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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2015-05-22

Citation

Dossier : Reproduction d’œuvres littéraires, 2005-2014

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 70.15(1)

Commissaires

L’honorable William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projets de tarif examinés

[Gouvernements provinciaux et territoriaux – 2005-2014]

Tarif des redevances à percevoir par Access Copyright pour la reproduction, au Canada, d’œuvres de son répertoire

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION - 1 -

II. LE PROCESSUS - 2 -

A. Le processus préalable à l’audience - 2 -

i. L’immunité de la Couronne - 2 -

ii. L’enquête de volume - 2 -

B. Le processus après l’audience - 2 -

III. LES LICENCES CONCLUES AVEC LES GOUVERNEMENTS AU CANADA - 3 -

A. Le gouvernement du Canada - 4 -

B. Le gouvernement de l’Ontario - 5 -

C. Le gouvernement de l’Alberta - 6 -

D. Le gouvernement de la Saskatchewan - 6 -

E. Le gouvernement de la Colombie-Britannique - 7 -

F. Le gouvernement du Québec - 7 -

IV. LA POSITION DES PARTIES ET LES TAUX PROPOSÉS - 8 -

A. Access - 8 -

B. Les opposants - 10 -

V. LA PREUVE - 10 -

A. Access - 10 -

B. Le Consortium - 12 -

C. La Colombie-Britannique - 14 -

VI. L’ENQUÊTE DE VOLUME - 15 -

A. Les questions relatives à la conception - 15 -

B. Les résultats de l’enquête selon l’analyse d’Access - 16 -

C. Les résultats de l’enquête selon l’analyse du Consortium - 17 -

D. La nouvelle analyse relative au caractère rémunérable et les données concernant les cas de copie - 17 -

E. Le deuxième calcul du volume par ETP - 18 -

VII. L’INTERPRÉTATION DES DONNÉES DE L’ENQUÊTE DE VOLUME - 19 -

A. Introduction - 19 -

B. Le nombre de pages de l’œuvre copiée - 20 -

C. Le nombre de pages copiées - 21 -

D. Le genre de l’œuvre - 21 -

VIII. LE RÉPERTOIRE - 22 -

A. Le droit d’auteur dont le gouvernement est titulaire - 22 -

B. Les titulaires non affiliés - 22 -

C. Les autres questions concernant des titulaires de droits d’auteur non affiliés - 28 -

IX. LES COPIES NUMÉRIQUES - 29 -

A. La disposition relative à la suppression - 29 -

B. L’effet de la non-inclusion de la disposition relative à la suppression - 31 -

C. Conclusion - 32 -

X. LES ACTES NE RELEVANT PAS DE LA PORTÉE DU TARIF - 33 -

A. L’ampleur de la reproduction de l’œuvre est supérieure à celle autorisée par le Tarif - 33 -

B. Lorsque la reproduction ne vise pas une partie importante de l’œuvre copiée - 34 -

i. Le droit applicable - 36 -

ii. La preuve quantitative et le fardeau de la preuve - 37 -

iii. L’œuvre à examiner - 39 -

iv. Conclusion - 39 -

XI. LES EXCEPTIONS DÉCOULANT DE LA LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATION ET DE LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS - 41 -

XII. UTILISATION ÉQUITABLE - 41 -

A. Le fardeau de la preuve - 41 -

B. La pratique en matière d’utilisation équitable - 43 -

C. Utilisation équitable – Premier volet - 44 -

i. La fin poursuivie (premier volet) - Qui est l’utilisateur? Quel objet devrait être considéré? - 44 -

ii. L’interprétation de la portée des fins poursuivies - 46 -

iii. La fin poursuivie (premier volet) - La fin dominante est-elle une fin permise? - 47 -

iv. L’éducation - 49 -

v. Conclusion - 50 -

D. Utilisation équitable – Deuxième volet : Le caractère équitable - 51 -

i. Le but - 51 -

a. Le but - Le caractère équitable des divers buts - 51 -

b. Le but - L’intérêt public - 52 -

c. Le but - Les motifs inavoués des gouvernements - 53 -

d. Le but de l’utilisation - Conclusion - 55 -

ii. La nature de l’utilisation - 56 -

a. La nature de l’utilisation - La portée de la diffusion - 56 -

b. La nature de l’utilisation - La destruction de copies - 58 -

c. La nature de l’utilisation - Conclusion - 60 -

iii. L’ampleur de l’utilisation - 61 -

a. L’ampleur de l’utilisation - Comment la mesurer? - 61 -

b. L’ampleur de l’utilisation - Le contexte a-t-il une incidence sur l’analyse? - 61 -

c. L’ampleur de l’utilisation - Doit-elle et peut-elle faire l’objet d’une appréciation qualitative? - 63 -

d. L’ampleur de l’utilisation - Conclusion - 65 -

iv. Les solutions de rechange à l’utilisation - 67 -

a. Aurait quand même reproduit l’œuvre - 69 -

b. Acheter un ou plusieurs exemplaires de l’œuvre - 70 -

c. Acquérir un droit unique pour faire une copie de l’œuvre - 71 -

d. Se débrouiller sans reproduire l’œuvre - 72 -

e. Renvoyer à l’œuvre sans envoyer une copie - 72 -

f. Utiliser une partie d’une œuvre différente non protégée par le droit d’auteur - 73 -

g. Solutions de rechange - Conclusion - 73 -

v. La nature de l’œuvre - 74 -

vi. L’effet de l’utilisation sur l’œuvre - 75 -

E. Utilisation équitable – Conclusions - 77 -

XIII. LES DÉFENSES AUTRES QUE CELLES PRÉVUES PAR LA LOI - 80 -

A. La défense d’intérêt public - 81 -

B. L’utilisation d’œuvres dans des instances judiciaires - 81 -

C. Conclusions - 82 -

XIV. ANALYSE ÉCONOMIQUE - 82 -

A. Deux méthodes différentes pour déterminer les taux de redevances - 82 -

i. Introduction des deux méthodes - 82 -

ii. Un problème posé par l’utilisation de la méthode de la JVM - 83 -

iii. La JVM, telle qu’utilisée par Access - 84 -

iv. La méthode du VMV : la phase 2 a-t-elle échoué? - 87 -

v. La méthode du VMV : devrions-nous utiliser les données de la phase 1 ou de la phase 2? - 90 -

B. Les questions relatives au volume - 93 -

i. La source des calculs les plus appropriés - 93 -

ii. Les cas donnant droit à rémunération - 94 -

C. La question des prix - 95 -

i. Généralités - 95 -

ii. Les livres - 95 -

iii. Les magazines - 97 -

iv. Les journaux - 99 -

v. Les revues - 99 -

D. Le calcul des taux de redevances - 100 -

E. Le montant total des redevances générées par le Tarif - 101 -

F. Autres questions économiques - 102 -

i. Un escompte de 10 pour cent? - 102 -

ii. Intérêts sur paiements rétroactifs - 102 -

XV. LES DISPOSITIONS ADMINISTRATIVES - 103 -

A. Article 2 – Définitions – « Copie » – Impression à partir d’un fichier électronique - 103 -

i. Une impression faite à partir d’un fichier électronique est-elle une forme de reprographie? - 104 -

ii. L’impression faite à partir d’un fichier électronique est-elle une « reproduction par une machine qui crée une copie numérique »? - 105 -

iii. Conclusion - 105 -

B. Article 2 – Définitions – « Copie » - 106 -

C. Article 2 – Définitions – « ETP » - 106 -

D. Article 2 – Définitions – « Œuvre publiée » - 108 -

E. Article 3 – Application - 108 -

i. Les objets - 108 -

ii. Les reproductions d’une partie importante - 109 -

iii. La distribution - 110 -

F. Alinéa 4h) – Droits moraux - 110 -

G. Copies numériques - 111 -

H. Article 5 – Mention de la source - 111 -

I. Article 6 – Avis à l’égard des modalités de copie - 112 -

J. Article 10 – Sondage - 114 -

K. Article 11 – Registres et vérification - 115 -

XVI. DISPOSITIONS TRANSITOIRES - 116 -


I. INTRODUCTION

[1] La Canadian Copyright Licensing Agency, exerçant ses activités sous l’appellation d’Access Copyright (Access), est une société de gestion qui administre les droits de reproduction des livres, des magazines, des revues et des journaux publiés, pour tout le Canada à l’exception du Québec.

[2] Le 31 mars 2004 et le 31 mars 2009, Access a déposé, en application du paragraphe 70.13(1) de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la « Loi »), des projets de tarif des redevances à percevoir pour la reproduction au Canada (à l’exception du Québec) d’œuvres de son répertoire par des fonctionnaires des gouvernements provinciaux et territoriaux pour les années 2005-2009 (« projet de tarif de 2005 ») [2] et 2010-2014 (« projet de tarif de 2010 »), [3] respectivement. Le projet de tarif de 2005 vise les copies papier. Le projet de tarif de 2010 vise à la fois les copies papier et les copies numériques.

[3] Les projets de tarif de redevances ont été publiés dans la Gazette du Canada le 24 avril 2004 et le 9 mai 2009, accompagnés d’un avis indiquant que tout utilisateur éventuel intéressé ou son représentant pouvait y faire opposition. Il s’agit de tarifs inauguraux.

[4] Les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Yukon, du Nunavut, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador ont déposé des oppositions en temps opportun au projet de tarif de 2005. Les mêmes gouvernements se sont opposés au projet de tarif de 2010, ainsi que les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Nouveau-Brunswick. Le 1er mars 2011, après avoir conclu une entente de licence avec Access, le gouvernement de l’Ontario s’est retiré des procédures. Le 31 mars 2011, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s’est également retiré des procédures.

[5] Les gouvernements de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Yukon, du Nunavut, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador ont choisi d’être représentés conjointement. Ils sont désignés sous le nom de Consortium. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a choisi d’être représenté séparément. Les gouvernements de la Colombie-Britannique et le Consortium sont, collectivement, les opposants.

[6] La Commission a regroupé l’examen des deux projets de tarif. L’audience a commencé le 23 octobre 2012 et a duré 8 jours, incluant les plaidoiries finales. Le dossier n’a été mis en état que le 28 août 2014 en raison du fait que la Commission a demandé qu’Access et les opposants (collectivement appelés « les parties ») fournissent des renseignements supplémentaires et effectuent des analyses et des calculs supplémentaires. Une description détaillée des demandes d’informations additionnelles est fournie à la partie II.B, ci-dessous.

II. LE PROCESSUS

A. Le processus préalable à l’audience

i. L’immunité de la Couronne

[7] Le 15 janvier 2010, la question de savoir si la Loi s’appliquait à la Couronne du chef des provinces a été soulevée par certains membres du Consortium à titre préliminaire. La question était une contestation directe de la compétence de la Commission pour homologuer un tarif visant la reproduction d’œuvres par des employés des gouvernements provinciaux et territoriaux. La question préliminaire concernant la compétence de la Commission a été entendue le 27 septembre 2011. Le 5 janvier 2012, la Commission a rejeté la prétention relative à l’immunité de la Couronne. [4]

[8] La décision de la Commission a été confirmée par la Cour d’appel fédérale le 3 avril 2013. [5]

ii. L’enquête de volume

[9] En 2010, Access et les opposants ont convenu de mener une enquête sur le volume et la nature des œuvres publiées copiées par des fonctionnaires (« l’enquête de volume » ou « l’enquête »), dont les précisions figurent à la partie VI, ci-dessous. Le 17 décembre 2010, la Commission a ordonné qu’un essai préliminaire soit effectué pour évaluer la fiabilité globale de l’enquête. L’essai préliminaire a été effectué entre le 6 mai 2011 et le 20 juin 2011 et, comme nous le verrons plus loin, il a été jugé satisfaisant par les parties.

[10] L’enquête de volume a été menée en deux phases, soit la phase 1 et la phase 2, qui ont été complétées en décembre 2011.

B. Le processus après l’audience

[11] Le 4 décembre 2012, la Commission a émis deux avis. Le premier demandait aux parties de produire un mémoire juridique traitant des questions liées aux exceptions au droit d’auteur, et de commenter les observations de la Commission en ce qui a trait au répertoire d’Access. Le second demandait aux parties d’effectuer divers calculs, de formuler des observations sur la valeur et d’apporter des éclaircissements sur certaines déclarations faites par Access dans des observations antérieures.

[12] Les réponses au deuxième avis ont été complétées en date du 1er février 2013 et celles concernant le premier avis ont été complétées en date du 22 février 2013.

[13] Le 26 avril 2013, les parties ont terminé la formulation de leurs observations concernant les dispositions administratives. Elles étaient toutes d’avis qu’un tarif unique pouvait être homologué pour toute la période allant de 2005 à 2014 (le « Tarif »).

[14] Le 14 mars 2013, la Commission a émis un avis dans lequel elle demandait aux parties de formuler des observations sur les calculs effectués par le personnel de la Commission relativement au caractère approprié de l’utilisation de certaines données provenant de l’enquête de volume. La Commission donnait également une opinion préliminaire sur les cas relevés dans l’enquête de volume qui devraient être utilisés dans le calcul d’un taux de redevances, et demandait aux parties de présenter des données supplémentaires portant sur ces cas. Ces observations ont été reçues en date du 30 avril 2013.

[15] Le 6 mai 2013, la Commission a ordonné à Access et aux opposants de préparer des échantillons de données et d’analyser les données provenant de ces échantillons en ce qui concerne le caractère rémunérable et le répertoire.

[16] Le 27 mai 2013, le Consortium a écrit à la Commission pour l’aviser qu’il subsistait un écart de quatre cas de copie entre l’échantillon qu’il avait préparé et celui préparé par Access.

[17] Durant la période au cours de laquelle cet écart était en cours de résolution, la Commission a suspendu le calendrier pour l’analyse de l’échantillon. Par la suite, les parties ont déposé une entente dans laquelle elles acceptaient que l’échantillon consiste en 291 cas de copie. Les analyses ont été achevées en date du 6 août 2013.

[18] Le 6 mai 2014, la Commission a ordonné aux parties de formuler des observations sur l’effet de l’exigence figurant dans le projet de tarif de 2010, selon laquelle les copies numériques devaient être détruites si le titulaire d’une licence n’est plus visé par un tarif. Les réponses ont été reçues en date du 13 juin 2014.

[19] Le 21 juillet 2014, la Commission a émis un avis dans lequel elle énonçait ses conclusions préliminaires quant aux cas de l’enquête de volume donnant droit à rémunération aux fins du calcul d’un taux de redevances pour le Tarif, et demandait aux parties de calculer le nombre moyen de copies donnant droit à rémunération effectuées par chaque fonctionnaire dans une année. La Commission a reçu les réponses en date du 28 août 2014.

III. LES LICENCES CONCLUES AVEC LES GOUVERNEMENTS AU CANADA

[20] Access et le gouvernement du Canada ainsi que des gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada ont auparavant conclu des ententes de licence. Certaines de ces ententes constituent le fondement de la proposition d’Access et ont fait l’objet de nombreuses observations présentées dans la preuve et à l’audience. Par conséquent, il est nécessaire de fournir un aperçu de ces ententes de licence. [6]

A. Le gouvernement du Canada

[21] Access [7] et Copibec [8] , la société de gestion collective qui gère, au Québec, le droit de reproduction d’œuvres publiées, ont conjointement conclu une entente de licence avec le gouvernement du Canada en mai 1994 (la « licence initiale avec le Canada » [9] ). Bien qu’elle ait été en vigueur du 1er avril 1994 au 31 mars 2001, la licence prévoyait le versement d’une somme pour compenser les copies faites entre le 1er avril 1991 et le 31 mars 1994.

[22] Le taux de redevances pour la licence initiale avec le Canada était fondé sur les résultats d’une enquête conjointe qui avait été menée entre juin 1992 et mai 1993 (l’« enquête Goss Gilroy » [10] ). L’enquête Goss Gilroy a conclu que les fonctionnaires fédéraux faisaient annuellement 57,04 millions de pages de copies de documents visés par une licence. Les parties ont convenu de réduire de 20 pour cent (à 45,63 millions de copies) le volume estimatif pour tenir compte de la portée des répertoires présumée par les sociétés de gestion à ce moment-là (80 pour cent). Ce volume a ensuite été multiplié par un taux pondéré de 0,03 $ la page pour obtenir une redevance annuelle de 1 368 960 $.

[23] Les parties ont également signé une entente distincte visant les coupures de presse, qui prenait effet le 1er avril 1994 et se terminait le 31 mars 2001 (la « licence relative aux coupures de presse » [11] ). Aux termes de cette licence, le gouvernement du Canada a payé une redevance annuelle de 500 000 $. Ainsi, à compter du 1er avril 1994, le gouvernement du Canada payait annuellement 1 868 960 $ à Access et à Copibec au titre de la licence initiale avec le Canada et de la licence relative aux coupures de presse.

[24] En janvier 2000, les parties ont signé une entente modificative, [12] prenant effet le 1er avril 1999 et se terminant le 31 mars 2001, qui regroupait la licence relative aux coupures de presse et la licence initiale avec le Canada en une seule entente. Aucune modification n’a été apportée au taux de redevances annuel combiné. L’entente modificative a été reconduite à plusieurs reprises jusqu’à la signature d’une nouvelle licence le 22 décembre 2005 (la « licence de 2004 avec le Canada » [13] ).

[25] Lors de la négociation de l’entente susmentionnée, les parties ont convenu de mener une enquête conjointe afin de déterminer le volume de photocopies faites par les fonctionnaires fédéraux. L’enquête (l’« enquête Canada de 2003 » [14] ), menée par Circum, a été effectuée en 2003 et en 2004.

[26] L’enquête Canada de 2003 a permis de conclure que les fonctionnaires fédéraux effectuaient chaque année environ 54 millions de copies d’œuvres publiées (excluant les coupures de presse aux fins de veille médiatique). Les parties ne se sont pas entendues sur l’interprétation des résultats de l’enquête ainsi que sur des questions d’évaluation des montants. La question la plus litigieuse était la réduction appropriée qui devait être appliquée relativement à l’utilisation équitable. La Cour suprême du Canada venait alors de rendre la décision CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada [15] (CCH), et le gouvernement du Canada a soutenu qu’une réduction de 50 pour cent sur le volume devrait s’appliquer suite à cette décision. Access a soutenu qu’une réduction de 6 pour cent sur le volume devrait être appliquée pour tenir compte de l’utilisation équitable.

[27] Les parties se sont finalement entendues sur une redevance annuelle de 2 500 000 $.

[28] La licence de 2004 avec le Canada couvrait la période allant du 1er avril 2004 au 31 mars 2013. Le taux annuel de redevances à verser aux termes de la licence conjointe était fixé à 2 500 000 $ pour 2004, et augmentait de 2 pour cent annuellement. Au moment de l’audience, la redevance pour 2012-2013 était donc de 2 929 148,44 $. [16] La licence ne visait que les copies sur papier. La licence de 2004 avec le Canada comprenait une clause d’indemnisation aux termes de laquelle Access et Copibec s’engageaient à indemniser le titulaire de la licence pour toute réclamation découlant de la copie d’œuvres publiées selon les conditions prévues dans la licence, sans égard au fait que l’œuvre publiée faisait partie ou non du répertoire des sociétés de gestion.

B. Le gouvernement de l’Ontario

[29] Le 16 juin 1995, Access et le gouvernement de l’Ontario ont conclu une entente de licence, [17] en vigueur du 1er avril 1995 au 31 mars 1998, pour un taux de 2,50 $ par employé équivalent temps plein (ETP). La licence visait les reproductions par reprographie d’œuvres publiées, à l’exception des journaux.

[30] Le 18 septembre 1995, cette licence a été modifiée de façon à inclure la copie de journaux par les ministères et les utilisations aux fins de veille médiatique, et la redevance est passée à 3,12 $ par ETP. [18]

[31] Les parties ont convenu de renouveler la licence au taux de 3,12 $ (la « licence de 1998 avec l’Ontario » [19] ). La licence de 1998 avec l’Ontario est entrée en vigueur le 1er avril 1998 et venait à échéance le 31 mars 2001. La licence a été renouvelée annuellement du 31 mars 2001 au 31 mars 2010, au même taux de 3,12 $ par ETP.

[32] Les parties ont encore une fois conclu une entente de licence le 10 février 2011 (la « licence de 2010 avec l’Ontario » [20] ) pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2015.

[33] La licence prévoyait un taux de 7,50 $ par ETP pour 2010. Pour les années subséquentes, les taux augmentent annuellement selon l’indice des prix à la consommation. La licence prévoyait une clause d’indemnisation aux termes de laquelle Access s’engage à indemniser le gouvernement de l’Ontario pour toute responsabilité qu’il pourrait encourir en copiant des œuvres conformément à l’autorisation conférée par la licence.

[34] La licence susmentionnée était la seule en vigueur entre Access et le gouvernement d’une province ou d’un territoire au moment de l’audience.

C. Le gouvernement de l’Alberta

[35] En 1996, Access et le gouvernement de l’Alberta ont conclu une entente initiale, [21] en vigueur du 1er octobre 1995 au 31 mars 1999, pour un taux de 2,80 $ par ETP. Il s’agissait d’un taux négocié. Aucun sondage de volume de copie n’avait été mené. La licence visait la copie par reprographie d’œuvres publiées, y compris la copie de journaux par les ministères.

[36] En 2000, une nouvelle licence (la « licence de 1999 avec l’Alberta » [22] ) a été conclue et couvrait la période allant du 1er avril 1999 au 31 mars 2002, pour un taux de 2,80 $ par ETP. Aucun sondage n’avait été mené.

[37] La licence de 1999 avec l’Alberta a été renouvelée annuellement à un taux de 2,80 $ par ETP jusqu’au 31 mars 2010.

D. Le gouvernement de la Saskatchewan

[38] En 1998, Access et le gouvernement de la Saskatchewan ont conclu une entente de licence pour un taux de 2,80 $ par ETP (la « licence de la Saskatchewan » [23] ). Aucun sondage n’avait été mené.

[39] La licence était en vigueur du 1er avril 1998 au 31 mars 2000 et a fait l’objet d’une reconduction automatique annuelle. Elle est restée en vigueur jusqu’au 16 décembre 2009.

E. Le gouvernement de la Colombie-Britannique

[40] En 2003, Access et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont conjointement établi une méthodologie de sondage en matière de copie. Le sondage a été mené par un entrepreneur indépendant en 2003.

[41] BC Stats a rédigé un rapport provisoire analysant les résultats du sondage. [24] Toutefois, le rapport n’a jamais été finalisé parce qu’Access et le gouvernement de la Colombie-Britannique n’ont pu s’entendre sur l’analyse des résultats et sur le taux par ETP correspondant. Selon BC Stats, le taux par ETP applicable devait être de 3,17 $, alors qu’Access croyait qu’il devait se situer entre 8,46 $ et 19,95 $. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a proposé de conclure une entente de licence provisoire de deux ans pour 2,80 $ par ETP, étant donné qu’il s’agissait du taux que payaient l’Alberta et la Saskatchewan à ce moment-là. Access a rejeté la proposition et aucune entente de licence n’a été conclue.

[42] En 2006, la Colombie-Britannique a également mené, seule cette fois, un autre sondage. Toutefois, aucune autre entente de licence n’a été conclue avec Access.

F. Le gouvernement du Québec

[43] La première entente de licence qui a été conclude entre Copibec et le gouvernement du Québec couvrait la période allant de 1996 à 2001. L’échéance de la licence a été par la suite prolongée jusqu’au 30 juin 2003. [25]

[44] Une autre entente couvrait la période allant du 1er juillet 2003 au 31 mars 2008 (la « licence de 2003 avec le Québec » [26] ). Le taux variait de 8,80 $ par ETP en 2003 à 12,80 $ par ETP en 2007. Cette licence a été reconduite jusqu’au 31 octobre 2008. [27]

[45] Une autre licence couvrait la période allant du 1er novembre 2008 au 31 mars 2011 (« licence de 2008 avec le Québec » [28] ). Le taux variait de 14 $ par ETP en 2008-2009 à 14,25 $ par ETP en 2009-2011. Les parties ont convenu que l’entreprise L’Observateur mènerait une enquête pour faire une estimation du volume de copies réalisées par les employés du gouvernement du Québec. [29]

[46] La licence de 2003 avec le Québec et la licence de 2008 avec le Québec prévoient toutes les deux que des redevances supplémentaires doivent être payées par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) pour les examens du ministère.

[47] En 2011, Copibec et le gouvernement du Québec ont conclu une entente de licence pour la période allant du 3 mai 2011 au 31 mars 2014 (la « licence de 2011 avec le Québec » [30] ). (Pour la période du 1er avril 2011 au 2 mai 2011, la licence précédente a été étendue) La licence prévoyait un taux de 14,55 $ par ETP pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, un taux de 14,85 $ pour la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 et un taux de 15,15 $ pour la période restante de la licence. Aux termes de la licence, les copies numériques n’étaient pas autorisées, à l’exception de copies réalisées par le MELS qui devaient être utilisées dans les examens du ministère et pour lesquelles des redevances supplémentaires étaient payables. [31] La licence prévoyait pour le gouvernement du Québec une clause d’indemnisation visant la copie d’œuvres qui ne figuraient pas sur la liste d’exclusions.

IV. LA POSITION DES PARTIES ET LES TAUX PROPOSÉS

A. Access

[48] Access fait valoir que les données de la phase 1 de l’enquête de volume sont plus fiables que celles de la phase 2. Toutefois, même si les données de la phase 1 sont plus fiables, Access soutient qu’elles ont néanmoins de nombreuses lacunes et qu’elles sont fondées sur de trop nombreux a priori. Par conséquent, elles ne sont pas suffisamment fiables pour être utilisées dans un calcul multipliant le volume et la valeur.

[49] Access propose plutôt d’établir une juste valeur marchande en examinant les taux de redevances établis au moyen de véritables négociations indépendantes pour l’octroi de droits de licence similaires à ceux des projets de tarif, à savoir une méthode fondée sur les « éléments comparables du marché ».

[50] Une telle méthode est fondée sur les ententes conclues par Access ou Copibec avec les provinces ou le gouvernement du Canada (les « licences de référence »). De l’avis d’Access, la méthode fondée sur les éléments comparables du marché est la méthode la plus appropriée aux fins de l’estimation de la juste valeur marchande des taux prévus dans les projets de tarif, parce que les taux convenus dans les négociations indépendantes fournissent les meilleurs renseignements disponibles.

[51] Toutefois, pour appliquer la méthode fondée sur les éléments comparables du marché, Access soutient que certaines ententes qu’elle a conclues font état de valeurs inférieures à la juste valeur marchande et que, par conséquent, elles ne devraient pas être prises en considération dans la présente analyse. Access soutient que certaines de ces ententes ont été négociées en l’absence de tout renseignement sur les copies réalisées dans les gouvernements, étant donné que les gouvernements ne souhaitaient pas faire un sondage, et qu’Access pourrait avoir conclu certaines de ces ententes sous la contrainte. Access estime que de telles ententes ne peuvent pas être représentatives de la « juste valeur marchande ».

[52] Pour le projet de tarif de 2005, Access a initialement proposé un taux de 15 $ par ETP. Pour le projet de tarif de 2010, elle a proposé un taux de 24 $ par ETP. Alors que le projet de tarif de 2005 vise la réalisation de copies à partir de sources papier, le projet de tarif de 2010 vise aussi la réalisation de copies à partir de sources numériques.

[53] Dans son énoncé de cause, Access a réduit les taux qu’elle avait proposés. Pour le projet de tarif de 2005, elle a proposé un taux de 10,10 $ par ETP, avec des rajustements annuels pour l’inflation, ou un taux de 10,50 $ par ETP s’il reste fixe pour la période de cinq ans visée par le tarif. Pour le projet de tarif de 2010, Access a proposé un taux de 11,30 $ par ETP, avec des rajustements annuels pour l’inflation, ou un taux de 11,70 $ par ETP s’il reste fixe pour la période de cinq ans visée par le tarif. [32] Selon Access, parmi les licences de référence qui étaient en vigueur pendant la période allant de 2005-2009, le meilleur indicateur est la licence de 2003 avec le Québec. Les taux proposés dans l’énoncé de cause sont fondés sur cette licence. [33]

[54] Alternativement, si la Commission devait conclure que la licence de 2003 avec le Québec n’est pas un bon indicateur d’une redevance équivalente à la juste valeur marchande, les redevances devraient alors être fondées sur les taux prévus dans la licence de 2004 avec le Canada, à savoir 8,40 $ par ETP, après rajustement. Enfin, si la Commission devait conclure qu’un taux ne pouvait pas provenir de la licence de 2004 avec le Canada, la Commission devrait alors fixer le taux à 5,56 $, qui se situe à mi-chemin entre le taux prévu par la licence de 2004 avec le Canada et celui prévu par la licence de 1999 avec l’Alberta et la licence de la Saskatchewan. [34]

[55] De même, pour la période de 2010-2014 visée par le Tarif, Access estime que le meilleur indicateur est, encore une fois, la licence de 2003 avec le Québec. Subsidiairement, si la Commission devait conclure que cette licence n’est pas un bon indicateur d’une redevance équivalente à la juste valeur marchande, la Commission devrait alors fixer un taux fondé sur la licence de 2004 avec le Canada, qui était de 9,54 $ par ETP en 2010. [35] Enfin, si la Commission devait conclure qu’un taux ne pouvait pas provenir de la licence de 2004 avec le Canada, la Commission devrait alors fixer le taux à mi-chemin entre la licence de 2004 avec le Canada et la licence de 2010 avec l’Ontario, soit un taux de 8,45 $ par ETP pour la période de cinq ans. [36]

B. Les opposants

[56] Les opposants soutiennent que la Commission devrait adopter la même méthodologie que celle utilisée dans sa décision de 2009 [37] à l’égard de la reproduction d’œuvres publiées du répertoire d’Access par les écoles primaires et secondaires hors Québec, soit celle qui consiste à multiplier le volume par la valeur. Dans cette décision, la Commission a établi les taux par ETP en fonction du volume de copies d’œuvres publiées donnant droit à rémunération multiplié par la valeur estimative d’une page de chaque genre d’œuvre copiée, divisé par le nombre total d’élèves ETP (la « méthodologie du volume multiplié par la valeur »).

[57] Les opposants ne souscrivent pas à la prémisse d’Access selon laquelle la Commission ne peut pas adopter cette méthodologie en raison de l’absence de données fiables. Au contraire, l’enquête de volume, conçue et mise en œuvre conjointement par Access, le Consortium et le gouvernement de la Colombie-Britannique, fournit des données nombreuses et fiables sur lesquelles on peut se fonder pour appliquer une méthodologie empirique qui repose sur le volume. Ils soutiennent que rien ne justifie que la Commission abandonne la méthodologie qu’elle a adoptée en 2009 et qu’il devrait y avoir une cohérence entre les tarifs en ce qui concerne la manière dont les tarifs d’Access sont établis par la Commission, peu importe que les utilisateurs de son répertoire soient des écoles primaires et secondaires ou des gouvernements provinciaux et territoriaux.

[58] En outre, le Consortium soutient que les données de la phase 2 de l’enquête de volume sont fiables.

[59] Selon les opposants, l’enquête démontre qu’il existe en fait un nombre très limité de copies donnant droit à rémunération qui sont faites dans les gouvernements provinciaux et territoriaux. Si l’on utilise le volume estimatif de copies donnant droit à rémunération provenant de l’enquête de volume, le taux par ETP devrait varier entre 0,01 $ (résultats de la phase 2) à 0,22 $ (résultats de la phase 1) pour la période du Tarif de 2005-2009, et de 0,07 $ (résultats de la phase 2) à 0,73 $ (résultats de la phase 1) pour la période de 2010-2014 du Tarif. [38]

V. LA PREUVE

A. Access

[60] Mme Maureen Cavan, directrice générale chez Access au moment de l’audience et Mme Roanie Levy, alors avocate générale et directrice, Politique et Affaires extérieures, ont décrit la structure de la société de gestion, son mandat et ses activités. Elles ont expliqué la façon dont Access acquiert son répertoire ainsi que les principes régissant la perception et la distribution des redevances.

[61] Mme Cavan et Mme Levy ont également fourni une description des modalités des licences anciennes et actuelles en place au Canada dans le secteur public. Elles ont décrit l’historique des négociations avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral de 1993 jusqu’au dépôt des tarifs ainsi que les tentatives d’Access de négocier des licences avec les gouvernements provinciaux.

[62] Elles ont expliqué que, jusqu’au dépôt des projets de tarif, à l’exception du gouvernement de la Colombie-Britannique, les opposants avaient refusé d’accepter la tenue d’un sondage qui aurait permis de fournir des renseignements sur la nature et le volume de copies réalisées dans les gouvernements. La seule enquête qui a été utilisée pour établir un taux au Canada était l’enquête Goss Gilroy menée au sein du gouvernement du Canada en 1993. Tout autre sondage qui a été mené dans le secteur public (l’enquête de 2003 visant la Colombie-Britannique, l’enquête de 2003 visant le Canada et l’enquête de 2007 visant le Québec) n’a pas été utilisé pour établir un taux. Au contraire, étant donné que les parties n’ont jamais pu s’entendre sur les résultats de ces sondages, elles se sont simplement servies de ces résultats comme toile de fond pour les négociations.

