Networks, CBC Newsworld/SRC Réseau de l’information, Discovery Communications Inc., Fairchild Television Ltd. (Fairchild), Consortium de Télévision Québec Canada (TV5), Viacom International Inc. et Le Canal Nouvelles. Bell Globemedia Inc., CTV Television Inc., Pelmorex Communication Inc. et Rogers Media Inc. (collectivement «CPR») ont uni leurs efforts, à l’instar de CHUM, Corus Entertainment Inc., Alliance Atlantis, Astral, CanWest Global et autres (collectivement, les «Services»). L’Association canadienne de télévision par câble (ACTC) ainsi que deux entreprises de distribution de radiodiffusion canadiennes par satellite, Bell ExpressVu et Star Choice Communication Inc., représentaient les entreprises de distribution de radiodiffusion (les «EDR» ou transmetteurs).

Le 13 décembre 2001, à la demande de l’ACTC et après commentaires des autres participants, la Commission a joint l’examen des deux tarifs. Les audiences ont nécessité 14 jours, du 22 avril au 9 mai 2003. Les arguments ont été entendus les 29 et 30 mai 2003.

La dernière homologation visait 1997 pour le tarif 2.A et 2000 pour le tarif 17. Les tarifs proposés de la SOCAN pour 2004 ont été publiés le 19 avril 2003. À l’expiration du délai de 60 jours prévu par la Loi pour le dépôt des oppositions, personne ne s’était opposé aux tarifs proposés 2.A et 17 si ce n’est des participants dans la présente instance. Le 30 mai 2003, avec le consentement de tous les participants, la Commission a décidé que la présente décision s’appliquerait également à l’année 2004. Les présents motifs portent donc sur le tarif 2.A pour les années 1998 à 2004 et le tarif 17 pour les années 2001 à 2004.

Les tarifs actuels [2]

Le tarif 2.A est fonction d’un pourcentage des revenus d’une station de télévision depuis 1959. Dans sa dernière décision sur cette question, datée du 30 janvier 1998, la Commission a réduit le taux applicable de 2,1 à 1,8 pour cent et créé une «licence générale modifiée» (LGM) qui permet aux stations de soustraire certaines émissions à la licence générale traditionnelle. La Cour d’appel fédérale, ayant été saisie d’une demande de révision judiciaire, a statué que la Commission pouvait adopter la LGM malgré l’opposition de la SOCAN. [3]

Le tarif 17 remonte à 1990. Il s’applique aux signaux qui ne sont offerts que par l’intermédiaire d’un transmetteur (habituellement le câble ou un satellite). Les éléments clés du tarif conçu en 1996 étaient le versement de redevances par le transmetteur plutôt que par les services; [4] l’établissement de redevances selon un montant en cents, par abonné, par mois, pour tout le portefeuille des services spécialisés canadiens; l’étagement de la redevance pour les systèmes desservant au plus 6000 abonnés (seuls ceux qui en ont plus paient le plein montant); l’établissement de redevances selon un pourcentage des revenus d’abonnement pour les services ne faisant pas partie du portefeuille (télévision payante et télévision spécialisée américaine). À la demande de tous les intéressés, le tarif 1996-2000 reprenait cette structure. Seul le taux des services hors-portefeuille a fait l’objet d’un débat : les utilisateurs ont demandé que le taux soit réduit, comme l’avait été le tarif 2.A. Dans sa décision du 16 février 2001 sur le tarif 17, la Commission a fixé le plein tarif pour l’an 2000 à 15,5¢ par abonné, par mois, pour les services faisant partie du portefeuille, et a réduit le taux pour les services hors-portefeuille à 1,8 pour cent.

Les principales questions et la position des participants

La présente instance soulève un certain nombre de questions d’importance. Certaines préoccupent tous les participants, comme la relation entre les tarifs, le ou les niveaux des taux et le sort de la LGM. D’autres intéressent surtout les services de télévision spécialisée et payante et ceux qui les transmettent. Il s’agit des revenus à inclure dans l’assiette tarifaire, de l’étagement du tarif en fonction des écarts d’utilisation de musique, de la pertinence des escomptes existants si le tarif est en fonction des revenus et de l’application de la LGM aux chaînes spécialisées et payantes.

Les participants conviennent que le tarif 2.A ne devrait prévoir qu’un seul taux s’appliquant aux revenus bruts d’une station. Ils conviennent également que les tarifs 2.A et 17 devraient être étroitement liés (sans pour autant s’entendre sur la façon d’y arriver). Enfin, ils conviennent [5] que le tarif 17 devrait être, pour tous les services, un taux par service calculé selon un pourcentage d’une assiette tarifaire.

La SOCAN demande que le taux du tarif 2.A passe de 1,8 à 2,1 pour cent pour 1998 à 2003 et jusqu’à 3,1 pour cent en 2004. Elle demande également l’abolition de la LGM ou une forte réduction de son incidence financière. Elle demande que le taux du tarif 17 soit fixé à 1,78 pour cent en 2001, à 2,1 pour cent en 2002, à 2,4 pour cent en 2003 et à 2,6 pour cent en 2004. [6] Elle aimerait que l’assiette tarifaire comprenne les revenus des transmetteurs en plus de ceux des services. Elle s’oppose à l’étagement du tarif 17 et soutient que les escomptes existants ne sont plus utiles, compte tenu du changement de formule tarifaire. Enfin, elle prétend que la LGM ne devrait pas s’appliquer au tarif 17 et ce, même si on la maintient dans le tarif 2.A.

L’ACR demande une réduction du taux à 1,4 pour cent, le maintien de la LGM et un assouplissement des conditions imposées par celle-ci.

L’ACTC et tous les services de télévision spécialisée et payante demandent que le taux des deux tarifs soit le même et qu’il soit réduit. Ils demandent que l’assiette du tarif 17 demeure les revenus des services et que l’accès à la LGM leur soit disponible. Ils soutiennent que les escomptes existants sont toujours justifiés même si on passe à un taux par service, calculé selon un pourcentage; Fairchild ajouterait un escompte pour les services de langue autre que le français ou l’anglais. Enfin, CPR demande l’étagement du tarif en fonction de quatre «genres» ou volets de services, alors que les Services proposent un tarif à deux volets, semblable à ce qui existe pour la radio commerciale.

I. ANALYSE

A. Question préliminaire : la structure du tarif 17

Jusqu’à maintenant, le tarif 17 prévoit un taux unique, exprimé en cents par abonné, par mois, pour un «portefeuille» composé de tous les signaux spécialisés canadiens. Le taux pour les signaux payants canadiens et les signaux spécialisés étrangers est un pourcentage de leurs revenus d’affiliation. Au départ, la SOCAN et les Services ont demandé le maintien de la formule du portefeuille alors que tous les autres opposants demandaient un taux par signal. Les Services se sont par la suite ralliés aux autres opposants.

Après avoir entendu la preuve principale de la SOCAN, la Commission a annoncé qu’elle songeait sérieusement à abandonner la formule du portefeuille en faveur d’un taux par signal. La SOCAN a rétorqué qu’elle accepterait ce changement si celui-ci n’influait pas sur les revenus. Même si les participants y ont consenti, la Commission estime nécessaire d’expliquer pourquoi, à son avis, cette modification s’impose.

Les motifs ayant poussé la Commission à retenir, en 1996, la formule du portefeuille, sont énoncés dans sa décision. [7] Pendant la période alors à l’étude (1990-1995), les transmetteurs n’offraient que deux volets de service : celui de base et celui de base élargi. Les 13 signaux spécialisés canadiens établis appartenaient à l’un ou l’autre volet. De 80 à 90 pour cent des abonnés recevaient le service dit de base élargi, ce qui en faisait le service de base de facto. Les transmetteurs commençaient à peine à offrir un troisième volet, mais il était impossible de prévoir la réaction des abonnés : on sait aujourd’hui que la commercialisation de ce volet a connu un échec important, quoique temporaire. La Commission ne désirait pas inciter les transmetteurs à transférer les signaux du volet de service de base élargi à un volet supérieur, plus facultatif. Par la suite, pour la période 1996 à 2000, tous les participants ont demandé le maintien de la formule du portefeuille pour des raisons de commodité administrative.

Aujourd’hui, la situation est totalement différente, si ce n’est qu’à cause de l’apparition des volets numériques et de l’importance considérablement accrue des transmetteurs par satellite. Depuis l’apparition du tarif, l’importance et le nombre des services de télévision spécialisée et payante ont fait des bonds de géant et le montant du tarif a suivi. Le nombre de services canadiens offerts est passé de 13 à une centaine; une autre centaine au moins de services ayant obtenu une licence n’ont toujours pas été lancés. Le service de base existe toujours, et certains transmetteurs par câble continuent de commercialiser certains services par volet; toutefois, les abonnés peuvent acheter de plus en plus des signaux, soit un par un, soit en groupe de six environ dont la composition peut varier d’un système à l’autre. Enfin, les raisons de commodité administrative qui avaient poussé les participants à demander le maintien de la formule du portefeuille de 1996 à 2000 ne s’appliquent plus : l’entente selon laquelle les transmetteurs et les exploitants de signaux versaient les redevances à la SOCAN et se partageaient la responsabilité financière a expiré à la fin de 2000.

Les participants n’ont avancé aucune nouvelle raison en faveur du maintien de la formule du portefeuille. La Commission ne peut penser à aucune.

B. La corrélation entre les tarifs 2.A et 17

La Commission estime toujours que la télévision conventionnelle et la télévision spécialisée et payante font partie d’une seule et même industrie et que tous ces intervenants devraient payer le même prix pour les droits d’exécution de musique, sous réserve des rajustements justifiés, par exemple, par certaines caractéristiques d’une partie du marché ou une différence d’utilisation du répertoire de la SOCAN. Aucun nouvel élément n’a été versé au dossier de l’instance pour convaincre la Commission qu’il fallait abandonner ce point de vue, avec lequel tous les participants semblent d’accord de toute façon. Le fait que les deux tarifs seront dorénavant exprimés en pourcentage d’une assiette tarifaire ne fera que renforcer cette corrélation.

C. Le taux de départ

Les revenus de l’ensemble des services de télévision spécialisée et payante pourraient bientôt rivaliser en importance avec ceux des diffuseurs conventionnels privés. Néanmoins, lorsque les participants ont discuté du tarif, tous semblaient utiliser le tarif 2.A comme point de départ commode. La Commission en fait autant. Cela dit, compte tenu des changements intervenus dans l’importance relative des deux secteurs de l’industrie de la télévision, il deviendra de plus en plus inopportun de présumer qu’un secteur devrait compter davantage que l’autre dans les décisions sur le tarif.

