Décisions

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2017-12-01

Citation

Dossier CB-CDA 2017-148

Régime

Copie pour usage privé

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 83(8)

Commissaires

L’honorable Robert A. Blair

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Tarif des redevances à percevoir par la scpcp en 2018 et 2019 sur la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le 29 mars 2017, la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) a déposé auprès de la Commission un projet de tarif des redevances à percevoir en 2018 et en 2019 sur la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent (« copie privée »), conformément à l’article 83 de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »). [1] Le projet de tarif vise les disques compacts enregistrables (CD-R, CD-RW, CD-R Audio, CD-RW Audio; collectivement, les « CD vierges »). Le projet de tarif fixe la redevance à 29 ¢ par CD.

[2] La Commission a publié le projet de tarif dans la Gazette du Canada le 20 mai 2017. Le 17 juin 2017, M. Sean Maguire a déposé une opposition à ce projet de tarif. Aucune autre opposition n’a été déposée avant la fin de la période d’opposition, le 12 juillet 2017.

[3] Le 8 août 2017, la Commission a établi un calendrier des procédures prévoyant le dépôt de la preuve de la SCPCP, le dépôt de la preuve de M. Maguire et le dépôt de la réplique de la SCPCP. [2] La Commission ne prévoyait pas alors tenir d’audience. Dans la preuve principale déposée par la SCPCP, celle-ci a confirmé que M. Maguire et elle étaient d’accord pour procéder par audience écrite. [3] Le 28 août, la Commission a fait parvenir des questions techniques à la SCPCP. Cette dernière a répondu aux questions, M. Maguire a réagi aux réponses de la SCPCP, qui a répliqué aux observations de M. Maguire. Enfin, la SCPCP a déposé une réplique à l’énoncé de cause de M. Maguire. Une fois la réplique de la SCPCP déposée, le 29 septembre 2017, le dossier a été jugé mis en état.

[4] La SCPCP est un organisme confédéral qui représente les auteurs-compositeurs, les artistes-interprètes, les éditeurs de musique et les maisons de disque par l’intermédiaire de ses quatre sociétés membres : l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux limitée (CMRRA), Ré:Sonne Société de gestion de la musique (Ré:Sonne), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC). La SCPCP perçoit et distribue les redevances pour la copie privée au nom de ses sociétés membres et a été désignée comme organisme de perception par la Commission du droit d’auteur en application de l’alinéa 83(8)d) de la Loi. [4]

[5] M. Maguire est un particulier qui a déjà acheté des CD vierges. [5]

II. POSITION DES PARTIES

[6] La position de la SCPCP s’articule autour de deux points. Premièrement, selon une application prudente des principes guidant la Commission, les CD demeurent un support habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique. Deuxièmement, la valeur de la redevance pour la copie privée devrait rester à 29 ¢ par CD vierge; il s’agit d’une valeur juste et équitable.

[7] M. Maguire fait aussi valoir deux points. Premièrement, il soutient que la Commission devrait revoir sa définition de l’expression « habituellement utilisé »; il s’ensuit que la nouvelle définition de l’expression « habituellement utilisé » ne s’appliquerait plus nécessairement aux CD vierges étant donné leur utilisation actuelle. Deuxièmement, M. Maguire soutient que si les coûts d’administration du régime de copie privée (y compris les coûts pour la SCPCP, les payeurs de la redevance et la Commission) dépassent les revenus générés par la redevance, [TRADUCTION] « le maintien du tarif n’a alors aucun sens pratique ». [6]

III. PREUVE

A. SCPCP

[8] Mme Laurie Gelbloom, directrice des affaires juridiques de la SCPCP, a déposé un témoignage écrit [7] traitant de la gestion et du personnel de la SCPCP, de sa situation financière, de la distribution des redevances et de l’application du tarif.

[9] Mme Gelbloom a également présenté des données tirées d’une enquête de la SCPCP sur les prix de détail des CD vierges. L’enquête a été menée annuellement de 2009 à 2017 et surveille le prix des CD vendus à l’unité, en tours de 50 CD et en tours de 100 CD. De 2009 à 2012, les prix ont été relevés deux à trois fois par année dans six villes canadiennes. La fréquence de la collecte de données et le nombre de villes ont été réduits à partir de 2012. En 2017, les prix n’ont été relevés qu’une seule fois, et uniquement dans des commerces de détail de Toronto. [8]

[10] M. Benoît Gauthier a déposé un rapport d’expert [9] actualisant le rapport déposé par Audley, Freeman et Gauthier en marge de Copie privée 2017. [10] Le rapport présente des données et en tire des projections dans l’objectif de déterminer si le CD continue d’être un support habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique.

[11] Les données du rapport sont tirées du sondage de veille musicale mené par M. Gauthier d’avril 2015 à mars 2016. Les projections sont fondées sur la technique 2 décrite dans la décision Copie privée 2015-2016. [11] La technique 1 ne fait pas réellement appel à l’interpolation; elle consiste plutôt à calculer le taux de croissance implicite à partir des valeurs connues au début et à la fin de la période, puis à extrapoler les données ultérieures selon ce taux de croissance. La technique 2 consiste à interpoler les données des années manquantes, puis à traiter ces données comme des observations réelles aux fins des projections. [12] Les projections sont fondées sur un taux de croissance constant.

