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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2013-01-18

Référence

Dossier : Reproduction par reprographie, 2005-2009

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 70.15(1)

Commissaires

L’honorable William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projets de tarif examinés

Établissements d’enseignement – 2005-2009

Tarif des redevances à percevoir par access copyright pour la reproduction par reprographie, au Canada, d’œuvres de son répertoire

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le 26 juin 2009, la Commission a exposé les motifs justifiant l’homologation du Tarif Access Copyright pour les écoles élémentaires et secondaires, 2005-2009 tarif Access »). [1] Les redevances étaient fixées à 5,16 $ par élève équivalent temps plein (ETP), calculées en fonction d’une enquête de volume menée par les parties. Parmi les quelques 246 millions de copies ayant servi à établir les redevances, 6 995 451 étaient liées aux examens du ministère et 16 861 583 constituaient des copies de la « catégorie 4 ». [2]

[2] Le 23 juillet 2010, la Cour d’appel fédérale a renvoyé la décision à la Commission pour qu’elle définisse le sens de l’expression « sur un support approprié, aux fins visées » que l’on trouve au paragraphe 29.4(3) de la Loi sur le droit d’auteur [3] (la « Loi ») et décide si les copies d’examen répondent à la définition de cette expression : Alberta (Éducation) c. Access Copyright. [4]

[3] Le 12 juillet 2012, la Cour suprême du Canada a conclu que la Commission avait commis une erreur dans son application du principe de l’utilisation équitable aux copies de la catégorie 4 et a renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle l’examine à nouveau : Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright). [5]

[4] Le 20 juillet 2012, la Commission s’est adressée à Access Copyright (Access) ainsi qu’aux ministères de l’Éducation et aux commissions scolaires locales qui s’étaient opposés au projet de tarif (les opposants) pour déterminer comment elle devait procéder pour se conformer aux décisions susmentionnées.

A. Les copies de la catégorie 4

[5] S’agissant de l’arrêt Alberta (CSC), la Commission a décidé le 19 septembre 2012 qu’il suffisait de définir les conséquences qu’entraînerait la suppression des copies de la catégorie 4 du calcul du taux par élève ETP :

[TRADUCTION] La décision de la Cour suprême est claire et ne laisse place à aucune interprétation : compte tenu du dossier soumis à la Commission et des conclusions de fait de la Cour suprême, les copies de la catégorie 4 constituent une utilisation équitable à une fin permise et, à ce titre, ne donnent pas droit à une redevance. Le taux par élève ETP doit être réduit en conséquence.

[6] Nous convenons avec les parties que la réduction devrait être calculée de la façon suivante :

 

 

% of total /

% du total

Exposures /

Copies

Value per exposure ($) /

Valeur par copie ($)

Value ($) /

Valeur ($)

Number of Category 4 copies /

Nombre de copies de la catégorie 4

16,861,583

 

 

 

 

Books /

Livres

 

86.4

14,568,407.71

0.092

1,340,283.51

Newspapers /

Journaux

 

7.1

1,197,172.39

0.0126

15,084.37

Magazines /

Magazines

 

6.5

1,096,002.90

0.0095

10,412.03

Total per year /

Total par année

 

100

16,861,583.00

 

1,365,789.91

Total FTEs /

Total des ETP

3,859,715

 

 

 

 

Value per FTE of Category 4 copies /

Valeur par ETP des copies de la catégorie 4

 

 

 

 

0.3539

Tariff as certified (before rounding) /

Tarif homologué (avant arrondissement)

 

 

 

 

5.1626

Tariff without Category 4 copies (before rounding) /

Tarif sans les copies de la catégorie 4 (avant arrondissement)

 

 

 

 

4.8087

[7] Par conséquent, le taux par élève ETP est réduit de 5,16 $ à 4,81 $.

B. Copies d’examen

[8] S’agissant de l’arrêt Alberta (CAF), les parties ont convenu que, pour se prononcer, la Commission devrait se fonder sur le dossier existant et sur des observations écrites supplémentaires. Ces observations sur le renvoi par la Cour d’appel fédérale nous permettent de décider si les copies d’examen sont assujetties au paragraphe 29.4(3) de la Loi.

[9] Le paragraphe 29.4(2) de la Loi prévoit que la reproduction d’une œuvre ne constitue pas une violation du droit d’auteur si elle est faite par un établissement d’enseignement dans le cadre d’un examen ou d’un contrôle. Le paragraphe 29.4(3) (la « réserve ») prévoit que le paragraphe (2) ne s’applique pas si l’œuvre est accessible sur le marché sur un support approprié, aux fins visées par le paragraphe (2).

