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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2017-08-25

Date

Révisée le 2017-09-22

Référence

CB-CDA 2017-085

Regime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Commissaires

L’honorable William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projet(s) de tarif examiné(s)

Services de musique en ligne (CSI : 2011-2013; SOCAN : 2011-2013; SODRAC : 2010-2013)

Communication au public par télécommunication

Portée de l’article 2.4(1.1) de la loi sur le droit d’auteur – mise à la disposition

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION 1

II. RÉSUMÉ DE LA DÉCISION 6

III. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES 7

IV. PRÉTENTIONS DES PARTIES 8

A. Sociétés de gestion du droit d’auteur 9

i. Access Copyright et Copibec 9

ii. Artisti 9

iii. CSI 10

iv. SACD-SCAM 11

v. SOCAN 12

B. Groupes de titulaires de droits 13

i. Music Canada 13

ii. CMPA 13

C. Utilisateurs 14

i. Apple 14

ii. Cineplex 15

iii. Microsoft 16

iv. Les Réseaux 17

v. Province de la Colombie-Britannique 18

D. Groupes d’utilisateurs 18

i. ACR 18

ii. ESA 19

iii. CCCD 19

E. Individus 20

i. M. Katz 20

V. QUESTIONS JURIDIQUES 20

A. Est-ce qu’en vertu du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, un service de musique en ligne communique au public par télécommunication une œuvre lorsque celui-ci place une copie de cette œuvre sur un serveur à partir duquel le public peut la télécharger? 20

i. Contexte 20

ii. Arguments des parties 22

iii. Analyse du libellé de la Loi 23

iv. L’historique du paragraphe 2.4(1.1) 24

v. Déclarations du gouvernement 25

vi. Le contexte, le sens ordinaire et grammatical 26

vii. Peut-il y avoir deux droits qui entrent en jeu? 30

viii. La neutralité technologique 31

ix. Quel est l’effet de l’adoption du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi sur l’arrêt ESA? 32

B. L’interprétation faite par la Commission du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi est-elle conforme aux obligations du Canada au titre de l’article 8 du Traité de l’ODA et des articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP? 34

i. Le champ d’application de l’article 8 du Traité de l’ODA 35

ii. Respect au moyen des droits actuels et du paragraphe 2.4(1.1) « fondé sur l’exécution » 37

iii. Quels droits peuvent être exercés pour assurer le respect de l’article 8 du Traité de l’ODA? 39

iv. Droit de reproduction 42

v. Autorisation de reproduction ou autorisation de communication au public 42

vi. Droit de distribution 43

vii. L’interprétation faite par la Commission du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi répond-elle aux exigences de l’article 8 du Traité de l’ODA? 44

viii. Régimes législatifs étrangers 45

C. La transmission d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur « fusionne »-t-elle avec l’acte initial de mise à disposition de façon à former un seul acte protégé? 45

i. Les dispositions nationales 46

ii. Article 8 du Traité de l’ODA et articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP 47

D. À quelles dates les diverses dispositions relatives à la « mise à disposition » (le paragraphe 2.4(1.1) et les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi) entrent-elles en vigueur? 49


I. INTRODUCTION

[1] Les 31 mars 2010, 31 mars 2011 et 30 mars 2012 respectivement, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé des projets de tarif pour la communication au public, par télécommunication, des œuvres du répertoire de la SOCAN relativement à l’exploitation d’un service de musique en ligne pour chacune des années 2011, 2012 et 2013. Ces projets de tarifs ont fait l’objet d’un examen unique, le tarif 22.A (2011-2013).

[2] Le 12 juillet 2012, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. [1] Comme nous le verrons de manière plus approfondie ci-dessous, la Cour suprême a conclu que la transmission d’une œuvre musicale par Internet qui se traduit par un téléchargement de cette œuvre n’est pas une communication par télécommunication. La conséquence de cet arrêt pour la SOCAN était que cette dernière ne pouvait plus percevoir de redevances pour de tels téléchargements.

[3] Dans l’arrêt connexe Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, [2] rendu le même jour, la Cour suprême a explicitement déclaré que :

[Dans l’arrêt ESA], [l]es juges majoritaires de notre Cour statuent que l’œuvre musicale qui est téléchargée n’est pas « communiquée » par télécommunication […] La question de savoir si les services de musique en ligne portent atteinte au droit exclusif de « communiquer au public, par télécommunication » lorsqu’ils offrent des téléchargements au public ne se pose donc plus. [3] [italique dans l’original]

[4] Le 7 novembre 2012, la Loi sur le droit d’auteur [4] (la « Loi ») a été modifiée par l’entrée en vigueur de la majorité des dispositions de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur (la « LMDA »), [5] dont le paragraphe 2.4(1.1) qui stipule que :

[p]our l’application de la présente loi, constitue notamment une communication au public par télécommunication le fait de mettre à la disposition du public par télécommunication une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[5] La SOCAN soutient que cette disposition rend caduque l’arrêt ESA de la Cour suprême et requiert des entités, comme celles qui fournissent des services de musique en ligne, de payer des redevances à la SOCAN lorsqu’elles mettent des œuvres musicales sur leurs serveurs Internet de manière à ce que leurs utilisateurs finaux puissent y avoir accès, peu importe que les œuvres musicales soient par la suite transmises aux utilisateurs au moyen de téléchargements ou de diffusions en continu, ou non transmises.

[6] Le 28 novembre 2012, la SOCAN a informé la Commission que, selon elle, l’effet du paragraphe 2.4(1.1) sur son projet de tarif 22.A (Services de musique en ligne) pouvait et devrait être tranché par la Commission en tant que question purement juridique. [6]

[7] Le 7 décembre 2012, la Commission a émis un avis dans lequel elle déclarait être saisie de la question de l’effet du paragraphe 2.4(1.1) comme d’une question nécessairement accessoire à l’exercice de sa compétence essentielle, et qu’elle ne pouvait homologuer le tarif 22.A sans décider dans quelle mesure le paragraphe 2.4(1.1) fait en sorte que la SOCAN peut percevoir des redevances pour de telles activités. La Commission a déclaré que la question, puisque purement juridique, serait abordée dans un processus distinct dans le cadre duquel tous ceux susceptibles d’être affectés par une décision de la Commission auraient la possibilité de faire valoir leurs prétentions. L’avis du 7 décembre 2012 se lisait de la façon suivante :

La SOCAN compte demander à la Commission de traiter de l’impact de l’entrée en vigueur du droit de mise à disposition sur ses projets de tarif […] Plus précisément, la SOCAN désire que la Commission se prononce sur le rapport entre le droit de mise à disposition et l’arrêt ESA c. SOCAN [2012 CSC 34] et les décisions connexes.

Essentiellement, la SOCAN soutient que le droit de mise à disposition rend caduque la conclusion voulant que le droit de communication ne concerne pas le téléchargement d’œuvres musicales. Il ne fait aucun doute que certains utilisateurs ne partagent pas ce point de vue.

La Commission est saisie de la question à titre d’incident nécessaire à l’exercice de sa compétence essentielle. On ne peut homologuer le tarif 22.A (Services de musique en ligne) de la SOCAN sans décider si, et dans quelle mesure, l’adoption du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi sur le droit d’auteur et d’autres modifications connexes font en sorte que la SOCAN peut à nouveau percevoir des redevances pour la transmission de copies permanentes d’œuvres musicales.

La question ne se soulève certainement pas à l’égard d’un seul tarif de la SOCAN, et concerne sans doute d’autres sociétés de gestion. La décision que la Commission pourrait rendre sur le sens du droit de mise à disposition à l’égard des œuvres musicales influera sur l’interprétation du même droit à l’égard des autres œuvres, des prestations et des enregistrements, surtout si cette décision fait l’objet d’une demande de révision judiciaire.

Le point de vue préliminaire de la Commission sur la question est le suivant.

Premièrement, l’interprétation du droit de mise à disposition soulève essentiellement des questions purement juridiques nécessitant peu (ou, encore mieux, pas) de communication préalable ou de présentation de preuve.

Deuxièmement, la question bénéficierait d’être abordée dans le cadre d’un processus distinct durant lequel tous ceux qu’une décision de la Commission pourrait affecter auront l’occasion de faire valoir leurs moyens.

Troisièmement, l’examen de la question ne devrait rien changer à l’échéancier d’autres affaires, sinon que de retirer l’interprétation du droit de mise à disposition comme question devant être examinée dans ces affaires.

Quatrièmement, il devrait être possible de traiter de la question au moyen d’échanges écrits. Les sociétés de gestion devraient disposer de quatre semaines pour faire valoir leur point de vue. Les opposants répondraient quatre semaines plus tard, puis les sociétés de gestion répliqueraient au bout de deux semaines. Par conséquent, toutes les plaidoiries seraient produites avant la fin mars 2013. Une argumentation orale ne serait pas envisagée avant le dépôt des répliques des sociétés de gestion.

Cinquièmement, les personnes suivantes semblent concernées, directement ou non, par la question :

· les sociétés de gestion qui agissent ou qui pourraient plus tard agir pour le compte des titulaires dont les œuvres, les prestations ou les enregistrements pourraient être mis à la disposition de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement;

· les opposants qui pourraient mettre à la disposition du public une œuvre, une prestation ou un enregistrement de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement, y compris les opposants aux tarifs suivants de la SOCAN : 17 (Transmission de services de télévision payante, services spécialisés et autres services de télévision par des entreprises de distribution), 22.A (Services de musique en ligne), G (Contenu généré par utilisateurs), H (Sites de jeux) et I (Autres sites) ainsi que les autres aspects du tarif 22, dans la mesure où en ce moment ils visent un utilisateur, 23 (Services offerts dans les chambres d’hôtel et de motel), 24 (Sonneries et sonneries d’attente) et 25 (Services de radio par satellite).

Les destinataires du présent avis sont priés d’informer la Commission, au plus tard le vendredi, 21 décembre 2012, de leur point de vue sur ce qui suit :

a. s’ils se croient visés par les questions à trancher et si oui, comment;

b. s’ils entendent participer à la présente affaire;

c. dans la mesure possible, leur point de vue préliminaire sur les questions à trancher;

d. si les questions à trancher devraient être abordées comme le propose le présent avis.

On pourra répondre aux commentaires des autres destinataires au plus tard le vendredi, 11 janvier 2013. [Caractères gras omis]

[8] À la suite de l’Avis de la Commission, les parties suivantes ont décidé de participer et de présenter des observations :

  • Agence canadienne des droits de reproduction musicaux ltée (CMRRA) et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) (conjointement CSI)
  • Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA PRS)
  • Apple Canada Inc. et Apple Inc. (Apple)
  • Artisti
  • Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR)
  • Bell Canada (Bell)
  • Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright)
  • Canadian Media Production Association (CMPA)
  • Cineplex Entertainment LP (Cineplex)
  • Conseil canadien du commerce de détail (CCCD)
  • Entertainment Software Association (ESA)
  • Google
  • L’Alliance des radios communautaires / National Campus and Community Radio Association (ARC/NCRA)
  • Microsoft Corporation (Microsoft)
  • Music Canada (anciennement CRIA)
  • Musicians’ Rights Organization Canada (MROC)
  • Pandora Media Inc. (Pandora)
  • M. Ariel Katz
  • Province de la Colombie-Britannique
  • Québécor Média Inc. (Québécor)
  • Ré:Sonne - Société de gestion de la musique (Ré:Sonne)
  • Rogers Communications (Rogers)
  • Shaw Communications (Shaw)
  • Sirius XM Canada Inc. (Sirius)
  • Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)
  • Société collective de retransmission du Canada (SCRC)
  • Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ)
  • Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) (conjointement SACD-SCAM)
  • Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC)
  • Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec)
  • Société Radio-Canada / Canadian Broadcasting Corporation (SRC/CBC)
  • Yahoo! Canada (Yahoo)

[9] De manière générale, ces parties peuvent être regroupées en cinq grandes catégories :

1. Les sociétés de gestion du droit d’auteur :

sociétés de gestion qui administrent des droits pouvant être mis en jeu ou autrement touchés lorsque les œuvres (par ex. la SOCAN) ou tout autre objet du droit d’auteur (par ex. Ré:Sonne) sont mis à disposition. Ces entités administrent divers droits d’auteur, soit directement par la conclusion d’ententes de licence avec les parties, soit au moyen de tarifs;

2. Les groupes de titulaires de droits :

groupes qui représentent les intérêts des titulaires de droits d’auteur dont le contenu peut être mis à disposition (par ex. Music Canada). Plusieurs droits de ces titulaires sont administrés par des sociétés de gestion. Les membres d’un groupe de titulaires de droits peuvent aussi être membres de l’une ou de plusieurs sociétés de gestion du droit d’auteur et de l’un ou de plusieurs autres groupes de titulaires de droits. Un groupe de titulaires de droits peut lui-même être membre d’un autre groupe de titulaires de droits;

3. Les utilisateurs :

personnes qui accomplissent des activités pouvant inclure la mise à disposition d’œuvres ou de tout autre objet du droit d’auteur (par ex. Apple). Ces parties, incluant les opposants au tarif 22.A, utilisent généralement le contenu protégé par le droit d’auteur dans le cadre de leurs activités. Certaines peuvent avoir des ententes avec les titulaires du droit d’auteur, ou peuvent être assujetties à un tarif administré par une société de gestion. Plusieurs parties sont elles-mêmes titulaires du droit d’auteur et exploitent leur droit d’auteur à des fins commerciales;

4. Les groupes d’utilisateurs :

groupes qui représentent les intérêts de telles personnes (par ex. ESA);

5. Les individus :

un individu, M. Arial Katz, a aussi présenté des observations pour son propre compte.

[10] Les parties ont présenté des observations fondées sur une panoplie d’arguments, lesquels reposaient notamment sur une interprétation purement textuelle des dispositions législatives, l’intention du législateur et les obligations internationales du Canada, principalement en vertu du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur [7] et, dans une moindre mesure, du Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes [8] (communément désignés les « Traités Internet de l’OMPI »).

[11] Nous traiterons des prétentions des parties décrites ci-dessous en répondant aux questions juridiques suivantes :

  1. Est-ce qu’en vertu du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, un service de musique en ligne communique au public par télécommunication une œuvre lorsque celui-ci place une copie de cette œuvre sur un serveur à partir duquel le public peut la télécharger?

  2. L’interprétation faite par la Commission du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi est-elle conforme aux obligations du Canada au titre de l’article 8 du Traité de l’ODA et des articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP?

  3. La transmission d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur « fusionne »-t-elle avec l’acte initial de mise à disposition de façon à former un seul acte protégé?

  4. À quelles dates les diverses dispositions relatives à la « mise à disposition » (le paragraphe 2.4(1.1) et les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi) entrent-elles en vigueur?

II. RÉSUMÉ DE LA DÉCISION

[12] Comme il ressortira clairement des motifs exposés ci-dessous, en vertu du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, constitue une communication au public par télécommunication, le fait de mettre une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur sur un serveur d’un réseau de télécommunication de manière à ce qu’une requête d’un membre du public entraîne la transmission de cette œuvre ou de cet objet du droit d’auteur, notamment sous la forme d’une diffusion en continu ou d’un téléchargement, qu’une telle requête se concrétise ou non.

[13] Une interprétation plus stricte du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi qui rendrait ce dernier applicable seulement lorsqu’une œuvre est mise à la disposition du public pour diffusion en continu ne serait pas conforme aux obligations internationales du Canada. Le législateur a adopté le paragraphe 2.4(1.1) principalement pour que le Canada se conforme à l’article 8 du Traité de l’ODA.

[14] L’interprétation du paragraphe 2.4(1.1) selon laquelle celui-ci s’applique à la mise à disposition tant des diffusions en continu que des téléchargements est conforme aux obligations du Canada prévues à l’article 8 du Traité de l’ODA et aux articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP. Il s’agit également d’une interprétation compatible avec le principe d’interprétation de la neutralité technologique.

[15] L’ajout du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi n’a pas eu pour effet d’écarter l’arrêt ESA. L’interprétation que nous adoptons en l’espèce ne contredit pas le sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi tel qu’il est décrit dans cet arrêt.

[16] Le fait de mettre une œuvre à la disposition du public demeure une communication au public par télécommunication, peu importe si la transmission subséquente est un téléchargement ou une diffusion en continu. Ce fait demeure distinct de tout autre acte subséquent de transmission; les deux actes ne s’intègrent pas pour devenir un acte unique, plus large.

