Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2012-07-06

Référence

Dossier : Exécution publique d’enregistrements sonores

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Projet(s) de tarif examiné(s)

Tarif no 6.B de Ré:Sonne – Utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités physiques, 2008-2012

tarif des redevances à percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de prestations de telles œuvres

motifs de la décision

I. INTRODUCTION 1

II. LA POSITION DES PARTIES 1

III. PREUVE 2

A. Ré:Sonne 2

B. CSCP et Goodlife 6

i. Preuve concernant l’utilisation de musique et du répertoire dans les centres de conditionnement physique 6

ii. Preuve réfutant la thèse présentée par Ré:Sonne 7

iii. Témoignages à l’appui de la contre-proposition des Opposantes 9

iv. Témoignages concernant la capacité de payer 11

IV. QUESTIONS JURIDIQUES 12

A. Quels enregistrements sonores sont admissibles à une rémunération? 13

B. Ré:Sonne représente-t-elle tous les enregistrements admissibles ou uniquement son répertoire? 13

C. Comment un enregistrement sonore rejoint-il le répertoire de Ré:Sonne? 15

D. À qui Ré:Sonne doit-elle verser des redevances lorsque le droit à rémunération a été cédé? 15

E. Pertinence des conclusions antérieures dans la présente instance 16

V. ANALYSE 18

A. Proposition de Ré:Sonne 18

i. Hypothèses sous-tendant les modèles économiques 19

ii. Problèmes relatifs à la collecte de données 20

iii. Exactitude des calculs 22

iv. Problème d’ordre général relatif au résultat 22

v. Conclusion 22

B. Proposition des Opposantes 22

i. Introduction 22

ii. Ré:Sonne Satellite et SOCAN 22.A comme points de référence 24

iii. Ré:Sonne 3 comme point de référence 25

iv. Utilisation appropriée de Ré:Sonne 3 25

v. Utilisation de SOCAN 19 comme point de référence pour la musique jouée dans les cours 26

C. Autres solutions examinées et rejetées 29

i. Un tarif fondé sur le montant de redevances de SOCAN 19 29

ii. Un tarif fondé sur son équivalent australien 30

iii. Un tarif fondé sur le tarif 7 de la SOCAN (Patinoires) 30

iv. Un tarif fondé sur le tarif 18 de la SOCAN (Musique enregistrée utilisée aux fins de danse) 31

v. Aucun tarif 32

D. Tarif de Ré:Sonne pour les cours de conditionnement physique : mesure transitoire 33

E. Enseignement de danse, patinage et autres formes d’activité physique 34

VI. LIBELLÉ DU TARIF 35

VII. DISPOSITIONS TRANSITOIRES 36


I. INTRODUCTION

[1] Le 30 mars 2007, conformément au paragraphe 67.1(2) de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la « Loi »), la Société de Gestion de la Musique Ré:Sonne (Ré:Sonne) [2] a déposé son premier projet de tarif des redevances pour l’utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités physiques ou de danse (tarif 6). Le 15 juillet 2011, nous avons rendu notre décision à l’égard du tarif 6.A (Utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités de danse). [3] La présente décision a trait au tarif 6.B (Utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités physiques).

[2] Parmi ceux qui se sont opposés au tarif 6, seuls le Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada (CSCP) et Goodlife Fitness Centres Inc. (Goodlife) (ensemble, les « Opposantes ») ont pris position à l’égard des activités maintenant visées par le tarif 6.B.

[3] Le projet de tarif vise la plupart des formes d’activité physique. Cela dit, la preuve au dossier de l’instance porte uniquement sur les établissements offrant à leurs membres l’accès à des équipements sportifs (piscine, court, aires de conditionnement physique), avec ou sans cours de conditionnement (ci-après les « centres » ou « clubs » de conditionnement physique). Par conséquent, l’analyse qui suit traite uniquement de ces centres et cours. Nous aborderons les autres formes d’activité physique visées dans le tarif, tels l’enseignement de danse et le patinage, à la fin des présents motifs.

II. LA POSITION DES PARTIES

[4] Ré:Sonne a initialement proposé des taux distincts pour les sites d’activité physique et les cours de conditionnement, soit 5 pour cent des recettes brutes, sous réserve d’un montant annuel minimal de 100 $ pour les premiers, et un taux fixe de 3 $ par cours pour les seconds.

[5] Dans son énoncé de cause, Ré:Sonne a proposé de combiner les deux en un taux mensuel de 1,55 $ par membre. D’après les données disponibles, cela entraînerait des redevances de 86 millions de dollars par année.

[6] Ré:Sonne justifie ce montant de la façon suivante. Les centres de conditionnement physique diffusent de la musique de premier plan, et ils en diffusent beaucoup. Dans les cours de groupe, elle fait partie intégrante de l’activité physique. Les membres sont prêts à payer leur abonnement beaucoup plus cher pour que leur club diffuse de la musique enregistrée, ce qui se traduit par une hausse des recettes. Une juste part de ces gains revient aux titulaires de droits.

[7] Les Opposantes, quoique représentées par des avocats différents, ont produit une preuve conjointe. Elles ont avancé trois arguments pour réfuter la thèse de Ré:Sonne. D’abord, le secteur du conditionnement physique ne pourrait acquitter le tarif proposé compte tenu de sa situation financière précaire; l’application rétroactive du tarif ne ferait qu’empirer ce fardeau. Ensuite, le tarif proposé ne repose pas sur une preuve économique et statistique solide. Enfin, Ré:Sonne surestime l’utilisation de son répertoire par les centres et sous-estime la mesure dans laquelle ils peuvent utiliser des enregistrements sonores pour lesquels Ré:Sonne ne peut percevoir de redevances.

[8] Les Opposantes ont plutôt proposé des montants annuels de 0,78 $ multiplié par le nombre hebdomadaire moyen de participants aux cours et de 0,15 $ multiplié par le nombre hebdomadaire moyen d’utilisateurs des aires d’entraînement. D’après les données disponibles, cela entraînerait des redevances avoisinant 3 millions de dollars par année. Pour parvenir à ces montants, les Opposantes se sont appuyées sur plusieurs tarifs homologués par la Commission.

III. PREUVE

A. Ré:Sonne

[9] M. Costas Karageorghis, directeur adjoint (Recherche) de la School of Sport and Education de l’Université Brunel (Londres, Royaume-Uni), a parlé des effets que l’écoute de musique avant, pendant et après une activité physique a sur les résultats mesurables. Avant, l’écoute optimise l’état d’éveil de celui qui s’apprête à faire de l’exercice. Pendant, l’utilisation de musique, synchrone (on bouge consciemment au même rythme que la musique) ou non, entraîne des effets ergogènes et psychologiques qui augmentent la probabilité d’atteindre les résultats escomptés. De fait, l’utilisation synchrone de musique est centrale aux cours de conditionnement physique. Écouter de la musique après l’effort physique contribue à la récupération. Globalement, la musique exerce un effet constant et mesurable sur l’attitude et l’état psychologique de celui qui s’entraîne et a une influence positive sur le rendement. La sélection stratégique de la musique augmente l’effet. Pour les centres de conditionnement, la musique est essentielle.

[10] Mme Elaine Popp, directrice du programme de kinésiologie à l’Université de Guelph-Humber et doyenne associée de la School of Hospitality, Recreation and Tourism du Humber Institute of Technology and Advanced Learning, a brossé un portrait du secteur du conditionnement physique et de l’importance de la musique enregistrée pour ce secteur. Elle a expliqué comment l’harmonisation d’une chorégraphie de groupe à une musique minutieusement adaptée stimule et motive les participants. À son avis, seule une musique judicieusement choisie peut contribuer à l’atteinte de ces résultats. Allumer simplement la radio ne suffit pas.

[11] On a demandé à Mme Doris Tay, directrice chargée de la distribution pour Ré:Sonne, d’estimer la part du répertoire de Ré:Sonne utilisée dans les centres de conditionnement. Mme Tay a analysé une liste de 173 enregistrements sonores diffusés dans un seul centre Goodlife durant une journée (la « liste de Goodlife »), fournie dans le cadre du processus d’échange de renseignements. On a d’abord vérifié si chaque enregistrement y figurant se retrouvait dans le Log Processing Distribution System de Ré:Sonne, une base de données contenant des renseignements sur plus d’un million de fichiers d’enregistrements sonores. Sinon, des recherches ont été effectuées dans Google à partir des renseignements connus. Les deux sociétés représentant les producteurs d’enregistrements sonores, l’Audio-Visual Licensing Agency (AVLA) et la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes du Québec (SOPROQ), ont également contribué à l’identification des enregistrements sonores.

[12] Mme Tay a soutenu que 67 enregistrements sonores étaient admissibles à une rémunération équitable et que 59 ne l’étaient pas. Elle n’a pas pu établir l’admissibilité des 47 autres enregistrements. Parmi les enregistrements identifiés, 53 pour cent étaient admissibles. Mme Tay a réparti les 47 autres enregistrements en fonction de cette proportion, ce qui tient pour acquis que ces enregistrements ont autant de chances d’être admissibles que ceux dont l’admissibilité avait pu être déterminée de façon probante.

[13] En contre-preuve, Mme Tay a souligné ce qu’elle considérait être des failles logiques dans l’analyse d’admissibilité de M. Black (Les Mills), dont il est question plus loin. Il n’a pas tenu compte de la possibilité que l’artiste-interprète, plutôt que le producteur, fasse apport d’un enregistrement au répertoire ou des arrangements qui existent entre maisons de disques pour la perception des redevances à l’étranger. Mme Tay a également cherché à démontrer que plusieurs importants producteurs de musique pour le conditionnement physique sont admissibles au sens de l’article 19 de la Loi et ce, bien qu’ils prétendent offrir des reprises libres de redevances (une reprise est tout enregistrement d’une œuvre musicale autre que l’enregistrement initial).

[14] M. Alan Mak, directeur chez Rosen & Associates Limited, a témoigné au sujet des méthodes comptables de Goodlife et de l’interprétation de ses états financiers.

[15] L’essentiel de la thèse de Ré:Sonne reposait sur le rapport de Mme Adriana Bernardino, vice-présidente (recherche) chez Advanis Inc., et celui de M. John McHale, professeur titulaire et directeur du département de sciences économiques de l’École des affaires et des sciences économiques J.E. Cairnes de l’Université nationale d’Irlande.

[16] Le rapport de Mme Bernardino décrit deux collectes de données auxquelles elle s’est livrée pour déterminer la valeur que les clients des centres accordent à la musique enregistrée pour accompagner le conditionnement physique : une méthode qualitative – des groupes de discussion – et une quantitative – un sondage. Elle a d’abord organisé des groupes de discussion de membres de clubs : les participants ont été interrogés au sujet des caractéristiques de leur club et de leurs préférences, soit les éléments ayant motivé leur décision de s’y abonner. Les renseignements recueillis ont servi à concevoir le sondage.

[17] Les participants au sondage ont été recrutés par téléphone au moyen de techniques d’échantillonnage aléatoire courantes. Ceux qui répondaient aux critères et qui ont accepté de participer ont reçu un courriel comprenant un lien vers le sondage en ligne.

[18] En plus des questions démographiques habituelles, le sondage contenait des questions sur le club fréquenté par le répondant. Les réponses ont servi à créer deux ensembles d’exercices de choix. Dans la première, le répondant devait choisir entre deux clubs hypothétiques, comportant des caractéristiques différentes, y compris sur le plan de l’achalandage, de l’expérience des instructeurs et, point essentiel, de la nature et de l’importance de l’utilisation de musique enregistrée. Dans la deuxième série, le répondant devait imaginer que son club actuel cessait de diffuser de la musique enregistrée, pour ensuite répondre à des questions visant à déterminer de combien les frais d’inscription devraient diminuer pour qu’il demeure tout de même membre du club au lieu d’aller chez un concurrent qui diffuse de la musique.

[19] Mme Bernardino a estimé un modèle de choix discrets courant à partir des données recueillies pendant le sondage. Elle a calculé la vraisemblance que chaque répondant reste au club qu’il fréquentait. Après avoir fait la moyenne des vraisemblances de tous les répondants, elle a calculé la baisse des frais d’inscription (en pourcentage) nécessaire pour ramener cette moyenne au point où elle aurait été si on avait fait jouer de la musique enregistrée. Autrement dit, il s’agissait de calculer, en pourcentage, le montant du remboursement que les répondants auraient exigé pour demeurer membres de leur club après qu’il ait cessé de diffuser de la musique enregistrée, au lieu d’aller chez un concurrent qui diffuse de la musique. Elle a estimé ce chiffre à 32 pour cent des frais d’inscription, ou environ 15 $ sur des frais mensuels moyens de 45 $. D’après elle, cela correspond à la valeur que les membres de centres de conditionnement attribuent à la musique enregistrée.

[20] M. Joffre Dan Swait Jr., professeur titulaire au Département de marketing, d’économie de l’entreprise et de droit de la Faculté des affaires de l’Université de l’Alberta, a été consulté à l’étape de la planification des travaux de Mme Bernardino. Après lecture de son rapport, il est convaincu que la décision d’utiliser un modèle de choix pour estimer la volonté des consommateurs de payer pour l’utilisation de musique enregistrée était judicieuse tout autant que le modèle de choix retenu, et que les résultats des recherches étaient valables et fiables.

