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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2011-07-08

Référence

Dossiers : Exécution publique d’œuvres musicales; Exécution publique d’enregistrements sonores

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Projet(s) de tarif examiné(s)

TARIFS 1.C (RADIO DE LA SRC) DE LA SOCAN ET DE RÉ:SONNE, 2006-2011

tarif des redevances à percevoir pour la communication au public par télécommunication, au canada, d’œuvres musicales et d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de prestations de telles œuvres

motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] La question en litige dans la présente affaire est simple. Les redevances que la Société Radio-Canada (SRC) verse pour jouer de la musique sur les ondes de ses chaînes radio devraient-elles continuer d’être liées à celles payées par les stations de radio commerciales? La réponse, elle, n’est pas aussi simple. Le contenu et les technologies utilisées pour le livrer ont beaucoup évolué en vingt ans, tant à la SRC qu’à la radio commerciale. Il faut donc examiner à nouveau si le lien établi entre la première et la seconde a toujours lieu d’être.

[2] Ce qui suit expose les motifs de la Commission au regard du Tarif 1.C (Radio de la SRC) de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et de Ré:Sonne Société de Gestion de la Musique (Ré:Sonne) [1] pour les années 2006 à 2011. Les sociétés ont déposé leurs projets de tarifs conformément au paragraphe 67.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur. [2]

[3] Le 31 mars 2005, le 31 mars 2006, le 30 mars 2007, le 31 mars 2008, le 27 mars 2009 et le 31 mars 2010, la SOCAN a déposé ses projets de tarifs des redevances à percevoir pour la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales ou dramatico-musicales pour les années 2006 à 2011.

[4] Le 2 avril 2002, [3] le 30 mars 2007, le 28 mars 2008 et le 31 mars 2009, Ré:Sonne a déposé ses projets de tarifs des redevances à percevoir pour la communication au public par télécommunication d’enregistrements sonores publiés d’œuvres musicales et de prestations d’artistes-interprètes de ces œuvres pour les années 2003 à 2007, 2008, 2009 et 2010 à 2011.

[5] Les tarifs proposés ont été publiés dans la Gazette du Canada, accompagnés d’une note informant les utilisateurs éventuels et leurs représentants de leur droit de s’opposer aux projets. La SRC s’est opposée en temps opportun à chacun des projets.

[6] Le 17 février 2004, Ré:Sonne informait la Commission qu’elle avait conclu une entente avec la SRC pour les années 2003 à 2005. Le 7 octobre 2004, la SRC a avisé la Commission que si celle-ci acceptait d’homologuer le Tarif 1.C de Ré:Sonne pour la période 2003-2005 conformément à l’entente convenue entre les parties, la SRC retirerait son opposition pour ces années. Pour 2006 et 2007, Ré:Sonne maintenait son projet de tarif et la SRC, son opposition.

[7] En décembre 2004, la SOCAN concluait une entente avec la SRC pour les années 2002 à 2005. Le 21 janvier suivant, la SOCAN informait la Commission de cette entente. Le 27 janvier, la SRC la confirmait.

[8] Conformément aux ententes prises, la Commission homologuait le Tarif 1.C de Ré:Sonne pour les années 2003 à 2005 le 14 janvier 2005, et le Tarif 1.C de la SOCAN pour les années 2002 à 2005 le 20 mars 2008.

[9] L’examen des tarifs de la SRC visant les autres années a été suspendu jusqu’à ce que la Commission tranche sur le réexamen du tarif applicable à la radio commerciale, le 22 février 2008. [4]

[10] Le 25 septembre 2009, la Commission a combiné l’examen du Tarif 1.C de Ré:Sonne pour 2010-2011 et du Tarif 1.C de la SOCAN pour 2010 et celui des mêmes tarifs pour 2006-2009. La SOCAN et la SRC ont accédé par la suite à la demande de la Commission d’inclure le tarif de 2011 de la SOCAN dans l’objet de l’audience.

[11] Les audiences se sont déroulées en décembre 2009 et ont duré trois jours. Le dossier de l’affaire a été fermé le 16 décembre, lorsque la SRC s’est conformée aux engagements pris durant les audiences.

II. THÈSE DES PARTIES ET TAUX PROPOSÉS

A. Sociétés de gestion

[12] La dernière homologation du Tarif 1.C de la SOCAN par la Commission remonte au 20 mars 2008. Ainsi qu’en ont convenu les parties, les redevances annuelles sont passées de 1 380 675 $ en 2002 à 1 486 836 $ en 2005.

[13] Au départ, la SOCAN demandait des redevances de 2 750 000 $ de 2006 à 2009 et de 3 750 000 $ en 2010 et 2011. Lorsque les dernières données sont devenues disponibles, la SOCAN a majoré les montants demandés à 3 254 561 $ pour 2006, 3 736 542 $ pour 2007 et 4 027 525 $ pour 2008, 2009 et 2010. [5]

[14] La SOCAN demande que la formule utilisée en 1991 pour calculer les redevances applicables à la radio de la SRC [6] soit rétablie. La formule fait intervenir trois éléments : les redevances que les stations de radio commerciales versent à la SOCAN, l’utilisation que la radio de la SRC fait du répertoire de la SOCAN par rapport celle qu’en fait la radio commerciale, et la part d’auditoire de la radio de la SRC par rapport à celle de la radio commerciale. Les augmentations importantes que propose la SOCAN découlent en partie d’augmentations proportionnelles de l’utilisation de musique et de la part d’auditoire.

[15] Pour étayer sa demande, la SOCAN a avancé trois arguments. D’abord, les motifs justifiant la majoration du tarif pour la radio commerciale sont tout aussi valables dans le cas de la SRC. Ensuite, la Cour d’appel fédérale a déterminé que les revenus des radiodiffuseurs commerciaux étaient « très utiles » pour établir le tarif applicable à la SRC. [7] Enfin, l’ampleur de la majoration proposée n’a pas d’importance, du moment que les montants proposés, et ultimement homologués, soient justes et équitables.

[16] Depuis l’adoption du tarif en 1998, la Commission a homologué à deux reprises un tarif Ré:Sonne pour la radio de la SRC : d’abord à l’issue d’une audience, puis à la suite d’une entente conclue entre les parties. [8] Chaque fois, le tarif a été fixé à 80 000 $ par mois.

[17] Dans ses projets de tarifs, Ré:Sonne demandait des redevances de 6 pour cent des frais d’exploitation, [9] multipliées par 0,6139; [10] les redevances se seraient élevées à 14 608 830 $ en 2008. Dans son énoncé de cause, Ré:Sonne a demandé que la Commission continue d’établir les redevances en fonction de celles de la SOCAN, ce qui entraînerait des redevances d’au moins 2 929 105 $ pour 2006, 3 362 888 $ pour 2007 et 3 624 773 $ pour les années 2008 à 2011. [11]

[18] Pour étayer sa demande, Ré:Sonne a cité des déclarations judiciaires portant que [TRADUCTION] « en tant que radiodiffuseur, c’est la personnalité privée de la SRC qui entre en jeu, et ses droits, obligations, pouvoirs et responsabilités sont les mêmes que ceux d’un radiodiffuseur privé, non d’un organisme public. » [12] Ré:Sonne prétend que la formule de 1991 est juste entre autres parce qu’elle tient compte de la quantité de musique que la SRC choisit de diffuser, ce qui n’est pas le cas si les redevances sont établies à un pourcentage des frais d’exploitation, comme le propose la SRC. Ré:Sonne affirme que si la Commission devait opter pour la méthode que propose la SRC, le tarif proposé serait trop bas, étant donné que le tarif SOCAN pour les stations de radio non commerciales, dont les budgets de fonctionnement sont beaucoup plus modestes que celui de la SRC, est de 1,9 pour cent. Ré:Sonne demande l’imposition d’obligations de rapport plus rigoureuses; la SRC fournit souvent des données qui laissent à désirer, ce qui entrave la distribution efficace et exacte des redevances et impose à Ré:Sonne un lourd fardeau administratif.

B. SRC

[19] La SRC voudrait que les redevances à la SOCAN soient calculées comme un pourcentage des frais d’exploitation de ses stations de radio, soit 0,44 pour cent, ce qui correspondrait approximativement à la part moyenne de ces frais qu’elle a versée à la SOCAN entre 1992 et 2005 conformément aux ententes. Cela représenterait un paiement à la SOCAN de 1 531 200 $ pour 2006 et des paiements moindres pour les années subséquentes, étant donné que les frais liés à la radio ont diminué. La SRC s’est vivement opposée à l’utilisation de la formule définie en 1991 par la Commission aux fins du calcul des redevances payables à la SOCAN. L’avocat de la SRC a très bien résumé la position de la SRC dans les observations qu’il a présentées au début de l’audience :

En fait, cette audience en revient vraiment à déterminer si la SRC devrait être assujettie à tout jamais à la formule tarifaire de 1991, qui lie le montant annuel des redevances versées par SRC à la SOCAN au montant des redevances versées par les stations de radio commerciales canadiennes. [13]

[20] Dans son argumentation finale, l’avocat de la SRC a soutenu avec vigueur que [TRADUCTION] « dans leurs propositions, la SOCAN et Ré:Sonne s’en remettent aveuglément à la formule tarifaire établie en 1991 par la Commission. » [14]

[21] L’opposition de la SRC à la formule de 1991 se fonde principalement sur l’argument qu’il est injuste de lier le montant des redevances à verser au revenu d’un tiers dont le mandat et le modèle d’affaires sont complètement différents. En outre, la SRC affirme que la formule ne convient pas pour plusieurs raisons, qu’elle donne lieu à des redevances excessivement élevées qui n’ont rien à voir avec la valeur que retire la SRC de l’utilisation de musique ou avec ses ressources financières et qu’elle ne lui offre pas la stabilité recherchée.

[22] La SRC soutient également que la formule de 1991 surestime l’importance du répertoire des sociétés de gestion du fait qu’elle tient également compte des variations dans l’utilisation de musique par chacun des quatre services radio de la SRC, sans égard à la part d’auditoire de chacun. Enfin, les facteurs évoqués par la Commission pour justifier la récente hausse du tarif pour la radio commerciale ne s’appliquent pas à la SRC. Subsidiairement, la SRC soutient que si la Commission utilise la formule de 1991, les calculs devraient être pondérés en fonction de la part d’auditoire de chacun des services.

[23] En outre, la SRC propose que le Tarif 1.C s’applique aussi à la diffusion simultanée de ses signaux hertziens. Dans sa plus récente décision sur la question, la Commission n’a pas fixé de tarif pour la diffusion simultanée des signaux de la SRC au motif que les redevances versées par cette dernière prévoient déjà le droit de diffuser la musique de la SOCAN sur Internet, ajoutant qu’elle examinerait la question lorsque viendrait le temps de réviser le Tarif 1.C. [15]

[24] La SRC convient que les redevances versées à Ré:Sonne devraient être les mêmes que celles payées à la SOCAN, rajustées en fonction de l’utilisation du répertoire.

III. ÉLÉMENTS DE PREUVE

[25] Voici la synthèse des éléments de preuve et témoignages les plus pertinents.