[17] Les paragraphes 2.4(1.1), 15(1.1) et 18(1.1) sont entrés en vigueur le 7 novembre 2012. Les effets de ces dispositions sont entièrement prospectifs, à partir de ces dates; ils ne sont ni rétroactifs ni rétrospectifs.

III. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[18] La LMDA a modifié la Loi sur le droit d’auteur de manière à prévoir ce qui suit :

2.4(1.1) Pour l’application de la présente loi, constitue notamment une communication au public par télécommunication le fait de mettre à la disposition du public par télécommunication une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[…]

15(1.1) Sous réserve des paragraphes (2.1) et (2.2), l’artiste-interprète a un droit d’auteur qui comporte le droit exclusif, à l’égard de sa prestation ou de toute partie importante de celle-ci : […]

d) d’en mettre l’enregistrement sonore à la disposition du public et de le lui communiquer, par télécommunication, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[…]

18(1.1) Sous réserve des paragraphes (2.1) et (2.2), le droit d’auteur du producteur d’un enregistrement sonore comporte également le droit exclusif, à l’égard de la totalité ou de toute partie importante de celui-ci :

a) de le mettre à la disposition du public et de le lui communiquer, par télécommunication, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[19] Le droit de communication est prévu à l’alinéa 3(1)f) de la Loi et se lit comme suit :

3(1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

[…]

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

IV. PRÉTENTIONS DES PARTIES

[20] De façon générale, les parties appartenant aux catégories des sociétés de gestion du droit d’auteur et des groupes de titulaires de droits soutiennent que le fait de mettre à disposition une œuvre de la manière décrite au paragraphe 2.4(1.1) de la Loi donne naissance au droit de communication au public par télécommunication, et ce, que la transmission qui en résulte soit un téléchargement ou une diffusion en continu. En outre, certaines de ces parties allèguent, de façon explicite ou implicite, qu’un téléchargement qui résulte d’une mise à disposition donne aussi naissance au droit de communication au public par télécommunication. D’autres parties ne souscrivent pas à cette dernière affirmation.

[21] La plupart des parties allèguent soit qu’aux termes du Traité de l’ODA, leur interprétation doit être adoptée pour que le Canada respecte ses obligations, ou que leur interprétation est conforme à ces obligations.

[22] Les parties appartenant aux catégories des utilisateurs et des groupes d’utilisateurs s’entendent de façon générale pour dire que le fait de mettre une œuvre à la disposition du public de la manière décrite au paragraphe 2.4(1.1) de la Loi donne naissance au droit de communication au public par télécommunication lorsque la transmission qui en résulte est une diffusion en continu. Toutefois, la majorité des parties dans ces catégories soutiennent que lorsqu’une œuvre est mise à disposition pour téléchargement – ou, selon certaines parties, résulte véritablement en un téléchargement – cela ne donne pas naissance au droit de communication au public par télécommunication. Certaines parties appartenant aux catégories des utilisateurs ou du groupe d’utilisateurs font valoir que pour que le paragraphe 2.4(1.1) soit mis en jeu, une véritable transmission doit avoir lieu. En outre, la plupart des parties appartenant à ces catégories soutiennent que le Traité de l’ODA offre suffisamment de souplesse pour que leur interprétation soit compatible avec les obligations du Canada.

[23] Les prétentions communes à la majorité des parties à la présente instance sont énoncées ci-dessous. Toutefois, ce ne sont pas toutes les parties qui ont présenté des arguments de fond sur les questions juridiques soulevées par la Commission. Le fait que nous ne mentionnons pas ou que nous ne citons pas une observation en particulier ou un argument d’une partie ne signifie pas que nous ne l’avons pas lu ou que nous ne l’avons pas pris en compte lors de la rédaction des présents motifs. Le nombre de parties en cause, le nombre de prétentions, et la diversité des arguments nous ont amenés à traiter certains arguments en fonction de leur objet plutôt que de leur origine.

[24] Nous relevons en outre que certaines parties déclarent qu’elles appuient la thèse d’une autre partie, mais qu’elles présentent des observations qui s’en éloignent, ou sont même complètement opposées à ce qu’elles disent appuyer. Ainsi, les déclarations selon lesquelles une partie appuie les observations d’une autre partie ne peuvent pas toujours être prises à la lettre.

A. Sociétés de gestion du droit d’auteur

i. Access Copyright et Copibec

[25] Access Copyright et Copibec se décrivent comme des [TRADUCTION] « sociétés de gestion qui représentent les intérêts en matière de droits d’auteur des auteurs et des éditeurs d’œuvres littéraires. » [9]

[26] Ces sociétés allèguent que le moment où le projet de loi a reçu la sanction royale permet à la Commission de prendre en considération les interprétations de l’alinéa 3(1)f) de la Loi antérieures à l’arrêt ESA. Selon ces sociétés, le paragraphe 2.4(1.1) élargit la portée de l’alinéa 3(1)f) [10] pour créer une responsabilité à l’égard de l’acte de mise à disposition d’une œuvre.

[27] Selon ces sociétés de gestion, le fait de « mettre à disposition » une œuvre est, depuis l’entrée en vigueur du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, un acte distinct, tarifable, qui fait partie du droit de communiquer au public par télécommunication. L’acte est terminé lorsque l’accès à une œuvre est permis par la mise en ligne de l’œuvre et l’acte demeure un acte de communication, peu importe si l’utilisateur perçoit la transmission qui en résulte au moment de la transmission ou ultérieurement.

ii. Artisti

[28] Artisti [11] se décrit comme suit :

Une société de gestion collective qui administre certains droits pour le compte d’artistes interprètes participant à des enregistrements sonores notamment mis à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. [12]

[29] Artisti soutient que l’instance portait principalement sur la mise à disposition d’une œuvre, et non sur les enregistrements sonores, et que la Commission devrait restreindre ses conclusions aux questions précises que la SOCAN a soulevées.

[30] Artisti allègue en outre que, la « mise à disposition » n’exige pas qu’un véritable accès ait lieu pour qu’elle soit mise en jeu, et que la possibilité d’avoir un accès suffit. La mise à disposition et la transmission subséquente pour téléchargement ou pour diffusion en continu sont des actes distincts qui mettent en jeu des droits distincts, même si ces actes peuvent se succéder très rapidement.

[31] Enfin, selon Artisti, le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi n’a pas pour but de restreindre la portée de la « communication » aux actes simultanés de communication et de perception, étant donné que la disposition traite de la capacité de choisir le moment de l’accès.

iii. CSI

[32] CSI [13] se décrit comme une coentreprise formée de la CMRRA et de la SODRAC. CSI octroie des licences de reproduction relatives au répertoire conjoint de la CMRRA et de la SODRAC à des utilisateurs de musique, comme les stations de radio, les services de musique de fond et les services de musique en ligne. [14]

[33] CSI déclare qu’aux fins de la présente instance, elle et ses sociétés de gestion mères, la CMRRA et la SODRAC, représentent seulement le droit de reproduction des œuvres musicales et perçoivent des redevances conformément au tarif CSI pour les services de musique en ligne visant la reproduction d’œuvres musicales dans des téléchargements permanents, des téléchargements limités et des diffusions en continu sur demande.

[34] CSI soutient que, considérant l’avis de la Commission, seules les questions liées à la mise à disposition d’œuvres devraient être traitées et non la mise à disposition des prestations des artistes-interprètes fixées sur des enregistrements sonores ou la mise à disposition d’enregistrements sonores.

[35] Selon CSI, le paragraphe 2.4(1.1) met en œuvre l’article 8 du Traité de l’ODA par le seul jeu du droit de communication. Toutefois, bien que le paragraphe 2.4(1.1) puisse s’appliquer aux téléchargements, le droit de reproduction s’y applique également. Si le droit de mise à disposition s’applique à une transmission de musique en ligne, il s’applique à des actes qui sont séparés et distincts de ceux qui mettent en jeu le droit de reproduction, lequel s’applique indépendamment des autres aspects du processus.

[36] CSI soutient que l’arrêt ESA demeure un bon précédent et que sa thèse est compatible avec cet arrêt, étant donné que le fait de mettre à disposition une œuvre en vue d’un téléchargement est un acte distinct de la transmission d’un téléchargement. En outre, l’arrêt ESA a aussi réaffirmé une thèse bien établie : lorsqu’une activité donnée ou une transaction touche à de multiples actes, il est tout à fait approprié de reconnaître chaque acte de façon distincte. Quoi qu’il en soit, selon CSI, la mise à disposition d’une œuvre est un acte distinct d’une reproduction initiale faite sur les serveurs des fournisseurs de service avant qu’une transmission ait lieu.

[37] Enfin, CSI soutient qu’il y aurait contravention aux Traités Internet de l’OMPI si un droit n’était pas applicable dans un contexte précis uniquement parce que l’autre droit s’applique à un acte (différent) dans le même contexte.

[38] CSI a déposé l’opinion de l’experte Mme Silke von Lewinski, [15] qui a été préparée conjointement pour le compte de CSI et de Music Canada.

iv. SACD-SCAM

[39] SACD-SCAM [16] se décrivent comme suit :

sociétés de gestion collective du droit d’auteur sur des œuvres dramatiques. Elles ont toutes deux vocation à gérer collectivement les droits de reproduction, de communication au public par télécommunication et de mise à disposition des auteurs qu’elles représentent. [17]

[40] Ces sociétés font valoir que le paragraphe 2.4(1.1) ne crée pas un nouveau droit, mais équivaut à une règle d’interprétation, et doit englober l’« offre » d’une œuvre, même si elle n’est pas suivie d’une transmission de cette œuvre. Il est mis en jeu dès qu’on peut avoir accès à l’œuvre par télécommunication. Si une transmission s’ensuit, c’est uniquement le droit de « mise à disposition » qui est en jeu. Cette subordination de la transmission subséquente à l’acte de mise à disposition empêche le cumul de droits à l’égard d’actes qui sont étroitement liés.

[41] Toutefois, selon ces sociétés, la mise à disposition d’une œuvre n’est pas toujours une communication de cette œuvre. Bien qu’une mise à disposition d’une œuvre dont le résultat est une communication puisse être une communication en soi, le fait de mettre à disposition, dans d’autres situations dans lesquelles, par exemple, aucune transmission n’en résulte, peut cadrer ailleurs eu égard à l’économie fondamentale du droit d’auteur (à savoir les droits de reproduire, produire, représenter ou publier, qui sont énumérés au paragraphe 3(1)). Ce n’est pas parce que le droit de communication d’une œuvre au public par télécommunication inclut la mise à disposition de cette œuvre que cela empêche ce « droit » de mise à disposition d’être un exemple du droit de reproduire, du droit d’exécution en public, ou du droit de publier l’œuvre.

v. SOCAN

[42] La SOCAN [18] soutient que le paragraphe 2.4(1.1) crée un nouveau droit et rend caduque et inapplicable la conclusion à laquelle la Cour suprême est arrivée dans l’arrêt ESA. Elle prétend que la disposition élargit la portée du droit prévu à l’alinéa 3(1)f), de sorte que le fait de mettre une œuvre sur un serveur Internet de manière que chacun puisse y avoir accès met en jeu le droit de communiquer au public par communication, que l’œuvre soit par la suite transmise au moyen de téléchargements ou de diffusions en continu, ou non transmise.

[43] La SOCAN soutient en outre qu’une fois qu’une œuvre est mise à disposition, tous les actes subséquents de transmission peuvent être des communications ou des reproductions. Les actes liés à un téléchargement sont limités à la demande de l’utilisateur final d’obtenir une copie du fichier musical et de la reproduction permanente qui en résulte. La mise à disposition d’une œuvre sur le serveur de musique en ligne est un acte séparé et distinct.

[44] La SOCAN allègue que son interprétation est étayée par les éléments de preuve qui établissent l’intention du législateur, et que l’interprétation proposée par certains des utilisateurs et des groupes d’utilisateurs ne permettrait pas au Canada de s’acquitter de ses obligations aux termes du Traité de l’ODA.

[45] La SOCAN a déposé les opinions d’expert de M. Mihály Ficsor [19] et de Mme Jane Ginsburg, [20] préparées à la demande de la SOCAN.

B. Groupes de titulaires de droits

i. Music Canada

[46] Music Canada [21] est une organisation à but non lucratif qui fait la promotion des intérêts de ses membres : Sony Music Entertainment Canada Inc., Universal Music Canada Inc. et Warner Music Canada Co. [22]

[47] Music Canada soutient que le paragraphe 2.4(1.1) est une disposition déterminative qui donne à l’expression « communication par télécommunication » une signification additionnelle de celle qu’on lui reconnaît habituellement. Selon Music Canada, l’alinéa 3(1)f) doit être interprété de manière à englober la mise à disposition des diffusions en continu et des téléchargements, et soutient que cette interprétation est compatible avec l’arrêt ESA. Si le paragraphe 2.4(1.1) s’appliquait seulement à la mise à disposition des diffusions en continu et non pas aux téléchargements, des actes identiques de mise à disposition seraient soumis à des normes juridiques différentes et il en résulterait une fragmentation des droits. Music Canada soutient en outre que la mise à disposition devrait englober tous les éléments de la transmission à l’utilisateur final, advenant transmission.

[48] Enfin, Music Canada soutient que l’issue qu’elle propose est la seule qui permette au Canada de se conformer entièrement à ses obligations au titre du Traité de l’ODA.

[49] Tel que déjà mentionné, Music Canada a déposé l’opinion d’expert de Mme Silke von Lewinski, [23] conjointement pour son propre compte et pour le compte de CSI.

ii. CMPA

[50] La CMPA [24] déclare qu’elle [TRADUCTION] « représente les intérêts des entreprises du milieu audiovisuel œuvrant dans les domaines de la production et de la distribution d’émissions de télévision, de longs métrages et de nouveaux médias, de langue anglaise, dans toutes les régions du Canada ». [25]

[51] La CMPA a exprimé des réserves quant au fait qu’il pourrait y avoir des vides juridiques si une reproduction d’une œuvre – par opposition au fait de rendre une œuvre accessible – était nécessaire pour que la responsabilité soit engagée au titre du paragraphe 2.4(1.1). En outre, la CMPA soutient que les Traités Internet de l’OMPI exigent que la responsabilité soit fondée sur le fait de donner accès à une œuvre, et non nécessairement sur sa reproduction.

[52] La CMPA soutient que la mise en application du droit de reproduction à l’encontre d’une multitude d’utilisateurs finaux n’est pas, de façon pragmatique, possible et que l’objectif du droit de mise à disposition est de donner un recours efficace contre la personne qui met le contenu à la disposition du public et non pas contre l’utilisateur final. La CMPA invite donc la Commission à rejeter la thèse selon laquelle le droit de « mise à disposition » est limité uniquement à la mise à disposition de diffusions en continu.

C. Utilisateurs

[53] Les utilisateurs soumettent tous que l’arrêt ESA de la Cour suprême du Canada n’a pas été écarté par le paragraphe 2.4(1.1), et qu’il continue de régir la question de savoir si un téléchargement est une communication au public par télécommunication, et que la SOCAN n’a pas le droit de percevoir des redevances pour des œuvres musicales qui sont téléchargées par l’entremise de l’Internet en raison de la mise à disposition de ces œuvres.

i. Apple

[54] Apple [26] soutient que le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi ne prévoit pas un nouveau « droit de mise à disposition » à l’égard des téléchargements, et qu’il ne reflète pas non plus l’intention du législateur d’imposer une couche supplémentaire de protection et des frais basés uniquement sur le fait que les téléchargements sont transmis par Internet plutôt que d’être livrés physiquement. Selon les observations d’Apple, le paragraphe 2.4(1.1) ne change pas la nature d’une communication, comme l’indique l’arrêt ESA, mais apporte simplement des éclaircissements quant au fait que les communications Internet s’appliquent aux transmissions [TRADUCTION] « sollicitées » ou interactives.

