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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2011-09-23

Référence

Dossier : Reproduction par reprographie, 2011-2013

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, art. 66.51 et 70.15(1)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Projets de tarif examinés

Établissements d’enseignement postsecondaires – 2011-2013

Demande de modification : licence transactionnelle

Tarif provisoire des redevances à percevoir par access copyright pour la reproduction par reprographie, au Canada, d’œuvres de son répertoire

Motifs de la décision

[1] Le 23 décembre 2010, la Commission homologuait le Tarif provisoire d’Access Copyright pour les établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2013. Le tarif a été modifié le 7 avril et le 28 juin 2011. Il prévoit notamment qu’un établissement d’enseignement postsecondaire (« établissement ») ayant besoin d’obtenir une licence d’Access Copyright (Access) verse un montant fixe par année scolaire par étudiant équivalent à temps plein (« ÉTP ») pour l’ensemble des copies faites en application de l’article 2 a) (« Licence ÉTP »), et 10 ou 11 cents par page copiée en application de l’article 2 b) (« licence relative aux recueils de cours »). Le tarif provisoire reflète étroitement les ententes qui régissaient les relations entre Access et les établissements avant que le tarif prenne la relève au 1er janvier 2011.

[2] Le 8 juin 2011, l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) demandait à la Commission de modifier le tarif. Elle veut forcer Access à accorder une licence pour l’utilisation à la pièce d’une œuvre donnée (« licence transactionnelle ») aux établissements qui ne se prévalent pas de la licence ÉTP. À l’appui de sa demande, l’AUCC invoque les arguments suivants. Le tarif provisoire cherche à maintenir le statu quo. Access viole le statu quo en refusant systématiquement les demandes de licence transactionnelle numérique ou papier, dans le but de forcer les établissements à fonctionner en vertu du tarif et d’opter pour la licence numérique qui y est prévue. Access a incité les éditeurs qui lui sont affiliés (« éditeurs d’Access ») à cesser d’accorder des licences transactionnelles; nombre d’entre eux ont suivi la consigne. Le refus de négocier des licences transactionnelles dénote une mauvaise foi qui s’apparente à de l’inconduite. Access abuse de son pouvoir de monopole.

[3] Le professeur Katz partage le diagnostic de l’AUCC, mais soutient que le redressement demandé servirait les seuls intérêts d’Access au détriment des établissements. Il continue de faire valoir que le tarif est effectivement obligatoire [1] et entrave l’établissement qui cherche à obtenir des licences couvrant l’ensemble de ses besoins à des conditions concurrentielles. Il prétend qu’Access abuse de la situation en n’offrant d’autre option que le plein tarif, cherche à éviter de donner des renseignements utiles sur le contenu de son répertoire et sème la confusion quant à son ampleur. Access agit ainsi, dit-il, pour s’incruster comme la source de toutes les licences, dont les conditions seront fixées par règlement plutôt que par des processus concurrentiels. Il propose que la Commission force les éditeurs d’Access à offrir des licences transactionnelles en interdisant à cette dernière d’agir comme agent exclusif de ses éditeurs et d’accorder des licences transactionnelles, et en exigeant que les éditeurs accordent des licences pour leurs œuvres à des conditions raisonnables.

[4] L’Association des collèges communautaires du Canada (ACCC) appuie l’AUCC pour l’essentiel. M. Maguire convient qu’il faut faire quelque chose, mais il laisse à la Commission le soin de choisir le redressement approprié.

[5] Access répond de la façon suivante.

[6] L’offre passée de licences transactionnelles était plus limitée que les opposants le prétendent. En principe, Access offre des licences transactionnelles uniquement dans les marchés où peu ou pas de licence globale ou générale n’a été accordée. Dans le marché de l’enseignement postsecondaire, Access accordait des licences transactionnelles aux seuls établissements qui achetaient la licence ÉTP. Des licences transactionnelles pour la copie papier n’étaient accordées que pour les utilisations qui n’étaient pas autorisées par la licence ÉTP ou celle relative aux recueils de cours. Une licence transactionnelle numérique était offerte parce que l’AUCC et l’ACCC refusaient que leur licence-type couvre ce genre de copies. Comme le tarif provisoire comporte désormais une option numérique sans frais immédiats pour les établissements, Access ne voit nul besoin d’offrir de licences transactionnelles pour la copie numérique.

