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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2013-05-29

Référence

Dossier : Reproduction par reprographie, 2010-2015

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 66.51

Commissaires

L’honorable William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projets de tarif examinés

Établissements d’enseignement – 2010-2015

Tarif des redevances à percevoir par Access copyright pour la reproduction, au Canada, d’œuvres de son répertoire

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le 31 mars 2009 et le 30 mars 2012, conformément au paragraphe 70.13(1) de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la « Loi »), Access Copyright (Access) déposait des projets de tarifs de redevances qu’elle propose de percevoir, pour la reproduction, au Canada, d’œuvres de son répertoire par des établissements d’enseignement et par des personnes agissant pour leur compte pour 2010 à 2012 et pour 2013 à 2015. Les projets ont été publiés dans la Gazette du Canada comme le prévoit la Loi. Les utilisateurs éventuels et leurs représentants ont été avisés de leur droit de s’y opposer. Les ministères de l’Éducation des douze provinces et territoires canadiens hors Québec ainsi que chacune des commissions scolaires de l’Ontario (les « Opposants ») ont exercé ce droit.

[2] Le 18 janvier 2013, après une longue saga judiciaire, [2] la Commission homologuait le Tarif Access Copyright pour les écoles élémentaires et secondaires, 2005-2009. Ce tarif en remplaçait un autre, homologué le 26 juin 2009 pour les mêmes années. Comme le prévoit l’article 70.18 de la Loi, le tarif homologué en 2009 avait continué de s’appliquer à titre provisoire à partir du 1er janvier 2010. Depuis le 18 janvier 2013, et comme le prévoit cette même disposition, c’est le tarif homologué en 2013 qui s’applique à titre provisoire.

[3] Tôt en décembre 2012, la procureure des Opposants avisait Access qu’ils cesseraient de verser des redevances en vertu du tarif à partir du 1er janvier 2013, au motif qu’aucun d’entre eux n’agirait en vertu du tarif à partir de cette date. À la date du dépôt de la demande sous examen, le 8 avril 2013, on pouvait s’attendre à ce que les Opposants n’effectuent pas le premier versement prévu au tarif homologué pour 2013, versement qui est payable le 30 avril 2013.

[4] La décision de ne plus verser de redevances en vertu du tarif implique l’une de deux choses à l’égard des quelque 200 millions de copies que la Commission avait conclu être indemnisables. Les enseignants ne font plus aucune de ces copies ou encore, ces copies ne nécessitent plus compensation, suite à des changements récents intervenus à la Loi ou à des décisions récentes de la Cour suprême du Canada, ou encore parce que les copies indemnisables sont autorisées par voie de licences obtenues autrement.

[5] La décision des Opposants de passer outre au tarif pourrait être fondée en partie sur les conclusions énoncées dans un document intitulé Le droit d’auteur... ça compte!, [3] dont l’une des procureurs des Opposants est co-auteure. En bref, le document soutient que tout ce que permet le tarif pour 2005-2009 constitue de l’utilisation équitable pour une fin énumérée. Cette opinion se fonde sur une interprétation de décisions de la Cour suprême du Canada qui n’a pas fait l’objet d’un examen devant un ressort compétent. Bien plus, la décision de la Cour dans l’affaire Alberta (CSC) [4] ne visait qu’un sous-ensemble modeste [5] de copies : les prétentions avancées par les Opposants dans le cadre du réexamen de l’affaire par la Commission tenaient clairement compte de ce fait.

[6] Le 8 avril 2013, conformément à l’article 66.51 de la Loi, Access demandait que la Commission rende une décision provisoire, sous la forme d’un tarif provisoire approuvé qui :

proroge le tarif pour 2005-2009 homologué en 2013 à partir du 1er janvier 2013 et jusqu’à ce que des tarifs définitifs soient homologués pour 2010 à 2015; réduit le taux homologué de 4,81 $ à 4,66 $ par élève équivalent temps plein, afin de tenir compte de modifications récemment apportées à l’article 29.4 de la Loi;

oblige les Opposants à se conformer à toutes les obligations qu’impose le tarif concernant la tenue de dossiers, les versements, la vérification et l’échantillonnage;

prévoit que les versements effectués en vertu du tarif provisoire le sont sous réserve : a) du droit d’Access d’exiger le versement de redevances additionnelles; b) du droit des Opposants d’exiger le remboursement de ces versements, selon le cas, une fois le tarif définitif homologué;

prévoit que les gestes posés en vertu du tarif provisoire ne limitent en rien les prétentions qui pourraient être mises de l’avant durant le processus menant au tarif homologué;

prévoit toute autre mesure qu’une partie pourrait rechercher par la suite et que la Commission, à sa discrétion, déciderait d’accorder.