[55] Apple fait aussi valoir que l’article 8 du Traité de l’ODA visait à combler toutes lacunes existantes du droit national en matière de droit d’auteur – et non à ajouter des couches supplémentaires de frais pour des transactions qui sont déjà rémunérées. La protection des téléchargements numériques (par opposition aux diffusions en continu) uniquement au moyen du droit de reproduction est compatible avec les obligations internationales du Canada.

ii. Cineplex

[56] Cineplex [27] déclare qu’elle

[TRADUCTION] exploite des magasins Cineplex, un service en ligne qui offre aux consommateurs des copies numériques de films soit pour l’achat, soit pour la location par téléchargement, ainsi que des films en format DVD et Blu-ray pour livraison par des moyens physiques traditionnels. [28]

[57] Cineplex propose une interprétation du paragraphe 2.4(1.1) qui exclut la distribution de copies par téléchargement. Selon Cineplex, les services en ligne qui mettent à disposition des copies d’œuvres musicales pour téléchargement, incluant les œuvres incorporées dans un contenu audiovisuel, ne font pas intervenir le droit de communication au public administré par la SOCAN.

[58] Cineplex allègue que le paragraphe 2.4(1.1) a ajouté une précision à la définition de l’expression « communication au public », en incluant l’acte de « mettre à la disposition du public » dans le champ d’application de cette expression. Ainsi, l’acte de « mise à disposition » doit être interprété comme un exemple de « communication » qui, à son tour, est un exemple d’« exécution ». Selon Cineplex, l’interprétation donnée par la SOCAN est contraire au principe de la neutralité technologique.

[59] Enfin, Cineplex soutient que l’interprétation qu’elle propose est compatible avec le Traité de l’ODA puisque le Canada assure déjà la protection de la mise à disposition d’œuvres en vue du téléchargement au moyen des droits de reproduction et d’autorisation. Ainsi, le Canada n’a pas l’obligation d’élargir la portée du droit de communication pour englober cette activité.

iii. Microsoft

[60] Microsoft [29] déclare qu’elle :

[TRADUCTION] met au point, fabrique, autorise et prend en charge une vaste gamme de programmes, appareils informatiques et services en ligne, notamment Windows, Surface, Microsoft Office et Microsoft Office 365, SkyDrive, Xbox et Xbox Live, et Bing. Les produits et services de Microsoft sont utilisés par des consommateurs dans le monde entier, afin d’avoir accès, de faire l’expérience et de jouir d’un large éventail de produits notamment de musique, jeux, films et télévision, que de tels produits soient obtenus par les services en ligne de Microsoft tels que Xbox Music ou Xbox Live, par des applications d’une tierce partie, ou à partir de commerces en ligne d’une tierce partie. [30]

[61] Dans le cadre de ses services de divertissement sous licence dans Xbox Music et Xbox Live, Microsoft permet aux utilisateurs de télécharger des fichiers média contenant de la musique pour lesquels ils ont acquis une licence (notamment des pistes musicales et du contenu de films, de télévision et de jeux vidéo). De plus, les utilisateurs de divers services en ligne du nuage Microsoft peuvent aussi choisir de stocker ou de sauvegarder une copie, et de télécharger des fichiers média contenant de la musique pour leur utilisation personnelle, qu’ils soient obtenus de Microsoft ou de fournisseurs média tiers.

[62] Microsoft soutient que les utilisateurs de musique sur Internet ne sont pas tenus de payer à la SOCAN des redevances pour le droit de communication lorsqu’ils mettent des œuvres musicales sur leurs serveurs Internet pour qu’elles soient téléchargées par leurs consommateurs qui sont des utilisateurs finaux.

[63] Microsoft affirme que le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi ne rend l’arrêt ESA ni caduc ni inapplicable. Selon elle, le droit de communication fait intervenir et protège des activités qui s’apparentent à l’exécution, mais non les activités qui s’apparentent à la reproduction. Le fait d’inclure la mise à disposition dans le cadre de la communication signifie que le paragraphe 2.4(1.1) doit être interprété en conformité avec le droit de communication décrit dans l’arrêt ESA et, par conséquent, il s’applique uniquement lorsque les œuvres sont mises à disposition par diffusion en continu. Selon Microsoft, cette thèse est compatible avec les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a), selon lesquels le mode d’accès par télécommunication qui permet la mise à disposition doit être un mode d’accès qui constituerait une communication au public par télécommunication.

[64] Microsoft soutient aussi que la qualification de tout acte de mise à disposition est faite selon le mode de [TRADUCTION] « disponibilité ». Seule la disponibilité qui correspond au concept de communication élaboré dans l’arrêt ESA peut constituer une disponibilité à ces fins. Le fait d’exiger un paiement distinct pour la mise à disposition d’œuvres en vue du téléchargement serait contraire au principe de la neutralité technologique, car il équivaudrait à une « double rémunération ».

[65] Enfin, Microsoft fait valoir que cette méthode est compatible avec les traités internationaux, car rien dans ces traités n’exige que le Canada intègre la protection pour la mise à disposition en vue de téléchargements dans son droit national en matière de communication.

iv. Les Réseaux

[66] Bell Canada, Google, Rogers Communications, Shaw Communications, Québecor Média et Yahoo! ont déposé conjointement des observations sous le nom de « Réseaux ». [31] Ils allèguent que la modification à la Loi par l’ajout du paragraphe 2.4(1.1) ne modifie pas le droit de communication et ne crée pas un nouveau droit de « mise à disposition », mais a simplement inclus le fait de « mettre à disposition » dans le droit existant, prévu à l’alinéa 3(1)f), de communiquer au public par télécommunication. Étant donné que l’arrêt ESA demeure valable en droit, l’alinéa 3(1)f) est en soi un exemple d’une activité incluse dans le droit d’exécution en public prévu au paragraphe 3(1) de la Loi. Le paragraphe 2.4(1.1) n’a pas pour effet de changer un acte qui n’est pas une exécution en une exécution. Les Réseaux soutiennent donc que le paragraphe 2.4(1.1) s’applique uniquement à la mise à disposition d’œuvres à des fins de communication, et non à des fins de téléchargement. Une fois qu’une œuvre est communiquée au public par télécommunication, cette transmission et l’acte préalable de mettre l’œuvre à disposition s’intègrent en un acte unique d’exécution en public.

[67] En outre, les Réseaux font valoir qu’une interprétation qui donnerait lieu à ce que des téléchargements soient assujettis à plus d’un droit serait contraire à ce qu’a dit la Cour suprême dans l’arrêt ESA, à savoir qu’une seule activité ne peut faire intervenir plus d’un droit.

[68] Enfin, les Réseaux soutiennent que leur interprétation du paragraphe 2.4(1.1) est compatible avec le Traité de l’ODA puisque celui-ci laisse place à de la souplesse quant à sa mise en œuvre. En particulier, le Traité de l’ODA n’exige pas que l’acte de mise à disposition soit englobé dans un droit distinct ni que les téléchargements soient protégés en tant qu’exécutions en public.

[69] Les Réseaux ont déposé les opinions des experts MM. Sam Ricketson [32] et Jeremy de Beer, [33] préparées à la demande des Réseaux.

v. Province de la Colombie-Britannique

[70] Le gouvernement de la Colombie-Britannique [34] soutient que le paragraphe 2.4(1.1) ne crée pas un autre droit exclusif de « mise à disposition », en sus des droits exclusifs énoncés à l’article 3 de la Loi. Au contraire, le fait de mettre une œuvre à la disposition du public à des fins de communication est protégé par le droit d’exécution en public prévu à l’article 3 et la mise à disposition à des fins de téléchargement est protégée par le droit de reproduction prévu à l’article 3. Lorsqu’une œuvre est simplement mise à disposition mais qu’aucun téléchargement de l’œuvre n’a eu lieu, il n’y a aucun acte donnant droit à rémunération du titulaire du droit de reproduction puisque aucun droit de reproduction n’a été exercé.

D. Groupes d’utilisateurs

i. ACR

[71] L’ACR [35] déclare qu’elle appuie les conclusions générales des sociétés suivantes : Apple, Bell, Cineplex, Google, Microsoft, Rogers, Shaw, Québécor et Yahoo, et qu’elle se fonde sur l’analyse effectuée dans les rapports d’expert de Sam Ricketson et de Jeremy de Beer.

[72] L’ACR soutient que le paragraphe 2.4(1.1) s’applique dans le contexte des communications, mais ne s’applique pas dans le contexte des reproductions. Selon l’ACR, le paragraphe 2.4(1.1) ne crée pas un nouveau droit distinct, mais apporte simplement des précisions sur le droit existant de communication au public par télécommunication, et ne donne pas naissance à une activité distincte susceptible d’être soumise à un tarif.

[73] L’ACR soutient en outre qu’une telle interprétation est compatible avec les obligations internationales du Canada.

ii. ESA

[74] ESA [36] soutient que l’adjonction du paragraphe 2.4(1.1) n’a pas rendu l’arrêt ESA de la Cour suprême caduque et que la SOCAN ne peut toujours pas percevoir des redevances pour la transmission de téléchargements; la SOCAN ne peut pas non plus recueillir de redevances pour la simple mise en ligne d’œuvres musicales. Selon ESA, rien dans le contexte du tarif 22.A ne permet de le distinguer du contexte de l’arrêt ESA, à savoir l’activité unique de téléchargement d’une œuvre musicale.

[75] ESA allègue qu’étant donné que les magasins peuvent conserver des œuvres musicales dans leur inventaire sans payer de frais, les magasins de musique en ligne ne devraient pas avoir à le faire lorsqu’ils mettent en ligne des œuvres musicales – conformément au principe de la neutralité technologique. En outre, ESA soutient que l’adoption d’une interprétation selon laquelle la mise en ligne d’une œuvre pourrait mettre en jeu le droit de reproduction, ainsi que le droit de communication ne tiendrait pas compte de l’interdiction de cumul des droits ou de [TRADUCTION] « double (voire multiple) rémunération ».

[76] Enfin, ESA allègue que l’ajout du paragraphe 2.4(1.1) n’établit pas l’intention du législateur d’écarter les principes énoncés dans l’arrêt ESA.

iii. CCCD

[77] Le CCCD [37] affirme que le paragraphe 2.4(1.1) a une fonction de définition, et non pas d’établissement d’un nouveau droit en ce qui touche les œuvres. Le contexte et le contenu du Traité de l’ODA démontrent qu’un droit distinct pour la mise à disposition n’est pas nécessaire. Toutefois, même si un nouveau droit avait été créé, il ne s’agit pas d’un droit qui peut être géré par une gestion collective. Le CCCD soutient que l’interprétation que la SOCAN donne au paragraphe 2.4(1.1) créerait une sorte de cumul de droits, ou une « double rémunération » quant aux tarifs pour lesquels la Cour suprême du Canada a exprimé une certaine inquiétude. Quoi qu’il en soit, selon le CCCD, ce que la SOCAN sollicite est la création de droits semblables au droit d’auteur qui ne sont pas prévus dans la Loi.

[78] En outre, le CCCD allègue que les sociétés de gestion telles que la SOCAN n’ont peut-être pas toutes les autorisations requises pour gérer le « droit de mise à disposition » au sens où l’a formulé la SOCAN, notamment à l’égard des titulaires de droits étrangers.

E. Individus

i. M. Katz

[79] M. Katz, [38] professeur agréé à l’Université de Toronto, déclare qu’il est un consommateur qui achète du contenu numérique en ligne, un opposant dans l’affaire du tarif d’Access Copyright – Reproduction d’œuvres littéraires par les établissements d’enseignement postsecondaires, qu’il travaille dans un établissement d’enseignement actuellement titulaire d’une licence d’Access Copyright, et qu’il est un auteur et un titulaire de droit d’auteur.

[80] M. Katz soutient que si le paragraphe 2.4(1.1) crée un nouveau droit, on ne peut pas présumer que la SOCAN est autorisée à percevoir des redevances relativement à ce droit, étant donné qu’il est fort peu probable que la SOCAN puisse avoir obtenu ce droit depuis que la LMDA est entrée en vigueur.

[81] M. Katz soutient en outre qu’il ne va pas de soi que l’économie judiciaire justifie la tenue d’une instance spéciale impliquant plusieurs parties, plutôt qu’une instance tenue de manière habituelle pour trancher les questions juridiques qui concernent les circonstances précises d’une instance particulière.

V. QUESTIONS JURIDIQUES

A. Est-ce qu’en vertu du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, un service de musique en ligne communique au public par télécommunication une œuvre lorsque celui-ci place une copie de cette œuvre sur un serveur à partir duquel le public peut la télécharger?

i. Contexte

[82] La SOCAN a demandé en 1996 l’homologation d’un tarif applicable à l’utilisation des œuvres musicales sur Internet. L’examen de la demande d’homologation a été divisé en deux phases : la première portait sur les questions d’ordre juridique, alors que la deuxième établissait les redevances payables pour l’utilisation de la musique en ligne. À la première phase, la Commission a conclu qu’il y a communication d’une œuvre musicale par télécommunication lorsque des paquets de données sont transmis par Internet de telle façon qu’une fois ces paquets rassemblés, il est possible d’exécuter, copier ou autrement transmettre l’œuvre au destinataire. [39] Ces actes de transmission tombaient donc sous le coup de l’alinéa 3(1)f) de la Loi, selon lequel « [l]e droit d’auteur sur l’œuvre […] comporte, en outre, le droit exclusif […] de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique. »

[83] La Commission a également conclu qu’une communication destinée à être captée par des membres du public individuellement, dans leur foyer, était une communication « au public », mais a ajouté que le seul fait de mettre en ligne un fichier, de façon que plusieurs destinataires puissent y accéder, ne constitue pas une communication au public par télécommunication d’une œuvre contenue dans ce fichier : « Une œuvre musicale n’est pas communiquée au moment où elle est rendue disponible sur un serveur. » [40]

[84] Dans des décisions ultérieures, la Commission et la Cour d’appel fédérale ont statué que la transmission au public d’œuvres musicales sous forme de paquets de données électroniques correspondait à une communication au public par télécommunication, au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi. [41]

[85] Jusqu’en 2012, aucune cour de justice ni aucun tribunal n’a jugé que la transmission d’une œuvre entraînant le téléchargement de celle-ci via Internet n’était pas une communication au public par télécommunication. Comme l’indiquait le juge Binnie de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt SOCAN c. ACFI, l’œuvre a nécessairement été « communiquée » lorsqu’[à] l’issue de la transmission, l’utilisateur final a en sa possession une œuvre musicale qu’il n’avait pas auparavant. » [42] Même s’il s’agit de remarques incidentes, il ressort des propos du juge Binnie qu’il était entendu à l’époque que la transmission d’une œuvre musicale qui entraînait le téléchargement de celle-ci constituait une communication au public par télécommunication de l’œuvre en question.

[86] Dans l’arrêt ESA rendu en 2012, la Cour suprême du Canada a rejeté cette position. [43] Dans cette affaire, ESA faisait valoir que les exploitants de sites de jeux Internet n’avaient pas « communiqué » des œuvres musicales au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi lorsqu’ils avaient transmis à leurs clients des jeux vidéo contenant des œuvres musicales. [44] La Cour suprême a statué que la transmission par Internet d’œuvres musicales au moyen de copies permanentes ne constituait pas une communication de ces œuvres. [45]

[87] Puisque la SOCAN ne gère que le droit de communication au public par télécommunication, et non le droit de reproduction, l’effet de l’arrêt ESA est que la SOCAN ne peut percevoir de redevances sur la transmission par Internet d’œuvres musicales par téléchargement. La SOCAN était toujours en mesure de percevoir des redevances pour la diffusion en continu au public d’œuvres musicales par Internet. Les sociétés de gestion qui administrent le droit de reproduction, et le droit d’autoriser la reproduction, d’œuvres musicales peuvent demander et percevoir des redevances pour la reproduction de ces œuvres résultant de tels téléchargements.

ii. Arguments des parties

[88] La SOCAN fait valoir que, suivant le nouveau paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, les services de musique en ligne sont tenus de verser des redevances à la SOCAN lorsqu’ils mettent une œuvre musicale sur leurs serveurs Internet de manière à ce que chacun des clients puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit, peu importe que l’œuvre musicale soit ensuite transmise à des utilisateurs par téléchargement, par diffusion en continu ou non transmise.

[89] La SOCAN affirme que le fait de « mettre à disposition » une œuvre musicale de cette manière tombe sous le coup du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, qui a pour effet de faire de cet acte une communication au public par télécommunication. Puisqu’elle gère le droit de communication au public par télécommunication, la SOCAN soutient qu’elle a le droit de percevoir des redevances pour ce type d’acte.