[12] Selon les projections de M. Gauthier, 200,1 millions de pistes seront copiées sur des CD vierges en 2018, et 183,9 millions, en 2019. [13] La proportion de pistes copiées sur des CD parmi l’ensemble des pistes copiées, tous supports et appareils confondus, serait de 7 pour cent en 2018 et de 6,2 pour cent en 2019. [14] M. Gauthier prévoit que les particuliers achèteront 7,15 millions de CD vierges en 2018 et 5,7 millions en 2019. [15] Enfin, il estime que 33 pour cent des CD vierges seront utilisés pour copier de la musique, tant en 2018 qu’en 2019. [16]

[13] M. Gauthier analyse ensuite ces projections dans le contexte des décisions antérieures de la Commission. La projection de 200 millions de pistes copiées sur CD se compare à 26 millions de pistes copiées en 1999. La projection de 7 pour cent au titre des pistes copiées sur CD se compare à une proportion de 5 pour cent en 1999. En multipliant les données tirées de ses deux dernières projections, M. Gauthier estime le nombre de CD vierges qui seront achetés par des particuliers en vue de copier de la musique à 2,25 millions en 2018 et à 1,79 million en 2019. [17] En 1998, le nombre correspondant était de 1,05 million de CD vierges. Enfin, M. Gauthier rappelle que la Commission a déterminé en 2016 qu’une proportion de 33 pour cent de CD destinés à la copie de musique représentait une valeur importante. Par conséquent, il affirme que ses projections étayent la thèse selon laquelle les CD vierges continueront d’être habituellement utilisés pour copier de la musique en 2018 et en 2019. [18]

[14] M. Marcel Boyer a présenté un rapport d’expertise sur la valeur des redevances. [19] Après un résumé des décisions rendues par la Commission depuis Copie privée 2011, [20] qui ont toutes maintenu la redevance de 29 ¢ fixée en 2010, il aborde les enjeux économiques liés au cycle de vie des produits.

[15] Comme le souligne M. Boyer, la Commission prédit l’effondrement du marché des CD vierges depuis Copie privée 2011. Ces prévisions ne se sont pas avérées. Il semble plutôt que le marché se soit stabilisé en 2015-2016. [21] Par ailleurs, la Commission a généralement présumé que le prix d’un produit chute lorsqu’il se trouve en fin de cycle de vie; M. Boyer explique que ce n’est pas nécessairement vrai. Lorsqu’un vendeur cible un segment de marché particulier (une forme de différenciation des prix), il peut augmenter ses prix pour profiter d’un noyau irréductible de consommateurs dont la demande est relativement peu élastique. [22]

[16] M. Boyer fait référence à deux études pour étayer ses affirmations. Premièrement, Melser et Syed (2006) ont analysé le prix des ordinateurs et conclu que le prix des ordinateurs de bureau chutait à la fin de leur cycle de vie, alors que l’inverse était vrai dans le cas des ordinateurs portables. Deuxièmement, Baker et al. (2010) ont développé le concept de segment de marché irréductible et constaté que ces acheteurs pouvaient avoir à composer avec des coûts de conversion prohibitifs.

[17] M. Boyer conclut que rien n’indique, ni selon les données sur le cycle de vie ni selon la théorie économique, que la Commission devrait modifier la redevance de 29 ¢ fixée en 2010.

[18] Les réponses aux questions posées par la Commission ont été déposées au dossier sous les cotes CPCC-5 et CPCC-5A. Les réponses ont été fournies par diverses personnes, selon le rapport sur lequel portait la question de la Commission.

[19] Mme Gelbloom et M. Gauthier ont répondu à la question 1, portant sur l’enquête annuelle de la SCPCP sur les prix de détail. La réponse contient quatre tableaux donnant des détails additionnels à propos de l’enquête sur les prix. Plus particulièrement, elle présente des données du mois de juin de l’année pertinente pour la région du Grand Toronto, ce qui permet de faire des comparaisons dans le temps. La réponse donne également plusieurs mesures de l’exactitude et de la précision des données.

[20] M. Gauthier et la SCPCP elle-même ont répondu à la question 2, qui porte sur le sondage de veille musicale. Selon eux, les achats de CD vierges servant à copier de la musique suivent un schéma saisonnier clair : le pic de copies et d’achats est atteint en fin d’année, et le creux, en été. La SCPCP a aussi indiqué qu’elle ne prévoyait pas refaire le sondage de veille musicale en raison des coûts.

[21] M. Boyer a répondu à la question 3, qui porte sur la théorie du cycle de vie. Il met en parallèle la fidélité à la marque affichée par les acheteurs d’ordinateurs Apple et la fidélité au format affichée par les acheteurs de CD vierges. Selon l’analyse de la stratégie de prix d’Apple faite par Copeland et Shapiro (2016), il n’est pas anormal que le prix des CD vierges soit relativement stable d’année en année.

[22] M. Boyer a aussi évoqué le concept de destruction créatrice. [23] En général, la destruction créatrice a pour effet de réduire le cycle de vie des produits technologiques. Cet effet a probablement joué un rôle dans le cas des CD vierges. Toutefois, les données montrent que le cycle de vie n’est pas terminé. En outre, les principaux dégâts ont déjà été faits : les acheteurs restants sont entêtés dans leur fidélité à la technologie du CD.

[23] La pièce CPCC-6 contient la réponse de la SCPCP à la pièce Maguire-2. La SCPCP fait trois observations. Premièrement, bien que M. Maguire prétend que les données de l’enquête soient trop anciennes pour être fiables, elles satisfont aux normes énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Mattel, [24] comme l’a souligné la Commission dans la décision Copie privée 2005-2007. [25] Deuxièmement, M. Maguire se méprend sur l’objet des données de l’enquête sur le prix de détail : il semble croire qu’elles ont servi à établir que les CD sont un support habituellement utilisé aux fins de copie privée, alors qu’elles ont plutôt servi à montrer que le prix de détail des CD est stable. Finalement, M. Maguire attire l’attention sur les renseignements financiers de la SCPCP et se demande s’il est encore utile de percevoir la redevance. Or, la SCPCP affirme qu’elle n’aurait pas présenté de projet de tarif pour 2018 et 2019 si elle ne pensait pas que les revenus tirés seraient supérieurs aux coûts.