[63] Finalement, Mme Cavan et Mme Levy ont décrit l’analyse du répertoire effectuée par Access sur les données de l’enquête de volume pour déterminer les copies qui faisaient l’objet de rémunération conformément aux projets de tarif.

[64] M. Benoît Gauthier, président de Circum Network Inc., était membre du comité directeur conjoint qui a conçu et réalisé l’enquête de volume relativement aux activités de copie effectuées par les opposants. Le comité directeur était composé de deux représentants des opposants et de trois représentants d’Access, incluant M. Gauthier. Celui-ci a décrit le contenu de la phase 1 et de la phase 2 de l’enquête de volume. Il a expliqué pourquoi, à son avis, les données de la phase 1 étaient les plus fiables et pourquoi il avait par conséquent fondé son analyse uniquement sur les données de la phase 1. Il a ensuite décrit comment les données avaient été traitées et a présenté les résultats de l’enquête. Selon les instructions d’Access, il a appliqué trois différentes règles relatives à l’utilisation équitable pour tenir compte des copies qui devaient être exclues du volume de copies donnant droit à rémunération parce qu’elles semblaient équitables. Selon la règle qui était appliquée, il a estimé que le volume annuel de copies donnant droit à rémunération était de 283,7, de 250,8 ou de 237,1 par ETP. [39]

[65] Access a demandé à M. Bradley A. Heys, vice-président de NERA Economic Consulting, de fournir une estimation de la valeur du taux de redevances pertinent pour chacun des projets de tarif.

[66] M. Heys a expliqué que la meilleure façon d’évaluer les projets de tarif était de se servir des licences de référence. Il a tenu compte des circonstances particulières qui ont entouré les négociations de ces licences et a conclu que les licences de 2003 et de 2008 avec le Québec étaient celles qui représentaient le mieux la juste valeur marchande pour les taux de redevances qui devaient être homologués. [40] Par conséquent, il a proposé que le taux pour la période 2005-2009 du Tarif soit fixé à 10,10 $ par ETP à compter du 1er janvier 2005, avec rajustements annuels pour l’inflation, ou à 10,50 $ par ETP s’il est fixe pour la période de cinq ans. Pour la période 2010-2014 du Tarif, il a proposé que le taux soit établi à 11,30 $ par ETP à compter du 1er janvier 2010, avec rajustements annuels pour l’inflation, ou à 11,70 $ par ETP s’il est fixe pour la période de cinq ans. [41]

[67] De l’avis de M. Heys, pour utiliser la méthodologie proposée par les opposants, qui consiste à multiplier le volume par la valeur, la Commission devrait tirer un certain nombre de conclusions à l’égard de questions sur lesquelles les parties ne s’entendent pas, telles que l’interprétation de la preuve et la portée de l’utilisation équitable. À son avis, la démarche fondée sur les licences de référence est la moins susceptible d’engendrer des erreurs : elle n’exige aucune hypothèse en ce qui concerne le volume ni aucun rajustement pour calculer la valeur d’une page. En outre, elle se fonde sur l’opinion des parties ayant conclu les licences, lesquelles ont tenu compte de l’importance des exceptions relatives à l’utilisation équitable.

[68] Finalement, M. Michael Murphy, de la firme Michael J. Murphy Consulting, a décrit le nombre de copies qui sont créées lorsque des documents sont affichés sur un site intranet et lorsqu’ils sont transmis par courriel. Il estime que l’affichage de documents en ligne ou leur envoi par courriel donne lieu à la création de bien plus qu’une seule copie, et donne vraisemblablement lieu à la création de sept à dix copies de l’œuvre.

B. Le Consortium

[69] M. Stephen McGrath est chef d’équipe à la section du contentieux du ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse. Il siège au comité directeur mis sur pied par les membres du Consortium pour superviser leur opposition commune aux projets de tarif et leur participation conjointe à l’audience. Il a décrit les membres du Consortium, composé de sept gouvernements provinciaux et de deux gouvernements territoriaux. Il a expliqué comment ces gouvernements avaient collaboré pour arriver à une position commune en ce qui concerne les projets de tarif d’Access au moyen du dépôt d’un seul énoncé de cause, ainsi que de la production d’une preuve commune.

[70] M. Paul C. Whitehead et M. Piotr Wilk, tous les deux professeurs à l’Université Western Ontario, ont décrit leur participation à la conception et à la réalisation de l’enquête de volume conjointe sur les activités de copie effectuées dans les gouvernements provinciaux et territoriaux. Ils ont expliqué pourquoi, contrairement à M. Gauthier, l’expert d’Access, ils considèrent que les données de la phase 2 sont fiables et qu’elles offrent de surcroît des renseignements d’une plus grande qualité que ceux de la phase 1.

[71] M. Whitehead et M. Wilk ont également décrit comment leur analyse les avait amenés à conclure que les fonctionnaires effectuent dans l’ensemble très peu de copies donnant droit à rémunération. Ils ont expliqué que les différences entre leurs estimations de copies donnant droit à rémunération et celles de Circum tenaient au fait qu’ils avaient utilisé à la fois les données de la phase 1 et les données de la phase 2, à la manière dont ils avaient analysé les données, aux hypothèses qu’ils avaient formulées et aux rajustements qu’ils avaient effectués pour procéder aux analyses. Ces rajustements avaient trait à la façon dont il fallait tenir compte de documents affichés sur un site intranet, à l’utilisation équitable, à la reproduction d’une partie non importante d’une œuvre et aux droits des utilisateurs.

[72] Finalement, ils ont expliqué que leur analyse permettait de constater que les données de la phase 1 et de la phase 2, respectivement, se sont traduites par des estimations selon lesquelles les fonctionnaires effectuaient par année, en moyenne, 11,80 et 1,15 copies donnant droit à rémunération. Ils estiment que tels sont les chiffres qui devraient être utilisés pour établir les taux annuels par ETP. [42]

[73] M. Sean Smith, cadre supérieur, services d’évaluation, et M. Muris Dujsic, associé, groupe national des prix de transfert, chez Deloitte et Touche s.r.l., ont présenté une critique de la démarche axée sur les éléments comparables du marché proposée par Bradley Heys, l’expert d’Access. Ils ont expliqué pourquoi la Commission devrait rejeter la démarche de M. Heys et établir plutôt le tarif selon la méthodologie consistant à multiplier le volume par la valeur utilisée, selon eux, par la Commission dans sa décision K-12. Ils soutiennent qu’une telle méthode comporte de nombreux avantages : elle découle des données et elle tient précisément compte de deux facteurs principaux qui ont une influence sur la valeur de la licence du point de vue du concédant et du titulaire de la licence, à savoir le volume de copies donnant droit à rémunération et la valeur par page de ces copies.

[74] Finalement, M. Smith et M. Dujsic soutiennent que la méthode permet d’éviter toute question concernant la comparabilité relative de licences`négociées entre Access et/ou Copibec et divers niveaux de gouvernement. Selon eux, les licences en question ne sont liées à aucun membre du Consortium et sont, par conséquent, de mauvais comparateurs. En outre, le nombre et la portée des rajustements qu’il faudrait faire pour assurer une quelconque concordance entre les modalités des ententes conclues et les droits visés par les projets de tarif sont d’une telle importance que les ententes deviendraient totalement dénuées de toute fiabilité pour les besoins de la présente procédure.

[75] M. Dustin Chodorowicz, associé du Groupe Nordicity, a été appelé à faire une estimation de la juste valeur marchande des taux qui doivent être homologués pour les périodes de 2005-2009 et de 2010-2014. Il a expliqué que la meilleure façon pour la Commission d’établir des taux par ETP en l’espèce était d’appliquer la même méthodologie qui avait été utilisée dans la décision K-12, sous réserve de certains rajustements. Il a également décrit la valeur par page qui devrait être attribuée à la reproduction d’une page d’un livre, d’un article de journal, d’une revue ou d’un magazine.

[76] Compte tenu du volume estimatif de copies donnant droit à rémunération effectuées par les gouvernements provinciaux et territoriaux, de sa propre appréciation des taux d’évaluation par page pour chacun des quatre genres d’œuvres copiées et du nombre total d’ETP, il a conclu que le taux annuel par ETP devrait varier de 0,01 $ à 0,22 $ pour la période 2005-2009, et de 0,07 $ à 0,73 $ pour la période 2010-2014. [43]

[77] Finalement, M. Chodorowicz a décrit ce qu’il perçoit comme étant des failles dans la démarche axée sur des éléments comparables du marché proposée par M. Heys et a fait valoir qu’une telle démarche n’était fondée ni sur un volume estimatif de copies donnant droit à rémunération, ni sur la composition du genre de copies effectuées par des fonctionnaires.

C. La Colombie-Britannique

[78] Le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est fondé sur les témoignages et les rapports des témoins experts du Consortium, à savoir M. Whitehead, M. Wilk et M. Dujsic ainsi que MM. Smith et Chodorowicz. En outre, la Colombie-Britannique a appelé deux témoins : Mme Victoria Lester et M. Don McRae.

[79] Mme Victoria Lester est directrice du programme de la propriété intellectuelle au gouvernement de la Colombie-Britannique. Elle a expliqué le rôle de ce programme. Elle a fourni à la Commission l’historique des négociations menées entre la province et Access et a décrit l’enquête de volume concernant les photocopies effectuées par les fonctionnaires réalisée en 2003, conjointement avec Access, et celle réalisée en 2006 par la Colombie-Britannique seulement. Elle a également expliqué que, comme la Colombie-Britannique et Access ne pouvaient pas s’entendre sur le nombre de copies effectuées au gouvernement et ne pouvaient donc pas négocier une entente de licence, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait pris des mesures pour réduire les reproductions non autorisées au sein du gouvernement. Mme Lester a expliqué en quoi consistaient ces mesures.

[80] Finalement, Mme Lester a énoncé les modifications que le gouvernement de la Colombie-Britannique proposait d’apporter aux projets de tarif.

[81] M. Don McRae est ancien directeur éxécutif à BC Stats, l’organisme qui a géré les enquêtes de la Colombie-Britannique de 2003 et de 2006 pour le compte du gouvernement de la Colombie-Britannique. M. McRae a fourni à la Commission le contexte de l’enquête de volume menée en 2003. Il a également décrit les erreurs qu’avait selon lui effectuées l’expert d’Access dans son analyse des résultats de l’enquête. Enfin, il a expliqué que les différences observées dans la démarche adoptée dans l’enquête de la Colombie-Britannique de 2006 visaient à corriger les erreurs méthodologiques antérieures et à tenir compte de l’arrêt CCH de la Cour suprême du Canada.

VI. L’ENQUÊTE DE VOLUME

A. Les questions relatives à la conception

[82] Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, Access et les opposants ont accepté de mener une enquête concernant le volume et la nature des œuvres publiées reproduites par des fonctionnaires. Les parties ont conclu un protocole d’entente (PE), et un comité directeur a été mis sur pied pour concevoir et mener le sondage. [44]

[83] Le comité directeur était composé de deux représentants des opposants et de trois représentants d’Access. Le PE prévoyait notamment que les parties acceptaient de ne pas contester la formulation des questions, mais conservaient le droit de fournir des interprétations divergentes des résultats et d’adopter des points de vue différents en ce qui concerne la pertinence des questions du sondage.

[84] L’enquête a été conçue pour être menée en deux phases. De manière générale, dans la phase 1, les fonctionnaires devaient remplir un questionnaire en ligne. Le questionnaire portait sur les habitudes de copie des répondants et recueillait des renseignements sur le cas de copie le plus récent. Dans la phase 2, les fonctionnaires devaient remplir des registres concernant les copies qu’ils effectuaient sur une période de 14 jours consécutifs.

[85] Les parties ont eu des désaccords au départ en ce qui concerne certains aspects de la méthodologie d’enquête. Le personnel de la Commission a participé à des discussions concernant l’enquête. Comme nous l’avons déjà mentionné, la Commission a ordonné qu’un essai préliminaire, évaluant des versions différentes des deux phases de l’enquête proposée sur un petit échantillon, soit effectué pour apprécier la fiabilité globale du sondage.

[86] L’essai préliminaire a été effectué entre le 6 mai 2011 et le 20 juin 2011. Pour l’essai préliminaire, un échantillon aléatoire simple de 1149 noms et de leurs adresses courriel a été constitué à partir d’une liste de tous les employés colligée à partir des observations de chaque juridiction. Un total de 493 personnes parmi celles qui avaient été choisies ont complété la phase 1 de l’essai préliminaire, et 49 autres ont complété la phase 2. L’essai préliminaire a permis de régler les problèmes liés à la conception. Certaines modifications mineures concernant la formulation des questions ont été apportées.

[87] Les opposants ont ensuite fourni des listes d’employés afin que la base d’échantillonnage pour le sondage principal puisse être constituée. Un bassin de 135 726 employés pouvait être invité à participer au sondage. Selon une entente conclude entre les parties, au moins 9000 questionnaires devaient être remplis dans la phase 1 et, pour cela, 27 000 personnes devaient être invitées à participer. L’échantillonnage concernant ces personnes était aussi un échantillonnage aléatoire simple. En outre, les personnes choisies avaient été séparées de façon aléatoire en dix groupes avec des dates de début du sondage échelonnées.

[88] Le travail sur terrain, mené par R.A. Malatest and Associates, a commencé le 19 septembre 2011 et pris fin le 11 décembre 2011. Au cours de la phase 1, 9844 questionnaires ont été remplis. Parmi les répondants de la phase 1, 3993 étaient admissibles à remplir le questionnaire de la phase 2 en raison du fait qu’ils avaient effectué au moins une copie d’un document publié au cours des deux mois ayant précédé le moment où ils avaient rempli le questionnaire de la phase 1. Parmi ces répondants admissibles, 1285 d’entre eux ont accepté de remplir le questionnaire de la phase 2. Enfin, 794 répondants ont effectivement rempli le questionnaire de la phase 2.

[89] Il convient de souligner qu’il existe deux différences entre l’enquête de volume qui nous occupe et l’enquête dont il était question dans la décision K-12 (l’« enquête K-12 »). Dans l’enquête K-12, seules les photocopies ont été évaluées. Dans la présente enquête de volume, l’évaluation a porté sur huit types de copies : la photocopie, la numérisation, l’impression, la transmission par courriel, la télécopie, l’affichage sur un site intranet, l’affichage sur Internet et la sauvegarde d’un fichier électronique. Dans l’enquête K-12, un assistant était en poste près de chaque photocopieuse désignée pour surveiller les activités de copie. Dans l’enquête de volume, il n’y avait pas de surveillance; au contraire, tous les rapports concernant la copie étaient fondés sur un souvenir (phase 1) ou sur une consignation personnelle (phase 2).

B. Les résultats de l’enquête selon l’analyse d’Access

[90] Access a calculé le nombre de copies donnant droit à rémunération pour la phase 1 de l’enquête de volume. Il s’élevait à 44,7 copies par ETP pour les livres, à 144,2 pour les revues, à 15,6 pour les magazines, à 55,2 pour les journaux et à 24 pour les autres types d’œuvres. Au total, il s’agissait de 283,7 copies donnant droit à rémunération par ETP, sans tenir compte de l’utilisation équitable ou d’autres droits des utilisateurs. Access a ensuite procédé à deux autres calculs, en fonction de deux autres démarches fondées sur l’utilisation équitable. Cela a entraîné une réduction du nombre total de copies donnant droit à rémunération, qui est passé à 250,8 par ETP ou à 237,1 par ETP, selon la démarche qui avait été utilisée. [45]

[91] Dans sa réponse, Access a précisé le nombre de copies donnant droit à rémunération tirées de la phase 2 de l’enquête de volume. Cela équivalait à 16,4 copies par ETP pour les livres, à 25,8 pour les revues, à 11,5 pour les magazines, à 12,2 pour les journaux et à 38,9 pour les autres types d’œuvres, sans tenir compte de l’utilisation équitable ou d’autres droits des utilisateurs. Au total, cela équivalait à 104,8 copies donnant droit à rémunération par ETP. Access a ensuite procédé à deux autres calculs, en fonction de ses deux démarches proposées fondées sur l’utilisation équitable. Cela a entraîné une réduction du nombre total de copies donnant droit à rémunération, qui est passé à 91,1 par ETP ou à 84,9 par ETP, selon la démarche qui avait été utilisée. [46]

C. Les résultats de l’enquête selon l’analyse du Consortium

[92] Le Consortium a calculé le nombre de copies donnant droit à rémunération tirées de la phase 1 de l’enquête de volume. Il a établi que le nombre de copies [TRADUCTION] « susceptibles de donner droit à rémunération » était de 23,95 par ETP pour les livres, de 72,26 pour les revues, de 10,42 pour les magazines et de 16,29 pour les journaux. Cela équivalait à 122,92 pages copiées par ETP susceptibles de donner droit à rémunération. Le Consortium a ensuite calculé le nombre réel de copies donnant droit à rémunération (en tenant compte de l’utilisation équitable et d’autres droits des utilisateurs). Ce calcul a réduit le nombre total de copies donnant droit à rémunération en le faisant passer à 11,80 par ETP. [47]

[93] Enfin, le Consortium a calculé le nombre de copies donnant droit à rémunération tirées de la phase 2 de l’enquête de volume. Selon ses calculs, le nombre de copies « susceptibles de donner droit à rémunération » était de 2,59 par ETP pour les livres, de 8,49 pour les revues, de 1,17 pour les magazines et de 1,25 pour les journaux. Cela équivalait à 13,49 copies par ETP susceptibles de donner droit à rémunération. Le Consortium a ensuite calculé le nombre réel de copies donnant droit à rémunération (en tenant compte de l’utilisation équitable et d’autres droits des utilisateurs). Ce calcul a réduit le nombre total de copies donnant droit à rémunération en le faisant passer à 1,15 par ETP. [48]

D. La nouvelle analyse relative au caractère rémunérable et les données concernant les cas de copie

[94] Le 14 mars 2013, la Commission a émis un avis dans lequel elle informait les parties de son opinion préliminaire selon laquelle les analyses relatives au caractère rémunérable qu’elles avaient effectuées étaient inadéquates et ordonnait qu’une analyse soit menée pour chaque cas de copie admissible, consigné dans la phase 2, et que toutes les données du sondage soient fournies pour ces cas.

[95] Dans cet avis, la Commission a déclaré que la phase 2 consistait en 1466 cas de copie. Les parties n’ont pas contesté ce chiffre. Elles ont formulé d’autres observations, à la suite des instructions supplémentaires données par la Commission quant à la manière de procéder. Plus particulièrement, le 6 mai 2013, la Commission a ordonné que les cas de copies effectuées par un participant dont le registre de copie était incomplet, tel qu’établi par M. Gauthier et R.A. Malatest, soient exclus de l’analyse.

[96] Le 30 mai 2013, Access a soumis que les cas devraient être regroupés de la manière suivante :

  • De ces 1466 cas, 768 concernaient la réalisation d’une copie pour le compte de la personne même qui faisait la copie (par opposition à une copie effectuée pour le compte de quelqu’un d’autre).

  • De ces 768 cas, 483 cas portaient sur la copie d’un document publié.

  • De ces 483 cas, Access a relevé 311 cas pour lesquels l’œuvre copiée faisait partie de son répertoire.

  • De ces 311 cas, Access prétend qu’une rémunération est possible pour 291 cas. [49]

[97] Le 31 mai 2013, le Consortium a avisé la Commission qu’il souscrivait au chiffre de 291 en tant que nombre de cas admissibles qui devraient être analysés. [50] Ces chiffres sont reproduits en annexe, au tableau 1.

[98] Le 17 juin 2013, le Consortium a présenté son analyse ainsi que des précisions concernant les 291 cas de copie pour son propre compte et pour le compte du gouvernement de la Colombie-Britannique. Access a présenté ses observations le 22 juillet 2013. Les observations comprenaient des feuilles de calcul qui fournissaient notamment de l’information identifiant l’œuvre copiée dans chacun des 291 cas ainsi que les réponses que les employés avaient données dans le questionnaire de la phase 2 relativement à ces cas. Cela comprenait le nombre de pages copiées, le nombre de jeux de copies effectuées, le nombre de personnes auxquelles des jeux de copies avaient été remis et les fins pour lesquelles les copies avaient été faites. Enfin, les feuilles de calcul comprenaient les observations formulées par les parties sur la question de savoir si chacun des 291 cas donnait droit à rémunération pour les besoins du présent tarif.

E. Le deuxième calcul du volume par ETP

[99] Compte tenu de la conception de l’enquête de volume, les cas y figurant ne sont pas tous représentatifs de la même manière. Par conséquent, le fait de calculer le nombre total de pages copiées donnant droit à rémunération n’est pas une simple question consistant à multiplier la somme des pages provenant des cas donnant droit à rémunération par une certaine valeur constante.

[100] Par conséquent, le 21 juillet 2014, la Commission a émis un autre avis dans lequel elle énonçait des conclusions préliminaires quant aux cas figurant dans l’enquête de volume qui donnaient droit à rémunération pour les besoins du calcul d’un taux de redevances pour le Tarif. L’avis faisait état de 26 cas ainsi que du genre d’œuvre copiée et du nombre de pages donnant droit à rémunération pour chacun des deux projets de tarif. On a demandé aux parties de calculer le nombre total pondéré de pages copiées, par ETP, par année, pour chacun des genres d’œuvres suivants : livre, article de journal et article de magazine. Les calculs devaient être effectués deux fois, une fois pour la période de 2005-2009 et une fois pour la période de 2010-2014, et les calculs pondérés devaient être faits au moyen de la même pondération décrite à la section 2.5 de la pièce AC-4 ou à la section 3.5 de la pièce Consortium-3.

[101] Les parties ont fourni leurs réponses le 28 août 2014. Dans sa réponse, Access a calculé que le nombre de copies donnant droit à rémunération était de 0,68 par ETP pour la période de 2005-2009, et de 0,75 par ETP pour la période de 2010-2014. [51] Selon les calculs du Consortium, ces copies étaient de 1,3768 par ETP pour la période de 2005-2009, et de 1,5179 par ETP pour la période de 2010-2014. [52]

VII. L’INTERPRÉTATION DES DONNÉES DE L’ENQUÊTE DE VOLUME

A. Introduction

[102] Comme nous le verrons plus loin à la partie XIV, pour calculer le taux de redevances pour les besoins du présent tarif, nous utilisons la méthodologie du « volume fois la valeur », où le volume est le nombre de copies donnant droit à rémunération qui ont été faites (en pages) et où la valeur est le taux payable pour chaque page copiée.

[103] Les parties ont convenu que 291 cas dans l’enquête de volume étaient susceptibles de donner droit à rémunération pour les besoins de l’établissement d’un taux de redevances pour le présent tarif. [53] Pour chacun de ces 291 cas, les parties ont formulé des observations et présenté des données, telles que le nombre de pages de l’œuvre reproduite, et le nombre de pages copiées ainsi que le caractère rémunérable des cas, à savoir si le cas représente une reproduction pour laquelle une licence serait exigée d’Access aux termes du Tarif. [54]

[104] Dans les parties VII.B, VII.C et VII.D ci-dessous, nous analysons le nombre de pages, les pages copiées et le genre d’œuvres reproduites dans l’enquête de volume. Dans les parties VIII à XII, nous déterminons ensuite le caractère rémunérable des cas pour les besoins du présent tarif. Le nombre de cas relevés à chaque étape dans l’analyse du caractère rémunérable des cas est présenté dans le résumé qui se trouve à l’annexe, au tableau 2.

[105] En examinant le caractère rémunérable d’un cas relevé dans l’enquête de volume, une conclusion concernant un cas de copie n’est pas une conclusion concernant le cas de copie qui a effectivement eu lieu en 2011, lorsque l’enquête de volume a été effectuée. Il s’agit plutôt d’une conclusion selon laquelle le cas, selon la description des données consignées dans l’enquête de volume, représente des cas de copie donnant droit à rémunération ou non qui auront été relevés durant la période visée par le Tarif.

[106] Comme nous le verrons à la partie XV, ci-dessous, les parties ont convenu qu’un tariff unique pouvait être homologué pour la période allant de 2005 à 2014, et que ses dispositions administratives devraient être fondées sur le texte du projet de tarif de 2010. Par conséquent, nous faisons référence généralement au texte du projet de tarif de 2010 au cours de notre analyse.

B. Le nombre de pages de l’œuvre copiée

[107] Les pages, ou le nombre de pages, de l’œuvre copiée sont importants principalement pour déterminer le pourcentage de l’œuvre qui a été copiée. En outre, le nombre de pages sert aussi à fournir plus de contexte lorsque les données de l’enquête de volume sont ambiguës, comme c’est le cas lorsque certaines valeurs manquent (p. ex., lorsqu’il est indiqué que le nombre de pages copiées est inconnu), ou lorsque certaines valeurs sont erronées (p. ex., lorsque le nombre de pages copiées est supérieur au nombre de pages de l’œuvre).

[108] Access ainsi que les opposants ont présenté des valeurs concernant le nombre de pages des œuvres copiées. Toutefois, le nombre de pages pour une compilation d’œuvres, comme des journaux, des revues et des magazines qui a été présenté par les opposants était presque toujours une moyenne du nombre de pages pour la compilation entière, et non pour l’œuvre individuelle copiée. Comme cela est décrit ci-dessous à la partie X.B.3, le nombre de pages le plus pertinent pour notre analyse est celui de l’œuvre individuelle, et non celui de la compilation dont l’œuvre fait partie.

[109] Par conséquent, nous avons calculé le nombre de pages de l’œuvre copiée de la manière suivante :

  • Dans les cas où Access a fourni le nombre de pages de l’œuvre, ces renseignements ont été utilisés. Access est habituellement mieux placée pour fournir le nombre de pages d’une œuvre.
  • Pour les œuvres autres que les livres, les opposants ont fourni des nombres de pages qui semblent être une moyenne du nombre de pages de la collection dans laquelle apparaît l’œuvre, au lieu du nombre de pages de l’œuvre elle-même (p. ex., le nombre de pages d’un journal, contrairement au nombre de pages de l’article de journal qui a été copié). Ainsi, lorsque Access ne connaissait pas le nombre de pages d’une œuvre, le nombre de pages fourni par les opposants n’a été utilisé que pour les cas où les œuvres ne semblaient pas faire partie d’une collection d’œuvres (habituellement des livres).
  • Dans les cas où ni Access ni les opposants ne pouvaient fournir un nombre de pages valide, nous avons utilisé le nombre de pages fourni par l’employé. Toutefois, lorsque le nombre de pages fourni par l’employé semblait erroné (p. ex., lorsqu’il semblait être le nombre de copies effectuées multiplié par le nombre de pages copiées), nous avons indiqué que le nombre de pages de l’œuvre était inconnu.
  • Lorsque l’œuvre copiée était un journal et que, compte tenu des méthodes utilisées pour copier l’œuvre, la source semblait être dans un format électronique, le nombre de pages attribué à l’œuvre était de 1, selon le témoignage de M. Wilk, sur lequel Access s’était fondée. [55]

C. Le nombre de pages copiées

[110] Pour chaque cas de copie, l’employé qui effectuait la copie devait inscrire le nombre de pages copiées. Cet employé ne pouvait pas inscrire un nombre inférieur à un ni un nombre qui n’était pas un nombre entier (p. ex., 2,5). Il ne pouvait pas non plus fournir une valeur ayant une autre unité que le nombre de pages (p. ex., une personne ne pouvait pas mentionner qu’elle avait copié un certain nombre de paragraphes). Pour cette raison, dans notre analyse des questions liées au nombre de pages de l’œuvre copiées, ou à l’ampleur de la reproduction, nous utilisons le nombre de pages comme mesure. Les conséquences de cette limitation dans notre examen de la question de savoir si une copie représentait une partie importante de l’œuvre sont analysées à la partie X.B, ci-dessous.

[111] Pour 13 cas figurant dans l’enquête de volume, l’employé sondé a inscrit une valeur pour le nombre de pages sources copiées qui était supérieure au nombre de pages de l’ensemble de l’œuvre. Alors que certains de ces cas semblent constituer des erreurs mineures (p. ex., le fait d’inscrire 59 pages au lieu de 56), d’autres sont des erreurs plus importantes (p. ex., le fait d’inscrire 23 pages sources provenant d’une œuvre de 6 pages). Il est possible que certains employés aient inscrit le total de pages copiées au lieu du nombre de pages figurant dans l’œuvre à partir de laquelle les copies ont été réalisées. Dans ces cas, nous avons réduit le nombre de pages copiées au nombre de pages que comporte l’œuvre.

D. Le genre de l’œuvre

[112] Lorsque l’appréciation du genre de l’œuvre faite par Access était la même que celle qui avait été inscrite par l’employé, nous avons accepté que tel était le genre. Pour les cas où l’appréciation d’Access ne correspondait pas à celle de l’employé, nous avons examiné les autres renseignements dont nous disposions, tels que le nombre de pages et le nom de la publication, afin de déterminer le genre de l’œuvre reproduite.

VIII. LE RÉPERTOIRE

A. Le droit d’auteur dont le gouvernement est titulaire

[113] Dans ses éléments de preuve, [56] ainsi que dans les déclarations publiques, telles que sur son site Web, [57] Access a déclaré qu’elle n’octroyait pas de licence pour la copie d’œuvres à l'égard desquelles le gouvernement était titulaire du droit d’auteur à l’exception du Québec et de l’Australie.

[114] Il convient de souligner que, pour autant que de telles œuvres figurent dans une compilation, le droit d’auteur à l’égard de la compilation, s’il existe, peut appartenir à une autre personne que le gouvernement (p. ex., dans le cas d’une compilation de lois). Toutefois, pour qu’une partie importante d’une compilation soit reproduite, une partie de la compilation qui représente une part importante du talent et du jugement de l’auteur exprimés dans l’œuvre devrait être reproduite. [58] Lorsque le talent et le jugement exprimés par l’auteur dans la compilation ne figurent pas dans la partie reproduite, comme dans le cas où une seule œuvre, ou une partie d’une œuvre, est reproduite à partir d’une telle compilation, seule l’œuvre sous-jacente est reproduite, et non la compilation dans laquelle cette œuvre figure. En outre, même si l’auteur de la compilation ajoute des données factuelles, ou apporte des modifications mécaniques à l’œuvre sous-jacente, comme la modification de la police de caractère ou la correction d’erreurs grammaticales ou de fautes d’orthographe, cela n’est pas suffisant pour justifier la protection du droit d’auteur. [59]

[115] Par conséquent, pour les besoins du présent tarif, le titulaire du droit d’auteur en question dans de tels cas est le titulaire du droit d’auteur de l’œuvre directement copiée, non le titulaire du droit d’auteur, le cas échéant, de la collection dans laquelle figure l’œuvre.

[116] Compte tenu de la preuve dont nous disposons, nous concluons que, selon toute vraisemblance, dans 4 cas de copie, le droit d’auteur de l’œuvre copiée appartient à un gouvernement autre que le gouvernement du Québec ou le gouvernement de l’Australie, et qu’il s’agit par conséquent d’œuvres à l’égard desquelles Access n’octroie pas de licence. Cela étant, nous excluons ces œuvres de celles qui peuvent donner droit à rémunération pour les besoins du présent tarif, ce qui laisse 287 cas susceptibles de donner droit à rémunération parmi les 291 relevés.

B. Les titulaires non affiliés

[117] Access conclut des ententes avec des titulaires de droits d’auteur, ce qui lui permet d’octroyer des licences de reproduction d’œuvres des titulaires de droits. Les titulaires d’un droit d’auteur qui ont conclu une telle entente avec Access sont souvent désignés comme étant des titulaires de droits affiliés, ou des « affiliés ». Ceux qui n’ont pas conclu une telle entente avec Access sont désignés comme étant des titulaires de droits non affiliés, ou des « non-affiliés ».

[118] À l’audience, Mme Levy a déclaré que le répertoire d’Access comprend toutes les œuvres publiées [60] qui ne sont pas expressément visées par la liste d’exclusion, [61] une liste que les témoins d’Access ont décrite comme étant [TRADUCTION] « une liste de titulaires de droits qui ont exclu leurs œuvres du répertoire d’Access ou d’une autre société de gestion. » [62] Plus précisément, les témoins d’Access ont déclaré que le répertoire d’Access comprend :

[TRADUCTION] [t]oute œuvre publiée sous forme imprimée ou ayant un équivalent imprimé (une « œuvre imprimée »), qui a été distribuée au public avec le consentement ou l’assentiment du titulaire de droits résidant ou domicilié au Canada, d’un citoyen canadien ou d’une société constituée au Canada et/ou dans un État avec lequel Access Copyright a conclu une entente bilatérale, et qui n’a pas été exclue par le titulaire de droits. [63]

[119] En bref, Access considère dans son répertoire presque toutes les œuvres publiées, sans égard à la question de savoir s’il existe une quelconque relation entre le titulaire de droits et Access.

[120] Dans son projet de tarif de 2010, Access définit le terme « répertoire » de la manière suivante :

[œ]uvres publiées, au Canada ou à l’étranger par un auteur ou un éditeur, la succession d’un auteur ou éditeur ou une autre personne ayant un intérêt dans le droit d’auteur sur les œuvres publiées qui notamment, par voie de cession, licence ou mandat, d’en administrer collectivement les droits de reproduction, ou lorsqu’elles sont publiées au Canada et à l’étranger par d’autres titulaires de droit d’auteur si une entente entre Access Copyright et une autre société de gestion collective autorise Access Copyright à représenter ces autres titulaires de droits d’auteurs. [64] [italique ajouté]

[121] En tentant de concilier la définition proposée et les déclarations des témoins d’Access, la Commission a émis, le 4 décembre 2012, un avis dans lequel elle demandait aux parties d’exprimer leur accord ou leur désaccord relativement à plusieurs propositions.