[90] D’autres parties affirment que la mise à disposition en vue d’une diffusion en continu tombe sous le coup de l’alinéa 3(1)f) de la Loi, mais pas la mise à disposition en vue d’un téléchargement. [46] Elles font valoir que le paragraphe 2.4(1.1) a pour effet de préciser la portée du droit de communication prévu à l’alinéa 3(1)f). Ce dernier droit n’a pas été modifié et l’acte de mise à disposition était simplement inclus dans la notion existante de communication au public par télécommunication, ce qui illustre en soi une activité visée par le droit d’exécution en public prévu au paragraphe 3(1).

[91] Selon certaines parties, [47] il convient de signaler que le législateur n’a pas modifié la Loi en faisant de la protection relativement à la « mise à disposition » un droit distinct aux termes de la Loi; il a plutôt choisi de clarifier la définition de communication au public par télécommunication par l’ajout d’un paragraphe définitionnel. Ces parties s’opposent à la thèse de la SOCAN selon laquelle le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi a pour objet de créer un nouveau droit relatif à la mise à disposition d’œuvres. Elles affirment que cette disposition ne fait que préciser que le droit de communiquer une œuvre au public par télécommunication comprend la mise à disposition de l’œuvre en question. Ces parties soutiennent que l’interprétation du paragraphe 2.4(1.1) que propose la SOCAN introduit un nouveau droit de communication à l’étape initiale de mise à disposition des copies en vue d’un téléchargement ultérieur et a pour effet d’écarter complètement la distinction traditionnelle entre le droit de reproduction et le droit d’exécution que la Cour suprême du Canada a confirmée dans l’arrêt ESA.

[92] Cette position repose essentiellement sur l’argument selon lequel, suivant l’arrêt ESA, « le droit d’auteur sur l’œuvre » « comporte le droit exclusif […] d’en exécuter […] la totalité ou une partie importante en public », ce qui comporte, en outre, le droit exclusif « de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique », incluant – par application du paragraphe 2.4(1.1) – « le fait de mettre à la disposition du public par télécommunication une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. »

[93] En d’autres termes, le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi précise que l’acte de « mise à disposition » est inclus dans – et circonscrit par – la définition du mot « communiquer », lequel est lui-même inclus dans – et circonscrit par – la portée du mot « exécuter ». Puisque l’arrêt ESA établit qu’il y a communication au public par télécommunication d’une œuvre musicale lors de sa transmission en continu, et non lors de son téléchargement, cet argument porte à conclure que le fait de placer une copie d’une œuvre musicale sur un serveur à partir duquel cette œuvre est mise à la disposition du public en vue d’être téléchargée ne fait pas intervenir le paragraphe 2.4(1.1) puisqu’il n’y a pas de « communication au public », telle que décrite par les juges majoritaires dans ESA.

iii. Analyse du libellé de la Loi

[94] Le paragraphe 2.4(1.1) a-t-il pour effet de préciser le sens de l’expression « communication au public par télécommunication », de telle sorte qu’il ne s’applique qu’à des cas semblables à l’exécution, par exemple à la transmission en continu, ou devrait-il être interprété de façon à élargir le sens de cette expression de manière à inclure l’acte de « mettre à disposition », peu importe la nature de toute transmission ultérieure?

[95] Les textes législatifs et les modifications doivent être interprétés conformément aux principes modernes d’interprétation énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [48] à savoir qu’il faut lire les mots dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit, l’objet de la Loi et l’intention du législateur. [49]

iv. L’historique du paragraphe 2.4(1.1)

[96] Avant l’entrée en vigueur de la LMDA en 2012, la Loi ne protégeait pas explicitement la mise à la disposition du public d’œuvres et de tout autre objet du droit d’auteur.

[97] Plusieurs projets de loi présentés auparavant traitaient cette question de diverses manières. En 2005, le premier de ces projets de loi, soit le projet de loi C-60, [50] prévoyait explicitement une protection pour la mise à disposition d’une œuvre et de tout autre objet du droit d’auteur. [51] Ce projet de loi a finalement expiré au Feuilleton. En 2008, le gouvernement de l’époque a tenté de faire modifier la Loi et a présenté le projet de loi C-61, [52] lequel ne reprenait pas le libellé explicite du projet de loi C-60 relativement à la protection pour la mise à disposition d’œuvres. En juin 2010, le gouvernement a présenté le projet de loi C-32, [53] lequel a également expiré au Feuilleton, mais déposé de nouveau sans modification, en septembre 2011, à titre du projet de loi C-11. [54] Ce projet de loi, intitulé Loi sur la modernisation du droit d’auteur, a reçu la sanction royale le 29 juin 2012. Contrairement au projet de loi C-61, la LMDA a modifié expressément la Loi par l’ajout du paragraphe 2.4(1.1) qui se lit ainsi :

Pour l’application de la présente loi, constitue notamment une communication au public par télécommunication le fait de mettre à la disposition du public par télécommunication une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[98] Il ressort clairement du préambule de la LMDA que le législateur avait l’intention d’adopter de nouvelles protections du droit d’auteur au moyen d’« approches coordonnées, fondées sur des normes reconnues à l’échelle internationale ». En voici l’énoncé :

Attendu :

que la Loi sur le droit d’auteur est une loi-cadre importante du marché et un instrument indispensable de la politique culturelle qui, au moyen de règles claires, prévisibles et équitables, favorise la créativité et l’innovation et touche de nombreux secteurs de l’économie du savoir;

que le développement et la convergence des technologies de l’information et des communications qui relient les collectivités du monde entier présentent des possibilités et des défis qui ont une portée mondiale pour la création et l’utilisation des oeuvres ou autres objets du droit d’auteur protégés;

que la protection du droit d’auteur, à l’ère numérique actuelle, est renforcée lorsque les pays adoptent des approches coordonnées, fondées sur des normes reconnues à l’échelle internationale;

que ces normes sont incluses dans le Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur et dans le Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, adoptés à Genève en 1996;

que ces normes ne se trouvent pas toutes dans la Loi sur le droit d’auteur.

[…]

[99] Par conséquent, la LMDA avait principalement pour objet d’adopter une protection relative au droit d’auteur fondée sur des normes reconnues à l’échelle internationale, tel que reflété dans le Traité de l’ODA et le Traité de l’OIEP.

v. Déclarations du gouvernement

[100] À l’intention du législateur énoncée dans la LMDA, s’ajoutent différentes déclarations formulées par le gouvernement au cours de la présentation et de l’élaboration du projet de loi.

[101] Lorsqu’il a présenté la LMDA, le gouvernement a énoncé comme suit les objectifs fondamentaux de la nouvelle loi :

Le projet de loi intitulé Loi sur la modernisation du droit d’auteur donne aux secteurs reposant sur le droit d’auteur un cadre clair pour investir dans le contenu créatif, atteindre de nouveaux marchés, lancer de nouveaux modèles d’affaires et combattre la violation du droit d’auteur dans un environnement numérique. Les titulaires du droit d’auteur sont souvent des artistes et des créateurs. La nouvelle Loi sur la modernisation du droit d’auteur favorise la créativité, l’innovation et la culture en introduisant de nouveaux droits et mesures de protection pour les artistes et les créateurs. Elle aidera ces gens à protéger leurs œuvres et veillera à ce qu’ils reçoivent une rémunération équitable pour leurs efforts.

[…]

Le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, appelés collectivement Traités Internet de l’OMPI, établissent les nouveaux droits et mesures de protection des auteurs, interprètes et producteurs. Le Canada a signé ces traités en 1997. Le projet de loi permettra de mettre en œuvre les droits et mesures de protection connexes, afin qu’une future décision soit prise concernant la ratification de ces traités. Tous les titulaires du droit d’auteur auront désormais le « droit de mettre à disposition », à savoir le droit exclusif de contrôler l’affichage d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur Internet. Ainsi, il sera plus facile de déterminer si le partage non autorisé des œuvres protégées par le droit d’auteur sur les réseaux de pairs constitue ou non une violation du droit d’auteur. [55]

[102] Le gouvernement a expliqué l’ajout proposé du paragraphe 2.4(1.1) à la Loi dans un document intitulé : Gouvernement du Canada, « Droit d’auteur équilibré ̶ Glossaire », en précisant que la « mise à disposition » constitue un « [d]roit exclusif pour les titulaires du droit d’auteur d’autoriser la communication au public de leur œuvre ou d’un autre objet protégé de façon à ce que le temps et l’endroit de la réception de la communication puissent être individuellement choisis par les membres du public (p. ex., iTunes). » [56]

[103] Tout en reconnaissant que les déclarations de cette nature jouent un rôle limité en matière d’interprétation législative et en gardant à l’esprit que leur fiabilité et leur poids sont limités, [57] nous estimons que ces éléments de preuve sont pertinents quant au contexte et à l’objet de la LMDA.

vi. Le contexte, le sens ordinaire et grammatical

[104] Il convient de noter que l’application du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi ne se limite pas à la communication d’une œuvre par télécommunication, mais aussi à la communication d’« un autre objet » du droit d’auteur. La notion « mettre à la disposition », à titre d’acte protégé, figure aussi aux alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi.

[105] Cette expression, ou une expression semblable, apparaît dans d’autres dispositions établies par la LMDA, par exemple les paragraphes 29.21(1), [58] 30.04(1), [59] et 30.04(5). [60]

[106] L’expression « mise à la disposition » n’est pas entièrement nouvelle dans la Loi. Par exemple, le paragraphe 2.2(1)a), qui existait avant l’entrée en vigueur de la LMDA, définit le terme « publication » à l’aide de l’expression « mise à la disposition » à l’égard d’une œuvre et d’un enregistrement sonore. [61] Or, cette définition exclut expressément la communication d’une œuvre par télécommunication. [62] Ces dispositions ne semblent pas faire la lumière sur la question énoncée ci-dessus.

[107] Les arguments selon lesquels le paragraphe 2.4(1.1) ne s’applique qu’à la mise à disposition des transmissions semblables à l’exécution reposent dans une large mesure sur l’analyse effectuée par les juges majoritaires dans l’arrêt ESA, et en particulier sur leur interprétation du paragraphe 3(1) et des termes anglais « means » et « includes ». Puisque l’expression « communiquer au public, par télécommunication » figure à l’alinéa 3(1)f), le paragraphe 2.4(1.1) tombe sous le coup de la formulation ambiguë « means […] and includes » qui était en cause dans l’arrêt ESA.

[108] En interprétant le droit de communication avant l’adoption du paragraphe 2.4(1.1), la Cour suprême a affirmé, dans l’arrêt ESA, ce qui suit au regard du paragraphe 3(1) :

[La partie introductive] dispose que le droit d’auteur « comporte » le droit exclusif de produire ou reproduire une œuvre sous une forme matérielle quelconque, d’exécuter l’œuvre ou de la représenter en public et de publier une œuvre non publiée. Il s’agit d’une définition exhaustive, car dans sa version anglaise, le terme « means » en circonscrit la portée. Le texte introductif précise à la fin que le droit d’auteur « comporte, en outre » plusieurs autres droits, qui sont énumérés aux al. a) à i). Partant, les droits énoncés dans la partie introductive constituent l’assise fondamentale du droit d’auteur. Ceux qui font l’objet des alinéas suivants ne sont que des exemples […] Par exemple, le droit de location prévu à l’al. 3(1)i) et auquel renvoie le juge Rothstein entre aisément dans la catégorie générale des droits de reproduction. [63]

[109] Selon la Cour suprême dans l’arrêt ESA, la « communication par télécommunication » était fondamentalement un droit d’exécution, et le terme « communiquer » n’englobait pas des activités apparentées à la reproduction. [64] Cette conclusion prenait appui sur l’historique législatif de l’article 3 ainsi que sur la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques [65] et sur l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, [66] selon lesquels le terme « communiquer » englobait des activités apparentées à l’exécution. [67]

[110] Cette interprétation était fondée sur les activités apparentées à l’exécution visées par les articles 11 et 11bis de la Convention de Berne, que le paragraphe 3(1) et l’alinéa 3(1)f) de la Loi devaient mettre en œuvre. La Convention de Berne et les modifications apportées à la Loi suite à l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis de 1988 ne prévoyaient pas expressément une protection pour la transmission de copies. [68] Dans l’arrêt ESA, la Cour suprême n’a pas examiné les effets du Traité de l’ODA puisque le Canada n’avait pas encore mis en œuvre les Traités Internet de l’OMPI.

[111] Le Traité de l’ODA était une entente spéciale entre les parties contractantes à la Convention de Berne qui visait à élargir la portée des droits énoncés dans celle-ci. La nouvelle protection concernant la mise à disposition d’une œuvre par télécommunication visait à fournir aux titulaires de droits des outils pour poursuivre ceux qui mettent des œuvres à la disposition du public en ligne, même sans preuve de reproduction ou de communication.

[112] L’historique législatif du paragraphe 2.4(1.1) établit clairement une distinction entre la question dont est saisie la Commission et la question soulevée devant la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ESA. Il existe une énorme différence entre le contexte législatif relatif aux modifications apportées en 1988 et les Traités Internet de l’OMPI. La Cour suprême a conclu dans l’arrêt ESA que la « communication par télécommunication » est un acte qui se produit lors de la transmission en continu d’une œuvre, et non lors du téléchargement, mais n’a pas examiné la portée de l’expression « mettre à la disposition […] par télécommunication une œuvre. »

[113] La définition que donnent les dictionnaires du verbe « communiquer », dont le sens ordinaire comporte la transmission d’information d’une personne à une autre ne semble pas englober l’expression « mettre à la disposition du public par télécommunication » figurant au paragraphe 2.4(1.1) de la Loi. Le sens de cette expression est différent du sens ordinaire, ou plus général, de l’expression « communiquer au public, par télécommunication » figurant à l’alinéa 3(1)f), lequel inclut la transmission de l’information d’une personne à une autre.

[114] Voici les définitions du verbe « communiquer » et du mot « communication » qui figurent dans le Oxford Canadian Dictionary :

[TRADUCTION] communiquer […] 1 v.tr. a. transmettre ou transférer (une information) de vive voix, par écrit ou par d’autres moyens. b. transmettre (la chaleur, le mouvement, etc.). c. passer (une maladie infectieuse). d. exprimer (des sentiments, etc.) non verbalement […]2 v. intr. transmettre une information de manière efficace, susciter la compréhension, etc. […] 3 v. intr. [] partager un sentiment ou une compréhension; établir des rapports sociaux.

[…]

communication […] nom féminin 1 a. l’action de communiquer, notamment la transmission des nouvelles. b. résultat de cette action. c. l’information, etc. qui est communiquée. 2 moyen qui permet de passer d’un endroit à l’autre, p. ex. une porte, un passage, un chemin ou une voie ferrée. 3 contact social; échange quotidien d’information. 4 (au pluriel) science et pratique concernant la transmission d’information, notamment par des moyens électroniques ou mécaniques. [69]

[115] Étant donné que la mise à disposition d’une œuvre ne requiert pas qu’une transmission ait lieu, le sens ordinaire de l’énoncé « communiquer au public, par télécommunication » ne saurait correspondre au sens que lui donne le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, lequel a donc l’effet d’une disposition déterminative.

[116] L’effet d’une disposition déterminative a été décrit dans l’arrêt R. c. Verrette, [70] où la Cour suprême a précisé que, pour l’application de la loi, une disposition déterminative vise à élargir la portée d’un mot au-delà de son sens ordinaire, et ce, à des fins particulières. Une disposition déterminative est une fiction juridique qui donne à un mot ou à une expression un sens autre que celui qu’on leur reconnaît habituellement. Comme l’a affirmé la Cour suprême dans l’arrêt Verrette, une disposition déterminative a pour effet d’étendre la portée d’un mot de sorte qu’une chose soit considérée comme étant ce qu’elle n’est pas ou ne semble pas être. [71]

[117] À notre avis, à titre de disposition déterminative, le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi a pour effet d’élargir la portée du droit de communication au public par télécommunication parce qu’aucune définition de « communication » ne comporte l’acte préparatoire – à savoir la « mise à disposition » du contenu en soi. Dans son acception ordinaire et grammaticale, ce mot ne comporte que la transmission ou le transfert de l’information d’une personne à une autre. Par conséquent, le paragraphe 2.4(1.1) crée une fiction juridique : l’acte de « mettre à disposition » une œuvre de la manière décrite est un acte de communication au public par télécommunication de cette œuvre. L’interprétation antérieure de « communiquer » donnée dans l’arrêt ESA ne portait que sur l’élément lié à la transmission de ce droit et se distingue, ne restreignant pas l’interprétation du paragraphe 2.4(1.1).