La SOCAN a présenté quatre principaux arguments en faveur d’une hausse de tarif.

En premier lieu, le tarif 2.A s’est situé entre 2,1 et 2,4 pour cent pour la majeure partie de son existence. Les motifs que la Commission a avancés dans sa décision de 1998 pour baisser le taux à 1,8 pour cent ne tiennent plus, si jamais ils ont tenu. La quantité de musique utilisée par les diffuseurs privés au cours des dernières années n’a pas beaucoup changé, pas plus que le rôle ou l’importance de la musique à titre d’élément créatif dans la programmation télévisuelle. Par conséquent, le taux devrait revenir à sa fourchette historique.

En deuxième lieu, le taux actuel ne rend pas pleinement compte de la valeur économique des droits d’exécution de musique dans les émissions télévisuelles. Dans le cas de la télévision conventionnelle, le rapport entre les paiements de redevances pour l’utilisation de musique dans la programmation télévisuelle et les indemnités versées pour d’autres éléments créatifs diminue constamment depuis une trentaine d’années. Il en est de même, depuis le début, pour la télévision spécialisée et payante. Selon la théorie économique de la demande dérivée, on se serait attendu que, en moyenne, les redevances pour l’exécution de musique suivent le rythme des dépenses engagées pour tous les autres éléments créatifs utilisés dans la production de la programmation télévisuelle si les redevances avaient été fixées dans un marché concurrentiel.

En troisième lieu, bien que la concurrence sur le marché de la diffusion canadienne se soit accrue, ce phénomène n’est pas nouveau. Quoi qu’il en soit, les politiques mises en œuvre par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) diminuent les effets négatifs possibles de la concurrence sur les diffuseurs conventionnels. Les diffuseurs ont réussi, de façon générale, à accroître ou à maintenir la rentabilité au cours de la dernière décennie, ce qui laisse entendre que le renversement de la précédente réduction du tarif par la Commission est justifié.

En quatrième lieu, il n’y a aucune raison valide de tenir compte de la situation aux États-Unis pour fixer les taux canadiens. Quoi qu’il en soit, les taux américains sont en fait supérieurs à ceux du Canada lorsqu’on utilise une base de comparaison appropriée.

Les arguments avancés par l’ACR en faveur de la réduction du taux s’énoncent ainsi.

En premier lieu, les taux du tarif 2.A ont, de façon générale, diminué depuis les 25 dernières années. Aucune preuve convaincante n’a été produite justifiant le renversement de cette tendance. À long terme, la musique est de moins en moins utilisée à la télévision, ce qui justifie une tendance continue à la baisse du tarif. L’utilisation de musique n’a pas augmenté depuis la dernière instance, de sorte qu’une augmentation du taux pour cette raison n’est pas justifiée.

En deuxième lieu, la Commission a toujours affirmé que la théorie économique de la demande dérivée n’est pas pertinente aux fins de la fixation du présent tarif. Il devrait continuer d’en être ainsi. Selon la SOCAN, la théorie permet d’établir que les redevances existantes pour la musique sont sous-estimées; cette affirmation était et demeure non fondée.

En troisième lieu, la fixation du tarif devrait tenir compte d’un certain nombre de facteurs liés au contexte. Les pressions exercées par la concurrence n’ont pas cessé de croître. Les profits réalisés par les diffuseurs privés sont restés relativement les mêmes ou ont baissé au cours des dernières années, ce qui laisse entendre également qu’une augmentation du taux n’est pas justifiée.

En quatrième lieu, les taux américains sont pertinents pour la fixation des taux canadiens. Les différences existant entre les régimes de fixation des taux ne sont pas aussi importantes que le suggère la SOCAN. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas parce qu’il existe des différences qu’il ne faut pas tenir compte du fait que le tarif américain est moins que la moitié du tarif canadien.

En cinquième lieu, la tendance des paiements en amont versés aux compositeurs est également pertinente. De l’aveu même des témoins de la SOCAN, ces paiements s’orientent également en baisse. Puisque ces taux sont déterminés sur un marché non réglementé, leur baisse appuie également une réduction du taux en aval.

L’ACTC est d’accord avec l’ACR à plusieurs égards. Elle rejette la théorie de la demande dérivée, ajoutant qu’un certain nombre d’erreurs dans l’analyse du secteur des services spécialisés empêche toute conclusion à cet égard. Elle convient que les taux américains sont pertinents et inférieurs aux taux canadiens, et qu’une concurrence accrue constitue un argument de plus en faveur d’une baisse du taux. L’ACTC avance deux autres arguments.

D’abord, puisque les paiements visés par le tarif 17 proviennent en grande partie des revenus publicitaires, les redevances de la SOCAN croissent à un rythme plus élevé que les revenus des EDR. Étant donné que ces dernières supportent finalement la moitié de la charge du tarif, on leur impose un fardeau disproportionné à long terme.

Ensuite, il devrait exister un rapport entre les redevances versées en vertu du tarif 17 et celles que la SOCAN perçoit en vertu du tarif de retransmission des signaux de télévision, même s’il y a d’importantes différences entre les deux tarifs. La SOCAN perçoit actuellement 1,7 million de dollars de droits de retransmission par année; les paiements versés en vertu du tarif 17 sont actuellement de l’ordre de 20 millions de dollars, et la SOCAN demande une hausse substantielle. L’accroissement de l’écart dans les redevances perçues au titre des deux tarifs n’est tout simplement pas justifié.

La Commission n’a pas suffisamment de preuve pour lui permettre d’évaluer la vraie valeur de la musique dans l’industrie de la télévision. La Commission ne se sent donc pas à l’aise d’augmenter le taux à 2,1 pour cent, et préfère limiter la hausse à 1,9 pour cent. La Commission s’attend à ce que, dans de futures instances, une plus grande attention soit portée à cette question. Conséquemment, la Commission maintient le taux du tarif 2.A à 1,8 pour cent jusqu’en 2001 et le porte à 1,9 pour cent pour 2002, 2003 et 2004. Le taux du tarif 17 est établi à 1,78 pour cent pour 2001 et est porté à 1,9 pour cent pour 2002, 2003 et 2004.

Il n’y a pas lieu de s’étendre sur les tendances historiques. Elles peuvent être d’une certaine utilité pour fixer des tarifs, mais en l’espèce, la Commission a d’autres motifs plus convaincants pour statuer comme elle le fait. Comme il fallait s’y attendre, les divers arguments avancés démontrent que les tendances, comme les statistiques, peuvent souvent servir au soutien d’une prétention et de son contraire.

Il n’est pas non plus utile de s’étendre sur la pertinence d’une analyse de la demande dérivée aux fins de la fixation de ces tarifs. La Commission demeure convaincue que, sans une preuve empirique directe portant sur l’évaluation économique des droits d’exécution de musique comme élément de la programmation télévisuelle ou de productions comparables, la théorie n’indique nullement comment les redevances de la SOCAN devraient changer au fil du temps, relativement à l’ensemble des dépenses engagées pour cette programmation. En outre, comme l’ACTC l’a fait remarquer et le professeur Stanley J. Liebowitz l’a reconnu, il est impossible qu’un taux unique suive de près tant les dépenses de programmation que les revenus d’un diffuseur ou d’un service. En effet, les tarifs 2.A et 17 ont été fixés en fonction des revenus et rajustés de temps à autre; par conséquent, on ne peut s’attendre à ce qu’ils restent constants par rapport aux dépenses de programmation, et la Commission, pas plus que la SOCAN d’ailleurs, n’a jamais voulu qu’il en soit ainsi.

La Commission reconnaît que la concurrence au sein de l’industrie canadienne dans son ensemble a augmenté au cours des dernières années, en particulier avec l’augmentation importante du nombre de services par câble. En même temps, cependant, la libéralisation des règles de la propriété réciproque et d’autres modifications réglementaires ont permis d’atténuer le niveau de risque concurrentiel avec lequel les diffuseurs doivent composer. Ainsi, il semble maintenant clair que les défis posés par la concurrence n’ont pas empêché l’industrie de continuer à réaliser des profits intéressants.

Selon la présente formation, les taux américains ne peuvent être utilisés comme seule base pour établir les taux canadiens. Cela dit, le montant des redevances américaines peut avoir un effet limitatif sur les taux canadiens. La preuve versée au dossier de la présente instance fait ressortir les difficultés que pose une comparaison des taux américains et canadiens, tant en amont qu’en aval. Néanmoins, la Commission se rend compte que les pourcentages effectifs aux États-Unis sont inférieurs à ceux au Canada. Selon la Commission, le chevauchement considérable du contenu de la programmation et les pressions concurrentielles sur l’industrie canadienne découlant de la proximité du marché américain, de même que l’émergence possible d’un marché nord-américain pour les droits de télévision, tendraient à limiter la mesure dans laquelle on peut augmenter les tarifs, à tout le moins pour l’instant, tout en restant juste à l’égard de l’industrie de la télévision.

Restent les deux arguments de l’ACTC. La Commission ne croit pas que la charge imposée par le tarif 17 aux EDR augmente de façon disproportionnée par rapport à leurs revenus. D’une part, toute augmentation du fardeau tarifaire devrait être comparée à la croissance des revenus des EDR dus aux services visés par le tarif, et non aux revenus globaux. En outre, l’entreprise de distribution qui estime devoir supporter moins de la moitié du fardeau ultime des redevances peut négocier ce point avec les services. Quant à la comparaison avec le tarif de retransmission, cette opération serait trop complexe pour ce qu’on en retirerait, précisément en raison des différences entre les chaînes spécialisées et payantes et les signaux conventionnels éloignés, et auxquels l’ACTC a elle-même fait allusion.

Il reste à régler la question du délai. Le tarif 17 a été homologué jusqu’à la fin de 2000 en tenant pour acquis que le taux du tarif 2.A serait de 1,8 pour cent. Une augmentation du tarif 2.A pour la période de 1997 à 2000 entraînerait un déséquilibre concurrentiel, faible mais réel, au sein de l’industrie. Par conséquent, le taux du tarif 2.A devrait demeurer à 1,8 pour cent pour cette période. En 2001, le projet de tarif de la SOCAN plafonne dans les faits le tarif 17 à 1,78 pour cent, ce qui favorise le maintien du taux du tarif 2.A à 1,8 pour cent pour cette année. La SOCAN notera que ces mesures s’apparentent, tant par leur nature que par leurs effets, à la formule progressive retenue par la Commission dans sa décision de 1998 sur le tarif 2.A.