[21] Dans son rapport, M. McHale explique certains principes généraux d’évaluation et se sert des calculs de Mme Bernardino pour définir ce qu’il juge être un tarif équitable. Il propose un modèle du secteur du conditionnement physique fondé sur la concurrence monopolistique, un type de structure de marché où un grand nombre d’entreprises offrent des produits quelque peu différents. En raison de la différenciation, chacun jouit d’un certain pouvoir monopolistique. Malgré cela, étant donné que les produits sont assez similaires pour faire partie du même marché et que les entreprises peuvent librement accéder au secteur ou en sortir, ce pouvoir monopolistique est limité par la présence de proches substituts, ce qui entraîne des résultats ressemblant à ceux obtenus dans certains marchés concurrentiels.

[22] M. McHale a décrit les aspects offre et demande du marché de l’abonnement aux clubs de conditionnement physique. Il a supposé que l’offre était associée à un coût marginal constant : pour un club donné, le coût de recruter un membre additionnel est constant. Il a aussi supposé que la demande est uniformément élastique : le nombre de membres qui résilieraient leur abonnement s’il augmentait d’un pourcentage donné serait le même, peu importe le prix.

[23] La dernière hypothèse avancée par M. McHale était que les centres et les sociétés de gestion musicales se livreraient à une négociation suivant le modèle de Nash pour partager la plus-value de la musique. En 1950, John Nash a décrit les fondements axiomatiques d’une règle de négociation très simple. Si les (deux) parties prenant part à une négociation sont égales à tous les égards (préférences, patience, pouvoir de négociation), la somme à partager devrait être divisée en parts égales. Selon le modèle de M. McHale, le montant à partager est la différence entre la valeur que les clients accordent aux clubs utilisant de la musique enregistrée et à ceux qui n’en utilisent pas. On propose que cette valeur, qui correspond aux revenus du club à des fins comptables, soit partagée en en versant la moitié aux titulaires de droits (avant rajustement pour l’utilisation du répertoire).

[24] Pour étalonner son modèle, M. McHale a utilisé les réponses aux demandes de renseignements fournies par Goodlife, le CSCP et certains de ses clubs membres, de même que la valeur de 32 pour cent calculée par Mme Bernardino. Il a conclu que la valeur de la musique enregistrée pour un club de conditionnement correspond à 16 pour cent du revenu total [4] du centre. Ré:Sonne a ensuite rajusté cette valeur en deux temps.

[25] Le premier rajustement est fondé sur le fait que lorsque de la musique enregistrée est diffusée publiquement, tant Ré:Sonne (enregistrement sonore) que la SOCAN (œuvre musicale) ont droit à des redevances. Puisque la Commission a toujours estimé que ces deux droits étaient d’égale valeur, Ré:Sonne a jugé qu’elle avait droit à au plus 8 pour cent du revenu du centre.

[26] Le taux de 8 pour cent repose sur l’hypothèse selon laquelle la SOCAN et Ré:Sonne contrôlent essentiellement toute la musique que diffusent les centres de conditionnement. C’est peut-être vrai dans le cas de la SOCAN, mais pas dans le cas de Ré:Sonne. On dénombre beaucoup plus d’enregistrements sonores non admissibles que d’œuvres musicales non admissibles, d’où la nécessité du rajustement en fonction du répertoire. Ré:Sonne a multiplié le taux de 8 pour cent par la valeur de 53 pour cent issue de l’analyse d’utilisation du répertoire faite par Mme Tay, ce qui donne une redevance de 4,24 pour cent du revenu.

[27] Ré:Sonne a supposé qu’il serait difficile d’exiger des centres qu’ils produisent constamment leurs états financiers. Pour contourner cette difficulté, elle a proposé de convertir le montant des revenus en un montant par abonné. Elle a proposé de recourir au rapport de 2008 de l’International Health, Racquet and Sportsclub Association (IHRSA), lequel précise qu’il y a 5047 clubs au Canada, qui comptent 4 635 000 membres et dont les revenus annuels sont de 1,89 milliard de dollars américains.

[28] Ré:Sonne a converti cette somme en 2,03 milliards de dollars canadiens, a multiplié ce montant par 4,24 pour cent et l’a divisé par 4 635 000 membres, ce qui donne un taux annuel de 18,59 $ par membre. En divisant ce résultat par 12, on obtient le taux que Ré:Sonne propose, soit 1,55 $ par membre par mois.

B. CSCP et Goodlife

i. Preuve concernant l’utilisation de musique et du répertoire dans les centres de conditionnement physique

[29] Mme Maureen Hagan, vice-présidente chargée de l’exploitation chez Goodlife, a commenté le rôle des instructeurs, l’utilisation qu’ils font de la musique et la créativité dont ils doivent faire preuve lorsqu’ils donnent leurs cours de conditionnement physique.

[30] Mme Michele Nesbitt, coordonnatrice des cours de groupe (Edmonton) pour Goodlife, a fait part de son expérience des cours de groupe, notamment l’utilisation de divers types de musique dans ces cours et les préférences musicales à cet égard, la mise en œuvre des programmes de Body Training Systems (BTS) et l’utilisation que fait cette entreprise de reprises qui, à son avis, sont libres de droits d’auteur.

[31] M. Richard Boggs, président-directeur général de The Step Company, a témoigné au sujet de l’utilisation de musique par la division BTS de la société et a expliqué pourquoi il estime que la musique que la division acquiert de ses fournisseurs est libre de droits d’auteur.

[32] M. Malcolm Black, directeur général de Les Mills Music Licensing Limited (LMML) et de Les Mills Media Limited, a expliqué comment LMML se procure la musique qu’elle fournit à Les Mills International Limited (Les Mills) pour ses programmes de conditionnement physique. Les Mills utilise des enregistrements issus de trois sources. Certains sont utilisés en vertu d’une licence générale accordée par Sony Music et Warner Music. D’autres le sont conformément à des contrats conclus avec des maisons de disque indépendantes. D’autres encore sont commandés par LMML, qui en détient les droits. [5] M. Black remet en question l’analyse qu’a faite Ré:Sonne de 11 pistes figurant sur la liste de Goodlife. Il a également affirmé que Zumba, qui offre elle aussi des produits axés sur le conditionnement physique, dit avoir recours à de la musique libre de droits d’auteur.

[33] M. Dan Brodbeck, ingénieur aux enregistrements à l’Institut des technologies d’enregistrement audio de l’Ontario, a traité de la création et de l’utilisation de reprises. Il a expliqué que, selon l’intention du créateur, la reprise peut être pratiquement identique à l’enregistrement original ou s’en démarquer clairement.

ii. Preuve réfutant la thèse présentée par Ré:Sonne

[34] Les Opposantes ont fait entendre trois experts pour contrer le témoignage de Mme Bernardino et de M. McHale : Mme Ruth Corbin de CorbinPartners Inc., M. Michael Hanemann de l’Université de la Californie à Berkeley et M. David Reitman, vice-président de Charles River Associates. À certains égards, leurs témoignages abordent les mêmes questions. Par souci de concision, nous traiterons une seule fois chaque argument que ces témoins ont présenté, même si plus d’un l’a abordé.

[35] Mme Corbin a critiqué l’utilisation des groupes de discussion faite par Mme Bernardino. Les modérateurs ont fréquemment invité les participants à parler de musique. La musique n’a été mentionnée spontanément qu’une seule fois dans le cadre des groupes de discussion; pourtant, la présentation du sondage attire délibérément l’attention sur celle-ci. Il en découle un biais attribuable à l’ordre de présentation : un répondant porte davantage attention aux éléments qui figurent plus haut sur une page ou un écran d’ordinateur.

[36] Mme Corbin a soutenu que l’échantillonnage n’était pas aléatoire et que moins de 0,1 pour cent des personnes contactées avaient choisi de participer au sondage. Toutes les personnes à qui on a demandé de participer s’adonnaient à au moins une activité où on diffusait de la musique enregistrée : les personnes qui fréquentaient un club pour jouer au tennis ou pour faire de la natation ont été exclues de la population cible.

[37] Mme Corbin a insisté sur le risque élevé que les participants aient répondu au hasard à diverses questions, entre autres parce qu’on demandait à ceux qui disaient ne pas participer à une activité (p. ex. les cours d’aérobie) si de la musique était diffusée dans le cadre de cette activité. Le sondage ne permettait pas de répondre « Ne sais pas » ou de ne pas répondre à une question.

[38] Mme Corbin s’est inquiétée du fait qu’on n’ait pas cherché à s’assurer que le participant était bel et bien la personne initialement sollicitée. Elle a également fait valoir que la méthode visant à déterminer les valeurs aberrantes (les répondants dont les réponses étaient inhabituelles comparativement à celles des autres répondants) et les réponses rectilignes (les répondants dont les réponses correspondaient à une ligne droite verticale sur l’écran d’ordinateur ou la page imprimée) était arbitraire et non reproductible. Elle a aussi critiqué la façon dont on avait changé les questions une fois le sondage commencé.

[39] Pour Mme Corbin, le modèle d’utilité aléatoire sous-jacent employé pour produire le sondage n’était pas réaliste étant donné qu’il exigeait des décisions parfaitement rationnelles. Enfin, elle a affirmé que le modèle Bernardino surestimait probablement la volonté de payer parce qu’il mesure réellement la volonté d’accepter, généralement reconnue par les économistes et les statisticiens comme étant plus élevée.

[40] M. Hanneman a insisté sur le fait qu’il existe des substituts pour tout ce qui peut être acheté. Si la correspondance est parfaite, la valeur des deux éléments doit être identique. Sinon, l’un d’eux peut valoir davantage que l’autre. Dans le cadre d’un exercice comme celui effectué par Mme Bernardino, il est essentiel d’utiliser la meilleure option possible pour calculer la valeur.

[41] Mme Bernardino a supposé que l’absence de musique était la meilleure option à l’utilisation de musique issue du répertoire de Ré:Sonne. Pourtant, Ré:Sonne admet elle-même que 47 pour cent de la musique diffusée dans les centres de conditionnement ne donnait pas lieu à des redevances, ce qui donne à penser que la meilleure option est la musique hors répertoire. L’erreur de retenir l’absence de musique comme alternative alors que des substituts faisant intervenir la musique existent surestime nécessairement la valeur que les membres des clubs accordent à la musique de Ré:Sonne.

[42] M. Hanneman a critiqué la conception du sondage au motif qu’il contenait un exercice de choix forcé : les répondants devaient choisir entre les deux centres qu’on leur présentait, un choix irréaliste et artificiel. Le sondage insistait à répétition sur la nature hypothétique du choix. Il ne permettait pas de ne choisir aucun des deux centres, ce qui est toujours possible en réalité. Le sondage faisait abstraction des autres centres, y compris celui que fréquentait le répondant. M. Hanneman a expliqué que le choix forcé n’est généralement pas utilisé dans les sondages pour ces raisons. Même si l’autre exercice de choix forcé n’était pas ainsi limité, M. Hanneman a rejeté l’idée selon laquelle la fusion des données provenant des deux exercices éliminerait les lacunes propres à chacun. Le choix non limitatif était vague : on demandait au répondant s’il continuerait de s’entraîner à son club actuel ou s’il [TRADUCTION] « irait ailleurs ». Certains auraient pu décider de n’aller nulle part, mais cette option ne semblait pas prévue dans le sondage.

[43] M. Hanemann a également critiqué la manière dont on présentait les caractéristiques des centres de conditionnement physique aux répondants. Des caractéristiques importantes mais non essentielles (emplacement, présence de télévisions, services de gardiennage) ont été omises. Leur absence gonflait artificiellement la valeur des caractéristiques mentionnées. Par ailleurs, le nombre de caractéristiques décrivant les deux centres, et parmi lesquelles les répondants devaient choisir, devait être restreint. En présenter trop pouvait faire en sorte que les répondants n’en lisent qu’une partie, ce qui aurait faussé les résultats. Enfin, accorder une place prépondérante à la musique tend à en surestimer la valeur.

[44] M. Hanemann a attiré l’attention sur le traitement qu’a accordé Mme Bernardino à la variable du prix dans son analyse de régression. Les clubs facturent l’abonnement à des dates et selon des échéanciers différents. Mme Bernardino a cherché à contourner ce problème en définissant l’écart de prix sous forme de pourcentage. Toutefois, il en découle que la valeur de la musique est également établie en pourcentage. Ainsi, pour la personne qui paie 50 $ par mois et qui accepte une augmentation de 10 pour cent, la musique enregistrée vaut 5 $ par mois. Pour un autre répondant également prêt à accepter une hausse de 10 pour cent, mais qui paie 100 $ par mois, cette valeur est de 10 $ par mois. Comme M. Hanneman l’a expliqué, ce traitement de la variable du prix est inhabituel. De plus, il n’est pas conforme à la façon dont sont traitées les autres variables dans le sondage, toutes étalonnées en termes absolus et non relatifs.

[45] M. Reitman a expliqué que le modèle employé par M. McHale représentait en fait un seul centre, et non le secteur du conditionnement physique. La confusion est fréquente : les modèles de concurrence monopolistique sont souvent présentés de cette façon dans les manuels d’économie.