[10] Dans l’affaire qui nous a été renvoyée, Access a fait valoir que si elle offre une licence pour copier une œuvre, celle-ci est accessible sur le marché sur un support approprié. Les opposants ont quant à eux soutenu que la réserve concerne uniquement les examens publiés en vue d’être vendus à des établissements scolaires. La Commission a statué que l’expression « accessible sur le marché » doit nécessairement avoir le sens qu’Access lui attribue : interpréter le paragraphe 29.4(3) de la façon dont le proposent les opposants rendrait superflu l’alinéa b) de la définition de l’expression « accessible sur le marché ».

[11] Dans le cadre du contrôle judiciaire, les opposants ont fait valoir que la Commission avait bien interprété l’expression « accessible sur le marché », mais qu’elle ne s’était pas demandé si (ou quand) l’œuvre pour laquelle une licence peut être obtenue est accessible sur « un support approprié, aux fins visées ». La Cour d’appel fédérale a abondé dans le même sens :

[69] [...] en ce qui concerne l’exception prévue à l’article 29.4, la Commission n’a pas abordé une question qui était essentielle pour pouvoir trancher l’affaire dont elle était saisie. Elle devait définir l’expression « sur un support approprié aux fins visées » et appliquer cette définition aux faits de la présente affaire.

[70] Notre Cour pourrait entreprendre cette tâche. Il revient toutefois à la Commission d’interpréter en premier sa propre loi constitutive, qu’elle connaît bien, et de tirer les conclusions de fait qui s’imposent.

[12] Autrement dit, la Loi exigeait que la Commission décide si les œuvres étaient accessibles sur le marché et si elles l’étaient sur un support approprié. La Cour d’appel fédérale a conclu que la Commission a répondu à la première question, mais non à la deuxième. Reste donc uniquement à répondre à la deuxième.

[13] Les opposants font valoir que le paragraphe 29.4(3) vise à protéger les marchés existants. Pour qu’elle soit sur un support approprié, l’œuvre doit déjà être dans la forme physique que l’enseignant utilisera pour faire passer l’examen ou le contrôle (comme c’est le cas notamment des tests standardisés vendus aux établissements d’enseignement). L’œuvre dont l’établissement a besoin doit être accessible sur le marché dans la forme précise dont a besoin cet établissement pour les examens pour que la réserve s’applique; sinon, bien que l’œuvre puisse être accessible sur le marché, elle ne l’est pas sur un support approprié. Si une œuvre doit être copiée aux fins d’un examen ou d’un contrôle, elle n’est pas sur un support approprié, notamment parce que la copie est toujours faite sur un support différent de l’original. Une licence permet uniquement de copier une œuvre; elle ne rend jamais l’œuvre accessible sur un support quelconque, encore moins sur un support approprié aux fins d’examens et de contrôles. L’autorisation légalement donnée de transférer une œuvre sur un support ne rend pas l’œuvre accessible sur ce support.

[14] Access soutient qu’une licence pour copier une œuvre sur un support rend l’œuvre accessible sur ce support; si le support sur lequel l’œuvre est copiée est approprié aux fins d’un examen ou d’un contrôle, la réserve s’applique. Toutes les copies d’examen identifiées durant l’enquête de volume étaient effectuées sur un support dont l’utilisation est autorisée par le tarif Access. Le support sur lequel les copies d’examen étaient effectuées était nécessairement approprié, puisque chaque établissement ou enseignant a choisi (ou était tenu) d’utiliser ce support pour l’examen ou le contrôle.

[15] Selon les opposants, si la réserve ne s’applique pas, le taux par élève ETP devrait être réduit de 0,1468 $. Access ne conteste pas ce calcul.

C. Analyse

[16] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

2 [...]

« accessible sur le marché » S’entend, en ce qui concerne une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur

a) qu’il est possible de se procurer, au Canada, à un prix et dans un délai raisonnables, et de trouver moyennant des efforts raisonnables;

b) pour lequel il est possible d’obtenir, à un prix et dans un délai raisonnables et moyennant des efforts raisonnables, une licence octroyée par une société de gestion pour la reproduction, l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, selon le cas.

[...]

