Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2012-10-05

Référence

Dossiers : Exécution publique d’œuvres musicales; Reproduction d’œuvres musicales

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphes 68(3), 70.15(1)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Projet(s) de tarif examiné(s)

Tarif 22.A de la SOCAN (Internet – Services de musique en ligne), 2007-2010 et Tarif de CSI pour les services de musique en ligne, 2008-2010

tarifs des redevances à percevoir par la socan et cmrra/sodrac inc. pour la communication au public par télécommunication ou la reproduction, au canada, d’œuvres musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION 1

II. DÉCISIONS ANTÉRIEURES SUR LES SERVICES DE MUSIQUE EN LIGNE 2

III. PARTIES ET TAUX PROPOSÉS 5

IV. PREUVE ET POSITIONS DES PARTIES 7

A. CSI 7

B. SOCAN 9

C. Opposants 10

V. ANALYSE 13

A. Téléchargements permanents 13

i. CSI 13

a. Modèles proposés par M. Barker 16

b. Modèles proposés par Mme Chipty 18

ii. SOCAN 20

B. Téléchargements limités 22

C. Transmissions sur demande 24

D. Vidéoclips 26

E. Assiette tarifaire 27

F. Redevances minimales 28

i. Propositions des parties 28

ii. Téléchargements permanents et limités 29

iii. Transmissions sur demande 30

iv. Vidéoclips 31

G. Réduction de 10 pour cent 32

H. Redevances totales 32

VI. Libellé et modalités du tarif 32

A. Des tarifs distincts 33

B. Technologie 33

C. Un nouveau tarif pour les téléchargements sur demande gratuits 33

D. Rapports et comptabilité 34

E. Contestations des conclusions de CSI en matière de répertoire 35

F. Conséquences du défaut de déposer un rapport 36

G. Traitement confidentiel 36

H. Le tarif SOCAN 37

I. Dispositions transitoires 37

 


I. INTRODUCTION

[1] Les 31 mars 2006, 30 mars 2007, 31 mars 2008 et 27 mars 2009, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé des projets de tarif des redevances pour la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales par les services susmentionnés pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010, conformément au paragraphe 67.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la « Loi »).

[2] Les 30 mars 2007, 31 mars 2008 et 28 mars 2009, CMRRA/SODRAC inc. (CSI) a déposé des projets de tarif des redevances pour la reproduction d’œuvres musicales par les services de musique en ligne pour les années 2008, 2009 et 2010, conformément au paragraphe 70.13(1) de la Loi.

[3] Les projets de tarif ont été publiés dans la Gazette du Canada. À chaque occasion, les utilisateurs éventuels et leurs représentants ont été informés de leur droit de s’y opposer. Bell Canada, Rogers Communications inc., Société Telus Communications et Vidéotron ltée (conjointement les « entreprises de câblodistribution et de télécommunication »), Apple Canada inc. et l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (CRIA, désormais Music Canada) se sont opposées aux projets de tarif.

[4] Le 10 janvier 2008, CSI a demandé que la Commission procède à l’examen de son tarif. Les opposants ont contesté la demande et ont demandé à ce que le tarif de CSI soit entendu conjointement avec celui de la SOCAN, qui, elle, n’était pas encore prête à aller de l’avant. Le 21 février 2008, la Commission a refusé la demande de CSI et a décidé qu’elle se pencherait en même temps sur les deux propositions de tarif pour la musique en ligne.

[5] Le 25 août 2009, CSI demandait à nouveau que la Commission procède à l’examen de son tarif, cette fois-ci conjointement avec la SOCAN. Les opposants ont encore contesté la demande et ont fait valoir, entre autres, que la Commission ne devrait pas se prononcer avant que la Cour d’appel fédérale ait statué sur les demandes de contrôle judiciaire des tarifs de la SOCAN. [2] La Commission a décidé de ne pas attendre les résultats de l’instance et a acquiescé à la demande. [3] Elle a convenu avec la SOCAN qu’elle pouvait pour l’instant mettre de côté l’écoute préalable, laquelle soulevait des questions sous examen qui auraient pu avoir des effets sur le tarif, en omettant tout ce qui la concernait.

[6] L’audition de l’affaire a duré huit jours en juin 2010 et le dossier de l’instance a été clos le 7 juillet 2010, lorsque les parties ont prononcé leurs plaidoiries. Cette décision porte sur les tarifs se terminant en 2010. Le 26 mai 2011, la Commission décidait de fusionner l’examen des projets des tarifs de CSI et de la SOCAN à l’égard des services de musique en ligne pour les années 2011 et 2012, de même que celui du projet de tarif 6 (Services de musique en ligne – Vidéos de musique) de la SODRAC pour les années 2010 à 2012. La Commission ajoutait que le processus sera enclenché dès que les tarifs de la présente instance seront homologués. Un avis au même effet a été émis le 11 juillet 2012.

[7] La présente décision porte encore une fois sur trois types de produits, soit les téléchargements permanents, les téléchargements limités et les transmissions sur demande. [4] Un téléchargement permanent s’entend d’un fichier contenant un enregistrement sonore d’une œuvre musicale envoyé et d’abord stocké sur l’appareil (ordinateur, téléphone cellulaire, téléphone intelligent, iPod, etc.) utilisé pour l’achat. La personne ayant reçu le fichier peut l’écouter indéfiniment. Un téléchargement limité est offert dans le cadre d’un abonnement et peut être écouté aussi longtemps que l’abonnement de l’utilisateur est valide. Le logiciel de gestion numérique des droits attaché au fichier musical empêche l’écoute de ce dernier une fois que l’abonnement a pris fin. La transmission sur demande n’est pas un téléchargement. L’utilisateur ne reçoit pas un fichier entier contenant l’enregistrement musical. Le service ne transmet que suffisamment de données pour permettre à l’utilisateur d’écouter l’enregistrement sans interruption au moment de la transmission, ce dernier ne pouvant le copier sur un support ou un appareil. La présente décision porte aussi, pour la première fois, sur les vidéoclips, dont nous traiterons en temps et lieu.

II. DÉCISIONS ANTÉRIEURES SUR LES SERVICES DE MUSIQUE EN LIGNE

[8] Un service de musique en ligne exploité au Canada doit tenir compte de quatre droits d’auteur et de deux droits à rémunération. [5] Seulement deux de ces droits sont en cause dans cette affaire : les droits de communiquer et de reproduire les œuvres musicales. Les deux ont fait l’objet d’instances précédentes tenues devant la Commission et par la suite, de décisions de justice.

[9] En 2007, la Commission a établi pour la première fois les redevances payables par les services en ligne pour la reproduction d’œuvres musicales. [6] La Commission a fondé le taux pour les téléchargements permanents sur la somme en cents par piste (« taux en cents ») que paient les maisons de disques pour copier une œuvre musicale sur un CD préenregistré. Elle a ensuite converti le taux en cents en pourcentage du prix moyen d’un téléchargement, pour obtenir un taux de 8,8 pour cent. Le taux pour les téléchargements limités a été fixé aux deux tiers du taux pour les téléchargements permanents. Le taux pour les transmissions sur demande a été fixé entre le taux pour les téléchargements limités et celui négocié pour les services sonores payants numériques (« SSPN »). [7] La Commission a appliqué une réduction de 10 pour cent pour tenir compte du caractère émergent de l’industrie et de ses faibles marges de profit. Elle a également établi des redevances minimales pour veiller à ce que les sociétés de gestion ne subventionnent pas le modèle d’affaires des services.

[10] Plus tard en 2007, la Commission a établi pour la première fois les redevances payables par les services de musique en ligne pour la communication d’œuvres musicales. [8] Dans sa décision, la Commission a d’abord déterminé un taux combiné de redevances (le « taux combiné ») pour la reproduction et la communication d’œuvres musicales (l’« ensemble de droits ») en augmentant la somme transférée aux titulaires de droits pour ces œuvres en fonction de la rentabilité accrue des ventes de musique en ligne comparativement à celles de CD pour les maisons de disques. Le taux combiné a été fixé à 12,2 pour cent. Comme la Commission avait déjà établi le taux pour la reproduction à 8,8 pour cent, la portion restante, soit 3,4 pour cent, a été attribuée à la SOCAN. La Commission a également jugé que le taux combiné pour les téléchargements limités et les transmissions sur demande devrait être le même. La pondération de chaque droit a été modifiée selon l’importance de ces droits dans chacune des utilisations. Comme dans la décision CSI – Services de musique en ligne (2007), et pour les mêmes motifs, la Commission a appliqué une réduction de 10 pour cent et a établi des redevances minimales.

[11] Suite aux décisions de la Commission, les taux applicables étaient les suivants : pour les téléchargements permanents, de 8,8 (CSI) et 3,4 pour cent (SOCAN) du montant payé par les consommateurs, sous réserve de redevances minimales de 0,059 $ et 0,023 $, respectivement, pour les pistes individuelles, et de 0,045 $ et 0,017 $, respectivement, pour les pistes vendues comme partie d’un ensemble de 13 pistes ou plus; pour les téléchargements limités, de 5,9 (CSI) et 6,3 pour cent (SOCAN) du montant payé par les abonnés, sous réserve de redevances minimales de 0,057 $ et 0,0609 $ par abonné, respectivement, si la copie d’un fichier musical sur un support portable (téléchargement limité portable) est permise, et de 0,0374 $ et 0,0399 $, respectivement, dans le cas contraire; pour les transmissions sur demande, de 4,6 (CSI) et 7,6 pour cent (SOCAN) du montant payé par les abonnés, sous réserve de redevances minimales de 0,0291 $ et de 0,0441 $, respectivement.

[12] Le tarif CSI n’a pas été contesté devant la Cour d’appel fédérale. Celui de la SOCAN a entraîné cinq demandes de contrôle judiciaire. La question de savoir si une transmission en ligne est une communication au public et si l’offre d’écoute préalable constitue une utilisation équitable à des fins de recherche, des questions de preuve ainsi que la méthodologie utilisée pour fixer le tarif faisaient partie des points en litige. Les demandes ont été rejetées dans quatre décisions différentes. [9] L’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été accordée dans trois cas. [10]

[13] Le 12 juillet 2012, la Cour suprême du Canada rendait ses décisions dans les trois affaires. [11] Ces décisions énoncent (a) que la livraison par Internet d’une copie permanente d’un fichier contenant une œuvre musicale n’engage pas le droit de communiquer l’œuvre, (b) qu’une communication au public peut découler d’une série de transmissions non simultanées d’une œuvre musicale (pour autant qu’il n’y ait pas livraison d’une copie permanente d’un fichier contenant l’œuvre), et (c) que l’écoute préalable de téléchargements est une utilisation équitable à des fins de recherche.

[14] Le 20 juillet, la Commission émettait une ordonnance se lisant en partie comme suit :

[TRADUCTION] Suite aux décisions que la Cour suprême du Canada a rendues, […] la Commission doit modifier, parfois en profondeur, les tarifs et les motifs qu’elle s’apprêtait à publier en l’espèce. Entre autres, la Commission conclut, de façon préliminaire, que la SOCAN n’a plus droit à un tarif pour les téléchargements permanents ou limités et que l’écoute préalable est tout autant une utilisation équitable à des fins de recherche en 2007-2010 qu’en 1996-2006. D’autres ajustements pourraient aussi être nécessaires.

La Commission envisage trois façons de tenir compte des décisions […]

1) La Commission peut ajuster les motifs et les tarifs sans entendre davantage les parties. […] Par la suite, elle procédera sans délai à l’examen des tarifs pour les années 2011 et suivantes et, à ce moment, reflétera tout l’impact des décisions.

2) La Commission peut à nouveau demander le point de vue des parties. […]

3) La Commission peut rouvrir entièrement l’affaire pour l’examiner en même temps que les tarifs pour les années 2011 et suivantes. […]

[…]

La Commission préfère la première option.

Elle invite les parties à lui faire part de leur point de vue sur toutes ces questions […]

[15] Les parties ont choisi la première option. Personne n’a contesté nos conclusions préliminaires, ce que reflètent les présents motifs. Nous n’avons pas revu les méthodes que nous avions déjà rejetées sauf dans la mesure où ESA, Rogers ou Bell l’exigeaient. Nous avons revu les méthodes que nous avions l’intention d’utiliser pour les rendre conformes autant que possible à ces décisions. Par conséquent, nous n’homologuons pas de tarif de la SOCAN pour les téléchargements permanents ou limités ou pour l’écoute préalable. Il reviendra à la prochaine formation de peaufiner le tout.

[16] Certains choix éditoriaux quant à ce qui devrait rester ou être éliminé sont sans doute arbitraires. Parfois, ils sont motivés par notre désir de publier les présents motifs le plus rapidement possible. Ainsi, la description d’une prétention ou d’une preuve, si elle aurait pu être supprimée, demeure parfois afin de permettre de comprendre le raisonnement d’un témoin ou d’une partie. Nous espérons simplement que cela ne rendra pas la lecture des présents motifs trop difficile.

III. PARTIES ET TAUX PROPOSÉS

[17] CSI est une société de gestion créée par deux autres sociétés, l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA) et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada et la SODRAC 2003 inc. (SODRAC). Ces sociétés ont accordé à CSI le mandat exclusif de délivrer des licences pour la reproduction d’œuvres musicales de son répertoire à l’égard de certains usages, dont ceux visés par la proposition de tarif à l’examen. Initialement, les taux proposés par CSI étaient les suivants : 9,9 pour cent pour les téléchargements permanents, sous réserve de redevances minimales de 0,044 $ par téléchargement dans un ensemble de 15 pistes ou plus, et de 0,066 $ dans tous les autres cas; 9,9 pour cent pour les téléchargements limités, sous réserve de redevances minimales de 0,96 $ par abonné si les téléchargements limités portables sont permis, et de 0,63 $ dans le cas contraire; 6,8 pour cent pour les transmissions sur demande, sous réserve d’une redevance minimale de 0,43 $ par abonné. L’assiette tarifaire proposée pour les téléchargements permanents était, en 2008 et 2009, le montant payé par les consommateurs et, en 2010, les revenus bruts; celle proposée pour les téléchargements limités et les transmissions sur demande était les revenus bruts, pour l’ensemble de la période.