[46] M. Reitman a précisé que la valeur de 32 pour cent calculée par Mme Bernardino pour la musique suppose qu’aucun autre club ne diffuse de musique enregistrée. La commutation de la demande serait moins grande s’il était interdit à tous les clubs de jouer de la musique.

[47] M. Reitman a souligné que le taux de 16 pour cent calculé par M. McHale revient simplement à un partage égal de la valeur établie par Mme Bernadino. Bien que le rapport de M. McHale comporte un nombre important de calculs algébriques, ils correspondent en fin de compte au partage égal proposé par M. McHale.

[48] Enfin, M. Reitman a précisé que même si la musique vaut quelque chose, sa valeur marginale pour un club est nulle lorsque le secteur du conditionnement physique est en équilibre à long terme. L’équilibre à long terme d’un secteur en concurrence monopolistique ne génère jamais de profits économiques. La contribution supplémentaire de tout intrant aux profits du secteur doit donc être égale à zéro. M. Reitman n’a pas énoncé cette proposition pour prétendre que le tarif équitable devrait être de zéro, mais pour montrer qu’un modèle fondé sur la concurrence monopolistique n’était pas approprié dans le cadre de la présente instance.

iii. Témoignages à l’appui de la contre-proposition des Opposantes

[49] M. Reitman a présenté une contre-proposition reposant sur deux hypothèses. D’abord, la valeur de la musique que diffuse un centre de conditionnement physique est la même pour tous les membres qui l’écoutent, que ce soit dans les aires d’entraînement ou pendant les cours de conditionnement. Ensuite, le membre qui utilise les aires d’entraînement sans écouter la musique diffusée par le club lui accorde tout de même une valeur, mais comme musique de fond. M. Reitman a donc proposé un taux pour les cours (partie A) et un autre pour les aires d’entraînement (partie B). Par la suite, la valeur de la musique diffusée dans les aires d’entraînement serait différente selon que le membre écoute cette musique, celle provenant d’une autre source (télévision, dispositif audio personnel) ou rien du tout.

[50] M. Reitman a proposé trois points de référence possibles pour la partie A. Le premier est le tarif 19 de la SOCAN (Exercices physiques et cours de danse) (ci-après « SOCAN 19 ») : 2,14 $ multiplié par le nombre moyen de participants par semaine. M. Reitman multiplie ce chiffre par 0,8, ce qui représente son estimation du rapport entre la valeur de l’enregistrement sonore et celle de l’œuvre musicale dans ce marché. La Commission a toujours fixé ce rapport à 1. M. Reitman est d’avis qu’il devrait être moindre dans le cas qui nous occupe. Par exemple, le rapport de 1 est utilisé pour la radio commerciale, qui ne tenterait jamais de faire passer une reprise pour l’original : de ce point de vue, l’un n’est pas un substitut pour l’autre. Dans le secteur du conditionnement physique, c’est le contraire. Comme l’effet de substitution tire vers le bas la valeur relative du droit d’exécuter l’enregistrement sonore, la valeur relative des droits de Ré:Sonne correspond à moins de 100 pour cent de cette valeur pour la SOCAN. M. Reitman parvient donc à une valeur de 1,71 $ avant rajustement en fonction du répertoire.

[51] Le deuxième point de référence est le taux établi dans le tarif 22.A de la SOCAN pour les téléchargements limités de musique (ci-après « SOCAN 22.A »). Un téléchargement limité fait appel à une technologie qui rend le fichier inutilisable lorsque l’abonnement prend fin. M. Reitman a fait une analogie entre celui qui choisit des enregistrements sonores pour téléchargement limité dans le but d’optimiser son rendement lors d’un entraînement privé et l’instructeur qui choisit des enregistrements sonores pour les faire jouer pendant un cours de conditionnement physique.

[52] Le taux prévu dans SOCAN 22.A est de 6,3 pour cent des revenus. Au moment de l’audience, on pouvait s’abonner au service de téléchargements limités de Napster To Go pour 14,95 $ par mois. M. Reitman a supposé que l’utilisateur type du service écoute 60 heures de musique par mois et qu’une séance d’entraînement type dure une heure. Suivant ces hypothèses, le prix horaire de l’abonnement est de 0,25 $. On multiplie ce prix par 52, puisque le taux de la partie A doit être un prix annuel reflétant une visite par semaine; on obtient 12,96 $. Enfin, on applique le taux de la SOCAN (6,3 pour cent) à ce montant; on obtient une valeur de 0,82 $.

[53] Le troisième point de référence est le tarif de Ré:Sonne pour la radio par satellite (ci-après « Ré:Sonne Satellite »), non rajusté en fonction du répertoire : 4,39 pour cent des revenus. Sirius offrait des abonnements annuels pour 13,74 $ par mois. M. Reitman a supposé que l’abonné de Sirius écoute 40 heures de musique par mois. Les hypothèses quant aux habitudes d’entraînement demeurant les mêmes, le prix horaire de l’abonnement est de 0,34 $ et le prix annuel, de 17,86 $. En appliquant à ce chiffre le tarif Ré:Sonne de 4,39 pour cent, on obtient une valeur de 0,78 $.

[54] Le taux découlant de SOCAN 19 était plus du double de ceux découlant de l’utilisation des deux autres points de référence. M. Reitman a présumé que cet écart pouvait être attribuable à la valeur additionnelle associée à l’utilisation synchrone de musique, étant donné que SOCAN 19 cible les cours de conditionnement. Il a donc conclu que l’utilisation de SOCAN 19 aux fins du calcul du taux de la partie A était la meilleure option.

[55] Pour la partie B, M. Reitman a effectué deux calculs. Pour tenir compte de l’hypothèse selon laquelle le membre qui s’entraîne sans écouter la musique diffusée par le club lui accorde une valeur comme musique de fond, il a utilisé le taux par utilisateur (0,0008 $) prévu au tarif 3 de Ré:Sonne pour l’utilisation de musique de fond (ci-après « Ré:Sonne 3 »), après neutralisation du rajustement en fonction du répertoire : 0,0019 $ par personne par jour. Il a multiplié cette valeur par 52, car le taux de la partie B devait également être exprimé sous la forme d’un taux annuel fondé sur une visite hebdomadaire. On obtient un taux de 0,0988 $. D’après les résultats du sondage de Mme Bernardino, 67 pour cent des personnes qui s’entraînent n’écoutent pas la musique diffusée par le club dans les aires d’entraînement. M. Reitman a donc effectué le rajustement correspondant, ce qui donne un taux de 0,066 $ par année, par membre.

[56] Le deuxième calcul vise le tiers des clients qui écoutent la musique diffusée dans les aires d’entraînement. L’hypothèse de départ était que ces clients devraient entraîner les mêmes redevances que pour la partie A. Par contre, comme M. Reitman avait utilisé SOCAN 19 pour calculer ces redevances, il a conclu que SOCAN 22.A et Ré:Sonne Satellite reflétaient probablement mieux la valeur de l’utilisation asynchrone de musique et qu’ils convenaient donc mieux pour établir les redevances pour la musique écoutée dans les aires d’entraînement. Le taux de la partie B fondé sur Ré:Sonne Satellite est de 0,32 $ et celui fondé sur SOCAN 22.A, de 0,34 $. M. Reitman a proposé d’utiliser la moyenne simple, soit 0,33 $.

[57] Pour rajuster le taux en fonction du répertoire, M. Reitman s’est reporté au sondage de Mme Bernardino : 53 pour cent des participants ont dit que les centres de conditionnement jouent surtout de la musique enregistrée, 20,2 pour cent la radio par satellite et 26,8 pour cent soit la radio commerciale, soit rien du tout. Il a écarté la dernière catégorie, appliqué l’ajustement de répertoire pour la radio par satellite à la deuxième catégorie puis appliqué l’ajustement issu de la liste de Goodlife à la première. Il en découle un ajustement de 45,82 pour cent qu’on applique aux taux non rajustés de 1,71 $ et de 0,33 $, ce qui donne un taux final de 0,78 $ pour la partie A et de 0,15 $ pour la partie B. C’est la contre-proposition du CSCP et de Goodlife.

iv. Témoignages concernant la capacité de payer

[58] M. David Hardy, président du CSCP et copropriétaire de plusieurs clubs dans la région d’Edmonton, Mme Janice Renshaw, propriétaire de Body Waves Fitness et du Wellness Centre (Caledonia, Ontario) et M. Mike Raymond, président de Curves International, ont comparu devant la Commission. M. Kevin Galbraith, propriétaire de The Fitness Firm (Burlington, Ontario), a produit une déclaration. Tous ont affirmé que leurs clubs auraient de la difficulté à transmettre le coût du tarif à leurs membres. Selon M. Raymond, il y a deux raisons à cela. D’abord, on ne peut augmenter les prix pour les membres existants puisque leurs contrats prévoient que le prix reste le même pendant leur durée prévue. Ensuite, bien qu’il soit possible d’augmenter le prix exigé des nouveaux membres, la pratique dans le secteur consiste à leur offrir des rabais en vue de les attirer. Par conséquent, il est probable que même si le prix affiché tenait compte du tarif, le prix réel ne pourrait pas le faire.

[59] Les quatre témoins ont également affirmé que l’incapacité des centres à payer le tarif était accrue du fait qu’ils n’avaient pas prévu de provisions au regard de son application rétroactive, et qu’ils devraient donc effectuer les paiements à même leurs revenus courants. En fait, M. Raymond estimait qu’environ 20 pour cent des franchises Curves pourraient fermer leurs portes si le tarif proposé était homologué.

[60] M. James L. Horvath, directeur général, ValuQuest Limited, s’est servi des données de l’IHRSA pour analyser les répercussions du tarif proposé. Il a supposé que la situation du secteur canadien du conditionnement physique était la même que celle du secteur américain (le marché qu’échantillonne l’IHRSA) et que l’échantillonnage était représentatif. D’après son analyse, il a conclu que le tarif proposé nuirait au secteur canadien, entraînant la fermeture de nombreux clubs.

[61] M. Armand Capisciolto, associé, normes comptables nationales, chez BDO Canada, a cherché à réfuter le témoignage de M. Mak.

[62] M. John Muszak, vice-président responsable du marketing pour Goodlife, a commenté l’importance de la musique enregistrée comme élément de la stratégie d’attraction, de fidélisation et d’élargissement de la clientèle. Il a également commenté les répercussions possibles du tarif proposé sur le secteur.

[63] Mme Jan Schroeder, professeure agrégée d’éducation physique à l’Université de l’État de la Californie, a traité des caractéristiques socioéconomiques des clubs de conditionnement physique en Amérique du Nord, de l’orientation des activités physiques de groupe selon les groupes d’âge et de l’influence de ces facteurs sur l’utilisation de musique dans ces activités.

IV. QUESTIONS JURIDIQUES

[64] Une grande confusion a entouré certaines questions juridiques. Pour l’essentiel, cela concernait l’étendue du répertoire pour lequel Ré:Sonne peut percevoir des redevances. En bref, celle-ci prétend représenter tous les enregistrements admissibles. Les Opposantes soutiennent que Ré:Sonne peut percevoir des redevances uniquement pour ce qui fait partie de son répertoire, et seulement si les producteurs n’ont pas renoncé à percevoir des redevances.

[65] Compte tenu de la façon dont nous établissons le tarif, il n’est pas nécessaire de nous attarder à la plupart des questions juridiques soulevées dans le cadre de la présente affaire. Néanmoins, un survol de certains principes fondamentaux pourrait aider le lecteur à comprendre certaines de nos conclusions (et incertitudes) au sujet de la preuve.

A. Quels enregistrements sonores sont admissibles à une rémunération?

[66] L’article 20 de la Loi prévoit qu’un enregistrement sonore est admissible à une rémunération équitable en vertu de l’article 19 si le producteur réside dans un pays partie à la Convention de Rome (admissibilité fondée sur la résidence) ou si toutes les fixations ont été réalisées dans un tel pays (admissibilité fondée sur le lieu de fixation). Pour les besoins de la présente affaire, cela est important à au moins trois égards.

[67] Premièrement, les enregistrements réalisés dans un pays non partie à la Convention de Rome par un producteur qui n’est pas résident d’un pays partie à cette Convention ne sont pas admissibles. Cela englobe la grande majorité des enregistrements réalisés aux États-Unis. [6] On peut éviter de verser des redevances à Ré:Sonne en utilisant uniquement des enregistrements non admissibles. Cela est d’autant plus facile si la musique provient, par exemple, d’un fournisseur de musique ou de vidéos d’exercice (p. ex. Zumba), si ce dernier n’utilise que de tels enregistrements.

[68] Deuxièmement, il n’est pas pertinent de savoir qui sont les artistes-interprètes, où ils vivent et s’ils sont membres d’une société de gestion pour déterminer l’admissibilité d’un enregistrement sonore; cela dépend entièrement du statut du producteur ou du lieu de la fixation.

[69] Troisièmement, l’admissibilité fondée sur la résidence est fonction du producteur, non de sa société mère ou de son mandataire canadien. L’enregistrement réalisé dans un pays non partie à la Convention de Rome par un producteur d’un pays non partie à cette Convention est inadmissible même si le producteur est une filiale en propriété exclusive d’un résident d’un pays partie à cette Convention ou si le mandataire canadien est un producteur qui se qualifie en vertu de la Convention. Les ententes contractuelles entre le producteur et sa société mère ou son mandataire ne peuvent rendre admissible un enregistrement qui ne l’est pas.