[122] Le Consortium et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont exprimé leur accord relativement à la proposition selon laquelle [65] :

[TRADUCTION] le titulaire d’une œuvre ne faisant pas partie du répertoire qui a été relevée au cours d’un sondage de distribution et qui encaisse le chèque de redevances reçu d’Access n’intègre pas cette œuvre dans le répertoire d’Access. Toutefois, en vertu du mandat par ratification, le titulaire de l’œuvre ne faisant pas partie du répertoire ne peut plus porter plainte pour violation du droit d’auteur par l’utilisateur en invoquant la reproduction associée au chèque encaissé. [66]

[123] Access n’a pas souscrit à la première partie de cette proposition, soumettant que des œuvres à l’égard desquelles un titulaire du droit d’auteur non affilié a accepté paiement font partie de son répertoire, au sens de la définition de ce terme dans le projet de tarif de 2010. [67]

[124] Dans sa réponse, le Consortium a en outre soutenu que le répertoire d’où découle le taux de redevances ne peut pas comprendre les œuvres publiées des titulaires de droits qui n’ont pas, au sens de la définition de l’expression « société de gestion » de la Loi, « notamment par voie de cession, licence ou mandat » [68] autorisé Access à agir pour leur compte pour les besoins du projet de tarif. Toutefois, Access peut choisir de partager une partie de ces redevances avec des détenteurs de droits d’auteur d’œuvres qui ne font pas partie de son répertoire sur une base purement volontaire. [69]

[125] Dans le même ordre d’idées, le gouvernement de la Colombie-Britannique a soutenu que la définition du terme « répertoire » dans le projet de tarif de 2010 n’inclut pas les [TRADUCTION] « œuvres relevées lors d’un sondage sur la distribution, pour lesquelles le titulaire accepte le paiement de la redevance reçu d’Access Copyright, relativement à l’utilisation précise par l’utilisateur particulier. » [70]

[126] Dans la décision K-12, [71] la Commission a conclu que l’encaissement du chèque de redevances par un titulaire du droit d’auteur, émis relativement à une ou plusieurs activités de photocopie, avait eu pour effet de rendre ces activités légitimes, de telle sorte que « [le titulaire du droit d’auteur] ne pourrait poursuivre le copiste pour violation du droit d’auteur ». [72] La Commission a ensuite fait observé que :

[l]’existence d’un mandat tacite, que l’encaissement du chèque matérialise, limité aux seules copies que l’enquête a captées, suffit pour décider d’inclure ces mêmes copies dans le calcul de la rémunération. [73]

[127] En l’espèce, Access n’a pas effectué de paiements relativement aux cas de copie relevés dans l’enquête de volume, y compris ceux à l’égard desquels Access n’a pas conclu d’entente avec un affilié. Étant donné qu’aucun paiement n’a été effectué, la formation d’un mandat ne pouvait pas avoir lieu entre le titulaire du droit d’auteur en question et Access. Par conséquent, l’argument que la Commission a accepté dans la décision K-12, selon lequel il fallait inclure les œuvres de titulaires de droits non affiliés dans le calcul du taux de redevances, est inapplicable en l’espèce.

[128] En effet, Access reconnaît qu’une [TRADUCTION] « analyse effectuée œuvre par œuvre du contenu du répertoire d’Access Copyright par suite d’une affiliation ou d’un mandat qui existerait ne donnera pas de […] résultats utiles parce que les actes n’ont pas encore été ratifiés. » [74] Elle soutient au contraire que la Commission ne devrait pas tenir compte de la non-existence actuelle de ces mandats, qu’elle devrait plutôt se fonder sur la pratique d’Access consistant à distribuer des redevances à des non-affiliés et, par conséquent, déduire que des mandats pourront éventuellement être formés. [75] Elle affirme que l’acceptation éventuelle par les titulaires de droits du paiement provenant d’Access ratifie la transaction rétroactivement à la date d’octroi par Access d’une licence portant sur l’œuvre. [76]

[129] Pour les motifs exposés ci-dessous, nous concluons que ce qui précède ne suffit pas pour nous permettre de considérer les cas de copie dans lesquels le titulaire du droit d’auteur n’était pas affilié à Access comme des cas donnant droit à rémunération pour les besoins de l’établissement d’un taux de redevances dans le présent tarif.

[130] Premièrement, le modèle de distribution actuel d’Access pour les redevances perçues relativement à des copies faites par des gouvernements ne semble être fondé sur aucun renseignement lié à un titre particulier. Access a déclaré que, pour ce qui est des éditeurs, 5 pour cent sont payés en fonction du nombre d’œuvres que ceux-ci apportent au répertoire d’Access, et 95 pour cent sont payés en fonction d’un modèle qui tente d’approximer les habitudes en matière de copie. Pour ce qui est des auteurs, Access distribue d’une manière égale 40 pour cent des fonds à des auteurs affiliés, sans égard à l’utilisation de leurs œuvres, et les 60 pour cent restant en fonction d’un modèle qui tient compte du genre, de la date et du nombre d’œuvres publiées par l’auteur. [77]

[131] Les témoins ont également donné les précisions suivantes concernant la distribution de redevances par Access à des titulaires de droits non affiliés :

[TRADUCTION] Lorsque Access est avisée qu’une œuvre d’un titulaire de droits non affilié a été reproduite conformément à une licence, elle distribue les redevances qui y sont associées au titulaire de droits non affilié. Dans sa distribution de 2005, Access Copyright a distribué 1 338 909,34 $ à 1529 titulaires de droits non affiliés. Ce montant représentait 6,5 pour cent des distributions totales effectuées pour la même période. […] Dans sa distribution de 2010, Access Copyright a distribué 1 079 843,95 $ à 916 titulaires de droits non affiliés. Ce montant représentait 4,63 pour cent des distributions totales effectuées pour la même période. [78]

[132] Dans la décision K-12, la Commission a conclu que l’acceptation par des titulaires de droits de paiements de redevances fondés sur les copies qui ont été relevées accorde à Access le mandat d’agir pour leur compte relativement à ces copies relevées. [79] L’acceptation par des titulaires de droits de distributions qui ne sont pas fondées sur des copies réelles ne peut pas servir de fondement pour le genre de ratification rétroactive envisagée dans la décision K-12.

[133] Deuxièmement, et plus important encore, la grande majorité des copies d’œuvres de non-affiliés réalisées ne sera jamais signalée à Access. Comme Access l’a déclaré, et en toute logique, elle n’envoie des chèques que relativement à des cas de copie pour lesquels elle dispose de renseignements. Access n’invoque, et ne peut qu’invoquer, l’existence d’un mandat que dans les cas où le titulaire de droits a réellement encaissé un chèque qu’il a reçu d’Access. [80]

[134] Bien qu’Access ait souligné le pourcentage de titulaires de droits qui encaissent les chèques qui sont émis, il ne s’agit pas de la mesure importante. C’est plutôt le nombre de cas de copie pour lesquels de tels chèques seront réellement émis qui est important. Dans la plupart des cas, Access n’aura de renseignements que sur un très petit pourcentage de copies réelles qui ont été effectuées, et peut ainsi émettre des chèques à des titulaires d’un droit d’auteur non affiliés seulement pour un très petit pourcentage de cas de copie.

[135] Par exemple, en l’espèce, l’enquête de volume est la seule source de renseignements dont Access dispose actuellement sur des cas de copie précis. L’enquête représente environ 0,05 pour cent des copies réelles susceptibles de donner droit à rémunération qui auront été effectuées au cours de chaque année de la période visée par le Tarif et, par conséquent, environ 0,005 pour cent pour tout le Tarif. Même si cela devait être complété par une enquête similaire, le pourcentage ne ferait que doubler pour atteindre environ 0,01 pour cent.

[136] Access peut uniquement envoyer des chèques et, par conséquent, invoquer l’existence d’un mandat, que relativement à un maximum de 0,005 pour cent des copies réalisées à l’égard d’œuvres de non-affiliés. Même si nous devions accepter la prémisse selon laquelle l’envoi d’un chèque par Access relativement à un cas de copie, et son encaissement subséquent par le titulaire du droit d’auteur de l’œuvre copiée, entraîne la formation d’un mandat en ce qui concerne ce cas de copie précis, il n’en demeurerait pas moins que cela ne se produirait pas pour au moins 99,995 pour cent des copies réelles susceptibles de donner droit à rémunération portant sur des œuvres de titulaires non affiliés qui seront effectuées au cours de la période visée par le Tarif.

[137] Tout paiement pouvant être fait à des non-affiliés relativement à des cas de copie relevés dans l’enquête de volume n’est pas représentatif de ce qui se produira relativement à toutes les copies antérieures et ultérieures d’œuvres de non-affiliés. Dans ce dernier cas, la copie ne peut pas, et ne pourra jamais du fait que, par sa nature même, elle n’est pas relevée faire l’objet de paiements par Access fondés sur les copies et, par conséquent, ne sera jamais assujettie au genre de mandat temporaire envisagé dans la décision K-12.

[138] Étant donné qu’Access ne peut pas accorder de licence pour la copie d’une œuvre pour laquelle elle n’a pas elle-même reçu d’autorisation de la part du titulaire du droit d’auteur, la reproduction d’une œuvre d’un non-affilié constitue une éventuelle violation du droit d’auteur. On peut soutenir que cette reproduction qui constitue une éventuelle violation peut être rétroactivement « légitimée » au moyen de l’encaissement par le titulaire du droit d’auteur d’un chèque de redevances concernant la copie effectuée. Toutefois, si le titulaire du droit d’auteur ne reçoit pas un tel chèque, comme ce sera presque toujours le cas, il peut intenter des poursuites pour violation du droit d’auteur. Il en serait ainsi malgré le fait que des redevances aient été théoriquement payées à Access par le titulaire de la licence relativement à la réalisation de la copie.

[139] Access ne fournit pas de liste de titulaires de droits d’auteur affiliés aux titulaires de licences. Son outil de recherche Web repose sur la thèse adoptée par les témoins d’Access : celle-ci peut autoriser la copie de toutes les œuvres publiées, à moins d’une déclaration contraire expresse du titulaire de droits. [81] Par conséquent, un utilisateur ne peut pas savoir avec certitude, relativement à la reproduction d’une œuvre devant être effectuée, si oui ou non Access a réellement le pouvoir d’octroyer une licence de reproduction portant sur cette œuvre et, par conséquent, si il est sur le point de commettre ou non une violation du droit d’auteur.

[140] Le fait de considérer de tels cas de copie comme donnant droit à rémunération aurait pour conséquence d’exiger que le titulaire d’une licence paye théoriquement pour des cas de copie qui ne seront jamais ratifiés par le titulaire de droits, qui ne peuvent pas être autorisés par Access et qui, par conséquent, constituent d’éventuelles violations du droit d’auteur.

[141] Les préoccupations susmentionnées sont accentuées par le nombre important de copies pour lesquelles l’œuvre relevée dans l’enquête de volume ne faisait pas partie du répertoire d’Access : des 291 cas de copie, Access en a désigné 41 comme étant des cas portant sur des œuvres copiées dont le titulaire du droit d’auteur n’avait autorisé ni Access ni une société de gestion avec laquelle Access avait une entente bilatérale, à administrer le droit de reproduction au Canada.

[142] Nous tenons à souligner que les préoccupations en question ne s’appliquent pas à des situations où le titulaire de droits a déjà autorisé Access à agir pour son compte. Elles ne sont pertinentes que dans les cas où Access prétend que son pouvoir d’accorder une licence de reproduction d’une œuvre découle d’un mandat formé au moyen de l’envoi et de l’encaissement de tels paiements.

[143] En bref, le répertoire d’Access pour les besoins du présent tarif comprend les œuvres pour lesquelles le titulaire du droit d’auteur a autorisé Access à administrer le droit de reproduction, et les œuvres pour lesquelles le titulaire du droit d’auteur a autorisé une autre société de gestion à administrer le droit de reproduction au Canada au moyen d’ententes avec d’autres sociétés de gestion.

[144] Pour les motifs exposés ci-dessus, nous excluons du calcul de la redevance les cas dans lesquels des œuvres ont été copiées et pour lesquels Access a mentionné que la relation qui existait avec le titulaire du droit d’auteur était une relation de « mandat ». Des 287 cas restants, 39 cas ont été ainsi désignés. Cela laisse 248 cas susceptibles de donner droit à rémunération.

C. Les autres questions concernant des titulaires de droits d’auteur non affiliés

[145] Bien que la question n’ait pas été soulevée par les opposants, la Commission souligne l’existence de possibles irrégularités concernant l’identification d’œuvres « de son répertoire ».

[146] À titre d’exemple, plusieurs cas de copie relevés dans l’enquête de volume pour lesquels l’œuvre semble être une publication américaine, et pour lesquels le Copyright Clearance Centre (une société de gestion basée aux États-Unis qui administre le droit de reproduction à l’égard d’œuvres publiées) énonce sur son site Web qu’il ne peut pas fournir de licence pour entreprise (ou ne pourrait pas la fournir relativement à certaines activités, telles que la copie numérique), ont néanmoins été désignés par Access comme faisant partie de son répertoire. Bien qu’il soit possible qu’un titulaire du droit d’auteur puisse permettre à des sociétés de gestion situées à l’extérieur des États-Unis d’accorder une licence pour des activités à l’égard desquelles il n’autorise pas l’octroi d’une licence par une société de gestion basée aux États-Unis, il aurait été préférable que de telles différences soient soulevées et que des éléments de preuve soient présentés.

[147] À l’avenir, en ce qui concerne les droits relatifs à des œuvres pour lesquelles elle a reçu l’autorisation d’administrer le droit de reproduction de la part d’une autre société de gestion, Access pourrait juger utile d’identifier la société de gestion de laquelle elle a reçu cette autorisation et, si possible, soulever toute différence entre la portée de l’autorisation accordée à la société de gestion source et la portée de l’autorisation reçue par Access.

[148] Voici un autre exemple : alors qu’Access a fourni à la Commission le nom des auteurs et/ou les éditeurs des œuvres relevées dans l’enquête de volume, le titulaire du droit d’auteur – la personne pertinente aux fins de la détermination du répertoire – n’a pas été identifié. Or, Access reçoit son autorisation d’accorder une licence pour la copie d’une œuvre de la part de la personne qui est titulaire du droit d’auteur. Le simple fait d’être éditeur ou auteur ne suffit pas pour accorder valablement à Access une telle autorisation. À l’avenir, Access pourrait aussi juger utile d’identifier le titulaire du droit d’auteur, plutôt que l’auteur ou l’éditeur, des œuvres en question.

[149] Nous soulevons ces questions dans l’espoir que cela encourage les parties à les traiter de façon plus détaillée à l’avenir. Par conséquent, les observations formulées n’ont aucune incidence sur l’établissement du taux de redevances pour le présent tarif.

IX. LES COPIES NUMÉRIQUES

[150] Contrairement au projet de tarif de 2005, le projet de tarif de 2010 visait à permettre de faire des copies numériques. Selon la définition prévue à l’article 2, une « copie » est une reproduction d’une œuvre publiée créée par le procédé de « la reproduction par une machine, un dispositif ou un ordinateur qui crée une copie numérique […] et qui comprend la copie numérique ». Quant à la « copie numérique », elle s’entendait de « tout fichier électronique d’une œuvre publiée ».

A. La disposition relative à la suppression

[151] Cependant, la création de copies numériques était restreinte par l’exigence mentionnée à l’alinéa 5d) du projet de tarif de 2010, soit la « la disposition relative à la suppression », qui prévoit que :

[si] le titulaire n’est plus visé par un tarif pour la production et la distribution de copies numériques, le titulaire de licence et les personnes agissant en son nom doivent immédiatement cesser d’utiliser des copies numériques d’œuvres publiées du répertoire, les supprimer de leurs disques durs, de leurs serveurs ou de leur réseau de stockage et faire de leur mieux pour les effacer de tout autre dispositif ou support capable de stocker des copies numériques et, sur demande écrite d’Access Copyright, certifier que ces mesures ont été prises.

[152] La Commission a demandé aux parties, par un avis daté du 6 mai 2014, de répondre à plusieurs questions, notamment :

  1. la question de savoir si la Commission a compétence pour homologuer un tarif prévoyant une telle condition;

  2. la question de savoir si la portée et les effets juridiques de la condition proposée sont suffisamment clairs;

  3. la question de savoir si les opposants peuvent accomplir la tâche prévue par la disposition;

  4. la question de savoir quel effet la non-inclusion de cette condition aurait sur le caractère rémunérable des copies numériques. [82]

[153] Toutes les parties, y compris Access, ont reconnu que la disposition relative à la suppression, telle que formulée, pose problème. De plus, elles ont exprimé, que ce soit explicitement ou implicitement, l’opinion selon laquelle la disposition en soi n’était pas directement légalement exécutoire (c.-à-d., il n’existe aucun recours indépendant pour un manquement à la disposition) et qu’elle ne devrait pas être interprétée comme faisant en sorte qu’un cas de copie soit rétroactivement exclu de la portée du Tarif. [83] En résumé, il semble que les parties ne croient pas que cette disposition ait quelque effet que ce soit, autre que de servir d’avis quant à la manière dont les bénéficiaires de licences vont régir leurs activités. Effectivement, dans sa réponse à l’avis de la Commission, Access a proposé d’éliminer pratiquement tous les aspects de la disposition relative à la suppression, une proposition qui, dans les faits, réitérerait que certains actes ne pourraient être accomplis sans une licence. [84]

[154] Les opposants, autant dans leurs observations antérieures que dans celles qu’ils ont produites en réponse à l’avis daté du 6 mai 2014, ont fait valoir qu’ils ne pourraient pas se conformer à la disposition relative à la suppression. [85] Pour sa part, Access s’est fondée dans ses observations sur les déclarations des opposants selon lesquelles il leur serait impossible de respecter la condition. [86] Cependant, Access a ensuite prétendu que [TRADUCTION] « les opposants pourraient se conformer à la disposition, compte tenu du fait que l’Ontario a consenti à la condition dans sa licence. » [87]

[155] Le fait que l’Ontario ait accepté l’existence d’une telle disposition dans une licence antérieure ne constitue pas en soi la preuve qu’il est possible de se conformer à cette disposition. Rien ne nous permet de savoir dans quelle mesure l’Ontario s’est conformé à la condition ou a pris des mesures pour s’y conformer.

[156] Étant donné que les opposants n’ont pas déjà mis en place de mécanismes visant à faire le suivi des copies numériques et qu’Access s’est fondée sur l’existence de tels mécanismes dans ses observations, nous concluons qu’il est vraisemblable que les opposants ne puissent pas se conformer de manière satisfaisante à la disposition relative à la suppression mentionnée à l’alinéa 5d) du projet de tarif de 2010.

[157] Bien qu’Access ait prétendu que la disposition relative à la suppression s’appliquerait uniquement au cours de la période où le Tarif est en vigueur, [88] et qu’elle ait laissé sous-entendre que cette disposition ne créait plus d’obligation une fois celle-ci échue, nous ne souscrivons pas à cette interprétation de la disposition. Nous sommes d’avis qu’elle aurait pour effet de faire naître l’obligation de supprimer les copies numériques créées sous le régime du Tarif et que cette obligation pourrait être déclenchée bien après l’expiration du Tarif. En fait, la possibilité que cette obligation puisse être déclenchée se poursuivrait de manière indéfinie à l’avenir. Cet effet serait très indésirable.

[158] En dernier lieu, la disposition exige que le titulaire de licence cesse d’utiliser les copies numériques une fois qu’il n’est plus visé par un tarif applicable. Cela soulève une autre question importante. Comme les opposants l’ont fait remarquer à juste titre, lorsqu’une copie, numérique ou papier, a été créée de manière licite aux termes d’une licence ou d’un tarif, rien ne justifie que le titulaire de licence soit éventuellement privé de l’usage de cette copie; la simple possession de la copie numérique d’une œuvre protégée après l’expiration d’une licence ne contrevient pas aux droits d’un titulaire de droit d’auteur sous le régime de la Loi. Même si Access est préoccupée par la facilité de dissémination des copies numériques, et même s’il s’agit d’une préoccupation valable, le moyen qu’elle propose pour répondre à cette préoccupation n’est tout simplement pas approprié.

[159] Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, nous n’incluons pas la disposition relative à la suppression dans le Tarif.

[160] Compte tenu de notre conclusion, il n’est pas nécessaire que nous traitions de la question de savoir si la Commission a compétence pour inclure dans un tarif une disposition qui crée une obligation se perpétuant de manière indéfinie et dont l’existence n’est pas liée à la durée du tarif dont elle découle.

B. L’effet de la non-inclusion de la disposition relative à la suppression

[161] Dans leurs réponses à l’avis de la Commission, les opposants ont souligné que le fait qu’Access ait énoncé que la disposition relative à la suppression [TRADUCTION] « reflète la licence qu’Access Copyright et ses affiliés sont disposés à accorder en ce qui a trait aux utilisations numériques et qui a été approuvée par son conseil d’administration », [89] et qu’elle n’est pas autorisée à accorder une licence à l’égard de toute copie numérique des œuvres de ses affiliés sans l’exigence correspondante de supprimer ces fichiers numériques à l’expiration de la licence. Selon les opposants, la non-inclusion de la condition aurait donc pour effet d’exclure du champ d’application de la licence d’Access la création de copies numériques, y compris celles créées pour les cas mentionnés dans l’enquête de volume, et, par conséquent, de faire en sorte que ces copies ne donnent pas droit à rémunération.

[162] Dans sa réponse, Access a mentionné que :

[TRADUCTION] son conseil d’administration lui a donné la permission d’autoriser l’octroi de licences à l’égard de copies numériques aux termes des tarifs proposés, et ce, sans la condition mentionnée à l’alinéa 5d). Access Copyright demandera l’autorisation expresse à ses affiliés d’enlever la disposition de ses licences, et nous nous attendons raisonnablement à obtenir cette autorisation. [90]

[163] Access a aussi fait valoir qu’elle peut délivrer une licence en lien avec les copies numériques créées dans les cas mentionnés dans l’enquête de volume, et ce, même en l’absence de la disposition relative à la suppression, au motif qu’il est peu probable que l’application de la condition soit déclenchée et que son conseil d’administration lui a donné l’autorisation d’éliminer la disposition. [91]

[164] Comme Access elle-même l’a mentionné, [TRADUCTION] « la suppression des fichiers numériques à la suite de l’expiration d’une licence est une condition à l’octroi des droits que les affiliés d’Access Copyright accordent à Access Copyright. » [92] Nous croyons qu’il s’agit de la bonne interprétation de l’effet de l’entente entre Access et ses affiliés, laquelle prévoit qu’Access peut octroyer des licences relativement à la création de copies numériques à partir de copies papier et de copies numériques à partir de copies numériques, dans la mesure où Access [TRADUCTION] « prévoit la suppression de tous les fichiers numériques au plus tard à l’expiration de la licence ». [93]

[165] Selon cette réponse, il ne fait aucun doute qu’Access n’avait pas, en date du dépôt des projets de tarif et n’a toujours pas obtenu l’autorisation de l’ensemble de ses affiliés, voire même d’un seul, en vue de l’octroi de licences pour la création de copies numériques en l’absence d’une exigence relative à la suppression des fichiers. La question de savoir si le conseil d’administration a autorisé Access à faire quelque chose ou non ne suffit pas. Le pouvoir d’Access d’octroyer une licence pour la création d’une copie d’une œuvre découle d’une licence octroyée par le titulaire du droit d’auteur; lorsque Access n’a pas une telle licence, elle n’a pas le pouvoir d’accorder elle-même une telle licence. Le conseil d’administration d’Access ne peut pas accorder à Access des droits que les titulaires du droit d’auteur ne lui ont pas eux-mêmes octroyé.

[166] Cette conclusion n’a pas pour effet de priver le titulaire du droit d’auteur des œuvres copiées de tout droit ou recours dont il pourrait par ailleurs disposer. Ces cas représentent simplement des copies à l’égard desquelles le présent tarif ne prévoit pas de licence et, par conséquent, à l’égard desquelles Access ne peut pas percevoir des redevances aux termes du présent tarif.

C. Conclusion

[167] Puisque Access ne peut délivrer une licence pour la réalisation de copies numériques en l’absence d’une disposition relative à la suppression, que le Tarif ne peut avoir pour effet d’octroyer une licence pour des utilisations à l’égard desquelles Access elle-même ne peut en délivrer, et que nous avons exclu l’alinéa 5d) du projet de tarif de 2010, la création de copies numériques n’est pas un acte qui sera permis sous le régime du Tarif, et elle ne donnera donc pas droit à rémunération pour les besoins de l’établissement d’un taux de redevances.

[168] Sur les 248 cas qui restent à examiner, 100 d’entre eux portaient uniquement sur la création de copies numériques. Ceux-ci ont été soustraits de la liste des cas susceptibles de donner droit à rémunération, ce qui nous laisse 148 cas susceptibles de donner droit à rémunération.

[169] Les cas qui comprenaient la création de copies numériques et de copies ne répondant pas à la définition de copie numérique (p. ex., lorsqu’une photocopie d’une œuvre a été créée et qu’elle a été numérisée au cours du même cas de copie) n’ont pas été exclus. Cependant, seules les copies non numériques effectuées dans ces cas ont été rajoutées au volume donnant droit à rémunération, lorsqu’il a été jugé qu’elles étaient sujettes à rémunération.

[170] Nous remarquons que l’homologation d’un tarif pour la création de copies numériques pose aussi problème, et ce, pour d’autres motifs. Mme Levy a relaté dans son témoignage que, bien qu’Access ait des ententes avec 31 autres sociétés de gestion, seules 12 de ces ententes visaient la copie numérique. [94] Il s’ensuit que la création de copies numériques soulève un certain nombre de questions liées au répertoire. Compte tenu de notre conclusion ci-dessus, nous n’en traitons pas, mais nous exprimons simplement le désir que ces questions soient traitées de manière plus approfondie lors du prochain examen de la Commission concernant un tarif déposé par Access.

X. LES ACTES NE RELEVANT PAS DE LA PORTÉE DU TARIF

[171] Les cas de copie au regard desquels l’œuvre copiée faisait partie du répertoire d’Access doivent être autorisés aux termes du Tarif pour que ces cas donnent droit à rémunération. Lorsque le Tarif prévoit des limites en vertu desquelles un cas de copie relevé dans l’enquête de volume ne serait pas permis, ce cas ne donne pas droit à rémunération pour les besoins de l’établissement du taux de redevances au titre du tarif en l’espèce. De tels actes de copie ne relèvent pas de la portée du Tarif et demeurent de possibles actes de violation du droit d’auteur.

[172] Considérer de tels actes de copies comme donnant droit à rémunération aurait pour effet de faire payer les opposants pour des activités qui ne sont pas autorisées par le Tarif. Il s’ensuit que les cas qui n’auraient pas été autorisés par le Tarif, dans la mesure où celui-ci était en vigueur au moment où les copies ont été effectuées, ne donnent pas droit à rémunération pour les besoins du Tarif.

A. L’ampleur de la reproduction de l’œuvre est supérieure à celle autorisée par le Tarif

[173] Le projet de tarif de 2010 permettrait la création de copies d’œuvres publiées, tout en prévoyant certaines restrictions de nature quantitative pour une œuvre donnée.

[174] En ce qui concerne les livres, le projet de tarif de 2010 n’autorise pas la copie de plus de 10 pour cent d’une œuvre, à moins qu’une telle copie vise un chapitre complet d’un livre, auquel cas le tariff n’autorise pas la copie de plus de 20 pour cent de ce livre. [95] En ce qui a trait aux types d’œuvres qui ne sont pas mentionnées à l’alinéa 3a), le projet de tarif de 2010 n’autorise pas la copie de plus de 10 pour cent de cette œuvre.

[175] Nous avons identifié quatre cas au regard desquels l’œuvre copiée était un livre dont plus de 20 pour cent a été reproduit. De plus, nous avons identifié un cas dans lequel plus de 10 pour cent de l’œuvre a été copié et où l’œuvre n’était pas mentionnée à l’alinéa 3a) du projet de tarif de 2010 à titre d’œuvre pour laquelle une copie de plus de 10 pour cent de celle-ci pouvait être effectuée. Ces cinq cas ont été retirés des cas qui pourraient donner droit à rémunération, ce qui laisse 143 cas susceptibles de donner droit à rémunération.

[176] Tout comme c’était le cas en ce qui a trait à la création de copies numériques, la présente conclusion ne prive pas le titulaire du droit d’auteur, relativement aux œuvres ainsi copiées, de tout droit ou redressement dont il pourrait par ailleurs bénéficier. Ces cas constituent aussi les copies à l’égard desquelles le présent tarif ne prévoit pas de licence, et, par conséquent, à l’égard desquelles Access ne peut percevoir de redevances au titre du présent tarif.

B. Lorsque la reproduction ne vise pas une partie importante de l’œuvre copiée

[177] Aux termes de la Loi, « “le droit d’auteur” sur l’œuvre comporte le droit exclusif de […] reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre. » [96] [italique ajouté] Par conséquent, le « droit d’auteur » ne comporte pas le droit de reproduire une partie d’une œuvre lorsque cette partie n’est pas importante.

[178] Access a fait valoir que puisque l’analyse de l’aspect qualitatif est un élément essentiel pour établir si une partie importante d’une œuvre a été copiée, cette détermination ne peut être faite uniquement en fonction du nombre de pages ainsi copiées. Une telle méthode ne traiterait pas de l’aspect qualitatif de la partie en question. [97]

[179] Access a souligné les précédents portant sur ce que constitue une « partie importante » d’une œuvre, notamment les décisions U & R Tax Services Ltd. c. H & R Block Canada Inc. [98] et Hager c. ECW Press. [99] Ces précédents faisaient état de certains des facteurs qui doivent être pris en considération pour évaluer ce que constitue une « partie importante » :

  1. la qualité et la quantité des parties plagiées;

  2. la gravité de l’atteinte que l’utilisation du défendeur a portée aux activités du demandeur et la mesure dans laquelle la valeur du droit d’auteur s’en trouve diminuée;

  3. la question de savoir si le document plagié est protégé à bon droit par un droit d’auteur;

  4. la question de savoir si le défendeur s’est intentionnellement emparé de l’œuvre du demandeur pour épargner du temps et des efforts;

  5. la question de savoir si le défendeur utilise le document plagié de façon identique ou similaire au demandeur. [100]

[180] Selon Access, le fait que les employés ont créé des « copies serviles » des œuvres, qu’ils les ont utilisées de manière identique à l’auteur et à l’éditeur et qu’ils auraient pu obtenir une licence pour créer la copie devrait faire en sorte que la Commission n’effectue aucun rajustement pour la copie de partie non importante. [101]

[181] Access a aussi fait valoir, pour les articles de journaux et de revues, que l’information la plus importante est généralement présentée au tout début de l’article et qu’il s’agit vraisemblablement de la partie qui a été copiée par les employés. Par conséquent, la copie d’une page d’une revue, d’un magazine ou d’un article de journal sera une copie d’une partie importante de cette œuvre. [102] Il s’ensuit que, selon Access, rien ne permet à la Commission de conclure que l’un de ces cas de copie vise une partie non importante de l’œuvre. [103]

[182] Les opposants ont fait valoir que certains des cas de copie relevés dans l’enquête de volume ne constituent pas des copies d’une partie importante de l’œuvre source, et que de telles copies ne devraient pas donner droit à rémunération pour les besoins du présent tarif. Ils ont fait valoir que, pour qu’une copie soit incluse dans l’estimation de la Commission, il doit s’agir d’une copie d’une partie importante de l’œuvre. Si un acte est accompli et que celui-ci ne concerne pas au moins une partie importante d’une œuvre, la protection du droit d’auteur à l’égard de cette œuvre ne devient tout simplement jamais pertinente. [104] En outre, le critère évalué par Access, comme celui de savoir quelle partie de l’œuvre copiée sera incluse dans le produit final de la personne ayant procédé à la copie, ou les pratiques d’Access en ce qui a trait à l’octroi de licence, ne sont pas pertinentes pour ce qui est d’établir l’importance de la partie copiée. [105]

[183] Les opposants ont aussi fait valoir qu’Access, en prétendant que des parties des œuvres transmettant des renseignements factuels ou des idées importantes sont des parties importantes de l’œuvre, fait fi de la dichotomie entre idée et expression. Un résumé, un tableau ou un graphique qui résume les idées présentées dans une œuvre ne peut pas en soi représenter une partie importante de l’expression de cette œuvre. [106]

[184] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait valoir que la qualité de la partie utilisée est un critère important pour juger s’il s’agit d’une partie importante de l’œuvre. Toutefois :

[TRADUCTION] le but de l’enquête de volume effectuée pour les besoins de la présente instance ne peut pas, en pratique, être d’établir exactement si chacun des cas constituerait, d’un point de vue juridique, une violation du droit d’auteur. Cela nécessiterait beaucoup de temps et de ressources, autant de la part des personnes ayant répondu au sondage que pour la Commission, pour déterminer, de manière minutieuse et précise, tous les facteurs pertinents pour déterminer l’importance de la partie copiée. En même temps, il serait injuste d’exiger que le tarif prévoit un paiement des utilisateurs à l’égard des copies ne constituant pas une partie importante d’une œuvre et ne donnant pas droit à rémunération. L’objectif du sondage est de donner une approximation juste du nombre de copies donnant droit à rémunération effectuées par les employés des gouvernements des provinces ou des territoires. Il est donc nécessaire qu’il existe une directive équitable et d’application générale pour déterminer combien de copies de parties non importantes sont habituellement effectuées par les gouvernements provinciaux et territoriaux, et la façon simple et pratique d’y arriver est sous l’angle quantitatif, tout en tenant compte des autres facteurs à l’égard desquels il existe des données. [107]

i. Le droit applicable

[185] Comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Cinar Corporation c. Robinson, « [l]e concept de “partie importante” de l’œuvre est souple. Il s’agit d’une question de fait et de degré […]. En règle générale, une partie importante d’une œuvre est une partie qui représente une part importante du talent et du jugement de l’auteur exprimés dans l’œuvre. » [108]

[186] Nous soulignons que, dans l’arrêt Robinson, la Cour suprême n’a pas fait référence aux précédents U & R Tax Services ou Hager, ni à la plupart des facteurs qui y étaient énoncés. Nous soulignons aussi que certains des facteurs qui ont été pris en compte dans ces précédents semblaient concerner des éléments qui ne se rapportent pas au talent et au jugement exprimé par l’auteur dans la partie d’une œuvre. Nous concluons donc que les précédents ne sont pas applicables, dans la mesure où ils se penchaient sur des critères qui ne se rapportent pas au degré de talent et de jugement exprimé dans la partie de l’œuvre qui a été copiée.