[18] Dans son énoncé de cause, CSI a proposé que l’assiette tarifaire pour les téléchargements permanents soit le montant payé par les consommateurs pour l’ensemble de la période sous examen. À l’exception de ce changement, sa proposition est demeurée la même.

[19] À l’audience, CSI a modifié sa demande à deux égards. D’abord, elle a proposé que l’assiette tarifaire pour les téléchargements limités et les transmissions sur demande soit les revenus d’abonnement. Ensuite, elle a ramené les taux proposés pour les transmissions sur demande à 5,9 pour cent pour 2008 et 2009 et à 6,1 pour cent pour 2010, sous réserve de redevances minimales de 0,43 $ et de 0,44 $ par abonné, respectivement. Enfin, CSI a demandé que l’escompte initial utilisé par la Commission pour permettre l’introduction progressive du tarif soit éliminé.

[20] La SOCAN gère le droit de communication de la quasi-totalité des œuvres musicales protégées. Pour 2007 et 2008, elle a proposé un taux de 25 pour cent de la somme la plus élevée des revenus bruts ou des dépenses d’exploitation, sous réserve d’une redevance mensuelle minimale de 200 $. Par la suite, elle a demandé l’homologation de divers taux pour différents produits. Les taux proposés pour les téléchargements permanents et limités ne sont plus pertinents. Le taux proposé pour les transmissions sur demande était de 6,8 pour cent, sous réserve d’une redevance minimale de 0,433 $ par abonné, pour 2009, et de 15,2 pour cent, sous réserve d’une redevance minimale de 0,962 $, pour 2010. La SOCAN a proposé une redevance de 0,046 $ pour chaque transmission sur demande effectuée gratuitement.

[21] Pour 2009, la SOCAN a proposé comme assiette tarifaire le montant payé par les abonnés et pour 2010, les revenus bruts.

[22] Dans son énoncé de cause, la SOCAN a proposé pour les transmissions sur demande des taux de 8,1 pour cent pour 2007, de 8,4 pour cent pour 2008, de 8,3 pour cent pour 2009 et de 8,5 pour cent pour 2010, sous réserve d’une redevance mensuelle minimale de 0,962 $ par abonné et de 0,046 $ par transmission gratuite. Elle a proposé d’utiliser les revenus bruts comme assiette tarifaire.

[23] La SOCAN a demandé que le tarif s’applique aux vidéoclips, aux mêmes taux que pour les fichiers audio. Elle a également recherché l’élimination de l’escompte initial. CSI n’a pas proposé de taux pour les vidéoclips.

[24] Apple vend des téléchargements permanents par le biais de son magasin en ligne, iTunes. Les abonnés cellulaires de Bell, de Rogers et de Telus peuvent acheter des téléchargements permanents et s’abonner à des services de téléchargements limités. Groupe Archambault inc., une entreprise de Quebecor Media, offre des téléchargements permanents sur son site Zik.ca ainsi que la vente de CD en ligne et dans ses magasins traditionnels.

[25] Apple et les entreprises de câblodistribution et de télécommunication ont proposé que les redevances combinées payables à la SOCAN et à CSI pour tous les produits audio soient fixées dans une fourchette de 7,5 pour cent à 10 pour cent pour les années 2008 et 2009 et de 7,5 pour cent à 10,3 pour cent pour 2010. Elles ont proposé que le montant payé par les consommateurs serve d’assiette tarifaire. En ce qui concerne les vidéoclips, elles ont proposé que les taux de la SOCAN soient fixés entre 0,7 et 2,2 pour cent. Elles ont également proposé une nouvelle structure pour les redevances minimales et demandé que l’escompte initial maintenu.

[26] La CRIA est une société à but non lucratif qui défend les intérêts des entreprises canadiennes qui créent, fabriquent et commercialisent des enregistrements sonores. Ni la CRIA ni aucun de ses membres ne sont des utilisateurs éventuels visés par les tarifs proposés; cependant, comme aucune des parties ne s’est opposée à sa participation, elle a pu participer pleinement à l’affaire.

[27] La CRIA a fait valoir que le taux combiné pour l’ensemble des droits devrait être fixé à 6,96 pour cent du prix payé par les consommateurs. En ce qui concerne les vidéoclips, elle a appuyé les montants proposés par Apple et par les entreprises de câblodistribution et de télécommunication. Enfin, elle s’est opposée à quelque redevance minimale que ce soit et a demandé que l’escompte initial soit maintenu.

IV. PREUVE ET POSITIONS DES PARTIES

A. CSI

[28] M. Paul Audley, Paul Audley & Associates Ltd., et M. Douglas Hyatt, professeur à la Rotman School of Management et au Centre for Industrial Relations de l’Université de Toronto, ont déposé un rapport [12] où sont actualisés les calculs faits par la Commission dans CSI – Services de musique en ligne (2007). Dans ce rapport, ils proposent d’utiliser la même approche pour fixer le taux des téléchargements permanents. Comme le taux en cents a augmenté depuis 2007, les calculs produisent un taux de 10,0 pour cent pour 2008 et 2009 et de 10,3 pour cent pour 2010, après avoir pris en compte les téléchargements gratuits.

[29] En 2007, la Commission avait fixé le taux pour les téléchargements limités à deux tiers du taux pour les téléchargements permanents. MM. Audley et Hyatt ont soutenu que le taux CSI devrait être le même pour les deux types de téléchargements parce que l’utilisation des droits de reproduction et de communication est la même. Dans les deux cas, une seule communication du fichier musical est requise; les écoutes subséquentes proviennent de la reproduction faite sur le support ou l’appareil de l’utilisateur.

[30] En 2007, la Commission a établi le taux pour les transmissions sur demande entre le taux pour les téléchargements limités et celui négocié pour les SSPN. MM. Audley et Hyatt ont proposé d’employer la même méthode, à une différence près. En 2009, la Commission s’est servie du taux pour les SSPN comme point de référence pour fixer le taux des services de radio satellitaire, mais a réduit de moitié ce taux pour tenir compte du fait que l’assiette tarifaire pour les SSPN est un prix de gros (prix payé par une entreprise de distribution de radiodiffusion aux SSPN), tandis que l’assiette pour la radio satellitaire est un prix de détail (prix payé par l’abonné à un service de radio satellitaire). [13] MM. Audley et Hyatt ont fait valoir que cette correction devrait également s’appliquer ici et ont ainsi recommandé des taux de 5,9 pour cent pour 2008 et 2009, et de 6,1 pour cent pour 2010.

[31] MM. Audley et Hyatt ont par la suite déposé un autre rapport en réponse à la preuve présentée par les experts des opposants, [14] lequel est décrit et examiné ci-dessous, dans la mesure nécessaire.

[32] Mme Caroline Rioux, vice-présidente aux opérations à la CMRRA, Mme Lori Ellis, directrice des opérations à la CMRRA, et M. Joël Martin, gestionnaire des services de technologies de l’information à la SODRAC, se sont penchés sur les problèmes auxquels s’est heurtée CSI dans son application du tarif, plus précisément l’identification, parmi les œuvres musicales utilisées par les services en ligne, de celles faisant partie de son répertoire.

[33] M. Marcel Boyer, professeur émérite de sciences économiques à l’Université de Montréal et chercheur au département d’économie de l’École Polytechnique de Paris, a examiné la preuve préparée par les experts des opposants, [15] Mme Tasneem Chipty et M. George Barker. M. Boyer a contesté leur utilisation de certains principes économiques. Entre autres, il a fait valoir que Mme Chipty avait mal appliqué la solution de négociation de Nash dans sa détermination du taux approprié, en partie parce qu’elle avait omis d’inclure un quatrième joueur, les maisons de disques, dans son analyse. Selon M. Boyer, comme ces dernières fournissent un intrant essentiel pour les services en ligne, leur omission a faussé les résultats. Il a également soutenu que M. Barker avait mal compris la méthodologie appliquée par la Commission en 2007.

[34] Selon M. Boyer, les deux experts ont négligé de tenir compte de la stratégie du produit d’appel d’iTunes. Apple accepte de ne réaliser qu’un maigre profit sur ses ventes de musique en ligne parce que ces ventes lui permettent d’engranger plus de profits sur la vente de produits complémentaires comme les iPod. M. Boyer a donc émis une mise en garde contre l’utilisation des données comptables d’iTunes comme mesure de rentabilité.

B. SOCAN

[35] M. Stanley J. Liebowitz, professeur d’économie à l’Université du Texas, a déposé un rapport [16] qui mettait à jour les calculs établis dans SOCAN 22.A (2007). Il a fait valoir que les augmentations du taux en cents et la rentabilité accrue du marché numérique par rapport à celle du marché des CD, lequel sert de référence, justifient la hausse des taux. Il a également affirmé que la musique était tout aussi importante dans un vidéoclip que dans un fichier musical et que leurs taux devraient donc être les mêmes.

[36] M. Liebowitz a par ailleurs soutenu que les revenus de publicité des services étaient tout aussi tributaires de la capacité d’utiliser la musique que ceux provenant de la location ou de la vente de musique. C’est pourquoi il a proposé que tous les revenus soient inclus dans l’assiette tarifaire. Enfin, il a fait valoir que l’augmentation exponentielle des ventes et des revenus de la musique numérique enregistrée depuis 2006 justifiait l’élimination de l’escompte initial dont profitait l’industrie de la musique en ligne.

[37] M. Liebowitz a également critiqué les rapports de M. Barker et de Mme Chipty. Selon lui, aucun d’eux n’a offert de justification valable pour les réductions de taux qu’ils avaient proposées. Il a entre autres soutenu que Mme Chipty ne reconnaissait pas le caractère distinct des droits de reproduction et de communication, qui commandent chacun leur compensation. Il a rejeté l’affirmation de M. Barker voulant que l’utilisation de nouvelles données dans la méthodologie de la Commission produise une rentabilité plus faible que celle calculée par la SOCAN, parce que M. Barker aurait mal appliqué cette méthodologie et aurait utilisé de mauvaises données. Toujours selon M. Liebowitz, M. Barker ferait également fausse route lorsqu’il affirme que la Commission a commis des erreurs en convertissant le taux en cents en pourcentage des revenus de la vente au détail pour les téléchargements permanents. Enfin, en réponse à l’affirmation de ces experts selon laquelle les taux homologués étaient insoutenables, M. Liebowitz a fait valoir que ces deux experts n’avaient pas tenu compte du fait que les redevances payées par les services de musique en ligne pour l’utilisation des enregistrements musicaux appartenant aux maisons de disques sont les mêmes au Canada qu’aux États-Unis et qu’elles étaient donc a priori trop élevées, pour au moins deux raisons. Premièrement, les licences accordées par les maisons américaines incluent le droit de reproduire les œuvres musicales, alors que ce n’est pas le cas au Canada. Deuxièmement, aucune redevance n’est exigée pour la communication de la musique aux États-Unis puisque le droit de communication n’y existe pas; au Canada, ce droit existe et doit être payé. [17]

[38] M. Marc Paquette, chef d’équipe, Médias, Opérations-clients, Service des licences à la SOCAN, a témoigné sur son expérience à l’égard de la mise en œuvre du tarif actuel. Selon lui, comme le taux pour les transmissions sur demande est calculé selon un pourcentage des frais d’abonnement, il ne tient pas compte des transmissions sur demande offertes gratuitement par des services sans abonnement. Pour remédier à cette lacune, il a proposé l’établissement d’une redevance fixe par fichier transmis gratuitement sur demande.

C. Opposants

[39] Apple et les entreprises de câblodistribution et de télécommunication ont chargé Mme Tasneem Chipty, vice-présidente, Charles River Associates, de produire une analyse économique des redevances appropriées à verser pour la vente de téléchargements permanents et de vidéoclips. [18] Mme Chipty a conclu que les redevances pour l’ensemble des droits ne devaient pas être supérieures à celles versées par les maisons de disques pour la reproduction d’œuvres musicales sur CD.

[40] Les conclusions de Mme Chipty sont fondées sur deux approches. D’abord, elle a appliqué certains principes en matière de concurrence au tarif pour les CD, lequel lui a servi de référence. Selon elle, si ces principes s’appliquent, le taux combiné pour la reproduction et la communication de la musique en ligne ne devrait pas dépasser celui de la reproduction sur CD. Ensuite, elle a employé le modèle économique de négociation de Nash pour établir un taux qui aurait pu résulter d’une négociation entre CSI, la SOCAN et les services de musique en ligne. Elle est arrivée à des taux combinés oscillant entre 7,3 et 8,8 pour cent du prix de vente au détail des téléchargements permanents. [19] Afin de calculer le taux pour la communication d’œuvres musicales dans les vidéoclips, elle a abaissé le taux pour les téléchargements permanents de manière à tenir compte des contributions non musicales (chorégraphie, jeu des acteurs, scénario, etc.) qui accroissent la valeur des vidéoclips, généralement vendus plus cher que les fichiers audio. Elle a conclu que le taux devrait se situer entre 0,7 et 2,2 pour cent du prix de détail des vidéoclips.