[26] Les parties ont déposé conjointement un rapport préparé par Erin Research, une société canadienne de recherche sur les médias, sur l’utilisation de musique par la radio de la SRC en 2009. On y mesure la musique diffusée entre 6 h et minuit par les quatre stations mères de la SRC : Radio One et Radio 2 à Toronto, la Première Chaîne et Espace Musique à Montréal. À l’aide des enregistrements fournis par la SRC, Erin Research a vérifié l’exactitude des registres eux aussi fournis par la SRC, y a ajouté les œuvres diffusées mais non consignées et a retiré les œuvres consignées mais non diffusées. Pour évaluer l’utilisation de musique dans les stations locales par rapport aux stations mères, Erin Research a retenu trois autres stations de Radio One et trois de la Première Chaîne. [16]

A. Sociétés de gestion

[27] Les sociétés de gestion ont remis d’autres rapports d’Erin Research sur l’utilisation de musique par la radio de la SRC en 2000 et en 2005 et par la radio commerciale en 2008, [17] préparés pour les besoins d’instances antérieures devant la Commission. Les intervalles de confiance associés à chacun des rapports témoignent d’un haut degré de fiabilité des résultats de l’analyse, [18] sauf peut-être dans le cas du rapport de 2000, où les données couvrant une certaine période de diffusion manquaient. Erin Research a donc d’abord effectué l’analyse à l’aide des données brutes, puis l’a reprise au moyen d’une méthode de mesure par interpolation. Combinés, les rapports produits par Erin Research dressent un portrait de l’évolution de l’utilisation de musique par la radio de la SRC. Les arguments ayant trait aux variations dans la nature et la quantité de l’utilisation de musique au fil du temps prennent appui sur ces rapports.

[28] Chaque société de gestion a déposé un autre rapport d’Erin Research documentant l’utilisation de son répertoire par la SRC. Chacune a procédé au codage requis de la musique. M. Michael Lewin de la SOCAN et Mme Doris Tay de Ré:Sonne ont expliqué la démarche. D’abord, chaque société a mis en relation les registres de la SRC, corrigés par Erin Research, et ses bases de données et autres sources [19] pour déterminer ce qui lui « appartenait ». Ensuite, chacune a classé la musique selon son propre système. La SOCAN l’a identifiée comme faisant partie du répertoire (protégée et enregistrée), appartenant au domaine public (étiquetée comme ne faisant pas partie du répertoire de la SOCAN par Erin Research) et à enregistrer (identifiée, probablement protégée mais non déclarée auprès d’une société de gestion). Ré:Sonne classifiait la musique selon quatre catégories : oui (admissibilité vérifiée et confirmée), non (enregistrement non admissible, faux direct et musique en direct), admissibilité possible (enregistrement probablement publié, admissibilité indéterminée) et S.O. (inscription qui ne semble pas être de la musique). Enfin, au moyen de l’information reçue des sociétés de gestion, Erin Research a mesuré l’utilisation du répertoire pour chaque service radio de la SRC. Pour la SOCAN, on l’a fait d’abord en tenant compte de ses trois catégories, puis en faisant abstraction de la musique non encore déclarée (NED). Pour Ré:Sonne, on l’a fait d’abord en tenant compte de ses trois premières catégories, puis en excluant les catégories « admissibilité possible » et « S.O. »

[29] Les deux sociétés de gestion ont exprimé des réserves quant à la fiabilité des registres radio de la SRC. Mme Tay a déclaré qu’ils ne sont pas aussi détaillés que ceux des stations commerciales, et qu’il est donc plus ardu et très long d’établir tant l’admissibilité des enregistrements que la répartition des redevances. Dans une déclaration écrite déposée par la SOCAN, M. Richard Kimshooye s’est plaint également du manque de fiabilité et a insisté sur la nécessité de produire des rapports portant sur un nombre suffisant de journées de diffusion afin que la répartition des redevances reflète adéquatement la diversité de la musique diffusée par la radio de la SRC.

B. SRC

[30] La SRC a appelé comme témoins Mme Christiane Leblanc, directrice d’Espace Musique et présidente du comité sur le multimédia et la musique, Services français, M. Mark Steinmetz, directeur, Musique, Services anglais – Radio, M. Stan Staple, directeur principal, Recherche et analyse stratégique, et M. Michael Mooney, directeur principal, Finances et administration nationales.

[31] Mme Leblanc et M. Steinmetz ont parlé des obligations particulières de la SRC en vertu de l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion [20] et de son mandat : offrir des services comportant une programmation très diversifiée qui renseigne, éclaire et divertit; être principalement et typiquement canadienne; contribuer activement à l’expression et à l’échange culturels. Tous deux ont insisté sur la nature nationale et non commerciale de la radio de la SRC et sur la façon dont cela la distingue de la radio commerciale. La musique est utilisée différemment. Les formules ne sont pas prévisibles, car les choix musicaux relèvent des animateurs ou des invités. Et ce n’est pas un hasard : la radio de la SRC se veut une solution de rechange à la radio commerciale, quoique M. Steinmetz ait concédé que l’une et l’autre se concurrencent pour leurs parts d’auditoire.

[32] Les deux témoins ont insisté sur ce qu’ils considèrent être une différence majeure entre la radio commerciale et celle de la SRC. La première recourt à des lecteurs automatiques qui sélectionnent la musique à diffuser, tandis qu’à la SRC, le choix est laissé aux animateurs. Les tentatives de recourir à un lecteur automatique ont échoué, tant pour les services anglais que pour les services français, car dans 80 pour cent des cas, les animateurs ne tiennent pas compte des sélections faites par le système.

[33] Le témoignage et la preuve présentés par M. Staple portent sur le lien entre l’utilisation de musique et la part d’auditoire pour chacun des quatre services. Les données sur l’auditoire fournies par M. Staple sont beaucoup plus détaillées que celles des sociétés de gestion, et couvrent une période beaucoup plus longue. Le témoin a affirmé qu’il était insensé d’utiliser des moyennes non pondérées, comme l’ont proposé les sociétés de gestion. Au moyen d’une variété de tableaux, il a cherché à montrer l’existence d’une relation inverse [21] entre l’utilisation de musique et la part d’auditoire pour la radio de la SRC tant pour les services que pour les émissions individuelles. M. Staple a également invoqué la décision de la SRC de confier toute la programmation musicale à ses services secondaires (Radio 2 et Espace Musique) plutôt qu’à ses chaînes principales (Radio One et Première Chaîne) comme une preuve additionnelle que la valeur que la musique représente pour la SRC est moindre aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1990.

[34] M. Mooney a présenté la situation financière de la SRC. Il a insisté sur l’imprévisibilité considérable des revenus de la SRC, car ils sont issus en grande partie du budget fédéral. Il a également fait observer que, dans la mesure où les revenus de la SRC demeurent constants, ils ne suivent pas l’inflation. D’après M. Mooney, une solution à ce problème serait d’établir les redevances à un pourcentage des dépenses. Les versements seraient ainsi bien plus prévisibles.

IV. HISTORIQUE DES TARIFS

[35] Comme les parties demandent à la Commission d’établir les redevances selon des méthodes très différentes, il est utile d’examiner ici l’historique des tarifs afin de les remettre en contexte.

[36] Entre 1937 et 1946, la SRC versait à la Canadian Performing Right Society (CPRS), [22] 8 cents par poste récepteur autorisé. Entre 1941 et 1946, la SRC versait également 1 cent par poste à BMI Canada. [23]

[37] En 1947, BMI et la SRC ont convenu d’un montant forfaitaire. La Commission d’appel du droit d’auteur rejetait l’entente. À partir de ce moment, et jusqu’en 1967, les tarifs de la BMI, puis de la SDE ne se sont plus appliqués à la SRC.

[38] Entre 1947 et 1951, la Commission d’appel homologuait le tarif de diffusion intérieure de la CAPAC, établissant les redevances pour la radiodiffusion à 14 cents par poste récepteur, réparti également entre les stations privées et la SRC. En 1950, les redevances étaient majorées pour tenir compte de la venue de Terre-Neuve dans la Confédération, la SRC recevant la plus grande part de l’augmentation.

[39] En 1952, la Commission d’appel modifiait la méthode de calcul du tarif de la CAPAC et fixait le tarif applicable à la SRC à 1 cent par habitant du Canada, plus 1,75 pour cent du revenu brut de la SRC. [24] Cette méthode de calcul est demeurée en vigueur jusqu’en 1956.

[40] En 1957, la Commission approuvait un tarif CAPAC unique pour la radio et la télévision de la SRC, soit 1,6 cent par habitant. La formule est demeurée la même jusqu’en 1985, le taux augmentant progressivement jusqu’à 8,159 cents. La même méthode a été utilisée de 1967 à 1985 pour les tarifs de BMI.

[41] En 1978, la CAPAC demandait que deux tarifs distincts soient adoptés pour la SRC : 2 pour cent des coûts de programmation pour la radio et 1,6 pour cent des revenus commerciaux pour la télévision. La Commission rejetait la proposition, affirmant qu’il n’était pas logique de fixer le tarif en fonction des dépenses ou des revenus dans le cas de la SRC. [25] Le fait que la SRC se voulait essentiellement une institution nationale à but non lucratif et que le cadre en vigueur permettait aux sociétés de gestion d’atteindre leur objectif – accroître les revenus de leurs membres – a beaucoup pesé dans la décision.

[42] En 1984, la SDE demandait que les redevances pour la radio de la SRC soient calculées comme un pourcentage des dépenses. La SRC s’y est opposée, répliquant que cette façon de faire donnerait lieu à des redevances fondées sur des dépenses qui n’ont rien à voir avec l’utilisation de musique. [26] La Commission a convenu que la SRC devrait payer le même prix de base que les radiodiffuseurs privés car « la musique ne se distingue pas de tous les autres biens ou articles qui servent à la radiodiffusion. » [27] Elle a également appuyé l’opinion de la SRC selon laquelle l’auditoire est un facteur qu’il importe de prendre en considération dans toute comparaison entre la radio de la SRC et la radio commerciale. [28] En définitive, la Commission a rejeté la formule proposée principalement parce qu’elle ne tenait « pas suffisamment compte du caractère exceptionnel de bon nombre des frais inhérents à la radiodiffusion de la société d’État ainsi que des problèmes que représentent le volume de l’auditoire et l’utilisation de la musique appartenant au domaine public. » [29]

[43] La Cour d’appel fédérale siégeant en révision judiciaire a conclu que la Commission devait « prendre en considération la différence spectaculaire existant entre, d’une part, les sommes versées à [la SDE] par [la SRC], et d’autre part, les sommes versées à la requérante par les radiodiffuseurs privés. » [30] Pour des raisons qu’il n’est pas pertinent de mentionner ici, la Cour a renvoyé l’affaire devant la Commission aux fins d’un réexamen. La Commission a alors réitéré sa décision antérieure :

[…] le tarif qu’elle a fixé de même que la formule qu’elle a choisie de mettre en vigueur pour en déterminer le quantum ont été basés sur son appréciation de la preuve soumise : 1) quant à l’utilisation par Radio-Canada des œuvres des compositeurs, auteurs et éditeurs représentés par la SDE; 2) quant à la comparaison qu’il y a lieu de faire entre le nombre d’auditeurs des postes privés et celui de Radio-Canada; 3) quant à certaines différences essentielles entre les activités de Radio-Canada et celles des postes privés. [31]

[44] Une autre demande visant à scinder les tarifs télévision et radio de la SRC a été rejetée en 1985. [32]

[45] En 1986, la SDE a réitéré sa demande de fragmentation du tarif de la SRC, souhaitant que le tarif radio soit fondé sur le nombre d’habitants. Un des opposants, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ), proposait d’établir les redevances à 3,86 pour cent des dépenses d’exploitation attribuables à la radio. [33] Pour la première fois, la SRC ne s’est pas opposée à l’adoption d’autre formule que celle fondée sur le nombre d’habitants.