29.4(2) Ne constituent pas des violations du droit d’auteur, si elles sont faites par un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous l’autorité de celui-ci dans le cadre d’un examen ou d’un contrôle :

a) la reproduction, la traduction ou l’exécution en public d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur dans les locaux de l’établissement;

b) la communication par télécommunication d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur au public se trouvant dans les locaux de l’établissement.

(3) Sauf cas de reproduction manuscrite, les réserves prévues à l’alinéa (1)b) et au paragraphe (2) ne s’appliquent pas si l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur sont accessibles sur le marché et sont sur un support approprié, aux fins visées par ces dispositions.

30.1(1) Ne constituent pas des violations du droit d’auteur les cas ci-après de reproduction, par une bibliothèque, un musée ou un service d’archives […] d’une œuvre […] en vue de la gestion ou de la conservation de leurs collections permanentes […]

a) reproduction dans les cas où l’original, qui est rare ou non publié, se détériore, s’est abîmé ou a été perdu ou risque de se détériorer, de s’abîmer ou d’être perdu;

b) reproduction, pour consultation sur place, dans les cas où l’original ne peut être regardé, écouté ou manipulé en raison de son état, ou doit être conservé dans des conditions atmosphériques particulières;

c) reproduction sur un autre support, le support original étant désuet ou faisant appel à une technique non disponible;

[...]

(2) Les alinéas (1)a) à c) ne s’appliquent pas si des exemplaires de l’œuvre ou de l’autre objet du droit d’auteur sont accessibles sur le marché et sont sur un support et d’une qualité appropriés aux fins visées au paragraphe (1).

[...]

32(1) Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait pour une personne agissant à la demande d’une personne ayant une déficience perceptuelle, ou pour un organisme sans but lucratif agissant dans l’intérêt de cette dernière, de se livrer à l’une des activités suivantes :

a) la production d’un exemplaire ou d’un enregistrement sonore d’une œuvre littéraire, dramatique – sauf cinématographique –, musicale ou artistique sur un support destiné aux personnes ayant une déficience perceptuelle;

b) la traduction, l’adaptation ou la reproduction en langage gestuel d’une œuvre littéraire ou dramatique – sauf cinématographique – fixée sur un support pouvant servir aux personnes ayant une déficience perceptuelle;

c) l’exécution en public en langage gestuel d’une œuvre littéraire, dramatique – sauf cinématographique – ou l’exécution en public d’une telle œuvre fixée sur un support pouvant servir aux personnes ayant une déficience perceptuelle.

[...]

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si l’œuvre ou l’enregistrement sonore de l’œuvre est accessible sur le marché sur un tel support, selon l’alinéa a) de la définition « accessible sur le marché ».

[17] Pour les motifs qui suivent, nous concluons que si le tarif autorise un établissement à copier une œuvre sur le support qui sera utilisé pour faire passer un examen ou un contrôle, cette œuvre est accessible « sur un support approprié, aux fins visées » dans le cadre de cet examen ou ce contrôle.

[18] Pour que la réserve prévue au paragraphe 29.4(3) s’applique à l’égard d’un examen ou d’un contrôle, l’œuvre doit être (i) accessible sur le marché et (ii) sur un support approprié aux fins de cet examen ou contrôle.

[19] L’alinéa a) de la définition « accessible sur le marché » prévoit qu’une œuvre est ainsi accessible s’il est possible de se la procurer au Canada, à certaines conditions (prix, délai et effort raisonnables). L’alinéa b) de la définition prévoit par ailleurs qu’une œuvre est également accessible sur le marché s’il est possible d’obtenir, aux mêmes conditions, une licence octroyée par une société de gestion.

[20] Pour les besoins de la présente instance, les parties s’entendent pour dire que si une œuvre peut être copiée en vertu du tarif Access, elle est accessible sur le marché.

[21] L’expression « accessible sur le marché » figure dans seulement trois dispositions de la Loi, telle qu’elle existait avant le 7 novembre 2012 : les paragraphes 29.4(3), 30.1(2) et 32(3). Chacun de ces paragraphes crée une réserve à l’intérieur d’une disposition qui par ailleurs crée une exception précise.

[22] La réserve prévue au paragraphe 32(3) ne s’applique que si l’œuvre « est accessible sur le marché [...] selon l’alinéa a) de la définition “accessible sur le marché” ». Le paragraphe 32(3) prévoit donc expressément que la possibilité d’obtenir une licence d’une société de gestion ne peut déclencher l’application de la réserve; ce que ne font pas les paragraphes 29.4(3) et 30.1(2).