[7] Access a agi et continue d’agir de bonne foi. La Commission a déjà dit que l’exercice transparent d’un droit clair n’est pas un signe de mauvaise foi. En faisant affaire conformément au tarif provisoire, Access ne fait pas preuve de mauvaise foi. Access administre des droits sur une base non exclusive; les utilisateurs sont libres de traiter directement avec les éditeurs d’Access. [2] Si Access a avisé ces derniers des conséquences que pourrait entraîner l’octroi de licences transactionnelles dans le contexte actuel, [3] elle n’a pas tenté de dicter leur conduite, ce qu’elle ne pourrait d’ailleurs pas faire. Elle les a même avisés qu’ils pouvaient toujours traiter directement avec les établissements; aux dires mêmes des opposants, plusieurs continuent à le faire.

[8] La licence transactionnelle est mal adaptée aux utilisations numériques dans le contexte de l’enseignement postsecondaire, où l’utilisation d’œuvres protégées est étendue, dispersée et décentralisée. Dans la présente affaire, la question de savoir quelles utilisations nécessitent une licence est très controversée; étant donné qu’un régime de licence transactionnelle dépend du fait que l’utilisateur considère ou non en avoir besoin, cette controverse crée de la confusion, ce qui ne peut manquer d’augmenter la non-conformité. Dans l’environnement actuel, les problèmes de conformité associés au modèle d’affaires transactionnel sont considérables.

[9] Comme solution de rechange, Access dit que si, en réponse à la demande de l’AUCC, la Commission était encline à modifier le tarif provisoire pour ce qui touche les licences de copie numérique, elle devrait, vu l’incertitude et le nombre de questions non réglées, supprimer purement et simplement l’option numérique et laisser aux parties le soin de débattre pleinement de ces questions à l’audience à venir sur le tarif, lorsque la Commission aura en main un dossier complet. Le professeur Katz est d’accord.

[10] Les demandes de l’AUCC et du professeur Katz sont rejetées, pour les motifs qui suivent.

[11] Premièrement, l’AUCC et l’ACCC ont antérieurement demandé que le tarif provisoire reflète les accords de licence préexistants tout en autorisant les établissements à traiter directement avec les titulaires de droits. [4] Or c’est précisément ce que fait le tarif provisoire actuel.

[12] Le tarif provisoire cherche à refléter le statu quo dans toute la mesure possible et raisonnable. Les ententes que le tarif remplace étaient à prendre ou à laisser. Par conséquent, cela ne peut suffire en soi à justifier de changer le statu quo en ajoutant l’option de la licence transactionnelle là où aucune n’existait.

[13] On retrouve le passage suivant dans les motifs de la Commission en date du 16 mars 2011 :

[...] les utilisateurs dont les habitudes de consommation justifient l’imposition de différents taux demeurent libres de se procurer, auprès d’Access ou d’autres sources, une licence transactionnelle ou autre qui aura préséance sur le tarif. Le fait que le tarif provisoire puisse être modifié en tout temps garantit la bonne foi d’Access dans de telles négociations. Toute inconduite de sa part serait nécessairement signalée à la Commission, laquelle en tiendrait compte à toute étape subséquente de la présente affaire. [5] [notre soulignement]

[14] Se fondant sur cet énoncé, les opposants font valoir que le refus d’Access de négocier à la pièce équivaut à de l’inconduite et justifie l’intervention de la Commission. Nous ne sommes pas d’accord. Dire qu’un utilisateur est libre de s’adresser à Access pour obtenir une licence ne signifie pas qu’Access doit accéder à sa demande. La question de savoir si le refus d’Access est raisonnable doit être examinée eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes. En l’espèce, Access est à première vue justifiée de s’appuyer sur le tarif provisoire et de laisser le processus réglementaire suivre son cours : voir le paragraphe 16 ci-dessous.