D. L’assiette tarifaire

Tous s’entendent pour dire que les revenus bruts du diffuseur devraient constituer l’assiette du tarif 2.A. Cela dit, à partir de 2001 et à la demande de la SOCAN, la définition de «revenus bruts» est modifiée afin d’assurer que des redevances seront versées à l’égard de toutes les recettes générées par la diffusion d’une émission. La mesure répond entre autres à un changement de la structure d’affaires du réseau CTV. Elle a aussi pour effet de rendre redondant le tarif qui s’appliquait à ce réseau. Il n’y a donc plus lieu de conserver le tarif 2.E. Conséquemment, les montants versés à d’autres que la station qui diffuse l’émission seront inclus dans l’assiette tarifaire de la station à moins que la personne ayant reçu ces sommes verse à la SOCAN des redevances à l’égard de ces sommes. SOCAN, à la demande de qui le changement est effectué, ne demande pas qu’on en fasse autant pour le tarif 17; par conséquent, la définition de «revenus bruts» dans ce tarif ne reflétera pas ce changement pour l’instant.

La SOCAN conteste par ailleurs la pratique antérieure de la Commission relativement au tarif 17.

Au départ, la SOCAN avance que si les tarifs 2.A et 17 n’ont pas des assiettes tarifaires compatibles, il faut rajuster en conséquence le taux de l’un d’eux. Tout le monde semble s’entendre sur ce point.

La SOCAN soutient que les tarifs actuels ne font ni l’un, ni l’autre. Le tarif 2.A tient compte de tous les revenus du diffuseur conventionnel. Le tarif 17 ne vise que les revenus du service, qu’il s’agisse de paiements d’affiliation ou de revenus publicitaires. [8] Il n’est nullement tenu compte des revenus des EDR, pas même de la différence entre un paiement d’affiliation et ce qu’une entreprise de distribution demande à un abonné pour un service. Pour la SOCAN, une telle pratique rend incompatibles les assiettes tarifaires : selon elle, l’assiette du tarif 2.A se situe au niveau du «détail» alors que celle du tarif 17 se situe au niveau du «gros».

Pour la SOCAN, les EDR ne sont pas que de simples distributeurs de signaux. La livraison de services de télévision spécialisée et payante est considérée une communication unique pour laquelle le service et l’EDR sont solidaires. Il faut donc s’attendre de façon implicite que les revenus des deux entités entrent en ligne de compte dans le calcul des paiements de la redevance.

La Commission a examiné ces arguments en 1996. La SOCAN n’a soulevé aucun autre argument probant. La Commission estime toujours, pour les motifs exprimés en 1996, que les revenus des services constituent l’assiette tarifaire appropriée. Il convient de reprendre ou de développer certains de ces motifs. D’abord, le fait d’inclure les revenus des EDR dans l’assiette tarifaire serait contraire à la façon dont on rémunère les autres éléments créatifs utilisés dans la production de la programmation télévisuelle acquise par les services de télévision spécialisée et payante. Le fait que ces services canadiens de télévision consacrent dans leur ensemble presque le même pourcentage de leurs revenus à la programmation que les diffuseurs conventionnels justifie aussi le maintien de l’assiette tarifaire existante. Ensuite, les EDR livrent des signaux : elles n’ajoutent aucune valeur aux émissions qu’elles contiennent. On ne tient pas compte des revenus des EDR dans le tarif 2.A, même si la plupart des spectateurs ne reçoivent plus leurs signaux locaux par voie hertzienne. Enfin, à l’instar des diffuseurs conventionnels, les services de télévision spécialisée et payante engagent des frais de distribution qui, dans leur cas, suppose la livraison de leurs signaux aux EDR.

Soutenir que la responsabilité solidaire des services et des EDR est une indication que les revenus des deux entités devraient être pris en compte n’est pas un argument valide. Dans un autre contexte, la Commission a statué qu’une fois les questions juridiques réglées, les considérations économiques deviennent primordiales. [9] La Cour d’appel fédérale a souscrit à cette déclaration. [10] Comme l’indique le paragraphe précédent, les considérations économiques appuient fortement la formule retenue par la Commission dans cette affaire.

E. L’étagement du tarif

Dans leur ensemble, les services spécialisés et payants tendent à utiliser à peu près la même quantité de musique, en moyenne, que les diffuseurs conventionnels. Cela dit, la nature de la programmation de chaque service diffère grandement, tout comme les habitudes de consommation d’éléments comme la musique. Pour ce motif, certains opposants soutiennent que le tarif 17 devrait comporter plusieurs volets.

CPR demande que le tarif établisse quatre catégories ou genres de services : intérêt général, musique, sports et informations. Les services appartenant à la catégorie d’intérêt général paieraient le même taux que les stations conventionnelles, les services de musique paieraient davantage, les services des sports moins et les services d’informations, encore moins. Les proportions proposées entre les genres reflètent les différences de niveau moyen d’utilisation de la musique entre les services, comme l’indique une étude sur l’utilisation de la musique préparée pour CPR, l’entente de partage des redevances en vigueur jusqu’à la fin de 2000 et la structure tarifaire pratiquée aux États-Unis pour les services spécialisés. Les arguments avancés à l’appui de cette formule d’étagement portent sur la quantité, le rôle et l’incidence de la musique utilisée par chaque service, ainsi que le soutien exprimé par le commissaire Fenus pour cette formule dans sa dissidence de 1996. L’attribution des divers services à une catégorie donnée était fondée sur des arguments intuitifs et un rapport visant à fournir un soutien statistique aux catégories proposées.

Les Services s’opposent à l’étagement par genre, mais ils accepteraient un tarif s’inspirant du tarif de la radio commerciale. Tous les services paieraient le même taux que les stations conventionnelles, sauf ceux qui utilisent de la musique moins de 20 pour cent de leur temps d’antenne, qui paieraient 43,75 pour cent de ce taux.

La SOCAN s’oppose à tout étagement. L’étagement par genre entraînerait des distinctions et des répartitions de taux artificielles. Le fait d’accorder un taux plus faible aux services d’informations (par exemple) entraînerait un déséquilibre concurrentiel avec les diffuseurs conventionnels qui offrent une programmation similaire à divers moments de la journée. La SOCAN soutient que toute forme d’étagement des taux ne devrait pas avoir d’impact sur ses revenus.

La Commission considère que l’étagement par genre n’est pas pratique et pourrait entraîner des iniquités entre les services. Premièrement, l’étagement par genre se fonde nécessairement sur les habitudes antérieures de consommation de musique. Il peut en résulter des inégalités si ces habitudes ne sont pas très stables. Cette formule était logique en 1996, lorsque le marché était contrôlé et comptait un petit nombre d’intervenants aux habitudes de consommation très différentes. Ce n’est plus le cas. Le marché semble évoluer rapidement, comme la nature de la programmation et, partant, les habitudes d’utilisation de musique par chaque service. Deuxièmement, la nécessité d’assigner des nouveaux services à une catégorie pendant que le tarif est en vigueur exige un mécanisme à cette fin, ce qui ajoute inutilement à la complexité et aux coûts de l’administration du tarif, mis à part la question de savoir si la Commission est en mesure de le faire une fois le tarif homologué. Troisièmement, les critères utilisés comportent nécessairement un degré de subjectivité. Quatrièmement, l’étagement par genre n’impose aucune restriction sur la quantité de musique utilisée par un service. Un service d’informations pourrait utiliser beaucoup plus de musique du jour au lendemain et toujours payer le taux le plus faible.

Le fait que l’entente de partage des redevances négociée par l’industrie prévoyait trois volets ne justifie pas en soi l’adoption d’une structure à volets multiples. L’entente visait le partage existant de la responsabilité à l’égard des redevances, par abonné, et rien d’autre; elle devait immédiatement être résiliée si la Commission modifiait la structure du tarif 17.

Par contre, l’introduction pour les chaînes spécialisées et payantes d’un taux pour faible utilisation de musique s’inspirant du tarif 1.A de la SOCAN pour la radio commerciale est extrêmement intéressante. Un petit nombre de services utilisent, en moyenne, beaucoup moins de musique que d’autres. Le modèle de la radio commerciale offre certains avantages. Il a passé l’épreuve du temps. Il répartit le fardeau administratif lié à l’étagement en imposant l’essentiel à ceux qui en bénéficient, un peu à la SOCAN et pas du tout aux utilisateurs qui paient le plein taux. Les mesures incitant ceux qui se prévalent du taux inférieur à respecter les modalités du tarif sont puissantes : une contravention entraîne la disqualification instantanée. Le modèle reflète non seulement l’utilisation réelle du répertoire de la SOCAN, mais ses fluctuations au fil du temps, le tout sans qu’il soit nécessaire de modifier le tarif ou de déplacer un service d’une catégorie à l’autre. Enfin, cette mesure découragera probablement certains diffuseurs d’utiliser la LGM puisqu’il ne sera pas tenu compte des émissions bénéficiant de la LGM pour décider si une station a droit au taux inférieur. [11] Ces diffuseurs pourront décider plutôt de libérer les droits sans réclamer la LGM, afin de diminuer leur utilisation globale du répertoire de la SOCAN. [12]

Autant un taux pour faible utilisation est justifié, autant un taux plus élevé pour ceux qui utilisent beaucoup plus que d’autres le répertoire de la SOCAN ne l’est pas, du moins pour le moment. Premièrement, la présente décision va entraîner une importante augmentation des revenus de la SOCAN même si les services de musique paient le même taux que les autres; dans les faits, étant donné la modification de la formule tarifaire, la SOCAN serait incapable d’établir quelque préjudice résultant du refus de la Commission de fixer un taux pour utilisation élevée. Deuxièmement, le dossier ne contient pas suffisamment de preuve permettant de fixer le seuil d’une utilisation élevée ou ce que le taux devrait être. Troisièmement, la surveillance d’un taux majoré suscite des difficultés d’une ampleur différente de la surveillance d’un taux pour faible utilisation. Elle exige d’imposer une importante charge administrative soit aux services «normaux», qui ne profitent aucunement de la mesure, [13] soit aux services «à utilisation élevée», qui en font effectivement les frais.

Le taux pour faible utilisation de la musique ne s’appliquera pas aux stations de télévision conventionnelles. Personne ne l’a demandé. En outre, le dossier tend à appuyer la conclusion selon laquelle aucun diffuseur actuellement assujetti au tarif 2.A ne serait admissible.