[41] Dans une autre analyse, [20] Mme Chipty a examiné les rapports présentés par MM. Audley et Hyatt et par M. Liebowitz. Elle a soutenu que MM. Audley et Hyatt avaient commis une erreur en convertissant le nouveau taux en cents en pourcentage du prix moyen d’un téléchargement permanent. Elle a également fait valoir que M. Liebowitz avait surévalué le pourcentage des revenus de vente au détail qu’Apple versait aux maisons de disques. Elle a actualisé les données de son rapport initial en fonction des taux en vigueur depuis 2008. Enfin, elle a proposé que l’assiette tarifaire demeure la même et que l’escompte initial soit maintenu.

[42] M. Eddie Cue, vice-président des services Internet, Apple, a témoigné que la marge de profit de la distribution en ligne de musique était faible, car cette activité suppose des coûts importants, dont beaucoup n’existent pas dans le domaine des CD physiques. [21] Il a nié qu’iTunes soit un produit d’appel. Il a admis qu’iTunes et le iPod sont complémentaires et que ces produits ne pourraient exister l’un sans l’autre, mais soutenu que cela n’impliquait pas pour autant une stratégie de produit d’appel. Il a déclaré avoir pour tâche de mener des activités rentables et que le prix des téléchargements iTunes visait à maximiser le profit. Il a également témoigné sur les effets que l’actuelle structure des redevances minimales produit sur les taux payés par Apple, qui sont en fin de compte supérieurs aux taux homologués. Il a proposé une formule de rechange pour le calcul des redevances minimales applicables aux ensembles de pistes.

[43] Les entreprises de câblodistribution et de télécommunication ont quant à elles présenté un panel constitué de M. Nauby Jacob, vice-président, expérience des utilisateurs et contenu, Bell Mobilité, de M. Upinder Saini, vice-président, développement de produits, Rogers Communications, et de M. Justin Jamieson, vice-président, gestionnaire de produit, Telus. Chaque témoin a brièvement décrit les produits offerts par son entreprise, la façon dont les clients utilisent leurs appareils mobiles pour accéder à la musique et les prix de vente de la musique. Chacun a également présenté des renseignements financiers témoignant de la rentabilité de la vente de musique en ligne chez Bell, Rogers et Telus. Chacun a nié que la musique pouvait servir de produit d’appel pour l’entreprise qu’il représente. Comme le prix des appareils mobiles est subventionné, la vente de musique ne peut faire augmenter les profits tirés de la vente de ces appareils. De même, la vente de musique ne peut mousser les ventes de forfaits de données : les clients choisissent des forfaits principalement pour des raisons autres que la musique (courriels, navigation sur le Web, etc.).

[44] Les entreprises de câblodistribution et de télécommunication ont également déposé le témoignage écrit de M. Alain Maynard, vice-président, administration et finance, Groupe Archambault. Son témoignage portait sur la performance financière de Zik.ca, un service de musique en ligne qui n’est pas rentable depuis sa création. En ce qui concerne la question de la vente de fichiers musicaux à prix d’appel, M. Maynard a affirmé que son entreprise n’avait aucun intérêt à vendre de la musique en ligne à perte, au détriment de ses ventes de CD physiques, puisqu’elle n’offre pas d’appareils.

[45] Témoignant pour le compte de la CRIA, M. George Barker, directeur du Centre for Law and Economics de l’Australian National University, a présenté un rapport [22] ayant pour objectif de déterminer les taux appropriés pour la reproduction et la communication des téléchargements permanents. Il a globalement décrit les approches pouvant servir à déterminer les taux pour les téléchargements permanents. Il a ensuite conclu qu’une comparaison avec les taux en vigueur à l’étranger, qu’il a appelée méthodologie des « ventes sur les marchés comparables actuels » (« VMCA »), était la meilleure façon de procéder pour déterminer combien doivent verser les services en ligne pour l’ensemble de droits. Il a ensuite employé une version modifiée de la méthodologie de la Commission pour calculer un taux pour la reproduction, et la différence a donné le taux pour la communication. Comme calcul de rechange du taux de la SOCAN, il a proposé d’utiliser la méthodologie de la Commission fondée sur l’augmentation de la rentabilité, même s’il estimait qu’elle était inappropriée et qu’elle contenait plusieurs erreurs.

[46] En réponse aux rapports déposés par MM. Audley et Hyatt et par M. Liebowitz, M. Barker a présenté un rapport supplémentaire [23] dans lequel il a raffiné certaines des positions exposées dans son rapport original.

[47] M. Graham Henderson, président de la CRIA, a résumé l’état actuel de l’industrie musicale canadienne, traité des effets du partage de fichiers poste à poste et présenté les efforts et les investissements que déploie la CRIA pour établir un cadre viable pour le marché de la musique en ligne.

[48] Enfin, M. Kevin Dale, vice-président des finances, EMI Music Canada, M. Daryl Short, vice-président des finances, Sony Music Entertainment Canada, M. Mark Jones, vice-président directeur, Universal Music Canada, et M. Neil Kerr, vice-président aux finances, Warner Music Canada, ont présenté des explications sur les données financières qu’ils avaient fournies à M. Barker pour son rapport.

V. ANALYSE

A. Téléchargements permanents

i. CSI

[49] Dans CSI – Services de musique en ligne (2007), en vue d’établir le taux pour les téléchargements permanents, la Commission avait utilisé comme prix de référence le taux en cents payé par les maisons de disques pour la reproduction d’œuvres musicales sur un CD préenregistré, taux converti en pourcentage du prix de détail d’un téléchargement (le « modèle MLA »). MM. Audley et Hyatt ont proposé la même approche, avec des données actualisées.

[50] L’approche consiste d’abord à calculer un taux moyen, d’après le taux établi dans l’entente de licence de reproduction mécanique (« MLA ») conclue entre la CMRRA et la CRIA, et ceux versés à la SODRAC par les membres de la CRIA et de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) ainsi que par les maisons de disques qui ne sont pas membres de l’une de ces associations. [24] Le taux moyen obtenu, pondéré selon les revenus (« taux en cents pondéré »), est de 0,082 $ pour 2008 et 2009 et de 0,084 $ pour 2010.

[51] L’étape suivante est la conversion de ces taux en cents pondérés en taux en pourcentage. Cette conversion se fait en divisant les taux par le prix moyen par piste que payent les acheteurs de téléchargements permanents. Le prix moyen est obtenu en divisant la somme totale payée par les consommateurs en 2009 pour tous les téléchargements permanents par le nombre de pistes téléchargées. CSI peut calculer ces chiffres à partir de l’information fournie conformément au Tarif CSI pour les services de musique en ligne, 2005-2007. Le prix moyen par piste de 0,7818 $ produit des taux de 10,0 pour cent pour 2008 et 2009 et de 10,3 pour cent pour 2010.

[52] Pour décider s’il convient d’employer de nouveau le modèle MLA, il faut répondre à deux questions. Premièrement, est-il encore logique d’utiliser cette approche? Ce n’est pas parce qu’un élément a servi de référence dans la détermination d’un premier tarif que cet élément doit nécessairement servir par la suite. Une fois établi, un prix peut évoluer à son gré. [25] Dans la présente affaire, cette réserve ne s’applique pas. Le modèle MLA utilise comme référence le même intrant (le droit de reproduction) sur un marché concurrentiel (le marché des CD). Le modèle cherche à mettre le marché physique et le marché numérique sur un pied d’égalité. Cette approche est solidement appuyée par la théorie économique. Dans un scénario d’équilibre concurrentiel, le prix des téléchargements numériques et celui des CD reflètent un équilibre entre la demande et l’offre de téléchargements numériques et de CD. Cette théorie a également des répercussions sur le prix des intrants utilisés sur les deux marchés. Plus précisément, comme le droit de reproduire une œuvre musicale est un intrant tant pour un CD que pour un téléchargement, son prix, lequel constitue un coût pour les fournisseurs de CD et de téléchargements numériques, tend donc à être le même sur les deux marchés.

[53] La théorie économique veut que l’équilibre des coûts doit se traduire par un équilibre en dollars. C’est ce que la Commission a exprimé avec simplicité et concision dans CSI – Services de musique en ligne (2007) : « [n]ous voulons que le tarif produise le même montant de redevances que si les services de musique en ligne payaient 7,8 ¢ la piste. » [26] Cela dit, la conversion du taux en cents en pourcentage comporte au moins deux avantages. D’abord, on évite les ajustements à court terme pour tenir compte des variations de prix à court terme. Ensuite, c’est ce que les parties demandent en l’espèce comme en 2007, [27] et nous ne voyons aucun motif d’aller à l’encontre de ce choix à moins qu’il entraîne de sérieuses conséquences néfastes pour les parties ou pour d’autres. Ces avantages demeurent aussi pertinents aujourd’hui qu’en 2007. Il est donc toujours logique d’utiliser cette approche.

[54] Deuxièmement, nous devons déterminer si les données employées dans la formule doivent être actualisées. Les changements des données utilisées dans la détermination d’un tarif ne doivent pas nécessairement se traduire par un changement des taux des redevances. Pour ajuster des redevances, il faut mettre en balance de nombreuses considérations, comme en témoignent les décisions où la Commission a refusé d’agir. [28] Les calculs ne devraient pas être ajustés si les données pertinentes fluctuent apparemment au hasard autour d’une donnée fixe. [29] Les tarifs devraient refléter les tendances à long terme du marché, pas les fluctuations à court terme, pour assurer la stabilité et la prévisibilité ainsi que pour éviter l’incertitude et les coûts d’ajustement. [30] Les données ne devraient pas être actualisées si les fluctuations du marché de référence ne sont pas liées aux conditions du marché examiné.

[55] En l’espèce, on nous demande de mettre à jour tant le numérateur (taux en cents pondéré pour la reproduction mécanique) que le dénominateur (prix moyen par piste téléchargée). Cette actualisation n’est pas sans fondement.

[56] Le numérateur est un prix exprimé en cents par piste, et non un pourcentage. Ces prix ont tendance à monter, ne serait-ce que pour tenir compte de l’inflation. Cette hausse du taux pondéré est d’environ deux pour cent par année, ce qui reflète la tendance de l’inflation au Canada. Le fait de ne pas rajuster le taux en fonction de l’inflation entraînerait une érosion de la valeur de la musique. [31]

[57] Le dénominateur est également exprimé en cents par piste, mais une autre raison justifie la mise à jour. En 2007, la Commission a calculé le prix moyen par piste selon plusieurs hypothèses [32] fondées sur la preuve déposée par les parties, et non sur de véritables données de ventes. [33] Dans le cas présent, nous disposons des données véritables sur les ventes de 2009 fournies à CSI. [34] Selon ces données, le prix moyen par piste est de 0,818 $ [(1,0401 $ × 0,5018) + (0,5939 $ × 0,4982)].

[58] L’application du modèle MLA demeure appropriée, toutefois, tant le numérateur que le dénominateur doivent être mis à jour, le premier, pour refléter une importante tendance dans la détermination des redevances pour la reproduction mécanique, et le deuxième, parce qu’il est préférable d’utiliser des données réelles plutôt que des hypothèses, surtout si les secondes contredisent les premières. CSI a demandé l’homologation d’un taux de 9,9 pour cent, conformément à son projet de tarif, même si le modèle produit un taux de 10 pour cent en 2008 et en 2009 et de 10,3 en 2010. [35] Le taux que nous homologuons est de 9,9 pour cent. [36] Il s’agit d’une augmentation de 12,5 pour cent par rapport au taux non escompté de 8,8 pour cent décidé par la Commission dans sa décision précédente. Ce taux, ainsi que tous les autres taux homologués par les présentes, se trouvent au tableau en annexe.

[59] Selon nous, aucun des modèles proposés par les opposants n’est raisonnable pour les motifs exposés ci-dessous.

a. Modèles proposés par M. Barker

[60] Selon M. Barker, les taux étrangers devraient servir de plafond aux redevances perçues pour l’ensemble de droits. Toutefois, pour CSI spécifiquement, les taux qu’il propose sont fondés sur le modèle MLA. Il a accepté d’utiliser comme taux de départ le taux moyen calculé par MM. Audley et Hyatt pour la reproduction de la musique sur CD. Il a ensuite proposé d’apporter deux ajustements à ce taux.

[61] Le premier ajustement tiendrait compte du paradoxe apparent dans la façon dont la Commission a converti le taux en cents en pourcentage : alors que le numérateur (redevances pour la reproduction mécanique) provient du marché physique, le dénominateur (prix moyen par piste téléchargée) provient du marché numérique. De l’avis de M. Barker, la Commission avait soit commis une erreur en utilisant des données provenant de différents marchés pour le numérateur et le dénominateur, [37] soit mal expliqué comment et pourquoi elle avait employé des références différentes. Pour rectifier le tir, M. Barker a proposé d’escompter le taux en cents en fonction de la différence entre le prix des albums physiques et numériques. Cette différence étant de 29 pour cent, la réduction produit un taux putatif de 0,059 $ par piste. M. Barker a par la suite appliqué au modèle le prix moyen par piste de 0,89 $ pour obtenir un taux de 6,6 pour cent pour CSI.

[62] Cette approche suppose que dans CSI – Services de musique en ligne (2007), la Commission aurait dû réduire les redevances pour la reproduction mécanique de la musique sur CD pour tenir compte du fait que les pistes numériques sont vendues moins chers que les pistes physiques. MM. Audley et Hyatt ont expliqué en quoi cette supposition était démentie par la preuve et le libellé de la décision de 2007 : la Commission avait voulu fixer les mêmes redevances en cents, non en pourcentage. [38] Nous abondons dans le même sens, [39] tout en offrant deux précisions.

[63] D’abord, l’approche proposée semble supposer que le taux de la MLA est implicitement lié au prix de détail de la musique. Or, ce taux a continué de grimper alors que le prix des CD baissait, ce qui contredit cette hypothèse.