[15] Deuxièmement, l’AUCC demande quelque chose que les établissements n’ont jamais eu ou ont rarement utilisé. D’après le dossier, nous concluons que, au moins depuis 2004, Access a octroyé des licences transactionnelles pour la copie imprimée ou numérique uniquement aux établissements qui achetaient la licence ÉTP, et uniquement pour des utilisations non autorisées par la licence ÉTP ou celle relative aux recueils de cours. De plus, le recours à la licence transactionnelle numérique était minimal. En 2010, l’autorisation a été demandée pour 1160 titres. Moins de deux pour cent des établissements ont acheté régulièrement des licences transactionnelles numériques, et moins de 10 pour cent ont fait au moins une demande. Les redevances versées en vertu de ces licences équivalent à moins de un pour cent des redevances perçues par Access au titre de la licence ÉTP et de la licence relative aux recueils de cours.

[16] Troisièmement, nous convenons que dès lors qu’un tarif existe, une société de gestion devrait pouvoir s’en remettre à ce tarif. On peut penser que lorsqu’une société de gestion opte pour un tarif, c’est en partie pour éviter les coûts associés à des négociations à la pièce. Une telle conduite est rationnelle et de prime abord équitable : voir le paragraphe 25 ci-dessous. Par conséquent, le fait qu’une société de gestion refuse de répondre aux demandes d’utilisateurs hors du cadre du tarif n’équivaut pas à une inconduite justifiant l’intervention de la Commission, sauf circonstances exceptionnelles dont l’existence n’a pas été démontrée en l’espèce.

[17] Des observations antérieures d’Access contiennent des énoncés que l’AUCC interprète comme une invitation à demander des licences transactionnelles. Selon elle, Access revient maintenant sur son invitation, au préjudice des établissements. Cette interprétation, bien que raisonnable, n’est pas la seule possible. Une autre voudrait qu’Access soit disposée à négocier des licences générales sur une base individuelle. De telles licences prévaudraient sur tout tarif futur à tous égards pour les établissements concernés, ce qui créerait une certitude pour tous les intéressés : Access, ses éditeurs et les établissements. Ce que l’AUCC propose ne procure pas cette certitude : voir le paragraphe 30 ci-dessous.

[18] Quatrièmement, dans la mesure où cela est pertinent, la preuve disponible nous amène à conclure qu’Access et ses éditeurs ne se sont pas concertés. Selon la propre preuve des opposants, seuls certains éditeurs d’Access refusent d’affranchir eux-mêmes les droits sur leurs œuvres. L’affranchissement à la source reste possible : le collège Lethbridge et l’université Guelph n’ont eu aucune difficulté à traiter directement avec tous les éditeurs contactés, sauf un. [6] De plus, le refus d’octroyer directement des licences transactionnelles numériques semble s’inscrire dans une tendance, indépendante de la présente instance, voulant que les éditeurs sous-traitent à des organismes de centralisation l’octroi de licences numériques, faute de personnel maison suffisant pour gérer les demandes d’autorisation à la pièce. [7] Quoi qu’il en soit, si le régime général dans le cadre duquel Access fonctionne limite sa faculté de traiter avec les utilisateurs, il n’impose pas pareilles limites à ses éditeurs.

[19] Access a bien avisé ses éditeurs d’une conséquence que pourrait entraîner l’octroi de licences directes pendant le cours de la présente instance. [8] Les copies d’œuvres faisant partie du répertoire d’Access autorisées directement par un éditeur d’Access seront soustraites du calcul des redevances éventuelles. Une fois le tarif homologué, un établissement sera libre de copier la même œuvre en application du tarif sans frais additionnels si, comme le demande Access, la licence relative aux recueils de cours est abandonnée et que la licence ÉTP est la seule à être homologuée, étant donné que l’œuvre fait partie du répertoire d’Access. [9] Informer des membres affiliés d’un tel fait relève du bon sens, non du complot.