[46] Même si la Commission est parvenue à la conclusion que, pour diverses raisons, la formule par habitant ne convenait plus, elle a tout de même établi une formule par habitant en fonction de la part d’auditoire relative de la SRC :

Le raisonnement à la base de cette comparaison est que, si au lieu d’assumer sans compensation d’origine commerciale le coût de son service de radio, la SRC le monnayait sous forme de recettes publicitaires, le prix de la publicité qu’elle vendrait serait déterminé par le nombre d’auditeurs susceptibles d’écouter ses postes de radio et, partant, de prendre connaissance de la publicité qu’ils véhiculent. C’est là un principe d’application universellement reconnu dans le domaine des communications et sur lequel il n’est pas besoin d’élaborer. [34]

[47] On a établi des tarifs distincts pour la radio et la télévision. Les versements au titre des services radiophoniques ont doublé. Une demande de révision judiciaire de la décision a échoué. [35]

[48] En 1987, les sociétés de gestion demandaient une augmentation de 4 pour cent de la redevance par habitant pour la radio de la SRC. Cette dernière s’est opposée à la structure et au montant. Elle souhaitait verser une somme forfaitaire qui permettrait de « tenir compte de l’usage qu’elle fait des répertoires des sociétés et de l’indice de croissance général dans son contexte canadien. » [36] La SPACQ a réitéré sa proposition de 1986. La SRC a affirmé qu’un tarif fondé sur les coûts de programmation serait une solution arbitraire car ces coûts sont influencés par « un nombre important de facteurs, dont l’immense majorité n’ont rien à voir avec la musique […] » [37]

[49] La Commission a reconnu le caractère unique de la SRC et admis qu’il fallait en tenir compte dans toute analogie entre celle-ci et la radio commerciale. Elle a également rappelé son obligation de fixer une indemnisation raisonnable pour les créateurs ainsi que le principe fondamental selon lequel des comparaisons peuvent et doivent être faites entre les différents utilisateurs des répertoires des sociétés de gestion en veillant à faire les nuances qui s’imposent. [38] La Commission a refusé d’utiliser les coûts de programmation comme assiette tarifaire. Elle a jugé intéressante la proposition de versement forfaitaire présentée par la SRC, mais a conclu que la somme proposée n’était pas réaliste. En conséquence, la Commission a accepté la proposition des sociétés de gestion de majorer les redevances de 4 pour cent. [39]

[50] La Cour d’appel fédérale a annulé la décision, jugeant essentiellement que la Commission avait rejeté la contre-proposition de la SRC sans en avoir adéquatement considéré le bien-fondé :

Je pense que la Commission aurait dû carrément se pencher sur la question de savoir si, comme le soutient la requérante, elle devait recevoir un traitement différent [...] étant donné que ces œuvres ont moins de valeur pour elle que pour les diffuseurs privés, compte tenu du fait que le volume d’utilisation réelle dans sa programmation radiophonique en est moindre. [40]

[51] Lors du réexamen, la Commission a d’abord pris en compte la part d’auditoire de la SRC par rapport à celle de la radio commerciale et établi les redevances à payer à une proportion de celles que versent les stations commerciales. La Commission a ensuite établi que la SRC utilisait 60 pour cent moins de musique protégée que la radio commerciale. Toutefois, elle a réduit de seulement 30 pour cent les redevances calculées d’après la part d’auditoire relative, soutenant que « dans toute comparaison à établir avec le secteur privé, la cote d’écoute est et doit demeurer le facteur prépondérant. » [41] Enfin, elle a converti la somme forfaitaire en un montant par habitant.

[52] La formule de calcul du tarif pour 1988, 1989 et 1990 était la même qu’en 1987.

[53] Dans SOCAN 1991, [42] la Commission a raffiné la méthode utilisée dans SRC (1987 - Réexamen); elle a fixé le tarif radio à un montant correspondant au produit de trois éléments : les redevances versées par les stations de radio commerciales à la SOCAN, le taux relatif d’utilisation du répertoire de la SOCAN par la SRC comparativement à celui de la radio commerciale et la part d’auditoire relative de la SRC par rapport aux stations commerciales. Cette nouvelle approche comportait deux différences importantes. Premièrement, la Commission a pleinement tenu compte de l’utilisation relative du répertoire dans sa formule. En outre, elle a abandonné la formule par habitant et fixé une somme forfaitaire à payer en versements mensuels égaux.

[54] En 1992, le tarif a été homologué conformément à l’entente intervenue entre la SOCAN et la SRC. La Commission a toutefois précisé qu’elle ne mettait pas de côté la formule de 1991. [43]

[55] De 1993 à 2001, la SOCAN n’a pas déposé de tarif pour la radio ou la télévision de la SRC. Comme on l’a déjà mentionné, les tarifs applicables à la radio homologués par la Commission pour les années 2002 à 2005 découlent d’une entente conclue entre la SOCAN et la SRC.

[56] La Commission a homologué à deux reprises le tarif SRC de Ré:Sonne, toujours à 80 000 $ par mois. Le tarif pour les années 1998 à 2002 a été fixé en fonction « du montant des redevances [que la SRC] verse à la SOCAN, ajusté pour tenir compte de l’utilisation relative que la SRC fait des répertoires de ces deux sociétés de gestion. » [44] Le tarif pour les années 2003 à 2005 prévoit le même taux et découle d’une entente.

V. ANALYSE

[57] D’après la SRC, si la technologie a évolué considérablement, le mandat et l’activité de base de la radio de la SRC demeurent les mêmes : [TRADUCTION] « livrer aux Canadiens un point de vue canadien sur des réalités canadiennes. » [45] Si la SRC fait concurrence aux radiodiffuseurs privés pour sa part d’auditoire, elle a également un mandat spécial de service public, soit celui de proposer une programmation typiquement canadienne, de refléter, tant à l’échelle nationale que régionale, les réalités du Canada et de ses régions, et de favoriser la transmission et la communication de l’information culturelle. En outre, les services français contribuent grandement aux échanges entre les collectivités francophones du Canada.

[58] La SRC soutient que, du fait de son mandat et de ses caractéristiques uniques, elle ne devrait pas être traitée comme les autres radiodiffuseurs. La radio commerciale offre des créneaux aux annonceurs; en règle générale, les radiodiffuseurs privés se spécialisent dans un genre particulier de musique. Cette façon de faire est lucrative : les radiodiffuseurs peuvent vendre plus facilement leur temps d’antenne aux annonceurs car ils leur livrent des auditoires ciblés. La SRC suit un modèle d’affaires différent. Comme M. Steinmetz le souligne : [TRADUCTION] « Ce que la SRC fait est en quelque sorte complètement anti-radio, c’est tout le contraire de ce que le médium est censé faire. » [46] En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, la SRC remplit un mandat bien distinct : [TRADUCTION] « Elle offre un bouquet d’émissions destinées aux Canadiens de tous les âges et de tous les groupes culturels plutôt qu’une programmation très spécialisée. Les œuvres musicales ne sont pas répétées, et le genre de musique et d’émissions n’est pas associable à un auditoire particulier. » [47] La SRC souhaite attirer un auditoire aussi diversifié que possible. Ses services musicaux ne diffusent pas d’émissions en reprise et ne recourent pas à des listes de diffusion à répétition. On passe rarement le même enregistrement; quand on le fait, c’est uniquement pour faire connaître les talents canadiens.

[59] Du point de vue des sociétés de gestion cependant, la radio de la SRC n’est pas différente des stations commerciales. Voici ce qu’a déclaré l’avocat de la SOCAN dans les observations qu’il a présentées au début de l’audience :

[TRADUCTION] Au final, la SRC demeure un membre de l’industrie canadienne de la radiodiffusion et elle fait manifestement concurrence aux stations privées pour accroître sa part d’auditoire, ce qu’elle a très bien réussi à faire, et c’est tout à son honneur. Sa part d’auditoire s’est accrue considérablement au fil du temps. Une des raisons qui expliquent ces excellents résultats est qu’elle a eu recours à la musique des sociétés de gestion pour élargir son bassin d’auditeurs. En ce sens, donc, la SRC ne se distingue aucunement des radiodiffuseurs privés. [48]

[60] Dans son argumentation finale, l’avocat de Ré:Sonne s’est attardé à certaines similarités entre la radio de la SRC et les stations commerciales : [TRADUCTION] « Les droits, obligations, pouvoirs et responsabilités, y compris ses engagements envers les sociétés de gestion, sont les mêmes que ceux d’un radiodiffuseur privé et non ceux d’un organisme public. » [49] L’avocat de Ré:Sonne a également expliqué que la radio de la SRC ressemble à la radio commerciale du point de vue des stratégies de programmation employées : [TRADUCTION] « La radio commerciale se démarque par sa programmation ciblée. La SRC a elle aussi une stratégie pour valoriser sa marque. Cette marque, c’est sa diversité. » [50]

[61] Nous sommes en partie d’accord et en partie en désaccord avec chacune des parties. La SRC remplit effectivement un mandat unique en soi, mais cela ne lui confère pas nécessairement le droit d’être traitée différemment de la radio commerciale. Par contre, la proposition selon laquelle la SRC n’a pas un caractère unique et devrait être traitée sur le même pied que la radio commerciale n’implique pas pour autant que ses redevances devraient être calculées à l’aide d’une formule fondée sur les redevances des stations commerciales. À cet égard, les énoncés judiciaires que citent les sociétés de gestion pour valider les comparaisons entre les diffuseurs privés et la radio de la SRC ne sont pas utiles. Dire, comme on le fait dans les décisions citées à la note 12, que la SRC devrait être traitée comme les diffuseurs privés n’aide pas à décider si la meilleure façon d’y arriver est en établissant les redevances de la première en fonction de celles des seconds. Quant à l’arrêt SRC TV (1993), il énonce clairement que les paiements effectués par les diffuseurs privés « ne sont évidemment pas concluants. » [51]

A. SOCAN

[62] Puisque toutes les parties s’entendent sur le fait que le tarif SOCAN devrait servir de point de référence au tarif Ré:Sonne, nous établissons d’abord les redevances à percevoir par la SOCAN.

[63] Dans SOCAN (1991), [52] la Commission a établi les redevances radio de la SRC au produit de trois éléments : les redevances versées par la radio commerciale à la SOCAN, la part d’auditoire de la SRC par rapport à celle des stations commerciales et le taux d’utilisation du répertoire de la SOCAN par la SRC comparativement aux stations commerciales. Les redevances pour la radio commerciale sont, quant à elles, équivalentes au produit de leurs revenus et du taux applicable à ces stations.

