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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date de la décision

2009-09-22

Date des motifs

2009-10-19

Référence

Dossiers : Copie privée 1999-2007 (Demande de modification)

Régime

Copie pour usage privé

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 83(8) et article 66.52

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Tarif des redevances à percevoir par la SCPCP sur la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le 30 mai 2008, Z.E.I. Media Plus Inc. (ZEI), distributeur canadien de plusieurs types de supports d’enregistrement, a demandé à la Commission d’établir un tarif provisoire pour la copie privée pour 2008 et 2009, de reprendre l’instance portant sur le tarif pour la copie privée pour 2008-2009 (qui ne faisait pas alors l’objet d’oppositions et qui était en délibéré), d’autoriser ZEI à intervenir dans l’instance et de modifier les tarifs pour la copie privée déjà homologués pour les années 1999 à 2007.

[2] ZEI a déposé cette demande en raison d’une série d’événements, qu’on peut résumer comme suit :

Les tarifs pour la copie privée que la Commission a homologués au fil des ans ont toujours établi un taux unique pour tous les CD enregistrables, sauf les CD Audio.

ZEI a toujours considéré que certains types de CD enregistrables (CD « professionnels ») ne sont pas habituellement utilisés par les consommateurs pour copier de la musique et ne peuvent donc pas être assujettis à une redevance pour la copie privée, sans égard aux dispositions du tarif pour la copie privée.

C’est pourquoi ZEI n’a jamais payé de redevances sur les CD professionnels, malgré les efforts de la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) pour percevoir de telles redevances.

Finalement, la SCPCP a intenté une action contre ZEI devant la Cour fédérale du Canada pour recouvrer les sommes que la SCPCP prétend lui être dues en vertu des tarifs pour la copie privée que la Commission a homologués au fil des ans.

Le 29 mai 2008, au cours de l’interrogatoire de Mme Laurie Gelbloom, avocate générale de la SCPCP, ZEI s’est rendue compte que l’existence des tarifs homologués pour la copie privée pouvait l’empêcher de soutenir devant la Cour fédérale que les CD professionnels ne devraient pas être assujettis à une redevance pour la copie privée.

C’est ainsi que ZEI a déposé la demande susmentionnée, afin que la Commission précise si les CD professionnels devraient être assujettis à une redevance.

[3] Peu après avoir reçu la demande de ZEI, la Commission a envoyé un avis à la SCPCP et à ZEI, énonçant un certain nombre de questions que la demande semblait soulever :

  1. La Commission devrait-elle reprendre l’examen du projet de tarif pour 2008-2009 de la SCPCP pour permettre à ZEI de soutenir que certains CD vierges ne constituent pas des « supports audio »?

  2. La demande de modification du tarif devrait-elle être examinée par la formation déjà saisie du projet de tarif de la SCPCP pour 2008-2009?

  3. Le tarif pour la copie privée peut-il réserver à certains CD vierges un traitement différent des autres? Le cas échéant, sur quel fondement peut-on faire des distinctions? Les CD vierges dits professionnels constituent-ils un type de CD qui devrait faire l’objet d’un traitement différent des autres?

  4. La Commission a-t-elle le pouvoir de modifier maintenant les tarifs homologués pour la copie privée qui se sont appliqués aux années 1999 à 2007?

  5. En cas d’évolution importante des circonstances, à quand peuvent remonter les modifications des tarifs pour pouvoir refléter ce changement? Si la Commission avait connaissance maintenant d’un changement survenu il y a deux ans par exemple, pourrait-elle modifier le tarif seulement à compter d’aujourd’hui ou pourrait-elle faire rétroagir la modification à la date où le changement est en fait survenu?

  6. Si la Commission a le pouvoir de modifier maintenant les tarifs homologués pour la copie privée qui se sont appliqués aux années 1999 à 2007, est-il approprié de le faire en l’espèce? Plus précisément, l’interrogatoire de Mme Gelbloom a-t-il entraîné une évolution importante des circonstances?

  7. Quelle serait la conséquence des modifications que la Commission pourrait apporter aux tarifs homologués par suite de la demande de modification?