[24] Enfin, la pièce CPCC-7 contient la réplique de la SCPCP à l’énoncé de cause de M. Maguire. La SCPCP réfute les arguments de M. Maguire (présentés ci-dessous) en ce qui a trait à l’expression « habituellement utilisé » en se fondant sur les décisions de la Commission. La SCPCP s’oppose à l’argument de M. Maguire selon lequel la Commission devrait tenir compte des coûts pour l’ensemble de la société, pour les trois raisons qui suivent. Premièrement, l’objectif du régime de copie privée est lié à l’intérêt public. Deuxièmement, la SCPCP n’est pas une entreprise privée visant à maximiser ses profits, mais un organisme à but non lucratif. Troisièmement, la Commission n’a pas compétence pour tenir compte des coûts pour l’ensemble de la société.

B. M. Maguire

[25] M. Maguire admet que si la Commission maintient sa norme à l’égard de l’expression « habituellement utilisé », les CD sont visés par la définition. Cependant, il fait valoir que la norme de la Commission constitue un [TRADUCTION] « seuil bas ». [26]

[26] Selon M. Maguire, la SCPCP doit indiquer quelles sont les données nouvelles en l’espèce. Il s’ensuit que l’absence de nouvelles données constituerait un élément dont la Commission devrait tenir compte. Dans sa réplique aux pièces CPCC-5 et CPCC-5A, M. Maguire insiste sur ce point. Il relève que la SCPCP ne fait plus qu’une seule enquête sur les prix de détail et n’a pas réalisé de sondage de veille musicale en 2016-2017. Selon lui, la Commission n’a peut-être pas suffisamment de données récentes pour prouver que les CD vierges sont un support « habituellement utilisé ». Sans en faire mention, les arguments de M. Maguire reposent intrinsèquement sur les considérations liées au fardeau de la preuve.

[27] M. Maguire a déposé au dossier des données tirées du site de la SCPCP sur ses revenus et ses dépenses. Il en conclut que les dépenses de la SCPCP représentent environ 1 million de dollars par année et sont relativement fixes, alors que ses revenus sont en chute constante depuis plusieurs années; il y aurait donc une augmentation du rapport entre les dépenses de la SCPCP et ses revenus. En s’appuyant sur ces données, M. Maguire s’interroge sur la possibilité que l’application du régime de copie privée n’ait plus de [TRADUCTION] « sens pratique », en particulier lorsque sont pris en considération les frais pour les autres parties, comme la Commission, de même que les fabricants et les importateurs de CD vierges.

IV. QUESTION DE DROIT : « HABITUELLEMENT UTILISÉ »

[28] M. Maguire soulève la question de l’expression « habituellement utilisé ». Le seuil de la Commission est-il trop bas? La définition de l’expression « habituellement utilisé » adoptée par la Commission dans ses décisions antérieures est-elle toujours pertinente?

[29] La Commission s’est penchée pour la première fois sur l’expression « habituellement utilisé » dans la décision Copie privée 1999-2000. [27] Elle y expliquait que l’expression couvrait tous les emplois non négligeables pour autant qu’ils soient faits par plus qu’une poignée d’excentriques. La Canadian Storage Media Alliance (CSMA) défendait une autre définition de l’expression « habituellement utilisé », [28] mais la Cour chargée du contrôle judiciaire de la décision de la Commission a conclu que la décision n’était pas manifestement déraisonnable. [29]

[30] Plus loin dans sa décision, la Commission mentionne « la norme du caractère habituel ». [30] Elle revient ensuite sur ce critère dans la décision Copie privée 2003-2004, [31] où elle explique qu’elle ne considère pas que ce critère soit trop bas. Dans la décision Copie privée 2010, la Commission utilise le terme « critère de l’utilisation habituelle ». [32]

[31] L’approche de la Commission a toujours été fondée sur les données; c’est à partir des renseignements présentés par la SCPCP à chaque instance que la Commission détermine si chaque support est « habituellement utilisé ». Les données sont comparées avec des données pertinentes sur d’autres supports pour lesquels la Commission a déjà homologué ou refusé d’homologuer un tarif pour la copie privée. Peu importe le support, la comparaison porte sur un ensemble de variables pertinentes, comme le nombre de pistes musicales copiées sur des CD ou le nombre de CD vierges achetés pour copier de la musique. Bien sûr, la nature des variables pertinentes de même que celle des données qui sont comparées peuvent changer d’une instance à l’autre. L’important est qu’il revient à la SCPCP de présenter des données qui montrent que le support pour lequel elle demande un tarif est « habituellement utilisé ».

[32] M. Maguire propose que la Commission revoie la définition de l’expression « habituellement utilisé ». Dans l’arrêt AVS, la Cour d’appel fédérale a jugé que cette question relevait de l’interprétation des lois. En l’occurrence, elle a confirmé que la méthode utilisée par la Commission pour interpréter l’expression « habituellement utilisé » dans Copie privée 1999-2000 n’était pas manifestement déraisonnable. Bien que la Commission ne soit pas liée par ses décisions antérieures, M. Maguire n’a présenté aucune autre définition que la Commission puisse analyser.

[33] Nous jugeons encore une fois que la méthode employée par la Commission à l’égard de l’expression « habituellement utilisé », telle qu’expliquée dans la décision Copie privée 1999-2000, convient aux circonstances actuelles.

[34] La méthode peut se résumer comme suit. Pour commencer, la définition met l’accent sur la régularité plutôt que la fréquence. [33] Ensuite, la définition vise les utilisations faites par les consommateurs, et non l’ensemble des utilisations. Pour finir, l’application de la définition peut être fondée sur des considérations quantitatives, mais ne doit pas obligatoirement reposer sur de telles considérations.