[64] Dans son énoncé de cause, la SOCAN actualise la formule de 1991 de la Commission en y appliquant les données de 2008. Cette année-là, la radio commerciale lui a versé 54 432 346 $. La part d’auditoire de la SRC était 12,63 pour cent, celle des radiodiffuseurs canadiens privés 80,92 pour cent. [53] La part d’auditoire relative de la SRC est donc 15,61 pour cent (= 12,63 ÷ 0,8092). Selon la SOCAN, la SRC consacre 31,1 pour cent de son temps d’antenne aux œuvres faisant partie de son répertoire; pour les radiodiffuseurs canadiens privés, c’est 65,6 pour cent. L’utilisation relative du répertoire de la SOCAN par la SRC est donc 47,4 pour cent (= 31,1 ÷ 0,656). Si on applique la formule de 1991, les redevances s’élèvent à 4 027 525 $ (= 54 432 346 $ × 0,1561 × 0,474). La formule n’a pas été révisée depuis 1991. Les tarifs homologués prenaient appui sur des ententes conclues entre la SRC et les sociétés de gestion.

[65] Nous ne remettons pas en question les données brutes que la SOCAN propose d’intégrer à la formule de 1991, même si elles ont fait l’objet d’importantes discussions durant les audiences. Nous ne contestons pas non plus le fait que les redevances radio de la SRC devraient tenir compte de sa part d’auditoire et de son utilisation de musique. Au contraire, ces deux données sont déterminantes dans l’établissement d’un tarif équitable pour la radio de la SRC.

[66] Nous devons tout de même évaluer la pertinence de la formule de 1991 dans le contexte actuel. Les redevances pour la radio commerciale sont calculées d’après un taux et une assiette tarifaire choisis pour des raisons bien précises. Ces raisons ont changé au fil du temps. La formule de 1991 repose sur les redevances versées par la radio commerciale; ce choix s’appuie sur des hypothèses qui doivent demeurer valables pour que la formule reste utile. À notre avis, la plupart des assertions qui sous-tendent la formule de 1991 sont désormais critiquables ou tout simplement fausses.

[67] La formule de 1991 prend implicitement appui sur le taux fixé par la Commission pour la radio commerciale. En 1991, ce taux était de 3,2 pour cent. En 2003, le taux passait à 4,2 pour cent, et ce, pour trois raisons. [54] D’abord, la musique a une plus grande valeur pour la radio commerciale que ne le pensait la Commission jusque-là. Ensuite, la radio commerciale diffuse plus de musique que dans le passé. Enfin, la radio commerciale utilise aujourd’hui la musique de manière plus efficiente. Pour pouvoir utiliser le taux majoré aux fins du calcul des redevances de la SRC, ces facteurs doivent tous être pertinents, et ce, autant pour la radio de la SRC que pour les radiodiffuseurs privés, ce qui n’est pas le cas.

[68] Sans données fiables, il est impossible d’évaluer si le premier facteur – la valeur accrue de la musique – s’applique à la SRC. Nous ne disposons pas de telles données. En outre, le fait que la valeur de la musique soit plus grande pour les stations commerciales ne signifie pas qu’elle l’est aussi pour la radio de la SRC. La valeur de la musique n’est pas un concept abstrait qui se mesure sans égard au contexte.

[69] Le deuxième facteur est pertinent dans le cas de la radio de la SRC. Les redevances qu’elle verse devraient être fonction de son utilisation du répertoire protégé, comme c’est le cas pour les stations commerciales. La formule de 1991 permet de tenir compte de ce facteur, mais on peut y arriver autrement.

[70] À l’égard du troisième facteur, la radio de la SRC n’a pas fait les mêmes gains d’efficience présumés que la radio commerciale. Cette dernière recourt à des stratégies de marque et de marketing ciblé afin de livrer aux annonceurs des groupes d’auditeurs particuliers. Cela leur permet de pratiquer des tarifs de publicité plus élevés. Il y a lieu de formuler ici deux observations. D’abord, puisque la SRC ne vend pas de publicité, elle ne peut obtenir les gains d’efficience associés à une stratégie de marque ou au marketing ciblé. Ensuite, même si la SRC pouvait obtenir ces gains d’efficience, ses activités ont en fait pris une orientation opposée. Les stations musicales de la SRC offrent une plus grande diversité depuis quelques années.

[71] En résumé, si on veut recourir à la formule de 1991 pour établir les redevances radio de la SRC, il faut que les trois facteurs énoncés dans Radio commerciale (2005) soient pertinents. Le premier ne l’est pas clairement. Le deuxième l’est, mais on peut en tenir compte autrement. Le troisième ne s’applique pas. Par conséquent, le taux établi en 2005 par la Commission pour la radio commerciale ne peut être utilisé.

[72] La formule de 1991 repose également sur l’assertion selon laquelle les redevances de la radio de la SRC devraient fluctuer en fonction de tout changement dans les revenus des stations commerciales, sans égard à la cause. Autrement dit, la formule de 1991 s’appuie sur le postulat qu’on peut établir de manière fiable les redevances de la radio de la SRC en examinant la mesure dans laquelle la radio privée réussit à se faire payer pour livrer un auditoire à des publicitaires et ce, que la musique joue ou non un rôle dans l’obtention de ces revenus. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point. Il serait inconvenant de tenir compte, dans le calcul des redevances de la SRC, de toute hausse des recettes publicitaires attribuable à des facteurs autres que la musique. Or, ces facteurs existent bel et bien, l’un étant l’augmentation importante du nombre de stations. La concentration accrue observée dans l’industrie canadienne de la radio commerciale a permis de gonfler les recettes publicitaires, entre autres par la vente de campagnes pancanadiennes et par l’offre de bouquets de stations permettant de mieux adapter la publicité aux publics recherchés.

[73] Par ailleurs, le lien établi entre le montant que la radio de la SRC verse au titre de la musique et ce que les stations commerciales tirent de la vente de temps d’antenne prend appui sur une autre hypothèse, selon laquelle pour la radio commerciale, tous les auditeurs se valent plus ou moins. Cette hypothèse, si elle a pu être valide par le passé, ne l’est plus aujourd’hui. La programmation spécialisée permet aux stations de radio non seulement d’augmenter leurs tarifs publicitaires par auditeur, mais aussi d’appliquer des tarifs qui discriminent entre autres selon le pouvoir d’achat de l’auditeur cible et sa propension à dépenser. [55] Cette discrimination a d’importantes répercussions. La valeur de la musique varie selon les auditeurs, ce qui complique la tâche de déterminer le bon comparateur.

[74] Le contexte ayant incité la Commission à conclure, en 1991, que le montant des redevances que la radio commerciale verse à la SOCAN pouvait servir de point de départ pour fixer les redevances de la radio de la SRC a évolué considérablement depuis, faisant en sorte que la formule de 1991 n’est désormais plus valable. L’écart entre la radio commerciale et la radio de la SRC est devenu tout simplement trop grand.

B. Proposition de la SRC

[75] La SRC demande un tarif radio de 0,44 pour cent des frais d’exploitation de ses services radio. La SRC fait observer que le montant homologué par la Commission pour les années 2002 à 2005 équivaut à environ 0,44 pour cent des frais d’exploitation de la radio à cette époque et qu’il pourrait donc constituer un précédent utile. Nous ne sommes pas d’accord.

[76] La proposition de la SRC présente plusieurs difficultés conceptuelles. D’abord, elle ne tient aucun compte de sa part d’auditoire ou de son utilisation de musique. L’un ou l’autre pourrait augmenter ou diminuer, la SRC verserait toujours les mêmes redevances à la SOCAN. Ensuite, tout comme les redevances de la radio commerciale ne sont pas liées aux activités de la SRC, les dépenses de la SRC ne sont pas liées à la valeur de la musique.

[77] Troisièmement, la majeure partie de l’argumentation de la SRC à l’appui de la formule et du tarif qu’elle propose est un discours à peine déguisé sur la capacité de payer. Cette capacité n’est pertinente qu’après qu’une formule et qu’un tarif justes ont été arrêtés. L’avocate de la SOCAN a très bien résumé la question : [TRADUCTION] « Cette affaire a vraiment trait à la capacité de jouer, et non à la capacité de payer. » [56]

[78] Enfin, les montants sont le fruit d’une entente entre la SOCAN et la SRC. Lorsque la Commission a homologué le tarif, elle n’a pas commenté l’entente ou la démarche qui y a donné lieu. De nombreux facteurs autres que la valeur influent sur les montants fixés par entente, notamment les compétences des parties en matière de négociation, la perte de temps et les désagréments associés au fait de ne pas en arriver à une entente ainsi que la présomption que la conclusion aisée d’une entente sur un point facilitera une entente sur un autre point, même s’il n’est pas lié au premier. Chaque entente doit être analysée afin de déterminer si elle nous est utile aux fins de l’établissement des redevances. Celles dont il est question ici ne le sont pas, ne serait-ce que parce que nous ne savons pas si les facteurs que nous jugeons importants, notamment la part d’auditoire et l’utilisation de musique, ont été pris en considération.

C. Tarif

[79] Les formules tarifaires proposées par chacune des parties sont inadmissibles. Par conséquent, nous devons recourir à notre propre méthode, laquelle exige de fixer un point de départ et d’apporter plusieurs rajustements. La méthodologie que nous utilisons pour calculer les redevances radio de la SRC n’intègre que des paramètres qui lui sont spécifiques, exception faite de l’inflation. Seuls des changements dans ses pratiques pourront donc avoir une influence sur le montant des redevances qu’elle devra verser.

i. Point de départ

[80] En 1991, la Commission a homologué un tarif SOCAN de 1 117 323 $ pour la radio de la SRC. Cette décision tenait compte de divers éléments, dont les tarifs homologués antérieurement, les mises en garde de la Cour d’appel fédérale, la part d’auditoire et l’utilisation de la musique. À cause des changements significatifs que nous avons mentionnés, la formule de 1991 n’est désormais plus appropriée, pour les raisons évoquées précédemment. Cela dit, rien ne nous porte à croire que l’application de la formule lorsqu’on l’a utilisée a entraîné un résultat injuste. Le montant qu’elle a généré peut donc servir de point de départ pour notre analyse.

[81] Ce montant doit toutefois tenir compte de trois facteurs principaux : l’inflation, l’auditoire et l’utilisation de la musique. Puisque les données à l’égard de l’utilisation de la musique et de l’auditoire sont disponibles pour 2008, nous utilisons cette année comme référence pour établir la comparaison avec 1991. Les redevances sont calculées pour 2008 et sont interpolées ou extrapolées aux autres années du tarif.

ii. Rajustement en fonction de l’inflation

[82] Dans le témoignage de M. Mooney, [57] il a fréquemment été question d’inflation et de dollars constants. D’abord, le témoin a mentionné que les crédits parlementaires accordés à la SRC ont diminué considérablement en dollars constants. Les dépenses de la SRC attribuables à la radio ont également subi une baisse en dollars constants. Dans les tableaux qui accompagnaient la déclaration de M. Mooney, [58] la SRC a calculé les dépenses et les revenus en dollars constants au moyen de l’indice des prix à la consommation (IPC). La SRC propose que le tarif soit établi en proportion des dépenses. Les tarifs de ce type sont automatiquement rajustés pour l’inflation. En amenant la question de l’inflation, la SRC soulève en fait deux interrogations. En premier lieu, les tarifs applicables à la SRC devraient-ils être indexés sur l’inflation? En deuxième lieu, quelle mesure de l’inflation devrait-on utiliser?