[187] Plus particulièrement, certains facteurs, comme celui de la question de savoir si le défendeur s’est intentionnellement emparé de l’œuvre du demandeur pour épargner du temps et des efforts, ne devraient avoir aucune incidence sur la question de savoir si la partie copiée est importante ou non. L’usage qui est fait de la partie copiée, et la raison pour laquelle cette partie a été copiée, ne peuvent pas être utiles a posteriori pour établir si la partie copiée était protégée par le droit d’auteur. L’importance d’une partie d’une œuvre est déterminée dès la création de celle-ci, qu’il y ait copie ou non, et sans égard aux motifs pour lesquels elle a été copiée.

[188] À titre d’exemple, Access a prétendu que le fait qu’elle vende des licences transactionnelles avec un taux par page démontre que les pages individuelles d’une œuvre [TRADUCTION] « ont une valeur et qu’on ne peut prévoir l’accès à celles-ci de manière gratuite en se fondant sur la théorie selon laquelle une page est uniquement une partie non importante d’une œuvre. » [109] Nous ne souscrivons pas à cette prétention. Access ne peut, par l’intermédiaire de ses pratiques d’affaires, modifier la portée de la protection octroyée par la Loi. La question de savoir si Access octroie des licences relativement à de telles utilisations n’est pas pertinente pour ce qui est de la détermination de l’importance de la partie copiée. L’approche retenue par Access pour établir si une partie d’une œuvre est importante risque aussi de devenir une approche par laquelle [TRADUCTION] « ce qui vaut la peine d’être copié vaut, prima facie, la peine d’être protégé », une position qui a été décrite comme étant intenable. [110]

[189] L’examen de tels facteurs aurait pour effet de transformer l’examen relatif à l’importance en un examen se rapportant à celui du « caractère équitable ». La reproduction d’une partie d’une œuvre qui n’est pas une partie importante de celle-ci n’est pas un acte protégé par le droit d’auteur ab initio. Il ne s’agit pas d’une conséquence juridique qui voit le jour subséquemment lorsque, par exemple, la personne qui procède à la copie n’est pas un concurrent du titulaire du droit d’auteur.

[190] Compte tenu de la conclusion de la Cour suprême dans l’arrêt Robinson quant à la manière dont il faut apprécier l’importance de la partie reproduite, nous concluons que le critère applicable en l’espèce est celui de savoir si la partie de l’œuvre qui a été copiée par un employé constitue une partie importante du talent et du jugement que l’auteur a exprimés dans l’œuvre copiée.

ii. La preuve quantitative et le fardeau de la preuve

[191] Alors que l’enquête de volume présentait des renseignements généraux à propos du nombre de pages copiées (et, encore là, avec certaines limites), elle ne contenait pas de renseignements relatifs à quelles parties d’une œuvre étaient copiées (hormis les cas où la totalité de l’œuvre était copiée), ni de renseignements quant aux aspects qualitatifs de la partie copiée. Il est alors difficile, voire même impossible, de trancher la question de savoir si, d’un point de vue qualitatif, une partie donnée constitue une partie importante du talent de l’auteur et de son jugement.

[192] Access a prétendu qu’en l’absence d’une telle analyse qualitative, la Commission ne peut pas établir quelle copie ayant été effectuée dans le cadre de l’enquête de volume n’était pas une reproduction importante de l’œuvre source pour les besoins de l’établissement du taux de redevances.

[193] Nous ne sommes pas d’accord. Les juges des faits seront souvent confrontés à une telle absence de renseignements quant à l’aspect qualitatif, et ce, dans toute situation où une multitude d’œuvres sont examinées.

[194] Comme l’a démontré le litige dans Robinson, [111] l’analyse des aspects qualitatifs d’une seule œuvre peut impliquer de nombreux témoignages contradictoires de témoins experts accompagnés d’une quantité importante d’éléments de preuve. La cueillette et l’évaluation de renseignements sur les aspects qualitatifs de ces œuvres peuvent même être irréalisables dans certaines situations, comme dans les instances en matière de tarif.

[195] Nous souscrivons à l’opinion du gouvernement de la Colombie-Britannique selon laquelle ces limites ne devraient pas faire en sorte que la notion de « l’importance de l’œuvre reproduite » soit complètement ignorée dans le contexte d’un processus d’établissement de redevances. Puisque le tarif en l’espèce n’est pas basé sur l’utilisation, faire fi du concept de « l’importance de la reproduction » aurait comme résultat un taux de redevances faisant payer le titulaire de licence même pour une copie ne donnant pas droit à rémunération. L’objectif de l’enquête de volume était de donner une approximation juste de l’ampleur de la reproduction donnant droit à rémunération effectuée par les employés des gouvernements des provinces et des territoires. À cet égard, l’enquête [TRADUCTION] « constitue vraisemblablement la meilleure preuve à laquelle on peut raisonnablement s’attendre dans une affaire qui doit tenir compte d’une multitude de postes et de bureaux gouvernementaux, ainsi que de grandes quantités de cas différents de copies. » [112]

[196] Bien qu’Access ait prétendu que l’absence de renseignements quant aux aspects qualitatifs est attribuable aux opposants, les parties s’étaient toutes deux entendues quant à la façon dont la principale source de données (l’enquête de volume) a été compilée.

[197] L’établissement de redevances n’est pas un miniprocès pour chacun des cas mentionnés dans l’enquête de volume; ces cas sont simplement les éléments d’un point de référence qui a été utilisé pour parvenir à un taux de redevances. La Commission doit, à titre d’organisme de réglementation économique, se fonder sur la preuve qu’elle a devant elle pour établir des redevances justes et équitables. Par conséquent, nous établissons le caractère important ou non des copies effectuées dans les cas visés par l’enquête de volume selon la norme de la prépondérance de la preuve, en nous fondant sur la preuve dont nous disposons. En l’espèce, cette preuve traite de l’aspect quantitatif des cas de copie.

iii. L’œuvre à examiner

[198] Plusieurs des œuvres qui ont été copiées dans l’enquête de volume, comme les articles de magazine, les articles de revue ou les articles de journaux, faisaient partie d’une œuvre plus volumineuse, comme des magazines, des revues ou des journaux.

[199] Le Consortium a fait valoir que l’œuvre devant être prise en considération dans le cadre de l’analyse de l’importance de la reproduction est le magazine, la revue ou le journal en soi. Il a prétendu que :

[TRADUCTION] [p]uisque l’analyse de la question de savoir si une reproduction d’une partie importante a eu lieu nécessite une analyse économique de la question de savoir si la copie remplace l’original […], la Commission devrait examiner l’original sous la forme dans laquelle il est vendu. [113]

[200] Nous ne sommes pas d’accord. Comme il a été mentionné ci-dessus, la détermination de l’importance est fondée sur l’appréciation du talent et du jugement exprimés dans la partie copiée. Les facteurs, comme la question de savoir si une copie remplace l’original, peuvent être pertinents dans l’examen du « caractère équitable » d’une utilisation, mais ne peuvent être utilisés pour établir l’importance de la reproduction.

[201] Même si l’examen de la question de savoir si la copie remplace l’original pouvait être utile dans l’appréciation du talent et du jugement exprimés dans ce dernier, une thèse à laquelle nous ne souscrivons pas, la Loi prévoit néanmoins que chaque œuvre est protégée individuellement, et qu’une partie importante d’une œuvre dans une compilation peut être copiée, et ce, même si une partie importante de la compilation n’est pas copiée.

[202] Bien qu’il puisse être difficile, dans certaines circonstances, d’établir quelle œuvre doit être prise en considération, comme dans le cas où une œuvre plus volumineuse est divisée en plus petites parties qui peuvent être vendues séparément, aucun élément de preuve en l’espèce ne donne à penser que c’était le cas des œuvres copiées qui figuraient dans l’enquête de volume.

iv. Conclusion

[203] Nous convenons avec Access que la copie de deux pages d’un livre [TRADUCTION] « peut être suffisante pour comprendre une partie importante (voire même l’ensemble) du produit intellectuel contenu dans le livre. » [114] Par ailleurs, il est aussi possible qu’une copie de plus grande ampleur (d’un point de vue quantitatif) ne consiste pas en une « partie importante » de l’œuvre.

[204] En l’espèce, en l’absence d’une analyse qualitative pour chacune des œuvres copiées, et sans même savoir quelles parties d’une œuvre ont été copiées, nous sommes d’avis que la quantité proposée par le Consortium, soit d’une à deux pages d’une œuvre, est une estimation raisonnable pour établir le caractère non important de la partie copiée. Cependant, étant donné qu’une ou deux pages d’une œuvre peuvent constituer une grande partie de cette œuvre, nous restreignons davantage cette approximation en exigeant que la copie d’une à deux pages ne constitue pas plus de 2,5 pour cent de l’œuvre entière; ce pourcentage est équivalent à ce que la Commission avait considéré par le passé comme ne constituant pas des reproductions de parties importantes, dans sa décision Services de radio satellitaire. [115]

[205] Par conséquent, pour les besoins de l’établissement du taux de redevances pour le présent tarif, nous jugeons que les cas de copie où deux pages ont été copiées dans une œuvre de 80 pages ou plus, ou bien où une page a été copiée dans une œuvre de 40 pages ou plus, représentent des copies ne constituant pas une partie importante de l’œuvre.

[206] Nous constatons que plusieurs limites découlent des données de l’enquête de volume. Comme il a été mentionné précédemment à la partie VII.C, un employé répondant au sondage dans le cadre de l’enquête de volume ne pouvait pas inscrire une valeur de moins d’une page. Selon les seuils que nous avons retenus en l’espèce, la reproduction d’œuvres plus courtes que 40 pages ne peuvent pas être autre chose que des reproductions de parties importantes pour les besoins du calcul d’un taux de redevances en l’espèce.

[207] Une autre limite découle du fait que plusieurs cas n’étaient pas appuyés par des éléments de preuve fiables quant au volume de l’œuvre visée par une copie. Dans de tels cas, il n’était pas possible de déterminer l’importance de la copie, même d’un point de vue quantitatif, et nous avons présumé que la copie visait une partie importante. L’utilisation d’une valeur moyenne de substitution pour de telles données manquantes ne serait pas appropriée en l’espèce. Premièrement, il n’est pas clair que les œuvres pour lesquelles il existe des données ont été choisies aléatoirement dans le bassin global de données. Deuxièmement, les moyennes sont faussées par des cas très volumineux (il ne peut y avoir de très petits cas dans l’ensemble de données, puisque le nombre de pages est un entier naturel). En dernier lieu, une moyenne est une valeur unique et ferait en sorte que tous les cas pour lesquels cette valeur est utilisée sembleraient similaires, alors qu’en réalité, la distribution pourrait être très différente (c.-à-d., le recours à une moyenne pourrait faire en sorte que toutes les utilisations puissent sembler importantes ou non importantes). L’utilisation d’une médiane plutôt que d’une moyenne ne répondrait qu’au deuxième de ces problèmes.

[208] Nous sommes conscients de ces limites. Cependant, étant donné la conclusion selon laquelle un cas qui représente une copie d’une partie importante d’une œuvre ne donne pas automatiquement droit à rémunération (puisque la copie pourrait ne pas donner droit à rémunération pour d’autres motifs), la préoccupation liée à ces limites est diminuée. Nous considérons que cette application des seuils est utile dans l’établissement d’un taux de redevances pour le tarif en l’espèce.

[209] Nous concluons, en nous fondant sur les seuils relatifs à l’importance décrits ci-dessus, que, dans 5 cas, la partie de l’œuvre copiée n’était pas importante. Cela nous laisse 138 cas susceptibles de donner droit à rémunération.

XI. LES EXCEPTIONS DÉCOULANT DE LA LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATION ET DE LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

[210] Le paragraphe 32.1(1) de la Loi prévoit que ne constituent pas des violations du droit d’auteur :

  1. la communication de documents effectuée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information ou la communication de documents du même genre effectuée en vertu d’une loi provinciale d’objet comparable;

  2. la communication de renseignements personnels effectuée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la communication de renseignements du même genre effectuée en vertu d’une loi provinciale d’objet comparable;

[211] Parmi les cas de copie restants susceptibles de donner droit à rémunération, le répondant au sondage a mentionné, pour deux d’entre eux, qu’il s’agissait de copies faites aux fins de la communication de renseignements en vertu d’une loi comparable à la Loi sur l’accès à l’information, ou à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans ses observations, Access a mentionné qu’elle ne considérait pas ces cas comme donnant droit à rémunération. [116] Nous sommes d’accord.

[212] Ces deux cas ne donnent donc pas droit à rémunération aux fins du Tarif, ce qui nous laisse 136 cas susceptibles de donner droit à rémunération.

XII. UTILISATION ÉQUITABLE

[213] Les articles 29, 29.1 et 29.2 de la Loi énoncent que l’utilisation équitable d’une œuvre pour une fin permise ne contrevient pas au droit d’auteur. Les cas de copie tirés de l’enquête de volume qui sont susceptibles de donner droit à rémunération peuvent néanmoins ne pas donner droit à rémunération si les textes copiés sont visés par l’une des exceptions à la violation.

A. Le fardeau de la preuve

[214] Access a prétendu que l’utilisation équitable constituait une défense affirmative qui doit être établie par les opposants [117] et qu’il incombe à ces derniers de satisfaire à tous les aspects du test de l’utilisation équitable. [118] Le Consortium est en désaccord et énonce [TRADUCTION] « qu’il ne s’agit pas d’une “défense” et que les opposants ne sont pas des défendeurs. » [119]

[215] Bien qu’Access ait raison lorsqu’elle affirme que, dans un litige, il incombe à la personne qui invoque « l’utilisation équitable » de satisfaire à tous les aspects du test, [120] une instance devant la Commission n’est pas l’équivalent d’une poursuite pour violation de droit d’auteur : il s’agit d’une instance en vue d’homologuer un projet de tarif. De plus, nous souscrivons en grande partie à la prétention du Consortium selon laquelle :

[TRADUCTION] les tarifs de la Commission du droit d’auteur sont homologués sur une base prospective, en tenant compte de l’utilisation future. Un tarif ne peut pas raisonnablement, ni même concrètement, être traité comme une poursuite pour violation du droit d’auteur. Access Copyright ne peut pas prouver la violation future et les opposants ne peuvent pas se défendre à l’encontre d’une réclamation hypothétique. [121]

[216] Les analyses des cas de copie de l’enquête de volume ne sont pas non plus des « miniprocès ». Bien que leur analyse soit utile pour l’établissement d’un taux de redevances aux fins du Tarif, le caractère rémunérable de ces cas n’est pas la question principale en l’espèce. La Commission ne tente pas de déterminer la rémunération qui sera versée pour ces cas, et uniquement pour ceux-ci, comme si c’était une instance en violation du droit d’auteur devant une cour de justice. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’appliquer en l’espèce le cadre usuel de « fardeau de la preuve » en matière civile ni de l’appliquer de manière stricte. Cela est conforme au mandat de la Commission du droit d’auteur à titre d’organisme de réglementation économique.

[217] Access a aussi prétendu que, lorsque la prevue ayant été produite pour apprécier un ou plusieurs des facteurs de l’arrêt CCH était insuffisante, les opposants ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau de démontrer l’utilisation équitable. [122]

[218] Bien que les facteurs relevés dans l’arrêt CCH soient un « cadre d’analyse utile », [123] il ne s’agit pas d’éléments essentiels pour qu’une utilisation soit jugée équitable. En fait, il est possible qu’une utilisation soit équitable, et ce, même si aucun élément de preuve n’est produit à l’égard de l’un ou de plusieurs de ces facteurs. Dans l’arrêt Alberta, la Cour suprême du Canada a mentionné que :

[d]ans CCH, parce que les maisons d’édition juridiques n’ont pas établi que le marché de leurs œuvres a fléchi à cause des copies produites par la Grande bibliothèque, la Cour se dit non convaincue de l’effet préjudiciable allégué. De même, outre le simple fait que les ventes ont chuté sur une période de 20 ans, Access Copyright n’avance rien qui soit susceptible de démontrer l’existence d’un quelconque lien entre la photocopie de courts extraits et la diminution des ventes de manuels scolaires. [124] [italique dans l’original]

[219] Par conséquent, il est possible d’apprécier le caractère équitable d’une utilisation en l’absence de preuve sur tous les facteurs. Il en est ainsi parce que ce qu’il faut entendre par « équitable » est une question de fait et une « une question d’impression ». [125] Cette impression peut être obtenue au moyen de n’importe quelle preuve dont dispose le décideur. S’il existe une preuve qui tend à démontrer qu’une utilisation est plus ou moins équitable, cet élément de preuve devrait être produit par la partie qui souhaite faire valoir l’argument correspondant.

[220] Access est allée plus loin et a prétendu que [TRADUCTION] « les opposants n’ont pas produit quelque élément de preuve que ce soit au deuxième volet de l’analyse relative au caractère équitable : ils n’ont pas produit de preuve à propos du caractère équitable des copies qui, selon leur prétention, consistent en un usage équitable. » [126] Mais ce n’est pas le cas : les renseignements à propos de chacune des utilisations se retrouvent dans l’enquête de volume. Ces renseignements contiennent des données sur le but de l’utilisation, la nature de l’utilisation, l’ampleur de l’utilisation, la nature de l’œuvre et les solutions de rechange à l’utilisation.

[221] Le fait que les cas de copie ne contiennent pas tous les renseignements qui seraient vraisemblement disponibles dans une instance portant sur la violation du droit d’auteur ne constitue pas un obstacle à l’appréciation de l’ampleur de la reproduction qui devrait être considérée comme ne donnant pas droit à rémunération sous l’exception d’utilisation équitable pour les besoins du présent tarif. En l’espèce, les parties ont convenu de la manière par laquelle la source de preuve principale (l’enquête de volume) a été recueillie. Il est possible que [TRADUCTION] « la présente enquête constitue vraisemblablement la meilleure preuve à laquelle on peut raisonnablement s’attendre dans une affaire qui doit tenir compte d’une multitude de postes et de bureaux gouvernementaux, ainsi que de grandes quantités de cas différents de copies. » [127]

[222] Par conséquent, nous établissons le caractère équitable des utilisations en question selon la prépondérance de la preuve, en nous fondant sur la preuve produite, sans toutefois appliquer un cadre strict quant au fardeau de la preuve. Lorsque la preuve se rapportant à un facteur en particulier n’a pas été produite, cela ne tendra généralement ni vers le caractère équitable ni vers le caractère non équitable.

B. La pratique en matière d’utilisation équitable

[223] Dans l’arrêt CCH, la Cour suprême du Canada a énoncé que l’utilisation équitable peut être inférée soit en démontrant qu’il existe une pratique générale basée sur une des fins énumérées d’utilisation équitable, pratique qui est, dans les faits, équitable, soit en démontrant qu’un cas de copie en particulier (en l’espèce, un cas tiré de l’enquête de volume) était une utilisation équitable. [128]

[224] Nous concluons, après examen de toute la preuve, que les pratiques et, le cas échéant, les politiques des opposants ne sont pas suffisantes pour constituer une pratique, en ce sens que son existence serait suffisante pour démontrer que l’utilisation est équitable. Alors que d’autres gouvernements ont des politiques en matière de droit d’auteur pour certains ministères précis ou pour des divisions au sein de ces ministères, [129] seul le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait valoir qu’il dispose d’une politique à l’échelle du gouvernement en matière de droit d’auteur. En 2004, la responsabilité à l’égard de la conformité avec la Loi avait été dévolue aux sous-ministres, et des avis concernant la nécessité de se conformer à la Loi ont été posés sur les photocopieurs. [130] Ces avis mentionnaient que la reproduction de matériel publié sans autorisation contrevenait généralement à la Loi. Nous concluons qu’il est difficile de considérer les mesures prises par le gouvernement de la Colombie-Britannique comme une « pratique » au sens où CCH envisageait la pratique de la Grande bibliothèque.

[225] Il s’ensuit que nous examinerons les cas de copie de l’enquête de volume un par un afin d’établir s’ils constituent des copies répondant à la notion d’utilisation équitable.

C. Utilisation équitable – Premier volet

[226] Le critère en matière d’utilisation équitable, tel qu’il est formulé par la Cour suprême dans CCH, contient deux volets. Le premier consiste à déterminer si l’utilisation se rapporte à une fin permise; le deuxième porte sur la question de savoir si l’utilisation est « équitable ». [131] Dans le cas d’une utilisation équitable aux fins de critique, de compte rendu ou de de nouvelles, la source doit être mentionnée, de même que l’auteur, dans la mesure où celui-ci figure dans la source. [132]

i. La fin poursuivie (premier volet) - Qui est l’utilisateur? Quel objet devrait être considéré?

[227] Dans Alberta, la Cour suprême du Canada a énoncé qu’« [i]l convient d’adopter le point de vue [des utilisateurs] pour déterminer, au premier volet du critère de l’arrêt CCH, s’il y a utilisation à une fin permise. » [133]

[228] Access a prétendu que, puisque [TRADUCTION] « les personnes visées par les tarifs proposés sont de simples mandataires des gouvernements opposants » et que [TRADUCTION] « toutes les copies devant faire l’objet d’une licence sont effectuées pour les besoins du travail exécuté par les employés pour le compte des gouvernements opposants », ce sont les gouvernements qui devraient être considérés comme les « utilisateurs » à ce stade-ci. [134]

[229] Selon Access, pour effectuer une comparaison entre la présente affaire et les faits dans Alberta, les gouvernements sont l’élément comparable aux étudiants (dans Alberta) alors que les employés du gouvernement, qui ne sont [TRADUCTION] « qu’un instrument de distribution des copies », sont l’élément comparable aux enseignants. Access a prétendu, en dressant une comparaison entre la présente affaire et l’arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, [135] que les employés sont comparables aux fournisseurs de musique en continu et que le gouvernement est comparable aux consommateurs de musique. Access a conclu, en suivant ce raisonnement, que seules les fins des employeurs (c.-à-d., les gouvernements provinciaux et territoriaux) sont pertinentes en l’espèce. [136] Elle a ensuite affirmé que les gouvernements ne peuvent se livrer à la communication de nouvelles et à la critique ni effectuer des comptes rendus et des études privées. Selon elle, la seule fin qui devrait être considérée en l’espèce est la recherche. [137]

[230] Nous ne sommes pas d’accord. L’« utilisateur » n’est pas l’employeur de la personne qui fait une copie. Dans Alberta, même si les enseignants étaient les mandataires de leurs écoles, cela n’a pas fait en sorte que la fin qui était considérée était celle des écoles; c’était toujours la fin de la personne qui avait réellement utilisé (en l’espèce, lu) l’œuvre : l’étudiant. Les gouvernements, même s’ils bénéficient souvent des utilisations faites par les employés, ne doivent pas être ceux par qui la fin de l’utilisation est examinée.

[231] Dans CCH, la Cour suprême du Canada a statué que la copie et la transmission des œuvres, qui sont faites par les bibliothécaires de la Grande bibliothèque pour les avocats, étaient effectuées pour une fin permise, et ce, même si les bibliothécaires n’effectuaient pas la recherche. Ce sont les avocats, qui agissaient souvent à titre de mandataires de leurs clients pour une situation particulière, qui effectuaient la recherche pour les besoins de la prestation d’un avis juridique, alors que les bénéficiaires de l’avis le sollicitaient et le recevaient pour une multitude de raisons (entre autres, les procédures judiciaires et les activités commerciales).

[232] Tout comme l’étaient les clients des avocats dans CCH, les gouvernements provinciaux et territoriaux et, dans certains cas, leurs citoyens, sont bénéficiaires des activités qui ont été accomplies en raison des utilisations en question. Dans CCH, la Cour suprême ne s’est pas penchée sur la fin pour laquelle un client demandait à un avocat de lui donner un avis juridique; elle a uniquement regardé la situation de l’utilisateur, la personne qui utilise la copie, pour établir si la première partie du critère était satisfaite.

[233] Dans la même veine, nous n’examinons pas la fin pour laquelle les gouvernements opposants demandent à leurs employés de s’acquitter de leurs fonctions, sauf peut être dans la mesure où cela peut constituer une preuve de la fin poursuivie par l’employé à l’égard d’une utilisation particulière. Nous examinons plutôt la fin poursuivie par chaque utilisateur, soit la personne qui utilise réellement l’œuvre, en la lisant ou en prenant autrement connaissance de son contenu (habituellement, un employé de l’un des opposants). Puisqu’il n’y a aucune raison pour laquelle un employé ne pourrait pas utiliser une œuvre visée par un droit d’auteur pour une fin autre que la recherche, nous n’excluons pas de notre examen la possibilité que l’utilisation équitable ait eu lieu relativement à des œuvres pour des fins autres que la recherche.

[234] En dernier lieu, l’enquête de volume ne faisait pas mention de la fin poursuivie par l’employeur/gouvernement ayant conduit à la réalisation d’une copie donnée.

ii. L’interprétation de la portée des fins poursuivies

[235] Dans CCH, la Cour suprême du Canada a énoncé que, « [à] l’instar des autres exceptions que prévoit la Loi sur le droit d’auteur, cette exception correspond à un droit des utilisateurs. Pour maintenir un juste équilibre entre les droits des titulaires du droit d’auteur et les intérêts des utilisateurs, il ne faut pas l’interpréter restrictivement. » [138] Elle a par la suite conclu qu’« [i]l faut interpréter le mot “recherche” de manière large afin que les droits des utilisateurs ne soient pas indûment restreints. » [139]

[236] Access a exhorté la Commission à interpréter cette dernière déclaration comme signifiant que seul le terme « recherche » doit recevoir une « interprétation large et libérale », et non les autres buts mentionnés aux articles 29 et 29.1 de la Loi. [140]

[237] Le recours à « l’interprétation large et libérale » n’est pas restreint à certains aspects de la Loi. Il s’agit d’un principe d’interprétation codifié dans la Loi d’interprétation, dont l’article 12 prévoit que « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. » [141]

[238] Dans la décision Warman c. Fournier, [142] le juge Rennie a conclu que les propos de la Cour suprême dans CCH signifiaient qu’« [i]l faut interpréter [les fins auxquelles il peut y avoir utilisation équitable (dans ce cas, la recherche)] de manière large et libérale afin que les droits des utilisateurs ne soient pas indûment restreints. » [143] Il a ensuite donné une interprétation large et libérale à la fin « communication de nouvelles ».

[239] La Cour d’appel fédérale a reconnu dans Alberta que toutes les utilisations équitables, y compris celle aux fins d’étude privée, doivent recevoir « une interprétation large et libérale. » [144] Cette conclusion n’a pas été modifiée par la Cour suprême du Canada au stade de l’appel, alors que la Cour a énoncé que « les fins permises doivent être interprétées “de manière large”. » [145]

[240] En dernier lieu, il ne semble pas y avoir de raison pour laquelle la « recherche » devrait être interprétée de manière large et libérale afin de faire en sorte que les droits des utilisateurs ne soient pas indûment limités, alors que les autres buts, comme la communication de nouvelles ou l’étude privée, ne seraient pas assujettis à la même considération. La Cour suprême a énoncé que l’utilisation équitable est un droit de l’utilisateur, et non que seulement l’utilisation équitable aux fins de recherche est un droit de l’utilisateur. Par conséquent, toutes les fins prévues aux articles 29 à 29.2 de la Loi doivent être interprétées de manière large et libérale.

iii. La fin poursuivie (premier volet) - La fin dominante est-elle une fin permise?

[241] Access a prétendu que, pour l’appréciation du premier volet du critère applicable en matière d’utilisation équitable, tous les buts de l’utilisation doivent être examinés. En formulant la question comme si elle se rapportait à la preuve, elle cherche à introduire dans ce volet une analyse relative « à la fin prédominante », en important le cadre analytique utilisé dans l’appréciation du caractère équitable du but de l’utilisation du deuxième volet :

[TRADUCTION] Si l’on tient pour acquis que la fin poursuivie par le gouvernement correspond à l’une des fins reconnues au titre de l’utilisation équitable, la Commission passe alors au deuxième volet de l’analyse […] Les cours de justice devraient tenter de procéder à une appréciation objective du but ou du motif réel de l’utilisateur/du défendeur pour l’utilisation des œuvres protégées par droit d’auteur.

[…]

Comme il a été expliqué ci-dessus, les données tirées de l’enquête établissent que les gouvernements et leurs employés ont manifestement des motifs ultérieurs lorsqu’ils copient des œuvres protégées par le droit d’auteur : 68 pour cent du volume associé à l’une des cinq fins d’utilisation équitable sur lesquelles les opposants se sont fondés ont comme objet prédominant une fin non équitable […] si la seule preuve dont la Commission dispose quant au but de la copie est une case cochée dans un sondage, ce n’est alors pas suffisant pour satisfaire au premier volet du critère en matière d’utilisation applicable, surtout si les autres cases qui ont été cochées reflètent un objet prédominant différent. [146]

[242] En d’autres mots, Access a prétendu que l’analyse relative aux facteurs de la « fin » au deuxième volet du critère d’utilisation équitable devrait déterminer si l’utilisation était « réellement » attribuable à une fin permise, au stade du premier volet du critère.

[243] Nous ne partageons pas ce point de vue. Contrairement à certaines exceptions à la violation du droit d’auteur prévues par la Loi (à titre d’exemple, l’article 30.61, « [reproduire] son exemplaire dans le seul but d’obtenir de l’information »; l’article 30.63, « dans le seul but d’évaluer la vulnérabilité d’un ordinateur »), l’utilisation équitable n’a pas à se limiter à « un seul but ». La Loi n’exige pas non plus que l’utilisation équitable soit « principalement », « surtout » ou autrement faite « de manière prédominante » pour l’un des buts énumérés. En fait, « [d]ans CCH, […], la Cour [suprême] applique un critère relativement peu strict au premier volet, de sorte que le grand branle-bas analytique n’intervient qu’au second volet, celui de la détermination du caractère équitable. » [147]

[244] Dans sa décision K-12, la Commission a mentionné qu’elle ne souscrivait pas à l’affirmation selon laquelle « [s]i l’objet principal n’est pas une fin énumérée, l’exception ne jouerait pas, même si l’utilisation est équitable et qu’elle vise accessoirement une fin énumérée », [148] en expliquant que cela rendrait inutile l’analyse du but de l’utilisation dans le cadre du débat sur ce qui est équitable. [149]

[245] Effectivement, dans les décisions CCH et Bell, les situations factuelles étaient telles qu’il était possible de déceler des buts additionnels pour lesquels l’utilisation avait lieu (CCH : prestation d’avis juridiques; Bell : achat de téléchargements de musique). Cela n’a pas fait en sorte que le premier volet du critère applicable en matière d’utilisation équitable n’était pas respecté.

[246] Dans l’examen relatif au premier volet du critère applicable en matière d’utilisation équitable, le fait qu’une utilisation se rapporte à de multiples fins ne pose pas problème, dans la mesure où l’utilisation se rapporte également à une fin permise. Par conséquent, même si une utilisation ne se rapportait pas de manière prédominante à une fin permise (mais qu’elle se rapportait bel et bien à une finalité permise), elle satisfera aux exigences en ce qui concerne le premier volet du critère applicable en matière d’utilisation équitable. Les effets de ces autres finalités seront examinés dans l’analyse relative au « caractère équitable », au deuxième volet du critère.

