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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2012-02-17

Référence

Dossier : Exécution publique d’œuvres musicales

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Loi sur le droit d’auteur, article 66.51

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Projet(s) de tarif examiné(s)

Tarifs 22.4 (2007-2008) et 22.D (2009-2011) de la SOCAN - Diffusions Web audiovisuelles; Tarifs 22.7 (2007-2008) et 22.G (2009-2011) de la SOCAN - Contenu audiovisuel généré par utilisateurs

 

(Demande de tarif provisoire)

tarif des redevances à percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au canada, d’œuvres musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé un projet de tarifs pour l’utilisation de son répertoire dans les diffusions Web audiovisuelles et le contenu généré par utilisateurs transmis sur Internet. Le tarif 22.D [1] vise l’utilisation d’œuvres musicales incorporées dans des films et des émissions de télévision. Le tarif 22.G [2] vise l’utilisation d’œuvres musicales dans le contenu généré par utilisateurs.

[2] La Commission a regroupé l’examen de ces projets de tarifs. L’audience doit commencer le 19 juin 2012.

[3] Le 13 juin 2011, la SOCAN a demandé à la Commission, conformément à l’article 66.51 de la Loi sur le droit d’auteur [3] (la « Loi »), d’adopter un tarif provisoire pour les années 2007 à 2012 relativement aux tarifs 22.D et 22.G.

[4] Le tarif provisoire applicable aux webdiffusions audiovisuelles serait [TRADUCTION] « payable par un site ou un service qui communique une programmation audiovisuelle semblable à celle d’un radiodiffuseur assujetti au tarif 2.A (Stations de télévision commerciales) ou 17 (Transmission de services de télévision payante, services spécialisés et autres services de télévision par des entreprises de distribution) pour chacune des années 2007 à 2011 ». [4] En règle générale, le taux de redevance serait établi à 1,9 pour cent des revenus publicitaires et d’abonnement du site ou du service.

[5] Le tarif provisoire applicable au contenu généré par utilisateurs serait [TRADUCTION] « payable par un site de contenu généré par utilisateurs, y compris YouTube, Facebook, MySpace et Vimeo, pour chacune des années 2007 à 2012 ». [5] Le taux de redevance serait établi à 6,8 pour cent dans le cas des vidéoclips et à 1,9 pour cent dans le cas de tout autre contenu audiovisuel. Ces taux seraient appliqués au regard des revenus publicitaires afférents aux vidéoclips et à tout autre contenu audiovisuel du site.

[6] Les faits invoqués par la SOCAN peuvent être résumés comme suit. Les services de webdiffusion audiovisuelle et les sites de contenu généré par utilisateurs font usage d’une quantité appréciable de musique, laquelle provient en totalité ou presque du répertoire de la SOCAN. Ces services et ces sites sont très populaires. La quantité de contenu offert est sans précédent. Ils génèrent des recettes considérables, dont certaines sont largement attribuables à l’usage de musique protégée. Il n’y a aucun tarif homologué à cet égard. La SOCAN prévoit que la Commission ne rendra probablement pas de décision avant le début ou le milieu de l’année 2013.

[7] La SOCAN soutient qu’en l’absence de tarif, un délai aussi long cause un préjudice injuste à ses membres ainsi qu’aux utilisateurs. Les titulaires de droits ne sont pas certains des versements de redevances auxquels ils peuvent raisonnablement s’attendre; les utilisateurs ne connaissent pas l’étendue de leur obligation à cet égard. Il serait injuste et préjudiciable pour la SOCAN et ses membres de permettre à des entreprises de pointe de l’envergure de Netflix, Apple et YouTube de continuer à puiser autant dans son répertoire sans verser de compensation pendant une période aussi longue.

[8] Une décision provisoire servirait également à combler le vide juridique qui découle, selon la SOCAN, de la décision SOCAN 22.B-G. [6] Dans cette décision, la Commission a refusé d’homologuer un tarif applicable aux sites de contenu généré par utilisateurs. De plus, le tarif 22.D, tel qu’homologué, s’applique aux webdiffusions audiovisuelles offertes par les télédiffuseurs commerciaux, les services de télévision payante et services spécialisés, et les autres services de télévision. Il ne s’applique pas aux services tels Netflix et Sony.