[83] Il faut répondre à la première question par l’affirmative. En 1991, le pouvoir d’achat du dollar était nettement plus grand qu’aujourd’hui. Comme les redevances versées en 1991 correspondaient à la valeur de la musique à l’époque, le fait de ne pas rajuster le montant en fonction de l’inflation entraînerait une érosion de cette valeur.

[84] La réponse à la deuxième question est plus complexe. L’inflation totale s’est chiffrée à 38,17 pour cent entre janvier 1991 et décembre 2008, ainsi que l’indique la variation en pourcentage de l’IPC [59] pour les deux mois en question. Pour calculer cette variation, il est plus précis d’utiliser les indices pour ces mois plutôt que d’utiliser les moyennes annuelles des deux années. [60] En effet, recourir à deux moyennes annuelles revient à « retrancher » deux périodes – la période de la première année où l’inflation n’a pas encore atteint la moyenne annuelle et la période de la deuxième année où l’inflation a déjà dépassé la moyenne annuelle. Le point de départ (le montant de 1991) sera rajusté en conséquence.

[85] Au fil des années, la Commission a rajusté les tarifs en dollars en fonction du taux d’inflation à l’aide de l’Indice des prix des produits industriels (IPPI), de l’IPC et de différentes variantes de ces indices. La dernière fois que la Commission a abordé la question remonte à 2004. [61] Elle avait alors rajusté le montant fixe des redevances en fonction de la variation annuelle moyenne de l’IPC, moins un pour cent. Deux raisons justifiaient cette soustraction :

Premièrement, la règle de rajustement des tarifs pour l’inflation doit assurer un équilibre entre les utilisateurs de musique et les ayants droit représentés par la SOCAN. Puisque cette règle permet des hausses de tarifs sans qu’aucune autre condition de marché soit modifiée, il apparaît équitable de s’assurer que les gains ne soient pas nécessairement entièrement attribués aux ayants droit. Rarement dans l’ensemble de l’économie, la rémunération d’un individu augmente de manière automatique au rythme de l’inflation. Quand il y a rajustement automatique, il s’agit la plupart du temps d’un rajustement partiel.

Deuxièmement, bien que les tarifs de la SOCAN ne contribuent que très faiblement à l’IPC d’ensemble, il ne faudrait pas que la règle de rajustement des tarifs soit elle-même une source d’accroissement ou de maintien de l’inflation dans un secteur particulier de l’économie. Si par exemple, le rajustement pour l’inflation provoque pour une année particulière une hausse générale des redevances, il se pourrait que cette hausse soit entièrement transmise aux coûts des salles ou aux prix des billets de spectacle, ce qui se traduirait rapidement en une hausse générale des prix dans ce secteur économique. Le fait de soustraire un pourcentage de l’IPC permet d’atténuer les risques qu’une telle situation se produise. [62]

[86] Les deux arguments invoqués sont aujourd’hui moins pertinents, pour plusieurs raisons.

[87] En premier lieu, l’effet potentiel de dissuasion que l’indexation intégrale peut avoir sur les sociétés de gestion est largement neutralisé par le fait que l’inflation gruge la valeur réelle, quoique lentement. Si on ne prend pas en considération le pouvoir d’achat affaibli par l’inflation, le caractère juste et équitable des tarifs homologués s’amenuise au fil du temps.

[88] En deuxième lieu, on pourrait soutenir que l’analogie entre les salaires offerts sur le marché du travail et les sommes remises par les sociétés de gestion aux titulaires de droits est boiteuse. Un travailleur dont le salaire ne suit pas l’inflation a la possibilité de chercher un nouvel emploi; le titulaire dont la société de gestion ne parvient pas à préserver le pouvoir d’achat réel de ses redevances n’a quant à lui pas de solution de rechange.

[89] En troisième lieu, la crainte d’une spirale inflationniste au Canada est moins grande aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2004. Le régime de la Banque du Canada fondé sur une cible de maîtrise de l’inflation a su résister à plusieurs phases d’expansion et à une récente contraction de l’économie canadienne, sans qu’on ait observé de signes de tension. Si le secteur culturel souhaite que ce soient les clients qui assument les hausses de prix, il se heurtera à la loi de la demande : si le prix d’un bien augmente, la quantité demandée par les consommateurs sera plus faible. Comme les entreprises souhaitent maximiser leurs profits, la probabilité que jaillisse une spirale inflationniste est essentiellement nulle.

[90] Enfin, soustraire n’importe quelle valeur de la mesure de l’inflation n’est pas une démarche qui cadre avec le principe voulant qu’on reproduise le contexte des marchés concurrentiels : dans ce type de marché, les prix sont établis en termes relatifs ou réels, et les prix nominaux s’ajustent en conséquence.

[91] En résumé, aucune des raisons mises de l’avant par la Commission en 2004 pour justifier l’utilisation d’un taux inférieur à l’IPC pour tenir compte de l’inflation ne s’applique réellement au contexte actuel. Plusieurs raisons favorisent l’IPC sans correction. L’IPC demeure la meilleure mesure de l’inflation pour préserver le pouvoir d’achat, car il est le reflet des prix des biens et services que se procure un ménage canadien moyen. Nous convenons donc de recourir à l’IPC de janvier 1991 à décembre 2008, sans correction supplémentaire.

iii. Prise en compte des variations de la part d’auditoire et de l’utilisation de musique

[92] Le tarif radio de la SRC devrait tenir compte des variations d’écoute et d’utilisation de musique. La formule de 1991 y arrivait en comparant ces variables pour la SRC et la radio commerciale. Pour les raisons évoquées précédemment, nous ne souhaitons plus faire cette comparaison.

[93] Nous avons déjà dit que la formule de 1991, si elle n’est plus utile, a donné un résultat qui, de prime abord, est équitable. Si le montant total des redevances est équitable, le montant par unité de musique l’est aussi. De plus, toutes choses égales, la SRC devrait payer le même prix par unité en 2008 qu’en 1991, puisque les redevances de 1991 nous servent de point de départ. Par conséquent, si nous arrivons à comparer le nombre d’unités de musique pour la radio de la SRC en 1991 et en 2008, nous pouvons utiliser ces données et les redevances de 1991 pour calculer le montant de redevances que la radio de la SRC devrait payer en 2008, avant correction pour l’inflation.

[94] Le nombre d’unités de musique pour la radio de la SRC est fonction de son utilisation de musique protégée et de l’écoute. [63] Nous connaissons à la minute près la quantité de musique protégée que chaque service utilise et le nombre d’heures d’écoute qu’il obtient. Le produit de l’un et l’autre, que nous appelons « impressions musicales », nous donne le temps précis que les Canadiens ont passé à écouter la musique protégée diffusée par chaque service. Subséquemment, le total des impressions musicales pour chacun des services établit combien d’impressions ont été utilisées par la radio de la SRC. On peut alors comparer ces totaux pour 1991 et 2008 et ajuster les redevances à l’avenant.

[95] Il existe une forte analogie entre l’impression musicale et l’impression de signal éloigné dont parle la décision de 1993 sur la retransmission. [64] À l’époque, la Commission comptait le nombre de minutes passées à visionner les signaux éloignés. Cette fois-ci, nous comptons le nombre d’heures passées à écouter de la musique protégée sur les ondes de la radio de la SRC. Cela dit, une différence importante existe. En retransmission, les impressions étaient converties en parts, puisque les impressions servaient à répartir les redevances. Cette fois-ci, nous n’avons pas à procéder ainsi. Il suffit de comparer le nombre d’impressions musicales en 1991 et en 2008 pour dériver le montant des redevances pour 2008 à partir de celles de 1991.

[96] La démarche que nous retenons présente trois avantages importants. D’abord, elle évite d’avoir à décider si chaque service devrait compter également dans les calculs (ce que propose la SOCAN) ou si son importance devrait refléter son écoute (ce que propose la SRC). Ensuite, elle reflète les variations d’écoute de la musique que diffuse la radio de la SRC peu importe ce qui les cause. Si les programmeurs de la SRC incorporent davantage de musique, le nombre d’impressions musicales augmente pour un auditoire constant. Réciproquement, si les heures d’écoute augmentent (que ce soit la part d’écoute, la population ou le nombre moyen d’heures où l’on syntonise la radio qui augmente), le nombre d’impressions augmente. Enfin, ce concept permet parfaitement de tenir compte de la relation inverse qui pourrait exister entre l’utilisation de musique et l’écoute de chaque service, comme l’ont soutenu les témoins de la SRC.

[97] Pour calculer les impressions musicales, il nous faut d’abord obtenir une estimation du nombre de minutes de musique de la SOCAN utilisées.

[98] La colonne D du tableau 1 donne la quantité de musique NED en pourcentage du temps d’antenne, rajustée d’après l’assertion prudente selon laquelle l’utilisation de la musique de la SOCAN du répertoire déclaré n’est pas plus fréquente que celle du répertoire NED. La colonne E indique la quantité de musique SOCAN en minutes, tenant compte du rajustement fait au titre des œuvres NED. [65]

Service

Registered Music

 

Musique déclarée

NYR

Music

 

Musique NED

Registered Music over Total Programming Time

 

Musique déclarée par rapport au temps d’antenne total

NYR Music Adjusted to Percentage of Registered

Music

 

Musique NED rajustée au pourcentage de la musique déclarée

SOCAN Music with NYR Adjustment

 

Musique de la SOCAN avec rajustement

NED

 

(A)

(B)

(C)

(D)

= (B) × (C)

(E)

= (A) + (D)

Table 1: Calculation of SOCAN Music with NYR Adjustment, 2008

Tableau 1: Calcul de la musique SOCAN avec ajustement NED, 2008

Radio One

968.3

93.2

100.00%

93.2

1061.5

Radio 2

3367.7

815.5

69.10%

563.5

3931.2

Première Chaîne

997.7

146.7

96.60%

141.7

1139.4

Espace Musique

4057.1

685.9

74.40%

510.3

4567.4

[99] Le calcul des impressions musicales, détaillé au tableau 2, démontre que même si, au total, tant les heures d’écoute que les minutes de musique protégée diffusée ont augmenté considérablement, le nombre d’impressions musicales n’a augmenté que légèrement de 108 millions à 113 millions. Cela vient renforcer la prétention de la SRC portant qu’il existe une relation inverse entre l’utilisation de musique et l’écoute. Il importe peu que cette relation soit fonction du service ou de l’émission, puisque toutes les impressions musicales de tous les services ont une valeur égale.