[247] Access a de plus fait valoir que la fin ultime de toute copie effectuée par un employé des gouvernements opposants peut uniquement être d’exécuter des actes liés à l’administration du gouvernement [TRADUCTION] : « les employés et les autres personnes visées par les tarifs proposés […] sont des fonctionnaires et leur seul but est de […] “conduire les activités du gouvernement et de mettre en œuvre les programmes et services.” » [150]

[248] Nous ne partageons pas non plus ce point de vue. Par exemple, la recherche qui a pour fin ultérieure la conduite d’activités gouvernementales demeure de la recherche, et de telles utilisations répondraient au premier volet du critère applicable en matière d’utilisation équitable.

iv. L’éducation

[249] Le 7 novembre 2012, la Loi a été modifiée par l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. [151] Plus particulièrement, l’article 29 a été modifié, afin de préciser que « [l]’utilisation équitable aux fins […] d’éducation […] ne constitue pas une violation du droit d’auteur. » [152]

[250] Selon nous, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la portée du terme « éducation » pour les besoins du présent tarif. Tout d’abord, les cas de copie pour lesquels un employé a coché la case « éducation » comme fin de la photocopie d’une œuvre destinée à de multiples personnes semblent vraisemblablement, selon nous, se rapporter à un scénario équivalant à celui de l’affaire Alberta : les copies sont faites par une personne pour l’étude privée d’une autre, et répondent donc à la fin de « l’étude privée ». Cela est d’autant plus vrai si l’on tient compte du fait que l’éducation n’était pratiquement jamais indiquée comme seule fin d’une photocopie et qu’elle était souvent accompagnée par d’autres fins, comme la « consultation ultérieure » ou la « recherche ». Le fait que l’activité a été dirigée par un fonctionnaire plutôt que par un enseignant ne change rien au fait que l’activité consistait en une étude privée. Deuxièmement, les situations où l’employé a indiqué « éducation » comme fin et fait des copies pour lui-même concordent avec le concept de « l’étude privée », et possiblement aussi avec celui de la « recherche ».

[251] Cette approche est conforme au cadre d’analyse de l’utilisation équitable selon lequel le seuil du premier volet est relativement peu élevé. [153] Tel qu’abordé à la partie XII.C.3, ci-dessus, le fait qu’une utilisation se rapporte à de multiples fins n’est pas un obstacle, dans la mesure où elle a aussi été faite pour une fin permise.

[252] Par conséquent, compte tenu des cas examinés pour les besoins du caractère équitable, il n’est pas nécessaire de déterminer la portée du terme « éducation » au sens de l’article 29 de la Loi.

v. Conclusion

[253] La question suivante était posée aux employés dans le sondage : [TRADUCTION] « Selon une interprétation libérale des fins ci-dessous, avez-vous copié l’“[œuvre]” pour l’une ou l’autre des fins suivantes? » Pour chacune des fins suivantes, les employés pouvaient répondre « oui », « non » ou « je ne sais pas » :

[TRADUCTION]

  • Pour utilisation dans les procédures judiciaires

  • Pour servir l’intérêt public en donnant accès à l’information

  • En réponse à une demande officielle d’accès à l’information

  • Pour commentaires

  • Pour critique

  • Pour compte rendu

  • Pour communication de nouvelles

  • Pour étude privée

  • Pour recherche

  • Par intérêt personnel

  • Pour classement à des fins de consultation ultérieure, pour en faire le suivi

  • Pour utilisation dans une présentation

  • Pour garder l’original

  • Dans l’intérêt de tiers

  • Pour éducation ou formation de tiers

  • Pour effectuer des tests

  • Pour administration

  • Pour promotion ou marketing

  • Autre, veuillez préciser. [154]

[254] Les employés ayant rempli le questionnaire du sondage ont indiqué plus d’une fin, et ce, pour la plupart des transactions. Cela n’est pas surprenant, compte tenu de la formulation de la question. Une personne qui suit les instructions conclura raisonnablement à l’existence d’un chevauchement entre de possibles fins, comme « pour recherche » et « pour classement à des fins de consultation ultérieure » et « par intérêt personnel ».

[255] Dans la mesure où l’utilisation se rapportait à au moins une des fins permises par la Loi au titre de l’utilisation équitable, elle satisfait aux exigences du premier volet du cadre d’analyse applicable en matière d’utilisation équitable.

[256] De plus, il appert, selon les réponses fournies dans l’enquête de volume, que les employés n’ont pas interprété les fins proposées selon le point de vue juridique d’interprétation en vertu de la Loi. Dans de nombreux cas, nous avons conclu que l’employé avait vraisemblablement interprété que ces fins se rapportaient à ses propres fins (p. ex., sa propre éducation, ce qui consiste en une étude privée; compte rendu ou examen d’un article, ce qui constitue de la recherche ou de l’étude privée), ou qu’il a fait la copie en vue d’une critique ou d’un commentaire (c.-à-d., l’œuvre n’a pas été utilisée directement pour formuler la critique ou le commentaire, mais aux fins de préparation, ou de recherche, pour une critique ou un commentaire).

[257] Par conséquent, les fins mentionnées par un employé ont été utilisées à titre de preuve de la fin de l’utilisation, mais nous avons pris en considération ces réponses, ainsi que les autres renseignements fournis par l’employé, pour établir si le premier volet du critère était satisfait.

D. Utilisation équitable – Deuxième volet : Le caractère équitable

i. Le but

a. Le but - Le caractère équitable des divers buts

[258] « Le premier élément énoncé dans CCH est le but de l’utilisation. Il s’agit alors de déterminer objectivement le “but ou le motif réel” de l’utilisation de l’œuvre protégée. » [155]

[259] Une certaine confusion semble avoir découlé des termes employés dans l’analyse relative au caractère équitable. Tant au premier qu’au deuxième volet du cadre d’analyse, le texte anglais de la décision CCH fait référence au terme « purpose » de l’utilisation. Cela semble avoir mené les parties à formuler des arguments qui s’appliquent au premier volet au niveau du deuxième volet, et vice versa. Pour cette raison, nous estimons qu’il est utile d’appeler le « purpose » examiné au deuxième volet du critère, le « goal of the dealing », en anglais, inspiré par l’expression le « but de l’utilisation », tel que mentionné dans la version française de l’arrêt CCH, au paragraphe 54. [156]

[260] Access a soutenu que les employés des opposants effectuaient la grande majorité de leurs recherches, critiques, études privées, etc. afin de [TRADUCTION] « conduire les activités du gouvernement et de mettre en œuvre les programmes et services. » [157]

[261] Le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas contesté que c’est le travail des employés des opposants. [158] Comme il l’a mentionné :

[TRADUCTION] [i]l n’est pas surprenant que, dans un grand nombre des cas où il était mentionné que la fin poursuivie constituait une utilisation équitable (prenons la recherche par exemple), « pour administration » était mentionné aussi comme fin poursuivie, peut-être la fin principale, étant donné que, pour plusieurs fonctionnaires, l’« administration » est la fin principale de toutes leurs activités. Cela ne change rien au caractère équitable de l’utilisation à des fins de recherche. [159]

[262] Access a plutôt allégué que la présence de ces autres buts donne à penser que l’utilisation n’est pas équitable. [160]

[263] Le point de vue d’Access n’est pas étayé par les décisions portant sur le caractère équitable rendus par la Cour suprême du Canada. Dans CCH, la Cour suprême a expressément étudié la situation où la recherche était effectuée au profit d’une personne autre que l’utilisateur. Dans cette affaire, la recherche était effectuée par les avocats au profit de leurs clients. Le but de la recherche ne changeait rien au fait que la recherche avait été effectuée. En fait, la Cour suprême a expressément mentionné dans CCH que « [l]a recherche visant à conseiller des clients, donner des avis, plaider des causes et préparer des mémoires et des factums reste de la recherche. » [161] Et, bien que la recherche effectuée pour un but commercial puisse ne pas être aussi équitable que celle effectuée pour un but non commercial, [162] la Cour suprême a néanmoins statué que la recherche était équitable dans cette affaire.

[264] Pour apprécier ce facteur, il faut examiner le caractère équitable du but pour lequel l’activité autorisée (selon le premier volet) (p. ex., la recherche, l’étude privée) a été effectuée. Dans CCH, il fallait examiner le caractère équitable du but qui consistait à fournir des avis juridiques dans un contexte commercial. Dans Bell, il était question du caractère équitable de la recherche effectuée dans le but de décider d’acheter ou non des œuvres musicales en ligne. Le fait que la recherche ou une autre activité autorisée soient effectuées pour un but autre ou supplémentaire n’a pas pour effet, à lui seul, de faire tendre ce facteur vers l’iniquité.

b. Le but - L’intérêt public

[265] Le Consortium a fait valoir que la Commission devrait aussi tenir compte du fait que les utilisations dans l’enquête de volume font l’objet de copies dans « l’intérêt public » en tant que facteur dans l’appréciation du caractère raisonnable d’une utilisation. [163] Access a soutenu qu’il n’y avait aucune considération relative à l’« intérêt public ». [164]

[266] Dans CCH, lors de l’examen du facteur de la « nature de l’œuvre », la Cour suprême a souscrit aux points de vue selon lesquels « [i]l est généralement dans l’intérêt du public que l’accès aux décisions judiciaires et autres ressources juridiques ne soit pas limité sans justification » [165] et « certaines utilisations, même à l’une des fins énumérées, peuvent être plus ou moins équitables que d’autres; la recherche effectuée à des fins commerciales [pouvant] ne pas être aussi équitable que celle effectuée à des fins de bienfaisance. » [166] Ces observations comportent l’idée que certaines utilisations peuvent être plus conformes à l’intérêt public que d’autres et que cela peut être un facteur pertinent dans l’analyse du caractère équitable.

[267] De plus, la liste des facteurs énoncés par la Cour suprême dans CCH n’est pas exhaustive, et le caractère équitable est une question d’impression. Nous souscrivons aux remarques de Mme D’Agostino, selon lesquelles :

[TRADUCTION] [l]es parties qui plaident le caractère équitable d’une utilisation, et les cours qui, finalement, statuent sur ces affaires, doivent faire preuve de souplesse lorsque vient le temps d’interpréter le caractère équitable d’une utilisation : elles doivent soulever les facteurs qui se rapportent à l’affaire et apprécier les éléments de preuve les étayant. La question de savoir s’il y a six facteurs, sept facteurs ou quatre facteurs ne devrait pas être la principale préoccupation. [167] [italique ajouté]

[268] Par conséquent, la question de savoir si une utilisation est effectuée dans l’intérêt public peut être un autre facteur à prendre en considération, dans la mesure où il n’a pas été pris en considération ailleurs, dans l’appréciation du caractère équitable.

[269] À cet égard, nous estimons qu’il est inutile d’apprécier cet aspect de l’utilisation en tant que facteur distinct, car il peut être apprécié en tant que composante du facteur du caractère équitable du « but de l’utilisation ». Bien qu’il y ait une certaine souplesse dans la détermination des facteurs qui sont les plus pertinents dans un cas donné, apprécier la même considération en fonction de plusieurs facteurs risque de donner l’impression que cette considération a plus d’importance qu’elle ne devrait autrement en avoir. [168]

c. Le but - Les motifs inavoués des gouvernements

[270] En alléguant que la présence des autres fins peut faire en sorte que le facteur du but tende vers l’iniquité, Access prétend que les gouvernements se [TRADUCTION] « cachaient » derrière les utilisations autorisées des employés. [169] Étant donné que pour Access, les gouvernements sont les utilisateurs et les employés les auteurs des copies, cela voudrait dire que l’utilisateur ne peut se cacher derrière le but de l’auteur des copies. [170] Toutefois, cela n’est guère logique, étant donné que les buts de l’utilisateur seraient au premier plan de l’analyse et qu’il serait presque impossible de se « cacher ».

[271] Même si nous écartons la qualification des opposants par Access, comme nous l’avons fait ci-dessus, et si nous considérons les répondants/employés sondés comme les auteurs des copies/utilisateurs, la déclaration d’Access revient à dire que le payeur d’un tarif ne peut pas avoir un but distinct inéquitable et se cacher derrière le but de l’auteur des copies/l’utilisateur.

[272] Aucune jurisprudence n’appuie directement l’une ou l’autre version de cet argument. Selon la Cour suprême du Canada, « [l]orsque [...] sous le couvert d’une fin permise à l’utilisateur, l’auteur des copies se livre à une utilisation distincte qui est de nature à rendre l’utilisation inéquitable, cette autre fin distincte est également prise en compte dans l’analyse du caractère équitable. » [171]

[273] Cependant, comme le caractère équitable est une question d’impression, les buts visés par les personnes autres que les auteurs des copies peuvent tendre à rendre inéquitable l’utilisation, par ailleurs équitable, de l’utilisateur. Par exemple, il se peut que, dans certaines circonstances, les buts visés par le payeur d’un tarif corrompent le but visé par l’auteur des copies/utilisateur au point qu’on ne saurait dire que le but de l’utilisation par l’auteur des copies/utilisateur tend à être équitable.

[274] Cela étant dit, comme il est décrit ci-dessus, rien ne permet de penser que les opposants ont une sorte de but distinct inéquitable qu’ils tentent de poursuivre en se cachant derrière des utilisations par ailleurs équitables de leurs employés. Les opposants verseront les redevances pour le compte de leurs employés afin que ceux-ci puissent mener des activités, comme la recherche et l’étude privée, dans l’exercice de leurs fonctions. Le paiement de redevances par les gouvernements opposants découle du principe juridique de la responsabilité de l’État à l’égard de ses employés, ainsi que de raisons d’efficacité. Le fait que c’est un gouvernement qui verse les redevances ne crée pas une sorte de séparation des buts; pas plus que [TRADUCTION] « [l]e fait que les gouvernements emploient des gens pour qu’ils poursuivent des fins équitables […] empêche les gouvernements d’invoquer le fait qu’il s’agit d’une utilisation équitable ou change le “but réel” des utilisations. » [172]

[275] Enfin, même s’il était possible de considérer le but des opposants comme un but distinct de ceux des employés, il n’en demeure pas moins qu’un tel but distinct est susceptible de rendre l’utilisation inéquitable. [173] Il s’ensuit qu’il peut y avoir des buts distincts qui n’ont pas d’incidence sur le caractère équitable de l’utilisation, ou qui peuvent même l’accroître. Par conséquent, même s’il s’agissait d’un but distinct, le but de l’administration de l’État ne serait pas susceptible de rendre inéquitables les utilisations des employés des opposants.

d. Le but de l’utilisation - Conclusion

[276] Contrairement à ce que soutient Access, si un employé a indiqué plus d’un but dans un cas de copie, nous ne considérons pas que la présence de plus d’un but, même un but non énuméré aux articles 29 à 29.2, tende automatiquement à render l’utilisation moins équitable. Une utilisation équitable peut avoir plusieurs buts. De plus, le « nombre » de buts est seulement fonction de la conception de l’enquête de volume, ainsi que de l’interprétation que les employés y ont donnée. La présence de plusieurs buts peut donner une meilleure idée du contexte dans lequel une copie a été effectuée, mais cela ne rend pas une utilisation moins équitable. La présence de plusieurs des buts énumérés aux articles 29 à 29.2 ne rend pas non plus une utilisation plus équitable.

[277] Les gouvernements opposants emploient des gens dans un large éventail de postes : cuisinier, agent d’exécution, assistant judiciaire, bibliothécaire, sauveteur, commis de magasin d’alcools, infirmière, médecin, programmeur et travailleur social ne sont que quelques-uns des postes qu’occupent les employés. [174] Ainsi, les contextes particuliers dans lesquels les employés ont fait des copies d’œuvres qui ont été relevées dans le cadre de l’enquête de volume sont aussi extrêmement variés. Comme il serait peu réaliste de se familiariser avec les tâches de chacune des catégories d’emplois occupés par une personne réalisant la phase 2 de l’enquête de volume, nous acceptons que lorsqu’un employé précisait que la copie effectuée était en tout ou en partie liée à son emploi, cette copie avait effectivement été effectuée dans la poursuite d’un but valable lié à son emploi.

[278] Lorsqu’une utilisation était liée à l’emploi d’une personne au gouvernement, et lorsque les buts identifiés par l’employé permettaient de conclure que le but objectif, comme la recherche ou l’étude privée, était de permettre ou de faciliter la prestation de services gouvernementaux, ce facteur tendait à rendre l’utilisation équitable. Cela ne veut pas dire que la reproduction qui n’est pas effectuée aux fins de l’emploi ne peut pas être équitable. Cependant, compte tenu de la nature de l’enquête de volume, il n’y avait souvent pas assez de renseignements pour déterminer le but de la reproduction lorsque l’employé précisait que la reproduction n’était pas liée à son emploi.

[279] Certains employés ont inscrit des commentaires dans la zone « Autre, veuillez préciser ». Des commentaires tels que [TRADUCTION] « Il s’agissait d’un manuel requis pour un cours en administration que je suis » (cas no 22), [TRADUCTION] « Exigences en matière de formation continue » (cas no 64), ou [TRADUCTION] « Information ministérielle » (cas no 279) donnent un aperçu du contexte dans lequel ces transactions ont eu lieu. De fait, certains de ces commentaires donnaient à penser que la reproduction avait en réalité été effectuée à des fins liées à l’emploi, même si la personne avait dit le contraire.

[280] Ainsi, pour quelques cas de copie pour lesquels il avait été déclaré que le but n’était pas lié à l’emploi, la preuve était suffisante pour donner à penser qu’il existait un but susceptible d’être équitable.

ii. La nature de l’utilisation

[281] Pour apprécier la nature de l’utilisation, les tribunaux doivent examiner la façon dont les œuvres en question ont été traitées. Par exemple :

[l]orsque de multiples copies sont diffusées largement, l’utilisation tend à être inéquitable. Toutefois, lorsqu’une seule copie est utilisée à une fin légitime en particulier, on peut conclure plus aisément que l’utilisation était équitable. Si la copie de l’œuvre est détruite après avoir été utilisée comme prévu, cela porte également à croire qu’il s’agissait d’une utilisation équitable. L’on peut également tenir compte de l’usage ou de la pratique dans un secteur d’activité donné pour décider si la nature de l’utilisation est équitable. [175]

[282] Dans Alberta, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il peut être tenu compte de la quantification de la diffusion dans ce facteur. [176]

a. La nature de l’utilisation - La portée de la diffusion

[283] Le Consortium a comparé les copies relevées dans l’enquête de volume à celles en cause dans Alberta, et a allégué qu’étant donné que, dans cette dernière affaire, la Cour suprême n’avait pas considéré que le fait de faire une copie pour chacun des élèves de la classe constitue une « diffusion à grande échelle », la distribution de copies à un nombre défini de fonctionnaires ne devrait pas non plus être considérée comme une « diffusion à grande échelle ». [177]

[284] Cependant, dans Alberta, la Cour suprême a seulement mentionné qu’une telle considération ne devait pas être comptée en double. [178] Aucune conclusion expresse sur la question du caractère équitable de ce facteur n’a été tirée par la Cour. Access a raison de souligner que les juges majoritaires de la Cour :

[TRADUCTION] ont simplement conclu que la Commission avait indûment confondu les facteurs de la « nature de l’utilisation » et de « l’ampleur de l’utilisation » en renvoyant à la quantité totale de copies au moment de l’examen de ce dernier facteur plutôt qu’au « rapport entre l’extrait et […] l’œuvre complète » (au para. 29). Le facteur de la « nature de l’utilisation » n’a pas autrement été considéré par la Cour suprême du Canada. [179]

[285] Le Consortium a aussi soutenu que, comme la Cour suprême avait fait observer que « l’objet de l’exception au titre de l’utilisation équitable […] est de faire en sorte que la faculté des utilisateurs d’utiliser et de diffuser des œuvres protégées ne soit pas indûment limitée », [180] il s’ensuit que « l’utilisation équitable est plus large que les utilisations particulières de documents protégés à une fin équitable : elle donne aussi aux utilisateurs le droit de diffuser des documents. » [181]

[286] La déclaration ci-dessus n’est vraie que dans la mesure où elle signifie qu’une utilisation équitable donne le droit aux utilisateurs de diffuser des documents pour permettre la réalisation d’une fin équitable autorisée. Dans le contexte des utilisations de la Grande bibliothèque dans CCH, la Cour suprême du Canada a expliqué qu’une personne pouvait diffuser une œuvre pour permettre la réalisation d’une fin équitable autorisée, même si la personne ne réalisait pas, elle-même, la fin autorisée. Cependant, cela ne signifie pas que la diffusion en dehors de l’une des fins permises peut relever de l’article 29 ou 29.1 de la Loi.

[287] Cela étant dit, pour apprécier le caractère équitable d’une utilisation précise d’une œuvre donnée, il ne convient pas non plus, comme Access l’a affirmé, de compter le nombre total de copies diffusées de toutes les œuvres (vraisemblablement par un détenteur de licence ou un groupe de détenteurs de licence). Access a fait valoir que :

[TRADUCTION] dans le cadre du facteur de la nature de l’utilisation, la Commission doit aussi effectuer une évaluation quantitative en fonction de l’utilisation globale et de la quantité totale de ce qui est diffusé. Selon les estimations de M. Gauthier (phase 1), les fonctionnaires provinciaux et territoriaux copient plus de 34 millions de pages d’œuvres publiées du répertoire d’Access Copyright chaque année. Même si les estimations de M. Whitehead et M. Wilk sont utilisées, pour la phase 1, le volume « susceptible de donner droit à rémunération » est d’environ 15 millions de copies par année. Le volume global de reproduction par les fonctionnaires provinciaux et territoriaux est manifestement inéquitable et cela milite en faveur d’Access Copyright. [182]

[288] Selon cet argument, le caractère équitable de toute utilisation par un fonctionnaire provincial ou territorial doit être considéré comme faisant partie de l’ensemble des utilisations effectuées par tous les fonctionnaires provinciaux ou territoriaux. Dans le contexte d’un tarif, cela voudrait dire que l’ensemble des utilisations de tous les payeurs d’un tarif constitue une mesure valide de la nature de chaque utilisation individuelle.

[289] Cette approche a pour effet d’attribuer les caractéristiques de l’ensemble aux éléments constitutifs de celui-ci sans justification suffisante. Le fait qu’au total, les copies faites par tous les utilisateurs bénéficiant du tarif se soient retrouvées entre les mains d’un grand nombre de personnes ne signifie pas automatiquement que, dans chacune de ces utilisations, il y a eu une large diffusion. Même lorsque, en moyenne, la diffusion peut être large, cela ne veut pas dire que toutes les utilisations individuelles doivent automatiquement être considérées comme des utilisations à large diffusion.

[290] Nous ne souscrivons donc pas à cette approche « globale » pour la détermination de la nature d’une utilisation en particulier. Bien qu’une telle approche puisse avoir une certaine valeur lorsqu’un opposant ou un défendeur essaie de démontrer qu’en vertu d’une pratique, la nature de l’utilisation est équitable (comme cela a été fait par la Grande bibliothèque dans CCH), cette approche devient suspecte lorsque l’examen porte sur la question de savoir si une utilisation particulière était équitable ou non. Dans ce dernier cas, seule la diffusion de l’œuvre copiée par l’utilisateur constitue la quantité pertinente à prendre en considération.

[291] De plus, cette approche signifierait que les utilisations qui sont individuellement équitables pourraient devenir inéquitables après le fait, même si elles sont le fruit de personnes différentes, en raison simplement de leur nombre total. À un moment donné au cours des utilisations par ailleurs équitables, une d’elles serait finalement considérée comme inéquitable, ce qui aurait pour effet de rendre toutes les autres utilisations précédentes inéquitables. En l’espèce, les utilisations d’un utilisateur ne devraient pas tendre à rendre moins équitables les utilisations distinctes d’un autre utilisateur. De façon indirecte, la préoccupation soulevée par l’approche adoptée par Access pour évaluer la nature de l’utilisation a trait à l’effet de l’utilisation sur l’œuvre, un aspect qui est considéré à l’aune de son propre facteur.

[292] Par conséquent, pour éviter les résultats ci-dessus, dans les cas où nous examinons une seule utilisation (par opposition à une pratique) quant à son caractère équitable, les utilisations relatives aux autres œuvres, et surtout celles relatives à d’autres utilisateurs, ne sont pas prises en compte dans le facteur de la « nature de l’utilisation ».

[293] De plus, nous renvoyons à la décision Bell, dans laquelle la Cour suprême du Canada a fait les observations suivantes :

vu la facilité avec laquelle une œuvre numérisée peut être diffusée à grande échelle sur Internet, s’attacher à l’utilisation « globale » risque de mener à une conclusion d’utilisation inéquitable beaucoup plus souvent pour les œuvres qui sont numérisées que pour celles qui ne le sont pas. Si, comme le soutient la SOCAN, l’utilisation organisée et à grande échelle est intrinsèquement inéquitable, la quasi-totalité des activités des fournisseurs de musique en ligne qui sont liées aux œuvres musicales emporte la violation du droit d’auteur. Je crains que sa thèse n’aille à l’encontre de l’objectif de la neutralité technologique, c’est à dire l’application uniforme de la Loi sur le droit d’auteur, peu importe le support ou son degré d’avancement technologique. [183]

b. La nature de l’utilisation - La destruction de copies

[294] Access a souligné le fait que, pour une quantité importante de photocopies dans l’enquête de volume (86,5 pour cent, selon son analyse), le répondant a précisé qu’il avait conservé une copie de l’œuvre dans ses dossiers papier ou électronique plutôt que de la détruire. Elle a soutenu que cela tendait à rendre les utilisations inéquitables. [184]

[295] Contrairement à ce qu’Access a laissé entendre, il n’est pas mentionné dans CCH que le fait de ne pas détruire une copie après l’avoir utilisée porte à croire que l’utilisation est inéquitable – il est seulement mentionné que la destruction d’une copie porte à croire qu’il s’agit d’une utilisation équitable.

[296] La raison pour laquelle la destruction peut porter à croire qu’une utilisation est équitable est sous-entendue dans CCH, où la Cour suprême du Canada a conclu que la « politique [de la Grande bibliothèque] garantit raisonnablement que les ouvrages seront utilisés aux fins de recherche et d’étude privée », [185] ainsi que dans Bell, où il est mentionné que « [l]’utilisateur n’obtient pas de copie permanente, et une fois l’écoute terminée, le fichier est supprimé automatiquement dans l’ordinateur, ce qui rend impossible toute reproduction ou nouvelle diffusion par l’utilisateur. » [186] Dans les deux cas, la « nature » de l’utilisation a contribué à garantir que l’œuvre était utilisée pour la fin autorisée et qu’elle ne faisait pas par ailleurs l’objet d’une utilisation inéquitable.

[297] Autrement dit, la destruction d’une copie peut porter à croire que l’utilisation est équitable lorsque la copie ne serait plus nécessaire pour réaliser la fin permise, et la destruction contribue à garantir que la copie n’est pas utilisée à d’autres fins, qui sont inéquitables. Cela ne veut pas dire que la non-destruction de la copie tendra toujours vers l’iniquité. Lorsque la destruction ne contribue pas à garantir que la copie est utilisée pour une fin autorisée, ou lorsque la destruction irait à l’encontre de la raison même pour laquelle la copie a été faite, la non-destruction d’une copie peut ne pas avoir d’effet sur l’appréciation du facteur de la « nature ».

[298] En effet, dans de nombreux cas d’utilisation, comme les utilisations aux fins de communication de nouvelles ou de critique, la destruction de la copie de l’œuvre irait à l’encontre même des fins permises qui sont énumérées aux articles 29 à 29.2. La cible d’une critique dans le cadre de laquelle une œuvre est utilisée de façon équitable pourrait avoir l’esprit tranquille, sachant que la pièce essentielle (ou du moins la partie qui reproduit l’œuvre en question) devait être détruite après une certaine période initiale.

[299] Cela est d’autant plus vrai lorsque la loi ou une politique valide interdit à une personne de détruire la copie, comme c’est apparemment le cas pour de nombreuses copies visées par l’enquête de volume. Tel que soulevé par le gouvernement de la Colombie-Britannique, [TRADUCTION] « [s]i un document publié devient un document gouvernemental […] des exigences législatives et stratégiques dictent à quel moment il peut être détruit, ce qui milite en faveur de la conservation des documents. » [187]

c. La nature de l’utilisation - Conclusion

[300] Lorsque la nature de l’utilisation contribue à garantir que l’œuvre sera utilisée à une fin permise, cela tend à rendre une utilisation équitable. Lorsque les œuvres sont conservées ou diffusées inutilement, et lorsque cela risque de donner lieu à d’autres utilisations inéquitables, cela tend à rendre une utilisation inéquitable.

[301] Par exemple, par leur nature même, la communication de nouvelles et la critique peuvent entraîner la large diffusion d’une œuvre. De même, la fourniture de 40 copies à 40 participants à un cours peut exiger le tirage de 40 copies d’une œuvre. Pénaliser de telles utilisations pour la réalisation de leur fin irait à l’encontre des fins énumérées dans les dispositions en matière d’utilisation équitable.

[302] Pour certains des cas relevés dans l’enquête de volume, les employés semblent avoir détruit la copie, ce qui tend aussi à rendre les utilisations équitables. Cela étant dit, il sera souvent raisonnable que, dans le cadre d’une recherche ou d’une étude privée, les documents copiés soient détenus pendant de longues périodes. La recherche peut se mesurer en minutes, en jours ou en années. Il n’est généralement pas envisageable de se débarrasser de l’information avant que la recherche soit terminée.

[303] Lorsqu’il y a un risque réel que les copies faites dans le cadre d’une utilisation équitable puissent par la suite être utilisées à des fins non équitables, la préoccupation que la copie soit détruite est plus grande. Dans le contexte de fonctionnaires, en particulier dans les cas où une seule copie a été faite, ce risque ne semble pas réaliste.

[304] Nous soulignons également que le questionnaire de l’enquête de volume était généralement rempli au moment même où les copies étaient faites. Nous ne savons pas avec certitude si l’employé mentionnait ce que, selon lui, il adviendrait de la copie, ou ce qu’il en était advenu dans les faits. Dans ce dernier cas, il est possible que la copie ait été détruite après qu’elle eut été utilisée pour la fin à laquelle elle était destinée.

[305] Nous concluons donc que, dans la présente affaire, où un nombre limité de copies ont été fournies au sein d’un gouvernement, les copies n’ont pas fait l’objet d’une diffusion suffisamment large pour rendre l’utilisation inéquitable. Cependant, lorsque de nombreuses copies sont diffusées à l’extérieur du gouvernement, cela tend à rendre la nature de l’utilisation moins équitable.

iii. L’ampleur de l’utilisation

a. L’ampleur de l’utilisation - Comment la mesurer?

[306] Pour apprécier ce facteur, « [t]ant l’ampleur de l’utilisation que l’importance de l’œuvre qui aurait fait l’objet d’une reproduction illicite doivent être prises en considération. » [188] « Il appelle un examen du rapport entre l’extrait et, non pas la quantité totale de ce qui est diffusé, mais bien l’œuvre complète. » [189]

[307] Access a souligné à juste titre que le Consortium avait présenté des renseignements non pertinents à l’égard de ce facteur lorsqu’il affirme que la reproduction était proportionnellement équitable puisque, en utilisant le nombre total de copies de la phase 2, seulement [TRADUCTION] « 13,31 pages d’une revue, 6,95 pages d’un magazine et 1,98 page d’un journal [ont été copiées] pour un cas moyen de copies. [190] Comme les [TRADUCTION] « copies » permettent d’évaluer le nombre total de pages copiées (c.-à-d., le produit du nombre de pages originales copiées multiplié par le nombre de copies faites), cette évaluation ne fait que fournir indirectement des renseignements au sujet de l’ampleur de la reproduction de l’œuvre. [191] Access a aussi raison de dire que l’« œuvre » à prendre en considération est [TRADUCTION] « l’article de revue, l’article de magazine et l’article de journal, et non la totalité de la revue, de magazine et du journal renfermant les articles copiés. » [192]

[308] Cependant, le tableau [TRADUCTION] « Nombre moyen de pages originales copiées » présenté par Access [193] n’est pas non plus pertinent pour trancher la question de savoir si une utilisation particulière constatée dans le cadre de l’enquête de volume était équitable. Comme le caractère équitable de cas particuliers est en cause, et non la pratique des opposants dans son ensemble, le facteur de l’ampleur de l’utilisation devrait faire l’objet d’une analyse individuelle pour chaque cas de copie.

b. L’ampleur de l’utilisation - Le contexte a-t-il une incidence sur l’analyse?

[309] Dans Bell, la Cour suprême du Canada n’a pas infirmé la conclusion de la Commission selon laquelle l’écoute préalable de 30 secondes d’une œuvre musicale de quatre minutes constituait une utilisation « modeste » « par rapport à l’achat de l’œuvre au complet [d’une durée approximative de quatre minutes] pour écoute répétée. » [194]

[310] Access a soutenu qu’une distinction peut être faite avec Bell compte tenu du fait que [TRADUCTION] « [l]’“écoute préalable éphémère” d’une œuvre n’est pas le contexte de l’espèce. » Selon elle, les employés dans la présente affaire font [TRADUCTION] « simplement la reproduction en bloc d’œuvres pour consommation directe, ainsi que le corrobore le fait que 86,5 pour cent de ces employés conservent une copie dans leurs dossiers. » [195] Access a en outre soutenu que l’analyse de l’« ampleur » en l’espèce se distingue de celle effectuée dans Alberta (parce que des manuels ont été achetés dans cette affaire), ainsi que ce celle effectuée dans CCH (parce qu’il y avait une politique de conformité en matière de reproduction).