B. Ré:Sonne représente-t-elle tous les enregistrements admissibles ou uniquement son répertoire?

[70] Ré:Sonne réclame des redevances à l’égard de tout le répertoire admissible. Son argument peut se résumer comme suit. L’article 20 de la Loi détermine l’admissibilité. Le sous-alinéa 68(2)a)(i) exige qu’une rémunération soit versée uniquement pour les enregistrements que l’article 20 déclare admissibles. Si une rémunération doit être versée uniquement pour les enregistrements admissibles, elle doit l’être pour tous ces enregistrements. C’est également ce que commande le paragraphe 19(3), lequel prévoit qu’une rémunération équitable est toujours partagée par moitié entre artistes-interprètes et producteurs. Nous ne sommes pas de cet avis, pour plusieurs raisons.

[71] Premièrement, la plupart des régimes que la Commission administre font une nette distinction entre ce qui est admissible et ce qui donne lieu au paiement de redevances en vertu d’un tarif. En règle générale, une société de gestion ne peut percevoir de redevances que pour ce que contient son répertoire. Seuls les régimes de retransmission et de copie privée font exception à cette règle : les titulaires de droits non affiliés à une société de gestion (parfois appelés « orphelins ») peuvent réclamer leur part auprès de celle que la Commission désigne. C’est pourquoi le montant des redevances est fixé à un niveau permettant de rémunérer tous les objets du droit d’auteur admissibles.

[72] Deuxièmement, l’interprétation que propose Ré:Sonne est incompatible avec le paragraphe 67.1(4) de la Loi, dont voici les passages pertinents :

Le non-dépôt du projet empêche, sauf autorisation écrite du ministre, l’exercice de quelque recours que ce soit [...] pour recouvrement des redevances visées à l’article 19.

[73] L’article 67 prévoit que les seules sociétés de gestion de l’article 19 visées aux articles 67 à 68.2 sont celles qui perçoivent une rémunération pour des enregistrements d’œuvres musicales. Si, comme l’allègue Ré:Sonne, elle représente tous les enregistrements admissibles d’œuvres musicales, alors, dans la version anglaise, les mots « with respect to the [...] sound recording in question » (noter le singulier) sont superflus, puisque le contenu du répertoire serait tout ou rien.

[74] Troisièmement, l’exigence énoncée au sous-alinéa 68(2)a)(i) selon laquelle la rémunération est versée uniquement pour les enregistrements admissibles ne commande pas qu’elle le soit pour tous ces enregistrements. Il est tout aussi raisonnable de conclure que l’exigence vise à s’assurer qu’aucune rémunération ne soit versée pour des enregistrements non admissibles, qu’une rémunération soit versée ou non pour tous les enregistrements admissibles.

[75] Ré:Sonne n’a le droit de percevoir une rémunération équitable qu’à l’égard des enregistrements faisant partie de son répertoire. Compte tenu du libellé du paragraphe 67.1(4) de la Loi, les utilisateurs peuvent utiliser gratuitement les autres enregistrements admissibles, sauf si le ministre responsable de la Loi autorise un recours pour recouvrement des redevances.

C. Comment un enregistrement sonore rejoint-il le répertoire de Ré:Sonne?

[76] Le producteur ou l’artiste-interprète peut verser un enregistrement admissible dans le répertoire de Ré:Sonne. De plus, en pareil cas, tous les droits sur l’enregistrement font partie du répertoire, pas seulement ceux de la personne qui a fait apport de l’enregistrement. [7]

[77] Par conséquent, lorsque l’enregistrement fait partie du répertoire, Ré:Sonne peut percevoir des redevances au profit des artistes-interprètes et des producteurs, même si certains ne lui ont pas cédé leurs droits. De son côté, Ré:Sonne est tenue de faire la distribution à parts égales entre artistes-interprètes et producteurs, qu’ils soient membres ou non d’une société de gestion de Ré:Sonne. Ainsi est respectée l’exigence du paragraphe 19(3) de la Loi, qui veut que la rémunération équitable soit partagée par moitié entre l’artiste-interprète et le producteur.

D. À qui Ré:Sonne doit-elle verser des redevances lorsque le droit à rémunération a été cédé?

[78] Le droit à rémunération prévu à l’article 19 est de toute évidence l’un des « droits conférés par la présente partie » à l’égard desquels l’article 25 de la Loi précise qu’ils sont transférables. Le paragraphe 19(3) exige que les redevances soient partagées par moitié entre le producteur et l’artiste-interprète. Il n’est fait nulle mention d’ayants droit auxquels le droit à rémunération aurait pu être cédé ou transmis. Ré:Sonne s’appuie sur les mots soulignés pour soutenir qu’elle doit verser des redevances aux producteurs ou artistes-interprètes initiaux, peu importe qui peut y avoir droit en fin de compte. Nous ne sommes pas de cet avis : Ré:Sonne doit verser les redevances à ceux qui y ont effectivement droit.

[79] Les propres pratiques de Ré:Sonne en matière de distribution sont incompatibles avec sa position. Ses sociétés de gestion membres, auxquelles les redevances sont distribuées, ne sont pas des producteurs ou artistes-interprètes initiaux.

[80] La proposition de Ré:Sonne est illogique dans la mesure où, souvent, le droit à rémunération survit à la disparition de son titulaire initial. Un ayant droit ne peut encaisser un chèque libellé à l’ordre d’un artiste-interprète décédé ou d’une maison de disques inexistante. La dévolution doit être possible. Il en est de même de la cession.

[81] Enfin, l’interprétation de Ré:Sonne est incompatible avec l’article 58.1 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur. [8] Cette disposition limite la portée de toute cession d’un droit qui constituerait un droit à rémunération en vertu de la Loi, effectuée dans le cadre d’une entente conclue avant le 25 avril 1996. Une disposition qui limite les cessions n’est pas requise si la cession est impossible.

[82] Nous avions parfois l’impression que, de l’avis de Ré:Sonne, l’admissibilité à percevoir une rémunération équitable est déterminée [TRADUCTION] « au moment de l’homologation du tarif applicable ». [9] Cela ne saurait être vrai. Forcément, la Commission rend des décisions concernant l’utilisation du répertoire en se fondant sur la preuve qui lui est soumise au moment de l’audience. Pourtant les tarifs sont intrinsèquement prospectifs et le répertoire de Ré:Sonne change tous les jours. Forcément, sa distribution de redevances repose sur le répertoire qu’elle représente lorsque la décision de distribuer est prise, non sur un aperçu historique d’une période antérieure. Rémunérer en 2012 un enregistrement réalisé en 1960 lors d’une analyse du répertoire en 2007 n’aurait aucun sens : l’enregistrement a cessé d’être admissible le 1er janvier 2011. [10] Il serait tout aussi illogique de refuser la rémunération pour un enregistrement en 2012 au seul motif qu’il n’existait pas en 2007.

E. Pertinence des conclusions antérieures dans la présente instance

[83] Ré:Sonne prétend représenter 53 pour cent du répertoire, ce qui est nécessairement trop élevé. Premièrement, Ré:Sonne prétend représenter tous les enregistrements admissibles. Ré:Sonne n’a pas droit à des redevances pour un enregistrement du domaine public, un enregistrement non admissible, un enregistrement admissible ne faisant pas partie de son répertoire et (possiblement) un enregistrement admissible du répertoire dont les droits sont autrement libérés.

[84] Deuxièmement, et fort probablement, les titres dont l’admissibilité n’a pu être déterminée sont moins susceptibles d’appartenir au répertoire de Ré:Sonne que ceux dont l’admissibilité a pu être établie. Ré:Sonne détermine l’admissibilité d’après les déclarations faites par l’AVLA, la SOPROQ ou leurs membres; il est très peu probable qu’une maison de disques remplisse une déclaration d’admissibilité à l’égard d’enregistrements dont elle ne détient pas les droits.

[85] Troisièmement, la reprise est un enregistrement sonore distinct, quelle que soit sa ressemblance avec l’original. Plusieurs reprises d’enregistrements admissibles ne sont pas elles-mêmes admissibles. Les reprises admissibles ne font pas toutes partie du répertoire de Ré:Sonne; si LMML se prévaut des dispositions néo-zélandaises visant les œuvres de commande, les enregistrements sonores qu’elle commande ne sont pas dans le répertoire même si les propres enregistrements du producteur ayant reçu la commande sont admissibles et dans le répertoire.

[86] Cela dit, la mesure dans laquelle Zumba, Les Mills et d’autres ont réussi à fournir des enregistrements qui ne donnent pas lieu au versement de redevances à Ré:Sonne dépend de plusieurs facteurs pour lesquels les preuves sont insuffisantes. Ces facteurs comprennent le pays de fixation, la nationalité des producteurs, l’existence et la pertinence de dispositions relatives aux œuvres de commande, la réglementation du rapport entre producteurs admissibles et sociétés de gestion dans leur pays d’origine et les rapports contractuels entre producteurs et artistes-interprètes.

[87] Pour ces raisons, la prétention de Ré:Sonne selon laquelle elle représente 53 pour cent du répertoire est manifestement exagérée. Les Opposantes ont proposé une proportion de 33 pour cent fondée sur l’analyse de M. Black de la liste de Goodlife. Ce chiffre est probablement trop bas, pour les raisons mentionnées au paragraphe précédent. Cela dit, comme les analyses de Mme Tay et de M. Black sont les seules preuves le moindrement fiables auxquelles nous pouvons avoir recours pour déterminer l’utilisation du répertoire, nous nous en servirons du mieux que nous le pourrons en suivant les principes suivants.

[88] Notre point de départ est l’analyse de Mme Tay des 173 enregistrements se trouvant dans la liste de Goodlife, [11] qu’elle a répartis selon les catégories suivantes : admissibles : 67; non admissibles : 59; admissibilité indéterminée : 47.

[89] Si les Opposantes ne contestent pas la classification de Mme Tay, nous l’acceptons. Certains enregistrements admissibles ne font pas partie du répertoire de Ré:Sonne; cependant, ce que nous savons déjà nous amène à conclure que la probabilité que cette situation se produise est faible, surtout à la lumière des autres principes que nous appliquons.

[90] Si les Opposantes contestent la classification de Mme Tay et qu’elle réfute cette contestation avec des preuves crédibles, nous acceptons cette classification. Cela inclut une preuve selon laquelle l’artiste-interprète, mais pas le producteur, est membre d’une société de gestion membre de Ré:Sonne. Les ententes contractuelles entre producteurs et artistes-interprètes pourraient empêcher ces derniers de faire apport d’un enregistrement; toutefois, comme la preuve de Mme Tay est la seule dont nous disposons, nous l’acceptons.

[91] Si les Opposantes contestent la classification de Mme Tay et qu’elle ne réfute pas cette contestation, nous acceptons la position des Opposantes si nous sommes convaincus que la législation locale permet à des entreprises comme LMML ou Zumba de libérer les droits de façon à empêcher l’apport de l’enregistrement dans le répertoire de Ré:Sonne. Comme celle-ci est la mieux placée pour déterminer ce qui s’y trouve ou pas, nous traitons l’absence de réfutation comme une preuve selon laquelle l’enregistrement ne fait pas partie du répertoire.

[92] Notre analyse mène aux constats suivants.

[93] Parmi les enregistrements déclarés admissibles, sont admissibles : les 55 enregistrements dont la déclaration d’admissibilité n’est pas contestée; les deux à l’égard desquels LMML détient une licence et pour lesquels M. Black a reconnu qu’il pourrait s’agir de titres gérés par l’AVLA; les cinq à l’égard desquels LMML détient une licence pour lesquels Mme Tay a fourni une preuve d’adhésion des artistes-interprètes. Sont non admissibles les cinq titres à l’égard desquels LMML détient une licence et pour lesquels Mme Tay n’a pas fourni de preuve d’adhésion des artistes-interprètes.

[94] Les 59 enregistrements déclarés non admissibles n’ont pas été contestés; ils demeurent non admissibles.

[95] Parmi les enregistrements dont l’admissibilité est indéterminée, est admissible l’enregistrement à l’égard duquel LMML détient une licence et pour lequel Mme Tay a fourni une preuve d’adhésion de l’artiste-interprète. Sont inadmissibles : les 30 enregistrements commandés par LMML, au motif que la législation néo-zélandaise prévoit que le premier titulaire du droit sur l’enregistrement de commande est la personne qui l’a commandé; les 15 enregistrements associés à des produits de Zumba, au motif que la législation australienne prévoit la même chose. Mme Tay n’a pas déposé de contre-preuve à l’égard de ces enregistrements de commande. Le dernier enregistrement de cette catégorie est entièrement exclu du calcul, car il n’influe pas sensiblement sur le résultat final.

[96] En nous fondant sur l’analyse précédente, nous concluons que 63 titres font partie du répertoire de Ré:Sonne et que 109 titres n’en font pas partie. L’utilisation du répertoire se calcule donc ainsi : 63 / (63 + 109) = 36,6 pour cent. La démarche que nous avons adoptée pour arriver à ce résultat est loin d’être idéale, mais c’est la seule raisonnable dont nous disposons, compte tenu de la preuve présentée et des hypothèses formulées par les parties.