Service

Music Use (Minutes)1

 

Utilisation de la musique (minutes)2

Hours Tuned (’000s)

 

Heures d’écoute (milliers)

Music Impressions

 

Impressions musicales

Total Royalties

 

Redevances totales

 

(A)

(B)

(C)

= (A) × (B)

(D)

(E)

= (D) × (C)2008 ÷ (C)1991

Table 2: Calculation of 2008 Royalties based on Music Impressions

Tableau 2: Calcul des redevances pour 2008 à partir des impressions musicales

 

1991

2008

1991

2008

1991

2008

 

 

Radio One

1,920.24

1,061.50

33,173

39,505

63,700,122

41,934,558

 

 

Radio 2

2,903.04

3,931.21

9,668

9,165

28,066,591

36,029,544

 

 

Première Chaîne

2,094.12

1,139.41

5,974

14,059

12,510,273

16,018,996

 

 

Espace Musique

1,837.08

4,567.41

2,149

4,262

3,947,885

19,466,300

 

 

Total

8,754.48

10,699.53

50,964

66,991

108,224,870

113,449,398

$1,117,323

$1,171,261

1 The data for music use in minutes for the year 1991 was not filed in these proceedings. They are derived from Exhibit CBC/SRC-2 as filed in the 1991 proceedings, where we can find that Radio One, Radio 2, Première Chaîne and Espace Musique used music respectively 25.4%, 38.4%, 27.7% and 24.3% of total airtime. Multiplying these proportions by the 7560 minutes in a week consisting of 18-hour days, we obtain the minutes of music use. Even though this exhibit was not filed in these proceedings, we see no problem in using it, since all it contains is the data SOCAN used in the instant proceedings to calculate the total amount of music used by CBC in 1991.

2 Les données relatives à l’utilisation de musique en minutes pour l’année 1991 ne sont pas au dossier de la présente affaire. On les dérive à partir de la pièce CBC/SRC-2 déposée dans l’affaire de 1991, dans laquelle on peut trouver que Radio One, Radio 2, Première Chaîne et Espace Musique utilisent la musique dans des proportions respectives de 25,4%, 38,4%, 27,7% et 24,3% du temps de diffusion. En multipliant ces proportions par les 7560 minutes comprises dans une semaine constituée de journées de 18 heures, nous obtenons les minutes d’utilisation de musique. Même si la pièce n’est pas au dossier de la présente affaire, nous n’avons pas de réserve à l’utiliser : elle contient uniquement des données dont la SOCAN s’est servie dans la présente affaire pour calculer le montant total de musique utilisée par la SRC en 1991.

[100] Les redevances totales de 2008 se chiffrent à 1 171 261 $. Comme il en a été question précédemment, ce résultat doit être corrigé en fonction de l’inflation. Entre janvier 1991 et décembre 2008, le taux d’inflation cumulatif se situait à 38,17 pour cent. En corrigeant les redevances pour l’inflation, nous obtenons des redevances de 1 618 322 $.

[101] La façon logique d’étendre le tarif obtenu pour 2008 aux années 2006 et 2007 et 2009 à 2011 consiste à appliquer les taux d’inflation et de déflation, comme le montre le tableau 3. Comme nous ne connaissons pas les données sur l’inflation pour 2011, nous avons utilisé la cible d’inflation de la Banque du Canada, soit 2 pour cent. [66]

Year

 

Année

Jan/Dec CPI Growth (per cent)

 

Croissance de l’IPC de janv. à déc. (pour cent)

SOCAN Royalties

 

Redevances SOCAN

Table 3: Adjusting the 2008 Royalties for Inflation and Deflation

Tableau 3: Correction des redevances de 2008 en fonction de l’inflation et de la déflation

2006

1.11

$1,563,358

2007

2.38

$1,580,711

2008

1.30

$1,618,332

2009

1.59

$1,644,063

2010

2.09

$1,678,424

2011

2.00

$1,711,993

[102] À défaut de données annuelles s’appliquant à la fois à l’utilisation de musique et à l’auditoire pour les années 2006, 2007 et 2009 à 2011, nous ne pouvons apporter des corrections qu’au titre de l’inflation. Quoi qu’il en soit, si nous disposions des données annuelles relatives aux deux, il n’est pas sûr que nous nous en servirions pour faire les rajustements annuels. La Commission rajuste les redevances en fonction de tendances durables, et non de fluctuations temporaires. Si nous disposions des données annuelles sur les deux variables, il nous aurait fallu nous attaquer à la difficile tâche de discerner lequel des deux est en cause dans ces séries de données.

VI. TARIF DE RÉ:SONNE

[103] Pour les années 1998 à 2002, la Commission a établi les redevances que la SRC devait verser à Ré:Sonne en fonction de celles versées à la SOCAN, multipliées par le taux d’utilisation relatif du répertoire. Ré:Sonne propose que cette formule soit maintenue. La SRC abonde dans le même sens. Nous utilisons donc cette formule de nouveau.

[104] Nous comparons d’abord l’utilisation relative de chacun des répertoires dans le but d’établir le taux. Tout au long des procédures, les parties ont utilisé des données exprimées sous forme de pourcentage. Cette façon de faire n’est pas valable, car le nombre total de minutes consacrées à la musique par chaque station n’est pas le même dans le rapport de la SOCAN sur l’utilisation de la musique et dans celui de Ré:Sonne. [67]

[105] Citons un exemple pour clarifier la question. Dans le cas de Radio One, Erin Research fait état de 1060,5 minutes de musique diffusée pertinente pour la SOCAN et 1467,7 minutes de musique diffusée pertinente pour Ré:Sonne. L’écart est de plus de 400 minutes. Les pourcentages contenus dans les rapports d’Erin Research au regard de l’utilisation de musique sur les ondes de Radio One sont donc établis par rapport au nombre de 1060,5 minutes dans le cas de la SOCAN et de 1467,7 minutes dans le cas de Ré:Sonne.

[106] Il n’est pas essentiel de recourir à des données en pourcentage pour comparer l’utilisation que fait la SRC de chacun des répertoires. Nous pouvons simplement comparer le nombre de minutes d’utilisation des répertoires pondéré d’après la part d’auditoire de chaque service. Dans le cas de la SOCAN, nous utilisons le nombre de minutes rajusté pour tenir compte de la part des titres NED revenant à la SOCAN. La prochaine question consiste à savoir s’il faut procéder à un rajustement similaire dans le cas de Ré:Sonne.

[107] Ré:Sonne a défini trois catégories de musique aux fins du calcul de l’utilisation de son répertoire : [68] ce qui fait sans équivoque partie de son répertoire (enregistrements sonores publiés admissibles), ce qui ne l’est manifestement pas (enregistrements non admissibles, faux direct et musique en direct) et la catégorie « admissibilité possible » (enregistrements pour lesquels Ré:Sonne n’a pu déterminer s’ils faisaient ou non partie de son répertoire). La dernière catégorie peut être exclue en totalité, incluse en totalité ou, incluse en partie en utilisant une méthode de calcul raisonnable pour déterminer la quantité à inclure. Au départ, Ré:Sonne avait simplement affirmé que son répertoire était au moins équivalent à l’ensemble des enregistrements admissibles, plus une partie ou la totalité des enregistrements possiblement admissibles. M. Staple a déclaré qu’il serait plus juste de répartir les œuvres de cette catégorie de manière proportionnelle. Dans son argumentation finale, Ré:Sonne s’est dite d’accord avec M. Staple.

[108] Nous procédons à un rajustement proportionnel, lequel commande deux observations.

[109] Apparemment, Ré:Sonne considère que tous les enregistrements sonores publiés admissibles font partie de son répertoire, peu importe si une de ses sociétés membres les détient ou non. On peut certainement défendre la thèse que Ré:Sonne ne « possède » que ce qui fait partie de son répertoire et que, pour ce faire, il faut que l’artiste-interprète ou le producteur fasse apport de son droit à rémunération de l’article 19 à une des sociétés membres de Ré:Sonne (ou à une société de gestion étrangère avec laquelle Ré:Sonne a conclu un accord).

[110] Nul besoin de traiter de cette question en l’instance, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, la part des œuvres admissibles que la SRC diffuse et qui ne se trouvent pas dans le répertoire de Ré:Sonne est probablement très faible. En deuxième lieu, Ré:Sonne détermine l’admissibilité des œuvres d’après les déclarations faites par l’AVLA, la SOPROQ ou leurs membres; il est très peu probable qu’une maison de disques remplisse une déclaration d’admissibilité à l’égard d’enregistrements dont elle ne détient pas les droits.

[111] Pour les mêmes raisons, il paraît aussi probable qu’une plus faible part du répertoire potentiellement admissible fasse partie du répertoire de Ré:Sonne que pour le répertoire connu. Il ne nous est pas possible de calculer la différence, mais elle est probablement minime et nous avons choisi de l’ignorer dans la présente décision.

[112] Pour calculer le taux des redevances que percevra Ré:Sonne, nous avons premièrement procédé à un rajustement proportionnel au titre du répertoire potentiellement admissible puis apporté une correction pour tenir compte des enregistrements appartenant au domaine public qui avaient été classés dans la mauvaise catégorie.

[113] Nous calculons par la suite les impressions musicales du répertoire de Ré:Sonne sur les ondes de la SRC. Tel qu’indiqué au tableau 4, le ratio des impressions musicales du répertoire de Ré:Sonne à celles de la SOCAN est de 77,32 pour cent. La SRC devra donc verser à Ré:Sonne 77,32 pour cent de ce qu’elle verse à SOCAN.

 

Observed Minutes, Re:Sound Repertoire1

 

Minutes observées, répertoire de Ré:Sonne1

Observed Minutes, Potential Repertoire (PR)1

 

Minutes observées, admissibilité éventuelle (AE)‑

% Repertoire of Known Music1

 

Musique connue, en

% du répertoire1

% Repertoire Applied to PR

 

% musique connue appliqué à AE

Potential Public Domain Minutes Deduction2

 

Déduction au titre du domaine public potentiel (minutes)2

Adjusted Observed Minutes, Re:Sound

 

Minutes observées rajustées, Ré:Sonne

Hours Tuned

 

Heures d’écoute

Music Impressions

 

Impressions musicales

 

(A)

(B)

(C)

(D)

= (B×C)

(E)

(F)

= (A+D-E)

(G)

(H)

= (F×G)

Table 4: Re:Sound Music Impressions Relative to those of SOCAN

Tableau 4: Impressions musicales de Ré:Sonne relatives à celles de la SOCAN

Radio One

576.1

265.9

47.9

127.4

17.1

686.4

39,505

27,114,893

Radio 2

2985.8

372.1

52.8

196.5

5,0

3177.3

9165

29,119,669

Première Chaîne

904.6

100.6

82.6

83.1

0

987.7

14,059

13,886,012

Espace Musique

3993.9

259.3

67.7

175.5

40.7

4128.7

4262

17,596,716

Total impressions, Re:Sound

 

Impressions totales, Ré:Sonne

 

 

 

 

 

 

 

87,717,290

Total Impressions, SOCAN

 

Impressions totales, SOCAN

 

 

 

 

 

 

 

113,449,398

Re:Sound repertoire share

 

Part du répertoire de Ré:Sonne

 

 

 

 

 

 

 

77.32%

1 Exhibit Re:Sound-4 at pp. 4-7. / Pièce Ré:Sonne-4 aux pp. 4-7.

2 Testimony of Ms. Tay, Transcripts at p. 42. / Témoignage de Mme Tay, transcriptions, p. 42.

[114] Le tableau 5 indique les redevances payables à la SOCAN et à Ré:Sonne.