[7] Access prétend avoir besoin d’une mesure provisoire pour contrer la décision des Opposants de cesser de verser des redevances. Access soutient que cette décision entraînera une réduction d’environ 45 pour cent de ses recettes et nuira sérieusement à sa capacité de remplir son mandat. Comme les audiences sur les projets de tarifs sont censées débuter le 29 avril 2014, Access ne s’attend pas à ce que le tarif définitif soit homologué avant le troisième trimestre de 2014 au plus tôt. Entre-temps, Access subira les effets néfastes découlant de la décision des Opposants de ne plus payer de redevances.

[8] Access soutient que le tarif provisoire permettra de maintenir un rapport qui existe depuis presque 20 ans et le statu quo financier qui était en place entre les parties jusqu’à la fin décembre 2012. Il procurera à tous continuité et certitude. La prise du tarif provisoire demandé n’aura pas d’effets néfastes pour les Opposants. Ceux qui n’ont pas besoin de licence d’Access n’auront rien à payer. Les autres disposeront d’un moyen leur permettant d’obtenir la licence nécessaire. Quant à ceux qui ont besoin d’une licence mais qui décident de s’en passer, le tarif provisoire permettra à Access de se prévaloir des mécanismes d’exécution que prévoit la Loi.

[9] Access soutient que si l’article 70.18 de la Loi permet le versement et la perception volontaire de redevances en vertu du tarif pour 2005-2009, il ne permet pas expressément à Access d’exiger le versement de redevances impayées devant un tribunal compétent avant l’homologation d’un tarif définitif. Ce recours est prévu expressément uniquement au paragraphe 68.2(1) et ce, uniquement durant la période mentionnée au tarif homologué (en l’espèce, jusqu’à la fin de 2009). Access soutient qu’un tarif dont l’effet est prolongé par l’article 70.18 n’est pas assujetti au paragraphe 68.2(1), mais qu’un tarif provisoire émis par la Commission le serait.

[10] Access conclut que l’existence d’un débat sur le sens de l’article 70.18 de la Loi suffit en soi à créer un vide juridique justifiant l’adoption d’un tarif provisoire. En plus, le fait que, sans l’adoption d’un tarif, le seul moyen dont dispose le titulaire de droits soit de former un recours en contrefaçon suffit en soi à justifier l’adoption d’un tarif provisoire.

[11] Les Opposants s’opposent à la demande. Ils conviennent que la Commission peut y faire droit, mais soutiennent que les principes que la Commission invoque couramment pour disposer d’une telle demande ne sont tout simplement pas réunis. Les Opposants contestent l’interprétation d’Access de l’article 70.18 de la Loi. Par l’effet de cette disposition, le tarif pour 2005-2009 continue de s’appliquer à titre provisoire; si rien ne change, il en sera ainsi jusqu’à ce que la Commission homologue le tarif définitif pour la période pertinente. Access semble croire qu’une décision provisoire pourrait amener les Opposants à changer de point de vue quant à leur besoin d’invoquer le tarif ou que la prorogation à titre provisoire du tarif en vertu de l’article 70.18 la prive de recours efficaces, alors qu’un tarif provisoire approuvé lui garantirait de tels recours. De l’avis des Opposants, cela est faux et, par conséquent, la demande est complètement inutile. Par ailleurs, le fait qu’Access s’attende à ne pas recevoir le versement de redevances le 30 avril 2013 est pure spéculation, puisque cette date n’est toujours pas arrivée.

[12] Les Opposants n’ont pas commenté la réduction de redevances qu’Access propose afin de tenir compte de modifications récemment apportées à l’article 29.4 de la Loi.

[13] Le 7 mai 2013, Access confirmait n’avoir rien reçu, la veille ou avant, de quelque établissement d’enseignement que ce soit au titre du versement payable le 30 avril 2013 en vertu du tarif pour 2005-2009, contrairement aux 82 commissions scolaires de l’Ontario et 11 ministères de l’éducation (excluant l’Ontario et le Québec) pour le compte desquels elle avait reçu le versement payable le 30 avril 2012 en vertu de ce même tarif à la même date l’année dernière. Ces chiffres ont été communiqués aux Opposants, qui ne les ont pas commentés.

[14] Nous partageons le point de vue des Opposants voulant qu’une demande visant uniquement à garantir à Access des recours dont elle ne dispose pas en ce moment serait inutile. Nous sommes aussi d’avis que les mesures et déclarations ancillaires recherchées sont redondantes. Une déclaration de la Commission selon laquelle l’utilisateur assujetti à un tarif doit se conformer à ses modalités, que les versements provisoires peuvent être modifiés dans la décision finale, ou encore que la partie qui se conforme à un tarif provisoire n’est pas empêchée de défendre un point de vue incompatible avec ce tarif n’ajouterait rien.