  8. La demande de redressement provisoire devrait-elle être accueillie?

  9. ZEI aurait-elle pu raisonnablement déposer sa demande plus tôt?

  10. La Commission est-elle le forum approprié pour traiter des questions soulevées par ZEI?

[4] Le 17 juillet 2008, la Commission a repris l’examen du tarif pour 2008-2009, a fait droit à la demande d’intervention de ZEI et mis en place un processus permettant de recueillir la preuve nécessaire pour traiter des prétentions de ZEI. La Commission a également avisé les parties que l’affaire prendrait fin si la preuve incitait la formation à conclure, à tout moment, que les CD professionnels ne « méritent » pas de faire l’objet de distinctions, qu’il n’y a pas eu évolution importante des circonstances ou que le manque de diligence de ZEI ferait en sorte que l’on ne devrait pas procéder à l’examen de ses prétentions pour des motifs d’intérêt public.

[5] Le 5 décembre 2008, à la demande de la SCPCP, la Commission a homologué un tarif final pour 2008-2009, étant entendu que la SCPCP s’engageait à rembourser les sociétés déclarantes, avec intérêts, ou à ne pas percevoir toute redevance sur les supports que la Commission pourrait décider de ne pas assujettir au régime par suite de la demande de modification de ZEI. La décision ne traitait pas de la demande de modification de ZEI.

[6] Le 14 février 2009, le projet de tarif de la SCPCP pour 2010 a été publié dans la Gazette du Canada.

[7] Le 26 février 2009, ZEI a déposé son dossier final de la demande. La SCPCP l’a fait le 30 mars.

[8] Le 15 avril 2009, le délai prescrit pour déposer une opposition au projet de tarif de la SCPCP pour l’année 2010 a pris fin. ZEI et l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) ont déposé des oppositions. Celle de l’ACR était retirée le 25 mai 2009. Celle de ZEI confirme essentiellement sa position relativement aux tarifs pour les années 1997 à 2009.

[9] Les présents motifs ne portent que sur la demande de modification de ZEI relativement aux tarifs pour la copie privée homologués antérieurement pour les années 1999 à 2007. Cette demande ne s’applique pas au tarif 2008-2009 pour deux raisons : premièrement, la demande a été déposée avant l’homologation du tarif et l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur [1] prévoit seulement la modification des tarifs homologués; deuxièmement, la décision de la Commission du 5 décembre 2008 prévoit que l’homologation du tarif pour 2008-2009 renferme l’engagement de la SCPCP, relativement à la perception de toute redevance sur les supports, de se soumettre au résultat de la demande de ZEI. Par conséquent, la question de savoir si ZEI doit verser des redevances sur les CD professionnels aliénés en 2008 et 2009 sera abordée dans le cadre de l’instance à venir relative au tarif pour 2010.

II. LA POSITION DES PARTIES

[10] ZEI soutient que les questions en litige sont les suivantes : premièrement, la Commission peut-elle modifier rétroactivement ses propres décisions? Deuxièmement, doit-elle le faire en l’espèce?

[11] En premier lieu, ZEI soutient que les paramètres à l’intérieur desquels la Commission peut exercer sa faculté de modifier ses décisions sont généraux et discrétionnaires. La Loi ne prévoit pas de condition préalable à l’exercice du pouvoir discrétionnaire autre que l’évolution importante des circonstances. ZEI fait observer que la Commission a conclu que son pouvoir de modification peut s’exercer de façon rétroactive. [2] De plus, ZEI cite plusieurs affaires à l’appui de son argument selon lequel il ne faut pas considérer le pouvoir de modification rétroactive comme une exception puisque les circonstances exigent souvent qu’on lui donne un effet rétroactif. [3]

[12] En second lieu, ZEI fait valoir que le pouvoir discrétionnaire de la Commission de modifier ses décisions doit être examiné dans le cadre de son obligation d’établir un tarif juste et équitable. ZEI soutient qu’on ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’elle se demande avant l’interrogatoire de Mme Gelbloom du 29 mai 2008 si l’homologation des tarifs pour la copie privée pouvait l’empêcher de soutenir devant un tribunal que les tarifs ne s’appliquent pas aux CD professionnels. ZEI prétend que la jurisprudence reconnaît qu’une personne peut invoquer une « mauvaise » interprétation de ses droits et obligations comme excuse légitime pour justifier son retard dans l’exercice d’un droit reconnu par la loi. [4] ZEI souligne que la SCPCP ne l’a pas invitée à soutenir devant la Commission sa position concernant l’applicabilité du tarif aux CD professionnels dans le cadre des procédures relatives au tarif.