Year

 

Année

SOCAN Royalties

 

SOCAN

Re:Sound

 

Royalties Ré:Sonne

Table 5: SOCAN and Re:Sound Royalties

Tableau 5: Redevances payables à la SOCAN et à Ré:Sonne

2006

$1,563,358

$1,208,764

2007

$1,580,711

$1,222,181

2008

$1,618,332

$1,251,269

2009

$1,644,063

$1,271,164

2010

$1,678,424

$1,297,731

2011

$1,711,933

$1,323,686

[115] Le taux d’utilisation du répertoire de Ré:Sonne par rapport à celui de la SOCAN est beaucoup plus élevé à la SRC qu’à la radio commerciale. Plusieurs raisons expliquent cette apparente anomalie. Ainsi, la SRC diffuse beaucoup plus de contenu canadien que le minimum obligatoire. Comme de nombreuses stations commerciales diffusent tout juste ce qu’il faut de contenu canadien, la SRC diffuse donc plus d’œuvres appartenant au répertoire de Ré:Sonne que les stations commerciales. Par ailleurs, la musique classique fait généralement partie du répertoire de Ré:Sonne (la plupart des enregistrements ayant moins de 50 ans, ils sont protégés), mais non de la SOCAN (la plupart des compositeurs classiques étant morts il y a plus de 50 ans, leurs œuvres ne sont pas protégées). Comme la SRC diffuse de la musique classique, elle a moins recours au répertoire de la SOCAN et davantage à celui de Ré:Sonne, ce qui tire le taux d’utilisation relatif vers le haut.

VII. DIFFUSION SIMULTANÉE

[116] Tous les tarifs proposés à l’étude, à l’exception peut-être du projet de tarif Ré:Sonne pour 2006 et 2007, visent uniquement les services radio conventionnels de la SRC. Néanmoins, celle-ci a demandé à la Commission d’élargir le champ d’application du tarif de manière à inclure la diffusion simultanée. Les sociétés de gestion s’y sont opposées. Si la Commission devait accepter la demande de la SRC, Ré:Sonne est d’avis que l’assiette tarifaire de la diffusion simultanée devrait tenir compte des recettes publicitaires attribuables à Internet.

[117] Dans SOCAN 22.B-G, la Commission a déclaré ce qui suit : « Quand viendra le temps de réviser le tarif 1.C de la SOCAN, la Commission sera en mesure d’établir de nouveau un lien entre les redevances versées par la SRC et son audience, y compris celle attribuable à Internet […] » [69] La Commission a conclu que la SRC devrait rémunérer dans une certaine mesure la SOCAN pour la diffusion simultanée de son signal sur Internet et que cette rémunération devrait autant que possible être fonction des revenus de ces activités. Toutefois, elle a ajouté qu’elle ne disposait pas de données sur les revenus publicitaires ou autres ni sur l’accroissement de l’audience sur lesquelles fonder une augmentation des redevances à verser à la SOCAN. [70]

[118] Nous sommes d’accord avec la SRC sur le fait de traiter de la diffusion simultanée de ses signaux radio dans le tarif principal. Bien qu’il s’agisse de deux activités distinctes, la radiodiffusion en direct et la diffusion simultanée se rapportent essentiellement au même produit et ont le même objet; nous estimons donc inutile pour l’instant de traiter de la diffusion simultanée dans un tarif distinct.

[119] Par ailleurs, nous disposons de bien peu de données sur lesquelles fonder un tarif pour la diffusion simultanée. Nous ne connaissons pas les revenus de diffusion simultanée de la SRC. Nous sommes prêts à accepter cette fois-ci qu’ils sont suffisamment bas pour ne pas être d’une grande utilité en l’espèce. Nous sommes aussi prêts à tenir pour acquis qu’il serait difficile de ventiler les revenus de diffusion simultanée des autres revenus provenant d’Internet. Nous ne tenterons donc pas pour l’instant d’établir les redevances pour la diffusion simultanée en fonction des revenus qu’elle génère.

[120] L’assertion de la SRC selon laquelle les données de BBM tiendraient déjà compte de l’écoute en diffusion simultanée n’est étayée par aucun élément de preuve. La seule parcelle de justification a été fournie par M. Steinmetz et Mme Leblanc. Le premier a déclaré que, pour les stations en anglais et en période de pointe, le nombre d’auditeurs en diffusion simultanée est d’environ 10 000, tandis que celui pour la radio en direct est d’environ 1 080 000, ce qui correspond à un ratio de 0,93 pour cent. Mme Leblanc affirme quant à elle que, pour les stations en français, l’auditoire de la diffusion simultanée en période de pointe correspond à environ 2 pour cent du nombre d’auditeurs de la radio en direct. La moyenne des deux taux, pondérée en fonction de la part d’auditoire, est de 1,22 pour cent. Nous augmentons les redevances en conséquence au titre du droit de diffuser simultanément les émissions des quatre services radio de la SRC concernés par la présente décision.

[121] Les sociétés de gestion pourraient vouloir répliquer que, comme les projets de tarifs ne visent pas de diffusion simultanée, celui qu’homologuerait la Commission ne pourrait s’y rapporter. Ceci serait incorrect. Les deux sociétés ont déposé des projets de tarifs pour la diffusion simultanée de ses services radio par la SRC. La Commission peut examiner à sa guise le tarif que propose la SRC pour la diffusion simultanée, pour autant qu’elle agisse de manière juste envers la SRC et les deux sociétés de gestion. La SRC est un utilisateur unique; par conséquent, toutes les entités concernées par la diffusion simultanée étaient présentes devant la Commission. La SRC a demandé à la Commission de se pencher sur la question. Les sociétés de gestion étaient au courant. Le principe d’équité a été respecté.

VIII. REDEVANCES

[122] Les redevances totales que doit verser la SRC sont données au tableau 6.

Year

 

Année

SOCAN Royalties Including Simulcasting

 

Redevances à la SOCAN, y compris au titre de la diffusion simultanée

Re:Sound Royalties Including Simulcasting

 

Redevances à Ré:Sonne, y compris au titre de la diffusion simultanée

Total Royalties

 

Redevances totales

Table 6: Royalty Payments by Collective and Year

Tableau 6: Redevances à verser selon la société de gestion et l’année

2006

$1,582,430.75

$1,223,510.57

$2,805,941.32

2007

$1,599,995.74

$1,237,091.54

$2,837,087.27

2008

$1,638,075.63

$1,266,534.31

$2,904,609.95

2009

$1,664,121.04

$1,286,672.21

$2,950,793.25

2010

$1,698,901.17

$1,313,563.66

$3,012,464.83

2011

$1,732,879.19

$1,339,834.93

$3,072,714.12

[123] Par suite de notre décision, la SRC versera pour 2006 à la SOCAN et à Ré:Sonne des redevances qui seront respectivement de 5,3 pour cent et de 26,4 pour cent supérieures à celles de 2005, excluant les redevances provenant de la diffusion simultanée. Même si la hausse du tarif de Ré:Sonne est beaucoup plus importante que celle du tarif de la SOCAN, elle corrige ce que nous considérions comme un déséquilibre. En d’autres mots, Ré:Sonne a du retard à rattraper.

[124] Pour 2008, la SRC versera à la SOCAN des redevances équivalentes à 0,5 pour cent des frais d’exploitation de ses services de radio, incluant les redevances provenant de la diffusion simultanée. Nous faisons remarquer, sans réitérer ici nos observations au sujet de la formule proposée par la SRC, que ce taux se rapproche du taux de 0,44 pour cent proposé par la SRC et du taux implicite homologué par la Commission en 1991 (0,475 pour cent). Le pourcentage est de beaucoup inférieur à celui de 1,9 pour cent qui s’applique aux stations de radio non commerciales. Nous ne considérons pas que cela pose problème. Rien n’indique que les modèles de gestion ou les habitudes des radiodiffuseurs non commerciaux en matière d’utilisation de la musique sont semblables à ceux de la SRC.

IX. LIBELLÉ DU TARIF

[125] Historiquement, les tarifs pour la SRC n’ont jamais précisé les renseignements qu’elle doit fournir aux sociétés de gestion au sujet de son utilisation de musique. Les données fournies à la SOCAN ont toujours fait l’objet d’ententes informelles ne figurant pas au dossier de la présente affaire. Les tarifs de Ré:Sonne ont toujours prévu que la SRC lui transmet ce qu’elle fournit à la SOCAN.

[126] La nature et la portée de l’obligation de rapport de la SRC étaient en cause dans la présente affaire. Dans une lettre datée du 12 janvier 2011, l’avocat de Ré:Sonne a fait part à la Commission des modalités d’une entente intervenue entre les parties sur la question. Nous avons formulé certains commentaires sur l’entente; les parties ont fourni des explications satisfaisantes à tous égards.

[127] La SRC fournira donc chaque mois, en format numérique, des registres de diffusion contenant des renseignements détaillés sur l’utilisation d’œuvres musicales et d’enregistrements sonores par chacune de ses stations. Ces obligations de rapport correspondent beaucoup plus à ce que nous voudrions que tous les radiodiffuseurs fournissent aux sociétés de gestion.

[128] Nous n’avons pas inclus certaines dispositions (ex., traitement confidentiel, avis) qu’on retrouve habituellement dans les autres tarifs, compte tenu de la spécificité de la SRC et de ce que le présent tarif vise un seul utilisateur.

X. DISPOSITIONS TRANSITOIRES

[129] Le tarif contient certaines dispositions transitoires qui sont nécessaires parce que le tarif prend effet le 1er janvier 2006 bien qu’il soit homologué beaucoup plus tard. Un tableau fournit les facteurs d’intérêts qui seront appliqués aux sommes dues à l’égard d’un mois donné et qui n’étaient pas par ailleurs payables à titre provisoire à partir du 1er janvier 2006 en vertu des tarifs pertinents de la SRC.

[130] Jusqu’ici, la Commission n’a pas appliqué de facteurs d’intérêts aux augmentations de tarifs préexistants; leur usage se limitait aux tarifs inédits.

[131] À notre avis, il faut étendre l’utilisation des facteurs d’intérêts. Le présent tarif prend effet plus de quatre années avant qu’il soit homologué. Il augmente les redevances. Une société de gestion ne peut répartir les sommes qu’elle n’a pas perçues. Un titulaire de droits ne peut dépenser ou investir les redevances qu’il n’a pas reçues. Il s’agit de coûts d’opportunité; leur perte doit être prise en compte. Cette logique est tout autant applicable au changement apporté à un tarif existant qu’à un tarif inédit.

[132] Évidemment, si les sociétés de gestion pourront désormais bénéficier d’un facteur d’intérêts à l’égard de toute augmentation tarifaire rétroactive, elles doivent s’attendre à une mesure similaire en cas de diminution rétroactive.

[133] Comme par le passé, les facteurs d’intérêts sont établis en utilisant le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois précédent, l’intérêt est simple, sans pénalité additionnelle. On pourrait utiliser d’autres taux à cette même fin. Le fait que les parties ne puissent emprunter au taux d’escompte pourrait suffire à conclure qu’il ne faudrait pas se servir de ce taux pour établir les facteurs d’intérêts. Cela dit, comme personne n’a demandé qu’on utilise un autre taux à cette fin, nous ne reviendrons pas sur la question pour l’instant.

XI. CONCLUSION

[134] Enfin, nous tenons à signaler certaines questions et prémisses que pourraient comporter la structure des registres de musique et les rapports d’Erin Research sur l’utilisation de musique.