[311] Nous convenons que le contexte dans lequel les copies ont été effectuées dans Bell est différent de celui dans l’enquête de volume. Cependant, dans Alberta, la Cour suprême du Canada a formulé une mise en garde au sujet de la prise en compte des mêmes éléments pour plus d’un facteur, ou de la « double prise en compte », leur accordant ainsi plus d’importance. [196] Accepter l’argument implicite d’Access selon lequel l’ampleur de l’utilisation dans Bell, 30 secondes, était équitable en raison de la nature de l’utilisation (la copie était détruite après l’utilisation) équivaudrait à une double prise en compte, ainsi qu’à laisser l’appréciation de la nature de l’utilisation établir le caractère équitable de l’ampleur de l’utilisation.

[312] Dans CCH, la Cour suprême du Canada a fait remarquer que :

[l]’ampleur de l’extrait peut aussi être plus ou moins équitable selon la fin poursuivie. Par exemple, aux fins de recherche ou d’étude privée, il peut être essentiel de reproduire en entier un exposé universitaire ou une décision de justice. Cependant, lorsqu’une œuvre littéraire est reproduite aux fins de critique, il ne sera vraisemblablement pas équitable de la copier intégralement. [197]

[313] Par conséquent, bien que l’analyse de « l’ampleur de l’utilisation » puisse être mise en contexte grâce au but visé par l’utilisation de l’œuvre (p. ex., s’agissait-il d’une ampleur d’utilisation nécessaire?), l’ampleur de l’utilisation ne devrait pas devenir plus ou moins équitable en raison du caractère équitable ou inéquitable des autres facteurs. Selon cette approche, la déclaration de la Commission, que la Cour suprême du Canada a adoptée dans Bell, [198] pourrait signifier que l’ampleur de l’utilisation était équitable, compte tenu du but visé par l’utilisation – et non du fait que l’utilisation a été faite dans un contexte où d’autres facteurs portaient à croire que l’utilisation était équitable.

[314] Par exemple, la recherche effectuée pour décider d’acheter un livre ou non pourrait exiger l’utilisation d’une plus petite partie de l’œuvre (p. ex., 10 pages peuvent être suffisantes pour cerner un livre et s’en faire une idée suffisante), que la recherche effectuée pour fournir un avis juridique, où chaque mot peut revêtir une importance capitale. C’est pourquoi l’importance de l’œuvre par rapport à l’utilisation est aussi prise en compte pour ce facteur.

c. L’ampleur de l’utilisation - Doit-elle et peut-elle faire l’objet d’une appréciation qualitative?

[315] Access a mentionné que [TRADUCTION] « les données du sondage montrent que 96,7 pour cent du volume relevé [qui est susceptible d’être équitable] a trait à la copie de plus de deux pages d’un livre ou de plus d’une page d’un article de revue, de magazine ou de journal. » Access a soutenu que ces deux types d’activités tendraient à rendre l’utilisation inéquitable. [199]

[316] Certes, la reproduction de la totalité d’une page d’un magazine ou d’un journal pourrait parfois constituer la reproduction de la totalité de l’œuvre. Cependant, il est moins évident que cela [TRADUCTION] « constituera [souvent] la totalité de l’œuvre. » [200] M. Whitehead a témoigné que les articles de journaux [TRADUCTION] « pouvaient être d’une page, mais que, dans la plupart des cas, les articles étaient répartis sur deux ou trois pages », sauf dans le cas des PDF, qui ne comportaient souvent qu’une seule page; Access s’est basée sur ces déclarations. [201] Par conséquent, la reproduction d’une seule page d’un article d’un journal imprimé peut ne pas consister en la reproduction de la totalité de l’œuvre. Dans la plupart des cas, il s’agirait du tiers ou de la moitié de l’œuvre originale. Il est aussi vrai que la reproduction de l’intégralité d’une œuvre tend à rendre l’utilisation inéquitable.

[317] Toutefois, l’affirmation d’Access selon laquelle la reproduction de plus de deux pages d’un livre tendra aussi à rendre l’utilisation inéquitable [202] nécessite un examen plus approfondi. En se fondant sur « l’aveu » de M. Whitehead, selon lequel [TRADUCTION] « la partie la plus importante (sur le plan qualitatif) d’un article de journal est souvent constituée des tout premiers paragraphes », Access a affirmé que cela vaut aussi pour les articles de magazines et les chapitres de livres et que ces passages sont les parties qui ont vraisemblablement été copiées dans les cas relevés dans l’enquête de volume. Elle a ensuite présumé implicitement que la question de savoir si la partie copiée communique de l’information importante était ce qu’il fallait évaluer dans une analyse de « l’ampleur » du facteur de l’utilisation.

[318] Premièrement, la preuve présentée ne nous permet pas de conclure que les articles de magazines et les chapitres de livres sont structurés de la même façon que les articles de journaux.

[319] Deuxièmement, comme nous l’avons déjà mentionné, l’enquête de volume ne nous permet pas de déterminer quelle partie d’une œuvre a été copiée. L’affirmation selon laquelle la reproduction dans l’enquête de volume visait principalement la première partie d’un article d’un magazine ou d’un chapitre d’un livre n’est pas étayée par la preuve.

[320] Troisièmement, la mesure dans laquelle l’aspect qualitatif de l’ampleur de l’utilisation a été considéré dans l’appréciation du facteur de « l’ampleur de l’utilisation » ne ressort pas clairement de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada en matière d’utilisation équitable. Dans CCH, Alberta et Bell, il a seulement été tenu compte des aspects quantitatifs pour ce facteur. Notamment, de nombreux extraits dans Bell auraient probablement comporté l’élément accrocheur d’une chanson, sans doute la partie la plus importante d’une chanson sur le plan qualitatif.

[321] Il est possible que, dans Alberta et Bell, le facteur de « l’ampleur de l’utilisation » ait été analysé d’un point de vue purement quantitatif en raison du fait que, dans ces affaires, il était question d’un nombre considérable d’utilisations de nombreuses œuvres et qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve au sujet des aspects qualitatifs des extraits en question dans ces affaires. Si tel est le cas, alors la Commission se trouve dans une situation similaire à celle dans laquelle les tribunaux (et elle-même) se trouvaient dans Bell et Alberta, c’est-à-dire qu’elle ne dispose d’aucun élément de preuve concernant les aspects qualitatifs de l’ampleur de l’utilisation.

[322] Quatrièmement, même s’il faut tenir compte de l’aspect qualitatif de l’ampleur de la reproduction pour apprécier le facteur de « l’ampleur de l’utilisation », il se peut que l’importance de l’information communiquée n’équivaille pas au degré de talent et de jugement exercés pour exprimer la partie copiée.

[323] Dans Warman, [203] le juge Rennie, bien qu’il s’agissait peut-être d’une remarque incidente, est arrivé à la conclusion contraire, déclarant que le début de l’article de journal copié dans cette affaire « comportait surtout des faits et ne comportait pas la plupart des commentaires originaux de l’auteur » et que l’ampleur de l’utilisation était donc « très limitée ». [204] La partie qui a été copiée dans cette affaire comportait peut-être les renseignements les plus pertinents, mais c’était peut-être la partie de l’article dans laquelle l’auteur avait le moins exercé son talent et son jugement.

[324] Par conséquent, même si nous devions accepter les allégations d’Access concernant la structure des articles de magazines et les chapitres de livres, ainsi que les passages d’une œuvre qui sont davantage susceptibles d’avoir été reproduits, nous n’irions pas jusqu’à conclure que cette reproduction serait toujours d’une telle ampleur que ce facteur tendrait à rendre l’utilisation inéquitable.

[325] Pour ces motifs, dans cette affaire, nous évaluons l’« ampleur » de l’utilisation en fonction des éléments de preuve quantitatifs tirés de l’enquête de volume.

d. L’ampleur de l’utilisation - Conclusion

[326] Dans CCH, la Grande bibliothèque fournissait un service dans le cadre duquel elle envoyait des télécopies d’œuvres aux avocats qui en faisaient la demande. La politique de la Grande bibliothèque précisait qu’elle :

« accept[ait] généralement de photocopier une décision, un article ou un court extrait d’une loi » et qu’une « demande portant sur plus de cinq pour cent d’une source secondaire sera soumise à l’approbation d’un bibliothécaire de référence qui, en fin de compte, pourra la refuser. » [205]

[327] Les demandes dont l’ampleur d’utilisation était d’au plus 5 pour cent étaient généralement acceptées, alors que les demandes dont l’ampleur d’utilisation était supérieure à 5 pour cent étaient acceptées ou rejetées au cas par cas. La Cour suprême du Canada estimait que cela portait à croire que l’utilisation était équitable. [206]

[328] Dans Bell, des services de musique en ligne fournissaient à des clients éventuels des extraits d’œuvres musicales grâce à une transmission en continu. Dans son examen de l’ampleur de l’utilisation, la Cour suprême du Canada a cité, sans la modifier, la conclusion de la Commission selon laquelle « un extrait d’une trentaine de secondes constitue une utilisation modeste “par rapport à l’achat de l’œuvre au complet [d’une durée approximative de quatre minutes] pour écoute répétée.” » [207] Déclarant qu’un « extrait de la piste musicale dure de 30 à 90 secondes », [208] la Cour suprême a ensuite conclu que la fourniture de tels extraits constituait une utilisation équitable. [209] Un extrait de 30 secondes représentait, en moyenne, 12 pour cent de la totalité de l’œuvre musicale.

[329] Dans la décision K-12, la Commission a conclu que :

les enseignants se conforment généralement aux conditions de la licence pancanadienne, qui balise ce qu’on peut extraire d’un ouvrage. La licence est certes plus généreuse que la politique de la Grande bibliothèque, dans la mesure où cette dernière se limite généralement à cinq pour cent d’un ouvrage, alors que la licence pancanadienne permet jusqu’à dix pour cent. Cela dit, rien ne nous porte à conclure que les copies visées tendent à se rapprocher de la limite supérieure qu’impose la licence. Qui plus est, dans la mesure où, encore une fois, ces copies font l’objet de demandes précises de la part de l’étudiant, il ne nous semble pas que cette différence suffise à rendre inéquitables ces copies. [210]

[330] En bref, la copie de plus de 5 pour cent, mais de moins de 10 pour cent d’une œuvre, n’a pas eu pour effet de rendre inéquitable une utilisation par ailleurs équitable.

[331] En se fondant sur une analyse qualitative de la partie de l’œuvre copiée, le juge Rennie dans Warman a conclu que la reproduction d’un titre et de trois paragraphes et demi d’un article de journal de onze paragraphes (soit environ 32 pour cent) constituait une ampleur d’utilisation « très limitée ». [211] Il a ensuite conclu que, même si l’on pouvait prétendre qu’il existait une solution de rechange à l’utilisation de l’œuvre et que des extraits étaient largement diffusés sur Internet, l’utilisation était équitable. [212]

[332] Dans Century 21 c. Rogers, [213] le juge Punnett, qui examinait la reproduction de l’ensemble des descriptions de propriétés et des photos qui y étaient associées, a déclaré que :

[TRADUCTION] l’accès quotidien répété à de tels renseignements et l’indexation de ceux-ci militent contre l’exception relative à l’utilisation équitable. Il ne s’agit pas d’une situation où une copie unique est faite. Il s’agit d’actes posés à maintes reprises par les défendeurs. À mon avis, l’ampleur de l’utilisation excède ce qui est équitable. [214]

[333] Le juge Punnett a conclu que la reproduction répétée de la totalité des œuvres faisait tendre le facteur de l’ampleur de l’utilisation vers le caractère inéquitable, tout en laissant la voie libre à une conclusion différente s’il était question d’une copie unique.

[334] Les affaires CCH, Warman et Century 21 étaient des instances portant sur la violation du droit d’auteur, alors que Bell et K-12 étaient des instances portant sur l’homologation de tarif.

[335] Bien que, règle générale, il ne soit peut-être pas souhaitable d’avoir des règles claires faisant état de chiffres précis dans l’appréciation du caractère équitable, puisqu’une appréciation est une question d’impression, dans le contexte de l’analyse d’une enquête de volume, le recours à une telle règle ou à de telles règles est peut être inévitable. L’impression que nous pouvons dégager est fondée sur les données tirées de l’enquête de volume, et pour traiter de façon cohérente des cas de copie semblables, des règles claires émergeront inévitablement. Plus grand sera l’échantillon de cas de copie pris en considération, plus grande sera la probabilité que cela soit vrai.

[336] Nous sommes conscients que l’application de telles règles peut parfois sous-estimer et parfois surestimer les cas. Si nous disposions de davantage de données, nous pourrions peut-être constater que certains cas visés par une règle n’auraient pas dû l’être, alors que d’autres cas non visés auraient dû l’être. Bien qu’il soit souhaitable d’avoir une règle dont la marge d’erreur à cet égard est la plus faible possible, la perfection n’est pas possible. Pour établir un taux de redevances, le recours à une règle dont la marge d’erreur peut aller dans les deux sens (et être la plus faible possible compte tenu des données disponibles) sera la meilleure façon d’établir un taux de redevances juste et équitable.

[337] Comme pour tout autre facteur, une conclusion que l’ampleur de l’utilisation porte à croire que l’utilisation est équitable ou inéquitable n’est pas déterminante quant à l’appréciation de l’utilisation. S’il en était autrement, les facteurs relatifs au caractère équitable d’une utilisation, qui offrent un « cadre d’analyse utile », [215] deviendraient une liste d’éléments requis.

[338] À la lumière des décisions examinées ci-dessus, nous sommes d’avis qu’aux fins de l’établissement d’un taux de redevances dans le présent tarif, la reproduction à l’intérieur de limites semblables à celles déterminées dans les affaires susmentionnées (c.-à-d. approximativement 10 pour cent d’un livre), dans le contexte d’une recherche ou d’une étude privée, soit milite en faveur du caractère équitable d’une utilisation, soit, tout au plus, ne milite ni en faveur du caractère équitable, ni en faveur du caractère inéquitable d’une utilisation (c.-à-d. que ce facteur est neutre dans de tels cas et ne milite en faveur d’aucune de ces conclusions).

[339] De plus, compte tenu des limites des éléments de preuve découlant de l’enquête de volume, nous admettons qu’il peut être raisonnable de reproduire en entier un article de revue ou de magazine aux fins de recherche ou d’étude privée. Bien que la reproduction de la totalité d’une œuvre puisse avoir tendance à rendre une utilisation moins équitable, la Cour suprême du Canada a souligné dans CCH que, pour certaines fins, comme la recherche ou l’étude privée, l’intégralité de l’œuvre sera souvent nécessaire pour atteindre efficacement ce but, ce qui n’est pas nécessaire pour une critique ou la communication de nouvelles, par exemple. [216]

[340] Par conséquent, pour les cas où tout l’article a été reproduit à des fins de recherche ou d’étude privée, bien que le facteur de l’ampleur de l’utilisation tende en faveur du caractère inéquitable de l’utilisation, il ne le fait pas fortement. Lorsque la personne a reproduit une seule page et a aussi mentionné que moins d’une page l’intéressait, il se peut qu’elle ait reproduit moins qu’une page, mais qu’elle n’ait pas pu le préciser dans le questionnaire électronique. Pour pareils cas de copie, l’importance à accorder à ce facteur est d’autant plus réduite, et ce facteur ne milite ni en faveur du caractère equitable ni en faveur du caractère inéquitable de l’utilisation.

iv. Les solutions de rechange à l’utilisation

[341] S’il existe des solutions de rechange raisonnables à une utilisation, il se peut que cette dernière soit moins équitable. Par exemple, s’il existe un équivalent non protégé qui aurait pu être utilisé à la place de l’œuvre, il faut en tenir compte. De plus :

il sera également utile de tenter de déterminer si l’utilisation était raisonnablement nécessaire eu égard à la fin visée. À titre d’exemple, le fait qu’une critique aurait été tout aussi efficace sans la reproduction de l’œuvre protégée pourra militer contre le caractère équitable de l’utilisation. [217]

[342] Cependant, la solution de rechange doit être réaliste [218] et il ne doit pas simplement s’agir de « [l]a possibilité d’obtenir une licence ». [219]

[343] L’interprétation d’Access, selon laquelle l’existence d’une solution de rechange fait toujours en sorte que l’utilisation tend vers le caractère inéquitable est trop simpliste : comme la Cour suprême l’a fait remarquer dans CCH, « [l]’existence de solutions de rechange à l’utilisation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur peut avoir une incidence sur le caractère équitable ou inéquitable de l’utilisation. » [220] [italique ajouté] Par conséquent, le seul fait qu’il existe des solutions de rechange n’a pas nécessairement toujours une incidence sur le caractère équitable ou inéquitable de l’utilisation.

[344] Le Consortium a soutenu que [TRADUCTION] « il est clair que, pour la plupart des fins gouvernementales, il est peu probable qu’il y ait un équivalent non protégé d’une œuvre donnée. » [221] Il soutient implicitement que, dans l’appréciation de ce facteur, il faut principalement se demander si des documents non protégés par le droit d’auteur pouvaient être utilisés au lieu des œuvres qui ont été copiées. Toutefois, cette approche limiterait l’analyse de ce facteur à une seule alternative possible. L’utilisation d’une œuvre non protégée par le droit d’auteur est un exemple d’alternative à prendre en considération, et non la seule à prendre en considération.

[345] Selon Access, l’enquête de volume [TRADUCTION] « démontre que, pour 91,8 pour cent des utilisations considérées comme étant peut-être équitables, il y avait des alternatives à la reproduction; » [222] et cela tend à rendre les utilisations inéquitables.

[346] Ce chiffre est fondé sur son analyse de la question 54 de l’enquête de volume, où il était demandé : [TRADUCTION] « Si la reproduction de cette [œuvre] avait été interdite par la loi, qu’auriez-vous fait? » [223] Le genre de l’œuvre aurait correspondu au type de document dans le questionnaire. Par exemple, une personne ayant inscrit qu’il était question d’un livre aurait pu lire : « Si la reproduction de ce livre avait été interdite par la loi, qu’auriez-vous fait? »

[347] Les réponses possibles offertes aux employés étaient les suivantes :

  • J’aurais demandé qu’on achète un exemplaire ou plus du [type de document]

  • J’aurais acquis les droits à coût unique pour faire une copie du [type de document]

  • J’aurais recommandé le [type de document] aux autres, sans leur envoyer une copie

  • Je me serais simplement débrouillé(e) sans une copie du [type de document]

  • J’aurais reproduit le contenu du [type de document] quand même

  • J’aurais utilisé une partie d’un autre [type de document] qui n’est pas protégé par le droit d’auteur, comme un document gouvernemental canadien de langue anglaise

  • Autre. Veuillez préciser [224]

[348] Ces choix ne sont pas exclusifs; un employé pouvait choisir plusieurs de ces réponses. Ainsi, certaines réponses sont difficiles à interpréter de façon cohérente. Par exemple, pour 21 cas de copie, l’employé a déclaré qu’il aurait reproduit l’œuvre d’une façon ou d’une autre et qu’il se serait débrouillé sans reproduire l’œuvre.

[349] L’enquête de volume ne permet pas non plus d’évaluer si les réponses reflètent simplement toutes les solutions de rechange possibles, chacune ayant une certaine probabilité d’être appliquée, ou bien si les réponses doivent être interprétées comme un ensemble de solutions de rechange possibles (dans un ordre inconnu) que l’employé aurait essayé de mettre en œuvre.

a. Aurait quand même reproduit l’œuvre

[350] Ce n’est que lorsque l’employé avait sélectionné qu’il aurait « quand même reproduit » l’œuvre, et qu’aucune autre solution de rechange n’avait été sélectionnée, qu’Access a estimé que cela signifiait qu’il n’existait aucune autre solution.

[351] Cependant, cette interprétation des résultats soulève plusieurs questions. Lorsqu’une personne avait sélectionné qu’elle « aurai[t] quand même reproduit [l’œuvre] » ainsi que plusieurs autres solutions de rechange, il est raisonnable de considérer qu’il s’agit d’une situation dans laquelle la personne aurait essayé d’appliquer d’autres solutions avant de reproduire l’œuvre d’une façon ou d’une autre. Ainsi, il y a encore une certaine probabilité, non précisée, que la personne l’aurait « quand même reproduit. »

[352] Même si nous devions accepter l’affirmation d’Access selon laquelle l’existence d’autres solutions de rechange fait en sorte que ce facteur tend à être inéquitable, Access sous-estime quand même le nombre de personnes qui auraient « quand même reproduit » l’œuvre. Au total, dans 48 des réponses, les répondants ont précisé, comme solution de rechange possible, qu’ils auraient « quand même reproduit » l’œuvre.

[353] De plus, la façon dont la question elle-même est formulée pose problème pour l’appréciation du caractère équitable de ce facteur. Au lieu d’essayer de discerner laquelle des solutions de rechange offertes permettrait raisonnablement d’atteindre le but visé par l’utilisation, la question part du principe que la reproduction n’est pas possible – ou, du moins, qu’elle est illégale. Ainsi, selon la question, les répondants choisissaient des solutions de rechange qui étaient de deuxième ordre.

[354] La Cour suprême du Canada a mentionné qu’il est utile d’examiner la question de savoir si l’utilisation d’une œuvre était raisonnablement nécessaire eu égard à une utilisation tout aussi efficace. [225] Contrairement à ce que laisse entendre Access, [226] la volonté, pour un employé, d’enfreindre le droit d’auteur dans le cadre de son emploi n’est pas le critère applicable à la question de savoir si quelque chose est « raisonnablement nécessaire ». Un tel niveau de « nécessité » ne semble pas être « raisonnable », mais se rapproche de la stricte nécessité.

[355] Dans le contexte de CCH, où les avocats demandaient des copies à la Grande bibliothèque, les avocats auraient pu, dans un sondage semblable, mentionner à titre de solutions de rechange possible qu’ils se seraient « rend[us] à la Grande bibliothèque » ou qu’ils se seraient « débrouill[és] sans faire de copie ». Cependant, de telles réponses n’auraient pas fait la lumière sur la question de savoir s’il existait des solutions de rechange raisonnables ou si l’utilisation serait aussi efficace sans qu’une copie soit faite. Il n’est pas possible d’assimiler le refus de commettre un acte interdit par la loi à l’existence d’une solution de rechange raisonnable et pratique à l’utilisation.

[356] Par conséquent, nous n’avons pas automatiquement considéré que les réponses où il n’était pas précisé qu’il y avait volonté de commettre un acte interdit par la loi étaient celles pour lesquelles la reproduction n’était pas « raisonnablement nécessaire ». Cependant, dans les cas où la personne a précisé qu’elle aurait quand même reproduit l’œuvre, malgré le caractère illégal hypothétique de l’acte, nous concluons que les autres solutions de rechange hypothétiques offertes, même si elles avaient été choisies, constituaient d’assez piètres solutions de rechange à la reproduction en question pour que la personne soit prête à commettre un acte illégal. En pareil cas, nous concluons que, selon toute probabilité, il n’existe aucune solution de rechange raisonnable à l’utilisation.

b. Acheter un ou plusieurs exemplaires de l’œuvre

[357] Lorsqu’un exemplaire d’une œuvre a déjà été acheté, il n’est peut-être pas réaliste de s’attendre à ce qu’un exemplaire soit acheté pour chaque personne souhaitant reproduire l’œuvre. Cela a été expliqué par la Cour suprême du Canada dans Alberta, où les écoles avaient « déjà acquis des exemplaires qui [étaient] conservés dans les salles de classe ou à la bibliothèque, et dont les enseignants tir[ai]ent des copies. » La Cour suprême a statué que « l’achat de livres pour tous les élèves ne constitu[ait] pas une solution de rechange réaliste à la reproduction par l’enseignant de courts extraits complémentaires. » [227]

[358] De même, cette solution de rechange peut ne pas être réaliste dans les cas où le gouvernement concerné possède déjà des copies de l’œuvre. Bien que quelques employés aient mentionné, sous « Autre [solution de rechange], veuillez préciser », que leur ministère, organisme ou institution possédait déjà une copie de l’œuvre, les renseignements relatifs à cette question n’étaient pas systématiquement recueillis dans le cadre de l’enquête de volume.

[359] De plus, peu d’éléments de preuve ont été présentés concernant la question de savoir si les œuvres en question seraient facilement et raisonnablement accessibles sur le marché dans les cas où les employés précisaient qu’ils demanderaient que l’œuvre soit achetée. Même si certaines de ces œuvres auraient peut-être pu être achetées à un prix raisonnable et sur un support raisonnable (p. ex., semblable au support de l’original utilisé pour faire la copie, sans fardeau supplémentaire, comme des mesures de protection technologiques), de façon générale, nous ne disposions pas de tels éléments de preuve.

[360] Par conséquent, bien que nous n’écartions pas complètement la possibilité de faire l’achat d’un exemplaire, nous sommes conscients que les éléments de preuve dont nous disposons sur le sujet sont limités.

c. Acquérir un droit unique pour faire une copie de l’œuvre

[361] La possibilité d’obtenir une licence pour reproduire une œuvre :

n’est pas pertinente pour décider du caractère équitable d’une utilisation [...] Si, comme preuve du caractère inéquitable de l’utilisation, le titulaire du droit d’auteur ayant la faculté d’octroyer une licence pour l’utilisation de son œuvre pouvait invoquer la décision d’une personne de ne pas obtenir une telle licence, il en résulterait un accroissement de son monopole sur l’œuvre qui serait incompatible avec l’équilibre qu’établit la Loi sur le droit d’auteur entre les droits du titulaire et les intérêts de l’utilisateur. [228]

[362] Ainsi, la possibilité de faire l’acquisition d’une licence unique n’a pas été considérée comme une solution de rechange valable.

[363] Compte tenu de la conclusion que nous avons tirée concernant la production de copies numériques, il n’est pas nécessaire que nous examinions la question de savoir si ce principe s’applique dans le contexte de ventes numériques d’œuvres où le contrat n’est censé fournir qu’une simple licence. Quoi qu’il en soit, dans le contexte de l’enquête de volume, il est très peu probable qu’un employé aurait fait pareille distinction et aurait mentionné « l’achat d’une copie ou plus » pour une telle activité, et cette réponse fait partie des solutions de rechange possibles.

d. Se débrouiller sans reproduire l’œuvre

[364] Puisqu’un employé pouvait choisir plus d’une solution de rechange, et qu’il était possible de choisir cette solution de rechange en conjonction avec d’autres, la question de savoir si cette option constituait une solution de rechange lorsqu’aucune copie n’était faite et qu’aucune autre mesure n’était prise, ou bien si cette option chevauchait d’autres options qui ne comportaient pas la reproduction de l’œuvre, comme le fait de renvoyer les autres à l’œuvre, comporte une ambiguïté. L’analyse des réponses donne à penser que les employés ont interprété cette question tant de la première que de la deuxième façon.

[365] Même lorsqu’il s’agissait de la seule solution de rechange choisie, il y avait deux interprétations possibles. Le fait de choisir cette option pouvait vouloir dire que les autres options présentées n’étaient pas réalistes, ou aussi efficaces que la reproduction de l’œuvre, et que l’employé n’était pas prêt à commettre un acte interdit par la loi. Cela pouvait aussi pouvait vouloir dire que la reproduction de l’œuvre n’ajoutait pas grand-chose à l’efficacité de l’utilisation.

[366] Dans bien des cas où une personne se débrouille sans reproduire l’œuvre, aucun des objectifs visés par la Loi, soit la création et la diffusion d’œuvres, n’est appuyé. À l’extrême, si toutes les utilisations n’étant pas absolument nécessaires étaient évitées, ni les utilisateurs ni les titulaires du droit d’auteur ne seraient en meilleure position. Les utilisateurs seraient privés de l’avantage de faire une copie de l’œuvre de leur choix et les titulaires du droit d’auteur ne recevraient ni les redevances ni les avantages intangibles qui peuvent être associés à la diffusion de leurs œuvres. Cela entraîne une perte sèche, [229] qui devrait généralement être évitée.

[367] Cependant, lorsque l’utilisation est tout aussi efficace sans la reproduction de l’œuvre, le fait de ne pas faire une copie n’a pas pour effet d’augmenter considérablement la perte sèche. Ainsi, bien que le fait de ne pas utiliser l’œuvre ne soit pas, par défaut, une solution de rechange raisonnable, il se peut que ce soit le cas lorsque l’utilisation n’ajoute rien ou presque rien à l’efficacité de l’utilisation.

[368] Ainsi, bien que nous n’excluions pas entièrement la possibilité de se débrouiller sans reproduire l’œuvre comme solution de rechange possible, nous sommes conscients que, bien souvent, il se peut qu’il ne s’agisse pas d’une solution raisonnable.

e. Renvoyer à l’œuvre sans envoyer une copie

[369] On peut renvoyer les autres à l’œuvre de diverses façons : on peut informer de vive voix une autre personne au sujet de l’œuvre, notamment en citant l’œuvre, ou on peut envoyer une adresse URL menant à l’œuvre. La réponse ne précise pas la façon dont le renvoi serait effectué.

[370] Contrairement à la situation où l’œuvre n’est pas du tout utilisée, l’envoi d’un lien vers l’œuvre en question est plus susceptible d’être une solution de rechange valable. De plus, en ligne, le fait de renvoyer un autre utilisateur à l’œuvre peut générer des revenus pour le titulaire du droit d’auteur (p. ex., tirés de la publicité).

[371] Cela étant dit, il peut y avoir des situations où l’incertitude entourant le caractère éphémère d’une œuvre affichée en ligne peut ne pas faire de cette option une solution de rechange viable. En effet, le contenu des œuvres en ligne peut être modifié ou enlevé en tout temps; il peut donc être important de conserver une copie du texte tel qu’il était rédigé à un moment précis.

f. Utiliser une partie d’une œuvre différente non protégée par le droit d’auteur

[372] L’option consistant à utiliser une œuvre non protégée par le droit d’auteur ne semble pas être réaliste la plupart du temps. Une telle œuvre aurait généralement 90 à 110 ans (le temps écoulé entre la création d’une œuvre et le décès de l’auteur + 50 ans). Compte tenu des sujets des œuvres dans le sondage, il est peu probable qu’un nombre considérable de telles œuvres anciennes figurent au nombre des œuvres pertinentes pour les utilisations des employés.

[373] Malheureusement, même la formulation de la question pose problème, étant donné qu’elle laisse entendre que les « document[s] gouvernementa[ux] canadien[s] de langue anglaise » ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Il se peut que certains gouvernements puissent accorder une autorisation générale pour l’utilisation de leurs documents, mais il n’est pas vrai que, de façon générale, de tels documents ne sont pas protégés par le droit d’auteur.

g. Solutions de rechange - Conclusion

[374] Comme il est mentionné à la partie XII.D.4, ci-dessus, il n’est pas approprié de considérer que les réponses à la question [TRADUCTION] « Si la reproduction de cette [œuvre] avait été interdite par la loi, qu’auriez-vous fait? » montrent qu’il existe des solutions de rechange raisonnables. La précision selon laquelle la reproduction est interdite par la loi signifie généralement qu’il n’est pas possible de faire une copie. Devant pareille situation, une personne peut choisir des solutions de rechange qui sont beaucoup moins efficaces, raisonnables ou pertinentes relativement à la fin poursuivie.

[375] Par conséquent, nous ne pouvions pas utiliser la présence de réponses pour établir avec certitude l’existence de solutions de rechange raisonnables qui répondraient aux besoins de l’utilisation aussi bien que la reproduction de l’œuvre. Cependant, la présence de réponses à une telle question peut quand même nous renseigner sur la probabilité qu’une solution de rechange raisonnable soit à la disposition de la personne faisant la copie.

[376] Ainsi, nous concluons que, plus le nombre de « solutions de rechange » choisies était élevé, mis à part « faire l’acquisition d’une licence unique » et « quand même reprodui[re] » l’œuvre, plus il était probable qu’une ou plusieurs des solutions de rechange offertes soient véritablement raisonnables, et plus cela portait à croire que l’utilisation était inéquitable. Lorsqu’aucune solution de rechange n’était choisie, ou que seulement quelques-unes d’entre elles étaient choisies, cela portait à croire que l’utilisation était équitable, ou bien cela ne militait ni en faveur du caractère équitable de l’utilisation ni en faveur du caractère inéquitable de l’utilisation. Lorsqu’une personne mentionnait qu’elle aurait reproduit l’œuvre malgré l’interdiction, nous avons estimé que cela voulait dire que les autres solutions de rechange offertes n’étaient pas raisonnables dans le contexte du cas de copie. Ainsi, ce facteur porterait donc à croire que l’utilisation était équitable.

v. La nature de l’œuvre

[377] Comme la Cour suprême du Canada l’a fait remarquer dans CCH :

[l]e tribunal doit également tenir compte de la nature de l’œuvre pour décider du caractère équitable de son utilisation. Bien qu’il ne s’agisse certainement pas d’un facteur décisif, l’utilisation d’une œuvre non publiée sera davantage susceptible d’être équitable du fait que sa reproduction accompagnée d’une indication de la source pourra mener à une diffusion plus large de l’œuvre en question, ce qui est l’un des objectifs du régime de droit d’auteur. Par contre, si l’œuvre en question était confidentielle, la balance pourrait pencher en faveur du caractère inéquitable de l’utilisation. [230]

[378] Access a allégué que le contraire est aussi vrai. En fait, elle va même plus loin. Elle ne se contente pas d’affirmer que l’utilisation d’une œuvre publiée « peut » rendre une utilisation moins équitable. Elle soutient que l’utilisation d’une œuvre publiée tend à rendre l’utilisation inéquitable. [231]

[379] Cet argument ne tient pas compte de la comparaison que la Cour suprême effectuait dans cette affaire, soit une comparaison entre les œuvres qui devraient être diffusées publiquement et celles pour lesquelles il existe un intérêt légitime à limiter une telle diffusion.