[13] La SCPCP soutient que la Commission n’a pas le pouvoir de modifier les tarifs de façon rétroactive. Elle fait valoir que, même si une modification apportée à la Loi en 1997 a levé certaines restrictions quant au pouvoir de la Commission de modifier ses décisions antérieures, [5] rien ne prouve que le législateur avait l’intention d’élargir le pouvoir de la Commission. La SCPCP soutient que suivant les principes généraux d’interprétation législative, la modification de la Loi ne confère qu’un pouvoir prospectif. La loi n’aura pas d’effet rétroactif lorsque la disposition porte nettement atteinte aux droits acquis d’une partie. [6]

[14] La SCPCP admet que la Commission a modifié rétroactivement un tarif auparavant, mais soutient que la Commission a reconnu que cette modification rétroactive n’avait pas d’effet pratique et qu’en l’occurrence il s’agissait d’une mesure équitable. [7] La SCPCP fait valoir que ce n’est pas le cas ici.

[15] À titre subsidiaire, la SCPCP soulève plusieurs arguments à caractère équitable. Une modification rétroactive des tarifs aurait pour effet de déstabiliser le régime entier. Il serait difficile, voire impossible, d’établir qui a versé des redevances en trop et de combien. Tout remboursement entraînerait nécessairement une perte nette pour la SCPCP, étant donné qu’il serait impossible à la Commission de tenir compte de l’exclusion des CD professionnels du régime, ce qui devrait entraîner des redevances plus élevées sur les autres types de CD. De plus, la SCPCP soutient que la règle du manque de diligence devrait empêcher ZEI de se prévaloir d’un redressement essentiellement équitable, compte tenu du temps écoulé avant qu’elle ne soulève la question. [8]

III. ANALYSE

[16] L’article 66.52 de la Loi encadre en ces termes le pouvoir de la Commission de modifier ses décisions :

La Commission peut, sur demande, modifier toute décision concernant les redevances visées au paragraphe 68(3), aux articles 68.1 ou 70.15 ou aux paragraphes 70.2(2), 70.6(1), 73(1) ou 83(8), ainsi que les modalités y afférentes, en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances depuis ces décisions.

[17] La présente décision ne concerne que les tarifs touchant les transactions effectuées entre 1999 et 2007, plusieurs mois ou plusieurs années avant que ZEI dépose sa demande visant à faire modifier ces tarifs. Si une décision de modifier les tarifs antérieurs implique des considérations particulières et que ZEI ne rencontre pas ces considérations, il n’est pas nécessaire de décider si la Commission a effectivement le pouvoir de modifier les tarifs ou encore, de répondre aux autres questions que la Commission ou les parties pourraient avoir soulevées. Nous procéderons donc d’abord à l’examen des considérations particulières soulevées par le réexamen de transactions antérieures.

[18] Le point de départ de notre réflexion est qu’une décision modifiant les conséquences de transactions passées doit tenir compte de facteurs qui n’entrent tout simplement pas en jeu lorsque la décision cible des événements futurs. Les décisions modifiant les conséquences d’événements passés possèdent des caractéristiques inhérentes qui n’entrent pas en ligne de compte lorsqu’il s’agit de décider s’il convient de modifier les règles qui s’appliquent à des événements futurs. La Cour suprême du Canada a explicité ce principe dans l’arrêt D.B.S. c. S.R.G.; L.J.W. c. T.A.R.; Henry c. Henry; Hiemstra c. Hiemstra. [9] Dans cet arrêt, la Cour a établi quatre facteurs à prendre en compte avant de décider de modifier la pension alimentaire de manière rétroactive : (1) un motif valable de différer la demande; (2) le comportement du parent débiteur; (3) la situation de l’enfant; (4) les difficultés qu’une ordonnance rétroactive pourrait causer. À première vue, ces facteurs semblent n’avoir que peu de rapport avec la question que nous devons trancher en l’espèce. Par contre, les raisons que fournit la Cour pour justifier le choix de ces facteurs sont pertinentes :

Contrairement à l’ordonnance pour l’avenir, l’ordonnance rétroactive peut, dans ce domaine du droit, rompre le subtil équilibre entre la certitude et la souplesse. Lorsque la situation change, l’équité commande que les obligations s’y adaptent. Néanmoins, lorsque les obligations semblent être bien établies, l’équité commande également qu’on ne les modifie pas sans raison. À cet égard, l’ordonnance pour l’avenir diffère donc considérablement de l’ordonnance rétroactive. L’ordonnance pour l’avenir donne naissance à une situation nouvelle et prévisible; l’ordonnance rétroactive la supplante.