[135] Certaines œuvres qui auraient dû être prises en considération pourraient avoir été ignorées, et vice- versa. Les calculs d’Erin Research semblent uniquement fondés sur la musique jugée « pertinente », [71] mais rien n’indique en quoi une musique peut ne pas être pertinente. Certains des enregistrements considérés comme non pertinents par Ré:Sonne (indicatif d’un bulletin de nouvelles) sont manifestement pertinents pour la SOCAN, ce qui complique inutilement les comparaisons entre les deux sociétés de gestion.

[136] La classification de musique utilisée par Erin Research soulève également certaines préoccupations. M. Steinmetz a expliqué qu’une maquette est [TRADUCTION] « quelque chose que nous avons commandé et qui nous appartient ou qu’on nous a transmis en format électronique et sans renseignements détaillés », et que les « œuvres personnalisées » sont les disques à compte d’auteur et les disques produits sans recours à une maison de disque. [72] La SRC a classé tous ces enregistrements comme étant non publiés; Ré:Sonne les a traités comme tels. Pourtant, certaines maquettes sont en fait publiées et, à ce titre, pourraient faire l’objet de redevances au titre du droit à rémunération. Ainsi, les redevances pourraient être sous-estimées. En l’absence de données sur la question, nous avons choisi de ne pas réveiller le chat qui dort.

[137] Ces ambiguïtés ne sont pas nouvelles. [73] À l’avenir, les parties voudront sans doute consulter la Commission avant de définir les paramètres de certaines études et enquêtes, de manière à ce que les résultats soient les plus fiables et les plus utiles possible.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Auparavant la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV). Dans ce qui suit, on parle toujours de Ré:Sonne et ce même si les événements en question sont intervenus avant que la SCGDV ait changé de nom.

[2] L.R.C. (1985), ch. C-42 (la « Loi »).

[3] La date limite de présentation des projets de tarifs était reportée au 2 avril en raison du congé de Pâques.

[4] SOCAN-SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 [Réexamen] (22 février 2008) décision de la décision de la Commission du droit d’auteur. [Radio commerciale (2008)]

[5] Comme l’examen du tarif SOCAN pour 2011 a été ajouté à la présente affaire après la fin des audiences, la SOCAN n’a pas proposé de nouveau montant pour cette année.

[6] SOCAN – Divers tarifs pour l’année 1991 (31juillet 1991), décision de la Commission du droit d’auteur, (1990-1994) Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 284 aux pp. 309-312. [SOCAN 1991]

[7] Société Radio-Canada c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1993] A.C.F. no 227 au para. 8 (C.A.F.). [SRC – Télévision (1993)]

[8] SCGDV – Tarif 1.C (SRC – Radio) pour les années 1998 à 2002 (29 septembre 2000) décision de la Commission du droit d’auteur. [SCGDV 1.C (2000)]; SCGDV – Tarif 1.C (SRC – Radio) pour les années 2003 à 2005 (14 janvier décision de la Commission du droit d’auteur.

[9] D’après la définition donnée dans le projet de tarif, le revenu radio de la SRC s’entend de la « portion des revenus totaux de la SRC, incluant son crédit parlementaire d’exploitation et ses revenus provenant d’activités commerciales ou de toute autre source, utilisée pour financer l’exploitation des stations de radio de la SRC et telle qu’elle est rapportée dans les rapports financiers annuels de la SRC. » [non souligné dans le texte original]

[10] Le coefficient de multiplication représente l’utilisation relative du répertoire de Ré:Sonne par la SRC par rapport à celle des stations de radio commerciales.

[11] Ces montants ne tiennent pas compte de certains enregistrements sonores diffusés par la SRC pour lesquels Ré:Sonne n’est pas parvenue à déterminer s’ils faisaient partie de son répertoire, pour diverses raisons qui seront abordées ci-dessous; voir au para. 107.

[12] Elliot c. Canadian Broadcasting Corporation (1993), 52 C.P.R (3d) 145 à la p. 161 (Cour supérieure de l’Ontario). Voir aussi Société Radio-Canada et al. c. R., [1983] 1 R.C.S. 339 à la p. 341.

[13] Transcriptions à la p. 103.

[14] Ibid. à la p. 390.

[15] SOCAN – Tarifs 22.B to 22.G (1996-2006) InternetAutres utilisations de musique (24 octobre 2008), décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 69-70. [SOCAN 22.B-G]

[16] Toute la programmation de Radio 2 et d’Espace Musique est diffusée à l’échelle nationale; il n’était donc pas nécessaire de recueillir cette information additionnelle pour ces deux services.

[17] Tel que déjà mentionné, la formule de 1991 tient compte entre autres de l’utilisation relative de musique et des parts d’audiences de la SRC et de la radio commerciale.

[18] La fiabilité des données est abordée ci-dessous; voir aux paras. 104-105.

[19] Par exemple, les bases de données des sociétés de gestion américaines et d’autres sources dans le cas de la SOCAN; Internet et les sociétés membres dans le cas de Ré:Sonne.

[20] Lois du Canada, 1991, ch. 11.

[21] Une relation inverse entre l’utilisation de musique et la part d’auditoire suppose que les stations diffusant plus de musique accaparent une plus petite part d’auditoire, et vice-versa.

[22] La CPRS est devenue plus tard l’Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada, ou CAPAC.

[23] BMI Canada est devenue plus tard la Société de droits d’exécution du Canada, ou SDE.

[24] Le tarif pour la radio commerciale était de 1,75 pour cent des revenus bruts, sans montant additionnel par habitant.

[25] Rapport de la Commission d’appel du droit d’auteur au Ministre de la Consommation et des Corporations, 16 mai 1978 à la p. 5.

[26] Rapport final de la Commission d’appel du droit d’auteur au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1984, 18 avril 1984 à la p. 6.

[27] Ibid. à la p. 9.

[28] Ibid. à la p. 10.

[29] Ibid. à la p. 11.

[30] Société de droits d’exécution du Canada Limitée c. Société Radio-Canada, décision rendue le 7 janvier 1986, no du greffe A-593-84 à p. 16 (C.A.F.).

[31] Rapport révisé de la Commission d’appel du droit d’auteur au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1984, 15 juillet 1986 à p. 9.

[32] Rapport final au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1985 (1985), 7 C.P.R. (3d) 20 aux pp. 64-65 (Commission d’appel du droit d’auteur). [en anglais seulement]

[33] Rapport final au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1986 (1986), 11 C.P.R. (3d) 1 à la p. 14 (Commission d’appel du droit d’auteur). [en anglais seulement]

[34] Ibid. à la p. 20.

[35] Radio-Canada c. Commission d’appel du droit d’auteur, décision rendue le 19 octobre 1987, no du greffe A-483-86 (C.A.F.).

[36] Rapport final au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1987 (1987), 15 C.P.R. (3d) 129 à la p. 152 (Commission d’appel du droit d’auteur). [en anglais seulement]

[37] Ibid. à la p. 155.

[38] Ibid. aux pp. 160-161.

[39] Ibid. aux pp. 162-163.

[40] Société Radio-Canada c. Canada (Commission d’appel du droit d’auteur), [1990] A.C.F. no 500 au para. 16 (C.A.F.).

[41] Rapport révisé de la Commission d’appel du droit d’auteur au Ministre de la Consommation et des Corporations pour l’année 1987, 7 décembre 1990 à la p. 6. [SRC (1987 - Réexamen)]

[42] Supra note 6 aux pp. 309-312.

[43] SOCAN – Tarifs 1.A, 1.B, 1.C, 2.D, 5.A et 13.A pour l’année 1992 (30 juin 1992) décision de la Commission du droit d’auteur (1990-1994) Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur 324 à la p. 328.

[44] SCGDV 1.C (2000), supra note 8 à la p. 4.

[45] Témoignage de M. Steinmetz, transcriptions à la p. 112.

[46] Ibid.

[47] Argumentation de l’avocat de la SRC, transcriptions à la p. 391.

[48] Transcriptions à la p. 10.

[49] Transcriptions à la p. 368.

[50] Transcriptions à la p. 362.

[51] Supra note 7 au para. 8.

[52] Supra note 6.

[53] Ces deux données totalisent 93,55 pour cent. Les stations de radio américaines et les stations de radio canadiennes non commerciales ne sont pas prises en considération.

[54] SOCAN-SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 (14 octobre 2005) décision de la Commission du droit d’auteur aux pp. 19-25. [Radio commerciale (2005)]; Radio commerciale (2008), supra note 4 au para. 10.

[55] C’est ce qui explique pourquoi, pour une part d’auditoire donnée, les télédiffuseurs sont disposés à payer beaucoup plus cher les émissions de sport que les émissions pour enfants.

[56] Transcriptions à la p. 445.

[57] Pièce CBC-7.

[58] Pièce CBC-8.

[59] Nous avons recours à l’IPC de Statistique Canada; 2002 est l’année de référence définie. Le tableau de données porte le numéro v41690973 et peut être consulté à l’adresse : http://www.statcan.gc.ca/pub/62-001-x/2010012/t040-fra.htm.

[60] Si nous avions opté pour les moyennes annuelles, la mesure de l’inflation aurait été de 37,8 pour cent, soit un écart de 0,37 point de pourcentage.

[61] SOCANDivers Tarifs (19 mars 2004) décision de la Commission du droit d’auteur aux pp. 16-21.

[62] Ibid. à la p. 19.

[63] La SRC exploite de nombreuses stations de radio dans tout le pays, certaines diffusant du contenu local. L’analyse effectuée par Erin Research en 1991 ne porte que sur les œuvres musicales diffusées par les stations de Toronto et de Montréal. L’analyse de 2008 utilise essentiellement des données concernant Toronto et Montréal, complétées par quelques données relatives à des stations locales. Nous utilisons donc ces données comme approximation du total de la SRC.

[64] Tarif des droits à payer pour la retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision en 1992, 1993 et 1994 (14 janvier 1993) décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 195. C’était la première fois qu’une décision utilisait l’expression, mais le concept sous-tendait la première décision en retransmission : voir les tableaux aux pages 81 à 83 de ladite décision.

[65] Le nombre de minutes s’appliquant à 2008 est corrigé de façon prudente pour tenir compte des titres désignés par Erin Research comme « non encore déclarés. » Comme ces titres font quasi certainement partie du répertoire de la SOCAN, les intégrer au pro rata donnerait probablement lieu à une sous-estimation. Cette correction n’a pu être effectuée à l’égard des données de 1991.

[66] Puisque la cible est stable à 2 pour cent depuis 1995, et que la Banque du Canada a rarement permis que l’inflation se situe à l’extérieur de la fourchette cible de 1 à 3 pour cent, les anticipations inflationnistes des participants au marché canadien sont ancrées au taux de 2 pour cent.

[67] Pièce SOCAN-3 et pièce Re:Sound-4 respectivement.

[68] La quatrième (S.O.), non pertinente, a été ignorée.

[69] Supra note 15 au para. 70.

[70] Ibid. au para. 69.

[71] Pièce Re:Sound-4 à la p. 3 : [TRADUCTION] « Les résultats ne tiennent pas compte de la musique qui n’est pas pertinente pour la SCGDV. »

[72] Transcriptions aux pp. 167-169.

[73] SCGDV 1.C (2000), supra note 8 à la p. 11.

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