[9] Les Services, [7] Apple Inc., Cineplex Entertainment LP et YouTube (collectivement « les opposantes ») contestent la demande de tarif provisoire de la SOCAN. [8] Elles soutiennent, de façon générale, que la SOCAN n’a pas répondu au critère qui lui aurait permis d’obtenir une mesure provisoire. Les cibles éventuelles visées par les tarifs 22.D et 22.G sont pour la plupart bien connues de la SOCAN et on peut présumer, en l’absence d’une preuve contraire, qu’elles ont les ressources nécessaires pour payer le tarif final une fois qu’il aura été fixé.

[10] De plus, il existe une grande incertitude juridique quant au pouvoir de la Commission d’homologuer le tarif, en totalité ou en partie. La Cour suprême du Canada a récemment été saisie de la question de savoir si le téléchargement constitue une communication au public par télécommunication. Dans la négative, les tarifs proposés par la SOCAN ne pourraient pas s’appliquer de la façon proposée dans la demande principale. Cela favorise le rejet du tarif provisoire.

[11] Enfin, les opposantes font valoir que le tarif provisoire proposé par la SOCAN est fondé sur l’utilisation, alors que les tarifs homologués en vigueur sont élaborés selon un modèle visant les utilisateurs. Il ne conviendrait pas d’imposer maintenant un tarif fondé sur l’utilisation, sans déterminer véritablement si un tel changement est justifié.

II. ANALYSE

[12] Au fil des ans, la Commission a rendu plusieurs décisions provisoires répondant à l’objet des ordonnances provisoires énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes). [9] S’exprimant au nom de la Cour, le juge Gonthier a dit ce qui suit :

Traditionnellement, les ordonnances tarifaires provisoires qui traitent de manière interlocutoire de questions devant faire l’objet d’une décision finale sont accordées pour éviter que le requérant ne subisse les effets néfastes de la longueur des procédures. Ces décisions sont prises rapidement à partir d’éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale. Le fait qu’une ordonnance ne porte pas sur le fond d’une question devant être traitée dans une décision finale et le fait qu’elle ait pour objet d’accorder un redressement temporaire contre les effets néfastes de la longueur des procédures constituent des caractéristiques fondamentales d’une ordonnance tarifaire provisoire.

[13] La Commission a dit à plusieurs reprises que la meilleure façon d’atteindre les objectifs d’une décision provisoire est de maintenir le statu quo tout en évitant un vide juridique. [10]

[14] Bien que le maintien du statu quo ne soit pas le seul facteur à prendre en compte, il demeure un élément important. Pour déterminer la nature du statu quo en l’espèce, il faut examiner le dernier tarif homologué par la Commission. À cet égard, les tarifs 22.D et 22.G ne prévoient pas le paiement de redevances pour les diffusions Web audiovisuelles, [11] ni pour le contenu généré par utilisateurs. Par conséquent, la question fondamentale est de savoir si nous devons consentir à un tarif provisoire qui s’applique aux diffusions Web audiovisuelles et au contenu généré par utilisateurs lorsqu’un tel tarif n’existe pas actuellement.

[15] Plusieurs raisons militent contre un tel changement. Premièrement, la SOCAN propose que son tarif provisoire vise les utilisations, alors que les tarifs homologués actuels visent les utilisateurs. Dans la décision SOCAN 22.B-G, la Commission a conclu qu’un modèle visant les utilisateurs pouvait s’adapter plus facilement à l’évolution constante de l’environnement Internet. De plus, la Commission a déterminé qu’à cette époque, il était difficile de mettre en rapport les utilisations définies par la SOCAN avec ce qui se passe réellement sur Internet, ce qui favorisait un tarif visant les utilisateurs. La SOCAN pourrait bien produire une preuve afin de convaincre la Commission que le futur tarif devrait être structuré comme elle le propose. Jusque-là, en l’absence d’une preuve contraire, rien ne justifie de s’écarter du modèle de tarif existant.

[16] Deuxièmement, le tarif provisoire proposé vise nommément les sites et les services qui offrent un contenu généré par utilisateurs. En revanche, le projet de tarif 22.D cherche à percevoir des redevances relatives à la communication d’œuvres musicales à partir de ces sites et services, sans identifier les payeurs. Il n’est pas logique d’adopter, dans le cadre d’un tarif provisoire, un modèle qui s’écarte considérablement du tarif final proposé par la SOCAN, surtout que le débat subsiste toujours quant à savoir qui devrait être assujetti à ce tarif. À cet égard, il ne fait aucun doute que certains opposants se fonderont sur l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi pour faire valoir que, puisqu’ils ne font que fournir à un tiers le moyen de télécommunication nécessaire pour que celui-ci effectue une communication au public, ils n’effectuent pas eux-mêmes cette communication.