Les conditions autorisant un service à payer le taux inférieur seront les mêmes, dans l’ensemble, que pour le tarif 1.A. Le service sera admissible s’il diffuse des œuvres pour lesquelles il a besoin d’une licence de la SOCAN pour moins de 20 pour cent de son temps d’antenne total (à l’exclusion des émissions dont les droits ont été libérés par une LGM) et s’il conserve et met à la disposition de la SOCAN des enregistrements complets de ses 90 derniers jours de diffusion. Le taux applicable sera de 0,8 pour cent pour l’ensemble de la période visée par le présent tarif. Toutefois, à cause des conditions à respecter pour avoir droit à cet aspect du tarif, les services ne pourront vraisemblablement pas se prévaloir de ce taux réduit pour les années antérieures à 2004. Cette mesure n’aura donc probablement aucune incidence sur les transactions antérieures.

F. Escomptes

Dans le tarif 17, le taux-portefeuille est escompté pour les systèmes de câblodistribution de taille moyenne, sur les marchés francophones, pour les transmetteurs fournissant au plus trois services compris dans le portefeuille et pour les locaux non résidentiels. Ces escomptes ont été conçus pour tenir compte de la nature du taux-portefeuille et de son incapacité de composer avec les variations dans la nature ou la composition du portefeuille d’un système à l’autre. [14] Compte tenu de l’adoption d’un taux par service, la pertinence de ces escomptes est mise en cause. [15]

L’ACTC soutient que, à l’exception de la mesure visant les transmetteurs fournissant au plus trois services, ces escomptes demeurent pertinents dans le cadre d’une structure tarifaire par service.

Quant aux locaux non résidentiels et aux systèmes de câblodistribution de taille moyenne, l’ACTC considère les escomptes comme pertinents en raison de la façon dont elle prévoit que les revenus publicitaires des services seront comptabilisés dans un tarif qui vise les EDR. Selon ce scénario, la perception des redevances est plus complexe parce que l’EDR ne connaît pas les revenus publicitaires des services. Par conséquent, la nouvelle structure tarifaire devrait toujours fonctionner selon un taux par service, par abonné aux fins de la perception, et la formule pourrait ne pas s’ajuster d’elle-même.

Quant à l’escompte sur le marché francophone, l’ACTC soutient qu’il visait surtout à aider les services de langue française. À son avis, l’escompte avait été mis en œuvre pour rendre compte des auditoires plus petits, du marché publicitaire restreint, des coûts relatifs plus élevés ainsi que des plus grandes pressions concurrentielles auxquelles font face ces services; pour ces motifs, il faudrait le conserver. TV5, dont l’avocat a décrit certaines difficultés auxquelles font face les services francophones, a appuyé ce point de vue.

Fairchild exploite deux services nationaux en langue chinoise. Elle a soutenu que les services dans une troisième langue font face à des défis semblables à ceux des services francophones. Elle était donc en faveur d’un escompte lié à une troisième langue.

La possibilité d’éliminer les escomptes n’est apparue qu’à la fin de l’instance. L’ACTC soutient que, en toute équité procédurale, les opposants et les utilisateurs potentiels n’ont pas été correctement avisés qu’ils auraient à présenter de la preuve ou des arguments sur cette question. Elle suggère donc de ne pas en traiter. La Commission n’est pas d’accord. On ne pouvait s’attendre à ce que la SOCAN traite de la modification des escomptes dans sa demande de tarif. La pertinence des escomptes est remise en cause uniquement suite à la demande de modification de la formule tarifaire présentée par les opposants. Ces escomptes ne se sont jamais appliqués aux services hors-portefeuille, lesquels ont toujours été assujettis à la formule tarifaire que l’ACTC favorise maintenant à l’égard des services du portefeuille : la question a simplement découlé de la demande de l’ACTC. Toutes les catégories possibles d’utilisateurs, notamment ceux qui ont bénéficié des divers escomptes, étaient représentées par des avocats compétents et ont eu amplement la possibilité de traiter de cette question.

Le principal argument en faveur de l’abandon des escomptes est que, si le marché des droits d’affiliation fonctionne adéquatement, il tiendra compte des facteurs (type de locaux, langue du marché, taille du système) qui peuvent avoir une influence sur le prix à payer pour les services, réduisant ainsi l’assiette tarifaire et, partant, le montant des redevances. La Commission reconnaît avec la SOCAN qu’avec une telle formule le tarif s’ajuste de lui-même. Réciproquement, si le marché ne permet pas à l’EDR de taille moyenne de payer moins cher pour un service, la Commission ne voit pas pourquoi cette EDR devrait pouvoir payer moins pour diffuser la musique incluse dans ce signal.

L’escompte sur le marché francophone a été mis en œuvre à cause du moins grand nombre de services en français et de l’écoute plus faible au Québec, par rapport au reste du Canada. [16] Désormais, les redevances s’ajustent automatiquement aux circonstances financières de chaque service, ce qui reflète la nature du marché de chacun. Il n’y a aucune raison d’obliger les compositeurs à subventionner des services ayant des auditoires plus faibles, d’autant plus que ces services semblent avoir atteint, en moyenne, des niveaux de rentabilité comparables aux services de langue anglaise.

La Commission n’a entendu aucune preuve justifiant un traitement différent des services dans une troisième langue. Par conséquent, tous les escomptes existants relatifs au portefeuille sont abandonnés.

Comme nous l’expliquerons plus tard, les craintes de l’ACTC selon lesquelles le tarif demeure effectivement un taux par abonné, ce qui pourrait justifier le maintien des escomptes, ne sont pas fondées. Il y a d’autres moyens de régler cette question, et la Commission a l’intention d’y recourir pour dissiper les soucis de l’ACTC.

G. L’ajustement en fonction des dépenses de programmation

Dans sa première décision sur le tarif 17, la Commission a rajusté le tarif portefeuille pour tenir compte du fait que les services spécialisés et payants consacraient alors à la programmation une part plus petite de leurs revenus que les diffuseurs conventionnels. Ce rajustement a été éliminé en 2000, lorsqu’on a découvert que la proportion était à peu près la même pour les deux. Les Services demandent maintenant la réintroduction d’un rajustement de 14 pour cent. Toutefois, ils n’ont pas traité de cette question dans leur argument final. Quoi qu’il en soit, la Commission n’aurait pas fait droit à leur demande. Les Services semblaient avoir utilisé dans leur calcul une méthode différente de celle ayant servi en 1996. La Commission, ayant fait ses propres calculs, a constaté que toute différence à cet égard semblait minime. [17] Personne n’a contesté ces calculs ou la méthodologie. La Commission conclut donc qu’il est inutile d’apporter un rajustement à cet égard.

H. La licence générale modifiée

Le débat touchant la LGM a occupé une large part de l’audience. Les questions soulevées à cet égard peuvent facilement se diviser ainsi. La LGM est-elle légale? Devrait-elle être maintenue? Dans l’affirmative, devrait-elle être modifiée? Et devrait-elle s’appliquer aux chaînes spécialisées et payantes?

i. La LGM est-elle légale?

L’argument de la SOCAN peut être résumé ainsi.

La Commission doit exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi conformément à l’objet de cette dernière, compte tenu de la Charte canadienne des droits et libertés (la «Charte»), des principes de droit administratif, des principes de droit international et des valeurs fondamentales de la société canadienne.

Le droit des auteurs à la protection de leurs intérêts dans leurs œuvres s’est vu reconnaître le statut de droit de la personne au niveau international.

La Loi vise notamment à protéger les auteurs contre l’utilisation non autorisée de leurs œuvres ainsi qu’à promouvoir la gestion collective. Les sociétés de gestion sont essentielles à la protection des auteurs contre les utilisations non autorisées et à leur juste indemnisation, et par conséquent à la promotion des objets plus généraux de la Loi. Dans les faits, la gestion collective est désormais un droit fondamental des auteurs.

Les réponses collectives aux défis sociaux et économiques font partie des valeurs fondamentales de la société canadienne. Le marché à lui seul ne fournit pas toutes les solutions permettant de relever les défis particuliers auxquels fait face le Canada. La négociation individuelle découle d’une approche culturelle et philosophique américaine distincte à l’égard de la négociation, fondée sur les rapports individuels et une méfiance à l’égard des solutions collectives.

On peut voir dans le recours de plus en plus fréquent à la gestion collective le pendant de la croissance et de la généralisation de la négociation collective dans le domaine de l’emploi. Les deux phénomènes sont apparus en réponse au déséquilibre existant entre le pouvoir des fournisseurs de travail (intellectuel ou physique) et celui de ceux qui utilisent ce travail.

La LGM est contraire aux objets de la Loi. Elle porte atteinte à la liberté d’association de l’auteur. Dans la mesure où, sans la sécurité économique qu’assure l’appartenance à une association, l’artiste peut se voir compromis au niveau artistique, la LGM peut même léser le droit à la liberté d’expression. Combinée à une réduction du tarif général, la LGM porte atteinte à l’intégrité des sociétés de gestion et va à l’encontre de l’objet pour lequel celles-ci ont été créées par la Loi.

Il est inutile d’examiner les arguments avancés par l’ACR en réponse à la SOCAN. L’analyse qui suit en rend compte lorsqu’ils sont pertinents.

I. Analyse

L’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [18] établit que le pouvoir discrétionnaire doit être exercé dans les limites imposées par la loi, les principes de la primauté du droit, les principes de droit administratif, les valeurs fondamentales de la société canadienne et les principes de la Charte. La SOCAN soutient que la LGM va à l’encontre des objets de la Loi, des valeurs fondamentales de la société canadienne et des principes de la Charte.

La question de savoir si la LGM est conforme aux objets sous-jacents de la Loi a été réglée dans l’arrêt SOCAN c. ACR. [19] La Cour d’appel fédérale a alors statué que la Commission a le pouvoir d’adopter la LGM. La Commission ne peut avoir le pouvoir de faire ce qui va à l’encontre des objets de la Loi. Par conséquent, elle doit reconnaître que la LGM respecte les objets sous-jacents de la Loi tant que la Cour n’aura pas statué le contraire.

Il reste à régler la question de savoir si la LGM est contraire aux principes de la Charte ou aux valeurs fondamentales de la société canadienne. La SOCAN a raison de dire que ces questions restent posées, puisque la Cour d’appel fédérale ne les a pas examinées dans l’arrêt SOCAN c. ACR. [20] Ces questions peuvent être traitées ensemble, puisque les arguments de la SOCAN à cet égard se chevauchent. Ces arguments s’appuient sur deux propositions.