[97] Nous avons déjà mentionné divers facteurs qui pourraient justifier d’augmenter ou de diminuer ce pourcentage. Il en existe d’autres, qu’il n’est pas nécessaire de préciser. Qu’il suffise de dire que dans l’ensemble, ces facteurs tendent à s’annuler et qu’aucun d’entre eux ne nous mènerait à conclure que ce pourcentage devrait être haussé ou abaissé. Par conséquent, nous appliquerons au besoin un ajustement de répertoire de 36,6 pour cent.

V. ANALYSE

A. Proposition de Ré:Sonne

[98] La fiabilité de la proposition de Ré:Sonne dépend du caractère raisonnable des hypothèses sous-tendant les modèles économiques de Mme Bernardino et de M. McHale, de la fiabilité des données recueillies (la méthode d’enquête) et de l’exactitude des calculs effectués pour produire les chiffres finaux. Selon nous, les hypothèses contiennent quatre lacunes, la collecte de données, six, et l’exactitude des calculs, une; par ailleurs, le résultat comporte un problème d’ordre général.

i. Hypothèses sous-tendant les modèles économiques

[99] Premièrement, Mme Bernardino suppose que le comportement des membres d’un centre de conditionnement physique peut être représenté par un modèle d’utilité aléatoire. La littérature dans le domaine de la psychologie économique révèle que les gens ont recours à l’heuristique (raccourcis) pour prendre des décisions complexes. Le pré-test le confirme. Le modèle d’utilité aléatoire suppose que le décideur choisisse l’option qui maximise son utilité; recourir à l’heuristique va à l’encontre de cette hypothèse parce que cela accroît les chances que cette option ne soit pas choisie. Ainsi, le modèle d’utilité aléatoire estimé est une faible approximation du comportement révélé par le sondage. Les tentatives de neutralisation de l’effet de l’heuristique à l’aide de seuils n’ont jamais été suffisamment expliquées. Nous ne sommes donc pas en mesure de déterminer si cette solution a réellement permis de résoudre le problème. De plus, les seuils peuvent neutraliser l’effet de l’heuristique binaire seulement et non de l’heuristique interactive.

[100] Deuxièmement, Mme Bernardino suppose que l’élasticité de la demande des centres de conditionnement physique est constante, c'est-à-dire que le nombre de personnes qui quitteraient un centre est le même si les frais d’abonnement mensuels doublent, qu’ils passent de 300 $ à 600 $ ou de 10 $ à 20 $. Cette hypothèse ne nous semble pas raisonnable, car le revenu est gagné en dollars, pas en pourcentage. Mme Bernardino s’appuie sur cette hypothèse pour prendre bon nombre de raccourcis dans le calcul de la valeur de la musique enregistrée pour accompagner le conditionnement physique. Si l’hypothèse est invalide, les raccourcis le sont également, tout comme la valeur de la musique qui en découle.

[101] Troisièmement, M. McHale suppose qu’il existe un centre type dont le coût marginal pour chaque membre additionnel est constant. Même en admettant la possibilité d’un coût marginal constant, la probabilité de l’existence d’un centre type à cet égard est extrêmement faible dans un marché en situation de concurrence monopolistique. Il est peu probable que le coût lié à l’ajout d’un nouveau membre soit le même pour un centre qui offre uniquement l’entraînement en circuit que pour un club multiservice. L’hypothèse d’homogénéité formulée par M. McHale est la norme dans la doctrine en matière de concurrence monopolistique; or, il appert au contraire que l’offre de services des clubs de conditionnement physique est hétérogène.

[102] Quatrièmement, nous ne pouvons accepter qu’un modèle classique de négociation de Nash convienne en l’espèce. Premièrement, une négociation entre Ré:Sonne et un fondé de pouvoir pour tout le secteur est une vue de l’esprit : le secteur est trop hétérogène pour parler d’une seule voix. Deuxièmement, l’existence de solutions de rechange au répertoire de Ré:Sonne autres que la simple absence de musique fera basculer le pouvoir de négociation en faveur des centres. Troisièmement, il y a lieu de croire que dans ce marché, ce pourrait être un fournisseur tiers comme LMML, et non les clubs eux-mêmes ou leur représentant, qui devrait négocier au nom de tous les centres ou d’un certain nombre d’entre eux. Quatrièmement, bien qu’il s’agisse d’un point mineur, le fait (d’un point de vue juridique du moins) que le résultat de toute négociation doive être homologué par la Commission fera basculer le pouvoir de négociation de manière impossible à évaluer.

ii. Problèmes relatifs à la collecte de données

[103] Même si nous avions été satisfaits des hypothèses des modèles économiques, le processus de collecte de données comporte bon nombre de problèmes. Le fait que plusieurs des biais dans cette collecte sont difficiles à quantifier complique encore plus les choses. Si nous pouvions les quantifier, nous pourrions déterminer lesquels pourraient être écartés et lesquels devraient être corrigés. En l’espèce, nous estimons que la fiabilité des données pose de sérieux problèmes.

[104] Premièrement, certains biais ont été introduits du fait que le sondage ne permettait pas de répondre « Ne sais pas ». Les répondants étaient donc forcés de deviner une réponse à une question. D’un point de vue statistique, ces réponses peuvent être considérées comme aléatoires. Le problème est que ces réponses ne peuvent être distinguées des réponses sincères.

[105] Deuxièmement, certains biais ont été introduits en demandant aux répondants d’évaluer des caractéristiques qu’ils n’utilisent pas. Les répondants accordent certes une valeur à ces caractéristiques, puisqu’ils pourraient éventuellement s’en servir. [12] Toutefois, le calcul de ces valeurs est nécessairement moins précis que pour ce qu’on utilise. Néanmoins, Mme Bernardino accorde le même poids aux deux.

[106] Troisièmement, certains biais ont été introduits du fait que le sondage faisait ressortir la musique par rapport aux autres caractéristiques. Comme il est expliqué au paragraphe 35, on a procédé ainsi pour attirer l’attention sur la raison même du sondage : déterminer la valeur de la musique. L’importance ou l’incidence du biais introduit par le positionnement particulier des questions sur la musique a fait l’objet de débats exhaustifs lors de l’audience. Nous nous inquiétons surtout du fait que le biais a été introduit délibérément [13] et qu’il concernait la caractéristique même pour laquelle le sondage était effectué.

[107] Quatrièmement, des biais ont été introduits du fait de questionner les répondants sur un élément « incontournable », mais pas sur d’autres. Mme Bernardino s’est fondée sur les groupes de discussion pour conclure que la musique est un incontournable : on ne peut s’en passer, mais on y pense que si on en est privé. Pour que la musique, objet du sondage, reçoive l’attention requise, le sondage définitif passe sous silence certaines caractéristiques non musicales et déplace la musique pour mettre l’accent sur diverses caractéristiques musicales. Introduire un seul incontournable parmi d’autres caractéristiques importantes mais non essentielles gonfle artificiellement la valeur de cet élément : la somme de la valeur de chacun des éléments évalués d’un produit pourrait être beaucoup plus élevée que la valeur du produit lui-même. Une autre façon de considérer cette question est de comparer la valeur accordée aux caractéristiques importantes mais non essentielles par rapport à celle attribuée à la musique. La commodité de l’emplacement, l’environnement accueillant et la souplesse des dispositions contractuelles ont été jugés plus importants que la musique. Sur le plan logique, ce résultat est impossible si, comme le conclut Mme Bernardino, la musique représente le tiers de la valeur accordée par les participants. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer à quel point la valeur de la musique est gonflée; malgré cela, l’omission d’un nombre important d’incontournables, combinée au fait que la musique n’a pas été mentionnée spontanément dans les groupes de discussion, ajoute foi à l’hypothèse selon laquelle la musique enregistrée vaut moins que ce que prétend Ré:Sonne.

[108] Cinquièmement, nous sommes d’accord avec les Opposantes pour dire que le meilleur substitut à l’utilisation du répertoire est l’utilisation de musique qui n’en fait pas partie et non l’absence totale de musique. Le fait que l’auditeur ne puisse pas faire la distinction entre les enregistrements du répertoire de Ré:Sonne et les autres renforce cette conclusion plutôt que de la mettre en doute : la musique est d’autant plus interchangeable que l’auditeur ne peut la distinguer. Nous ne trouvons pas intéressant non plus l’argument portant que la musique doit d’abord être évaluée dans l’absolu, et ensuite ajustée en fonction de la part du répertoire de Ré:Sonne : ce qui ne se trouve pas dans le répertoire est un élément de rechange et l’existence d’un tel élément signifie que l’absence de musique n’est pas le meilleur substitut au répertoire de Ré:Sonne.

[109] Il est possible d’établir le tarif de Ré:Sonne simplement en adaptant un tarif existant de la SOCAN en fonction de la part du répertoire de Ré:Sonne. La Commission l’a fait fréquemment. Toutefois, cette méthode ne peut pas être retenue dans un contexte de choix discrets, où la meilleure option doit être précisée clairement.

[110] Sixièmement, le sondage était conçu de façon telle qu’il provoquait la lassitude. Les répondants devaient lire et assimiler une quantité considérable de renseignements sur deux différents centres et choisir l’un d’entre eux à quatre reprises. Ce type de sondage mène souvent à des biais introduits par des réponses linéaires. Il y a deux façons de traiter les réponses linéaires. On peut soit les enlever, ou enlever toutes les réponses fournies par quelqu’un qui a fourni une réponse linéaire à au moins une question. Mme Bernardino a choisi la première façon. À notre avis, la seconde est préférable : toutes les réponses d’un répondant sont suspectes dès lors que l’une d’entre elles est linéaire.

iii. Exactitude des calculs

[111] Mme Bernardino calcule un montant de variation compensatoire, qui représente généralement ce qu’une personne doit recevoir pour ne pas se sentir lésée après avoir été dépossédée de quelque chose. Dans la présente affaire, elle calcule la baisse des frais d’abonnement à un centre qu’une personne serait prête à accepter si ce centre arrêtait de faire jouer de la musique enregistrée. Le calcul de la variation compensatoire à titre de moyenne, plutôt que sur une base individuelle, introduit des biais. Il est possible de calculer la variation compensatoire sur une base individuelle (et significative) et d’analyser les parties de la distribution représentées par ceux qui quitteraient leur centre en fonction de différentes hypothèses de prix. Ici, on a calculé la variation compensatoire entre deux prix moyens et déterminé le prix minimal comme s’il pouvait s’appliquer à tout membre moyen d’un centre. La variation compensatoire entre les moyennes est un calcul dénué de sens parce que non linéaire : l’inégalité de Jensen [14] indique qu’il n’est pas possible d’inverser l’ordre de calcul de la variation compensatoire et sa moyenne. Nous ne pouvons nous reporter aux calculs individuels que Mme Bernardino dit avoir effectués, car ils ne nous ont pas été fournis. Nous trouvons important de soulever ce point, même si les Opposantes ne l’ont pas fait.

iv. Problème d’ordre général relatif au résultat

[112] La somme que propose Ré:Sonne, 86 millions de dollars, est au moins cinq fois plus élevée que celle qu’elle reçoit des stations de radio commerciales. Il en découle une insulte au sens commun : toutes choses étant égales par ailleurs, l’enregistrement sonore vaut nécessairement beaucoup plus pour la radio commerciale que pour un centre de conditionnement physique.

v. Conclusion

[113] Pour les raisons susmentionnées, nous rejetons la méthode proposée par Ré:Sonne pour déterminer la valeur de la musique dans les centres de conditionnement physique.

B. Proposition des Opposantes

i. Introduction

[114] Avant d’analyser ce que proposent les Opposantes, nous jugeons utile de commenter l’examen de la tarification de Ramsey [15] de M. Reitman. Nous convenons qu’un tarif purement optimal, qui réduit donc la distance entre l’allocation générée par le tarif et l’allocation efficiente selon le principe de Pareto, doit être conforme avec la solution d’un problème de Ramsey. [16] Nous convenons aussi que l’utilisation d’un point de référence (ou marché substitut) pour lequel l’élasticité de la demande est proportionnelle au marché faisant l’objet de l’examen simplifie le problème de Ramsey.

[115] Cela dit, il est possible que M. Reitman ait mal compris notre mandat. La Commission est chargée de fixer des redevances justes et équitables. Elle n’a jamais assimilé l’équité à l’efficience; en fait, à certaines occasions, elle a eu recours à des principes de politique publique pour se distancier de ce qui semblait par ailleurs efficient. [17] Il n’a jamais été question d’un calcul de l’efficience qui réduit la distance entre une allocation efficiente selon le principe de Pareto et l’allocation générée par le tarif.

[116] La démarche de M. Reitman n’est pas dénuée d’intérêt. Il reprend un raccourci bien connu : si un prix est un prix de Ramsey, il en sera de même d’un deuxième prix fixé comme un ratio du premier. Ce raccourci offre un soutien théorique important à l’utilisation de comparables et de prix de substitut. Il est souvent raisonnable de procéder ainsi, pour plusieurs raisons énoncées dans de nombreuses décisions de la Commission. Cela dit, nous ne prévoyons pas fonder notre utilisation de substituts sur la tarification de Ramsey. La tarification de Ramsey nous obligerait à fixer tous les tarifs à la fois; la Commission les fixe un à un, ou tout au plus quelques-uns à la fois.