[118] Ainsi, bien que plusieurs parties renvoient à la notion énoncée au paragraphe 2.4(1.1) de la Loi comme à un « droit de mise à disposition » ou DMD, il est probablement plus juste de la considérer comme une composante du droit de communication au public par télécommunication.

[119] Les tentatives de certaines parties de limiter ou restreindre l’interprétation du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi aux transmissions en continu sur demande ont pour effet d’établir des restrictions qui ne ressortent pas du libellé de cette disposition ou qui sont même incompatibles avec celui-ci. [72]

vii. Peut-il y avoir deux droits qui entrent en jeu?

[120] Certaines parties font valoir que la conclusion selon laquelle la mise à disposition d’une œuvre en vue du téléchargement correspond à une communication au public par télécommunication serait contraire à l’interprétation de l’arrêt Bishop c. Stevens [73] par la Cour suprême dans l’arrêt ESA.

[121] Il importe toutefois de préciser les conclusions formulées par la Cour suprême dans Bishop. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que puisque le droit d’exécuter une œuvre et le droit d’enregistrer cette œuvre sont distincts, le droit de diffuser l’exécution de l’œuvre en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi ne comporte pas le droit de faire des enregistrements éphémères afin de faciliter la radiodiffusion.

[122] Dans l’arrêt ESA, la Cour suprême a jugé que l’arrêt Bishop n’indique pas qu’une seule activité (à savoir, le téléchargement) peut porter atteinte à deux droits distincts en même temps. [74] L’arrêt Bishop se distingue de l’arrêt ESA du fait que ce dernier portait sur une seule activité. Les actes de reproduction sont séparés et distincts en théorie et en pratique des actes concernant la mise à la disposition du public d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur. Un acte de reproduction peut précéder ou suivre l’acte de mise à disposition d’une œuvre, alors il est possible qu’il n’y ait aucune reproduction effectuée par la personne qui met l’œuvre à la disposition du public. [75]

viii. La neutralité technologique

[123] Certaines parties invoquent le principe de la neutralité technologique pour soutenir que le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi ne saurait être interprété de manière à inclure des actes comportant une mise à disposition en vue d’une diffusion en continu et d’un téléchargement. Selon cet argument, puisque la Cour suprême avait, dans l’arrêt ESA, interprété le terme « communiquer » de manière à exclure les téléchargements en se fondant sur le principe de la neutralité technologique, et ce, avant l’adoption des modifications prévues par la LMDA, ce terme doit conséquemment, après l’adoption desdites modifications, être interprété de la même façon.

[124] Comme l’avait souligné le juge Rothstein, dissident dans l’arrêt ESA, « la neutralité technologique n’est pas une exigence légale susceptible de primer le texte de la Loi. » [76] Les tribunaux ont interprété ces observations comme signifiant que la Loi continue de s’appliquer aux technologies qui n’existaient pas ou qui n’avaient pas été envisagées au moment de sa rédaction. [77]

[125] Dans l’arrêt Rogers, la Cour suprême a appliqué le principe de la neutralité technologique pour décider que le libellé de l’alinéa 3(1)f) de la Loi était suffisamment large pour englober la communication sur demande. La Cour a déclaré ce qui suit :

Bien que les mots « sous une forme matérielle quelconque » se rattachent au droit de « produire ou de reproduire [une] œuvre » prévu au par. 3(1), le même principe devrait présider à l’interprétation de la formulation neutre du droit de « communiquer au public, par télécommunication ». La définition large du mot « télécommunication » a précisément été adoptée afin que ce terme ne soit plus défini en fonction du « type de technologie en cause (SOCAN c. ACFI, par. 90). » [78]

[126] Nous sommes d’avis que, suivant le principe de la neutralité technologique, le libellé de nature déterminative du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi devrait être interprété de manière neutre sur le plan technologique, et par conséquent être applicable à la fois aux transmissions en continu et aux téléchargements, « malgré l’usage de supports différents, y compris ceux qui dépendent d’une technologie plus avancée. » [79]

[127] Dans l’arrêt ESA, la Cour suprême a jugé que la neutralité technologique était un principe d’interprétation qui s’appliquait « sauf intention contraire avérée du législateur ». [80] En l’espèce, il est évident que le législateur ne voulait pas que le principe de la neutralité technologique limite la portée du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi. Bien au contraire, le législateur voulait établir une protection neutre sur le plan technologique qui s’applique à la mise à disposition des œuvres protégées « de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

[128] Comme il a déjà été indiqué, le préambule de la LMDA énonçait les objectifs du législateur de « mettre à jour les droits et les mesures de protection dont bénéficient les titulaires du droit d’auteur, en conformité avec les normes internationales, afin de mieux tenir compte des défis et des possibilités créés par Internet; […] éliminer la spécificité technologique des dispositions de la loi » [81] et « [é]tablir des règles neutres sur le plan technologique afin qu’elles puissent s’adapter constamment aux progrès de la technologie tout en assurant une protection adéquate aux créateurs et aux consommateurs. » [82]

[129] Nous sommes d’accord avec Music Canada sur le fait que la LMDA avait expressément pour objet de modifier la Loi afin de tenir compte des défis liés au numérique. Vu l’historique législatif, l’objet des Traités Internet de l’OMPI et l’objectif du législateur de mettre pleinement en œuvre ces traités au moyen d’« approches coordonnées », le principe de la neutralité technologique n’a pas pour effet de restreindre le sens du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi.

ix. Quel est l’effet de l’adoption du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi sur l’arrêt ESA?

[130] Comme il est expliqué dans l’arrêt ESA, avant l’entrée en vigueur des dispositions applicables de la LMDA, en particulier du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, le droit canadien limitait le droit de communication aux transmissions complètes de contenu protégé par le droit d’auteur au public à des activités d’exécution ou de représentation, comme les diffusions en continu. Même si la portée de ce droit était suffisamment large pour englober les communications sur demande, il fallait toujours établir l’existence d’une véritable transmission. L’accès au contenu protégé ne permettait pas à lui seul de faire entrer en jeu le droit en question. [83]

[131] Certaines parties font valoir que l’arrêt ESA est caduc ou qu’il ne lie pas la Commission, alors que d’autres affirment qu’il continue de faire autorité.

[132] Par exemple, Microsoft soutient que l’arrêt ESA régit l’interprétation des modifications apportées à la Loi. Microsoft affirme que le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi a reçu la sanction royale après les plaidoiries dans l’affaire ESA, mais avant que l’arrêt ne soit rendu. Microsoft fait donc valoir qu’on ne saurait affirmer que le législateur avait l’intention de modifier l’effet de l’arrêt ESA ou d’exercer une quelconque influence sur celui-ci. Microsoft souligne que la modification n’est entrée en vigueur que le 7 novembre 2012, soit environ quatre mois après que l’arrêt ESA a été rendu et donc qu’elle n’a pas été examinée par la Cour. Néanmois, l’arrêt ESA décrivait le lien historique entre la communication, l’exécution et la reproduction qui se poursuivait jusqu’à la date de la décision de la Cour. Par conséquent, selon Microsoft, la Cour suprême du Canada a nécessairement défini la notion de « communication » telle qu’elle existait au moment où le législateur a adopté la LMDA qui comportait la modification en question. Microsoft ajoute que le droit de communication que le législateur avait choisi comme moyen permettant de protéger la mise à disposition des œuvres musicales comportait à l’époque toutes les caractéristiques et les limitations énoncées dans l’arrêt ESA, même si cet arrêt a été rendu après la sanction royale de la LMDA et avant son entrée en vigueur.

[133] Selon les observations présentées par Microsoft, la modification ne saurait avoir pour effet d’« écarter » l’arrêt ESA ni être interprétée de manière à entraîner des résultats incompatibles avec les politiques en matière de droit d’auteur et les principes énoncés dans cet arrêt. En matière d’interprétation des lois, Microsoft soutient que le fait d’inclure la mise à disposition dans la notion de communication plutôt que de la reconnaître comme un droit distinct signifie que la modification en question doit être interprétée conformément à l’arrêt ESA.

[134] En guise d’autre exemple, Access Copyright et Copibec font valoir que, vu le moment où le projet de loi a reçu la sanction royale, la Commission peut prendre en considération les interprétations de l’alinéa 3(1)f) de la Loi antérieures à l’arrêt ESA.

[135] Selon un principe fondamental en matière d’interprétation des lois, le sens des termes figurant dans une loi est fixé au moment de son adoption, et non par la suite. [84] Étant donné que la décision ESA fût rendue après la date de l’adoption de la LMDA, la décision ne saurait avoir pour effet de modifier l’intention du législateur.

[136] Quoi qu’il en soit, lors de l’adoption de la LMDA, le législateur jugeait que le droit de communication englobe la mise à disposition, sans pour autant modifier le sens de l’« élément relatif à la transmission » de la communication au public par télécommunication. L’arrêt ESA ne portait que sur la deuxième partie de l’expression. Ainsi, nous ne sommes pas convaincus par les arguments examinés dans les paragraphes précédents pour la simple raison que la question en litige dans l’arrêt ESA est différente de la question soulevée en l’espèce. Par conséquent, puisque nous sommes appelés à déterminer la portée du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi et non à revoir l’« élément relatif à la transmission » du droit de communication au public par télécommunication, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument formulé par Access Copyright et Copibec, fondé sur le paragraphe 45(4) de la Loi d’interprétation, [85] quant à l’effet des décisions judiciaires sur l’interprétation législative.

B. L’interprétation faite par la Commission du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi est-elle conforme aux obligations du Canada au titre de l’article 8 du Traité de l’ODA et des articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP?

[137] Le préambule de la LMDA et les déclarations faites par le gouvernement durant sa présentation et son élaboration démontrent que l’un des principaux objectifs du projet de loi était de mettre en œuvre les Traités de l’ODA et de l’OIEP. L’interprétation du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi doit s’harmoniser avec cette intention. Bien que la discussion en l’espèce porte principalement sur le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi et l’article 8 du Traité de l’ODA, les principes qui sous-tendent notre analyse s’appliquent mutadis mutandis aux alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi et aux articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP.

[138] Comme point de départ, il convient de signaler que nul ne semble vraiment contester que les Traités Internet de l’OMPI visaient à régir la mise à disposition d’œuvres et tout autre objet du droit d’auteur en vue d’être téléchargés ou diffusés en continu. Les parties qui ont présenté des observations sur la question conviennent également que les méthodes de mise en application suivant la « solution cadre » [86] (décrite plus loin aux paragraphes 152 et suivants) en vue de respecter les obligations du Canada découlant des traités ne sont acceptables que si les Traités Internet de l’OMPI sont respectés intégralement. Ainsi, la protection de la mise à disposition à la fois des diffusions en continu et des téléchargements ne doit comporter aucune lacune.

[139] La SOCAN et certaines autres parties sont d’avis que ces activités sont visées par le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi; il est clair qu’il n’y aurait aucune lacune si cette disposition était interprétée de cette façon. Toutefois, les autres parties font valoir que la mise à disposition d’une œuvre pour téléchargement n’est pas visée par le paragraphe 2.4(1.1). Comme cette approche créerait a priori un vide si aucun autre droit ne s’applique à cette activité, nous devons déterminer si cette interprétation du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi respecte les obligations du Canada que lui imposent les Traités Internet de l’OMPI.

i. Le champ d’application de l’article 8 du Traité de l’ODA

[140] L’opinion de l’expert M. Mihály Ficsor, ancien directeur général adjoint de l’OMPI et personne chargée de la préparation des Traités Internet de l’OMPI et de l’établissement de la « solution cadre », est particulièrement utile à cet égard. M. Ficsor fait remarquer qu’il y avait plusieurs questions à résoudre, par exemple :

[TRADUCTION] La qualification juridique – le ou les droits exclusifs applicables – des actes d’inclure des œuvres et des objets de droits connexes sur Internet pour usage interactif (pour tout genre d’usage par ceux qui peuvent y avoir accès) était l’une de ces questions. En fait, il semble s’agir du plus gros enjeu pouvant représenter un obstacle à l’entente entre des parties clés aux négociations, comme les États-Unis et l’Union européenne.

Cet épineux problème a été réglé au moyen de la soi-disant « solution cadre » qui sert de fondement à la reconnaissance du droit de mise à la disposition (interactive) du public, que j’ai élaborée et offerte aux parties aux négociations de la façon décrite plus loin. [87]

[141] M. Ficsor explique en détail le problème auquel ont été confrontés les rédacteurs des Traités Internet de l’OMPI : comment appliquer les concepts de distribution et de communication au public lorsque les normes déjà établies ne sont pas suffisantes. Selon la Convention de Berne, [88] le droit de distribution ne s’applique pas à toutes les catégories d’œuvres, mais seulement aux œuvres cinématographiques; et bien que le champ d’application du droit de communication au public soit plus large, ce droit ne s’applique tout de même pas à toutes les catégories d’œuvres. Ainsi, il serait manifestement difficile pour les divers pays de choisir seulement un des deux droits candidats de base – à savoir la distribution ou la communication au public directement.

[142] M. Ficsor résume l’intention des rédacteurs des dispositions relatives à la « mise à disposition » des Traités de l’ODA et de l’OIEP de la façon suivante :

[TRADUCTION] L’intention – qui est dûment exprimée dans le texte des dispositions applicables des deux Traités et qui est également confirmée par les « travaux préparatoires » – était de prévoir un droit exclusif afin de contrôler l’acte décisif de télécharger et rendre accessible pour usage interactif des œuvres protégées et des objets de droits connexes sur Internet indépendamment de la nature ou de l’objectif des transmissions qui ont lieu dans l’exercice de cet usage. Les dispositions applicables des Traités de l’ODA et de l’OIEP ont été adoptées dans le cadre de la Conférence diplomatique de 1996 sur la base d’une interprétation unanime selon laquelle le droit de mise à disposition s’applique tant lorsque l’usage interactif qui en découle prend la forme de transmissions permettant uniquement la perception que lorsqu’il découle du téléchargement des œuvres (interprétations ou exécutions et/ou phonogrammes) ainsi mises à disposition. [89]

[143] Mme Ginsburg énonce la question de cette façon :

[TRADUCTION] Le droit de mise à disposition vise les transmissions sur demande (par fil ou sans fil), car il apparaît clairement que les membres du public peuvent se trouver à des endroits différents et à des moments différents. Les moyens technologiques pour « mettre à disposition » ne sont pas pertinents; le droit est exprimé dans des termes neutres sur le plan technologique […] Fait tout aussi important, le droit s’applique à l’« œuvre »; il n’est pas limité aux exécutions de l’œuvre. Ainsi, il englobe la mise à disposition de l’œuvre tant à titre de téléchargement qu’à titre de diffusion en continu. » [90] [Notes omises]

[144] Mme von Lewinski a également participé à l’élaboration des dispositions des Traités de l’ODA et de l’OIEP portant sur le droit de mise à disposition et est d’avis que :

[TRADUCTION] Le droit de mise à disposition prévu par les Traités de l’ODA et de l’OIEP s’applique dès qu’une œuvre, une interprétation ou exécution, ou un phonogramme, qui est stocké sur un serveur, est rendu accessible au public grâce à Internet ou à un autre réseau ou connexion qui peut être utilisé par le public de manière à ce que chacun puisse ensuite avoir accès à ces œuvres, interprétations ou exécutions ou phonogrammes de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée. [91] [Notes omises]

[145] L’article 8 du Traité de l’ODA requiert des signataires de conférer aux auteurs le droit exclusif d’autoriser la communication au public de leurs œuvres. Certaines parties semblent affirmer que ce droit d’autoriser la communication au public comprend le droit de « mettre à disposition » une œuvre. [92] Suivant cette approche, on appliquerait essentiellement le même argument que celui s’appliquant au sens de l’expression « y compris » de l’article 8 du Traité de l’ODA, tel que présenté par ces parties relativement à l’interprétation du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi; c’est-à-dire que la formulation de l’article 8 « y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée » se veut une précision de l’énoncé qui la précède, « toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil ».