[35] La deuxième affirmation implicite de M. Maguire n’est pas aussi simple à écarter. Il est concevable que d’autres données soient plus pertinentes que celles qui sont actuellement utilisées. La Commission a jusqu’à maintenant mis l’accent sur des mesures absolues et relatives du nombre de copies privées. L’opposant aurait pu fournir d’autres mesures de cet ordre. L’observation de M. Maguire selon laquelle les données du sondage de veille musicale sont imparfaites n’est pas nécessairement sans mérite, mais en l’absence de données de remplacement, il est difficile de la mettre en pratique. Comme aucune autre mesure n’est avancée, nous nous abstenons de réinterpréter l’expression « habituellement utilisé ».

V. ANALYSE DE LA QUESTION DE SAVOIR SI LES EXIGENCES DE LA DÉFINITION SONT REMPLIES

A. Variables pertinentes

[36] Comme nous le mentionnons ci-dessus, deux types de données ont été recueillies sur le nombre de copies privées jusqu’à présent : des mesures absolues et des mesures relatives.

[37] Le nombre de pistes copiées sur des CD par des particuliers est une mesure absolue, tout comme le nombre de CD vierges achetés par des particuliers en vue de copier de la musique. Par contre, la proportion des pistes copiées pour usage privé (par rapport au nombre total de pistes copiées sur tous les supports et tous les appareils) est une mesure relative, tout comme la proportion des CD qui sont achetés en vue de copier de la musique (par rapport au nombre total de CD achetés par des particuliers).

[38] Les mesures absolues ont l’avantage de ne pas exiger des données sur les supports non assujettis à la redevance. La nécessité d’examiner l’utilisation d’autres supports ou d’autres appareils en vue de déterminer si les CD sont visés par la définition crée un problème de cohérence. Les mesures relatives varient selon les supports et appareils qui sont pris en considération dans l’examen (par exemple ceux qui sont mentionnés dans les questions du sondage de veille musicale).

[39] Dans une perspective dynamique, cette réalité peut entraîner une iniquité. Supposons qu’il n’y ait aucun changement dans l’utilisation des CD aux fins de copie privée de la musique, mais que l’utilisation de supports non assujettis à des redevances augmente sensiblement sur une période de quelques années. Une mesure relative pourrait porter à croire que les CD ne sont plus visés, même s’il n’y a eu aucune diminution de leur utilisation aux fins de copie privée, ce qui nous semble inéquitable.

[40] Un exemple est la meilleure façon de mettre ce principe en lumière. À l’heure actuelle, environ 2,9 milliards de pistes sont copiées sur l’ensemble des supports et des appareils chaque année, dont environ 200 millions sont copiées sur des CD. Le reste, soit 2,7 milliards de pistes, est copié sur d’autres supports, comme les DVD, les cartes mémoires de toutes sortes, les enregistreurs audionumériques et les téléphones cellulaires.

[41] La SCPCP a déjà présenté des projets de tarifs visant les DVD, les cartes mémoires (ensuite restreint aux cartes microSD) et les enregistreurs audionumériques. La Commission n’a jamais considéré que les DVD satisfont au « critère de l’utilisation habituelle ». [34] Les cartes microSD ont été expressément exemptées du régime par règlement. [35] La Cour d’appel fédérale a déterminé que les enregistreurs audionumériques sont des appareils, pas des supports, et qu’ils ne peuvent donc répondre à la définition de support assujetti à la redevance. [36] La SCPCP n’a jamais présenté de projet de tarif visant les téléphones cellulaires.

[42] Le rapport de 200 millions sur 2,9 milliards équivaut à 6,9 pour cent. Cependant, si les pistes copiées sur la mémoire interne des téléphones portables, par exemple, étaient exclues du dénominateur, le rapport serait nettement plus élevé.

[43] La même réalité s’applique à la deuxième mesure relative. Les CD achetés par des particuliers peuvent être utilisés pour enregistrer des photos, des films, de la musique et d’autres types de contenu. Environ 33 pour cent des CD achetés par des particuliers servent à copier de la musique. Comme tous les contenus à l’exception de la musique sont exclus du régime, la mesure relative dépend fortement des données sur les types de fichiers qui ne sont pas assujettis à la redevance.

[44] Par le passé, la Commission n’a pas explicité cette distinction. Dans la décision Copie privée 2008-2009, la Commission a brièvement mentionné les supports non assujettis à la redevance.

Pour les mêmes motifs que par le passé, nous éliminons du calcul de la redevance les copies de téléchargements payés ou de pistes promotionnelles faites à partir d’Internet. Dans Copie privée IV, la Commission établissait à 6 pour cent la proportion de copies de téléchargements payés et à 3 pour cent celle des pistes promotionnelles. Cette fois-ci, la SCPCP propose 3 et 2 pour cent respectivement. Les pourcentages sont 3 et 3 pour cent si on considère uniquement les supports assujettis à la redevance. [37] [non souligné dans l’original]

[45] La dernière phrase de la citation fait référence à des renseignements présentés par la SCPCP en réponse à la question suivante posée par la Commission :

Le rapport Circum fait généralement état de l’activité de copie à usage personnel non seulement sur les supports déjà assujettis à une redevance (cassettes, CD et MiniDisc), mais aussi sur tous les autres supports (EAP, cartes mémoire amovibles et DVD).

Serait-il possible de recalculer pour 2006-2007, uniquement par rapport aux copies effectuées sur des supports assujettis à une redevance (cassettes, CD et MiniDisc) :

- les Tableaux 4.1, 4.3, 4.4, 4.5, 4.6, 4.10, 4.11, 4.12, 4.13; […] [38]

[46] Dans cette instance, la Commission n’a pas utilisé la version modifiée du tableau 4.10 pour déterminer si l’un des supports pour lesquels la SCPCP présentait un projet de tarif répondait à la définition. Cependant, en posant la question précitée, la Commission affichait sa volonté de faire la distinction entre les données se rapportant à l’ensemble des supports (et des appareils) et les données se rapportant aux supports assujettis à la redevance seulement.