[117] Examinons maintenant la proposition comme telle. Elle consiste en fait en deux taux. La partie A est fondée sur SOCAN 19, la partie B sur Ré:Sonne 3, Ré:Sonne Satellite et SOCAN 22.A.

[118] Pour des raisons qui deviendront évidentes, nous commençons notre analyse avec la partie B. Nous sommes d’avis que SOCAN 22.A et Ré:Sonne Satellite ne sont pas de bons substituts et que M. Reitman utilise mal Ré:Sonne 3.

ii. Ré:Sonne Satellite et SOCAN 22.A comme points de référence

[119] L’utilisation que fait M. Reitman de SOCAN 22.A et de Ré:Sonne Satellite est à la fois déroutante et problématique. En procédant de la sorte, il contredit son hypothèse selon laquelle la musique enregistrée diffusée dans les aires d’entraînement a la même valeur pour ceux qui l’écoutent que celle diffusée dans les cours de conditionnement physique. Il établit le taux pour la première à partir d’un substitut autre que SOCAN 19, qu’il utilise pour établir le taux de la musique utilisée pendant les cours et ce, sans reformuler ses hypothèses de départ.

[120] En outre, nous trouvons difficile d’établir un lien entre le téléchargement limité ou la radio par satellite et la musique diffusée dans un centre de conditionnement physique. À l’égard du téléchargement limité, M. Reitman invoque un abonné hypothétique qui utilise Napster To Go pour créer la série de chansons qu’il estime la plus susceptible d’optimiser sa séance d’entraînement. Selon nous, cette analogie n’est pas utile. Un utilisateur peut arriver au même résultat en recourant à des offres de musique plus courantes, comme la copie privée et le téléchargement permanent. Pourquoi privilégier l’utilisation d’un créneau plus marginal comme point de référence?

[121] Il est tout aussi difficile d’établir un lien entre la radio par satellite et la musique pour accompagner le conditionnement physique, compte tenu surtout de la façon dont M. Reitman envisage que la musique sera utilisée pendant les séances d’entraînement, soit au moyen d’un dispositif portatif de radio par satellite. Ces dispositifs existent et sont disponibles au Canada. Nous ne disposons d’aucune preuve quant à leur taux de pénétration du marché [18] ou à la mesure dans laquelle ils peuvent être utilisés dans les clubs de conditionnement. [19]

[122] De toute façon, la façon dont M. Reitman propose d’utiliser Ré:Sonne Satellite et SOCAN 22.A comme points de référence met en jeu de trop nombreuses hypothèses non vérifiées.

[123] Une de ces hypothèses est que l’utilisateur type d’une aire d’entraînement s’y rend une fois par semaine pour une période d’une heure. La preuve par sondage de Mme Bernardino révèle que les répondants fréquentent leur centre 3,04 fois par semaine. [20] Ce résultat correspond de façon générale à ce qui est indiqué dans les publications traitant de la fréquentation des clubs. Nous préférons la preuve de Mme Bernardino à l’hypothèse de M. Reitman.

[124] Une autre de ces hypothèses est que les abonnés aux services de téléchargement limité écoutent de la musique en moyenne 60 heures par mois, mais que les abonnées à la radio par satellite l’écoutent en moyenne 40 heures par mois. Aucune preuve n’étaye ces données et rien n’explique la différence.

[125] Une troisième hypothèse suppose que l’enregistrement sonore vaut 80 pour cent de l’œuvre musicale sous-jacente, étant donné qu’une reprise de l’original sera tout aussi efficace pour les besoins du conditionnement physique. La Commission a toujours accordé la même valeur aux enregistrements sonores et aux œuvres musicales, toutes choses étant égales par ailleurs.

iii. Ré:Sonne 3 comme point de référence

[126] L’hypothèse selon laquelle la valeur de la musique jouée dans les aires d’entraînement diffère selon qu’on l’écoute ou non a mené M. Reitman à effectuer des calculs distincts. Pour la musique qu’on n’écoute pas, M. Reitman a utilisé Ré:Sonne 3 comme point de départ. Il a ensuite effectué une série de calculs assez compliqués pour obtenir un chiffre qui peut alors être multiplié par le nombre moyen de participants par semaine, comme dans le cas de SOCAN 19. Pour les raisons précisées ci-après, cette assiette tarifaire est inutilisable. Par ailleurs, ces calculs reposent sur certaines des hypothèses que nous avons rejetées dans le cas des autres substituts retenus par M. Reitman.

[127] Nous refusons d’utiliser Ré:Sonne 3 comme le propose M. Reitman.

iv. Utilisation appropriée de Ré:Sonne 3

[128] Nous convenons qu’il faut établir séparément la valeur de la musique diffusée dans les cours et dans les aires d’entraînement. Nous ne voyons pas l’utilité de déterminer différemment la valeur de la musique jouée dans les aires d’entraînement en fonction de réponses faites par les participants, qui précisent écouter ou non cette musique, à un sondage que nous rejetons.

[129] Toute musique diffusée dans les aires d’entraînement est purement et simplement de la musique de fond. Qu’on l’écoute ou non, elle sert à une seule chose : améliorer la qualité d’une visite. [21] , [22] Il n’y a aucune raison de croire que la musique de fond a une valeur autre pour le secteur du conditionnement physique que pour celui de la vente au détail.

[130] La structure de Ré:Sonne 3 convient tout particulièrement à ce secteur : l’utilisateur paie en fonction de la fréquentation, si possible, sinon en fonction de la superficie et ensuite de la capacité du centre. Les centres de conditionnement gèrent généralement les entrées de façon serrée; ils devraient donc être en mesure de faire rapport en fonction des entrées. Par conséquent, nous concluons que Ré:Sonne 3 devrait s’appliquer à l’utilisation de musique dans les aires d’entraînement.

[131] Nous ne retirons pas des calculs les personnes qui viennent à un club pour assister à un cours pour deux raisons. Premièrement, ces personnes peuvent faire de l’exercice ou s’étirer avant le cours ou par la suite. Pendant ce temps, elles entendraient la musique de fond. Deuxièmement, selon la preuve, on entend la musique de fond dans les vestiaires et dans le hall d’entrée, endroits où ceux qui assistent à un cours passent également un certain temps. Il est inutile de retirer des calculs les personnes qui font de l’exercice tout en écoutant leur propre musique. Rien ne nous permet de comparer la fréquence à laquelle les abonnés écoutent leur propre musique à celle à laquelle d’autres font de même dans d’autres établissements où joue de la musique de fond.

[132] Il est inutile d’effectuer un ajustement en fonction du répertoire. Rien n’indique que les centres de conditionnement physique utilisent la musique de fond autrement que ne le font d’autres établissements. Nous estimons la somme générée par cette partie du tarif à 406 000 $.

[133] Le paragraphe 3(2) de Ré:Sonne 3 stipule expressément que le tarif ne s’applique pas à l’utilisation de musique pour accompagner les activités de mise en forme. Il continue de s’appliquer provisoirement au titre du paragraphe 68.2(3) de la Loi. On peut contourner facilement cet obstacle apparent : l’utilisation de musique enregistrée partout dans un club de conditionnement physique sauf pendant les cours sera assujettie à Ré:Sonne 3 en l’incorporant par renvoi dans le tarif 6.B.

v. Utilisation de SOCAN 19 comme point de référence pour la musique jouée dans les cours

[134] M. Reitman propose d’utiliser SOCAN 19 comme prix de référence pour la partie A du tarif. De prime abord, ce choix s’impose, car il s’agit d’un tarif pour « une licence permettant l’exécution […] des œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN, simultanément avec des exercices physiques ». Le tarif fixe, pour chaque salle dans laquelle ont lieu ces exécutions, une redevance annuelle de « 2,14 $ multiplié par le nombre moyen de participants par semaine dans cette salle, avec une redevance annuelle minimale de 64 $. »

[135] Ré:Sonne a fait valoir que SOCAN 19 ne devrait pas servir de point de départ :

[TRADUCTION] La structure et le taux de redevances du tarif 19 de la SOCAN et des tarifs SDE et CAPAC qui l’ont précédé n’ont jamais été examinés sérieusement. Ni la Commission ni la Commission d’appel du droit d’auteur n’ont déterminé la valeur de l’utilisation d’œuvres musicales par un centre de conditionnement. De plus, l’inflation a considérablement fait diminuer le taux de redevances établi pour le tarif 19 de la SOCAN depuis sa dernière augmentation en 1992. [23]

[136] L’argument est valable. L’examen des décisions de la Commission et de son prédécesseur confirme que le tarif n’a jamais fait l’objet d’un examen même sommaire. Néanmoins, puisque ce tarif s’applique depuis près de 30 ans sous diverses formes, il représente une réalité du marché; par conséquent, nous devons nous demander dans quelle mesure il pourrait être utile pour la présente instance.

[137] Pour commencer, nous avons analysé les redevances perçues par la SOCAN en 2007 [24] en vertu de ce tarif. La SOCAN a perçu 786 676 $ auprès de 4994 titulaires de licence, qu’elle classe en deux catégories : ceux dont le nombre moyen de participants par semaine est inférieur à 60 ont collectivement demandé 2814 licences pour des revenus totalisant 150 638 $; ceux dont le nombre moyen de participants par semaine est égal ou supérieur à 60 ont collectivement demandé 2180 licences pour des revenus totalisant 636 038 $.

[138] Une simple opération mathématique révèle que les petits utilisateurs ont payé en moyenne 53,53 $ par licence, tandis que les autres ont payé en moyenne 291,76 $. Chacun de ces résultats est douteux à première vue, mais pour différentes raisons. Les petits utilisateurs paient en moyenne moins que la redevance minimale de 64 $. [25] Les grands utilisateurs paient quant à eux un montant correspondant à une fréquentation hebdomadaire moyenne de 136 personnes. Étant donné que le centre moyen au Canada compte 918 membres, [26] les grands utilisateurs devraient en compter encore plus. Même si ces derniers avaient le même nombre de membres qu’un centre moyen, des paiements de cet ordre signifieraient qu’à peine 15 pour cent des membres fréquentent leur centre une seule fois la semaine en moyenne. Il semble invraisemblable que la fréquentation soit si faible, comme le laissent sous-entendre ces chiffres.

[139] On peut examiner ces résultats d’une autre façon, peut-être plus imagée. Certains membres (appelons-les « fantômes ») s’abonnent sans jamais fréquenter le club. Environ le tiers des autres membres s’y rendent de deux à trois fois par semaine. Certains éléments de preuve indiquent qu’on compte entre 20 et 40 pour cent de fantômes. En appliquant ces chiffres au centre moyen et en multipliant ce résultat par le nombre de centres au Canada, on obtient un estimé de redevances SOCAN variant entre 4 et 8 millions de dollars par année. Nous n’avons pas d’éléments de preuve suffisamment précis concernant les chiffres utilisés dans ce calcul pour rétrécir la fourchette. Néanmoins, le fait que la SOCAN a perçu moins de 1 million de dollars en 2007 nous a incités à lui poser des questions, ce qui nous a permis d’apprendre ce qui suit.

[140] Premièrement, l’expression « nombre moyen de participants par semaine dans la salle » est interprétée de nombreuses façons. L’interprétation logique (et probablement correcte) exige de compter toutes les personnes présentes dans chaque salle où des activités de conditionnement physique ont lieu et où joue de la musique chaque jour de l’année puis de diviser ce résultat par 52, en tenant pour acquis que le club est ouvert tous les jours de l’année. Toutefois, certains utilisateurs calculent le nombre moyen de membres par cours, quel que soit le nombre de cours offerts dans une semaine. D’autres se fondent sur le nombre d’abonnements payés, regroupent plusieurs salles en une seule salle ou se fondent sur une semaine « type ».

[141] Une interprétation est biaisée si elle surestime ou sous-estime systématiquement les redevances payables. Elle est incorrecte si elle ne respecte pas le libellé du tarif, mais utilise plutôt des raccourcis pour estimer les montants dus. L’interprétation fondée sur le nombre de participants par cours est biaisée. Les interprétations fondées sur le nombre d’abonnements payés, le regroupement de salles ou l’utilisation d’une semaine type ne sont pas biaisées, mais sont incorrectes.

[142] La mauvaise interprétation du tarif nous préoccupe. Si les utilisateurs interprètent nos tarifs de façon biaisée, que ce soit accidentellement ou délibérément, les montants générés sont beaucoup plus bas qu’ils ne le seraient autrement.

[143] De plus, l’application du tarif semble poser problème. Quelque 5000 licences ont été délivrées à l’égard de quelque 5000 centres de conditionnement physique au Canada. [27] À première vue, cela signifie que chaque centre détient une seule licence. Pourtant, cette interprétation est incorrecte. Tout d’abord, SOCAN 19 s’applique tant aux écoles de danse qu’aux centres de conditionnement. Nous avons des raisons de croire que le nombre de licences accordées aux écoles de danse est important. Ensuite, les utilisateurs sont censés détenir une licence et payer pour chaque salle où des activités de conditionnement physique ont lieu et où joue de la musique faisant partie du répertoire de la SOCAN. Il semble donc que le tarif ne soit pas mis pleinement à exécution.