[380] Le Consortium s’est, quant à lui, abstenu d’établir une distinction entre ce qui est publié, non publié et privé et a plutôt qualifié la nature de toutes les œuvres dans l’enquête de volume en disant qu’il s’agissait des œuvres [TRADUCTION] « analysées et utilisées par des fonctionnaires dans l’intérêt public », [232] alléguant que cela tendait à rendre les utilisations équitables. Il a comparé cette situation à celle dans CCH, où la Cour suprême a statué que « la nature des œuvres en cause – les décisions judiciaires et d’autres œuvres essentielles à la recherche juridique – porte à croire que leur utilisation par le Barreau était équitable. » [233] La Cour suprême a convenu qu’« [i]l est généralement dans l’intérêt du public que l’accès aux décisions judiciaires et autres ressources juridiques ne soit pas limité sans justification. » [234]

[381] L’argument du Consortium équivaut à l’allégation tautologique selon laquelle, puisque les œuvres ont été utilisées par les fonctionnaires dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, cela montre qu’il devait s’agir du genre d’œuvres qui sont utilisées par les fonctionnaires. Il semblerait aussi y avoir double prise en compte du but de l’utilisation dans l’appréciation de la nature de l’œuvre lorsqu’il est allégué que, comme les œuvres sont généralement utilisées [TRADUCTION] « dans l’intérêt public », [235] leur nature donne à penser que l’utilisation est équitable, une approche qui, comme nous l’avons déjà mentionné, a été critiquée par la Cour suprême du Canada. [236]

[382] La vaste majorité des œuvres copiées étaient des articles de journaux ou des articles provenant de revues spécialisées, scientifiques ou professionnelles. La diffusion des œuvres est l’un des objets de la Loi, et la diffusion du genre d’œuvres relevées dans l’enquête de volume sera presque toujours d’intérêt public. Cependant, dans notre analyse du caractère équitable, les avantages d’une telle diffusion sont déjà pris en compte dans notre examen du caractère équitable du « but » de l’utilisation.

[383] Généralement, la nature des œuvres en l’espèce n’a pas tendance à rendre l’utilisation plus ou moins équitable. D’un côté, il s’agit d’œuvres publiées, qui, par leur nature, ne sont pas des œuvres dont la diffusion subséquente sans l’utilisation est improbable. De l’autre, il ne s’agit pas d’œuvres confidentielles pour lesquelles une telle diffusion pourrait ne pas être souhaitable.

[384] Dans un cas (cas no 180), le livre à partir duquel les copies avaient été faites semble être une collection de mots croisés. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une règle stricte, la reproduction d’œuvres qui, de par leur nature, sont consommées et jetées après usage peut tendre à rendre une utilisation moins équitable, ce qui est le cas en l’espèce.

vi. L’effet de l’utilisation sur l’œuvre

[385] L’effet de l’utilisation sur l’œuvre est un autre facteur qui peut être pris en considération lorsque l’on tente d’établir si une utilisation est équitable. La concurrence que la reproduction est susceptible d’exercer sur le marché de l’œuvre originale peut laisser croire que l’utilisation n’est pas équitable. Cependant, « [m]ême si l’effet de l’utilisation sur le marché est un facteur important, ce n’est ni le seul ni le plus important. » [237]

[386] Access a allégué ce qui suit :

[TRADUCTION] Les éléments de preuve découlant de l’enquête de 2011 donnent fortement à penser que la reproduction d’œuvres par les fonctionnaires provinciaux et territoriaux exerce de la concurrence sur le marché des œuvres originales. À titre d’exemple, chaque fois qu’un fonctionnaire provincial ou territorial reproduit un article de journal, il ne s’abonne pas au journal ni ne fait l’acquisition d’un droit unique d’octroyer une licence pour celui-ci. Cela a pour effet de réduire les revenus provenant des licences et des abonnements de l’éditeur de journal. [238]

[…]

En l’espèce […] les éléments de preuve au sujet de l’effet probable sur le marché ne manquent pas. Au cours des dix dernières années, le marché a créé des occasions pour que les organismes et les personnes puissent facilement obtenir eux-mêmes des licences à l’égard de documents protégés par le droit d’auteur – des mécanismes d’octroi de licence qui seraient compromis si les opposants pouvaient faire en sorte que toutes les copies effectuées soient exonérées du fait que l’utilisation est équitable. Le questionnaire de l’enquête de 2011 renferme les réponses des répondants au sujet de ce qu’ils feraient s’ils ne pouvaient pas simplement effectuer des copies, et nombre d’entre eux ont mentionné, à titre de solution de rechange, qu’ils feraient l’acquisition d’un droit unique pour faire une copie ou qu’ils renverraient les autres aux œuvres. Les utilisations des opposants contournent les systèmes d’octroi de licences en place aujourd’hui, et la Commission est donc fondée de conclure que l’effet de l’utilisation sur le marché est défavorable. [239]

[387] Access a également soutenu que [TRADUCTION] « l’enquête de 2011 démontre que, pour 91,8 pour cent du volume, il y avait des solutions de rechange à la reproduction de l’œuvre. » En fait, Access a allégué que, puisque, selon elle, l’analyse des [TRADUCTION] « solutions de rechange à l’utilisation » porterait à croire que l’utilisation était inéquitable, l’analyse de [TRADUCTION] « l’effet sur le marché » doit aussi porter à croire que l’utilisation est inéquitable.

[388] La démarche d’Access part du principe que chaque utilisation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur sera une utilisation où le titulaire du droit d’auteur de l’œuvre avait la possibilité de vendre un droit unique d’octroyer une licence pour cette utilisation. Si ce facteur était apprécié sur ce fondement, chaque utilisation exercerait de la « concurrence sur le marché de l’œuvre originale ». C’est probablement pour cette raison que, dans CCH, la Cour suprême du Canada a déclaré que la possibilité d’obtenir une licence pour faire la reproduction d’une œuvre n’était pas pertinente pour décider du caractère équitable d’une utilisation. [240]

[389] Access a aussi essayé d’utiliser d’autres facteurs pour étayer la conclusion que ces utilisations doivent avoir un effet défavorable sur les œuvres. En effet, des facteurs tels que la nature de l’utilisation, l’ampleur de l’utilisation et les solutions de rechange à l’utilisation peuvent être étroitement liés à l’effet de l’utilisation.

[390] Cependant, essayer de déterminer l’effet probable de la reproduction en se fondant sur les éléments de preuve déjà pris en compte dans d’autres facteurs, comme la nature de l’utilisation, l’ampleur de l’utilisation ou les solutions de rechange à l’utilisation, entraînerait probablement le genre de « double prise en compte » qui a été critiqué par la Cour suprême du Canada dans Alberta. [241] Comme nous l’avons déjà mentionné, l’effet d’une telle approche serait d’accorder à un élément particulier plus d’importance qu’il faudrait autrement le faire.

[391] Le Consortium, quant à lui, a soutenu que la question qui se posait était celle de savoir si :

[TRADUCTION] les copies produites par les gouvernements provinciaux et territoriaux avaient fait fléchir le marché des œuvres des éditeurs, et plus particulièrement à la suite des copies en cause. La preuve dont dispose la Commission ne démontre pas que les copies produites par les gouvernements provinciaux et territoriaux ont fait fléchir le marché des œuvres des éditeurs. [242]

[392] Il est vrai qu’Access n’a pas présenté d’éléments de preuve permettant d’établir directement que les copies en cause avaient cet effet, mais cela ne veut pas automatiquement dire que [TRADUCTION] « ce facteur porte donc à croire que l’utilisation est équitable ». Ainsi, comme pour les facteurs précédents, lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour examiner un facteur particulier, nous concluons que l’analyse de ce facteur ne milite ni en faveur du caractère équitable ni en faveur du caractère inéquitable de l’utilisation.

[393] Étant donné qu’aucun élément de preuve direct permettrait d’établir avec certitude l’effet de l’utilisation relevée dans l’enquête de volume sur les œuvres qui seraient copiées, et étant donné que le fait de se fonder sur des aspects qui ont déjà été pris en considération dans le cadre d’autres facteurs pouvait avoir pour conséquence d’enlever la proportionnalité de l’analyse du caractère raisonnable, nous jugeons que ce facteur ne milite ni en faveur du caractère équitable ni en faveur du caractère inéquitable des utilisations dans l’enquête de volume.

E. Utilisation équitable – Conclusions

[394] Comme nous l’avons déjà mentionné, les facteurs de l’utilisation équitable ne sont pas des critères ou des éléments, mais bien des facteurs. Autrement dit, il s’agit de points qu’il est utile de prendre en considération dans une analyse du caractère raisonnable, et non de conditions qui doivent être remplies pour qu’une utilisation soit équitable. Il est aussi important de souligner que, puisque la question de l’utilisation équitable comporte une pondération des facteurs, la présence d’un seul facteur qui porterait à croire qu’une utilisation est inéquitable ne rend pas automatiquement cette utilisation inéquitable.

[395] Bien que ces facteurs puissent aider à trancher la question du caractère équitable, le caractère équitable est une question d’impression. Dans les affaires comme celle dont nous sommes saisis, cette impression doit être fondée sur des éléments de preuve qui ne sont peut-être pas aussi détaillés que dans des situations où seulement une ou plusieurs utilisations sont en cause, ce qui pourrait être le cas dans une action en contrefaçon. Certains éléments de preuve peuvent être insuffisants en tout ou en partie. Ainsi, l’impression à dégager sera fondée sur les éléments de preuve disponibles.

[396] En raison de la nature de l’enquête de volume, l’interprétation des données générées posait des difficultés importantes. Par exemple :

  • Lorsque plus d’une copie d’une œuvre a été faite, les copies ont-elles toutes été faites aux fins mentionnées dans le cas consigné, ou certaines copies ont-elles été faites à certaines fins mentionnées, et d’autres à d’autres fins?

  • Lorsqu’une œuvre a été envoyée par courriel, l’un des destinataires (ou l’unique destinataire) était-il l’employé ayant fait la copie? Bien des scanneurs de bureau envoient le fichier numérique créé par courriel à l’employé.

  • Lorsqu’une personne mentionne une fin comme la « recherche », et lorsque cet employé a envoyé par courriel une copie de l’œuvre à une autre personne, le courriel a-t-il été envoyé au destinataire aux fins de recherche?

[397] Lorsque nous avons examiné les données de l’enquête de volume, nous étions conscients de ces limites et de limites semblables, et nous avons généralement privilégié les interprétations les plus simples par rapport aux plus complexes (p. ex., toutes les copies ont été faites aux mêmes fins).

[398] Nous avons analysé séparément chacun des 136 cas restants en ce qui concerne leur caractère équitable. Pour 22 de ces cas, nous ne disposions d’aucune preuve permettant de savoir si la copie avait été effectuée à une fin permise et constituait une utilisation équitable. Nous avons exclu ces cas de l’analyse du caractère équitable, et avons donc estimé qu’il s’agissait d’utilisations donnant droit à rémunération au titre du présent tarif.

[399] Au total, 67 cas comportaient des caractéristiques très similaires. Il est donc possible de donner une description approximative de cette « catégorie » de cas. Il était précisé que la fin poursuivie était la recherche (notamment pour consultation ultérieure) ou l’étude privée (notamment l’éducation), ou bien la critique, le compte rendu, le commentaire, ou la communication de nouvelles, mais sans intégration dans une autre œuvre. Il a donc été considéré que l’utilisation visait la recherche ou l’étude privée (probablement en vue de la préparation d’une critique, d’un compte rendu, etc.).

[400] L’ampleur de la reproduction était soit l’intégralité d’un article, soit moins de 10 pour cent d’un livre. Une seule copie de l’œuvre a été effectuée dans ces cas de copie. L’unique copie n’a pas été faite par l’affichage de l’œuvre sur l’intranet ou sur Internet, ou envoyée par courriel ou par télécopieur. Il était mentionné que la copie était liée au travail, ou qu’aucune copie de l’œuvre n’avait été conservée, diminuant ainsi la probabilité que la copie fasse l’objet d’une diffusion plus large et inéquitable. De plus, toute diffusion de la copie était au sein du même gouvernement où la reproduction avait été faite. Enfin, l’employé mentionnait qu’il n’envisagerait que quelques « solutions de rechange » si l’utilisation était par ailleurs illégale.

[401] Nous concluons que ces 67 cas constituent des utilisations équitables aux fins de l’établissement d’un taux de redevances pour le Tarif.

[402] Les 47 cas restants sont plus difficiles à décrire en tant que groupe généralement uniforme. Les opposants ont convenu que cinq de ces cas donnaient droit à rémunération. [243] Nous estimons donc que ces cas donnent droit à rémunération, ce qui nous laisse 42 cas à examiner.

[403] Si nous appliquons les conclusions, les principes et les raisonnements juridiques que nous avons dégagés ci-dessus, et qui sont compatibles avec la démarche déjà suivie relativement aux 67 cas susmentionnés, nous concluons que des 42 cas restants, 30 cas constituent des utilisations équitables aux fins du Tarif. Ainsi, le nombre total de cas considérés comme des utilisations équitables est de 97.

[404] À notre avis, il est utile de donner quelques exemples pour montrer comment les 42 cas de copie ont été analysés.

[405] Par exemple, dans le cas no 8, une personne a mentionné qu’elle avait fait trois copies de l’intégralité d’un article de revue de huit pages en l’envoyant par courriel, en le sauvegardant, en l’imprimant et en conservant deux copies pour elle même, puis en fournissant une copie à une autre personne de la même Direction générale; qu’elle avait fait les copies principalement dans son propre intérêt (ainsi qu’aux fins d’étude privée, de compte rendu [sans intégration du document dans un compte rendu] et pour consultation ultérieure); que l’utilisation était en partie liée au travail; qu’elle n’avait pas diffusé la copie à l’extérieur du gouvernement; qu’elle aurait essayé d’obtenir un droit unique (si la reproduction avait été illégale), qu’elle aurait fait référence à l’article sans le reproduire et qu’elle l’aurait quand même reproduit.

[406] Dans ce cas-ci, une combinaison des fins nous permet de conclure que l’utilisation visait la recherche liée à l’emploi ou l’étude privée. L’employé a reproduit l’article entier, mais cela pouvait être nécessaire pour de telles activités. La diffusion dans ce cas était restreinte. Enfin, bien que l’employé ait mentionné plusieurs solutions de rechange possibles, il a aussi mentionné qu’il aurait quand même reproduit l’article. Cela nous amène à conclure que les autres solutions de rechange n’étaient probablement pas des solutions de rechange valables et raisonnables. De plus, la possibilité d’obtenir une licence n’est pas une solution de rechange pertinente. Ni la nature de l’œuvre (un article d’une revue publiée), ni l’effet de l’utilisation (qui est inconnu) n’ont tendance à rendre l’utilisation plus ou moins équitable. Dans ce cas-ci, l’analyse des facteurs relatifs au caractère équitable nous amène à conclure que le cas de copie constitue une utilisation équitable.

[407] Autre exemple, dans le cas no 9, une personne a mentionné qu’elle avait imprimé et sauvegardé deux pages d’un article de magazine de longueur inconnue, et conservé les deux copies pour elle-même; qu’elle ne savait pas si elle avait diffusé une copie à une autre personne; qu’elle avait fait les copies aux fins d’étude privée, d’éducation, pour servir l’intérêt public, par intérêt personnel, en vue de consultation ultérieure ainsi que dans l’intérêt de tiers; que l’utilisation n’était pas liée au travail; qu’elle n’avait pas diffusé la copie à l’extérieur du gouvernement; et qu’elle aurait (si la reproduction avait été illégale) fait référence à l’article sans le reproduire, qu’elle se serait débrouillée sans le reproduire et qu’elle aurait utilisé une source différente.

[408] Dans ce cas-là, compte tenu des autres réponses (p. ex., « pour servir l’intérêt public », malgré le fait que les copies n’aient pas été diffusées à l’extérieur du gouvernement et qu’elles ne fussent pas liées au travail), la combinaison des fins fait en sorte qu’il est difficile de déterminer avec exactitude le but de l’utilisation. La portée de la diffusion, bien qu’elle soit probablement restreinte, est inconnue. Bien qu’on ne sache pas avec exactitude quelle est l’ampleur de l’utilisation, il s’agit probablement de l’article entier, comme c’était le cas dans la majorité des cas où des articles ont été copiés dans l’enquête de volume. En outre, le nombre de solutions de rechange possibles était suffisant pour nous permettre de conclure qu’il existait probablement une solution de rechange raisonnable. Ni la nature de l’œuvre (un article d’un magazine publié), ni l’effet de l’utilisation (qui est inconnu) n’ont tendance à rendre l’utilisation plus ou moins équitable. Dans ce cas-là, l’analyse des facteurs relatifs au caractère équitable nous amène à conclure que le cas de copie ne constitue pas une utilisation équitable.

[409] Enfin, il est important de se rappeler que conclure au caractère équitable d’un cas de copie en particulier n’équivaut pas à conclure que le cas relevé dans l’enquête de volume de 2011 constituait une utilisation équitable. Il s’agit plutôt d’une conclusion selon laquelle le cas représente un certain volume de reproduction qui a eu lieu au cours de la période visée par le Tarif qui, d’après nous, est équitable. Cette distinction peut sembler ténue, mais elle est importante.

XIII. LES DÉFENSES AUTRES QUE CELLES PRÉVUES PAR LA LOI

[410] Les opposants soutiennent qu’il existe des défenses contre les violations du droit d’auteur qui débordent le cadre de celles qui sont énoncées dans la Loi. Access a répondu qu’étant donné que [TRADUCTION] « le droit d’auteur tire son origine de la loi, seul le législateur a la prérogative d’énoncer les exceptions à la protection que confère ce droit ». [244]

[411] La Loi dispose que « [n]ul ne peut revendiquer un droit d’auteur autrement qu’en application de la présente Loi ou de toute autre loi fédérale. » Indépendamment de cette restriction quant à la manière de créer des droits assimilables au droit d’auteur, [245] il est possible que des défenses non énoncées dans la Loi, comme les recours en equity, soient disponibles.

[412] Les défenses reconnues en common law demeurent applicables dans d’autres secteurs du droit qui ont été codifiés. Par exemple, malgré l’existence de certaines défenses énumérées dans la Loi sur la diffamation [246] de l’Ontario, ainsi que dans des lois semblables, les défenses reconnues en common law demeurent disponibles dans ce contexte. Dans le même ordre d’idées, la codification dans le Code criminel [247] d’actes criminels et de certaines défenses opposables à ces actes, de pair avec l’abolition des infractions de common law, n’a pas éliminé pour autant la totalité des défenses reconnues en common law qui n’ont pas été ainsi codifiées.

A. La défense d’intérêt public

[413] Citant deux décisions du Royaume Uni, Beloff c. Pressdram Ltd. [248] et Hubbard c. Vosper, [249] le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait valoir qu’il existait un certain fondement à une [TRADUCTION] « “défense d’intérêt public” contre une violation dans les cas où des droits individuels, y compris le droit d’auteur, peuvent être supplantés par l’intérêt public, si l’affaire est sérieuse et revêt un intérêt national. » [250] Il a toutefois admis que [TRADUCTION] « une défense de cette nature ne s’appliquerait qu’à titre exceptionnel. » [251]

[414] Si cette défense d’« intérêt public » existe bel et bien, la preuve restreinte qui découle de l’enquête de volume ne nous amène pas à conclure que l’un quelconque des cas était de nature à bénéficier d’une telle défense.

B. L’utilisation d’œuvres dans des instances judiciaires

[415] Le Consortium a fait valoir qu’une utilisation équitable peut être effectuée pour les besoins d’une instance judiciaire. À l’appui de cette thèse, il a souligné la décision rendue dans CCH, où la Cour suprême du Canada a déclaré que la politique en matière de service de photocopie de la Grande bibliothèque, dont on évaluait le caractère équitable :

ne permet pas que tout ouvrage juridique soit photocopié à n’importe quelle fin. Une demande ne sera acceptée que si l’usager compte utiliser l’œuvre aux fins de recherche, d’étude privée, de critique ou de compte rendu, ou encore pour les besoins d’une instance judiciaire. Voilà qui étaye davantage la thèse de l’utilisation équitable. [252] [italique ajouté]

[416] Cependant, la manière dont le Consortium conçoit ce passage découle peut être de l’ambiguïté que crée l’emploi du mot « fin », relativement au premier et au second volet du critère de l’utilisation équitable, comme nous l’avons vu plus tôt à la partie XII.D.1. Dans son examen du second volet de ce critère, la Cour suprême était probablement d’avis que la fin pour laquelle on utilisait une œuvre dans une instance judiciaire tendait à rendre l’utilisation équitable.

[417] Il est possible que dans une instance judiciaire l’on puisse invoquer avec succès une défense d’utilisation équitable à l’égard de l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Par exemple, lorsque les parties à une instance ont besoin de documents pour une recherche (soit la leur, soit celle du décideur), il peut être équitable qu’une partie fasse des copies à cette fin.

[418] Cependant, dans la mesure où le Consortium soutient qu’il existe une défense distincte, reconnue en common law, contre une violation pour les besoins d’une instance judiciaire, il n’a pas produit suffisamment d’éléments de preuve de son existence.

C. Conclusions

[419] Compte tenu de ce que nous avons conclu au sujet de l’inapplicabilité en l’espèce de défenses autres que celles prévues par la loi, cela laisse 36 cas donnant droit à rémunération aux fins de l’établissement d’un taux de redevances pour le présent tarif.

[420] Le sommaire de nos conclusions sur le caractère rémunérable des cas de copie visés par l’enquête de volume figure à l’annexe, au tableau 2.

XIV. ANALYSE ÉCONOMIQUE

A. Deux méthodes différentes pour déterminer les taux de redevances

i. Introduction des deux méthodes

[421] Dans la présente affaire, Access et les opposants proposent deux méthodes très différentes pour déterminer le taux de redevances qui s’applique au Tarif.

[422] Access propose une méthode appelée « juste valeur marchande » (la JVM). Comme l’a expliqué l’expert d’Access, M. Heys, la JVM est [TRADUCTION] « [l]e prix le plus haut, exprimé en espèces, dans un marché libre et dépourvu de toute restriction dont conviennent des parties éclairées et prudentes, agissant sans lien de dépendance et sans contrainte aucune. » [253] Il s’agit là de la définition type de la JVM et, pour cette raison, nous l’acceptons.

[423] Comme points de référence possibles, Access a proposé certaines des transactions menées entre elle-même ou Copibec et divers gouvernements provinciaux. Appliquant la méthode de la JVM, M. Heys a choisi la transaction qui, selon lui, correspondait le plus à la définition de la JVM et il l’a proposée comme référence à employer dans la présente affaire.

[424] Les opposants ont proposé une méthode appelée [TRADUCTION] « volume multiplié par valeur » (VMV) dans laquelle le volume de copies est mesuré au moyen d’un sondage ou d’un recensement. La valeur est mesurée en cents par page, et est habituellement liée au prix de détail de l’élément copié. Pour chaque type d’élément copié (appelé « genre » en l’espèce), on multiplie la valeur et le volume. Les produits sont ensuite totalisés pour tous les genres.

[425] Tant Access que les opposants ont fait des commentaires sur leur méthode respective. Malgré le fait que les parties ont convenu de mener une étude [TRADUCTION] « en vue d’estimer l’ampleur de la reproduction de documents publiés », [254] Access a fait valoir qu’il n’y avait pas assez de données valables pour utiliser la méthode du VMV et que, en tout état de cause, il faudrait toujours privilégier la méthode de la JVM. [255] Par contraste, les opposants ont soutenu qu’on pouvait utiliser la méthode de la JVM dans certaines circonstances où la méthode du VMV était disponible, mais qu’Access utilisait la méthode de la JVM de façon incorrecte. [256]

ii. Un problème posé par l’utilisation de la méthode de la JVM

[426] Dans un marché concurrentiel, il existe de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs pour un bien ou un service particulier. Chacun de ces acheteurs et vendeurs a un prix de réserve particulier. [257] Cependant, en raison de l’équilibre du marché, [258] un prix unique ressort habituellement. Ce prix unique est le prix d’équilibre. Le prix d’équilibre est le prix de réserve le plus élevé que l’un des acheteurs participant à la transaction est disposé à payer et, en même temps, le prix de réserve le plus bas que l’un des vendeurs participant à la transaction est disposé à accepter. C’est aussi le prix équivalant à la JVM.

[427] Dans un marché bilatéral, il n’y a qu’un seul acheteur et un seul vendeur pour le bien ou le service. Là encore, chacun des deux a un prix de réserve. En présumant que le prix de réserve de l’acheteur (le prix le plus élevé que celui-ci est disposé à payer) est supérieur au prix de réserve du vendeur (le prix le plus bas que celui-ci est disposé à accepter), une transaction sera conclue. Le prix transactionnel se situe quelque part dans l’intervalle qui sépare le prix de réserve du vendeur et le prix de réserve de l’acheteur. [259] Chaque prix figurant dans cet intervalle est un prix d’équilibre (y compris le prix transactionnel). Toutefois, le prix équivalant à la JVM est le prix de réserve de l’acheteur.

[428] Dans un marché où n’y a qu’un seul acheteur et un seul vendeur, le prix équivalant à la JVM ne sera vraisemblablement pas le prix transactionnel. De plus, comme le prix équivalant à la JVM est le prix acceptable le plus élevé, il y a peu de chances qu’il s’agisse d’un prix juste et équitable.

[429] Nous nous soucions d’un autre aspect des données qu’Access a mis de l’avant. Les données relatives aux licences sont peu nombreuses; elles sont de ce fait un peu « granulaires » et moins fiables pour fixer un tarif.

[430] Pour ces raisons, nous sommes peu disposés à utiliser la méthode de la JVM dans le contexte de données qui découlent d’un faible nombre de transactions bilatérales. [260] Nous mettons cependant de côté ces préoccupations et analysons de quelle manière Access a appliqué dans la pratique le concept de la JVM.

iii. La JVM, telle qu’utilisée par Access

[431] Concrètement, la JVM d’un bien est déterminée habituellement en trouvant et en évaluant une série de transactions de marché (ou points de référence) qui visent des biens semblables. Dans la mesure où ces transactions ont trait à des biens suffisamment semblables, et où elles respectent les conditions de la JVM (lesquelles sont exprimées dans la définition de la JVM), on peut dire que leur prix équivaut à la JVM.

[432] Théoriquement, la qualité du calcul de la JVM dépend de celle des points de référence. Si on ne peut trouver aucun point de référence valable, le calcul de la JVM sera de faible qualité.

[433] Pour la partie du Tarif visant la période de 2005-2009, Access a pris en considération quatre points de référence possibles. [261] Selon cette dernière, les taux des licences de la Saskatchewan et de l’Alberta ont généré un point de référence de 2,72 $ par ETP. Le taux de la licence de 1998 avec l’Ontario a généré un point de référence de 3,03 $ par ETP. Celui de la licence de 2004 avec le Canada a généré un point de référence de 8,40 $ par ETP. [262] Enfin, la licence de 2003 [de Copibec] avec le Québec a généré un point de référence de 10,50 $.

[434] Access a fait valoir que ni les licences de la Saskatchewan et de l’Alberta, ni celle de l’Ontario ne pouvaient servir de point de référence à la JVM parce que les parties disposaient de renseignements restreints [263] et qu’Access s’était sentie obligée d’agir. Pour les mêmes raisons, Access a fait valoir de plus que la licence du Canada de 2004 ne pouvait servir de point de référence à la JVM. [264] Ayant de ce fait éliminé trois des quatre points de référence qu’elle proposait, Access a utilisé pour la JVM le point de référence de 10,50 $ que prévoyait la licence restante, celle de 2003 avec le Québec.

[435] Les arguments qu’invoque Access à l’égard de la période de 2010-2014 du Tarif sont semblables. Pour cette période, Access a utilisé la JVM proposée de 10,50 $ pour la période de 2005-2009 et l’a rajustée pour tenir compte de l’inflation. [265] Comme le font remarquer les opposants, cela équivaut à se servir de la licence de 2003 avec le Québec en vue de fixer les prix applicables aux deux périodes visées par le Tarif. [266]

[436] Si nous avions l’intention d’utiliser la méthode de la JVM, nous conclurions qu’Access a rejeté trop rapidement les trois licences qui s’appliquent à la période 2005-2009 du Tarif. Premièrement, la définition de la JVM exige que les parties soient informées et prudentes. M. Heys a déclaré que la JVM n’exige pas des renseignements parfaits, mais plus que les renseignements restreints dont disposaient les parties à l’époque où elles ont négocié les trois licences en question. En particulier, M. Heys est d’avis que cette méthode exige des renseignements qui pourraient découler d’un sondage sur les copies. [267] Nous convenons avec M. Heys qu’il n’est pas obligatoire de disposer de renseignements parfaits, mais nous ne sommes pas d’accord pour dire qu’un sondage sur les copies est requis.

[437] Le fait qu’aucun sondage sur les copies n’ait été mené pour les licences de l’Alberta, de la Saskatchewan et de l’Ontario signifie qu’il existe un problème de renseignements asymétriques, puisque les gouvernements peuvent savoir combien de copies sont faites, mais pas Access. Toutefois, ce problème n’était pas grave au point où la transaction n’a pas eu lieu. On pourrait donc probablement tout de même considérer que les parties sont éclairées et prudentes.

[438] Deuxièmement, nous sommes d’avis que l’argument de l’obligation d’agir d’Access est inexact. [268] Une obligation signifie qu’il n’y a aucune solution de rechange raisonnable. Access n’était pas obligée de faire affaire avec les gouvernements de ces trois provinces; si elle trouvait les redevances trop basses, elle aurait pu tout simplement ne pas leur accorder une licence. Dans la mesure où ces gouvernements avaient néanmoins copié des œuvres du répertoire d’Access, et qu’ils n’avaient pas obtenu des titulaires des droits une licence pour ces copies, ces titulaires auraient pu intenter une poursuite contre les auteurs présumés des violations. Il se peut fort bien que la meilleure option d’Access était de négocier avec ces trois provinces; cependant, tant qu’il existe des solutions de rechange raisonnables, il n’y a pas d’obligation.

[439] Nous concluons aussi qu’il est contradictoire qu’Access ait utilisé la méthode de la JVM pour la période de 2005-2009 visée par le Tarif et qu’elle l’ait ensuite abandonnée pour la période de 2010-2014, en appliquant un facteur d’inflation à la valeur obtenue pour la période de 2005-2009. Si la JVM est la méthode qui convient pour fixer ces tarifs, et étant donné que l’on disposait de points de référence pour les deux périodes tarifaires, il aurait été normal d’utiliser la JVM pour les deux périodes en question. Il est regrettable que ce fait n’ait pas été évident dans la preuve écrite d’Access, mais qu’il soit plutôt ressorti à la suite du vigoureux contre-interrogatoire de M. Heys. [269] Il s’agit d’un élément clé de la méthodologie d’Access; il aurait fallu que ce soit plus explicite. En fait, tous les prix applicables aux deux périodes du Tarif sont liés à une seule entente, signée entre le Québec et Copibec en 2003.

[440] Nous examinons maintenant la licence de 2003 avec le Québec. [270] Nous savons fort peu de choses du contexte de cette dernière. La licence elle-même date de plus de 10 ans et, même si elle a été renouvelée par la suite, elle reflète la période de négociation de 2003. Elle reflète également le pouvoir de négociation du gouvernement du Québec et de Copibec, sur lequel nous n’avons pas non plus d’éléments de preuve.

[441] Un examen du texte de cette licence révèle plusieurs clauses qui n’étaient pas présentes dans le projet de tarif de 2010. Premièrement, il y a une clause d’indemnisation. [271] Access a tenté de façon générale de chiffrer la clause d’indemnisation qu’elle offrait dans ses licences à 6,5 pour cent de ses licences de référence ou moins. [272] Mais cela n’est pas une indication de la valeur de la clause d’indemnisation de Copibec. Même si la taille du répertoire d’Access et de celui de Copibec est à peu près la même, cela ne veut pas forcément dire que la valeur d’une clause d’indemnisation est la même pour les licences délivrées par les deux sociétés de gestion.

[442] M. Dujsic, expert du Consortium, a expliqué que la clause d’indemnisation est une obligation éventuelle [273] et que la probabilité qu’il survienne un fait catastrophique (dans le cas présent, une poursuite intentée par un titulaire de droits non affilié contre un titulaire de licence d’Access) doit être appréciée pour que l’on accorde une valeur à cette clause. Cela ne peut cependant pas se faire en examinant uniquement les usages antérieurs de la clause. [274]

[443] Nous sommes d’accord avec M. Dujsic. Nous ajouterions cependant d’autres facteurs qui pourraient avoir une incidence sur la valeur de la clause d’indemnisation, comme la propension des non-affiliés de Copibec d’intenter des poursuites, les juridictions où ces poursuites sont introduites, la tendance des tribunaux dans ces juridictions à trancher en faveur des titulaires de droits et les montants adjugés par les tribunaux qui se prononcent en faveur de ces titulaires, dans le cadre d’un tel calcul de l’obligation éventuelle.