[47] Il est encore plus pertinent de mettre l’accent sur les supports assujettis à la redevance aujourd’hui qu’en 2008-2009. Au début des années 2000, les supports assujettis à la redevance représentaient la quasi-totalité des éléments sur lesquels il était possible de faire des copies privées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, au contraire. Dans le contexte actuel, les mesures relatives rompent avec la manière dont la Commission conçoit la réalité de la copie privée, en raison des problèmes de cohérence et d’équité susmentionnés.

[48] Le problème fondamental que pose l’utilisation des mesures relatives découle du libellé de la Loi. La définition de support audio, selon laquelle la Commission doit déterminer si un support peut être assujetti à la redevance, est la suivante :

support audio Tout support audio habituellement utilisé par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores […] [39]

[49] Selon le sens ordinaire de cette disposition, la Commission doit se concentrer sur le support même. Si le support est habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique, le support est alors visé par la définition, peu importe la quantité de musique que les consommateurs copient sur des supports ou des appareils qui ne sont pas assujettis à la redevance.

B. Projections de la SCPCP

[50] Comme nous l’avons mentionné à la section précédente, nous n’examinerons que les mesures absolues du nombre de copies privées. Deux telles mesures sont disponibles. Premièrement, le nombre de pistes copiées sur des CD vierges. Deuxièmement, le nombre de CD vierges achetés par des particuliers en vue de copier de la musique. [40]

[51] Selon la projection de la SCPCP, le nombre de pistes copiées sur des CD vierges se situera à 200,1 millions en 2018 et à 183,9 millions en 2019. La SCPCP souligne que le seuil en ce qui concerne cette variable est à environ 26 millions de pistes. Elle utilise deux méthodes pour arriver à ce nombre. Premièrement, la SCPCP relève que la Commission a homologué un tarif pour les audiocassettes lorsque seulement 26,1 millions de pistes étaient copiées. [41] Deuxièmement, elle rappelle que la Commission a homologué un tarif pour les CD lorsqu’il y avait deux millions de copies. En 1999, la copie sur CD consistait à copier des données d’un CD à l’autre (les téléchargements numériques n’étaient pas encore commercialement offerts et il était relativement difficile de copier des données sur un CD depuis un autre support). En moyenne, les CD préenregistrés contenaient 13 pistes par CD. [42] Il s’ensuit que les 2 millions de copies représentaient 26 millions de pistes. [43]

[52] Nous sommes d’avis que le nombre projeté de pistes copiées pour 2018 et 2019 indique que les CD répondent à la définition.

[53] Pour ce qui est des CD vierges achetés par des particuliers en vue de copier de la musique, la projection de la SCPCP est de 2,25 millions pour 2018 et de 1,79 million pour 2019. [44] À titre de comparaison, à la lumière des calculs de la Commission dans la décision Copie privée 1999-2000, on peut déduire que les consommateurs avaient acheté au moins 1,05 million de CD vierges en 1998 en vue de copier de la musique. [45]

[54] Encore une fois, selon la projection du nombre de CD vierges achetés par des particuliers en vue de copier de la musique, les CD répondent à la définition.

[55] En fonction de ces projections, les CD sont visés par la définition de support habituellement utilisé pour copier de la musique.

C. Méthodologie des projections

[56] Dans la décision Copie privée 2015-2016, deux méthodes de projection ont été présentées à la Commission (voir la description ci-dessus). La Commission a mentionné « [que selon elle] la technique 2 est la plus appropriée. » [46] Il convient de souligner que la Commission n’a pas affirmé que la technique 2 était la meilleure technique.

[57] Le moment est venu de réexaminer la question de la méthode de projection, pour plusieurs raisons. D’abord, plusieurs années se sont écoulées depuis que la Commission a retenu la technique 2. Ensuite, les données réelles les plus récentes sont maintenant celles de 2015-2016, et non plus celles de 2013-2014.

[58] Pour la mise en application de la technique 2 dans l’instance, la SCPCP utilise des données à partir de 2006-2007. Cela pourrait poser problème. À partir de l’année en question, les données sur le nombre de pistes copiées sur des CD vierges sont non monotones. [47] Il est nettement plus difficile d’effectuer des projections chronologiques sur des données non monotones que sur des données monotones.

[59] Le caractère non monotone des données tient à une seule année, 2009-2010. Ainsi, le nombre de pistes copiées est en recul constant depuis 2006-2007, mais 294,5 millions de pistes ont été copiées en 2008-2009 contre 464,1 millions en 2009-2010. La SCPCP n’a pas donné d’explications pour cette année atypique.

[60] À notre avis, il suffit de tenir compte uniquement des données à partir de 2009-2010 pour résoudre ce problème. Le problème se pose également pour le nombre de CD vierges achetés par des consommateurs au cours de la période. Il nous semble donc pour le mieux de faire commencer toutes les prévisions en 2009-2010 à des fins d’uniformité.

[61] Tant la technique 1 que la technique 2 [48] utilisent le taux de variation des pourcentages pour remplacer les données manquantes. Cependant, ces techniques supposent que le taux de croissance reste constant. Un modèle de régression, par contre, permet de poser l’hypothèse d’une accélération ou d’un ralentissement du taux de croissance (c’est particulièrement vrai lorsque la ligne de la régression est courbée).

[62] Les modèles de régression permettent non seulement de faire des projections, mais donnent de plus des données diagnostiques permettant de déterminer la qualité de la projection. [49] Ils peuvent aussi servir à tester des hypothèses au sujet de la tendance qu’on cherche à modéliser (le cycle de vie du CD touche-t-il à sa fin ou l’utilisation des CD aux fins de copie privée est-elle en voie de se stabiliser).

[63] En ce qui concerne le nombre de pistes copiées, nous utiliserions la ligne courbe (qui correspond mieux aux données que la droite); en ce qui concerne le nombre de CD vierges achetés, nous utiliserions la ligne droite (la ligne courbe ne correspond aucunement aux données).