[144] La SOCAN a apporté un éclairage additionnel sur le problème d’application du tarif et de sa mauvaise interprétation :

[TRADUCTION] [D]epuis que le tarif 19 est entré en vigueur dans sa forme actuelle, la SOCAN a eu beaucoup de difficultés à l’appliquer. Compte tenu du fait que le tarif 19 est un régime d’autocotisation, et compte tenu de la nature des entreprises qui ont besoin d’une licence en vertu de ce tarif, il est généralement impossible pour la SOCAN de contrôler l’utilisation de sa musique au titre de ce tarif. À moins que la SOCAN soit membre d’un centre de conditionnement ou inscrite à un cours de danse, elle n’a pas accès à ces activités. Par conséquent, il est pratiquement impossible pour la SOCAN de vérifier les renseignements produits. De plus, compte tenu du fait que les taux du tarif et les redevances générées par l’application du tarif 19 sont relativement bas, comparativement aux autres tarifs, la SOCAN doit concilier ses efforts de vente de licences avec la réalité qui sous-tend les dépenses en temps et en ressources nécessaires à cet égard. [28]

[145] Troisièmement, la SOCAN a fait très peu de vérifications à l’égard du tarif 19.

[146] Quatrièmement, la SOCAN perçoit 31 pour cent de ses revenus qu’elle attribue à son tarif 19 conformément à des ententes conclues avec certains utilisateurs et dont copie a été déposée à notre demande. Les ententes gouvernent une partie considérable du marché et visent certains des plus importants centres de conditionnement et écoles de danse au Canada.

[147] Nous concluons que le tarif 19 actuel de la SOCAN ne peut servir de point de référence pour fixer les redevances pour l’utilisation de musique dans les cours de conditionnement physique. Le libellé du tarif semble porter à confusion, à un tel point que les utilisateurs ont mal compris, délibérément ou accidentellement, comment calculer les paiements en vertu du tarif. La SOCAN ne consacre pas beaucoup de ressources pour surveiller ou vérifier le tarif 19, à un tel point que son application peut être remise en question. Enfin, le fait que la SOCAN conclut des ententes qui représentent une part importante des revenus qu’elle tire de ce tarif est une preuve supplémentaire que le tarif ne peut être mis à exécution, qu’il n’est pas appliqué, qu’il est mal compris, ou toute combinaison de ces éléments.

C. Autres solutions examinées et rejetées

[148] Nous avons envisagé plusieurs solutions autres que SOCAN 19 pour fixer les redevances pour l’utilisation de musique dans les cours de conditionnement physique. Malgré leur attrait initial, nous les rejetons toutes, sauf une, que nous homologuons. Pour justifier cette décision, il est nécessaire de revoir les solutions que nous avons rejetées.

i. Un tarif fondé sur le montant de redevances de SOCAN 19

[149] Nous avons envisagé de fixer les redevances pour toute utilisation de musique dans les cours de conditionnement physique au Canada en prenant comme point de référence les montants perçus au titre de SOCAN 19, ajustés en fonction de l’utilisation du répertoire. À première vue, l’attrait de cette proposition est évident. Quelle que soit la façon dont le tarif est interprété ou appliqué, les montants perçus par la SOCAN sont une réalité du marché.

[150] Cette solution pose toutefois plusieurs problèmes. Premièrement, elle consacre la sous-application et les mauvaises interprétations du tarif. Il serait idéal de reconnaître celles-ci et de les corriger. Nous ne pouvons pas le faire parce que SOCAN 19 n’est pas en cause et que les données dont nous disposons ne nous permettent pas de régler ce problème dans le présent dossier.

[151] Deuxièmement, cette solution rendrait Ré:Sonne dépendante de la SOCAN sur le plan fonctionnel relativement à ce tarif. L’effet serait le même que si Ré:Sonne s’en remettait entièrement à la SOCAN pour l’administration et l’exécution du tarif. Ce serait aller bien plus loin que de fixer un tarif de Ré:Sonne selon l’hypothèse que l’enregistrement sonore a la même valeur que l’œuvre musicale, avant l’ajustement pour le répertoire, comme la Commission le fait souvent.

[152] Troisièmement, les redevances versées conformément à SOCAN 19 proviennent tant d’écoles de danse que de centres de conditionnement. Les renseignements disponibles ne nous permettent pas de distinguer les unes des autres.

[153] Enfin, le fait que les montants soi-disant perçus en vertu du tarif représentent une combinaison de montants payés en vertu du tarif et ceux payés en vertu d’ententes rend cette solution confuse. Pour ces trois raisons, cette option ne peut être utilisée et nous la rejetons comme point de départ de l’établissement du tarif pour l’utilisation de musique dans les cours de conditionnement physique.

ii. Un tarif fondé sur son équivalent australien

[154] Le 17 mai 2010, le tribunal australien du droit d’auteur a rendu une décision portant sur l’utilisation de musique dans les centres de conditionnement physique. [29] Ré:Sonne nous a exhorté à nous inspirer de cette décision. La Cour fédérale de l’Australie l’a rejetée et a renvoyé l’affaire pour réexamen; [30] cela suffit pour conclure que cette décision ne peut être utilisée comme point de référence.

iii. Un tarif fondé sur le tarif 7 de la SOCAN (Patinoires)

[155] Patiner est une forme d’activité physique et donc comparable aux activités qui ont lieu dans un centre de conditionnement physique. Le tarif 7 de la SOCAN vise la musique diffusée dans le cadre d’activités de patin à roulettes ou à glace. Chaque patineur s’exécute, de façon synchrone ou non, au son de la musique.

[156] Il serait très simple d’appliquer directement le tarif 7, lequel s’établit à 1,2 pour cent des revenus. Si l’on applique les calculs utilisés par Ré:Sonne dans son énoncé de cause, 1,2 pour cent des revenus correspond au montant mensuel de 0,42 $ par membre. En appliquant l’ajustement de 36,6 pour cent pour utilisation du répertoire, on obtient un taux mensuel de 0,15 $ par membre.

[157] Le tarif 7 n’est pas un point de référence approprié pour les centres de conditionnement. Les modèles d’affaires sont très différents : un nombre important de titulaires d’une licence accordée au titre du tarif 7 paient la redevance minimale, étant donné qu’ils n’imposent aucun droit d’accès aux patinoires. Par ailleurs, les deux activités n’ont pas du tout la même importance sur le plan économique.

iv. Un tarif fondé sur le tarif 18 de la SOCAN (Musique enregistrée utilisée aux fins de danse)

[158] Ré:Sonne a fait valoir que la musique est au moins tout aussi inhérente à la danse qu’au conditionnement physique; c’est pourquoi la valeur attribuée à la musique pour le tarif 6.B pourrait servir à fixer les taux du tarif 6.A. Nous avons récemment rejeté cet argument :

[25] Implicitement, Ré:Sonne affirme que les industries de l’activité physique et de la danse sont très similaires. Selon nous, plusieurs différences les distinguent. D’abord, leurs modèles d’affaires sont différents. Dans l’industrie de l’activité physique, la plus grande portion des revenus provient des abonnements mensuels et des frais de classes (lorsque ces services sont vendus séparément). Dans l’industrie de la danse, la majorité des revenus est tirée du prix d’entrée et de la vente d’aliments et de boissons. Les clubs d’activité physique ont des membres alors que les clubs de danse ont des clients.

[26] Ensuite, leur utilisation de musique est différente. Dans une aire de danse, la musique est généralisée autant que nécessaire. Dans un centre d’activité physique, l’utilisation de musique est partielle et optionnelle. Elle est partielle en ce sens qu’on ne joue pas nécessairement de la musique dans toutes les pièces, comme celle où se donne un cours de yoga ou les vestiaires. Elle est optionnelle en ce sens que si un centre d’activité physique n’offre pas de cours et dispose d’une aire ouverte d’entraînement, il pourrait répondre aux demandes de certains de ses membres en mettant à leur disposition des écrans de télévision ou des stations d’accueil pour les lecteurs de musique. [31]

[159] La solution envisagée ici est à l’opposé de l’argument de Ré:Sonne : nous envisageons la possibilité d’utiliser la danse comme point de référence pour le conditionnement physique, et non le conditionnement physique comme point de référence pour la danse.

[160] À part le fait que nous avons déjà expliqué les différences qui existent entre ces industries, nous nous sommes heurtés à une autre source de problèmes en voulant adapter le tarif 18 de la SOCAN au tarif 6.B de Ré:Sonne. La structure du premier impose des paiements qui sont fonction du nombre de jours par année où l’établissement est ouvert. La plupart des centres de conditionnement physique sont ouverts toute l’année, sept jours sur sept, de sorte que les nuances faites pour le tarif 18 ne sont pas pertinentes. Pour ces deux raisons, nous estimons que le tarif 18 ne saurait servir de point de référence pour l’établissement du tarif 6.B de Ré:Sonne.

v. Aucun tarif

[161] Dans une décision antérieure portant sur les tarifs de la SOCAN à l’égard des autres utilisations de musique sur Internet (Tarifs 22.B à 22.G, 1996-2006), la Commission a refusé d’homologuer un tarif SOCAN (Internet) pour certaines utilisations en l’absence d’une preuve suffisante et sérieuse. [32] La Cour d’appel fédérale a maintenu cette décision (décision sur les « Autres sites »). [33] Les faits applicables à l’établissement du tarif 6.B de Ré:Sonne correspondent-ils suffisamment à ceux de la décision sur les Autres sites pour justifier le refus d’homologuer un tarif en l’espèce?

[162] Ce n’est pas parce que le dossier à l’étude est étayé par une preuve que celle-ci est fiable. La Commission a rejeté les témoignages d’experts de Ré:Sonne et des Opposantes au motif qu’ils ne l’étaient pas. La Commission n’a pas rejeté la preuve factuelle déposée par les parties. Par conséquent, il est difficile de prétendre qu’il n’existe absolument aucune preuve, un critère nécessaire dans la décision sur les Autres sites.

[163] La décision sur les Autres sites présente plusieurs autres différences. Premièrement, on ne saurait soutenir d’emblée que les montants en jeu seraient nécessairement modestes. Selon Ré:Sonne, les revenus annuels estimés de l’industrie canadienne du conditionnement physique sont de 2 milliards de dollars. Deuxièmement, la période couverte par le tarif n’est même pas terminée. La grande majorité des entreprises du secteur du conditionnement physique fonctionnent de cette manière depuis au moins 2008. Troisièmement, la Commission sait qui vise le tarif.

[164] Les faits applicables à l’établissement du présent tarif ne s’apparentent pas à ceux de la décision sur les Autres sites parce qu’il existe certains éléments de preuve pouvant servir de fondement à un tarif; nous devons donc homologuer un tarif.

D. Tarif de Ré:Sonne pour les cours de conditionnement physique : mesure transitoire

[165] Nous sommes certains de ceci : Ré:Sonne a droit à un tarif pour l’utilisation d’enregistrements sonores dans les cours de conditionnement; nous devons en homologuer un; nous n’avons aucune preuve utile concernant la valeur de ce tarif; et notre modèle de référence le plus logique et le plus évident, SOCAN 19, est inutilisable pour les raisons susmentionnées.

[166] Nous préconisons l’établissement d’une redevance fixe pour tous les utilisateurs. L’avantage d’une redevance fixe est qu’il est très facile de veiller au respect du tarif : si un centre de conditionnement utilise le répertoire de Ré:Sonne, il doit payer la redevance fixe.

[167] La redevance fixe présente un inconvénient manifeste : elle peut faire payer un montant excessif à certains utilisateurs et un montant insuffisant à d’autres. Mentionnons qu’en revanche, la redevance minimale établie par la Commission est toujours une redevance fixe. De plus, nous croyons que le présent tarif sera transitoire. Nous nous attendons à ce que Ré:Sonne présente une preuve plus complète la prochaine fois qu’elle se présentera devant la Commission, ce qui donnera à la formation la latitude nécessaire pour fixer un tarif de nature plus permanente. Néanmoins, le tarif que nous homologuons est juste dans les circonstances actuelles.

[168] Il nous reste à fixer la redevance fixe. En nous fondant sur les ententes mentionnées au paragraphe 146, nous calculons la moyenne des montants payés à la SOCAN. La Commission est parfois réticente à homologuer un tarif qui repose sur des ententes, mais, en l’espèce, les ententes conclues par la SOCAN sont la meilleure indication de la situation actuelle sur le marché. Sans nous prononcer sur le caractère équitable des ententes, nous estimons qu’elles représentent une réalité pour les intervenants de l’industrie.

[169] La moyenne obtenue en vertu des ententes que nous retenons est de 288,90 $. [34] Nous ajustons ce résultat en fonction de la part du répertoire de Ré:Sonne, soit 36,6 pour cent, et obtenons une redevance fixe de 105,74 $. Nous homologuons, au titre du tarif 6.B de Ré:Sonne, une redevance fixe de 105,74 $ par établissement pour l’utilisation de musique enregistrée pour les cours de conditionnement. Ce montant s’ajoute aux redevances exigibles en vertu de Ré:Sonne 3 pour l’utilisation de musique de fond dans les aires d’entraînement.