[64] Ensuite, cette approche suppose que le prix payé pour le droit de reproduction devrait être une fraction constante du prix de détail du fichier ou support utilisé pour livrer la musique. En fait, le taux en cents pour le droit de reproduction a toujours été le même pour tous les types de supports. [40] Qui plus est, dans bon nombre des pays mentionnés par M. Barker et Mme Chipty, le prix payé pour le droit de reproduction n’est pas une fraction constante du prix de détail. Nous sommes du même avis que M. Boyer. Si deux appartements sont de même grandeur, mais de valeurs différentes, il est illogique de demander un prix proportionnel à leur valeur pour les repeindre. Cette analogie s’applique également au taux MLA. [41]

[65] Pour ces raisons, nous rejetons cet ajustement.

[66] M. Barker a proposé un ajustement supplémentaire, étant d’avis que le taux de la MLA est un taux non concurrentiel négocié :

[TRADUCTION] […] dans l’« ombre » jetée par la Loi sur le droit d’auteur. La CMRRA a la possibilité de demander à la Commission du droit d’auteur d’imposer un taux. Dans ce contexte, il faut voir dans un taux négocié au Canada un prix que la CMRRA croit être plus élevé que ce qui aurait découlé d’un processus réglementaire – sans les coûts liés à ce processus, risques y afférents compris. [42]

Par conséquent, M. Barker a proposé de présumer que les redevances pour la reproduction mécanique auraient dû demeurer une part constante du prix des CD au fil du temps. Selon lui, les redevances auraient ainsi suivi la baisse du prix des CD, ce qui aurait mieux reflété les tendances du marché, dont l’émergence du piratage. [43]

[67] Cette approche comporte deux faiblesses. Premièrement, elle présume que le régime général établi par la Loi (cette « ombre » dont parle M. Barker) favorise en soi les sociétés de gestion qu’il régit. Cela est toutefois compensé par le fait que les utilisateurs, tout autant que les sociétés de gestion, peuvent demander à la Commission de fixer les tarifs dans le cadre du régime d’arbitrage. De plus, tous les faits énoncés qui justifieraient, selon M. Barker, l’abaissement du taux constituent de l’information publique, dont la chute du prix des CD. Il est peu probable que cette réalité n’ait pas été prise en compte lors de la fixation du taux pour la reproduction mécanique étant donné les compétences en négociation hors du commun des maisons de disques. Deuxièmement, un prix négocié est généralement fixé entre le prix minimal que serait prêt à accepter le vendeur et le prix maximal que serait prêt à payer l’acheteur. Il est possible que cette fourchette n’ait pas contenu la série de prix décroissants proposés par M. Barker.

[68] En conséquence, nous rejetons également cet ajustement.

b. Modèles proposés par Mme Chipty

[69] En 1950, M. John Nash a décrit les fondements axiomatiques d’une règle très simple de négociation. Si les (deux) parties prenant part à la négociation sont égales à tous les égards (préférences, patience, pouvoir de négociation), la somme à partager devrait être divisée en parts égales. Des améliorations apportées au modèle ont permis de tenir compte de la possibilité que les parties déduisent certains coûts de la somme à partager, et que la négociation ou le jeu fasse intervenir plus d’un acteur. Mme Chipty a proposé de fixer les taux au moyen de ce modèle formel et mathématique de négociation.

[70] Le modèle de négociation de Mme Chipty fait intervenir trois acteurs – la SOCAN, CSI et les services en ligne qui vendent des téléchargements permanents. La somme à partager est le revenu des services liés à ces téléchargements, auquel ont été soustraites les quatre sommes suivantes : la somme payée par les services aux maisons de disques pour l’utilisation des bandes maîtresses; [44] les autres frais de fonctionnement des services (comme ceux liés au maintien des serveurs et à la production et à la distribution de cartes-cadeaux); les profits normaux des services; une somme versée à CSI pour compenser les pertes en redevances pour la reproduction mécanique occasionnées par la vente de pistes numériques plutôt que de CD. [45] Conformément au modèle original de Nash, l’excédent est réparti également entre les trois acteurs.

[71] Mme Chipty a établi les quatre sommes mentionnées en se servant des données d’Apple et en faisant des hypothèses sur la valeur des profits normaux (0 ou 7 pour cent) et sur la proportion des ventes de CD perdues au profit des ventes numériques (33 ou 50 pour cent). [46]

[72] Nous avons décidé de ne pas employer ce modèle pour six raisons : deux visent la nécessité pour les maisons de disques de prendre part à la négociation; deux concernent la conception du modèle; deux ont trait aux données et aux paramètres du modèle. Le fait que la SOCAN soit désormais exclue du modèle à cause de ESA [47] ne change rien à notre analyse.

[73] Premièrement, le modèle tel qu’il est conçu pouvait produire des excédents négatifs de temps en temps, même si les valeurs des paramètres étaient raisonnables. Cela donne lieu à un tarif de zéro. Un modèle de négociation de Nash correctement conçu ne peut produire de retombées négatives pour aucun des acteurs : tout acteur se trouvant face à une certitude de profits négatifs se retirera simplement de la négociation. [48] Le modèle de Mme Chipty omet donc nécessairement une ou plusieurs variables importantes. De façon plus technique, le modèle est pour ainsi dire incorrectement spécifié. Une des sources de cette erreur de spécification est évidente : les maisons de disques ne sont pas incluses dans le modèle. [49]

[74] Deuxièmement, l’omission des maisons de disques dans le modèle est injuste pour CSI. Comme les maisons sont absentes, les sommes qu’elles reçoivent sont considérées comme des coûts pour les services en ligne et sont soustraites avant toute répartition de l’excédent. En conséquence, CSI perçoit moins de redevances, comme l’a admis sans hésitation Mme Chipty en réponse aux questions du président de la Commission. [50]

[75] Troisièmement, retrancher de l’excédent à partager les pertes en redevances mécaniques de CSI est trop simpliste. Ces redevances sont négociées entre CSI et les maisons de disques. Pour CSI, les « jeux » visant la MLA et les redevances en ligne sont interreliés. En traiter séparément est incohérent [51] et mène à un tarif incorrect. Ainsi, CSI pourrait jouer une partie tout en gardant un œil sur l’autre. Elle pourrait par exemple chercher un tarif en cents plus élevé dans la MLA en échange de concessions pertinentes à l’égard des CD, mais pas des téléchargements permanents. [52]

[76] Quatrièmement, il est incohérent de soustraire les coûts fixes (ou presque) des services de l’excédent à partager, mais pas ceux de CSI. Les coûts fixes sont soustraits parce qu’ils doivent être engagés peu importe le nombre de téléchargements permanents vendus. C’est pourquoi ils ne devraient pas intervenir dans le calcul du partage de l’excédent.

[77] Cinquièmement, la soustraction des profits normaux soulève d’importants problèmes pratiques. Le concept de profit normal n’est pas controversé chez les économistes, mais la mesure de ce profit peut l’être, comme on le constate du fait que Mme Chipty a présenté des calculs fondés sur deux différentes valeurs de profit normal. Dans la mesure où ce profit devrait être retranché de l’excédent à partager, il importe de déployer des efforts beaucoup plus importants pour obtenir une valeur fiable.

[78] Sixièmement, il n’est pas approprié de traiter CSI comme un requérant résiduel, qui ne reçoit rien si l’industrie n’est pas assez rentable. Les données sur les profits sont intrinsèquement louches parce que les services de musique en ligne sont des secteurs d’activité de grandes entreprises. D’ailleurs, les données de ces secteurs ne sont jamais vérifiées, et les entreprises peuvent donc les manipuler dans le but de minimiser leur obligation en vertu du tarif. Le fait de traiter CSI comme un requérant résiduel encourage les services à gonfler les coûts associés à la musique en ligne (plutôt que d’attribuer ces coûts à d’autres secteurs d’activité) de façon à faire baisser leurs profits.

[79] Mme Chipty a proposé une seconde approche, laquelle repose sur une hypothèse semblable à celle de M. Barker. Étant d’avis que les forces du marché allaient tirer sur le marché numérique des redevances payables au même niveau que celles du marché physique, elle a proposé que la somme des taux de CSI et de la SOCAN n’excède pas le taux calculé au moyen du modèle MLA, sans préciser la manière dont les redevances allaient être réparties entre les deux sociétés. En d’autres mots, elle présume que les sommes versées par les services en ligne pour leur utilisation des œuvres musicales devraient demeurer les mêmes peu importe le nombre de droits (d’auteur) utilisés.

[80] Cette approche fait fi d’un principe souvent exprimé par la Commission : toutes choses étant égales par ailleurs, l’utilisation de deux droits devrait coûter plus cher que l’utilisation d’un seul. [53] Cela dit, ESA [54] fait en sorte que ce principe n’est pas pertinent en l’espèce.

ii. SOCAN

[81] La SOCAN a proposé de calculer le taux pour les téléchargements permanents selon l’approche utilisée dans SOCAN 22.A (2007) à partir de données à jour. Ce modèle (le « modèle 22.A ») tient compte de deux données, soit : la différence de rentabilité pour les maisons de disques entre le marché du téléchargement numérique et celui du CD (la « différence de profit »); les « coûts bruts », ou la somme des coûts nets (coûts des téléchargements numériques supportés par les maisons de disques, moins les profits), des « profits normaux » et des redevances de reproduction mécanique. On obtient le taux de la SOCAN en multipliant la différence de profit par le taux du droit de reproduction mécanique, le tout divisé par les coûts bruts. La CRIA serait prête à utiliser ce modèle avec des données différentes.

[82] Si la SOCAN avait droit à des redevances à l’égard des téléchargements permanents, ce qui n’est pas le cas, nous devrions répondre à plusieurs questions pour décider s’il est approprié de réutiliser le modèle 22.A. Le modèle est-il approprié en vue de déterminer un taux applicable à la SOCAN? La logique du modèle est-elle cohérente à l’interne? Les données dont le modèle a besoin représentent-elles un inconvénient excessif?

[83] Dans le modèle 22.A, on calcule la valeur des redevances à payer pour l’ensemble de droits, puis on répartit ces redevances entre la SOCAN et CSI. [55] Puisque la SOCAN n’a droit à rien pour les téléchargements permanents, il n’y a pas d’ensemble et le modèle 22.A ne peut donc plus s’appliquer. Dans le cas contraire, nous aurions conclu que l’utilisation du modèle 22.A en général, et l’approche combinée en particulier, n’auraient pas été appropriées pour les raisons suivantes.

[84] Premièrement, l’approche combinée est plus facile à justifier lorsque la Commission est en mesure de considérer tous les droits pertinents en même temps, ce qui est toujours le cas lorsqu’il s’agit de retransmission. Ainsi, la Commission peut établir non seulement un prix équitable pour l’utilisateur, mais aussi une répartition équitable des redevances entre titulaires de droits. En l’espèce, l’absence de certains protagonistes rend cette tâche difficile, voire impossible. Comme Ré:Sonne Société de Gestion de la Musique et ArtistI ne participent pas à la procédure, il est difficile de juger quelle proportion des redevances doit leur être réservée à titre de compensation équitable. Étant donné que les maisons de disques ont choisi d’accorder des licences directement aux services, il serait impossible de répartir équitablement les redevances entre titulaires si nous en venions à conclure (par exemple) que les maisons de disques reçoivent un paiement excessif. Essentiellement, les mêmes raisons qui nous ont poussés à conclure que le modèle de négociation de Mme Chipty est erroné [56] nous poussent à conclure que l’approche combinée n’est pas utile dans la présente affaire.

[85] Deuxièmement, dans le modèle 22.A, les redevances à payer pour l’ensemble de droits sont calculées d’après les profits comptables des maisons de disques. Comme nous l’avons mentionné aux paragraphes 77 et 78, le recours aux profits comme moyen de déterminer les redevances d’une société de gestion pose intrinsèquement problème. Les profits sont un artifice des conventions comptables et peuvent être manipulés. Les grandes entreprises, maisons de disques comprises, déterminent les revenus et les coûts en fonction de règles comptables complexes qui permettent d’annoncer des profits supérieurs ou inférieurs à ce qu’ils seraient selon la comptabilité de caisse. L’utilisation de données concernant des secteurs d’activité non vérifiés accentue le problème, tout comme l’utilisation de données provenant d’entreprises distinctes dont les conventions comptables, bien que légitimes, peuvent varier considérablement. Par conséquent, dans la mesure où la formule utilisée pour fixer le taux combiné est d’une validité douteuse, on peut également douter de la validité de l’approche combinée.

[86] L’idée de lier les redevances que versent les services aux profits des maisons de disques pose aussi problème. Ces profits dépendent de plusieurs facteurs, dont certains, bien que n’ayant aucun lien avec la valeur des droits sous-jacents, auraient néanmoins un impact sur le prix payé pour ces droits. L’élasticité-revenu de la demande de musique en ligne est probablement moindre que celle de la demande de CD, puisqu’il est possible d’acheter des pistes individuelles en ligne. Pendant une récession, une perte de revenus des consommateurs entraînera une diminution des profits des maisons de disques. La différence d’élasticité suppose que les profits diminueront davantage pour les CD que pour la musique en ligne. Dans le modèle 22.A, il en découle que le taux de redevances pour la musique en ligne augmente même si les ventes de musique en ligne diminuent.

[87] On peut comprendre qu’en 2007 la Commission ait utilisé les profits des maisons de disques comme référence en vue de fixer les taux pour la communication, car c’était la meilleure information dont elle disposait à l’époque. Le modèle de 2007 a peut-être permis d’obtenir un instantané de l’industrie, mais nous ne le trouvons pas utile pour en suivre les tendances, à supposer qu’elles existent. Ainsi, nous estimons que cette façon de rendre compte de la valeur du droit de communication n’aurait pas été aujourd’hui la meilleure.