[20] Cinquièmement, les allégations voulant qu’Access exerce un pouvoir de monopole restent non prouvées. Access n’est pas un monopole créé par la loi; elle est au plus un monopole naturel qui exerce un pouvoir de marché fondé sur sa capacité à offrir des économies d’échelle aux titulaires de droits et aux utilisateurs. L’AUCC affaiblit son propre argument à propos du pouvoir de marché en disant qu’Access est en concurrence avec ses éditeurs et avec les autres éditeurs et auteurs. L’existence de cette concurrence réduit la possibilité pour Access de soutirer des rentes économiques.

[21] Sixièmement, nous convenons avec Access qu’un régime de licences transactionnelles soulève nécessairement des questions liées à la surveillance, surtout dans un cadre aussi décentralisé que celui des établissements. La copie numérique ajoute à la complexité. Or au lieu de proposer des mécanismes de rapport et de surveillance susceptibles de nous rassurer sur le contrôle de conformité, les opposants proposent que la licence transactionnelle soit exemptée de toutes les dispositions du tarif, y compris celles en matière de rapport et de surveillance.

[22] Les dispositions relatives à l’établissement de rapports, à la surveillance et à la vérification sont des éléments clés de la plupart des régimes de licences : si les titulaires de droits peuvent légitimement s’attendre à ce que les utilisateurs cherchent à obtenir des licences sans attendre qu’on le leur demande, [10] ils peuvent aussi s’attendre à ce que ces derniers proposent ou acceptent des mécanismes permettant de surveiller avec efficience s’ils respectent les conditions de licence. Un régime de licences transactionnelles qui ne comporterait pas de telles dispositions est une invitation à contrefaçon et est impensable. Les opposants proposent pourtant qu’on les croie sur parole. Qui déciderait qu’une autorisation est nécessaire ou non? Sur quelle base se prendrait cette décision? Comment calculerait-on le nombre de copies assujetties à des redevances? Devrait-on comptabiliser chaque téléchargement? Qu’arriverait-il dans le cas de téléchargements multiples par une même personne? Une licence transactionnelle numérique pourrait fort bien nécessiter de donner à la société de gestion plein accès aux systèmes de gestion de cours des enseignants : cela est-il conciliable avec la prétention des opposants qui affirment que les exigences en matière de rapport mettent déjà en cause la protection de la vie privée? Compte tenu de l’information disponible, dans ce marché et à l’heure actuelle, un modèle d’affaires transactionnel numérique ne garantit pas que les titulaires de droits seront dédommagés pour l’utilisation de leurs œuvres. [11]

[23] Bien que les difficultés en matière de rapport associées à un régime transactionnel de copie numérique pour les établissements puissent ne pas être aussi énormes qu’Access les dépeint, elles sont néanmoins importantes. L’AUCC a admis plus tôt dans la présente instance que la valeur d’une licence peut être [TRADUCTION] « réduite du fait d’obligations de rapport onéreuses qui, dans un contexte universitaire, posent des problèmes d’ordre pratique ou sont impossibles à respecter. » [12] [notre soulignement]

[24] Ce que nous savons du comportement des établissements en matière de licences transactionnelles numériques n’a rien pour nous rassurer. Selon les opposants, le besoin de se procurer de telles licences auprès d’Access est si pressant que la Commission devrait imposer ce modèle dans le tarif provisoire. Pourtant en 2010, ce type de licence a généré des redevances d’à peine plus d’un millième de ce que les licences en « accès libre » négociées par l’entremise du Réseau canadien de documentation pour la recherche ont coûté pour cette même année. Soit les établissements peuvent se passer de licence transactionnelle numérique d’Access, soit la parcimonie avec laquelle ils demandent de telles licences soulève des questions sérieuses au chapitre de l’application de la loi. D’une façon ou d’une autre, cela milite fortement à l’encontre de la demande des opposants.

[25] Septièmement, nous convenons avec Access que la gestion des licences transactionnelles tend à être coûteuse. L’octroi efficient de licences à la pièce est parfois possible, même pour des usages générant de faibles redevances par transaction, comme cela semble le cas dans le marché des services de musique en ligne. Dans la présente affaire, toutefois, rien ne nous permet de conclure que les coûts de transaction ne sont pas relativement élevés. Le fait, auquel nous avons déjà fait allusion au paragraphe 18, que les éditeurs sous-traitent leurs activités en matière de licences transactionnelles numériques à des organismes de centralisation confirme cette impression, tout comme le fait que les licences en accès libre déposées en preuve sont des licences générales.