Selon la première proposition, la gestion collective du droit d’auteur est d’une importance capitale telle pour l’économie de la Loi qu’elle est devenue un droit fondamental des auteurs. La SOCAN défend cette proposition en mettant trop d’emphase sur l’importance de la gestion collective dans l’économie de la Loi. Une fois la gestion collective replacée dans sa perspective réelle, l’exagération de la proposition devient apparente. La Commission ne trouve dans la Loi aucun fondement à cette proposition selon laquelle la gestion collective du droit d’auteur est devenue un droit fondamental des auteurs.

Ainsi, la déclaration de la SOCAN selon laquelle la promotion de la gestion collective fait partie des objets de la Loi va trop loin. La gestion collective est sans aucun doute devenue l’un des outils privilégiés pour régler les questions de droit d’auteur. La gestion collective du droit d’auteur est plus que jamais au centre du système canadien de droit d’auteur. Il y a dans la Loi de fortes incitations pour les ayants droit à se regrouper. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit l’outil par excellence ou même un outil convenable, dans tous les cas.

Dans certains régimes établis par la Loi, la gestion collective assume un rôle de premier plan; même dans ces cas, elle ne constitue pas le seul outil dont disposent les titulaires de droits. En matière de retransmission, de droits éducatifs ou de copies de diffusion éphémères, le seul recours pratique dont dispose le titulaire est de s’adresser à une société de gestion bénéficiant d’un tarif homologué. Et pourtant, même dans ce cas, le titulaire qui décide de ne pas adhérer à une société peut réclamer sa part des redevances. En d’autres termes, même lorsque la Loi consacre la gestion collective comme l’outil par excellence, elle donne quand même au titulaire de droits le choix de ne pas adhérer à une société de gestion.

La gestion collective a un rôle un peu moins important dans le régime de la SOCAN. Les auteurs demeurent libres de s’occuper eux-mêmes de leurs droits d’exécution de la musique. Ceux qui décident de s’occuper de leurs droits collectivement doivent respecter des conditions qu’ils n’ont pas à observer lorsqu’ils s’occupent eux-mêmes de leurs droits. En fait, la gestion collective est autorisée. Elle n’est ni encouragée ni imposée; elle est simplement rendue possible.

Selon la SOCAN, la gestion collective, de par sa nature, supprime la liberté de contracter individuellement et relègue l’établissement de la rémunération à la Commission. Cela est inexact tant pour le régime de la SOCAN que de façon générale. La Loi n’oblige pas un compositeur à adhérer à la SOCAN ou à lui faire cession exclusive de ses droits d’exécution. Quant aux autres droits, les sociétés de gestion au Canada et partout au monde mettent souvent en œuvre des formes d’entente autres que la cession exclusive. L’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux a recours à des contrats de mandat non exclusifs. Access Copyright a recours à des cessions non exclusives. Deux des sociétés américaines de gestion des droits d’exécution ne sont pas autorisées à demander une cession exclusive. Toutes les sociétés de gestion européennes de droits d’exécution de musique sont tenues, dans une certaine mesure, d’autoriser certaines transactions individuelles. Enfin, dans le cadre du régime général canadien, la gestion collective et la négociation individuelle peuvent clairement coexister : même lorsqu’un tarif est en vigueur, les ententes prévalent.

Par conséquent, toute comparaison avec la négociation collective dans le domaine des relations de travail est au mieux boiteuse. L’historique de la gestion collective n’est pas aussi long, diversifié (ou violent) que celui de la négociation collective. Les sociétés de gestion n’ont acquis une légitimité pleine et entière qu’en 1989, longtemps après que les régimes de négociation collective canadiens ont été bien implantés. Les contrats individuels sont presque un anathème en négociation collective. Par contre, au Canada, la norme veut que les auteurs puissent toujours s’occuper de leurs droits, même lorsqu’une société de gestion existe. Témoignant au nom de la SOCAN et se fondant à cet égard sur l’ouvrage fondamental de Mihály Ficsor, le professeur Daniel J. Gervais a dit que la gestion collective obligatoire est un outil à utiliser uniquement lorsque la gestion individuelle est impossible.

Selon la deuxième proposition de la SOCAN, la LGM lèse les droits des auteurs dans le contexte du régime de la SOCAN. Cet argument est également inexact. La LGM ne lèse pas le droit d’association. Les auteurs demeurent libres d’adhérer à la SOCAN. [21] Ils demeurent libres de refuser de transiger leurs droits d’exécution par des voies autres que la SOCAN. Le fait que les pressions exercées par le marché puissent les inciter à agir autrement n’est pas pertinent. Point encore plus important, la LGM, comme on la pratique actuellement, n’est mise en œuvre que lorsqu’on demande à l’auteur de composer une nouvelle œuvre. Ceux qui composent à la demande d’un utilisateur peuvent avoir recours à la négociation collective; lorsqu’ils traitent avec un secteur réglementé par le gouvernement fédéral (comme les diffuseurs), ce droit est même garanti par la loi. [22] En fait, on pourrait dire que l’absence de LGM lèse le droit des non-membres de la SOCAN de ne pas s’associer : lorsque la SOCAN obtient une part des revenus générés par une émission utilisant des œuvres musicales dont les droits d’exécution ne lui appartiennent pas, il devient difficile pour le propriétaire des droits de négocier le prix à payer pour la communication de cette musique.

Il est inutile de s’attarder trop longtemps à l’argument selon lequel la LGM peut porter atteinte à la liberté d’expression. Les auteurs ont toujours eu à faire des compromis financiers et artistiques lorsqu’ils travaillent à une production télévisée ou cinématographique, comme l’a établi clairement le témoignage du groupe de compositeurs. Point encore plus important, la liberté d’expression ne comporte pas le droit d’être joué ou celui d’être payé.

Quant à l’argument voulant que le droit des auteurs à la protection de leurs intérêts dans leurs œuvres bénéficie du statut de droit de la personne au niveau international, il ne contribue tout simplement rien à l’analyse. À supposer, aux fins de la discussion, que la reconnaissance accordée aux auteurs par la Déclaration universelle des droits de l’homme ait quelque impact juridique au Canada, le fait demeure que cette reconnaissance porte sur la protection des intérêts des auteurs dans leurs œuvres, et non les moyens par lesquels cette protection est accordée ou exercée.

Une partie de l’argument de la SOCAN repose sur la proposition selon laquelle la LGM vise à soustraire la fixation des redevances au processus de gestion collective pour la retourner au propriétaire individuel du droit d’auteur. Encore une fois, c’est inexact. Comme l’indique la décision de la Commission de 1998 sur le tarif 2.A, la LGM ne vise pas à imposer un modèle commercial particulier ou spécifique mais à rendre disponible une option permettant les transactions individuelles. Que la LGM utilisée dans le marché pertinent ait comme effet pratique d’imposer ce modèle commercial aux compositeurs est une question de fait, dont la Commission pourrait ou non vouloir tenir compte pour décider du maintien de la LGM.

Les arguments de la SOCAN sur les questions de droit sont donc rejetés. Par conséquent, il est inutile d’examiner la question de savoir si la SOCAN était tenue de respecter l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale.

i. La LGM devrait-elle être maintenue?

La SOCAN désire l’abolition de la LGM. En bref, voici les arguments qu’elle a présentés à cet égard.

Premièrement, la LGM est incompatible avec la notion de licence générale, qui traite nécessairement de tous les droits d’exécution de la musique utilisée dans toute la programmation.

Deuxièmement, les diffuseurs peuvent sélectionner minutieusement les émissions générant des revenus élevés et utilisant peu de musique aux fins de la LGM. Une telle pratique favorise l’inefficacité et entraîne des réductions non justifiées des revenus de redevances de la SOCAN.

Troisièmement, la LGM permet aux diffuseurs de tirer injustement partie de leur position dominante sur le marché. Une analyse de plusieurs mesures de concentration du marché pour les services conventionnels et les chaînes spécialisées et payantes démontre l’importance de ce pouvoir. Le pouvoir de négociation des compositeurs est nettement plus faible. Plusieurs ont témoigné qu’ils s’opposent fermement à la LGM, que le déséquilibre entre leur pouvoir de négociation et celui des producteurs est profond et qu’ils seront incapables d’obtenir un traitement équitable dans le cadre d’ententes de LGM. Ils ont ajouté que la LGM lèse les droits des compositeurs et force ces derniers à chercher des moyens autres que la SOCAN pour protéger leurs droits. N’eût été de la LGM, la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film n’aurait pas demandé (et obtenu) l’accréditation en vertu de la loi fédérale sur le statut de l’artiste.

Quatrièmement, les rapports d’utilisation de musique fournis en vertu du tarif démontrent que les diffuseurs ont utilisé à plusieurs reprises de la musique nécessitant une licence de la SOCAN dans des émissions pour lesquelles ils avaient demandé la LGM. Ces violations des modalités expresses du tarif sont la preuve que les difficultés opérationnelles inhérentes à la LGM sont considérables et forceront éventuellement la SOCAN à engager des sommes importantes pour la surveillance et l’exécution. L’élimination de la LGM permettrait facilement d’éliminer ces frais.

À quelques exceptions près, la Commission ne partage pas les vues de la SOCAN.

En premier lieu, la LGM n’est pas incompatible avec la notion de licence générale. C’est même une licence générale, puisqu’elle assure à l’utilisateur l’accès au répertoire de la SOCAN. Quoi qu’il en soit, aucune disposition de la Loi n’oblige la Commission à toujours recourir à une licence générale, peu importe ce qu’on entend par là.

En deuxième lieu, le fait que les diffuseurs sélectionnent minutieusement les émissions qu’ils assujettissent à la LGM n’est en soi ni répréhensible ni inefficace. Le dossier de la présente instance tend à établir que les revenus, plus que l’utilisation de la musique, amènent les diffuseurs à utiliser la LGM. D’une part, cet arrangement permet aux diffuseurs et aux compositeurs visés par la LGM de maximiser leurs revenus. D’autre part, la SOCAN n’a pas convaincu la Commission que les compositeurs, en tant que groupe, s’en trouvent désavantagés de manière significative. Par conséquent, rien au dossier n’établit que la LGM est inefficace en soi ou dans son application actuelle.