[17] Troisièmement, la SOCAN a généralement proposé un taux provisoire de 1,9 pour cent des revenus des sites ou des services. La SOCAN est arrivée à ce taux en établissant des parallèles avec d’autres tarifs homologués comme les tarifs 22.A, 2.A et 17. Autrement, la SOCAN n’a fourni aucune justification économique pour le taux proposé. La Commission a déjà précisé qu’elle pourrait demander des éléments de preuve si un tarif provisoire vise à faire modifier le statu quo. Puisque la SOCAN cherche à faire modifier le statu quo, il serait difficile, voire impossible, d’établir un taux, même provisoire, en l’absence d’éléments de preuve concernant la valeur de ces utilisations.

[18] Quatrièmement, plusieurs autres questions, lesquelles seront sans aucun doute soulevées dans le cadre de la demande principale, militent contre une décision provisoire. Par exemple, la SOCAN a-t-elle droit à un tarif? Dans l’affirmative, qui devrait le payer? Quelle est l’assiette tarifaire adéquate? Il s’agit de questions complexes qui touchent à la structure fondamentale de tout tarif, provisoire ou final. Il est impossible d’y répondre sans un quelconque fondement probatoire. Par conséquent, il est préférable de le faire dans le cadre de la demande principale, non dans le cadre d’une demande de tarif provisoire.

[19] Finalement, en grande partie pour les motifs invoqués par les opposantes, nous concluons qu’il n’existe pas d’effets nuisibles auxquels il ne peut être remédié par la fixation du tarif final. Tout d’abord, la période en cause s’étend de 2007 à 2012 et l’affaire sera instruite dans quelques mois. Si la SOCAN établit le bien-fondé de sa demande et que le tarif est homologué suivant les modalités qu’elle propose, elle recevra rétroactivement les redevances auxquelles ont droit ses membres.

[20] La demande de tarif provisoire est rejetée.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Désigné comme tarif 22.4 pour 2007 et 2008.

[2] Désigné comme tarif 22.7 pour 2007 et 2008.

[3] L.R.C. 1985, ch. C-42.

[4] Demande présentée par la SOCAN en vue de la fixation d’un tarif provisoire pour les utilisations Internet de musique assujetties aux tarifs proposés 22.D et 22.G pour les années 2007 à 2012, 13 juin 2011, à la p. 11. Dans sa demande, la SOCAN a écrit que le tarif provisoire applicable aux diffusions Web audiovisuelles était payable pour les années 2007 à 2011. Elle aurait plutôt dû indiquer les années 2007 à 2012.

[5] Ibid à la p. 13.

[6] Tarifs 22.B à 22.G de la SOCAN, Internet – Autres utilisations de musique, 1996-2006 (24 octobre 2008) Décision de la Commission du droit d’auteur. [SOCAN 22.B-G]

[7] La coalition des Services comprend Rogers Communications inc., Société Telus Communications, Shaw Communications Inc., Quebecor Media inc. et Yahoo! Canada.

[8] La Société Radio-Canada a déposé une réponse dans laquelle elle informait la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de produire des observations en réponse à la demande de la SOCAN.

[9] Bell Canada c. Canada (CRTC), [1989] 1 R.C.S. 1722 à la p. 1754.

[10] SODRAC c. MusiquePlus inc. (22 novembre 1999) décision de la Commission du droit d’auteur; SODRAC c. Les chaînes Télé Astral et Teletoon Inc. (14 décembre 2009) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur; Access Copyright - Établissements d’enseignement postsecondaires 2011-2013 (16 mars 2011) décision de la Commission du droit d’auteur; SODRAC c. ARTV (5 janvier 2012) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur.

[11] À moins que la diffusion Web ne soit pas offerte par un radiodiffuseur assujetti au tarif 2.A (Stations de télévision commerciales) ou 17 (Transmission de services de télévision payante, services spécialisés et autres services de télévision par des entreprises de distribution), par la SRC, par l’Office de la télécommunication éducative de l’Ontario ou par la Société de télédiffusion du Québec.

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