[88] Troisièmement, la question des profits normaux, comme il a été mentionné, ne pose pas de problème en théorie, mais présente des difficultés pratiques. Pour les mesurer correctement, il faut évaluer les possibilités externes qui s’offrent aux intervenants de l’industrie de la musique et les risques implicites qui sont courus du fait d’exercer des activités dans cette industrie. Ces calculs exigent une quantité appréciable de renseignements, tant internes qu’externes, sur l’industrie de la musique. En outre, certains de ces renseignements sont confidentiels, ce qui crée les autres difficultés présentées ci-dessous. [57]

[89] Encore une fois, ESA [58] nous dispense de commenter davantage la méthodologie VMCA que proposait M. Barker et qui visait à dériver pour la SOCAN un taux pour des droits que la Cour suprême dit ne pas exister.

B. Téléchargements limités

[90] En 2007, le taux pour les téléchargements limités avait été fixé aux deux tiers du taux pour les téléchargements permanents à la demande de CSI. CSI souhaite maintenant percevoir le même taux pour les téléchargements permanents et les téléchargements limités. La société s’appuie sur les avis de MM. Audley et Hyatt, qui ne constatent aucune différence dans l’importance relative des droits de reproduction et de communication entre les deux types de téléchargement. [59]

[91] En 2007, la Commission avait exprimé des préoccupations au sujet du taux escompté de CSI pour les téléchargements limités :

Nous craignons la possibilité que cette approche n’entraîne, dans une certaine mesure, un double escompte. Le prix moins élevé facturé pour les téléchargements limités reflète déjà une valeur inférieure par rapport aux téléchargements permanents. Un taux de redevance moins élevé, destiné à refléter une valeur inférieure pour le droit, pourrait constituer une réduction additionnelle qui tient compte de la même valeur inférieure. [60]

[92] La principale différence conceptuelle entre un téléchargement permanent et un téléchargement limité, du point de vue du consommateur, est que le premier est une acquisition alors que le second équivaut à une location. Dans les deux cas, cependant, une seule transmission du fichier de musique est nécessaire. Par la suite, le consommateur écoute la copie située sur son appareil, que la reproduction puisse être écoutée indéfiniment ou non. Règle générale, le marché devrait tenir compte de la valeur inférieure de la location par le truchement d’un prix moindre, entraînant des redevances moindres même lorsque le taux est le même. Par conséquent, la position selon laquelle l’importance relative des droits est la même dans les deux cas, et donc que les redevances perçues pour le droit de reproduction devraient être les mêmes, n’est pas sans fondement.

[93] N’eût été de ESA, [61] deux raisons auraient pu nous amener à fixer de nouveau le taux pour les téléchargements limités aux deux tiers du taux pour les téléchargements permanents. Ces raisons ont disparu.

[94] D’abord, toute valeur supplémentaire qui aurait pu être attribuée au droit de reproduction peut être retirée lorsqu’elle est attribuée à la SOCAN. Désormais, la SOCAN ne reçoit rien.

[95] Ensuite, le point de vue de MM. Audley et Hyatt ne correspond pas aux pratiques en vigueur dans nombre d’autres territoires. Comme la Commission l’a mentionné précédemment, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) ne recommande généralement pas le même ratio de redevances entre le droit de reproduction et le droit de communication pour ces deux types de téléchargements. [62] Or, sans droit de communication, il ne peut exister de rapport entre ce dernier et le droit de reproduction.

[96] Nous partageons les préoccupations que la Commission a exprimées en 2007. Qui plus est, suite à ESA [63] et en l’absence de preuve ou prétentions convaincantes à l’effet contraire, nous abondons dans le sens de MM. Audley et Hyatt : le taux devrait être le même pour les téléchargements limités et permanents, d’autant plus que les raisons nous ayant poussés à augmenter le taux de CSI pour les téléchargements permanents de 12,5 pour cent sont tout aussi pertinentes pour les téléchargements limités. Par conséquent, nous établissons le même taux que pour les téléchargements permanents, le faisant passer de 5,9 à 9,9 pour cent.

C. Transmissions sur demande

[97] CSI soutient que le taux pour les transmissions sur demande devrait être fixé quelque part entre le taux pour les téléchargements limités et la moitié du taux perçu par CSI pour les SSPN. Il s’agit d’un modèle semblable à celui que la Commission avait appliqué en 2007, à une modification près. CSI propose de réduire le taux pour les SSPN de moitié de façon à refléter la conclusion tirée par la Commission en 2009 selon laquelle l’assiette tarifaire des services sonores payants s’applique au niveau du gros tandis que l’assiette de la radio par satellite s’applique au niveau du détail. [64] La SOCAN demande le même pourcentage de l’ensemble qu’auparavant (62 pour cent) en se fondant sur l’argument que le droit de communication est plus important que le droit de reproduction dans les transmissions. Une fois encore, aucun des opposants ne prend position sur la manière dont les redevances devraient être réparties entre CSI et la SOCAN, mais ils sont tous d’avis, comme la SOCAN, que le taux pour l’ensemble de droits devrait être le même pour les transmissions sur demande que pour les téléchargements permanents.

[98] Pour plusieurs raisons, nous décidons de ne pas reprendre la formule utilisée en 2007 en vue de fixer le taux de CSI pour les transmissions sur demande.

[99] D’abord, les redevances versées à CSI par les SSPN découlent de négociations privées entre CSI et les deux seuls SSPN canadiens. Comme on peut le comprendre, CSI a traité ces renseignements de façon très confidentielle lorsqu’elle les a présentés dans le cadre des présentes audiences. Si le tarif des transmissions sur demande était constamment établi en utilisant ces données, les services en ligne ne pourraient prévoir le montant qu’ils auraient à payer. Lorsque c’est possible, nous souhaitons établir des taux permettant aux utilisateurs d’avoir une bonne idée de leur évolution future. [65]

[100] Ensuite, nous avons de la difficulté à croire que la dynamique des activités d’un marché de gros est identique à la dynamique des activités d’un marché de détail. Les profits sur un marché de gros sont habituellement supérieurs aux profits sur un marché de détail, et les prix de gros augmentent généralement plus lentement que les prix de détail. Par conséquent, si les comparaisons entre le marché de gros et le marché de détail peuvent être utiles en vue de fixer un premier tarif, elles le sont moins une fois qu’un tarif a été homologué.

[101] La Commission a récemment rejeté une formule qu’elle avait utilisée précédemment, tout en acceptant son résultat comme point de départ :

À cause des changements significatifs que nous avons mentionnés, la formule de 1991 n’est désormais plus appropriée, pour les raisons évoquées précédemment. Cela dit, rien ne nous porte à croire que l’application de la formule lorsqu’on l’a utilisée a entraîné un résultat injuste. Le montant qu’elle a généré peut donc servir de point de départ pour notre analyse. [66]

[102] Nous concluons que le même raisonnement s’applique au taux de CSI pour les transmissions sur demande : le point de départ est donc 4,6 pour cent. Qui plus est, les raisons qui nous ont poussés à augmenter le taux de CSI pour les téléchargements de 12,5 pour cent sont tout aussi pertinentes dans le cas des transmissions. Le taux de CSI passe ainsi de 4,6 à 5,18 pour cent.

[103] Le taux de 7,6 pour cent de la SOCAN pour les transmissions sur demande avait été établi en fonction de l’analyse d’un ensemble. Le taux de CSI avait été établi au moyen d’une formule que nous trouvons désuète; celui pour la SOCAN l’avait été au moyen d’une formule désormais dénuée de sens. Simplement, il n’y a pas d’ensemble puisqu’il n’y a qu’un droit mis en cause lors du téléchargement d’une œuvre musicale, comme la Cour suprême l’enseigne dans ESA. [67]

[104] On ne nous a pas présenté de preuve ou de prétention convaincante selon lesquelles le taux de la SOCAN devrait être modifié. Entre autres, la SOCAN n’a pas offert de preuve au soutien de sa prétention que le ratio de 62:38 en sa faveur devrait être maintenu. Nous concluons par ailleurs qu’aucun des motifs justifiant une augmentation du taux pour CSI, qu’il s’agisse de l’augmentation du taux en cents ou de la disponibilité de données sur les ventes de pistes individuelles ou d’albums, n’est pertinent pour la SOCAN. Par conséquent, conformément à la règle suivie dans Radio de la SRC citée au paragraphe 101, nous ne trouvons aucun motif justifiant de hausser ou de réduire le taux de la SOCAN. On pourra plus tard se pencher à nouveau sur le choix d’un taux approprié pour la SOCAN et sur le ratio qui devrait exister entre les droits mis en cause lors d’une transmission.

[105] Vu l’absence complète de preuve, nous ne pouvons décider si la non-existence d’un droit de communication pour les téléchargements pourrait changer le prix du même droit pour les transmissions. Qu’en serait-il ainsi si la possibilité de transmettre téléchargements et transmissions sont des produits liés du point de vue économique (autrement dit, que les coûts de développement de la capacité de communiquer sont partagés)? La théorie économique veut que si le marché pour un tel produit disparaît (il est permis de croire que déclarer qu’un produit n’existe pas fait en sorte que le marché pour un tel produit disparaît), le prix de tous les produits liés qui reste devrait augmenter, toutes choses égales. Nous laissons à d’autres le soin de décider cette question et d’autres problèmes d’évaluation.

D. Vidéoclips

[106] Un vidéoclip (ou vidéo musicale) est un court film qui intègre un enregistrement sonore donné à un ensemble visuel. D’abord produits à des fins promotionnelles, les vidéoclips sont devenus objets de commerce. Seule la SOCAN a demandé un tarif pour l’utilisation de musique dans les vidéoclips, et ce, uniquement pour 2010; CSI ne l’a pas fait. La SODRAC a déposé un tarif pour les vidéoclips à compter de 2010. Il sera examiné ultérieurement. La CMRRA n’a pas déposé de tarif pour les vidéoclips, car elle [TRADUCTION] « n’accorde généralement pas de licence pour des vidéoclips dans le cadre normal de ses activités. » [68]

[107] La SOCAN avance que le taux pour les vidéoclips devrait être le même que pour les pistes audio. Elle soutient que le vidéoclip n’est qu’une présentation perfectionnée d’une piste audio. Étant donné ce perfectionnement, les services sont en mesure de demander un prix supérieur pour les vidéoclips et d’imposer ainsi une discrimination par le prix entre ceux qui recherchent un contenu abordable et ceux qui souhaitent une présentation perfectionnée des pistes audio.

[108] Apple et les entreprises de câblodistribution et de télécommunication font valoir que le contenu non audio est seul responsable de la différence de prix entre une piste audio et un vidéoclip. Ils proposent de fixer le taux pour les vidéoclips en fonction du ratio entre le prix médian des pistes audio et celui des vidéoclips. Nous souscrivons à l’avis d’Apple et des entreprises de câblodistribution et de télécommunication.

[109] Comme nous l’avons souligné aux paragraphes 52 et 53, la théorie économique veut que le même prix en dollars soit payé pour le même intrant dans des marchés interreliés : si, comme M. Liebowitz le soutient, un vidéoclip n’est qu’une présentation perfectionnée d’une piste audio, ces deux marchés sont en effet très reliés. Qui plus est, la comparaison que M. Liebowitz a cherché à établir entre le vidéoclip et la piste audio d’une part, et le livre cartonné et de poche d’autre part, est boiteuse, pour deux motifs. D’une part, le vidéoclip et le fichier audio sont habituellement mis en vente en même temps, ce qui n’est pas vrai du livre cartonné et de son équivalent de poche. D’autre part, nous sommes d’avis que les intrants visuels sont intrinsèquement plus nombreux et plus importants pour le vidéoclip que les intrants « cartonnés » le sont pour le livre.

[110] ESA fait en sorte que la SOCAN n’a pas droit à une redevance pour les téléchargements permanents. Cela dit, pour un économiste, la démarche que proposent Apple et les entreprises de câblodistribution et de télécommunication vaut tout autant pour les transmissions sur demande que pour les téléchargements permanents. Par conséquent, nous établissons le taux pour la transmission sur demande de vidéoclips de la même façon. La proportion de 0,66 appliquée au taux de 7,6 pour cent pour la transmission donne 5,02 pour cent. Le taux s’appliquera aux services n’offrant que des vidéoclips. Les services offrant à la fois des fichiers audio et vidéo paieront le même taux que les services purement audio.

E. Assiette tarifaire

[111] Au terme de la présente affaire, CSI et les opposants proposaient que l’assiette tarifaire soit toujours ce que les abonnés paient pour leurs téléchargements et leurs transmissions, alors que la SOCAN demandait son extension à tous les revenus provenant de non-utilisateurs.

[112] À plus long terme, tous les revenus liés à l’offre de musique devraient être inclus dans l’assiette tarifaire des services. L’existence d’une corrélation entre les revenus provenant de non-utilisateurs et la jouissance que les utilisateurs dérivent de la musique est presque certaine. Autrement dit, les modèles d’affaires en ligne sont suffisamment variés pour que les revenus provenant des utilisateurs ne rendent pas toujours compte de la pleine valeur de la musique utilisée. Cela dit, nous ne changerons pas l’assiette tarifaire cette fois-ci, pour les motifs suivants.

[113] Premièrement, les revenus provenant de non-utilisateurs semblent bénéficier avant tout aux sites offrant des transmissions sur demande pour rien ou presque. Les redevances minimales que nous homologuons sont une réponse à cette problématique, si temporaire ou imparfaite soit-elle.