[64] Étant donné ces paramètres, les projections font état de 229,4 millions de pistes copiées sur des CD vierges en 2018, et de 194,3 millions de pistes en 2019. Pour ce qui est du nombre de CD vierges achetés en vue de copier de la musique, la projection donne 6,1 millions en 2018 et 4,13 millions en 2019.

[65] Selon ces projections ajustées, notre conclusion est la même que celle que nous aurions tirée selon les projections initiales de la SCPCP, c’est-à-dire que les CD répondent à la définition de support habituellement utilisé pour copier de la musique.

D. Qualité des données

[66] M. Maguire a soulevé la question de la qualité des données dans son énoncé de cause. [50] Il est revenu sur ce point dans sa réplique aux réponses de la SCPCP aux questions de la Commission. [51]

[67] La SCPCP, réagissant à cette réplique, [52] citait la décision Copie privée 2005-2007, où la Commission affirmait :

La SCPCP a présenté deux sondages. Le premier est la veille musicale. La SCPCP a produit son équivalent depuis les toutes premières audiences portant sur la copie privée. Le sondage ne possède aucune des caractéristiques qui amèneraient le tribunal à conclure qu’il devrait être exclu en se fondant sur l’arrêt Mattel. Le sondage a été organisé sous la direction d’un personnel expérimenté et a résisté au test de trois contre-interrogatoires. Il est bien conçu et administré de manière impartiale. Les questions qu’on y pose sont d’intérêt pour comprendre le marché de la copie privée au Canada; il en va de même de ses conclusions. Les résultats du sondage sont dans l’ensemble fiables et valables. [53]

[68] L’arrêt Mattel est un arrêt de la Cour suprême du Canada rendu en 2006. Il portait sur la probabilité de confusion entre une marque de commerce très connue et une autre marque. Devant le juge des requêtes, l’appelante avait cherché à produire un nouvel élément de preuve, à savoir un sondage d’opinion. Le juge Binnie a déclaré que le sondage ne répondait pas à la question en litige et n’était pas pertinent. Par ailleurs, il a rappelé que si le sondage avait posé une question pertinente, il aurait aussi eu à être fiable et valide. L’arrêt Mattel décrit donc les circonstances dans lesquelles les données tirées d’un sondage peuvent être reçues en preuve.

[69] La SCPCP soutient que [TRADUCTION] « [c]ette dernière édition du sondage de veille musicale a été menée selon les mêmes méthodes et avec le même soin que la Commission du droit d’auteur a jugés fiables et valables. » [54]

[70] Que la Commission ait conclu, dans la décision Copie privée 2005-2007, que le sondage de veille musicale avait donné des résultats fiables et valides ne signifie pas nécessairement que ce serait le cas dans toutes les instances futures portant sur la copie privée. Par exemple, l’évaluation de la fiabilité et de la validité d’un sondage exige l’examen de certains éléments qui peuvent avoir changé à l’occasion d’une nouvelle instance.

[71] Par ailleurs, et plus important encore, les résultats les plus récents du sondage de veille musicale portent sur l’utilisation de diverses technologies de copie privée au cours de l’année 2015-2016. Dans le cadre d’un tarif visant les années 2018 et 2019, nous estimons que ces résultats sont acceptables, mais peu souhaitables. De fait, les données ne sont pas aussi récentes qu’elles pourraient l’être. Cette situation est peut-être justifiée, mais il est néanmoins possible que ce ne soit plus le cas dans le cadre d’un tarif visant l’année 2020 et les années suivantes. Les questions portant sur certaines technologies de copie privée en 2015-2016 ne seront plus nécessairement pertinentes alors.

VI. CRITÈRE DU SENS PRATIQUE

[72] M. Maguire souligne que si les coûts liés au régime de copie privée dépassent les revenus que génère le régime, le maintien de la redevance n’a aucun sens pratique. La Commission a déjà appliqué une version du critère du sens pratique à une occasion. Dans la décision SCGDE 2013, la Commission fait la remarque suivante :

« [...] Les frais ont continué de dépasser les recettes, et les dettes ont toujours excédé de façon importante les sommes dont dispose la société de gestion. À ce jour, aucun montant n’a donc été distribué aux titulaires de droit. [...] [Le conseil d’administration de la] SCGDE [...] a [...] décidé de recommander [...] de procéder à la dissolution de la SCGDE et de radier les prêts [...] ainsi que les intérêts accumulés. » [55]

[73] Il convient de souligner que les deux situations ne sont en rien comparables. La SCGDE a demandé à la Commission, en l’absence d’opposants, de modifier son tarif en en supprimant les dernières années pour lui permettre de mettre fin à ses activités. En l’espèce, la SCPCP est en activité et continue de présenter des projets de tarifs; M. Maguire, en sa qualité d’opposant, demande à la Commission (de façon implicite) de refuser d’homologuer un tarif au motif que les coûts pourraient dépasser les revenus.

[74] Il convient également de souligner que M. Maguire s’appuie sur deux principes économiques classiques. D’abord, il souligne que si les coûts de la SCPCP dépassent ses revenus, il s’agirait d’une raison suffisante de ne pas homologuer un tarif. Ensuite, il tient compte de l’ensemble des coûts d’application du régime (y compris ceux de la SCPCP, des payeurs de la redevance et de la Commission). Si cette mesure étendue des coûts dépassait les revenus, ce serait une raison suffisante de ne pas homologuer un tarif.

[75] De fait, le premier principe correspond à l’efficience microéconomique, de nature privée. Le deuxième, à l’efficience macroéconomique.