[…]

On ne peut présumer de la justification du retard. Par contre, le tribunal doit se montrer sensible aux craintes d’ordre pratique associées à une telle démarche. Il ne devrait pas hésiter à considérer comme un motif valable la peur légitime du parent créancier que le parent débiteur réagisse de manière vindicative à la demande et ce, au détriment de la famille. De même, en l’absence d’une telle appréhension, le fait que le parent créancier n’a pas été financièrement ou émotionnellement en mesure de présenter une demande ou qu’il a été mal conseillé sur le plan juridique peut constituer un motif valable […]

Le refus de rendre une ordonnance alimentaire rétroactive lorsque le parent créancier a tardé sans motif valable à présenter sa demande tient compte de deux préoccupations importantes, la première étant la certitude du parent débiteur. Généralement, lorsque le retard est dû au comportement critiquable du parent créancier, et non au comportement répréhensible du parent débiteur, le poids accordé à cette certitude est important. En fait, le comportement du parent débiteur déterminera souvent si le retard est justifié ou non […]

[…] le comportement de chacun des parents doit être pris en compte pour établir un équilibre adéquat entre la certitude et la souplesse.

[…]

[…] l’ordonnance rétroactive se distingue de l’ordonnance prospective par la manière dont elle perturbe la gestion des finances du parent débiteur. Le tribunal doit en tenir compte. [10]

[19] L’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de pension alimentaire des enfants est encadré de façon beaucoup plus rigide que celui de la Commission. Pourtant, même en matière de pensions alimentaires pour enfants, les tribunaux ont une approche différente concernant les demandes de modification d’ordonnances pour le passé. Une telle demande exige de prendre en compte un certain nombre de facteurs inhérents à toute décision portant sur des transactions antérieures à la demande de modification. Ceci a conduit la Cour dans l’arrêt DBS à énoncer un certain nombre de facteurs qui sont pertinents dans n’importe quel contexte. Le fait de modifier une décision après coup porte atteinte à l’équilibre entre la certitude et la souplesse; les transactions passées ne devraient pas être perturbées sans raison. [11] Le retard dans le dépôt d’une demande doit être justifié. [12] Le décideur doit chercher à atteindre un équilibre entre la certitude et l’équité et, par conséquent, les modifications rétroactives sont intrinsèquement discrétionnaires. [13] Ce pouvoir suppose, entre autres choses, l’évaluation des actions (ou des inactions) des parties concernées. [14]

[20] Ainsi formulés, les principes qui sous-tendent l’arrêt DBS peuvent facilement être appliqués en l’espèce. Pour statuer sur une demande de modification d’un tarif antérieur, il faut effectuer une analyse supplémentaire, distincte de celle requise par une demande de modification visant des événements futurs. Cette analyse fait intervenir des critères similaires à ceux utilisés pour décider de l’opportunité d’accorder un redressement équitable. La Commission peut refuser d’agir en fonction de facteurs qui diffèrent de ceux qu’elle peut utiliser pour décider d’homologuer un tarif en premier lieu, ou de le modifier pour l’avenir. La sécurité et la stabilité juridiques prennent une importance qui n’est tout simplement pas en jeu lorsque la demande de modification vise l’avenir. Il en va de même pour la conduite des parties. La Commission doit avoir le pouvoir discrétionnaire de refuser la réparation demandée si les circonstances de l’espèce militent contre une ordonnance rétroactive.

[21] Au vu de ce qui précède, nous concluons que la demande de ZEI de modifier les tarifs pour les années 1999 à 2007 échoue sur la base des principes énoncés dans l’arrêt DBS, pour les motifs suivants.

[22] Premièrement, même si nous devions accepter que ZEI a exercé ses recours avec diligence devant la Commission une fois qu’elle a compris quels étaient ses droits, cela ne justifie pas son inaction entre-temps. L’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on est partie depuis un certain temps à une instance judiciaire portant sur les questions mêmes que soulève ZEI devant nous. Cette dernière était au courant des tarifs. ZEI a simplement choisi d’ignorer la divergence d’interprétation existant entre elle et la SCPCP et devra en subir les conséquences. La SCPCP n’est pas tenue de rappeler à ZEI, ni à personne d’autre, qu’elle est en droit de contester un tarif proposé, son interprétation des tarifs homologués ou l’impact des règles régissant les contestations incidentes des décisions de la Commission devant la Cour fédérale.