[114] Deuxièmement, les revenus provenant de non-utilisateurs semblent toujours être relativement modestes. La preuve indique en effet que plusieurs des services canadiens les plus importants ne perçoivent aucun revenu de ce genre.

[115] Troisièmement, il est fort difficile d’établir la mesure dans laquelle la musique aide à générer des revenus auprès des non-utilisateurs. Pourtant, il est essentiel de ce faire pour s’assurer que les services ne versent pas trop de redevances.

[116] Quatrièmement, le tarif que nous homologuons concerne le passé. Lorsque les montants en jeu sont importants, il peut être nécessaire de changer la façon de calculer les redevances pour des transactions passées. En l’espèce, toutefois, les montants en jeu semblent relativement modestes, et le fardeau administratif engendré par un changement rétroactif d’assiette tarifaire l’emporte probablement sur les gains qu’entraînerait un tel changement.

[117] Cela dit, les sources de revenus des services en ligne changeront certainement avec le temps, et la Commission s’attendra sans doute à ce que les parties lui fournissent les nouvelles données dont elle aura besoin pour évaluer la pertinence, l’importance et la faisabilité d’une extension de l’assiette tarifaire aux revenus provenant de non-utilisateurs.

F. Redevances minimales

i. Propositions des parties

[118] CSI propose que la redevance minimale pour les téléchargements permanents de pistes individuelles et d’ensembles de moins de 15 pistes soit fixée aux deux tiers de la redevance pour une piste individuelle vendue au prix moyen. Elle propose que la redevance minimale pour les ensembles de 15 pistes et plus soit fixée aux deux tiers de la redevance par piste d’un album de 15 pistes vendu au prix moyen. Les prix moyens utilisés par CSI sont de 0,99 $ pour les pistes individuelles et de 9,99 $ pour les albums.

[119] CSI propose que la redevance minimale pour les téléchargements limités soit fixée aux deux tiers de la redevance payable sur le prix d’abonnement mensuel. Les prix d’abonnement mensuel utilisés par CSI sont de 10 $ pour les téléchargements limités non portables et de 15 $ pour les téléchargements limités portables.

[120] CSI propose que la redevance minimale pour les transmissions sur demande soit fixée en fonction du rapport entre le taux pour ces transmissions et le taux pour les téléchargements limités non portables, multiplié par la redevance minimale pour les téléchargements limités. Toutes ces propositions sont presque exactement conformes [69] à l’approche utilisée par la Commission dans CSI – Services de musique en ligne (2007).

[121] En 2007, les redevances minimales accordées à la SOCAN ont été calculées de la même façon que pour CSI. La SOCAN souscrit à cette approche en tout, sauf une exception. Dans le cas des transmissions gratuites, la SOCAN demande 0,046 $ par fichier transmis.

[122] Apple et les entreprises de câblodistribution et de télécommunication proposent des redevances minimales uniquement pour les téléchargements permanents. Elles vont comme suit : pour les pistes individuelles, 65 pour cent des redevances applicables à une piste vendue à 0,99 $; pour les albums de 2 à 10 pistes, 72 pour cent de la redevance minimale pour les pistes individuelles, multiplié par le nombre de pistes; pour les albums de 11 à 26 pistes, 10 fois la redevance minimale pour un album de 2 à 10 pistes; pour les albums de 27 pistes ou plus, 28 pour cent de la redevance minimale pour les pistes individuelles, multiplié par le nombre de pistes.

[123] La CRIA s’oppose à l’imposition de redevances minimales peu importe leur montant, au motif que les services en ligne doivent concurrencer les téléchargements illégaux et que les prix de la musique en ligne continuent d’évoluer.

ii. Téléchargements permanents et limités

[124] En 2007, la Commission a déclaré que les redevances minimales étaient nécessaires en vue de garantir que les titulaires de droits ne subventionnent pas les modèles opérationnels des services. [70] Nous sommes d’accord. Nous nous contenterons d’ajouter que la plainte d’Apple selon laquelle elle paie des taux effectifs supérieurs en raison des redevances minimales est illogique. Cela découle nécessairement de l’établissement de telles redevances. De fait, pareilles redevances sont fixées parce que l’application du taux général donnerait des prix trop bas.

[125] L’approche proposée par Apple et par les entreprises de câblodistribution et de télécommunication est intrigante, mais déficiente en définitive. Telle qu’elle est présentée, elle est ambiguë. Pour les albums de 11 à 26 pistes (ce qui devrait représenter la majorité des albums), il faut appliquer 10 fois la redevance minimale pour les albums de 2 à 10 pistes. Mais la redevance minimale pour les albums de 2 à 10 pistes dépend du nombre de pistes sur l’album. Si l’album comporte 2 pistes, la redevance minimale est de 0,062 $; si l’album comporte 10 pistes, la redevance minimale s’élève à 0,31 $. Une façon possible de résoudre cette ambiguïté serait de présumer qu’Apple voulait suggérer que la redevance équivaille à 10 fois le minimum minimorum, soit la redevance pour un album de deux pistes. Même avec cette légère correction, la proposition reste simplement trop compliquée.

[126] Pour les téléchargements permanents, la proposition de CSI repose sur des concepts plus simples et correspond à la formule utilisée dans CSI – Services de musique en ligne (2007). Nous ne voyons aucune raison de modifier la formule de calcul des redevances minimales par rapport à sa version précédente.

[127] En 2007, la Commission avait fixé une redevance minimale inférieure pour les ensembles de 13 pistes ou plus. Les sociétés demandent maintenant à ce que le seuil soit fixé à 15. Nous pensons que ce chiffre correspond au nombre moyen de pistes par CD vendu. [71] Cela dit, aucune preuve n’a été présentée au soutien du changement proposé. M. Audley, qui a d’abord avancé ce chiffre dans le contexte des audiences sur la copie privée, l’a simplement mentionné sans l’expliquer. Vu l’absence de preuve, nous ne voyons pas pourquoi nous ferions ce changement. Une analyse des données iTunes effectuée à notre demande par le personnel de la Commission démontre que la hausse du seuil de 13 à 15 réduit de 20 pour cent ou plus le nombre des ensembles bénéficiant du minimum réduit : cela nous conforte dans notre décision.

[128] La proposition de CSI visant à garder la même formule de calcul des redevances minimales pour les téléchargements limités n’a soulevé aucune objection de la part des opposants. Partant, nous ne voyons pas l’utilité de proposer des modifications. Nous obtenons les redevances minimales en prenant les deux tiers du montant obtenu en multipliant le taux et le prix moyen. Pour les téléchargements permanents, ces prix moyens sont de 1,0401 $ pour une piste individuelle et de 0,5939 $ par piste dans un ensemble. Pour les téléchargements limités, ces moyennes sont de 15 $ par mois pour les abonnements permettant les téléchargements portables et de 10 $ par mois pour les autres.

[129] Les redevances minimales que nous homologuons pour CSI s’élèvent à 3,92 ¢ par piste pour les téléchargements permanents faisant partie d’un ensemble et à 6,86 ¢ dans le cas contraire, à 66 ¢ par abonné pour les téléchargements limités non portables et à 99 ¢ pour les téléchargements limités portables. Nous homologuons ces taux même si certains dépassent ce que CSI demandait. Si la responsabilité qui incombe à un service à l’égard de certaines transactions est plus élevée, il ne fait aucun doute que leur responsabilité globale est en deçà de ce qu’elle aurait été si nous avions fait droit à tout ce que CSI demandait.

iii. Transmissions sur demande

[130] En ce moment, les redevances minimales pour les transmissions sur demande sont fonction de celles pour les téléchargements limités non portables, ajustées en fonction du rapport entre le taux pour ces transmissions et ces téléchargements. Il n’est plus possible de procéder ainsi pour la SOCAN, qui n’a droit à rien pour les téléchargements limités. Dans les circonstances, et en l’absence d’autre preuve, nous concluons qu’il est préférable de calculer les redevances minimales pour les transmissions sur demande de la même façon que pour les téléchargements limités.

[131] Les redevances minimales pour les téléchargements limités sont fonction en partie du prix moyen de l’abonnement mensuel. Nous ne connaissons pas ce prix pour les transmissions sur demande. La formule que la Commission a utilisée en 2007 pour établir le minimum mensuel pour ces transmissions [(4,6 / 5,9) x 0,374 $ = 0,292 $] suppose un prix mensuel de 9,50 $ [0,292 $ = (2/3) (4,6 % x 9,50 $)]. Ce montant est nécessairement le même que celui dont la Commission s’est servie en 2007 pour calculer la redevance minimale pour les téléchargements limités non portables. Par conséquent, nous tiendrons pour acquis, aux fins de la présente affaire, que le prix de l’abonnement à un service de téléchargements limités non portables et de transmissions sur demande est le même. Comme nous le soulignons au paragraphe 119, CSI a soutenu que le prix moyen de l’abonnement pour les téléchargements limités non portables est maintenant de 10 $. Personne n’a remis en cause ce chiffre. Par conséquent, et sous réserve de ce qui suit, nous établissons les redevances minimales pour la transmission sur demande à 0,3453 $ [(5,18 % x 10 $) x (2/3)] pour CSI et à 0,5067 $ [(7,6 % x 10 $) x (2/3)] pour la SOCAN.

[132] Les transmissions sur demande sont parfois offertes gratuitement à l’utilisateur. M. Paquette a expliqué dans son témoignage les difficultés que cette pratique crée pour la SOCAN. Même si un suivi des visiteurs est effectué, [72] une redevance minimale SOCAN de plus de 50 cents par mois par abonné est nettement excessive. Par ailleurs, il peut être difficile pour un service d’identifier chaque visiteur individuel.

[133] La définition de deux des termes utilisés dans le tarif perd de sa signification en présence de transmissions gratuites. La définition des revenus comme revenus d’abonnement n’englobe pas l’ensemble de l’activité économique si de nombreuses transmissions, sinon toutes, sont offertes gratuitement. La définition d’abonné ne correspond pas à un modèle d’affaires dans lequel les sites de transmission gratuite ont des visiteurs réguliers et des visiteurs occasionnels.

[134] Nous abordons cette question de deux façons. D’abord, nous organisons les redevances minimales de sorte qu’elles tiennent compte tant de l’existence des transmissions gratuites que de l’hétérogénéité des modèles de transmission gratuite. Ensuite, nous remplaçons le terme « abonné » par le terme « visiteur ». Ce modèle donne au tarif la flexibilité nécessaire pour tenir compte non seulement des sites entièrement gratuits, mais aussi des sites qui offrent des transmissions gratuites jusqu’à un certain seuil, puis exigent des frais d’abonnement par la suite.

[135] Notre prémisse veut que le service offrant des transmissions gratuites verse une redevance par transmission qui soit fonction du nombre moyen de transmissions par visiteur, par mois; pour le reste, les redevances devraient être plafonnées au minimum que paient les autres services, tel qu’établi au paragraphe 131. En l’absence de toute donnée sur le nombre de fichiers transmis par mois, nous supposons qu’un album par jour est transmis au visiteur moyen d’un site de transmission, soit environ 390 fichiers par mois. [73] En divisant 0,3453 $ par 390, on obtient un prix de 0,0009 $ par fichier transmis pour CSI. En divisant 0,5067 $ par ce même nombre, on obtient 0,0013 $ pour la SOCAN. De cette façon, un site gratuit sur lequel certains visiteurs utiliseraient quelques fichiers et d’autres en utiliseraient considérablement plus ne serait pas injustement pénalisé par la structure des redevances minimales.

iv. Vidéoclips

[136] La SOCAN devrait recevoir le même montant pour un vidéoclip que pour un fichier audio. La façon la plus simple d’y arriver est d’appliquer au premier les redevances minimales que nous avons établies pour le second.

G. Réduction de 10 pour cent

[137] En 2007, la Commission avait appliqué une réduction de 10 pour cent sur les taux fixés. Cette déduction devait être appliquée pour la durée du tarif en question uniquement. [74] Nous ne voyons aucune raison d’appliquer cette déduction à l’heure actuelle. Même si certains utilisateurs ont allégué une faible rentabilité, les données portent à croire que le marché de la musique en ligne a gagné en maturité et que sa structure s’est stabilisée.

[138] L’usage de la Commission consiste à appliquer une réduction aux tarifs visant une nouvelle industrie. Toutefois, la Commission n’applique généralement pas de réduction lorsqu’une industrie existante crée un nouveau produit. Les vendeurs de fichiers audio ne font qu’un avec les vendeurs de vidéoclips. Par conséquent, nous n’accordons pas de réduction aux redevances concernant les vidéoclips.

H. Redevances totales

[139] Dans les présents motifs, nous dégageons trois changements principaux par rapport aux tarifs précédemment homologués. D’abord, et conséquemment aux décisions de la Cour suprême dans les affaires ESA et Rogers, la SOCAN ne reçoit rien à l’égard des téléchargements permanents et limités. Ensuite, nous éliminons l’escompte de 10 pour cent prévu dans les premiers tarifs. Enfin, nous augmentons les taux pour CSI de 12,5 pour cent, en appliquant le modèle MLA. Nous estimons que l’effet combiné de ces trois changements sera de réduire les redevances totales de 10 pour cent par rapport aux premiers tarifs.

[140] Nous n’avons pas inclus dans nos estimations l’effet du nouveau tarif pour les vidéo-clips et du nouveau tarif pour les transmissions sur demande gratuites. Le premier fera augmenter les redevances alors que le second les fera diminuer. Toutefois, puisque nous n’avons pas d’information suffisamment précise sur l’importance de chacun, nous les ignorons dans nos calculs.