[26] Huitièmement, les documents que les opposants ont déposés à ce jour contiennent tellement de contradictions explicites ou implicites qu’il devient difficile d’attacher foi à leurs déclarations.

[27] Ainsi, la possibilité pour les établissements d’effectuer des copies numériques des œuvres figurant dans le répertoire d’Access ne peut tout à la fois avoir si peu de valeur qu’elle ne requiert pas l’établissement d’un tarif et revêtir une importance à ce point cruciale qu’elle exige un accès généreux aux licences transactionnelles (comme le demande l’AUCC) ou un redressement assimilable à une injonction contre des tiers qui ne sont pas même partie à la présente instance (comme le propose le professeur Katz).

[28] De même, si le répertoire numérique d’Access est négligeable ou non existant, comme le soutient le professeur Katz, l’incapacité d’en déterminer le contenu ne saurait sérieusement gêner les établissements, et le refus d’un éditeur de délivrer une licence numérique transactionnelle n’a rien à voir avec Access dans la mesure où cette dernière ne détient pas les droits, ou alors n’est qu’un ennui sans importance qu’il convient d’ignorer si elle les détient. Par ailleurs, si le passage des établissements à la copie numérique est aussi important qu’on le dit, et si les établissements parviennent à affranchir les droits numériques à la source autant qu’on le prétend, l’usage marginal qu’ils font du répertoire d’Access et pour lequel ils ne peuvent libérer les droits à la source est si négligeable que cela ne peut guère affecter leur capacité de remplir leur mission.

[29] Qui plus est, si des modèles plus concurrentiels et dynamiques d’accès légal aux œuvres se développent et fleurissent, les établissements n’ont qu’à se prévaloir de ces modèles et à ignorer purement et simplement le répertoire d’Access.

[30] Neuvièmement, permettre la délivrance de licences transactionnelles en vertu du tarif provisoire pourrait donner aux établissements un faux sentiment de sécurité. Une licence transactionnelle délivrée en vertu du tarif provisoire ne clorait pas la question. Si le tarif définitif prévoit uniquement une licence ÉTP, comme Access le demande, l’établissement qui s’est prévalu d’une licence transactionnelle provisoire devra alors, sauf disposition contraire, payer le plein prix.

[31] Enfin, la prépondérance des inconvénients continue de jouer en faveur d’Access. [13] Si les montants en jeu sont à première vue importants pour Access, ils le sont beaucoup moins pour les établissements. On peut concevoir que la non-perception de redevances crée des difficultés de fonctionnement pour Access; il est peu probable que tout montant de redevances que la Commission pourra fixer en définitive ait un effet important sur les établissements concernés.

[32] Soulignons en passant le raisonnement du professeur Katz en ce qui concerne la copie numérique. Contrairement à ce qu’il affirme, les dispositions opérationnelles du tarif n’en élargissent pas la portée de façon à englober toutes les œuvres publiées. Le paragraphe 4(1) de l’annexe G du tarif provisoire prévoit clairement que la clause d’indemnisation ne s’applique pas aux copies numériques; par conséquent, la licence numérique ne permet pas aux établissements de copier ce qui n’est pas dans le répertoire d’Access. L’article 38.2 de la Loi sur le droit d’auteur ne plafonne pas non plus nécessairement le montant de dommages-intérêts payable pour les copies numériques à un titulaire dont les œuvres ne figurent pas dans le répertoire d’Access. Il faut sans doute que l’établissement se prévale de l’option prévue à l’article 29 du tarif puisque le plafond ne s’applique que si le tarif traite, dans une certaine mesure, « de la nature et de l’étendue de la reproduction ». [14]

[33] Il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments portant sur la compétence de la Commission à l’égard du redressement demandé par l’AUCC. Le pouvoir très large de la Commission de modifier un tarif l’autorise à substituer une formule entièrement nouvelle à celle proposée par une société de gestion, pourvu que le tarif reste un tarif. Bien qu’Access ait demandé un tarif offrant uniquement la licence ÉTP, il est loisible à la Commission de rendre une décision définitive qui établit des redevances fondées sur n’importe quelle formule raisonnable qu’elle retient, y compris le nombre de copies effectuées.