[76] En réponse au premier principe, la SCPCP relève qu’elle n’est pas une entité qui cherche à maximiser ses profits. Elle est plutôt un organisme confédéral qui représente les auteurs-compositeurs, les artistes-interprètes, les éditeurs de musique et les maisons de disque par l’intermédiaire de ses sociétés membres, qui l’ont mandaté afin qu’elle perçoive et distribue les redevances pour la copie privée en leur nom. [56]

[77] À notre avis, le fait que la SCPCP maximise ou non ses profits n’est pas un élément pertinent. Aux prises avec des coûts fixes et des revenus en déclin, la SCPCP pourrait conclure qu’il ne vaut plus la peine de déposer un projet de tarif devant la Commission. Cependant, cette décision revient à la SCPCP et non pas à la Commission.

[78] En réponse au deuxième principe, la SCPCP fait valoir que la redevance pour la copie privée est d’intérêt public. [57] On présume qu’il faudrait en déduire que l’intérêt public prime sur les préoccupations liées à l’efficience macroéconomique.

[79] La Commission estime que ses propres coûts ne devraient pas être un facteur dans la décision d’homologuer un tarif ou non puisque cela mènerait à un résultat aberrant. Autrement, les tarifs non contestés seraient toujours homologués puisqu’ils entraînent des coûts faibles. Mais les tarifs les plus coûteux (p. ex. les tarifs importants et contestés par de multiples opposants, qui sont parfois renvoyés à la Commission après un contrôle judiciaire ou un appel) ne devraient pas être homologués.

VII. ANALYSE DE LA REDEVANCE

[80] Dans la décision Copie privée 2010, la Commission a fixé une redevance de 29 ¢ selon le modèle de Stohn-Audley. [58] Depuis, la Commission a rendu quatre décisions en matière de copie privée, chacune sans l’aide d’un modèle (ou d’un point de référence), chacune fixant la redevance à 29 ¢ (2011, 2012-2014, 2015-2016 et 2017).

[81] La justification est essentiellement la même pour chacune de ces quatre décisions. Comme l’a noté la Commission l’an dernier, « la redevance actuelle fait partie des réalités du marché ». [59]

[82] L’un des aspects liés à cette réalité du marché veut que le prix de la redevance soit prévisible et transféré aux consommateurs, en tout ou en partie. Il est difficile de mesurer la valeur du transfert dans le contexte actuel, en l’absence de données sur les prix de gros. Quoi qu’il en soit, tant que le prix de détail est supérieur à 29 ¢, on ne peut pas réfuter l’hypothèse selon laquelle une partie de la redevance est transférée aux consommateurs.

[83] Mme Gelbloom a produit des éléments de preuve liés au prix de détail, soit une enquête auprès de magasins de détail menée à Toronto chaque année en juin. L’enquête portait sur le prix de trois articles : les CD vendus à l’unité dans un boîtier, les tours de 50 CD et les tours de 100 CD.

[84] La Commission met de côté les données sur le prix des CD vendus à l’unité dans un boîtier. Le boîtier est un morceau de plastique moulé pratique pour le rangement. Les CD vendus à l’unité avec un boîtier représentent donc un assemblage de deux produits : le CD vierge et le boîtier. Nous ne connaissons pas la valeur du boîtier vendu avec le CD vierge, même s’il est possible d’acheter des boîtiers séparément. Différentes qualités de boîtiers sont offertes et le prix varie en conséquence.

[85] Au fil des années, il y a parfois des différences entre le prix unitaire des CD vendus en tours de 50 et de ceux vendus en tours de 100. Cependant, ces différences sont inférieures à l’erreur-type de l’échantillon. [60] Bref, les différences peuvent être attribuées aux variations d’échantillonnage de l’enquête.

[86] Les données (la moyenne du prix unitaire par CD pour les tours de 50 et de 100 CD) ont été produites pour les années de 2009 à 2017. Le prix varie de 29,3 ¢ (2014) à 52,8 ¢ (2017). Chronologiquement, les prix ont diminué de 2009 à 2014, puis se sont stabilisés (à environ 51 ¢).

[87] Il y a quatre points à noter à propos de ces données. Premièrement, tous les prix moyens sont supérieurs, même de peu, à la redevance de 29 ¢. Deuxièmement, en utilisant un intervalle de confiance habituel de 95 pour cent, on ne peut exclure l’hypothèse qu’en 2017, la redevance soit pleinement transférée aux prix de détail. Troisièmement, le fait que le prix ait remonté à la fin de la période est conforme aux théories sur l’évolution des prix selon le cycle de vie présentées par M. Boyer. [61]

[88] En dernier lieu, le fait que le prix des CD vierges a augmenté vers la fin de la période va dans le sens de la conclusion de la Commission selon laquelle une nouvelle méthode de calcul de la redevance donnerait presque certainement une redevance de plus de 29 ¢. [62]

[89] Nous fixons la redevance à 29 ¢ pour trois raisons. D’abord, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le prix de 29 ¢ fait partie des « réalités du marché ». Ensuite, comme le montre l’analyse des données de l’enquête, le prix des CD vierges est compatible avec un plein transfert de la redevance. Enfin, comme la redevance serait presque certainement supérieure selon une nouvelle méthode de calcul, la valeur de 29 ¢ représente la limite inférieure. [63]

VIII. TARIF

[90] Compte tenu des motifs énoncés ci-dessus, nous homologuons un tarif de 29 ¢ par CD vierge.

[91] Nous maintenons la répartition actuelle des redevances entre les sociétés de gestion : 58,2 pour cent pour les auteurs, 23,8 pour cent pour les artistes-interprètes et 18 pour cent pour les producteurs.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] L.R.C. (1985), ch. C-42.

[2] Avis de la Commission CB-CDA 2017-79 (8 août 2017).

[3] Pièce CPCC-1 au para 2.

[4] Pièce CPCC-2 à la p 2.

[5] Pièce Maguire-1 au para 3.

[6] Pièce Maguire-1 au para 10.

[7] Pièce CPCC-2.