VI. Libellé et modalités du tarif

[141] Les tarifs que nous homologuons reprennent pour l’essentiel ceux qu’ils remplacent. Dans ce qui suit, nous esquissons les principales différences et commentons certains changements que les parties avaient proposés.

A. Des tarifs distincts

[142] Le libellé des tarifs SOCAN et CSI est identique dans la mesure du possible, afin de minimiser les difficultés d’interprétation de l’un à l’autre. Cela dit, la structure tarifaire et les obligations de rapport sont suffisamment différentes pour nous amener à homologuer des tarifs distincts pour l’instant.

B. Technologie

[143] Certaines modifications par rapport aux tarifs antérieurs découlent de changements technologiques. Ainsi, l’avènement du téléphone intelligent nous amène, à la demande de CSI, à modifier la définition de « téléchargement » pour mieux faire ressortir la possibilité de livrer un téléchargement à un appareil aussi bien qu’à un support.

C. Un nouveau tarif pour les téléchargements sur demande gratuits

[144] D’autres modifications découlent de l’adoption d’un nouveau tarif distinct pour les téléchargements sur demande gratuits, dont les nouvelles définitions d’« abonnement gratuit », de « téléchargement sur demande gratuit » et de « visiteur unique » et le remplacement du concept de consommateur par celui d’utilisateur.

[145] Désormais, le tarif se déploie autour de trois types de clientèle : l’utilisateur, soit quiconque traite avec un service de musique en ligne; le visiteur unique, qui reçoit les téléchargements sur demande gratuits assujettis à la redevance prévue au paragraphe 5(3) du tarif de CSI; et l’abonné, qui traite avec le service de façon régulière et non à la carte.

[146] Le « visiteur unique », c’est « [c]hacun des utilisateurs recevant une transmission sur demande gratuite d’un service de musique en ligne dans un mois donné, à l’exclusion des abonnés. » CSI aurait voulu préciser que ce visiteur est identifié au moyen d’une adresse IP distincte. Le concept de visiteur unique est une mesure analytique Internet courante. Cela dit, il est rare que cette mesure repose uniquement sur une adresse IP, à cause entre autres de l’attribution dynamique d’adresses à des usagers différents pour des sessions différentes. Il faut un autre identificateur : témoin, agent d’utilisateur ou autre. Les sites Web comptabilisent les visiteurs uniques de différentes façons, que nous ne connaissons pas toutes. En l’espèce, la recherche de l’uniformité doit céder la place à la réalité du marché : nous ne pouvons imposer un étalon de mesure qui n’est pas universel. Par conséquent, le tarif s’en remet à la pratique du secteur. Cela dit, afin que les sociétés de gestion comprennent comment chacun des services fonctionne, le tarif exige que ces derniers divulguent comment ils s’y prennent pour établir le nombre de visiteurs uniques durant un mois.

[147] Le mot « utilisateur » n’est pas défini, puisque nous l’employons dans son sens courant.

[148] Le tarif précédent de CSI spécifiait que l’écoute préalable de 30 secondes ou moins n’entraînait pas le paiement de redevances. Cette disposition est supprimée, puisqu’une telle utilisation est presque certainement équitable.

D. Rapports et comptabilité

[149] Le tarif exige présentement que les services fassent rapport uniquement à l’égard des fichiers nécessitant une licence de CSI et ce, que le fichier ait ou non fait l’objet d’une vente. Dans les faits, le service fait rapport de toutes ses ventes de téléchargements et de transmissions. Les parties se sont entendues pour que le tarif reflète ce qui se passe réellement. Nous croyons aussi que c’est plus pratique et plus rationnel.

[150] Ce changement nous a permis de simplifier passablement les obligations de rapport, qui continueront de se dérouler en trois étapes. Premièrement, le service ne fournira que des renseignements de base avant de commencer son exploitation. Les données sur l’utilisation de musique seront fournies en deuxième étape. Ensuite, les services feront rapport de toutes leurs ventes, mais ne fourniront rien à l’égard des enregistrements disponibles qui n’auront pas fait l’objet d’au moins une vente durant la période de rapport. Par conséquent, les sociétés de gestion attendront qu’un fichier ait été vendu une fois avant d’apprendre qu’il existe. Troisièmement, et comme auparavant, CSI fournira un rapport établissant à l’égard de chaque fichier, ce qui fait partie du répertoire, ce qu’elle sait ne pas faire partie du répertoire, ou une indication qu’elle ne peut trancher. Le rapport fournira aussi un calcul détaillé des redevances payables à l’égard de chaque fichier.

[151] La nature et l’ampleur des renseignements que le service fournit restent à peu près les mêmes.

[152] En ce moment, certains renseignements ne sont fournis que s’ils sont disponibles. Les opposants demandent qu’il continue d’en être ainsi. À leur avis, ils fournissent déjà tout ce qu’ils peuvent raisonnablement obtenir par eux-mêmes ou de tiers, dont les maisons de disques. CSI détient déjà ces renseignements ou est davantage en mesure de les obtenir. Rendre obligatoire la fourniture de renseignements qui sont impossibles à obtenir en pratique ferait de tous les services des contrefacteurs.

[153] CSI invoque le dossier de la présente affaire pour conclure que tous les renseignements demandés sont essentiels à une identification précise des œuvres musicales, et que le bilan des services lorsqu’il s’agit de remplir leurs obligations de rapport est fort mauvais : au moment d’entendre l’affaire, CSI n’avait identifié que 21 pour cent des fichiers déclarés.

[154] La position de la Commission sur cette question est claire : si un renseignement est nécessaire, le service devrait le fournir même s’il faut l’obtenir d’un tiers. [75] Éventuellement, le service qui ne fournit pas à CSI tout ce dont elle a besoin pour percevoir et répartir efficacement les redevances devra supporter les frais additionnels découlant de ce défaut. L’obliger à rendre compte de tous ces renseignements n’est pas la seule solution, comme l’a souligné Apple. Des sociétés de gestion étrangères offrent un escompte aux utilisateurs qui fournissent tous les renseignements qu’elles recherchent.

[155] Cela dit, et avec certaines réserves, il n’est pas temps de modifier le statu quo à cet égard, pour trois motifs. Premièrement, le fait qu’un grand nombre de fichiers ne soient toujours pas identifiés pourrait ne pas soulever autant de problèmes qu’on pourrait d’abord le croire : les 21 pour cent de fichiers déclarés que CSI a pu identifier représentent 59 pour cent des fichiers ayant été vendus au moins une fois et 93 pour cent du volume de ventes. Deuxièmement, comme CSI pourra désormais résilier la licence du service qui ne fournit pas tous les renseignements obligatoires, ajouter aux obligations de rapport mettrait les services en situation de violation permanente du droit d’auteur. Troisièmement, le problème soulève trop de questions complexes à l’égard de trop de tarifs pour qu’il soit à-propos de le régler dans le cadre de la présente affaire.

[156] Par conséquent, les obligations de rapport resteront ce qu’elles sont. Toutefois, nous demandons au Secrétariat de mettre en branle un processus de consultation visant à recueillir des données fiables et complètes permettant à la Commission de déterminer, pour toutes les utilisations en ligne de musique, les renseignements qui sont utiles et ceux qui sont nécessaires, ceux qu’on peut raisonnablement exiger des utilisateurs, la prépondérance des inconvénients et la façon d’établir un flot optimal de renseignements entre les utilisateurs et les sociétés de gestion.

[157] Nous avons refusé de permettre à CSI d’obtenir par le truchement du tarif des renseignements qui ne sont pas nécessaires à son administration, mais qui lui seraient utiles quand viendra le temps de demander un changement d’assiette tarifaire dans une affaire subséquente.

E. Contestations des conclusions de CSI en matière de répertoire

[158] En ce moment, un service peut contester l’affirmation voulant qu’une œuvre fasse partie du répertoire dans les 20 jours suivant cette affirmation. Le tarif ne précise pas ce qu’il advient si le service ne dépose pas de contestation dans le délai prescrit. Nous avons demandé à CSI de justifier la mesure; nous nous demandions entre autres ce qu’il adviendrait si un service recevait trop tard d’un tiers des renseignements établissant que les droits avaient été autrement libérés, ce qui rendrait inutile la licence de CSI. Cette dernière a soutenu que l’élimination du délai permettrait au service de contester l’affirmation de CSI en tout temps, entraînant des difficultés administratives importantes. Nous ne voyons pas pourquoi un service devrait payer pour une utilisation qui a déjà été autorisée. Nous avons donc éliminé le délai. Les difficultés que cela pourrait soulever pourront être documentées et traitées lorsque la Commission reviendra sur ce tarif.

F. Conséquences du défaut de déposer un rapport

[159] CSI a demandé que le défaut de déposer un rapport dans les délais prescrits entraîne deux conséquences. D’abord, CSI pourrait mettre fin à la licence. Ensuite, la date à laquelle les redevances sont payables serait celle qui s’appliquerait si le rapport avait été fourni à temps, entraînant ainsi le versement d’intérêts plus rapidement qu’en ce moment. Les opposants ont contesté uniquement la deuxième demande.

[160] CSI soutient que la seconde mesure a pour objet d’éliminer un effet non voulu du libellé actuel. Les redevances ne sont payables que si CSI est en mesure de les facturer; par conséquent, un service peut retarder artificiellement son obligation de paiement en ne fournissant pas le rapport dont CSI a besoin pour établir le montant des redevances. Les opposants soutiennent qu’il s’agit d’une mesure punitive, inutile et redondante compte tenu de l’obligation déjà prévue de verser des intérêts sur les montants non versés à échéance.

[161] Il faut éviter que le scénario que CSI envisage se produise. À notre avis, la meilleure façon d’y arriver est de prévoir que la facture consécutive à un rapport tardif est réputée avoir été reçue à temps par le service pour autant que cette facture soit envoyée dans les 20 jours de la réception du rapport tardif (ce qui est le délai dont CSI dispose pour établir une facture lorsqu’un rapport est reçu dans les délais prescrits).

G. Traitement confidentiel

[162] CSI voudrait pouvoir partager les renseignements obtenus en application du tarif avec la SOCAN. Les opposants rétorquent qu’une telle mesure serait inédite et mettrait en péril des renseignements commerciaux sensibles. Pour les motifs énumérés dans une décision récente de la Commission à l’égard du Tarif 5 de Ré:Sonne, [76] CSI pourra partager ces renseignements avec la SOCAN aux fins de perception de redevances et d’application d’un tarif.

[163] CSI voudrait aussi empêcher les services de partager les renseignements qu’elle leur remet en application du tarif. Les opposants ne pouvaient penser à un renseignement confidentiel que CSI pourrait ainsi leur remettre. Cette dernière a répondu que l’article 8 du tarif l’oblige à fournir des renseignements potentiellement sensibles concernant la portée de son répertoire.

[164] Cette disposition n’exige rien de plus qu’une indication de : ce que CSI sait être dans son répertoire, ainsi que sa part dans l’œuvre pertinente; ce qu’elle sait ne pas y être; et pour le reste, une indication du motif qui l’empêche de trancher. Tout cela nous semble être des renseignements que CSI devrait fournir en vertu de l’article 70.11 de la Loi, et qui, par conséquent, ne sauraient être confidentiels.

[165] CSI fournit parfois des renseignements non prévus à l’article 8 du tarif, tel le nom de l’éditeur qui détient une œuvre pour partie, l’autre étant dans le répertoire de CSI. Si tant est que ce renseignement soit confidentiel, il n’est pas fourni en vertu du tarif. Libre à CSI d’exiger que le service garde le renseignement confidentiel s’il désire qu’on lui en fasse part.

[166] CSI craint par ailleurs que les services partagent des renseignements périmés, compte tenu du caractère dynamique du répertoire. À notre avis, il ne s’agit pas d’un motif valable pour imposer une obligation de confidentialité aux services en vertu du tarif.

H. Le tarif SOCAN

[167] Le tarif SOCAN a été reformulé pour que son libellé corresponde le plus possible à celui de CSI. Trois motifs expliquent les différences principales entre l’un et l’autre. D’abord, la SOCAN n’a droit à rien à l’égard des téléchargements. Ensuite, elle représente en pratique tout le répertoire éligible, CSI non : ainsi, les dates de paiement des redevances ne sont pas les mêmes parce que CSI facture les services, mais pas la SOCAN. Enfin, seule la SOCAN percevra des redevances pour les vidéos musicales (et seulement pour les transmissions).

I. Dispositions transitoires

[168] Le tarif contient certaines dispositions transitoires qui sont nécessaires parce que les tarifs prennent effet les 1er janvier 2007 et 2008 bien qu’ils soient homologués beaucoup plus tard.

[169] Ce que proposaient CSI et la SOCAN était passablement différent des tarifs homologués précédemment. Cela explique sans doute pour partie que CSI ait proposé un processus transitoire complexe et long. Chaque service aurait versé un premier appoint pour la période du 1er janvier 2008 à la date d’homologation du tarif. Pendant un certain temps, les redevances auraient été facturées à des taux différents, selon que les utilisations auraient eu lieu avant ou après l’homologation. Un état de compte final aurait été envoyé à peu près un an plus tard.

[170] Les opposantes soutiennent que la proposition est trop complexe. Les dispositions transitoires devraient être simples. Elles devraient laisser le temps aux parties de procéder aux ajustements nécessaires pour ce qui a déjà été payé tout en exigeant que l’ajustement se fasse une fois, correctement.

[171] Pour CSI, les taux augmentent mais la structure tarifaire est la même. Les services en ligne sont en mesure d’établir eux-mêmes l’appoint qu’ils doivent verser pour le passé à partir des rapports que CSI leur a déjà remis. Ils devraient pouvoir procéder aux calculs nécessaires en 90 jours. Aucun motif ne justifie de prévoir des délais différents pour la SOCAN.