[146] Nous ne sommes pas d’accord. Comme l’ont dit clairement tous les experts, l’acte de mise à disposition peut survenir sans qu’une communication ait lieu. Ainsi, la formulation in fine ne peut constituer une précision de l’énoncé qui la précède. Plus logiquement, au même titre que le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi, cette partie de l’article 8 est une disposition déterminative, qui élargit le sens de l’expression « toute communication au public ».

[147] Par conséquent, nous sommes d’avis que dans la mesure où la législation d’un pays confère le droit exclusif d’autoriser la communication au public d’une œuvre mais n’englobe pas la simple « mise à disposition » de cette œuvre, il y a lacune, et ce pays ne respecte pas l’article 8 du Traité de l’ODA.

ii. Respect au moyen des droits actuels et du paragraphe 2.4(1.1) « fondé sur l’exécution »

[148] Les parties qui soutiennent que le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi ne s’applique pas à la mise à disposition suite à laquelle pourraient s’ensuivre des téléchargements, et que pareille interprétation est conforme au Traité de l’ODA, font valoir qu’une ou plusieurs combinaisons des droits actuels en matière de reproduction, d’autorisation des reproductions et d’autorisation des communications au public par télécommunication, conjointement avec l’interprétation qu’elles proposent de la portée du paragraphe 2.4(1.1), sont suffisantes pour répondre à l’obligation prévue à l’article 8 du Traité de l’ODA. Certaines prétendent que le Traité de l’ODA n’exige pas de méthode de mise en œuvre précise et, en outre, qu’il n’impose pas un droit de « mise à disposition » distinct.

[149] Certaines sociétés de gestion du droit d’auteur, dont la SOCAN et certains groupes de titulaires de droits ne sont pas d’accord. Ils font valoir que bien que MM. Ricketson et de Beer affirment qu’un pays pourrait potentiellement mettre en œuvre les Traités Internet de l’OMPI de la façon qu’ils proposent, ni ces derniers ni les parties qui se fondent sur leurs opinions d’expert ne fournissent de motifs ou de la jurisprudence à l’appui de leur prétention selon laquelle le Canada avait l’intention de mettre en œuvre, et a effectivement mis en œuvre, les Traités Internet de l’OMPI de la façon qu’ils proposent.

[150] M. Ricketson affirme ce qui suit :

[TRADUCTION] [L]’interprétation du droit de communication au Canada prévu à l’alinéa 3(1)f) qui préconise que celui-ci s’applique à la mise à disposition interactive des œuvres qui sont diffusées en continu uniquement est conforme aux exigences de l’article 8 du Traité de l’ODA, pour autant qu’il existe d’autres droits exclusifs, comme le droit de reproduction, qui peuvent s’appliquer aux transmissions qui donnent lieu ou peuvent donner lieu à des téléchargements des œuvres mises à disposition. [93]

[151] Selon M. Ricketson, le droit exigé par l’article 8 du Traité de l’ODA complète les droits exclusifs actuels de diffuser et de communiquer des œuvres qui sont exigés en vertu de la Convention de Berne. Il souligne qu’en plus des règles d’interprétation de traité qui permettent aux États membres de mettre en œuvre des droits standards de la manière de leur choix, le libellé de l’article 8 est suffisamment large pour fournir aux États membres une souplesse quant à la mise en œuvre. Il conclut que le libellé de l’article 8 n’impose aucune condition sur la façon dont les œuvres sont mises à disposition et, selon lui, ce principe est confirmé dans la proposition de base relativement à la « solution cadre ». [94]

[152] Le terme « solution cadre » renvoie à un compromis élaboré durant les négociations du Traité de l’ODA, qui contient les éléments suivants : « (i) l’acte de transmission interactive devrait être décrit d’une manière neutre, dépourvu de qualification juridique (par exemple, comme étant le fait de mettre une œuvre à la disposition du public par fil ou sans fil, pour que chacun puisse y accéder); (ii) cette description ne devrait pas être technique, mais devrait exprimer la nature interactive des transmissions numériques en ce sens qu’elle doit préciser également qu’une œuvre ou un objet de droits connexes est mis à la disposition du public quand chacun peut y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit; (iii) concernant la qualification juridique du droit exclusif – soit, le choix effectif du ou des droits applicables – il faudrait laisser une latitude suffisante au législateur national et (iv) les disparités dans la Convention de Berne relatives à la portée des droits pertinents – droit de communication au public et droit de mise en circulation – devraient être éliminées. Cette solution, dite « solution cadre », a été adoptée à la conférence diplomatique comme fondement des dispositions concernant les transmissions interactives. » [95]

[153] M. de Beer conclut également que lorsqu’il s’agit de déterminer si la législation du Canada en matière de droit d’auteur est conforme aux obligations internationales du Canada, la question essentielle est celle de savoir si le fond de la législation est conforme, et non de savoir si la manière précise de mise en œuvre concorde avec celle d’autres États membres et que [TRADUCTION] « l’harmonisation parfaite avec toutes les autres approches adoptées par les pays étrangers est impossible, voire même inutile, pour assurer le respect de traités par le Canada. » [96]

[154] Dans leur opinion respective, MM. Ricketson et de Beer concluent tous deux qu’il est inutile que la LMDA confère un droit de « mise à disposition » distinct pour être conforme aux obligations imposées par le Traité de l’ODA. Ils estiment également que l’interprétation selon laquelle le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi n’englobe pas la mise à disposition de téléchargements satisfait à l’obligation prévue à l’article 8 du Traité de l’ODA.

[155] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités [97] ainsi que de l’historique et de l’effet de la « solution cadre », nous estimons que les États membres du Traité de l’ODA n’ont pas à adopter une approche précise afin de respecter leurs obligations. L’approche peut prendre n’importe quelle forme : un droit de reproduction, un droit de distribution, un droit de publication, un droit de communication ou un droit de mise à disposition autonome, ou toute combinaison de ces droits. [98] Toutefois, cela ne répond pas à la question fondamentale : l’interprétation que certaines parties nous invitent à faire selon laquelle le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi n’englobe pas la mise à disposition résultant en des téléchargements répond-elle aux obligations du Canada découlant de l’article 8 du Traité de l’ODA?

iii. Quels droits peuvent être exercés pour assurer le respect de l’article 8 du Traité de l’ODA?

[156] Certains experts font valoir que seuls certains droits devraient être pris en considération pour savoir si la mise en œuvre nationale de la protection de la « mise à disposition » d’une œuvre par un membre du Traité de l’ODA répond aux obligations créées par ce traité, et que le droit de reproduction ne devrait pas en faire partie.

[157] Par exemple, M. Ficsor et Mme von Lewinski affirment que le droit de reproduction ne constitue pas un mécanisme viable pour mettre en œuvre le droit de mise à disposition tel qu’il s’applique à la mise à la disposition du public de copies en vue d’un téléchargement. M. Ficsor a fourni une explication détaillée des deux droits potentiels dans son examen des négociations des traités de l’OMPI et a expliqué pourquoi le droit de reproduction a été considéré comme insuffisant. En bref, le droit de reproduction n’équivaut pas au droit de fournir accès ou de mettre à disposition dans des environnements interactifs. [99]

[158] Mme von Lewinski affirme que le droit de reproduction n’était pas un droit potentiel susceptible de faire partie de la « solution cadre » pour satisfaire aux obligations découlant des Traités Internet de l’OMPI en ce qui a trait à la mise à disposition :

[TRADUCTION] Par conséquent, les droits potentiels à appliquer à l’acte de mise à disposition dont nous avons discuté ne sont que les droits qui engloberaient l’acte de mise à disposition en tant que forme de diffusion dans le sens le plus large, par opposition au simple droit de reproduction. En fait, on a indiqué dans la proposition de base que le droit de reproduction s’applique à toute reproduction qui a lieu pendant la mise à disposition et qui s’applique en plus du droit de mise à disposition. De même, les discussions des Comités d’experts et de la Conférence diplomatique ont confirmé que le droit de reproduction a toujours été considéré comme un droit qui s’applique aux actes de reproduction dans le contexte de la transmission sur Internet, et que tout autre droit supplémentaire devrait englober l’acte (différent) de mise à disposition.

Par conséquent, je ne souscris pas aux opinions des experts J. de Beer et S. Ricketson, dans la mesure où ils considèrent le droit de reproduction (y compris le droit d’autoriser la reproduction) comme un droit potentiel permettant la mise en œuvre du droit de mise à disposition des téléchargements. [100] [Notes omises]

[159] Toutefois, Mme Ginsburg affirme ce qui suit :

[TRADUCTION] Ce qui importe n’est pas la désignation qu’utilise la législation nationale, mais plutôt son champ d’application réel. D’une façon ou d’une autre, les États membres doivent s’assurer que les auteurs jouissent du droit de contrôler l’offre et l’accès sur demande du public, que cet accès prenne la forme d’une diffusion en continu ou d’un téléchargement. [101]

[160] Elle poursuit :

[TRADUCTION] Le Canada peut donc, conformément à l’article 8 du Traité de l’ODA, édicter un droit de « mise à disposition » qui réglemente l’ensemble de l’offre de diffusion en continu et de téléchargement sur demande, mais qui peut également englober les offres sur demande de diffusion en continu et de téléchargement au moyen d’une combinaison de droits exclusifs, par exemple, au moyen d’un droit d’exécution en public ou d’un droit de communication au public à l’égard des offres de diffusion en continu, et d’un droit de reproduction/distribution à l’égard des offres de téléchargement. Toutefois, selon ses obligations internationales, il ne peut englober les offres de diffusion en continu d’une part, mais seulement la distribution réelle de téléchargements d’autre part. [102]

[161] Ce point de vue est secondé par M. Jörg Reinbothe et Mme von Lewinski dans leur texte, où ils affirment que les États-Unis :

[TRADUCTION] ont dit comprendre que le droit de mise à disposition énoncé à l’article 10 de la proposition de base I 1996 pourrait être mis en œuvre dans la législation nationale par tout droit exclusif, donc pas forcément par le droit de communication au public. Cette compréhension n’a pas été contestée par les autres délégations. [103] [Nos italiques]

[162] Nous sommes d’accord. Le nom que l’on attribue au droit dans la législation nationale ne le rend pas plus ou moins conforme. Ce qui importe, c’est que tous les actes indiqués dans les traités soient visés par un ou plusieurs droits exclusifs.

[163] Nous remarquons que bien que certains experts, dans leurs observations et opinions, utilisaient le terme « offre » comme un synonyme ou une abréviation de l’expression « mise à disposition », ces deux termes ne s’équivalent pas. Une œuvre doit être mise à disposition de la manière décrite dans le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi avant que le droit de mise à disposition n’entre en jeu – la simple offre de transmettre une œuvre, sans que cette œuvre ne soit accessible pour la transmission sur demande, n’est pas suffisante. Cet état nécessaire d’accessibilité a été décrit par les témoins experts comme étant « accessible pour usage interactif » [104] ou comme une communication « embryonnaire ». [105]

[164] Nous estimons que, pour qu’un pays respecte ses obligations au titre de l’article 8 du Traité de l’ODA, il doit prévoir un droit, ou une combinaison de droits – peu importe leur nom, existant déjà ou étant nouveaux – conférant à un titulaire d’un droit d’auteur le droit exclusif d’autoriser :

  1. la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée;

  2. l’acte de communication au public qui découle d’une telle mise à disposition, le cas échéant;

  3. l’acte de reproduction qui découle d’une telle mise à disposition, le cas échéant.

[165] Dans la mesure où les actes ci-dessus sont représentés d’une façon ou d’une autre, l’obligation d’un pays au regard de la partie in fine de l’article 8 du Traité de l’ODA est respectée.

[166] Comme nous sommes d’avis que les droits prévus dans la Loi englobent déjà les deux derniers actes parmi les trois cités ci-dessus, nous estimons très pertinent le fait que la conformité exige qu’un droit ou des droits exclusifs entrent en jeu dès qu’une œuvre est mise à la disposition du public de la manière décrite à l’article 8 du Traité de l’ODA, même sans qu’il y ait subséquemment téléchargement ou diffusion en continu. Par conséquent, nous devons maintenant examiner les autres droits proposés par certaines parties pour déterminer si ceux-ci engloberaient un tel acte.

[167] Pour les motifs qui suivent, nous ne sommes pas convaincus que la combinaison des autres droits présentés suffit pour englober tous les actes énumérés ci-dessus.

iv. Droit de reproduction

[168] Le droit d’interdire une reproduction peut ne pas être suffisamment large pour interdire l’acte subséquent de « mise à disposition » d’une reproduction. Bien qu’il soit vrai que – dans l’état actuel de la technologie – l’acte de reproduction précède presque toujours l’acte de « mise à disposition », il semble que le droit d’interdire la reproduction ne permettrait pas toujours d’interdire la mise à disposition.

[169] Par exemple, l’acte initial de reproduction (p. ex. l’acte de copier une œuvre sur un serveur) peut être effectué par une personne qui est autorisée à effectuer une telle reproduction, alors que la « mise à disposition » subséquente (p. ex. l’acte de configurer le serveur de façon à ce qu’une demande envoyée à ce serveur par le public entraînera l’accès à cette copie de cette œuvre) peut être effectuée par une autre personne. Le droit de reproduction n’entrerait pas en jeu par cet acte subséquent de « mise à disposition ».

[170] Même si le titulaire du droit de reproduction devait exiger, au moyen d’une condition dans une licence, qu’un titulaire d’une licence n’autorise personne d’autre à mettre à disposition toute copie qui en découle, tout manquement à cette condition ne donnerait ouverture à un droit d’action qu’à l’encontre du titulaire de la licence, et non à l’encontre de la personne qui a mis l’œuvre à disposition. Un droit contractuel potentiel de cette nature ne s’élève pas au rang d’un « droit exclusif » au sens du Traité de l’ODA.

v. Autorisation de reproduction ou autorisation de communication au public

[171] Certaines parties, comme Music Canada, font valoir que le droit d’« autorisation » prévu dans la Loi n’est pas suffisant puisque, entre autres, les obligations découlant du Traité de l’ODA exigent une responsabilité stricte en cas de simple « mise à disposition ». Nous ne nous prononçons pas sur la question de savoir si le respect du Traité de l’ODA exige une responsabilité stricte ou permet une autre norme, puisque les différents experts n’ont pas présenté suffisamment de preuve sur ce point.

[172] Qui plus est, pour qu’une « autorisation » soit une violation au sens de la Loi, un acte de violation subséquent doit se produire. Selon nous, cette caractéristique du droit d’autorisation laisse un vide important dans les protections requises par le Traité de l’ODA.

[173] L’un des effets de l’article 8 du Traité de l’ODA était d’enlever l’exigence des titulaires de droits de prouver que leurs œuvres ont été consommées d’une certaine manière (soit par reproduction ou communication au public). Bien que le droit de contrôler la « mise à disposition » d’une œuvre ne donne pas le contrôle sur tout acte accompli pour consommer cette œuvre (comme l’écouter, la regarder ou la lire), il fournit une façon pour les titulaires de droits d’interdire une activité (la mise à disposition) qui pourrait mener à un tel acte de consommation.

[174] Par exemple, dans le cas d’une œuvre mise en ligne sur un site Web public, aucune preuve démontrant qu’il y a eu téléchargement ne serait requise pour faire entrer en jeu la « mise à disposition », dégageant ainsi le titulaire du droit d’auteur de l’obligation de prouver qu’il y a effectivement eu téléchargement, et que ce téléchargement constituait une violation.

[175] Comme nous en avons discuté précédemment, à notre avis, pour qu’une partie respecte le Traité de l’ODA, un droit exclusif doit entrer en jeu par la mise à la disposition du public d’une œuvre de manière à ce que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée. Comme elle exige qu’un acte subséquent survienne pour que la responsabilité soit engagée, la notion d’autorisation est déficiente à cet égard.

[176] À notre avis, ni le droit de reproduire une œuvre ni le droit d’autoriser la reproduction ou la communication publique d’une œuvre ne suffit à lui seul, ou en combinaison avec un autre droit, à englober convenablement ces situations.