En troisième lieu, l’analyse de la SOCAN sur la concentration du marché actuel demeure sans fondement, comme l’étaient les tentatives antérieures du même genre. Cette analyse ne tient toujours pas bien compte du marché pertinent pour les services des compositeurs. En outre, la preuve relative aux effets de la LGM sur les contrats conclus entre compositeurs et diffuseurs demeure anecdotique. Aucun des compositeurs ayant accepté les contrats de LGM les plus lucratifs n’a été appelé à témoigner par la SOCAN ou l’ACR. Point plus important, la Commission estime qu’il est possible d’amenuiser les risques d’abus de leur position dominante sur le marché par d’autres moyens, comme nous le verrons plus loin.

Par contre, la SOCAN a clairement démontré qu’on a utilisé de la musique de la SOCAN dans des émissions assujetties à la LGM. Cela dit, le tarif tient déjà compte de ce risque : tout ce que la SOCAN a à faire est de demander aux contrevenants ce à quoi elle a clairement droit. La disposition de tolérance zéro proposée par l’ACR est donc inutile dans le tarif, sous réserve de ce que nous ajouterons plus loin.

L’ACR a avancé d’autres arguments qui reprennent plus ou moins ceux invoqués en 1998, notamment celui qu’une formule cherchant à faire entrer tout le monde dans le même moule est inutile et inéquitable, qu’il y a un «découplement» entre les paiements et les distributions de redevances, et que la LGM réduit les pratiques non efficientes inhérentes aux mécanismes internes de distribution des revenus de la SOCAN. Ces arguments n’ont pas été pris en compte dans la présente décision.

En bout de piste, ce qui importe vraiment sur cette question, c’est que la LGM en est encore à ses premiers balbutiements. Les premières ententes remontent à deux ou trois ans. De toute évidence, les diffuseurs ont économisé beaucoup d’argent. Par ailleurs, aucune preuve précise n’établit que les compositeurs ont été lésés ou que le nouvel arrangement améliore nécessairement la situation des compositeurs en tant que groupe dans son ensemble. Les quelques ententes que la Commission ait pu consulter ne permettent pas de se former une opinion sur la probabilité que les compositeurs soient traités équitablement lors de négociations futures. Enfin, il n’y a aucune preuve que la SOCAN a été minée par la LGM. L’avenir nous dira si la LGM pourra survivre à plus long terme. La Commission souligne que les compositeurs et les diffuseurs n’ont eu qu’un nombre limité d’occasions d’en faire l’expérience concrète. La Commission considère donc qu’il serait prématuré de mettre fin à la LGM.

ii. La LGM devrait-elle être modifiée?

Si la LGM est maintenue, la SOCAN demande à ce qu’elle soit modifiée de quatre façons. Premièrement, les avantages qu’elle confère devraient être égaux aux redevances d’exécution versées directement aux compositeurs, et non aux revenus associés aux émissions dont les droits ont été libérés. Deuxièmement, le taux général devrait être augmenté pour compenser la SOCAN des économies fortuites que réalisent les diffuseurs par suite de la LGM. Troisièmement, les surcharges actuelles devraient demeurer les mêmes. Il est trop tôt pour évaluer correctement les frais liés à la mise en œuvre et à la gestion quotidienne de la LGM. Ces frais pourraient même augmenter : il faudrait augmenter la surveillance et l’application étant donné les nombreuses violations survenues jusqu’à maintenant. Quatrièmement, les stations utilisant la LGM devraient être tenues d’informer la SOCAN et les compositeurs des revenus publicitaires totaux générés par les émissions assujetties à la licence. Une telle pratique compenserait le désavantage des compositeurs dans leurs négociations.

Pour sa part, l’ACR propose un régime de tolérance zéro pour les utilisateurs qui ont recours au répertoire de la SOCAN dans une émission qu’ils assujettissent à la LGM. Elle propose également de réduire le niveau des surcharges actuelles; selon elle, la SOCAN n’en a justifié aucune.

Deux des arguments de la SOCAN ne résistent tout simplement pas à l’analyse. Faire correspondre les bénéfices découlant de la LGM aux redevances versées aux compositeurs la viderait de toute son utilité. En outre, ce ne sont pas toutes les économies importantes qui sont fortuites; si cela était vrai, il en serait de même des revenus plus élevés que la SOCAN touchera par suite de la présente décision.

Les raisons qui militent en faveur du maintien de la LGM favorisent également le moins de changements possibles. Ainsi, la Commission croit qu’il serait prématuré d’en modifier les modalités, notamment les surcharges actuelles. La stabilité est nécessaire dans l’ensemble si la Commission veut se former une idée adéquate de la LGM, à deux exceptions près.

La Commission conclut que la LGM ne devrait être disponible que pour les productions internes des diffuseurs, et ce pour plusieurs raisons. Cela fait en sorte que la personne qui fait une fausse déclaration à l’égard de la LGM sera la seule à supporter les coûts liés à cette déclaration, ce qui facilitera l’imposition de sanctions supplémentaires pour une telle déclaration. Ensuite, la LGM a, semble-t-il, été utilisée uniquement pour la programmation interne d’un réseau ou d’une station. Puis, point des plus importants, cela permet aux compositeurs de rétablir tout déséquilibre apparent au moyen de la négociation collective. Tous les diffuseurs sont assujettis à la loi fédérale sur le statut de l’artiste qui, pourrait-on prétendre, existe pour rétablir l’équilibre du pouvoir de négociation entre artistes (notamment les compositeurs) et producteurs (notamment les diffuseurs). On peut alors laisser à l’agent négociateur des compositeurs le soin d’obtenir les renseignements nécessaires afin de mener une négociation efficace, et il devient inutile d’évaluer l’opportunité du mécanisme d’échange de renseignements demandé par la SOCAN. Cette mesure entrera en vigueur 60 jours après la publication du tarif, afin de permettre la conclusion de toute négociation concernant l’utilisation de musique dans les émissions qui sont actuellement admissibles à la LGM mais ne le seraient plus par suite de la présente décision.

La Commission conclut aussi qu’il faut décourager encore davantage toute réclamation au titre de la LGM relativement à une émission pour laquelle tous les droits d’exécution de la musique n’ont pas été libérés. La SOCAN a déjà droit au plein montant prévu par le tarif relativement à ces émissions. Malgré tout, le seul risque que court le contrevenant est de payer ce qu’il doit de toute façon si on le prend en défaut. Le coût des réclamations fautives au titre de la LGM devrait être plus élevé. Par conséquent, ceux qui présentent des réclamations fautives devront payer le plein tarif pour la programmation en question et n’auront pas le droit de demander un crédit pour les surcharges versées au titre de l’émission délinquante. Cette mesure entrera en vigueur 30 jours après la publication du tarif, mais après cette date, elle s’appliquera aux réclamations antérieures. Étant donné le dossier de la présente instance, les diffuseurs auraient dû examiner l’utilisation antérieure qu’ils ont faite de la LGM et corriger toute erreur de paiement il y a longtemps. La Commission leur accorde quand même 30 jours de plus pour ce faire. Après, ils auront à payer les coûts supplémentaires liés aux contraventions antérieures.

iii. Faut-il offrir la LGM à la télévision spécialisée et payante?

La SOCAN soutient que rien ne justifie d’offrir la LGM aux chaînes spécialisées et payantes et qu’une telle mesure serait de toute façon trop complexe et trop coûteuse. L’ACTC et d’autres intervenants ont suggéré que ces chaînes soient traitées de la même façon que les diffuseurs conventionnels.

La Commission convient que les chaînes spécialisées et payantes devraient avoir accès à la LGM en fonction des mêmes modalités que les diffuseurs conventionnels. Cela s’inscrit dans la même ligne que la conclusion de la Commission selon laquelle il faut traiter les deux secteurs de l’industrie de la même façon. Les arguments de la SOCAN à cet égard étaient tout simplement imprécis et non convaincants.

Le fait de donner aux chaînes spécialisées et payantes accès à la LGM soulève quelques questions de mise en œuvre. Les diffuseurs conventionnels ne touchent que des revenus publicitaires et versent eux-mêmes leurs redevances. Les services, par contre, touchent aussi des revenus d’affiliation; qui plus est, les redevances versées pour la communication du service sont souvent si ce n’est toujours payées par le transmetteur.

Le fait que les transmetteurs versent les redevances la plupart du temps ne crée pas de problème en soi. Les services ayant recours à la LGM seront fortement incités soit à partager avec le transmetteur les renseignements nécessaires pour réclamer l’escompte, soit à verser leurs redevances directement à la SOCAN. Dans l’un ou l’autre cas, les renseignements nécessaires à la mise en œuvre de la LGM seront transmis à ceux qui en ont besoin.

Si l’on permet aux services spécialisés et payants de recourir à la LGM, il faut se demander s’il y a lieu de tenir compte des revenus d’affiliation et, le cas échéant, comment. Ces revenus ne sont pas liés à l’écoute, aux revenus publicitaires ou à toute autre chose qui permettrait de les imputer directement à une émission donnée, ce qui laisse trois possibilités. La première est de n’en tenir aucun compte. Selon la Commission, une telle décision serait inéquitable : les bénéfices découlant de l’utilisation de la LGM ne devraient pas dépendre de la nature des flux de revenus du diffuseur. La deuxième est d’imputer les revenus d’affiliation en fonction des revenus publicitaires. Ceci est impossible pour les services qui ne comptent que sur les revenus d’affiliation. Cette formule peut également créer des distorsions lorsqu’un service ne retire qu’une faible partie (disons moins de 10 pour cent) de son revenu total de la publicité. La troisième est d’imputer les revenus d’affiliation en fonction du temps d’antenne. Cette solution est loin d’être parfaite; entre autres, elle ne tient pas compte de la popularité relative (et par conséquent de la rentabilité) de chaque émission. Elle a l’avantage d’être simple. Elle sera utilisée dans le tarif homologué, sauf pour les services à la carte dont les revenus, de par la nature même du service, peuvent être facilement reliés à l’émission en cause.

J. Les questions de mise en œuvre

Une entreprise de distribution sait combien elle verse en paiements d’affiliation à un service, tout comme le service. Par contre, seul le service connaît le montant de ses revenus publicitaires, du moins jusqu’à ce que le CRTC publie ces données, habituellement en février, pour l’année se terminant le 31 août précédent. Cela veut dire que l’EDR, la cible de choix de la SOCAN pour la perception du tarif, n’a pas tous les renseignements dont elle a besoin pour calculer combien verser à la SOCAN.