[172] CSI a proposé que les téléchargements sur demande gratuits effectués avant l’homologation fassent l’objet d’un processus de facturation distinct. Cette suggestion n’a fait l’objet d’aucun commentaire de la part des opposants. C’est ce que nous homologuons à cet égard.

[173] Les services qui auront déjà fait rapport en vertu des tarifs précédents avant le 30 septembre 2012 n’auront pas à déposer des renseignements supplémentaires à l’égard du rapport équivalent que le nouveau tarif prévoit.

[174] Un tableau fournit les facteurs d’intérêts qui seront appliqués aux sommes dues à l’égard d’un trimestre donné et qui n’étaient pas par ailleurs payables à titre provisoire en vertu des tarifs précédents. Il n’est pas nécessaire de répéter les motifs qui nous amènent à établir de tels facteurs. [77] Les facteurs sont légèrement plus élevés pour la SOCAN que pour CSI, parce que la première a droit à ses redevances 50 jours plus tôt que la seconde.

[175] Cette fois encore, finaliser le libellé du tarif a exigé beaucoup d’efforts. Nous remercions les parties de leur aide précieuse.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall

ANNEXE : TABLEAU

 

Redevances à verser à CSI (2008-2010)

Redevances à verser à la SOCAN (2007-2010)

 

Téléchargements permanents

9,90 % du montant payé par le consommateur

 

Redevance minimale

3,92 ¢ par fichier dans un ensemble de 13 pistes ou plus

6,86 ¢ par fichier dans tout autre cas

s. o.

 

Téléchargements limités

9,9 % du montant payé par les abonnés

 

Redevance minimale

99 ¢ par mois, par abonné, si les téléchargements limités portables sont permis

66 ¢ sinon

s. o.

 

Transmissions sur demande

5,18 % du montant payé par les abonnés

 

Redevance minimale

Transmissions gratuites : 0,09 ¢ par fichier transmis par visiteur, jusqu’à un maximum de 34,53 ¢ par visiteur par mois

Sinon 34,53 ¢ par abonné par mois

7,60 % du montant payé par les abonnés

 

 

Redevance minimale

Transmissions gratuites : 0,13 ¢ par fichier transmis par visiteur, jusqu’à un maximum de 50,67 ¢ par visiteur par mois

Sinon 50,67 ¢ par abonné par mois

 

Vidéoclips (2010 seulement) Transmissions sur demande

s. o.

5,02 % du montant payé par les abonnés

 

Redevance minimale

Transmissions gratuites : 0,13 ¢ par fichier transmis par visiteur, jusqu’à un maximum de 50,67 ¢ par visiteur par mois

Sinon 50,67 ¢ par abonné par mois

 



[1] L.R.C. 1985, ch. C-42.

[2] Voir infra au para. 12.

[3] Tarif de CSI pour les services de musique en ligne (2008-2010) et Tarif 22.A de la SOCAN (Internet – Services de musique en ligne) 2007-2010 (25 septembre 2009) ordonnance de la Commission du droit d’auteur.

[4] Pour une description plus détaillée des trois produits, voir CMRRA/SODRAC inc. (Services de musique en ligne) pour les années 2005 à 2007 (16 mars 2007) décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 7 à 9. [CSI – Services de musique en ligne (2007)]

[5] Ces droits sont les mêmes que ceux visant la radio commerciale : voir Tarif pour la radio commerciale (SOCAN : 2008-2010; Ré:Sonne : 2008-2011; CSI : 2008-2012; AVLA/SOPROQ : 2008-2011; ArtistI : 2009-2011) (9 juillet 2010) décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 8 à 13. [Radio commerciale (2010)]

[6] Supra note 4.

[7] Alors que les taux pour les SSPN de la SOCAN sont fixés dans un tarif, ceux de CSI sont négociés en privé et confidentiels. Il est donc impossible de les préciser davantage.

[8] Tarif 22.A de la SOCAN (Internet – Services de musique en ligne) pour les années 1996 à 2006 (18 octobre 2007) décision de la Commission du droit d’auteur. [SOCAN 22.A (2007)]

[9] Bell Canada c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2010 CAF 220 [Bell c. SOCAN]; Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2010 CAF 322; Entertainment Software Association et Entertainment Software Association of Canada c. CMRRA/SODRAC Inc., 2010 CAF 221 [ESA c. SOCAN]; Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2010 CAF 123 [SOCAN c. Bell].

Une autre décision, SOCAN 22.B à 22.G (Internet – Autres utilisations de musique) pour les années 1996 à 2006 (24 octobre 2008) décision de la Commission du droit d’auteur, a également fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire : voir Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2010 CAF 139.

[10] Bell c. SOCAN, ESA c. SOCAN, SOCAN c. Bell, ibid.

[11] Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 34 [ESA]; Rogers Communications inc. c. Society of Composers, Authors and Music Publishers of Canada, 2012 CSC 35 [Rogers]; Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2012 CSC 36 [Bell]. La Cour suprême a aussi rendu des décisions dans deux autres affaires qui ne sont pas pertinentes en l’espèce.

[12] Pièce CSI-3 : The Value of the Use of the Repertoire of CSI by Online Music Services, préparé par Paul Audley, Paul Audley & Associates Ltd. et Douglas Hyatt, Professeur, Rotman School of Management and Centre for Industrial Relations, Université de Toronto, 29 avril 2010.

[13] SOCAN (2005-2009), SCGDV (2007-2010) et CSI (2006-2009) à l’égard des services de radio satellitaire à canaux multiples par abonnement (8 avril 2009) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 186. [Services de radio satellitaire (2009)]

[14] Pièce CSI-13 : Response to the Chipty Report (Exhibit Apple-3) and the Barker Report (Exhibit CRIA-4), préparé par Paul Audley, Paul Audley & Associates Ltd. et Douglas Hyatt, Professeur, Rotman School of Management and Centre for Industrial Relations, Université de Toronto, 9 juin 2010.

[15] Pièce CSI-12 : Comments on the Reports Filed by Dr. Tasneem Chipty and by Dr. George Barker, préparé par M. Marcel Boyer, professeur émérite d’économie, Université de Montréal, 9 juin 2010.

[16] Pièce SOCAN-4 : Economic Analysis of SOCAN Tariff 22.A, préparé par M. Stanley J. Liebowitz, professeur d’économie, University of Texas at Dallas, 30 avril 2010.

[17] La deuxième prétention n’est plus valide : ESA, supra note 11.

[18] Pièce Apple-3 : Economic Analysis of Reasonable Royalty Rates for the Reproduction and Communication of Musical Works, in Canada, By Online Music Services, préparée par Mme Tasneem Chipty, Charles River Associates, 29 avril 2010.

[19] La limite inférieure de la fourchette correspond à la médiane des taux dérivés du modèle de négociation de Nash, alors que la limite supérieure est fondée sur les taux en cents.

[20] Pièce Apple-4 : Economic Analysis of Reasonable Royalty Rates for the Reproduction and Communication of Musical Works, in Canada, By Online Music Services, réponse préparée par Mme Tasneem Chipty, Charles River Associates, 9 juin 2010.

[21] Pièce Apple-2, témoignage d’Eddie Cue aux paras. 53 et suivants.

[22] Pièce CRIA-4, Valuation Analysis, préparé par M. George Barker, Directeur du Centre for Law and Economics, Australian National University (Canberra), 30 avril 2010.

[23] Pièce CRIA-6 : Reply Report, préparé par M. George Barker, Directeur du Centre for Law and Economics, Australian National University (Canberra), 9 juin 2010.

[24] Au sens strict, en 2007, le taux de la MLA sert de point de départ, ajusté par la suite. Théoriquement, il est plus juste d’utiliser le taux pondéré comme point de départ.

[25] Tarif des droits à payer pour la retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision en 1992, 1993 et 1994 (14 janvier 1993) décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 159.

[26] CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 au para. 93.

[27] Ibid. au para. 79.

[28] Radio commerciale (2010), supra note 5; Copie privée 2011 (17 décembre 2010) décision de la Commission du droit d’auteur. [Copie privée (2011)]

[29] En économie, ce phénomène est appelé tendance à revenir à la moyenne.

[30] Copie privée (2011), supra note 28 au para. 6.

[31] Tarif SOCAN-Ré:Sonne à l’égard de la radio de la SRC, 2006-2011 (8 juillet 2011) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 83. [Radio de la SRC (2011)]

[32] Voici ces hypothèses : le prix moyen d’une piste individuelle est de 0,99 $; le prix moyen d’un album, de 9,99 $; le nombre moyen de pistes par album, de 13; 55 pour cent des pistes sont vendues individuellement et 45 pour cent font partie d’un album.

[33] CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 aux paras. 91 et 92.

[34] 50,18 pour cent des pistes sont vendues individuellement, le reste des pistes, en ensembles; le prix moyen d’une piste individuelle est de 1,0401 $; le prix moyen d’une piste vendue dans un ensemble est de 0,5939 $. (Pièce CSI-3, version du 22 juin, à la p. 8)

[35] Transcriptions à la p. 1633.

[36] La façon de tenir compte des téléchargements gratuits a suscité un débat. Comme les éditeurs de musique renoncent fréquemment aux redevances sur ces téléchargements, Mme Chipty ne voyait pas pourquoi CSI percevrait des redevances sur ces derniers. Elle aurait donc corrigé le modèle en se fondant sur l’hypothèse que les redevances étaient levées sur tous les téléchargements gratuits. MM. Audley et Hyatt ont souscrit au principe, mais leurs ajustements au modèle auraient uniquement concerné les téléchargements gratuits pour lesquels les redevances auraient été levées. Nous pensons comme MM. Audley et Hyatt; toutefois, comme les redevances demandées par CSI sont inférieures aux résultats du modèle, nul besoin de s’attarder davantage sur cette question.

[37] Pièce CRIA-4 à la p. 19.

[38] Pièce CSI-13 aux paras. 79 à 84.

[39] La décision comprend un résumé des négociations de la MLA, lequel ne fait que confirmer cette conclusion : CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 au para. 71.

[40] Ibid.

[41] Transcriptions aux pp. 404, 405.

[42] Pièce CRIA-4, aux pp. 20, 21.

[43] Le taux calculé par M. Barker, en maintenant les redevances pour la reproduction mécanique à une fraction constante du prix des CD dans le temps, est de 0,061 $. Après avoir rajusté ce taux pour tenir compte du prix de marché des téléchargements, il a obtenu un prix de 0,044 $, ce qui correspond à 5,0 pour cent du prix moyen d’une piste de 0,89 $.

[44] De fait, le droit de reproduire l’enregistrement musical et le droit d’accès à la bande maîtresse.

[45] Le calcul suppose que CSI n’acceptera pas de négocier avec les autres parties si elle n’est pas sûre de retirer de la négociation au moins la somme qu’elle aurait obtenue sans négocier.

[46] Ce modèle a produit un taux pour CSI entre 4,3 et 7,8 pour cent. Selon Mme Chipty, ces taux représentaient une fourchette raisonnable dans laquelle la Commission pouvait choisir un taux.

[47] Supra note 11.

[48] Plus précisément, aussi longtemps qu’une partie retire des retombées négatives, les autres lui attribueront une part de leurs retombées afin de garder cette partie à la table de négociation, jusqu’à ce que les retombées marginales nettes de toutes les parties soient nulles, après quoi toutes les parties se retireront de la négociation et l’entente ne pourra jamais être conclue.

[49] Le fait qu’une cinquième partie, Ré:Sonne, devrait probablement être incluse dans le modèle vient appuyer davantage notre conclusion.

[50] Transcriptions à la p. 1078.

[51] Les deux peuvent être traités soit comme des constantes, soit comme des négociations interreliées, mais l’un ne peut être considéré comme constante si l’autre est traité comme une négociation.

[52] Un exemple serait la clause de composition contrôlée : voir CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 au para. 83.

[53] SOCAN 22.A (2007), supra note 8 au para. 147. Voir aussi CSI – Services de musique en ligne (2007), ibid. au para. 84.

[54] Supra note 11.

[55] En 2007, comme les taux de CSI avaient été déterminés en premier, la SOCAN recevait la différence entre le taux combiné et le taux de CSI.

[56] Supra au para. 73.

[57] Infra au para. 99.

[58] Supra note 11.

[59] Pièce CSI-3 au para. 41.

[60] CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 au para. 98.

[61] Supra note 11.

[62] SOCAN 22.A (2007), supra note 8 aux paras. 165, 170 et 174.

[63] Supra note 11.

[64] Services de radio satellitaire (2009), supra note 13 au para. 186.

[65] Radio de la SRC (2011), supra note 31 au para. 79.

[66] Ibid. au para. 80.

[67] Supra note 11.

[68] Transcriptions à la p. 1773.

[69] La seule différence est que CSI a utilisé des ensembles de 15 pistes plutôt que de 13 pistes comme dans le tarif homologué en 2007.

[70] SOCAN 22.A (2007), supra note 8 au para. 180.

[71] Copie privée (2011), supra note 22 au para. 9.

[72] Ce qui est probable, mais pas certain.

[73] Soit 13 fichiers par mois multiplié par 30 jours dans le mois.

[74] CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 au para. 127; SOCAN 22.A (2007), supra note 8 au para. 185.

[75] CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 4 au para. 148.

[76] Tarif 5 de Ré:Sonne – Utilisation de musique pour accompagner des événements en direct (Parties A à G), 2008-2012 (25 mai 2012) décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 36-52.

[77] Tarif SOCAN-Ré:Sonne à l’égard de la radio de la SRC, 2006-2011 (8 juillet 2011) décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 130-132.

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