[23] Au paragraphe 29.4(3), la réserve s’applique si l’œuvre est « [accessible] sur le marché et [est] sur un support approprié » aux fins visées. Au paragraphe 30.1(2), la réserve s’applique si l’œuvre est « [accessible] sur le marché et [est] sur un support et d’une qualité appropriés » aux fins visées. Dans la mesure où les passages pertinents de ces deux paragraphes sont identiques, ils doivent être interprétés de la même façon.

[24] Interpréter le paragraphe 29.4(3) (et donc, par extension, le paragraphe 30.1(2)) comme le proposent les opposants rendrait superflu l’alinéa b) de la définition « accessible sur le marché ». Les opposants en conviennent d’ailleurs, en affirmant que [TRADUCTION] « l’autorisation de transférer une œuvre sur un support particulier ne rend tout simplement pas l’œuvre accessible sur le marché sur ce support » et qu’« une licence ne rend pas l’œuvre accessible sur un support quel qu’il soit. » [6] Cette thèse est insoutenable. Si une licence ne rend pas l’œuvre accessible sur aucun support, la condition relative au « support approprié » ne pourra jamais être remplie par la disponibilité d’une licence au sens de l’alinéa b). Une œuvre à l’égard de laquelle on peut obtenir une licence d’une société de gestion (et donc, par conséquent, accessible sur le marché conformément à l’alinéa b) de la définition) ne déclenchera jamais l’application de la réserve des paragraphes 29.4(3) ou 30.1(2) même si elle est, pour la raison même qu’une licence peut être obtenue, accessible sur le marché, et ce, malgré que la définition entre en jeu uniquement dans ces deux dispositions qui, toutes deux, créent une réserve. L’alinéa b) serait inutile. La seule façon d’éviter cette absurdité est de conclure que si une œuvre est accessible sur le marché parce qu’il est possible d’obtenir une licence, cette œuvre doit nécessairement être, parfois (mais pas toujours), sur un support approprié en raison justement de la disponibilité de la licence.

[25] Access soutient qu’une licence permettant de copier une œuvre sur un support rend l’œuvre accessible sur ce support. Cette interprétation ne mène pas à des résultats absurdes; au contraire, c’est la seule qui donne un sens à l’alinéa b) de la définition « accessible sur le marché ».

[26] Une œuvre pour laquelle une licence peut être octroyée par une société de gestion est accessible sur un support approprié si, et seulement si, la licence autorise l’établissement ou l’enseignant à utiliser (copier, exécuter, communiquer) l’œuvre sur le support qui est approprié à l’examen ou au contrôle en question. Une licence permettant de copier une œuvre littéraire rend l’œuvre accessible sur un support approprié si elle permet à l’enseignant de copier l’œuvre sur le support que ce dernier a l’intention d’utiliser durant l’examen ou le contrôle. Une licence qui autorise uniquement des copies numériques entraînera l’application de la réserve si les examens se déroulent sur un support numérique, mais non si les examens s’effectueront à partir d’une copie papier. Une licence pour exécuter une œuvre ne rend pas l’œuvre accessible sur un support approprié si l’enseignant souhaite que l’étudiant déchiffre la partition; par contre, elle rend l’œuvre accessible si l’enseignant souhaite que l’étudiant écoute une prestation enregistrée de l’œuvre avant de la critiquer.

[27] Appliquer la même règle à la réserve prévue au paragraphe 30.1(2) conduit également à des résultats logiques. Une licence qui autorise une bibliothèque à faire une copie d’une partition (mais pas d’un enregistrement sonore d’une chanson) ne déclenche pas l’application de la réserve si la bibliothèque veut permettre aux usagés d’écouter un enregistrement de la chanson. Une licence qui autorise une bibliothèque à reproduire un enregistrement sonore (mais pas une partition) ne déclenche pas l’application de la réserve si la bibliothèque veut exposer une transcription de la partition.

[28] Cette interprétation est également valide si une œuvre est vendue sur un certain support et accessible grâce à une licence sur un autre support. Par exemple, si un examen est vendu en format papier et qu’un établissement souhaite faire passer l’examen sur support numérique, il peut se prévaloir de l’exception prévue au paragraphe 29.4(2) à moins qu’une société de gestion offre également une licence permettant à l’établissement de faire passer l’examen sur support numérique.