Les participants ont proposé certaines mesures pour remédier à ce manque de renseignements. La SOCAN est disposée à percevoir les redevances en fonction des paiements d’affiliation courants et des revenus publicitaires de l’année précédente. Dès la publication des revenus publicitaires des services par le CRTC, les renseignements serviraient à rajuster les paiements de redevances pour le mois de janvier antérieur et à déterminer le paiement des mois suivants de l’année en cause. Pour sa part, l’ACTC a proposé une formule faisant appel à la conversion du taux par service en un taux par abonné, par mois.

Selon la Commission, les méthodes proposées par les participants sont toutes deux trop complexes et inéquitables. Elles entraînent un décalage important dans le versement des redevances. Dans un secteur qui évolue aussi rapidement que la télévision spécialisée et payante, ce n’est pas souhaitable. Dans les faits, la formule préconisée par l’ACTC ramène le tarif à une formule portefeuille. Comme l’a souligné la SOCAN, elle ne tient pas compte des services nouvellement lancés. Enfin, si un service fermait ses portes pendant l’année, le décalage qu’entraînent ces formules ferait en sorte que les auteurs perdraient purement et simplement leur juste part des revenus publicitaires.

La Commission est d’avis qu’il suffit d’assurer un échange efficace de renseignements pour surmonter cet obstacle. Chaque EDR disposera d’un mois pour informer le service du nombre de ses abonnés recevant le service et du montant payable pour la transmission de ce service. Pour sa part, le service qui décide de ne pas payer les redevances directement à la SOCAN disposera d’un mois pour fournir à chaque EDR qui transmet son signal les données nécessaires au calcul des redevances sur les revenus de publicité, à la prise en compte des émissions affranchies au moyen de la LGM ou au versement de redevances à titre de petit utilisateur. Enfin, chaque EDR disposera d’un autre mois pour calculer et verser la redevance de la SOCAN. Le tarif fait en sorte que la SOCAN reçoive copie de toute l’information pertinente.

Les redevances pour l’utilisation de musique durant un mois donné seront fonction des revenus du service durant ce mois et payables le dernier jour du troisième mois suivant. Il en découle deux conséquences immédiates pour la SOCAN. Premièrement, elle perdra certains revenus d’intérêts. Deuxièmement, la mise en place du tarif entraînera une interruption de paiement des redevances pour une période de deux mois. En ce qui concerne le premier point, la Commission compte que la perte d’intérêts sera compensée par le fait de ne pas devoir se livrer continuellement à de nouveaux calculs. On pourra ajuster le tir par la suite, après avoir vécu un certain temps avec le nouveau tarif. Pour ce qui concerne le second point, tout ce que la Commission peut dire est que cela découle inéluctablement de son choix de nouvelle formule tarifaire.

Le succès du nouveau tarif dépendra en grande partie de la capacité des participants à partager l’information en temps voulu. Un petit nombre de rapports tardifs pourrait augmenter considérablement le fardeau administratif. La Commission a songé à prendre des mesures visant à faire porter à ceux qui fournissent des renseignements incorrects ou tardifs le fardeau qui en découle. Il n’est probablement pas possible de procéder ainsi, puisque la Commission ne peut départager la responsabilité des débiteurs conjoints et solidaires. [23] On aurait pu songer à imposer à celui qui fournit des renseignements incorrects ou tardifs une pénalité payable à son codébiteur. On pourrait peut-être procéder ainsi au titre des modalités du tarif. Malheureusement, cette suggestion a été faite pour la première fois lors de la dernière ronde de consultations sur le libellé du tarif; on n’en sait pas assez pour évaluer la viabilité de la proposition. On pourra y revenir lors des prochaines audiences.

La seule question qui reste à régler concerne la façon de calculer le montant des redevances payables au titre des revenus publicitaires d’un service. C’est la première fois que cette formule est utilisée dans le tarif 17; la Commission désire donc que les choses restent le plus simple possible. Par conséquent, le chiffre que devra fournir le service aux entreprises de distribution est le résultat de la division des revenus publicitaires du service pour un mois par le total d’abonnés canadiens au service le premier jour de ce mois. Le transmetteur aura alors simplement à multiplier ce montant par le nombre de ses clients qui sont abonnés au service. La question peut être revue plus tard si, par exemple, les transmetteurs désirent que la formule tienne compte de la possibilité que tous les transmetteurs ne paient pas le même prix pour un service donné.

La SOCAN désire continuer de percevoir les redevances des transmetteurs. Personne n’a proposé de changement à cet égard. L’ACTC a bien intimé que le fait de le demander aux services simplifierait la gestion du tarif, tout en reconnaissant que tout changement à cet égard relevait de la SOCAN.

Pour paraphraser une décision antérieure de la Commission portant sur les services sonores payants, la SOCAN a le droit de demander paiement à l’EDR ou au service, que le tarif vise l’une ou l’autre. Elle est libre de demander paiement à l’entreprise de distribution dans un cas et au fournisseur de service dans l’autre. Dans les circonstances, la seule approche raisonnable est de ne rien dire. Cela dit, comme l’avait statué la Commission dans cette décision :

«L’industrie n’en est pas pour autant incapable d’agir sur l’identité de celui qui verse les redevances. Une société de gestion ne peut exiger de quiconque d’être payée avant que la dette soit échue. Il en découle que les débiteurs solidaires sont libres de convenir entre eux de celui qui s’acquitte de la dette. Tant et aussi longtemps que le paiement respecte l’échéance, la société de gestion n’a probablement d’autre choix que de l’accepter.» [24]

Durant les consultations portant sur le libellé du tarif, des participants ont soulevé certaines craintes qui découlent inéluctablement de l’incapacité de la Commission de départager la responsabilité des débiteurs solidaires. Ainsi, on a proposé d’empêcher les co-débiteurs de décider à chaque mois lequel d’entre eux acquittera les redevances. Selon la Commission, le tarif ne peut imposer des arrangements entre co-débiteurs ou encore dicter la durée de ces arrangements. Ces questions relèvent des intéressés et des tribunaux civils, pas de la Commission.

La SOCAN craint aussi qu’un service paie uniquement les redevances découlant de ses revenus bruts, ou seulement la part dont il est responsable. Le droit privé comporte des règles portant sur les paiements partiels, qui déterminent si la SOCAN a l’obligation d’accepter de tels paiements. La Commission ne ressent pas le besoin d’ajouter à ces règles.

La SOCAN a aussi proposé que le service qui verse des redevances à l’égard des EDR qui transmettent son signal devrait le faire à l’égard de toutes les EDR, ou pas du tout. Cette suggestion, qui pourrait avoir un certain mérite du point de vue pratique, ne tient pas suffisamment compte de ce qui se produit du point de vue juridique lorsqu’une EDR transmet le signal d’un service. La transmission de chaque signal constitue une communication distincte pour laquelle des personnes différentes sont responsables. Il ne conviendrait pas de traiter de ces responsabilités distinctes comme si elles constituaient une transaction unique.

Malgré les difficultés possibles, l’ACTC et CPR ont affirmé qu’une formule tarifaire par service pouvait être mise en œuvre rétrospectivement. Par ailleurs, les Services ont prétendu que cela pourrait être très complexe et ont suggéré qu’un taux par service ne devrait être mis en œuvre qu’à compter de 2004. La Commission souscrit à l’opinion de l’ACTC et de CPR sur cette question.

Enfin, l’ACTC a proposé l’adoption d’un tarif fixe par abonné pour les canaux communautaires et les services alphanumériques, puisque aucun revenu particulier ne peut leur être facilement attribué. Ces services sont d’une importance marginale pour l’application du tarif. Comme l’a suggéré l’ACTC, le taux est fixé à 0,14¢ par mois, par abonné.

K. Les services spécialisés américains

Jusqu’à maintenant, l’assiette tarifaire des redevances versées au titre des services spécialisés américains n’est constituée que des paiements d’affiliation à ces services. Il en est ainsi parce que la Commission a présumé que ces services ne reçoivent aucun revenu publicitaire du marché canadien. Il faudra réexaminer cette hypothèse le plus tôt possible. Ainsi, en raison de la façon dont ce tarif comptabilise les revenus publicitaires d’un service, il est simple d’en faire de même avec les services américains. Toutefois, cette question sera réglée une autre fois, car les participants ne l’ont pas du tout examinée.

L. Les petits systèmes de transmission par fil

À l’heure actuelle, les petits systèmes de transmission par fil paient un taux préférentiel de 10 $ par année. Aucune modification n’a été suggérée.

Les petits systèmes de transmission par fil ont droit, en vertu de la loi, à un taux préférentiel. Cela dit, comme la Commission l’a fait remarquer récemment, lorsqu’un tarif est fixé en fonction d’un pourcentage de l’assiette tarifaire, il est plus simple et plus juste d’accorder la préférence nécessaire en donnant un escompte sur le taux principal. Étant donné que la question n’était pas à l’ordre du jour, elle sera traitée une autre fois.

Certains participants ont proposé, dans le but de simplifier l’administration du tarif, qu’un petit système bénéficie du traitement préférentiel que lui accorde la Loi uniquement si c’est l’EDR qui verse les redevances payables à l’égard du système. Même si cela était permis, la Commission ne croit pas que la possibilité de se prévaloir du traitement préférentiel doive dépendre de qui verse les redevances. Cela dit, il tombe sous le sens que les redevances payables à l’égard d’un petit système devraient être versées par son exploitant. Il faut souhaiter que les intéressés se gouverneront en conséquence.

L’ACTC a demandé que l’expression «petit système de transmission par fil» soit définie de la même façon que dans le Tarif de retransmission 2001-2003 et le Tarif SOCAN-SCGDV pour les services sonores payants (1997-2002). Dans les deux cas et à la demande de tous les intervenants, la Commission a modifié le libellé de la définition prévue par le Règlement sur la définition de petit système de transmission par fil (DORS/94-755) pour tenir compte de la récente Ordonnance d’exemption pour les petites entreprises de câblodistribution (annexe I, Avis public CRTC 2001-121, 7 décembre 2001). Il s’agissait d’une solution pratique à un problème pratique qui, par sa nature même, devait être temporaire : tout le monde s’attendait à ce que le Règlement soit modifié en fonction de l’ordonnance d’exemption.

La modification prévue se fait encore attendre. La Commission se demande maintenant si elle a le pouvoir de procéder ainsi. Habituellement, un instrument subordonné (le tarif) n’est pas censé modifier un instrument d’un ordre supérieur (le règlement). Il pourrait donc être malavisé de procéder comme la Commission l’a fait dans les décisions antérieures.