[15] Il ne reste qu’un seul motif justifiant d’adopter un nouveau tarif provisoire. Suite aux modifications récemment apportées à l’article 29.4 de la Loi, les copies d’examen qui étaient indemnisables du seul fait qu’Access offrait une licence ne le sont plus. Le dossier de l’affaire ayant mené à l’homologation du tarif pour 2005-2009 démontre qu’environ 15 cents du taux de 4,81 $ était attribuable à ces copies. [6] Access propose de ne plus percevoir ces 15 cents. Il s’agit précisément du type de changement au statu quo dont il y a lieu de rendre compte au moyen d’une décision provisoire. Un tarif provisoire était nécessaire dans Décision provisoire – SOCAN-SCGDV - Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 [7] pour ajuster le taux de redevances pour rendre compte de décisions de justice récentes; un tarif provisoire ajustant le taux de redevances prévu au tarif pour 2005-2009 est nécessaire pour tenir compte du changement législatif précité.

A. DÉCISION

[16] La demande de décision provisoire est accueillie pour partie. Le Tarif Access Copyright pour les écoles élémentaires et secondaires, 2005-2009 est prorogé à titre de tarif provisoire à partir du 1er janvier 2013, sous réserve de ce qui suit.

[17] Le titre du tarif provisoire se lit comme suit :

TARIF PROVISOIRE DES REDEVANCES À PERCEVOIR PAR ACCESS COPYRIGHT POUR LA REPROGRAPHIE PAR REPRODUCTION, AU CANADA, D’ŒUVRES DE SON RÉPERTOIRE Établissements d’enseignement (2013-2015)

[18] L’article 1 du tarif provisoire se lit comme suit :

  1. Tarif provisoire Access Copyright pour les écoles élémentaires et secondaires, 2013-2015.

[19] Le paragraphe 7(1) du tarif est modifié en remplaçant « 4,81 » par « 4,66 ».

[20] Les articles 15 et 16 sont omis du tarif provisoire.

[21] Access verra à faire parvenir par la poste ou par courriel, à quiconque a versé des redevances en vertu du Tarif Access Copyright pour les écoles élémentaires et secondaires, 2005-2009, copie de la présente décision au plus tard le 28 juin 2013.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] L.R.C. ch. C-42.

[2] Le 26 juin 2009, la Commission établissait le tarif à 5,16 $ par élève équivalent temps plein (ETP) : Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005-2009 (26 juin 2009) décision de la Commission du droit d’auteur. [Access – maternelle-12e année (2009)]

Le 23 juillet 2010, la Cour d’appel fédérale renvoyait la décision à la Commission pour décider si certaines copies faites aux fins d’examens et de tests étaient non-indemnisables en vertu de l’article 29.4 de la Loi : Alberta (Éducation) c. Access Copyright 2010 CAF 199. La Commission a conclu que ces copies devaient être rémunérées, laissant le tarif tel quel à cet égard : Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005-2009 – Réexamen (18 janvier 2013) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 32. [Access – maternelle-12e année (2013)]

Le 12 juillet 2012, la Cour suprême du Canada a conclu que la Commission avait mal appliqué le principe de l’utilisation équitable à certaines copies et lui a renvoyé l’affaire pour qu’elle l’examine à nouveau : Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) 2012 CSC 37. [Alberta (CSC)] Conséquemment, la Commission a réduit l’ÉTP de 5,16 $ à 4,81 $ : Access – maternelle-12e année (2013) aux paras. 5 à 7.

[3] Wanda Noel et Jordan Snell, Le droit d’auteur... ça compte! (3e éd.) 2012, Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), Association canadienne des commissions/conseils scolaires, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, 22 pp.

[4] Supra note 2.

[5] 7 pour cent, tant en valeur [(5,16 - 4,81) ÷ 5,16 : supra note 2] qu’en nombre de copies [16 861 583 ÷ 246 001 462 : voir Access – maternelle-12e année (2009), supra note 2, tableaux 1 et 2].

[6] 6 995 451 pages photocopiées d’examens du ministère ÷ 246 001 462 pages photocopiées donnant droit à rémunération × 5,16 = 15 ¢ (taux ÉTP homologué en 2009) : voir Access – maternelle-12e année (2009), supra note 2, tableau 2.

[7] (24 novembre 2006) décision de la Commission du droit d’auteur.

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