[29] Une modification à la Loi, entrée en vigueur le 7 novembre 2012, confirme notre interprétation. Depuis cette date, le paragraphe 29.4(3) se lit comme suit :

(3) Sauf cas de reproduction manuscrite, les exceptions prévues aux paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas si l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur sont accessibles sur le marché – au sens de l’alinéa a) de la définition de ce terme à l’article 2 – sur un support approprié, aux fins visées par ces dispositions. [non souligné dans le texte original]

[30] Comme c’est le cas pour le paragraphe 32(1) depuis 1997, la réserve prévue au paragraphe 29.4(3) ne s’applique désormais que si l’œuvre est accessible sur le marché au sens de l’alinéa a) de la définition. Depuis lors, la disponibilité d’une licence ne déclenche plus l’application de la réserve. Si on donnait à la Loi, telle qu’elle existait avant cette modification, l’interprétation proposée par les opposants, il aurait été inutile de la modifier.

[31] Par conséquent, nous concluons qu’une licence permettant de copier une œuvre sur un support rend l’œuvre accessible sur ce support; si le support sur lequel l’œuvre peut être copiée est approprié aux fins de l’examen ou du contrôle, l’œuvre pour laquelle il est possible d’obtenir une licence est également accessible sur un support approprié aux fins de l’examen ou du contrôle.

[32] Il ne nous reste qu’à appliquer ce principe aux faits de l’espèce. Les parties ont convenu que les copies désignées comme des copies d’examen durant l’enquête de volume doivent être considérées comme telles. Toutes les copies d’examen identifiées durant l’enquête de volume et comprises dans le calcul des redevances ont été effectuées sur un support dont l’utilisation est autorisée par le tarif Access. Le support sur lequel les copies d’examen ont été effectuées était nécessairement approprié, puisque chaque établissement ou enseignant a choisi (ou était tenu) d’utiliser ce support pour l’examen ou le contrôle visé. Les conditions d’application de la réserve ont été remplies.

[33] Deux autres points doivent être abordés.

[34] L’interprétation que doit recevoir la conclusion de la Cour d’appel fédérale selon laquelle les mots anglais « format » et « medium » [support] n’ont pas la même signification dans la Loi a suscité un certain débat. La Loi foisonne de termes et de formulations prêtant à confusion ou contradictoires. Il pourrait s’avérer nécessaire à l’avenir de scruter attentivement l’interprétation de la Cour, cette interprétation risquant d’avoir des incidences inattendues quand viendra le temps d’interpréter d’autres dispositions. Il n’est toutefois par nécessaire d’analyser cette partie des motifs de la Cour pour se conformer à l’ordonnance de renvoi.

[35] On a attaché beaucoup d’importance à l’analyse de la Cour portant sur la question de savoir si, s’agissant d’un livre reproduit, le livre et la copie sont sur le même support. La Cour s’est penchée sur la question dans un passage qui nous semble sibyllin :

[56] Accepter en bloc l’un ou l’autre de ces points de vue conduirait à des conséquences absurdes. Si une photocopie se trouve toujours sur le même « medium » qu’un livre, les écoles devraient payer pour obtenir une licence chaque fois qu’un enseignant souhaite photocopier une citation de trois lignes tirée d’un ouvrage de 800 pages. En revanche, aux termes de l’alinéa 29.4(1)a), si ce même enseignant veut plutôt écrire la citation au tableau, l’école n’aura pas à acquérir de licence. Par contre, si la photocopie et le livre sont toujours des « media » différents, le même enseignant peut photocopier les 799 premières pages d’un livre de 800 pages et bénéficier de l’exception. De toute évidence, pour savoir si les deux œuvres sont sur le même « medium », il faut tenir compte du contexte et des faits de l’espèce.

[36] D’une part, on comprend mal ce qui incommode la Cour dans le fait que la photocopie de quelques lignes mais non l’inscription de ces lignes au tableau puisse nécessiter une licence : après tout, c’est le législateur lui-même, en incluant les mots « Sauf cas de reproduction manuscrite » au paragraphe 29.4(3), qui crée la dichotomie. D’autre part, le raisonnement semble confondre les notions de support et d’utilisation d’une partie importante d’une œuvre. Il semble également sous-entendre que l’utilisation d’une partie très importante peut empêcher un établissement de se prévaloir du paragraphe 29.4(2). Pourtant, une utilisation d’une partie non importante n’est jamais protégée par le droit d’auteur; le paragraphe 29.4(2) n’entre tout simplement pas en jeu lorsque la partie utilisée n’est pas importante. En outre, rien dans la disposition n’indique que l’applicabilité de l’exception dépende, même un tant soit peu, de l’importance de la partie utilisée. En effet, certains types d’examens nécessitent absolument que l’œuvre au complet soit utilisée ou reproduite.