[177] Le même raisonnement s’appliquerait à une analyse du droit actuel d’autoriser la reproduction d’enregistrements sonores et de prestations fixées dans les enregistrements sonores et, par conséquent, ces droits ne seraient pas suffisants pour répondre aux obligations imposées par les articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP.

vi. Droit de distribution

[178] Certaines parties ont mentionné brièvement que le droit de distribution, prévu à l’alinéa 3(1)j) de la Loi, pourrait faire partie de l’ensemble de droits potentiels qui permettraient de respecter l’article 8 du Traité de l’ODA. La disposition indique que le « droit d’auteur » comporte le droit exclusif, « s’il s’agit d’une œuvre sous forme d’un objet tangible, d’effectuer le transfert de propriété, notamment par vente, de l’objet, dans la mesure où la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur. »

[179] M. Ficsor affirme que pour que le droit de distribution soit suffisant, il devrait englober [TRADUCTION] « la distribution par la reproduction par la transmission, c’est-à-dire la mise à disposition de copies en faisant ces copies, au moyen de la transmission de signaux électroniques, dans les ordinateurs de réception. » [106] Mme von Lewinski affirme que le concept d’épuisement ne s’applique pas au droit de mise à disposition prévu à l’article 8 du Traité de l’ODA. [107]

[180] Au Canada, le droit de distribution n’a pas ces caractéristiques. Ainsi, cet argument peut facilement être écarté. Le droit de distribution prévu à l’alinéa 3(1)j) de la Loi ne s’applique qu’aux œuvres comprises sur un support tangible – alors que le Traité de l’ODA ne comporte aucune restriction de cette nature. De plus, ce droit entre en jeu uniquement lorsqu’une distribution a lieu et non dès que l’œuvre est rendue accessible d’une manière qui pourrait donner lieu à une « distribution ». Enfin, le droit prévu à l’alinéa 3(1)j) ne s’applique que dans la mesure où « la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur. » Une fois que la propriété de l’objet tangible contenant l’œuvre est transférée, le droit ne s’applique plus ou, autrement dit, le droit est épuisé.

[181] Tous ces aspects du droit de distribution, tels qu’ils sont prévus dans la Loi, le rendent inapproprié pour répondre aux obligations découlant de l’article 8 du Traité de l’ODA.

[182] Par conséquent, nous estimons que l’interprétation proposée selon laquelle le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi n’engloberait pas la mise à disposition de téléchargements ferait en sorte que le Canada ne respecterait pas l’article 8 du Traité de l’ODA. Cette interprétation ne s’harmoniserait donc pas avec l’intention du législateur qui a pour objectif la mise en œuvre du Traité de l’ODA.

vii. L’interprétation faite par la Commission du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi répond-elle aux exigences de l’article 8 du Traité de l’ODA?

[183] Ayant conclu que la mise en œuvre de l’article 8 du Traité de l’ODA peut prendre n’importe quelle forme et être appliquée par n’importe quel droit exclusif – ou combinaison de droits exclusifs – dans la mesure où elle englobe « la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée », sans égard à la question de savoir si elle est suivie d’une diffusion en continu ou d’un téléchargement, ou de rien du tout, nous sommes d’avis que notre interprétation répond à toutes les exigences de l’article 8 du Traité de l’ODA. Le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi décrit comment la « mise à disposition » d’œuvres est protégée grâce au droit exclusif de communication au public par télécommunication alors que les transmissions d’œuvres subséquentes qui en découlent, s’il y a lieu, sont déjà protégées par les droits exclusifs visés au paragraphe 3(1) de la Loi.

viii. Régimes législatifs étrangers

[184] Certains témoins experts ont décrit les régimes législatifs de certains pays qui ont mis en œuvre les Traités Internet de l’OMPI. Étant donné que ces Traités permettent une grande souplesse dans la manière de mettre en œuvre les obligations qui en découlent, nous estimons peu pertinent d’examiner la manière dont un certain nombre de pays ont mis en œuvre le droit en matière de « mise à disposition » dans leur législation respective.

C. La transmission d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur « fusionne »-t-elle avec l’acte initial de mise à disposition de façon à former un seul acte protégé?

[185] Il reste une question à aborder, soit la théorie de la fusion dans le contexte de la mise à disposition d’œuvres, comme nous le décrirons plus loin. Nous estimons que cette question est fondamentale puisque plusieurs des prétentions des parties intègrent cette théorie, implicitement ou explicitement, [108] dans leur raisonnement, mais en sont venues à des conclusions très différentes quant à l’effet juridique de la fusion dans le contexte des questions que nous devons trancher.

[186] Par exemple, Cineplex prétend que [TRADUCTION] « la mise à disposition d’une œuvre et sa transmission subséquente constituent une seule transaction protégée, qui donne lieu à des redevances pour le droit d’exécution dans le contexte d’une diffusion en continu et à des redevances pour le droit de reproduction dans le contexte d’un téléchargement. » [109] De même, SACD-SCAM soutient que :

[…] si l’œuvre, la prestation ou l’enregistrement sonore fait effectivement l’objet d’une transmission subséquente à l’offre, c’est le droit de « mise à disposition », et lui seul, qui couvrira toute la chaîne d’activités en ligne; il ne doit pas y avoir cumul de l’exercice de plusieurs droits. [110]

[187] Dans le contexte de la mise à disposition d’œuvres et autres objets du droit d’auteur, la théorie de la fusion signifie essentiellement qu’une fois qu’une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur est mis à la disposition du public puis transmis, cette transmission subséquente fusionne avec l’acte initial de mise à disposition pour ne former qu’un seul acte protégé, qui serait assujetti à un seul droit.

[188] En examinant l’historique et le libellé des Traités de l’ODA et de l’OIEP et, plus important encore, le libellé de la Loi, nous concluons, pour les motifs qui suivent, que la théorie de la fusion ne s’applique pas à la protection de la mise à disposition d’œuvres et autres objets du droit d’auteur telle que mise en œuvre par la Loi.

i. Les dispositions nationales

[189] Les parties ne contestent pas que l’acte de mise à disposition d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur « de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement » [111] sans égard à la question de savoir s’il y a transmission subséquente, suffit à faire entrer en jeu la protection ou la responsabilité prévue au paragraphe 2.4(1.1) de la Loi. Nous souscrivons à ce point de vue. La situation à l’égard des droits accordés pour les prestations fixées au moyen d’un enregistrement sonore et les enregistrements sonores visés par les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi respectivement, évoque la même notion, d’autant plus que ces dispositions créent un droit exclusif autonome. Il est souhaitable que les mêmes principes s’appliquent de manière égale à la mise à la disposition du public d’œuvres d’une part, et la mise à la disposition du public d’enregistrements sonores et de prestations, d’autre part.

[190] Les termes non équivoques du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi ne portent que sur l’acte de mettre une œuvre (ou un autre objet du droit d’auteur) en ligne de façon à la rendre accessible au public de l’endroit et à un moment qu’il choisit.

[191] Le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi prévoit que l’acte de mettre en ligne une œuvre (ou un autre objet du droit d’auteur) de manière à la rendre accessible au public doit être considéré comme une communication au public par télécommunication de cette œuvre ou de cet autre objet du droit d’auteur. La disposition n’est assortie d’aucune condition qui indiquerait que l’accès doit effectivement avoir lieu pour que la protection ou la responsabilité entre en jeu. Elle renvoie au fait de « mettre à la disposition du public par télécommunication. » [112] Ainsi, le simple acte de mettre à disposition de manière à permettre l’accès subséquent par le public suffit à faire entrer en jeu la disposition déterminative et n’exige pas l’acte subséquent découlant de l’accès, peu importe la forme qu’il prend.

[192] La signification de l’expression « communication au public par télécommunication », qui se rapporte à la transmission d’une œuvre protégée, n’a pas changé avec l’entrée en vigueur de la LMDA. Le législateur a créé une fiction juridique en transformant un acte qui pourrait être considéré comme étant à l’extérieur du champ d’application du droit de communication au public par télécommunication en un acte désormais manifestement réputé être à l’intérieur de ce champ.

[193] De plus, en pratique, l’acte de mettre une œuvre ou un autre objet du droit d’auteur à la disposition du public et la transmission subséquente qui en découle, peu importe la forme qu’elle prend, peut être effectué par diverses personnes, à des moments et à des endroits différents. La fusion de l’acte de mettre à disposition avec la transmission subséquente pourrait créer des situations où la relation juridique (qualité pour agir, protection et responsabilité) entre deux personnes pourrait être altérée rétroactivement par la seule action d’un tiers, à des moments et à des endroits différents choisis par ce dernier. Par exemple, cette situation surviendrait lorsqu’une transmission subséquente à une mise à disposition change la nature juridique de la mise à disposition, d’un acte de communication au public par télécommunication en un acte de reproduction. Une interprétation qui rendrait de telles situations possibles n’est pas justifiable ni souhaitable.

ii. Article 8 du Traité de l’ODA et articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP

[194] L’article 8 du Traité de l’ODA est rédigé comme suit :

Sans préjudice des dispositions des articles 11(1)(ii), 11bis(1)(i) et (ii), 11ter(1)(ii), 14(1)(ii) et 14bis(1) de la Convention de Berne, [113] les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée. [114]

[195] Les termes non équivoques de l’article 8 du Traité de l’ODA n’exigent pas que les transmissions subséquentes à la mise à disposition d’une œuvre soient protégées en vertu du même droit.

[196] La première partie de l’article 8 du Traité de l’ODA, à savoir « [s]ans préjudice des dispositions des articles 11(1)(ii), 11bis(1)(i) et (ii), 11ter(1)(ii), 14(1)(ii) et 14bis(1) de la Convention de Berne » indique que tous les droits précédents visés par les dispositions précises de la Convention de Berne ne seront pas touchés par les obligations créées par cet article. Comme corollaire, la législation nationale mettant en œuvre l’objet de l’article 8 du Traité de l’ODA ne devrait probablement pas perturber les droits actuels visant l’objet des dispositions énumérées de la Convention de Berne.

[197] L’article 8 du Traité de l’ODA n’indique pas que la « mise à la disposition du public » est un droit exclusif autonome, mais plutôt un élément qui peut être inclus dans un droit de communication au public qui existe déjà, sans préjudice de ce dernier. Il indique expressément que les obligations découlant de la Convention de Berne, et par extension les droits mis en œuvre pour répondre à ces obligations, ne devraient pas être touchés par la mise en œuvre de la protection de l’acte de mettre à la disposition du public. Adopter la théorie de la fusion, décrite précédemment, perturberait le sens juridique des droits visés par la Convention de Berne, à savoir les droits de reproduction et de communication liés à certaines œuvres protégées.

[198] Les articles 10 et 14 du Traité de l’OIEP sont rédigés comme suit :

Article 10 – Droit de mettre à disposition des interprétations ou exécutions fixées

Les artistes interprètes ou exécutants jouissent du droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de leurs interprétations ou exécutions fixées sur phonogrammes, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. [115]

Article 14 – Droit de mettre à disposition des phonogrammes

Les producteurs de phonogrammes jouissent du droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de leurs phonogrammes de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. [116]

[199] Il convient de noter que ces dispositions sont formulées différemment de l’article 8 du Traité de l’ODA, puisque les phonogrammes ou « enregistrements sonores » dans le contexte canadien, ne jouissent pas forcément de droits exclusifs complets comme c’est le cas pour les œuvres. Au Canada, avant l’entrée en vigueur de la LMDA, les producteurs d’enregistrements sonores et les artistes-interprètes dont les prestations étaient fixées au moyen d’un enregistrement sonore jouissaient d’un droit à rémunération pour la communication au public par télécommunication et l’exécution en public d’enregistrements sonores plutôt que d’un droit exclusif. Cette situation est la raison principale pour laquelle les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi sont libellés différemment du paragraphe 2.4(1.1) de la Loi.

[200] La façon dont la protection de l’acte de mettre à disposition des phonogrammes et des interprétations ou exécutions qui y sont fixées est abordée dans le Traité de l’OIEP démontre clairement qu’un tel acte peut être protégé dans son propre droit et n’a pas besoin d’être dépendant d’un autre droit ou fusionné à un autre droit.

[201] Les parties ont, de façon générale, convenu que tant le Traité de l’ODA que le Traité de l’OIEP accordent une grande latitude aux États membres quant à la mise en œuvre des obligations qui y sont visées dans leur législation nationale. [117] Nous partageons le même avis.

[202] La transmission en ligne de contenu protégé par le droit d’auteur ne faisait pas partie des « lacunes dans la protection » que les Traités Internet de l’OMPI, et ensuite la LMDA, devaient régler. La protection adéquate pour ces transmissions est déjà fournie dans la Loi au moyen des droits exclusifs de reproduction et de communication au public par télécommunication.

[203] Sur la question de la fusion, telle qu’elle est définie dans les présentes, nous estimons que la « mise à disposition » du public est juridiquement distincte de la transmission qui peut découler d’une telle « mise à disposition » et, par conséquent, les transmissions subséquentes qui en découlent doivent être évaluées selon leur propre droit.

D. À quelles dates les diverses dispositions relatives à la « mise à disposition » (le paragraphe 2.4(1.1) et les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi) entrent-elles en vigueur?

[204] Conformément au Décret fixant plusieurs dates d’entrée en vigueur de diverses dispositions de la loi, [118] le paragraphe 2.4(1.1) de la Loi est entré en vigueur le 7 novembre 2012. Les alinéas 15(1.1)d) et 18(1.1)a) de la Loi, lesquels prévoient le droit de « mise à disposition » des prestations fixées dans des enregistrements sonores ainsi que des enregistrements sonores respectivement, sont également entrés en vigueur à cette date.

[205] Toutefois, ces droits ne s’appliquaient qu’aux enregistrements sonores et aux prestations fixées dans ces enregistrements sonores qui ont un point d’attache au Canada, comme le décrivent les paragraphes 15(2.1) et 18(2.1) de la Loi. Le Décret prévoyait que les dispositions élargissant la portée de ces droits aux États membres des Traités de l’ODA et de l’OIEP, soit les paragraphes 15(2.2) et 18(2.2), entreraient en vigueur une fois que le Canada aurait ratifié ces Traités.

[206] Le gouvernement du Canada a déposé des instruments de ratification du Traité de l’OIEP le 13 mai 2014, et le Traité est entré en vigueur au Canada le 13 août 2014, déclenchant l’entrée en vigueur de ces dispositions.

[207] En raison de déclarations faites par certaines parties en l’espèce, tant durant l’instance que durant l’élaboration de la LMDA, nous estimons qu’il convient de noter que ces dispositions produiront leur effet de façon entièrement prospective. Elles ne sont ni rétroactives ni rétrospectives. Un tel effet prospectif se présume, à moins qu’il soit possible de discerner une intention manifeste du législateur de les appliquer rétrospectivement. [119] Dans le cas qui nous occupe, nous ne discernons aucune intention de cette nature. En outre, contrairement aux paragraphes 13(6) et 13(7) de la Loi, par exemple, rien dans la disposition ne porte à croire qu’elle agit comme une « précision » ou que la disposition est réputée avoir toujours été rédigée de la façon dont elle se lit après la modification.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 34, [2012] 2 RCS 231. [ESA]

[2] Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, [2012] 2 RCS 283. [Rogers]

[3] Ibid au para 2.

[4] Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42.

[5] Loi sur la modernisation du droit d’auteur, L.C. 2012, ch. 20. [LMDA]

[6] SOCAN, [TRADUCTION] « Droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 28 novembre 2012).

[7] Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur (adopté à Genève le 20 décembre 1996), accessible en ligne à l’adresse suivante : http://www.wipo.int/treaties/fr/text.jsp?file_id=295168. [Traité de l’ODA]

[8] Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (adopté à Genève le 20 décembre 1996), accessible en ligne à l’adresse suivante : http://www.wipo.int/treaties/fr/text.jsp?file_id=295580. [Traité de l’OIEP]

[9] Voir Access Copyright et Copibec, [TRADUCTION] « Observations présentées par Access Copyright et Copibec sur la modification au droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013) à la p 1.

[10] Loi sur le droit d’auteur, alinéa 3(1)f) (« Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif […] de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique. »)

[11] Voir ARTISTI, « Position d’ARTISTI / Droit de mise à la disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013) [Observations d’Artisti]; ARTISTI, « Réplique d’ARTISTI / Droit de mise à la disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[12] Artisti, « Re: Making Available Right / Droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 décembre 2012).