[34] Par contre, le redressement que propose le professeur Katz n’est pas du ressort de la Commission. Dès lors qu’une société de gestion a demandé un tarif en vertu du régime général, la Commission ne peut la forcer à traiter hors du tarif avec les utilisateurs qui y sont assujettis. [15] La Commission ne peut davantage, en aucun cas, forcer ceux qui ont demandé à la société d’agir en leur nom à traiter directement avec les utilisateurs, sur une base transactionnelle ou autre. Sur ce point, le professeur Katz confond le pouvoir de réglementer comment une société de gestion se conduit avec les utilisateurs (que la Commission possède) avec celui de réglementer comment des titulaires de droits associés à cette société se conduisent avec ces mêmes utilisateurs (que la Commission ne possède pas).

[35] Il se peut que la Commission ait le pouvoir d’interdire Access d’octroyer des licences transactionnelles. Étant donné qu’Access refuse déjà d’octroyer ce type de licence, cela ne serait guère utile et il n’est pas nécessaire de traiter davantage de la question.

[36] Nous estimons inutile d’examiner les nombreuses questions qu’ont soulevées les opposants à l’égard de la concurrence. Dans la mesure où ces questions sont pertinentes, il est préférable d’en remettre l’analyse à un autre moment, lorsque la Commission aura en main un dossier complet.

[37] Il ne nous paraît pas non plus nécessaire d’examiner la question du redressement subsidiaire proposé par Access avec l’appui du professeur Katz.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Il règne une grande confusion par rapport à ce qui est obligatoire et ce qui ne l’est pas. L’établissement qui n’a pas besoin de la licence d’Access n’a pas à se conformer au tarif provisoire. Si l’on en croit les opposants, ce qui est disponible ailleurs que chez Access fait en sorte qu’un établissement peut fort bien opérer sans licence d’Access et, par conséquent, en ignorant le tarif. Par contre, l’établissement qui choisit d’utiliser le répertoire d’Access et qui ne peut libérer les droits d’un éditeur doit se conformer au tarif.

[2] En retour, les éditeurs d’Access sont libres de négocier avec les utilisateurs, de refuser d’accorder une licence ou de leur demander de s’adresser à Access.

[3] Voir le para. 19 ci-dessous.

[4] AUCC, lettre du 16 décembre 2010 à la p. 6; ACCC, lettre du 17 décembre 2010 à la p. 3.

[5] Tarif provisoire d’Access Copyright pour les établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2013 (16 mars 2011) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 45. [Tarif provisoire]

[6] ACCC, observations du 16 juin 2011, Annexe D aux paras. 4, 14.

[7] AUCC, réplique du 19 juillet 2011, Annexe B à la p. 2.

[8] Ibid.

[9] Le professeur Katz souligne que les éditeurs d’Access peuvent chercher à influencer le résultat de l’enquête que les parties mèneront sans doute en l’espèce en octroyant moins de licences directes qu’ils ne le feraient autrement. Il y a risque tout aussi grand, sinon plus, que les établissements cherchent à influencer le résultat de l’enquête en obtenant davantage de licences directes que dans le passé ou en incitant les professeurs, employés et étudiants à effectuer les copies dont ils ont besoin en dehors de la période d’enquête.

[10] Tarif provisoire, supra note 5 aux paras. 40, 41.

[11] Ibid. au para. 36.

[12] AUCC, lettre du 21 janvier 2011 à la p. 5.

[13] Tarif provisoire, supra note 5 au para. 32.

[14] Loi sur le droit d’auteur, a. : 38.2(3).

[15] Par contre, dès qu’un tarif prévoit une façon de faire affaire, l’utilisateur peut exiger que la société de gestion traite avec lui de cette façon.

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