[37] Cela dit, les paragraphes 57, 69 et 70 de la décision semblent indiquer que le paragraphe 56 était simplement une remarque incidente.

[57] Je ne me prononce pas sur la question de savoir si les copies qui appartiennent à la catégorie 4 étaient effectivement accessibles sur un support [« medium » dans la version anglaise] approprié aux fins visées. Je me propose de démontrer seulement que les motifs de la Commission sont viciés parce qu’ils ne disent rien au sujet de la signification des mots « sur un support approprié aux fins visées » ou de l’application de cette signification aux faits de l’espèce.

[69] [...] en ce qui concerne l’exception prévue à l’article 29.4, la Commission n’a pas abordé une question qui était essentielle pour pouvoir trancher l’affaire dont elle était saisie. Elle devait définir l’expression « sur un support approprié aux fins visées » et appliquer cette définition aux faits de la présente affaire.

[70] Notre Cour pourrait entreprendre cette tâche. Il revient toutefois à la Commission d’interpréter en premier sa propre loi constitutive, qu’elle connaît bien, et de tirer les conclusions de fait qui s’imposent.

[38] Par conséquent, il est inutile de se pencher davantage sur la question.

D. Dispositions transitoires

[39] La présente décision fait en sorte que le titulaire de licence qui s’est conformé au tarif homologué le 27 juin 2009 a versé en trop 31,5 cents par élève ÉTP de 2005 à 2008 et 35 cents par élève ÉTP en 2009. L’article 15 du tarif de 2009 applique des facteurs d’intérêts à ce trop-payé. Par ailleurs, les opposants demandent le versement d’intérêts sur le trop-payé, au taux de un pour cent au-dessus du taux officiel d’escompte de la Banque du Canada. Access n’a pas commenté la question.

[40] Le montant versé au titre du facteur d’intérêts sur le trop-payé devrait être remboursé. Il en est de même des intérêts versés en application de l’article 9 du tarif sur ce trop-payé. Les opposants devraient aussi recevoir des intérêts de la date du trop-payé jusqu’à son remboursement. Cela dit, jusqu’au 30 avril 2013 (date à laquelle Access devrait effectuer le remboursement), le taux devrait être le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada (sans l’addition d’un pour cent que prévoit l’article 9 du tarif), soit le taux utilisé pour établir les facteurs d’intérêts prévus à l’article 15 du tarif de 2009. L’article 16 du tarif, que nous ajoutons, est rédigé à l’avenant.

[41] La présente décision fait aussi en sorte que le titulaire qui, conformément à l’article 70.18 de la Loi, a continué de se conformer au tarif homologué le 27 juin 2009 verse toujours 35 cents par élève ÉTP en trop depuis le 1er janvier 2010. Access doit aussi rembourser ce trop-payé, préférablement en même temps que le trop-payé pour 2005 à 2009. Sinon, les opposants pourront demander que la Commission ordonne à Access de s’exécuter en formulant une demande de décision provisoire en vertu de l’article 66.52 de la Loi. Il est préférable de décider de l’intérêt qui devrait ou non résulter du trop-payé depuis le 1er janvier 2010 dans la décision qui homologuera le tarif définitif pour la période pertinente.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005-2009 (26 juin 2009) décision de la Commission du droit d’auteur.

[2] Appelées « Copies multiples faites pour l’usage du copiste et copies uniques ou multiples faites pour un tiers sans sa demande

  1. aux fins d’étude privée et/ou de recherche et/ou de critique et/ou de compte rendu

  1. avec au moins une autre fin que celles donnant ouverture à l’exception relative à l’utilisation équitable

  1. uniquement aux fins d’étude privée et/ou de recherche et/ou de critique et/ou de compte rendu. » Ibid. tableau 1.

[3] L.R.C. ch. C-42.

[4] 2010 CAF 198. [Alberta (CAF)] La Cour a confondu les copies d’examen et les copies appartenant à la catégorie 4. Les parties et la Commission conviennent qu’il s’agit d’une erreur d’écriture, sans conséquence sur le reste de l’affaire.

[5] 2012 CSC 37. [Alberta (CSC)]

[6] Réponse des opposants, 26 octobre 2012 aux pp. 2 et 7. (souligné dans l’original)

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