[23] ZEI a invoqué l’arrêt UFCW [15] à l’appui de son affirmation selon laquelle la méconnaissance des droits peut servir d’excuse pour le défaut de les exercer ou le retard à les faire valoir. Cette décision n’est d’aucun secours puisque certaines des conditions essentielles posées par la Cour d’appel pour accorder une réparation rétroactive ne s’appliquent pas en l’espèce. Plus important encore, l’affaire UFCW portait sur des fonds dont l’origine était clairement identifiable et dont le paiement avait injustement enrichi l’employeur au détriment des membres du syndicat. Dans la présente instance, toute décision visant la modification du tarif de manière à exclure les CD professionnels se traduira nécessairement par une perte nette pour la SCPCP et ses membres, perte qui n’aurait pas eu lieu si ZEI avait présenté ses arguments en temps opportun.

[24] Deuxièmement, il aurait été utile que la SCPCP fournisse plus de renseignements à la Commission concernant les circuits de commercialisation, l’emballage et autres questions semblables. Ces renseignements pourraient devenir importants pour l’homologation de tarifs futurs. Toutefois, le dossier ne comporte aucune indication nous permettant de conclure que la SCPCP n’a pas agi de bonne foi dans la sélection qu’elle a faite des renseignements déposés en preuve devant la Commission au cours des instances portant sur les tarifs antérieurs.

[25] Troisièmement, et principalement, l’équité plaide en faveur de la stabilité en l’espèce. Une modification rétroactive remontant aussi loin que 1999 serait inévitablement source d’incertitude et de perturbation et aurait probablement des répercussions importantes. Les importateurs de supports vierges qui réclament des remboursements pourraient simplement les empocher, même si le coût initial de la redevance aurait pu être transmis à leurs clients. Les membres de la SCPCP seraient privés de revenus auxquels ils ont droit, puisque si ZEI a raison, le poids du montant global du prélèvement serait déplacé, mais non réduit. En outre, même si l’on devait supposer que ZEI aurait persuadé la Commission d’exempter les CD professionnels si elle avait été partie depuis le début aux instances tenues devant la Commission, on peut comparer le refus de modifier les tarifs pour les années 1999 à 2007 à la décision d’un tribunal de la famille de maintenir les paiements antérieurs même si les circonstances ont changé de manière significative, dans le cas où ce changement est porté à son attention à une date trop tardive.

[26] La demande de ZEI de modifier les tarifs pour la copie privée pour les années 1999 à 2007 est rejetée.

La greffière principale,

Signature

Lise St-Cyr



[1] L.R.C. 1985, ch. C-42, modifiée (ci-après la « Loi »).

[2] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, 1995-1997 (et Modification au tarif de 1994), (28 juin 1996) Décision de la Commission du droit d’auteur [Décision sur la retransmission].

[3] Bakery and Confectionery Workers International Union of America Local No. 468 v. White Lunch Ltd., [1966] R.C.S 282, à la p. 295. Voir aussi Re Eurocan Pulp & Paper Co. Ltd. and British Columbia Energy Commission, [1978] B.C.J. No. 1228 (C.A.); Nova, an Alberta Corporation c. Amoco Canada Petroleum Company Ltd., [1981] 2 R.C.S. 437.

[4] United Food and Commercial Workers Union Local 280 P v. Pride of Alberta Meat Processors Co. (c.o.b. Gainers), 1998 ABCA 132 [UFCW].

[5] Jusqu’alors, la Commission pouvait modifier seulement des décisions dont la période d’effet dépassait une année, et ce, seulement après une année à partir de la date de la décision.

[6] Angus c. Sun Alliance compagnie d’assurance, [1988] 2 R.C.S. 256 au para. 22; Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham, LexisNexis Canada Inc., 2008, à la p. 670; David Jones et A.S. de Villars, Principles of Administrative Law, 4e éd. Carswell, 2004, à la p. 189.

[7] Décision sur la retransmission, supra note 2 à la p. 14.

[8] M.(K.) c. M.(H.), [1992] 3 R.C.S. 6.

[9] [2006] 2 R.C.S. 231 [DBS].

[10] Ibid. aux para. 96, 101, 102, 105, 115.

[11] Ibid. au para. 96.

[12] Ibid. au para. 100, 101.

[13] Ibid. au para. 104.

[14] Ibid. au para. 107.

[15] Supra note 4.

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