[8] Pièce CPCC-2 à la p 2.

[9] Pièce CPCC-3.

[10] Copie privée 2017 (16 décembre 2016) décision de la Commission du droit d’auteur. [Copie privée 2017]

[11] Copie privée 2015-2016 (12 décembre 2014) décision de la Commission du droit d’auteur aux para 18-19. [Copie privée 2015-2016]

[12] Pièce CPCC-3 au para 6.

[13] Ibid à la p 5.

[14] Ibid à la p 8.

[15] Ibid à la p 13. Plusieurs des calculs utilisés pour produire ces projections reposent sur des données confidentielles, mais les projections finales ne sont pas elles-mêmes confidentielles.

[16] Ibid à la p 16. En théorie, il n’y a pas de distinction entre dire qu’un CD sur trois est utilisé pour la musique et dire qu’un tiers de l’espace de tous les CD est utilisé pour la musique. En pratique, cependant, il s’agit de deux scénarios bien différents. Le sondage de veille musicale n’excluait aucune de ces possibilités, mais nous préférons considérer, aux fins de la présente décision, que les CD gravés par des particuliers sont utilisés soit exclusivement à des fins musicales, soit exclusivement à d’autres fins.

[17] Ibid au para 38.

[18] Ibid au para 40.

[19] Pièce CPCC-4.

[20] Copie privée 2011 (17 décembre 2010) décision de la Commission du droit d’auteur. [Copie privée 2011]

[21] Pièce CPCC-4 au para 41.

[22] Pièce CPCC-4 aux para 38-39.

[23] W. Micheal Cox et Richard Alm, « Creative Destruction » dans The Concise encyclopedia of economics, en ligne: http://www.econlib.org/library/Enc/CreativeDestruction.html (disponible en anglais seulement).

[24] Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772.

[25] Copie privée 2005-2007 (11 mai 2007) décision de la Commission du droit d’auteur aux para 112-114. [Copie privée 2005-2007]

[26] Pièce Maguire-1 au para 4.

[27] Copie privée 1999-2000 (17 décembre 1999) décision de la Commission du droit d’auteur à la p 30. [Copie privée 1999-2000]

[28] Ibid à la p 28.

[29] AVS Technologies Inc. c. Canadian Musical Reproduction Rights Agency, 2000 CanLII 15571 (CAF) au para 11. [AVS]

[30] Copie privée 1999-2000 à la p 32.

[31] Copie privée 2003-2004 (12 décembre 2003) décision de la Commission du droit d’auteur à la p 46. [Copie privée 2003-2004]

[32] Copie privée 2010 (2 décembre 2010) décision de la Commission du droit d’auteur au para 61. [Copie privée 2010]

[33] Copie privée 1999-2000 à la p 30.

[34] Copie privée 2003-2004 à la p 43.

[35] Copie privée 2012-2014 (30 août 2013) décision de la Commission du droit d’auteur au para 10. [Copie privée 2012-2014] Voir aussi Règlement d’exclusion visant les cartes microSD (Loi sur le droit d’auteur), DORS/2012-226, en ligne : http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-2012-226/TexteComplet.html.

[36] Société canadienne de perception de la copie privée c. Canadian Storage Media Alliance, 2004 CAF 424 au para 164.

[37] Copie privée 2008-2009 (5 décembre 2008) décision de la Commission du droit d’auteur au para 29.

[38] Questions de la Commission à la SCPCP, 24 avril 2008.

[39] Loi sur le droit d’auteur, supra note 1, art 79.

[40] Il s’agit à proprement parler d’une projection composée, puisque la variable correspond au produit de deux autres variables projetées.

[41] Pièce CPCC-3 au para 34.

[42] Le nombre de pistes par CD préenregistré utilisé dans les décisions de la Commission a varié selon les années. Dans Copie privée 1999-2000 (à la p 50), la Commission a conclu que les CD préenregistrés comptaient 13 pistes. Dans Copie privée 2001-2002 (à la p 9) et Copie privée 2003-2004 (à la p 75), la Commission a conclu qu’ils en comptaient 14. Dans Copie privée 2005-2007 (à la p 17), la Commission a conclu que les CD préenregistrés comptaient 15 pistes. Dans la décision CSI – Services de musique en ligne, 2005-2007 (au para 92), la Commission a conclu que les CD préenregistrés comptaient 13 pistes. Ces deux dernières décisions ont été rendues en 2007, sur une période de moins de deux mois.

[43] Pièce CPCC-3 au para 32.

[44] Ibid au para 38.

[45] Copie privée 1999-2000 aux pp 32, 36.

[46] Copie privée 2015-2016 au para 19.

[47] Techniquement, une série chronologique est monotone lorsqu’elle est en croissance ou en décroissance sur toute sa durée. Dans toute autre situation, elle est non monotone.

[48] Elles sont décrites en détail dans la décision Copie privée 2015-2016 aux para 18-20.

[49] La Commission n’a pas formellement examiné les techniques 1 et 2 dans Copie privée 2015-2016.

[50] Pièce Maguire-1 au para 9.

[51] Pièce Maguire-2 au para 7.

[52] Pièce CPCC-6 au para 6.

[53] Copie privée 2005-2007 au para 114.

[54] Pièce CPCC-6 au para 6.

[55] SCGDE, Demande de modification (19 décembre 2013) décision de la Commission du droit d’auteur au para 3.

[56] Pièce CPCC-7 au para 24.

[57] Ibid au para 20.

[58] Copie privée 2010 aux para 77-96.

[59] Copie privée 2017 au para 25.

[60] Pièce CPCC-5 à la p 4.

[61] Pièce CPCC-5A aux para 7-8.

[62] Copie privée 2011 au para 10.

[63] Nous sommes tenus, pour des questions d’équité procédurale, d’adopter la limite inférieure, car c’est la valeur proposée par la société de gestion.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.