[170] Nous remarquons que certains centres, particulièrement ceux payant la redevance minimale de 64 $ à la SOCAN, paieront plus à Ré:Sonne qu’à la SOCAN. Nous remarquons également que certains grands utilisateurs pourraient payer davantage pour l’utilisation de musique de fond que pour l’utilisation de musique de premier plan. Nous considérons que ces deux situations sont problématiques, mais le tarif que nous homologuons est le plus juste dans les circonstances.

[171] L’homologation d’un tarif exigeant un paiement pour l’utilisation des enregistrements sonores faisant partie du répertoire de Ré:Sonne qui excède le paiement exigé par la SOCAN pour l’utilisation des œuvres musicales composant les mêmes enregistrements sonores n’est pas injuste en soi. Cela peut se produire si Ré:Sonne propose un taux plus élevé que ce que perçoit la SOCAN à ce moment et qu’elle présente des éléments de preuve économique solides pour étayer sa position. Dans une telle situation, un tarif homologué qui empêcherait les utilisateurs de payer plus à Ré:Sonne qu’à la SOCAN serait injuste pour les titulaires de droits de Ré:Sonne.

[172] Mentionnons que notre décision a été prise à la suite d’un processus long et ardu qui a été rendu encore plus difficile en raison du manque de preuve fiable et pertinente. Nous préférons de loin fixer des tarifs en fonction de preuves économiques solides présentées par les parties. Dans la présente affaire, nous n’avons pas été en mesure de le faire. Tel que mentionné précédemment, le tarif 2008-2012 pour les cours de conditionnement est transitoire. La prochaine fois que nous examinerons le tarif 6.B de Ré:Sonne, il serait préférable d’avoir devant nous SOCAN 19 en même temps. Nous serions alors en mesure d’examiner tous les éléments de preuve économiques pertinents et de fixer ces tarifs simultanément.

E. Enseignement de danse, patinage et autres formes d’activité physique

[173] Le projet de tarif vise d’autres formes d’activité physique que le conditionnement physique. Toutefois, on s’est peu ou pas penché sur autre chose durant l’audience. Pour établir les redevances pour le patinage, l’enseignement de danse et autres formes d’activité physique, nous utilisons les meilleures données dont nous disposons.

[174] Pour les motifs déjà exprimés aux paragraphes 165 et 166, nous établissons les redevances pour l’enseignement de danse de la même façon que pour les cours de conditionnement physique.

[175] Les ententes mentionnées au paragraphe 146 confirment que pour l’essentiel, les redevances versées pour l’enseignement de danse sont le minimum que prévoit SOCAN 19. C’est ce que nous utilisons comme point de départ. En ajustant 64 $ (le minimum de SOCAN 19) pour refléter la part de répertoire de Ré:Sonne (36,6 pour cent), on obtient 23,42 $. C’est le montant que nous homologuons comme redevance annuelle forfaitaire par établissement pour l’enseignement de danse. Cette redevance s’appliquera aussi aux autres activités physiques assujetties au tarif et pour lesquelles nous n’avons pas prévu d’autre taux : vu l’absence complète de preuve sur les utilisations de musique dans le cadre de ces activités, nous concluons que la valeur de ces utilisations est minimale.

[176] Le tarif 7 de la SOCAN vise le patinage, rien de plus. La Commission a maintes fois conclu qu’en l’absence de preuve à l’effet contraire et toutes choses égales par ailleurs, un enregistrement sonore devrait générer les mêmes redevances qu’une œuvre musicale. Nous sommes d’accord : le tarif 7 de la SOCAN convient donc comme prix de référence pour établir les redevances de Ré:Sonne pour les activités de patinage. Les redevances établies dans le tarif 7 de la SOCAN sont de 1,2 pour cent des recettes brutes d’entrée à l’exclusion des taxes de vente et d’amusement, sous réserve d’une redevance annuelle minimale de 104,31 $. En ajustant ces taux pour refléter la part de répertoire de Ré:Sonne (36,6 pour cent), on obtient un taux de 0,44 pour cent et un minimum de 38,18 $. Ce sont les redevances que nous homologuons.

[177] Le tarif stipule expressément que l’utilisation d’enregistrements sonores comme musique de fond est assujettie à Ré:Sonne 3 uniquement à l’égard des centres de conditionnement. Nous savons qu’on joue de la musique de fond dans ces centres de conditionnement; rien ne nous porte à croire qu’on utilise ce genre de musique dans les autres établissements où se pratique l’activité physique. Il reviendra à Ré:Sonne de fournir de la preuve à cet effet lorsque le présent tarif ou Ré:Sonne 3 feront l’objet d’un nouvel examen.

[178] Dans la mesure du possible, la Commission essaie de fournir une estimation des redevances totales générées par ses tarifs. Dans la présente instance toutefois, il nous faudrait faire un trop grand nombre d’hypothèses, et qui ne nous permettraient de fournir qu’une estimation très imprécise. Nous préférons nous en abstenir.

VI. LIBELLÉ DU TARIF

[179] L’essentiel de ce que contient le tarif a déjà été expliqué. Deux commentaires sur le libellé nous semblent nécessaires.

[180] L’alinéa 3(2)a) prévoit que le centre de conditionnement qui verse des redevances conformément à Ré:Sonne 3 dépose un seul rapport et paie toutes ses redevances en même temps, ce qui réduit un peu le fardeau administratif du tarif.

[181] L’alinéa 8(2)a) permet à Ré:Sonne de partager les renseignements qui lui sont transmis en application du tarif avec la SOCAN, à des fins de perception de redevances et d’application d’un tarif. Les raisons qui motivent cette mesure se trouvent dans une décision récente de la Commission. [35] Il n’est pas nécessaire de les reprendre ici.

[182] Sinon, le libellé reprend les exigences habituelles de tenue de livres et de rapport qu’on retrouve dans d’autres tarifs de Ré:Sonne.

VII. DISPOSITIONS TRANSITOIRES

[183] Le tarif contient certaines dispositions transitoires qui sont nécessaires parce que le tarif prend effet le 1er janvier 2008 bien qu’il soit homologué beaucoup plus tard.

[184] Un tableau fournit les facteurs d’intérêt multiplicatifs qui seront appliqués aux sommes dues rétroactivement à l’égard d’une année ou d’un trimestre. Comme nous l’avons expliqué récemment :

[131] À notre avis, il faut étendre l’utilisation des facteurs d’intérêts. Le présent tarif prend effet plus de quatre années avant qu’il soit homologué. Il augmente les redevances. Une société de gestion ne peut répartir les sommes qu’elle n’a pas perçues. Un titulaire de droits ne peut dépenser ou investir les redevances qu’il n’a pas reçues. Il s’agit de coûts d’opportunité; leur perte doit être prise en compte. Cette logique est tout autant applicable au changement apporté à un tarif existant qu’à un tarif inédit. [36]

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] L.R.C. 1985, ch. C-42.

[2] Auparavant la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV).

[3] Ré:Sonne - Tarif 6.A (Utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités de danse) pour les années 2008 à 2012 (15 juillet 2011) décision de la Commission du droit d’auteur. [Ré:Sonne 6.A (2011)]

[4] Apparemment, M. McHale n’a tenu compte que des revenus d’abonnement dans ses équations (voir la pièce Re:Sound-6, par. 24). Pourtant, sa conclusion est la suivante : [TRADUCTION] « l’estimation privilégiée du tarif équitable […] correspond à 16 pour cent du revenu total » (ibid., par. 68). Cette variation n’a aucune conséquence, comme nous le verrons plus loin.

[5] Les Mills exerce ses activités en Nouvelle-Zélande. Le paragraphe 21(3) de la loi néo-zélandaise sur le droit d’auteur (Copyright Act 1994 No 143) stipule qu’une personne qui commande la production d’un enregistrement sonore est le premier titulaire des droits sur cet enregistrement.

[6] Essentiellement, la Loi canadienne s’applique aux œuvres provenant d’un pays partie à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques et aux enregistrements sonores provenant d’un pays partie à la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, conclue à Rome. Plusieurs signataires de la Convention de Berne ne sont pas partie à la Convention de Rome, notamment les États-Unis.

[7] SCGDV - Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 1998 à 2002 (13 août 1999) décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 17.

[8] L.C. 1997, ch. 24.

[9] Pièce Re:Sound-80, para. 29.

[10] L’enregistrement sonore rejoint le domaine public cinquante ans après la fin de l’année de sa fixation : Loi, aa. 23(1)b) et 23(2).

[11] Les pistes trouvées deux fois sont comptées deux fois, comme les pistes diffusées plusieurs fois à la radio sont comptées plusieurs fois.

[12] Par conséquent, nous ne sommes pas d’accord avec M. Hanemann pour dire que les caractéristiques non utilisées ne valent nécessairement rien : Pièce GL/FIC-13, para. 68.

[13] Dans certaines circonstances, il peut être justifié d’introduire délibérément un biais. Ce n’est pas le cas ici.

[14] J. L. W. V. Jensen, 1905, « Sur les fonctions convexes et les inégalités entre les valeurs moyennes », Acta Mathematica, vol. 30 aux pp. 175-193.

[15] Pièce GL/FIC-16, para. 54-8. La tarification de Ramsey est une méthode de fixation des prix pour un monopoleur qui fabrique plusieurs produits. Il est raisonnable de traiter les sociétés de gestion assujetties au régime SOCAN comme des monopoleurs et l’objet de chaque tarif comme un produit distinct.

[16] Le problème de Ramsey est un terme technique utilisé pour la maximisation du bien-être collectif dont la solution est la tarification de Ramsey.

[17] Par exemple, à ce jour, la Commission a accordé une valeur égale à toute écoute d’un signal éloigné de télévision, quel que soit le pouvoir d’achat des spectateurs, ce qui explique pourquoi, aux États-Unis, les redevances par téléspectateur sont beaucoup plus élevées pour la retransmission des émissions de sports que pour la retransmission des émissions pour enfants : Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, au Canada, pour les années 1998, 1999 et 2000 (25 février 2000) décision de la Commission à la p. 22.

[18] Nous supposons que ce taux est faible : Tarif pour les services de radio par satellite (SOCAN : 2005-2009; SCGDV : 2007-2010; CSI : 2006-2009) (8 avril 2009) décision de la Commission du droit d’auteur, note de bas de page no 58.

[19] Gary Parsons, président du conseil d’administration de XM Satellite Radio Inc., a témoigné que les abonnés peuvent enregistrer de la programmation avec leur dispositif portatif de radio par satellite et [TRADUCTION] « profiter ainsi de XM même s’ils ne reçoivent pas de signal satellite, comme lorsqu’ils sont au centre de conditionnement physique […] ». (Sous-comité, Commerce, Trade, and Consumer Protection du Committee on Energy and Commerce de la Chambre des représentants des États-Unis, 3 mai 2006.)

[20] Cartables GL/FIC nos 3 et 4, onglet no 5, nom de fichier « Excel File.xls ».

[21] SOCAN - Tarif 16 (Fournisseurs de musique de fond) pour les années 2007 à 2009 (19 juin 2009) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 24.

[22] SCGDV - Tarif 3 (Utilisation et distribution de musique de fond) pour les années 2003 à 2009 (20 octobre 2006) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 79.

[23] Pièce Re:Sound-1, para. 74.

[24] Depuis qu’elle a commencé à examiner le tarif 6.B de Ré:Sonne, la Commission a reçu des données de 2009 de la SOCAN portant sur le tarif 19. Toutefois, étant donné que les questions posées à la SOCAN s’appuyaient sur les données de 2007, il est plus pertinent d’utiliser ces dernières dans la présente décision; nous ne les ajustons donc pas.

[25] La SOCAN a expliqué que les paiements qui semblent moindres que la redevance minimale tiennent compte des crédits sur les comptes des titulaires de licence, ainsi que des paiements partiels. Cette explication n’est guère suffisante pour justifier une telle différence.

[26] Pièce Re:Sound-1, note de bas de page no 38.

[27] Ibid. au para. 101.

[28] Réponse de la SOCAN, 26 juillet 2011 à la p. 1.

[29] Phonographic Performance Corporation of Australia (ACN 000680 704) under section 154(1) of the Copyright Act 1968, [2010] AcopyT 1.

[30] Fitness Australia Ltd c. Copyright Tribunal, [2010] FCAFC 148.

[31] Ré:Sonne 6.A (2011), supra note 3.

[32] SOCAN - Tarifs 22.B à 22.G (Internet - Autres utilisations de musique) pour les années 1996 à 2006 (24 octobre 2008) décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 112-117.

[33] Société canadienne des auteurs compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2010 CAF 139 aux paras. 25-30.

[34] Comme les ententes sont confidentielles, nous avons fourni nos calculs aux parties dans un addenda distinct et confidentiel.

[35] Tarif 5 de Ré:Sonne - Utilisation de musique pour accompagner des événements en direct (Parties A à G), 2008-2012 (25 mai 2012) décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 36-52.

[36] Tarif SOCAN-Ré:Sonne à l’égard de la radio de la SRC, 2006-2011 (8 juillet 2011) décision de la Commission du droit d’auteur.

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