[13] Voir CSI, [TRADUCTION] « Observations présentées par la CMRRA-SODRAC Inc. (CSI) sur le droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013).

[14] CMRRA-SODRAC, « À propos de CSI », en ligne : CSI Musique Services http://www.cmrrasodrac.ca/fr/about-us/about-csi.

[15] Silke von Lewinski, [TRADUCTION] « Opinion d’expert sur les droits de mise à la disposition du public et de reproduction en vertu du Traité de l’ODA et du Traité de l’OIEP » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013). [Opinion de von Lewinski]

[16] Voir SACD-SCAM, « Mémoire de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques et de la Société Civile des Auteurs Multimédia / Droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013). [Observations de SACD-SCAM]

[17] SACD-SCAM, « SACD-SCAM Avis du 7 décembre de la Commission Droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 décembre 2012).

[18] Voir SOCAN, [TRADUCTION] « Observations présentées par la SOCAN sur le droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 8 mars 2013); SOCAN, [TRADUCTION] « Observations en réplique présentées par la SOCAN sur le droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[19] Mihály Ficsor, [TRADUCTION] « Opinion de l’expert sur les normes internationales relatives au droit de mise à disposition du public et son application dans les pays où il a été mis en œuvre » (courriel de la SOCAN à la Commission du droit d’auteur, 8 mars 2013). [Opinion de Ficsor]

[20] Jane C. Ginsburg, [TRADUCTION] « Opinion relative à l’article 8 du Traité de l’ODA » (courriel de la SOCAN à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013). [Opinion de Ginsburg]

[21] Voir Music Canada, [TRADUCTION] « Observations présentées par Music Canada sur la modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013).

[22] Music Canada, « About », en ligne à : http://musiccanada.com/about (en anglais seulement).

[23] Opinion de von Lewinski , supra note 15.

[24] Voir CMPA, [TRADUCTION] « SOCAN Tarif 22.A / La modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 août 2013).

[25] Ibid au para 2.

[26] Voir Apple, [TRADUCTION] « Observations sur la mise à disposition présentées par Apple Inc. et Apple Canada Inc. » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 14 juin 2013) [Observations de Apple]; Apple, [TRADUCTION] « Réplique présentée par Apple Inc. et Apple Canada Inc. sur la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[27] Voir Cineplex, [TRADUCTION] « Observations présentées par Cineplex sur la modification au droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 14 juin 2013) [Observations de Cineplex]; Cineplex, [TRADUCTION] « Observations en réplique présentées par Cineplex sur la modification au droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[28] Ibid.

[29] Voir Microsoft, [TRADUCTION] « Observations présentées par Microsoft sur la modification de la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 14 juin 2013). [Observations de Microsoft]

[30] Microsoft, [TRADUCTION] « Mise à disposition – Demande de participer de Microsoft » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 28 février 2013).

[31] Voir les Réseaux, [TRADUCTION] « Observations de Bell Canada, Google, Rogers Communications, Shaw Communications, Québécor Média et Yahoo! (les « Réseaux ») sur la modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 14 juin 2013) [Observations des Réseaux]; Réseaux, [TRADUCTION] « Réplique de Bell Canada, Google, Rogers Communications, Shaw Communications, Québécor Média et Yahoo! (les « Réseaux ») sur la modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[32] Pièce Objectors-1 (Sam Ricketson, [TRADUCTION] « Observations de Bell Canada, Google, Rogers Communications, Shaw Communications, Québécor Media et Yahoo! (les Réseaux) sur la modification à la mise à disposition »). [Opinion de Ricketson]

[33] Pièce Objectors-2 (Jeremy de Beer, [TRADUCTION] « Avis d’expert sur la conformité du Canada au Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur ») [Opinion de de Beer]

[34] Voir gouvernement de la Colombie-Britannique, [TRADUCTION] « Réplique de Sa Majesté la reine du chef du droit de la province de la Colombie-Britannique / Modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[35] Voir ACR, [TRADUCTION] « Observations présentées par l’Association canadienne des radiodiffuseurs » (ACR) sur la modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 14 juin 2013); ACR, [TRADUCTION] « SOCAN Tarif 22.A – La modification à la mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[36] Voir ESA, [TRADUCTION] « Observations écrites présentées par Entertainment Software Association et l’Association canadienne du logiciel de divertissement » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 14 juin 2013) [Observations de ESA]; ESA, [TRADUCTION] « Observations en réplique d’Entertainment Software Association et de l’Association canadienne du logiciel de divertissement » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 18 octobre 2013).

[37] Voir Conseil canadien du commerce de détail, [TRADUCTION] « Projet de tarif 22 de la SOCAN et droit de mise à disposition » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 décembre 2012).

[38] Voir Ariel Katz, « Droit de mise à disposition / Making Available Right » (courriel envoyé à la Commission du droit d’auteur, 21 décembre 2012).

[39] Tarif 22 de la SOCAN – Transmission d’œuvres musicales à des abonnés d’un service de télécommunications non visé par le tarif 16 ou le tarif 17 (27 octobre 1999) décision de la Commission du droit d’auteur à la p 28. [Tarif 22 de la SOCAN]

[40] Ibid à la p 26.

[41] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Assoc. canadienne des fournisseurs Internet, 2004 CSC 45, [2004] 2 RCS 427. [SOCAN c. ACFI] Voir aussi la décision de la Commission datée du 18 octobre 2007, homologuant le tarif no 22.A de la SOCAN (Internet – Services de musique en ligne), 1996-2006; la décision de la Commission en date du 18 août 2006 homologuant le tarif no 24 de la SOCAN (Sonneries), 2003-2005 au para 62; Assoc. canadienne des télécommunications sans fil c. SOCAN, 2008 CAF 6, [2008] 3 RCF 539; Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2010 CAF 221; Shaw Cablesystems G.P. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2010 CAF 220, [2012] 2 RCF 154.

[42] SOCAN c. ACFI, Ibid au para 45.

[43] ESA, supra note 1.

[44] Ibid au para 65.

[45] Ibid au para 127.

[46] Voir, p. ex., Observations de Apple, supra note 26 aux para 28-30, 51; Observations de ESA, supra note 36 au para 10; Observations de Microsoft, supra note 29 aux para 4, 28-29; 32-33.

[47] Voir, p. ex., Observations des Réseaux, supra note 31 au para 19.

[48] Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re) [1998] 1 RCS 27. [Rizzo]

[49] Ibid au para 21. Voir aussi : CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 RCS 339; R. c. Monney, [1999] 1 RCS 652; Atco Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta, 2006 CSC 4, [2006] 1 RCS 140.

[50] Projet de loi C-60, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1re session, 38e parlement, 2005.

[51] Ibid, art 2, 8(1), 10.

[52] Projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 2e session, 39e parlement, 2008.

[53] Projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 3e session, 40e parlement, 2010.

[54] Projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1re session, 41e parlement, 2011 (sanction royale le 29 juin 2012). [Projet de loi C-11]

[55] Gouvernement du Canada, « Ce que la Loi sur la modernisation du droit d’auteur signifie pour les titulaires du droit d’auteur, les artistes et les créateurs », en ligne : https://web.archive.org/web/20130414150942/http://balancedcopyright.gc.ca/eic/site/crp-prda.nsf/fra/rp01189.html.

[57] Rizzo, supra note 48 au para 35.

[58] Loi sur le droit d’auteur, par. 29.21(1) (« Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour une personne physique, d’utiliser une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur ou une copie de ceux-ci – déjà publiés ou mis à la disposition du public – pour créer une autre œuvre ou un autre objet du droit d’auteur protégés et, pour cette personne […] » [Caractères gras ajoutés])

[59] Loi sur le droit d’auteur, par. 30.04(1) (« […] ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait pour un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous son autorité d’accomplir les actes ci-après à des fins pédagogiques à l’égard d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur qui sont accessibles sur Internet. » [Caractères gras ajoutés])

[60] Loi sur le droit d’auteur, par. 30.04(5) (« Le paragraphe (1) ne s’applique pas dans le cas où l’établissement d’enseignement ou la personne agissant sous son autorité sait ou devrait savoir que l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur ont été ainsi rendus accessibles sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur. » [Caractères gras ajoutés])

[61] Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 2.2(1)a).

[62] Loi sur le droit d’auteur, al. 2.2(1) in fine (« Sont exclues […] la représentation ou l’exécution en public d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique ou d’un enregistrement sonore, leur communication au public par télécommunication […] »)

[63] ESA, supra note 1 au para 42.

[64] ESA, supra note 1 au para 39.

[65] Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, 828 R.T.N.U. 221, du 9 septembre 1886; révisée à Berlin le 13 novembre 1908; révisée à Rome le 2 juin 1928. [Convention de Berne]

[66] Accord de libre-échange Canada-États-Unis, le 22 décembre 1987 (entré en vigueur le 1er janvier 1989).

[67] ESA, supra note 1 aux para 31-32.

[68] Ibid aux para 21-24.

[69] Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd, sous les entrées « communicate » et « communication ».

[70] R. c. Verrette, [1978] 2 RCS 838.

[71] Ibid aux pp 845-846.

[72] Une préoccupation semblable fut abordée dans l’arrêt Rogers, supra note 2 au para 38.

[73] Bishop c. Stevens, [1990] 2 RCS 467. [Bishop]

[74] ESA, supra note 1 au para 41.

[75] Opinion de von Lewinski, supra note 15 aux para 81-89.

[76] ESA, supra note 1 au para 49.

[77] Robertson c. Thomson Corp. 2006 CSC 43, [2006] 2 RCS 363 au para 49. [Robertson]

[78] Rogers, supra note 2 au para 39.

[79] Robertson, supra note 77 au para 49.

[80] ESA, supra note 1 au para 9.

[81] LMDA, supra note 5, préambule.

[83] SOCAN c. ACFI, supra note 41 aux para 45-46; ACTS c. SOCAN, 2008 CAF 6, [2008] 3 RCF 539 aux para 19-20, autorisation de pourvoi refusée, [2008] 2 RCS vi.

[84] Perka c. La Reine, [1984] 2 RCS 232 aux pp 265-266; Voir aussi Felipa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 272 aux para 70-71 (expliquant que la jurisprudence subséquente ne saurait avoir pour effet de modifier l’intention du législateur au moment de l’adoption d’une loi); Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd.) (LexisNexis Canada Inc. : Toronto, 2008) aux pp 146-147; Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 1999 à la p 337.

[85] Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, art. 45(4) (« La nouvelle édiction d’un texte, ou sa révision, refonte, codification ou modification, n’a pas valeur de confirmation de l’interprétation donnée, par décision judiciaire ou autrement, des termes du texte ou de termes analogues. »)

[86] Voir, p. ex., les observations d’Apple, supra note 26 au para 52; Opinion de Ricketson, supra note 32 au para 37; Opinion de de Beer, supra note 33 au para 18; Opinion de von Lewinski, supra note 15 au para 44; Opinion de Ginsburg, supra note 20 au para 17.

[87] Opinion de Ficsor, supra note 19 à la p 2.

[88] Convention de Berne, supra note 65 art. 11bis, 20.

[89] Opinion de M. Ficsor, supra note 19 à la p 3.

[90] Jane C. Ginsburg, « Recent Developments in U.S. Copyright Law–Part II, Caselaw: Exclusive Rights on the Ebb? » (2008) Columbia Public Law & Legal Theory Working Papers, paper 08158 à la p 37.

[91] Opinion de von Lewinski, supra note 15 au para 11.

[92] Voir, p. ex., les observations des Réseaux, supra note 31 aux para 53 et s.

[93] Opinion de Ricketson, supra note 32 au para 8.

[94] Ibid aux para 37-38.

[95] OMPI, « Guide des traités sur le droit d’auteur et les droits connexes administrés par l’OMPI » (2004) aux pp 211-212, en ligne : http://www.wipo.int/edocs/pubdocs/fr/copyright/891/wipo_pub_891.pdf

[96] Opinion de de Beer, supra note 33 au para 8.

[97] Convention de Vienne sur le droit des Traités, 23 mai 1969 (entrée en vigueur le 27 janvier 1980).

[98] Voir, p. ex., les observations de SACD-SCAM, supra note 16 aux para 18-20.

[99] Mihály Ficsor, « Copyright in the Digital Environment: The WIPO Copyright Treaty (WCT) and the WIPO Performances and Phonograms Treaty (WPPT) » (février 2005) WIPO/CR/KRT/ 05/7, aux para 44-45.

[100] Opinion de von Lewinski, supra note 15 aux para 101-102.

[101] Opinion de Ginsburg, supra note 20 au para 15.

[102] Ibid au para 16.

[103] Jörg Reinbothe et Silke von Lewinski, The WIPO Treaties 1996. The WIPO Copyright Treaty and The WIPO Performances and Phonograms Treaty, Commentary and Legal Analysis (Londres, R.-U.K : Butterworths, 2002) aux pp 102-103.

[104] Opinion de M. Ficsor, supra note 19 à la p 3 ([TRADUCTION] « L’intention […] était de prévoir un droit exclusif afin de contrôler l’acte décisif de télécharger et de rendre accessible pour usage interactif des œuvres protégées ».)

[105] Sam Ricketson & Jane Ginsburg, International Copyright and Neighbouring Rights: The Berne Convention and Beyond (Oxford : Oxford University Press, 2006) vol. I au para 12.58 ([TRADUCTION] « offrir simplement l’œuvre sur une base non discriminatoire, de sorte que tout membre du public en général puisse avoir accès à l’œuvre, devrait entrer dans le champ d’application du droit […] Il n’est pas nécessaire que l’offre soit acceptée : la “mise à disposition” englobe les communications naissantes ainsi que celles effectuées. »)

[106] Opinion de M. Ficsor, supra note 19 à la p 6.

[107] Opinion de von Lewinski, supra note 15 aux para 41, 118.

[108] Voir, p. ex., ibid au para 11.

[109] 109. Observations de Cineplex, supra note 27 au para 66.

[110] Observations de SACD-SCAM, supra note 16 au para 51.

[111] Loi sur le droit d’auteur, par. 2.4(1.1).

[112] Ibid.

[113] Convention de Berne, supra note 65, par. 11(1) (« Les auteurs d’œuvres dramatiques, dramatico-musicales et musicales jouissent du droit exclusif d’autoriser : […] (ii) la transmission publique par tous moyens de la représentation et de l’exécution de leurs œuvres. […] »), art. 11bis(1) (« Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser : (i) la radiodiffusion de leurs œuvres ou la communication publique de ces œuvres par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images; (ii) toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine; […] »), art. 11ter(1) (« Les auteurs d’œuvres littéraires jouissent du droit exclusif d’autoriser : […] (ii) la transmission publique par tous moyens de la récitation de leurs œuvres. »), art. 14(1) (« Les auteurs d’œuvres littéraires ou artistiques ont le droit exclusif d’autoriser : […] (ii) la représentation et l’exécution publiques et la transmission par fil au public des œuvres ainsi adaptées ou reproduites. »), 14bis(1) (« Sans préjudice des droits de l’auteur de toute œuvre qui pourrait avoir été adaptée ou reproduite, l’œuvre cinématographique est protégée comme une œuvre originale. Le titulaire du droit d’auteur sur l’œuvre cinématographique jouit des mêmes droits que l’auteur d’une œuvre originale, y compris les droits visés à l’article précédent. »)

[114] Traité de l’ODA, supra note 7, art. 8.

[115] Traité de l’OIEP, supra note 8, art. 10.

[116] Traité de l’OIEP, supra note 8, art. 14.

[117] Voir, p.ex., Opinion de Ricketson, supra note 32 au para 17; Opinion de de Beer, supra note 33 aux para 7, 8, 13, 15, 16; Opinion de Ginsburg, supra note 20 aux para 5, 15, 16; Opinion de Ficsor, supra note 19 aux pp 6-9; Opinion de von Lewinski, supra note 15 aux para 90-104.

[118] Décret fixant plusieurs dates d’entrée en vigueur de diverses dispositions de la Loi (C.P. 2012-1392 25 octobre 2012; TR/2012-85 7 novembre 2012).

[119] R. c. Dineley, 2012 CSC 58, [2012] 3 RCS 272.

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