Par le passé, lorsque des utilisateurs présentaient un profil très semblable à d’autres ayant bénéficié d’un traitement préférentiel, la Commission traitait le premier groupe comme le deuxième, convaincue que toute autre solution serait injuste pour le premier groupe. En voici un exemple, dans la décision de la Commission de 1996 sur le tarif 17 :

«Enfin, la Loi et le Règlement sur la définition de petit système de transmission par fil garantissent un taux préférentiel uniquement aux systèmes de transmission par fil. Ne pas accorder le même traitement aux autres petits exploitants entraînerait un avantage économique artificiel fondé sur la technologie utilisée pour livrer le service, sans bénéfices significatifs pour la SOCAN.»

Le même raisonnement s’applique à l’espèce. Par conséquent, les systèmes qui auraient perdu leur statut de petit système de transmission par fil par suite de l’ordonnance d’exemption du CRTC verseront les mêmes redevances que les petits systèmes de transmission par fil.

M. Le montant des redevances

En 1992, on a versé environ 23,7 millions de dollars en redevances en vertu du tarif 2.A. En 2002, ce montant s’élevait à environ 28 millions de dollars. En d’autres termes, les paiements ont crû au taux annuel de 1,7 pour cent alors que les revenus des diffuseurs ont augmenté de 2,5 pour cent pendant la même période. Le taux de croissance aurait été supérieur si la Commission n’avait pas réduit le tarif de 2,1 à 1,8 pour cent. De plus, la LGM a réduit les revenus de 2002 d’environ 2 millions de dollars.

Les redevances au titre du tarif 17 sont passées de 6,8 millions à au moins 22,9 millions de dollars au cours des dix dernières années, soit une hausse d’environ 13 pour cent par année; pendant la même période, les revenus des services ont augmenté de 15,7 pour cent par année. En outre, la Commission estime que les redevances de 2002 pourraient être sous-évaluées de 5 millions de dollars. Le montant déclaré pour cette année ne reflète pas pleinement les revenus attendus pour cette période. De plus, comme le prévoit le paragraphe 68.2(3) de la Loi, le tarif homologué de 2000 a continué de s’appliquer de façon provisoire après son expiration. Le taux-portefeuille est demeuré le même, alors que les revenus des services du portefeuille ont continué de croître. Par conséquent, le taux-portefeuille effectif est tombé sous la barre du 1,6 pour cent implicitement homologué dans la décision de la Commission du 16 février 2001 sur le tarif 17.

Utilisant 2002 comme année de base, la Commission estime que la hausse du tarif 2.A de 0,1 point de pourcentage devrait augmenter les redevances d’environ 1,6 million de dollars.

Quant au tarif 17, plusieurs facteurs auront une incidence sur le total des redevances générées. Le taux effectif pour les services spécialisés canadiens passe de 1,6 à 1,9 pour cent, ce qui devrait augmenter les redevances de 4 millions de dollars environ. L’augmentation de 0,1 pour cent du taux pour les services spécialisés étrangers et les services payants canadiens devrait ajouter 0,6 million de dollars. L’élimination des escomptes existants devrait rapporter 2,2 millions de dollars. Enfin, l’introduction d’un taux pour faible utilisation de musique aurait réduit le montant des redevances de 1,8 million de dollars s’il avait été en vigueur en 2002 et si tous les services d’informations avaient pu s’en prévaloir. Par conséquent, la Commission estime que le nouveau tarif aurait augmenté les redevances au titre du tarif 17 de 5 millions de dollars si toutes les nouvelles mesures avaient été en place pour 2002.

Il n’est pas tenu compte de l’application de la LGM aux services de télévision spécialisée et payante. La Commission prévoit qu’il faudra un certain temps avant que les services soient en mesure d’évaluer s’ils peuvent en bénéficier et que, par conséquent, le taux d’adoption sera relativement faible.

N. Neutralité des revenus

À au moins deux égards (la modification de la formule tarifaire et l’étagement), la SOCAN a insisté pour que les modifications du tarif n’aient aucune influence sur les revenus. Selon la Commission, la préoccupation de la SOCAN relativement à cette question est déplacée, si ce n’est que parce qu’une telle demande suppose que, d’une façon ou d’une autre, le tarif à un seul taux aurait généré précisément le montant de redevances nécessaire pour indemniser équitablement la SOCAN. Une telle précision n’est pas caractéristique de la fixation des tarifs visant l’utilisation des œuvres musicales.

L’adoption de la formule du taux par signal entraîne l’élimination de tous les escomptes. La formule progressive pour les systèmes de taille moyenne est abandonnée. La Commission prévoit, toutes choses étant égales par ailleurs, une augmentation et non une diminution des revenus de la SOCAN.

La Commission ne juge pas non plus approprié de chercher à neutraliser l’impact de la création d’un tarif à deux vitesses. Selon elle, la nouvelle structure tarifaire crée un équilibre approprié et juste entre les divers intérêts. L’incidence de la mesure ne sera pas très importante pour la SOCAN si, comme la Commission le prévoit, seul un petit nombre de services peuvent se prévaloir du taux pour faible utilisation en se fondant sur leur consommation courante de musique.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] Les présents motifs font uniquement référence au tarif 17. Jusqu’à maintenant, le tarif pertinent portait le numéro 17.A. Le numéro 17.B avait été «réservé» pour les services sonores payants pour lesquels la Commission a homologué un tarif séparé le 16 mars 2002. À l’avenir, le tarif 17 visera uniquement la télévision et le suffixe «A» aura perdu sa raison d’être.

[2] Pour un historique plus détaillé, veuillez vous reporter aux décisions suivantes de la Commission :

  1. Tarif des droits à percevoir pour l’exécution au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1990, 1991, 1992 et 1993, décision du 6 décembre 1993, (1990-1994) 345, www.cb-cda.gc.ca/decision/m06121993-b.pdf, (1993) 52 C.P.R. (3è) 23.
  2. Tarif des droits à percevoir pour l’exécution ou la communication par télécommunication au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales [Tarif 2.A - Stations de télévision commerciale en 1994, 1995, 1996 et 1997], décision du 30 janvier 1998, www.cb-cda.gc.ca/decisions/m30011998-b.pdf, (1998) 83 C.P.R. (3è) 141.
  3. Tarif des droits à percevoir pour l’exécution ou la communication par télécommunication au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1990, 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995, décision du 19 avril 1996, www.cb-cda.gc.ca/decisions/m19041996-b.pdf, (1996) 70 C.P.R. (3è) 501.
  4. Tarif des droits à percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, décision du 16 février 2001, www.cb-cda.gc.ca/decisions/m16022001-b.pdf, (2001) 15 C.P.R. (4è) 370.

[3] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Assoc. canadienne des radiodiffuseurs, (1999) 1 C.P.R. (4è) 80 (A.C.F.); C.F. no 389, autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada refusée le 6 avril 2000.

[4] Par suite de l’alinéa 2.4(1)c) de la Loi, l’EDR et le service sont solidairement responsables pour la communication unique qui survient lorsque l’EDR transmet un signal par câble à un abonné. Les transmetteurs et les services se sont entendus sur la façon de partager la responsabilité entre les transmetteurs et les services et entre les services. Cette entente a expiré à la fin de 2000.

[5] Cependant, comme nous le verrons plus loin, certains en sont arrivés à cette conclusion plus tard que d’autres.

[6] La SOCAN soutenait pouvoir justifier un taux de 2,1 pour cent en 2001. Toutefois, sa proposition de 18,6¢ par abonné, pour le tarif portefeuille, ne représenterait que 1,78 pour cent, qu’elle a accepté comme un plafond. Voir la pièce SOCAN-54 et la transcription à la page 3779.

[7] Supra note 2 c). Partie V.A.1, à partir de la page 14.

[8] Ceci est implicite pour les signaux du portefeuille et explicite pour les services payants et les services spécialisés étrangers.

[9] Supra note 2 a), page 366.

[10] Association canadienne des radiodiffuseurs c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (1994) 58 C.P.R. (3è) 79, 190 (A.C.F.); (1994) C.F. no 1540; (1994) 175 N.R. 341.

[11] C’est parce que l’émission bénéficiant de la LGM est en quelque sorte soustraite à la licence de la SOCAN. Il serait illogique de permettre une telle chose et de laisser l’émission dans la série d’émissions pour laquelle une faible utilisation de musique peut être réclamée.

[12] Par exemple, plutôt que de chercher à libérer les droits pour une émission, un service qui utilise de la musique 25 pour cent du temps pourrait remplacer suffisamment de musique du répertoire de la SOCAN, dans l’ensemble de sa programmation, par de la musique pour laquelle les droits d’exécution ont été libérés (et par de la musique du domaine public) pour être en deçà du seuil de 20 pour cent, pour autant qu’elle ne cherche pas à bénéficier de la LGM pour les émissions dans lesquelles elle a utilisé la musique dont elle a libéré les droits.

[13] Par exemple, ce serait le cas si le taux pour utilisation élevée était considéré comme le taux «normal» et si les utilisateurs «ordinaires» étaient tenus de surveiller leur utilisation de musique afin de ne pas payer le tarif supérieur.

[14] Supra note 2 c). Parties V.B.4, V.B.5 et V.F.

[15] Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales, à l’égard des services sonores payants pour les années 1997 à 2002, et par la SCGDV pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de la prestation de telles œuvres, à l’égard des services sonores payants pour les années 1998 à 2002, décision du 15 mars 2002, www.cb-cda.gc.ca/decisions/m15032002-b.pdf, (2002) 19 C.P.R. (4è) 67. Ci-après services sonores payants 2002.

[16] Supra note 2 c), pages 24-25.

[17] Pièce Board-1.

[18] (1999) 2 R.C.S. 817.

[19] Supra note 3.

[20] Naturellement, car cet arrêt est antérieur à l’arrêt Baker.

[21] Seule la SOCAN peut empêcher un auteur d’adhérer à l’organisme, et ce en empêchant un compositeur intéressé à signer un contrat de LGM de devenir ou de demeurer membre.

[22] Il est ironique que toutes les formes de négociation collective concernant les artistes, qu’elles soient sanctionnées par une loi (au Québec et au niveau fédéral) ou non (dans le reste du Canada), entraînent la conclusion de contrats, applicables dans toute l’industrie, qui fixent des conditions de travail minimales. Inutile de dire que de tels contrats permettent la négociation individuelle de conditions meilleures.

[23] Canadian Cable Television Association c. SOCAN et al., (1997) 75 C.P.R. (3e) 376; (1997) C.F. no 78; (1997) 208 N.R. 321.

[24] Supra note 15.

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