[444] Par ailleurs, les parties ont convenu de fractionner le coût d’une enquête de volume, mais de plafonner le coût supporté par le gouvernement du Québec à 30 000 $. [275] Le coût d’une enquête pour le gouvernement du Québec serait certainement beaucoup plus élevé. À titre d’exemple, le coût de l’enquête K-12 de 2005-2009 était d’environ 3 000 000 $. [276] Il a donc peut-être été au bénéfice du Québec de payer un taux par ETP supérieur afin d’éviter un coût d’enquête très élevé.

[445] Conséquemment, pour tous les motifs énoncés ci-dessus, nous rejetons l’utilisation de la méthode de la JVM de la façon dont Access l’a appliquée dans la présente affaire.

[446] Examinons maintenant quelques questions précises concernant la méthode du VMV.

iv. La méthode du VMV : la phase 2 a-t-elle échoué?

[447] Dans son exposé préliminaire, l’avocat des opposants a invoqué deux arguments concernant la méthode du VMV. Premièrement, il s’agit d’une méthode que la Commission a approuvée dans la décision K-12. [277] Deuxièmement, près de 10 000 personnes ont participé au sondage qui sous-tend le calcul de la méthode du VMV; mettre de côté leurs efforts requiert quelques justifications. [278] Nous sommes d’avis que ces deux arguments sont peu convaincants. En fin de compte, l’utilité de la méthode du VMV est une question empirique.

[448] Dans l’abstrait, la qualité du calcul de la méthode du VMV dépend de celle du sondage ou du recensement, ainsi que de la mesure des prix. Mais, comme les prix des éléments copiés sont habituellement mesurés d’une manière relativement facile (la plupart de ces éléments se négocient régulièrement dans un marché de détail), la qualité du calcul de la méthode du VMV se résume habituellement à celle de l’instrument qui a servi à mesurer le volume. Ce qui nous amène à examiner la question clé : la phase 2 a-t-elle échoué? Lors des discussions préliminaires menées avant l’exécution de l’enquête, l’un des points qui préoccupait Access était que la phase 2 échoue. [279]

[449] Comme nous l’avons vu plus tôt à la partie VI, la phase 1 a été la phase « rappel » de l’enquête de volume et la phase 2 a été sa phase « enregistrement ». Access a qualifié l’échec de la phase 2 comme étant le résultat d’une partie ou de l’ensemble des critères suivants : [280]

  • le faible taux d’acceptation de la participation à la phase 2;

  • le faible taux de lancement de la phase 2;

  • le faible taux de complétion de la phase 2;

  • un certain nombre de cas déclarés dans la phase 2 qui seraient nettement inférieurs au nombre de cas déclarés pour la période de 30 jours la plus récente dans la phase 1;

  • un nombre nettement inférieur de cas dans la semaine 2 de la phase 2, comparativement à la semaine 1;

  • le délai de production des rapports, ce qui montre que les rapports n’étaient pas faits en même temps que l’activité;

  • les proportions importantes de choix « Ne sais pas » ou « Pas de réponse ».

[450] Nous souscrivons à la manière dont Access caractérise l’échec de la phase 2, mais non à sa prétention selon laquelle la phase 2 avait peu de chances de succès (avant le sondage) ou que la phase 2 avait échoué (après le sondage). [281]

[451] En vue d’évaluer ces questions, la Commission a demandé ce qui suit aux parties le 4 décembre 2012 :

[TRADUCTION]

Parmi les personnes invitées à répondre à la phase 2, 62 pour cent (groupe A) l’ont fait et 38 pour cent (groupe B) ne l’ont pas fait. Pour chacun des groupes A et B, veuillez fournir des statistiques sommaires (moyenne, écart type et nombre de répondants) pour les réponses aux deux questions suivantes :

Q3_A. Combien de fois, le cas échéant, diriez-vous que vous avez fait des photocopies d’un livre, d’un magazine, d’un article de revue ou d’un journal ou demandé à quelqu’un de le faire pour vous entre les 31 à 60 jours qui précèdent?

Q4_A. Combien de fois, le cas échéant, diriez-vous que vous avez fait des photocopies d’un livre, d’un magazine, d’un article de revue ou d’un journal ou demandé à quelqu’un de le faire pour vous au cours des 30 derniers jours?

[452] Après avoir reçu l’information et que le personnel de la Commission l’ait analysée, la Commission a envoyé aux parties l’avis supplémentaire suivant le 14 mars 2013 :

[TRADUCTION]

Le but [des questions posées le 4 décembre] était d’établir si la phase 2 était biaisée et, dans l’affirmative, si le biais était corrigible. En se fondant sur les réponses des parties, le personnel de la Commission a examiné la possibilité qu’il y ait deux biais : un biais de sélection sur le plan de la participation et un biais de sélection sur le plan de l’exécution.

Le personnel de la Commission a examiné ces biais possibles en recourant à un test t. À partir de cette analyse, la Commission a conclu provisoirement que : a) il n’y a aucune preuve de biais de sélection sur le plan de la participation, soit pour les photocopies, soit pour l’ensemble des méthodes de copie considérées de manière conjuguée, et b) bien qu’il existe une preuve empirique d’un biais de sélection sur le plan de l’exécution (les auteurs de copies qui ont rempli la phase 2 ont fait 5,75 pour cent moins de copies que ceux qui ne l’ont pas fait, selon une moyenne pondérée), il est possible de corriger les données relatives à la phase 2 au moment de leur utilisation pour tenir compte de cette preuve.

Sont joints au présent avis l’analyse relative au test t ainsi que les fichiers Excel applicables. Les parties peuvent formuler des commentaires sur le test t et sur sa pertinence et sa fiabilité, ainsi que sur les conclusions provisoires de la Commission à cet égard. [282]

[453] Le Consortium a souscrit aux conclusions provisoires de la Commission, à savoir qu’il n’existe aucune preuve de biais de participation, qu’il existe une preuve de biais d’exécution et que ce dernier peut être corrigé au moyen d’un rajustement de 5,75 pour cent. [283]

[454] Access n’a pas contesté les calculs du personnel de la Commission, mais a plutôt mis en doute la question de savoir si les résultats du test t [284] conviennent pour établir si la phase 2 a échoué. Access a formulé à cet égard plusieurs commentaires que la Commission devrait prendre en compte :

  1. il y a eu un faible taux de participation à la phase 2;

  2. la phase 2 ne peut être erronée qu’à cause d’une sous-déclaration;

  3. fort peu de cas ont été déclarés à la phase 2;

  4. la phase 2 comporte une marge d’erreur d’échantillonnage statistique fort importante;

  5. il est impossible de corriger le biais d’exécution en augmentant le nombre de copies de 5,75 pour cent. [285]

[455] Nous signalons que les commentaires 1, 3 et 4 soulèvent essentiellement la même question : la taille de l’échantillon est petite. Mais cela n’est pas surprenant. La phase 2 était un sondage volontaire à double recrutement. Même si chacun des gouvernements provinciaux en a fait la promotion, il s’agissait d’un sondage volontaire et l’on sait que, dans ce type de sondage, les taux de participation sont faibles. Si le taux de participation est faible, il y aura un faible nombre de cas déclarés. Si l’on déclare peu de cas, il y a forcément une marge d’erreur importante. De plus, comme l’a fait valoir l’avocat des opposants, les marges d’erreur des deux phases ne sont pas directement comparables, parce qu’Access a eu recours à des méthodes de troncature [286] à la phase 1, mais pas à la phase 2. [287] De plus, comme l’a signalé M. Wilk, l’imputation réduit forcément la marge d’erreur parce qu’elle ajoute des données à la valeur moyenne. [288]

[456] De plus, que l’échantillon soit petit ou non n’est pas, en soi, pertinent. Ce qui est pertinent, c’est le fait de savoir si le petit échantillon est représentatif, car le plan d’échantillonnage était un simple échantillon aléatoire comportant deux caractéristiques attrayantes. Premièrement, l’échantillon de recrutement initial (phase 1) était extrêmement grand par rapport à la population statistique (plus d’un employé du gouvernement sur six a été contacté). Plus l’échantillon de recrutement est grand, meilleures sont les chances que l’échantillon d’un sondage soit statistiquement représentatif. Deuxièmement, étant donné qu’on a conservé des observations détaillées sur les décisions des répondants de ne plus participer au sondage mené auprès des répondants, ces observations peuvent être repondérées en vue d’obtenir une stratification théorique. [289] C’est-à-dire qu’il est possible de tenir compte du fait que les données de sondage brutes ne sont pas représentatives de la taille des effectifs provinciaux.

[457] Le commentaire no 2 est tout simplement faux. En fait, il se peut que la phase 2 soit erronée dans les deux sens. Il est possible que les répondants fassent une surdéclaration (en déclarant la même transaction plusieurs fois) ou une sous-déclaration (en ne déclarant pas une transaction). Cependant, même si le commentaire no 2 était véridique, il serait peu pertinent, car il n’est pas lié à la question de savoir si la phase 2 a bel et bien échoué. Il s’agit d’une question de conception pour la phase 2. S’il était vrai que cette dernière ne peut être erronée que dans un sens, il ne serait pas nécessaire de recueillir des données de la phase 2 pour le vérifier. En conséquence, que nous considérions ou non le commentaire no 2 comme un commentaire abstrait ou que nous nous concentrions sur l’affirmation d’Access selon laquelle le Consortium n’a jamais prouvé que la phase 2 fût erronée dans les deux sens, nous n’arriverions pas à la conclusion que la phase 2 a échoué dans l’un ou l’autre cas.

[458] Enfin, la question de savoir s’il est possible de corriger le biais de complétion est ultimement une affaire de jugement. Nous pourrions déterminer le biais et ne pas le corriger au motif que le biais n’est pas quantifiable. Ou, s’il est quantifiable, nous pourrions corriger le biais. À notre avis, la possibilité de quantifier le biais, de pair avec le fait que les opposants appuient la quantification du biais, est une raison suffisante pour le corriger.

v. La méthode du VMV : devrions-nous utiliser les données de la phase 1 ou de la phase 2?

[459] Avant de procéder au sondage, les parties ont invoqué de nombreux arguments au sujet des sondages du type « rappel », tels que la phase 1, et des sondages du type « enregistrement », tels que la phase 2.

[460] Comme l’expose en détail le gouvernement de la Colombie-Britannique, les sondages du type « rappel » peuvent être l’objet d’un télescopage (étirer le cadre de la période valide) ou les répondants peuvent recourir à un processus d’inférence pour arriver à leur réponse. [290] Ce processus d’inférence peut comporter une partie ou la totalité des cinq éléments suivants :

  1. le répondant peut ne pas avoir consigné les renseignements à l’époque;

  2. le répondant peut ne pas être disposé à faire les efforts nécessaires pour récupérer les renseignements;

  3. le répondant peut se rappeler plutôt de renseignements génériques sur le type de cas, et non le cas précis lui-même;

  4. le répondant peut ne se rappeler que de renseignements partiels;

  5. le répondant peut se rappeler de renseignements erronés sur le cas. [291]

[461] Dans le cadre d’un document plus important déposé le 1er novembre 2010 (avant la tenue du sondage), le Consortium a aussi cité de nombreux documents concernant les sondages du type « rappel ». [292] Il a fait remarquer qu’il est plus facile de se rappeler des cas importants ou dramatiques. Ceux-ci ont plus de chances d’avoir créé des signaux de mémoire et il y a plus de chance que le répondant ait porté attention au cas à ce moment-là. Ces facteurs se combinent pour faire en sorte qu’il est plus probable que le répondant se rappelle un cas de copie important plutôt qu’un petit. Le Consortium a également attiré l’attention de la Commission sur des recherches qui dénotent que l’exactitude d’un rappel diminuait de pair avec la durée de l’intervalle entre le cas et le sondage. [293] Il a aussi fait état de recherches selon lesquelles les sondages du type « rappel » donnent souvent lieu à des surestimations ou à des sous-estimations, suivant le sujet sondé.

[462] Dans le document qu’elle a déposé à la même date, Access a fait remarquer que les employés des gouvernements peuvent être en mesure de consulter leurs dossiers en vue d’atténuer les problèmes de rappel. [294] Access a contesté la prétention du Consortium selon laquelle le dernier cas de copie, tel qu’il a été documenté dans la phase 1, a plus de chances d’être un cas important qu’un cas peu important. À l’appui de sa prétention, elle a mentionné qu’il existe une vaste littérature sur les effets de la mémoire, et elle en a déposé une bibliographie. [295] Cependant, dans ses observations, Access n’a pas analysé cette littérature et ses conclusions.

[463] Les parties se sont répondu le 15 novembre 2010. Dans sa réponse, le Consortium a fait remarquer ce qui suit. [296] Premièrement, Access a simplement réitéré ses prétentions antérieures sans fournir d’éléments de preuve à l’appui. Deuxièmement, le commentaire d’Access selon lequel les répondants consulteront leurs dossiers est nouveau et non corroboré; rien n’est dit au sujet du fait, pour les répondants, d’utiliser leurs propres dossiers dans la lettre d’invitation qui leur a été envoyée. Enfin, un grand nombre des citations qu’Access a données sont obscures ou peu pertinentes, ou étayent la position du Consortium au sujet du rappel.

[464] Dans sa réponse, Access a signalé un certain nombre de problèmes que posent les sondages du type « enregistrement » (et a présenté des citations à leur appui). [297] Premièrement, il existe un risque de sous-déclaration si les répondants se désintéressent du sondage. Deuxièmement, les répondants font habituellement en sorte que leurs réponses soient conformes aux normes de la désirabilité sociale. [298] Troisièmement, le comportement peut changer en raison du sondage lui-même. Quatrièmement, les cas rares sont sous-représentés dans les sondages du type « enregistrement ». Enfin, ces derniers ne peuvent être biaisés que dans un sens, soit celui de la sous-déclaration.

[465] Dans les éléments de preuve qu’elle a déposés après la réalisation de l’enquête, Access a fait valoir que :

[TRADUCTION] [s]i l’on tient compte de tous les facteurs qui précèdent, notre avis professionnel est que les données produites par la phase 1 de cette enquête sont utiles pour éclairer la Commission du droit d’auteur du Canada sur l’étendue et la nature des copies faites dans les gouvernements des provinces et des territoires en cause. Cependant, vu la fragilité des données découlant de la phase 2, nous ne les évaluons pas de la même manière. Pour ces raisons, les analyses présentées dans les chapitres suivants sont basées sur les données découlant de la phase 1. [299]

[466] Le Consortium a attiré l’attention de la Commission sur le pourcentage de valeurs manquantes [300] à la phase 1 et à la phase 2. Pour ce qui est de la variable [TRADUCTION] « Nombre de pages copiées », cela a été uniformément supérieur pour la phase 1 par rapport à la phase 2. [301] Comme l’a expliqué M. Whitehead : [TRADUCTION] « [c]ela ne veut pas dire que les données de la phase 1 sont mauvaises, mais que les données de la phase 2 sont d’une meilleure qualité. » [302] Le Consortium a résumé sa conclusion dans le rapport établi par MM. Whitehead et Wilk : [TRADUCTION] « [e]nfin, nous sommes d’avis que les données de la phase 2 sont d’un type et d’une qualité supérieurs à ceux des données de la phase 1 et méritent que l’on se fonde sur elles. » [303]

[467] Nous disposons de deux sources légitimes d’éléments de preuve et nous devons décider de nous fonder sur l’une ou sur l’autre. Le Consortium a bien exposé les problèmes théoriques que présente la phase 1 dans sa lettre du 1er novembre 2010; Access a bien exposé elle aussi les problèmes théoriques que pose la phase 2 dans sa réponse du 15 novembre 2010.

[468] Une fois le sondage mené, la situation est devenue encore plus compliquée. Access a déclaré qu’elle ne fonderait pas du tout un tarif sur le sondage, mais que, si elle le faisait, elle se servirait des données découlant de la phase 1. [304] Le Consortium a déclaré que les données de la phase 2 étaient supérieures, mais que celles de la phase 1 pouvaient aussi être utilisées d’une certaine manière. [305]

[469] En fin de compte, c’est la logique de la pièce Consortium-18 que nous trouvons la plus convaincante. Si nous utilisons les données découlant de la phase 2, nous nous faisons une meilleure idée du volume de copies parce qu’il y a moins de données manquantes. [306] La variable que le Consortium a soulignée, les pages copiées, est l’une des variables clés qui permettent de déterminer le volume.

[470] Compte tenu de tous les points précédents, nous concluons que ce sont les données de la phase 2 qu’il convient le mieux d’utiliser. Pour ces raisons, nous avons demandé aux parties [307] de faire un certain nombre d’autres calculs au sujet des données de la phase 2, comme il a été décrit dans les parties VI.D et VI.E, ci-dessus.

B. Les questions relatives au volume

i. La source des calculs les plus appropriés

[471] Le 21 juillet 2014, la Commission a envoyé aux parties un avis précisant que, selon son avis préliminaire, 26 des 291 cas donnaient droit à rémunération. [308] Elle a demandé aux parties de faire certains calculs et de les expliquer, ainsi que de fournir leur code informatique.

[472] Nous avons passé en revue les observations d’Access et du Consortium et concluons que ce sont les calculs du Consortium qui sont les plus appropriés.

[473] Premièrement, nous préférons la méthode d’annualisation dont le Consortium s’est servi. Access a annualisé les données en multipliant le volume par 365 et en divisant le résultat par 14. [309] Cela revient à présumer que les employés gouvernementaux font des copies tous les jours de l’année. Le Consortium a annualisé les données en multipliant par 49 et en divisant le résultat par 2. [310] Il a expliqué qu’il y aurait une moyenne de trois semaines non travaillées par année, une période qui tient compte des vacances et des jours fériés. Certes, cette approximation n’est pas parfaite, car des employés différents prennent des périodes de vacances différentes et les jours fériés diffèrent d’une province à une autre. Cependant, nous trouvons ce calcul plus convaincant que celui d’Access.

[474] Deuxièmement, Access a omis de faire un rajustement pour tenir compte du biais d’exécution de la phase 2. Le Consortium a gonflé son estimation du volume copié par 5,75 pour cent pour tenir compte de ce biais. [311] Cela concorde avec l’avis de la Commission du 14 mars 2013, qui a précisé qu’il était possible de tenir compte de ce biais d’un point de vue quantitatif. Dans sa réponse à l’avis de la Commission, Access a mentionné qu’il y avait d’autres biais associés aux données découlant de la phase 2 [312] mais n’a pas davantage effectué un rajustement dans ses calculs pour tenir compte de ces autres biais.

[475] Nous nous en voudrions de ne pas traiter de la question de la qualité des deux séries de documents déposées par les parties à l’égard de l’avis du 21 juillet. Access a omis de documenter convenablement ses procédures de pondération. Les documents d’Access ont consisté en une seule page d’introduction, une seule page de résultats et un code SAS laconique, relativement exempt de commentaires. Le Consortium a déposé une explication détaillée de ses procédures de pondération, ainsi qu’une feuille Excel exposant en détail ses calculs. De plus, la série de documents déposée par le Consortium nous a permis de voir les contributions marginales de chaque transaction à la valeur totale du Tarif, ce que nous avons trouvé fort utile. Nous n’avons pas choisi les calculs du Consortium parce qu’ils sont plus explicites. Cela dit, après avoir choisi les calculs du Consortium, nous sommes heureux de constater que leur forme est plus facile à utiliser.

ii. Les cas donnant droit à rémunération

[476] Nous avons passé en revue les cas de copie de l’enquête de volume et considérons que les 39 cas énumérés au tableau 3 de l’annexe donnent droit à rémunération. Un résumé du tableau 3 est présenté au tableau 4. Il vaut la peine de mentionner que les pages annualisées pondérées qui correspondent aux magazines sont, pour la période de 2010-2014, supérieures de deux ordres de grandeur à celles qui s’appliquent à la période de 2005-2009. Ce fait peut être attribué exclusivement à un cas, le no 285.

[477] Le cas no 285 est un cas de copie du gouvernement du Nunavut. Le document copié était intitulé « Fuelling the young athlete ». Access a classé ce document dans le genre « Autre », mais nous l’avons reclassé comme un magazine, le genre s’y rapprochant le plus parmi les quatre genres à l’étude. Dans ce cas en particulier, un document de deux pages a été imprimé 300 fois. Comme l’impression n’était pas une méthode rémunérable de reproduction pour la période de 2005-2009, un zéro apparaît dans la colonne intitulée « Nombre de pages 2005-2009 », mais le chiffre 600 apparaît dans la colonne intitulée « Nombre de pages 2010-2014 ». Le fait d’appliquer la pondération relative au Nunavut donne la quantité en pages pondérées qui est présentée dans les deux colonnes situées à l’extrême droite.

[478] Nous pouvons aussi exprimer ces quantités par ETP. Il y a eu 121 022 ETP dans les provinces et les territoires qui ont participé à l’enquête de volume; toutes les parties ont accepté ce chiffre. Le tableau 5 présente les chiffres du tableau 4 par ETP. Selon ces calculs, un employé du gouvernement à temps plein a effectué une moyenne de moins de deux (1,92) copies d’œuvres figurant au répertoire d’Access donnant droit à rémunération par année au cours de la période de 2005-2009. Cette moyenne a augmenté à près de 22 (21,61) copies par année pour la période de 2010-2014.

C. La question des prix

i. Généralités

[479] Dans la démarche qu’elle a suivie dans son mémoire, Access n’a nullement traité de la question des prix, car elle s’est servie de la méthode de la JVM, et non de celle du VMV. Dans son rapport en réponse, M. Heys a critiqué certains des calculs faits par les opposants qui constituent le fondement de la méthode du VMV. Ces critiques constituent l’essentiel de la position d’Access sur la question des prix.

[480] L’un des commentaires les plus intéressants de M. Heys avait trait à la non-linéarité de la fonction d’établissement des prix. La valeur des pages copiées dépend de la nature de ces dernières, du nombre de pages copiées, ainsi que du nombre de copies de chaque page qui est fait. [313] Cette observation pourrait être valide. La non-linéarité peut suivre une pente positive, en ce sens que le fait de copier des pages additionnelles ajoute une valeur marginale additionnelle. Il peut s’agir aussi d’une pente négative, en ce sens que l’utilité marginale décroît. Nous regrettons que M. Heys n’ait pas développé davantage cette idée dans son rapport en réponse. Peut-être que la prochaine fois où les tarifs des gouvernements seront examinés, une partie ou l’autre présentera une proposition comportant ce type de fixation de prix non linéaire. D’ici là, cependant, nous adoptons un prix qui demeure constant, quel que soit le nombre de pages copiées à partir d’une œuvre.

[481] Les sections qui suivent décrivent la démarche que nous avons suivie à l’égard des prix dans le présent tarif. Les sommaires de nos conclusions sont présentés aux tableaux 7 et 8 de l’annexe.

ii. Les livres

[482] Pour le compte du Consortium, Nordicity a recueilli les prix applicables à 19 livres considérés comme donnant droit à rémunération dans l’analyse de MM. Whitehead et Wilk. Nordicity a décrit sa méthode en ces termes :

[TRADUCTION] Pour dériver une valeur moyenne par page pour ces titres, nous avons cherché des renseignements sur les prix de détail de chaque titre dans Amazon.ca. Lorsque nous ne parvenions pas à trouver de tels renseignements dans Amazon.ca, nous avons également mené des recherches dans Indigo.ca et Amazon.com. Dans certains cas, nous avons aussi obtenu des renseignements sur les prix de détail en consultant directement le site Web de l’auteur ou de l’éditeur. […] Pour chaque titre, nous avons utilisé le prix le plus bas disponible pour un exemplaire neuf en vue de déterminer la valeur par page. […] Lorsque les prix étaient en dollars américains (p. ex., dans Amazon.com), nous avons converti les montants en dollars canadiens à un taux de change correspondant à la parité. [314]

[483] Nordicity a fait remarquer que le prix moyen d’un livre (pour les 18 titres dont elle disposait d’un prix) était de 13,46 ¢ par page pour la période de 2010-2014. Nordicity a réduit ce prix de 8,7 pour cent pour tenir compte du taux général d’inflation au cours de la période visée par le Tarif, arrivant ainsi à un prix de 12,29 ¢ par page. Enfin, Nordicity a multiplié ces deux chiffres par 48,4 pour cent pour tenir compte de l’apport créatif [315] des livres, arrivant à un résultat de 5,95 ¢ par page pour la partie du Tarif visant la période de 2005-2009 et à 6,51 ¢ par page pour la partie du Tarif visant la période de 2010-2014.

[484] Pour le compte d’Access, NERA a contesté la méthode employée par Nordicity. NERA a signalé que les calculs de Nordicity étaient très sensibles à l’hypothèse selon laquelle il fallait utiliser le prix le plus bas pour un exemplaire neuf. NERA a refait les calculs en se servant du prix courant. Elle est arrivée à un prix de 24,31 ¢ par page pour la période de 2010-2014, ce qui s’est traduit par une valeur par copie de 15,30 ¢. [316]

[485] La question fondamentale qui se pose ici consiste à savoir quels prix utiliser : les prix courants ou les prix (Amazon) les plus bas? Les opposants signalent, à juste titre, que les prix courants ne sont pas les prix transactionnels. La plupart des transactions ne se font pas aux prix courants. [317] Mais cet argument ne nous convainc pas d’utiliser les prix d’Amazon. Notamment, ces derniers ne sont pas nécessairement non plus des prix transactionnels. Pour acheter un livre d’Amazon, un acheteur paie le prix d’Amazon plus des frais d’expédition. [318] En fait, les consommateurs qui achètent des livres dans un magasin de détail paient eux aussi les frais d’expédition; ceux-ci sont intégrés dans le prix transactionnel de détail.

[486] L’idéal serait d’utiliser les prix transactionnels, en supprimant tous les frais non liés à l’apport créatif. La difficulté que présente cette démarche est que nous ne disposons pas de renseignements sur les prix de détail des livres au Canada. En revanche, les chiffres employés dans la décision K-12 pour l’apport créatif étaient fondés sur les prix courants ainsi que sur la connaissance qu’avait la Commission de l’industrie canadienne de l’édition de livres. Après avoir examiné toutes les options, comme nous l’avons fait dans la decision K-12, nous adoptons les prix courants comme point de départ de nos calculs, comme Access l’a proposé. Nous utilisons donc un chiffre de 24,31 ¢ par page comme point de départ pour le calcul de la valeur d’une copie rémunérable de livres.

[487] Nous convenons avec le Consortium qu’il faudrait rajuster les chiffres pour tenir compte de l’inflation et nous convenons également avec les parties que le prix par page devrait être soumis à une prime de sélection de 30 pour cent. Pour tenir compte de l’apport créatif, les parties se sont servies des chiffres que la Commission a utilisés dans sa décision K-12. Nous nous en servons aussi.

[488] Le prix final par page pour la partie du Tarif visant la période de 2010-2014 est fixé à 15,30 ¢, comme Access l’a calculé. Ce prix est également réduit de 8,7 pour cent, ce qui donne 14,07 ¢ par page pour la période de 2005-2009. Voir le tableau 6 présenté en annexe.

iii. Les magazines

[489] Nordicity a commencé son analyse des prix des magazines en affirmant qu’il n’y a aucune raison de croire que le profil des magazines que l’on copie dans les gouvernements des provinces et des territoires diffère considérablement du profil des magazines copiés dans les établissements visés par la décision K-12. En conséquence, le point de départ pour le prix des magazines est le prix utilisé dans la décision K-12 pour la période de 2005-2009, soit 2,70 ¢ par page. Ce prix est augmenté de 9,8 pour cent pour tenir compte de l’inflation, ce qui le fait passer à 2,96 ¢ par page pour la période de 2010-2014. Enfin, le fait de multiplier ces prix par 26,9 pour cent pour tenir compte de l’apport créatif donne un résultat de 0,73 ¢ et de 0,80 ¢ pour les deux périodes visées par le Tarif, respectivement. [319]

[490] Access n’a pas contesté ce calcul.

[491] Selon des données qu’Access a déposées, la copie de magazines représentait 11 pour cent des copies dans l’enquête de volume. [320] Dans l’affaire K-12, les copies de magazine représentaient 6,5 pour cent, soit légèrement plus de la moitié. [321] Cela met en doute l’affirmation selon laquelle les deux profils sont les mêmes. [322]

[492] Si l’on examine les calculs faits dans la décision K-12, il semble que la plupart des copies de magazines donnant droit à rémunération relevées dans le sondage utilisé pour le tarif en cause dans cette affaire ont été faites à partir de cinq magazines publiés par Rogers Media. [323] Dans le sondage utilisé en l’espèce, seules les copies de cinq magazines donnent droit à rémunération. Aucun de ces magazines n’est publié par Rogers.

[493] Nous ne souscrivons pas à l’affirmation du Consortium selon laquelle le profil des copies dans l’étude K-12 et celui de l’enquête de volume sont semblables. Cependant, Access n’a pas offert de solution de rechange. Nous acceptons donc avec réticence le point de départ de 2,70 ¢ par page que le Consortium a offert.

[494] Nous hésitons à utiliser l’indice des prix à la consommation (l’IPC) relatif aux revues et périodiques pour rajuster les taux. Dans une décision concernant des tarifs multiples de la SOCAN en 2004, la Commission a examiné la question de savoir s’il fallait utiliser l’IPC d’ensemble plutôt que certaines sous-composantes de ce dernier en vue d’indexer les tarifs de la SOCAN. Comme il est mentionné dans cette décision : « [l]a Commission croit toutefois qu’il est préférable d’utiliser l’IPC d’ensemble plutôt que certaines sous-composantes, comme le propose la SOCAN. En effet, les sous-composantes proposées par la SOCAN, parce qu’elles sont fondées sur un faible échantillonnage, pourraient être soumises à de grandes variations, à la hausse comme à la baisse. » [324]

[495] La Commission a confirmé sa confiance à l’égard de l’IPC d’ensemble dans une décision concernant la Radio de la SRC en 2011. Elle y a affirmé : « [l]’IPC demeure la meilleure mesure de l’inflation pour préserver le pouvoir d’achat, car il est le reflet des prix des biens et services que se procure un ménage canadien moyen. » [325]

[496] Nous prenons note que nous avons affaire ici à une situation apparemment différente de celle dont il était question dans les affaires concernant les tarifs multiples de la SOCAN (2004) ou la Radio de la SRC (2011). Dans ces deux affaires, la Commission a traité de l’indexation du tarif lui-même. En l’espèce, il est question de l’indexation de prix qui sont en soi des paramètres du modèle qui determine le tarif. Cependant, étant donné que le modèle du VMV est de nature linéaire, le choix de l’indexation de ses paramètres équivaut au choix de l’indexation du tarif lui même.

[497] Nous souscrivons aux décisions que la Commission a rendues en 2004 et en 2011 : la mesure appropriée de l’inflation est celle créée à partir de l’IPC d’ensemble. Il s’agit de l’approche que suit le Consortium à l’égard des livres. À notre avis, le point est plus général, et il s’applique également à tous les autres genres visés par l’enquête de volume.

[498] En prenant pour base l’IPC d’ensemble, nous haussons le chiffre de 2,70 ¢ pour la période de 2005-2009 visée par le Tarif à 2,93 ¢ pour la période de 2010-2014. Pour tenir compte de la partie « apport créatif » de la valeur des œuvres, nous multiplions ensuite ces chiffres par 26,9 pour cent, ce qui donne 0,73 ¢ et 0,79 ¢, respectivement. Enfin, nous effectuons un rajustement additionnel de 30 pour cent pour tenir compte de la prime de sélection. Cela donne des prix de 0,94 ¢ et de 1,03 ¢. Il s’agit là de ceux que nous utilisons dans la présente décision.

iv. Les journaux

[499] Le Consortium soutient que le profil des journaux copiés dont il était question dans la décision K-12 pour la période de 2005-2009 est semblable à celui des journaux copiés dont il est question dans la présente décision. Le point de départ est donc le chiffre de 2,80 ¢ mentionné dans la décision K-12. À cela s’ajoute l’IPC relatif aux journaux, ce qui donne un taux de 3,45 ¢. En l’espèce, l’apport créatif est de 34,6 pour cent. Cela implique des taux rajustés de 0,97 ¢ pour la période de 2005-2009 et de 1,19 ¢ pour la période de 2010-2014. [326]

[500] Là encore, Access n’a pas présenté de méthode d’évaluation de rechange pour les journaux.

[501] Nous soupçonnons que ces taux peuvent être périmés ou par ailleurs inexacts. En l’absence d’une autre preuve, nous souscrivons à la proposition du Consortium, mais la rajustons en utilisant l’IPC d’ensemble. Nous ajoutons également une prime de sélection de 30 pour cent. Les prix définitifs sont de 1,26 ¢ et de 1,37 ¢, respectivement.

v. Les revues

[502] Le Consortium a commencé par faire état de la relation qui existe entre les revues et les recueils de cours, c’est-à-dire que ces derniers se composent généralement d’articles de revue et de (parties de) livres. De ce fait, il serait possible d’inférer le prix des revues en examinant les recueils de cours. Son point de départ était de 10,0 ¢ par page, [327] soit le montant facturé pour les recueils de cours fournis aux élèves d’établissements membres de l’Association des universités et collèges du Canada (l’AUCC). [328] Le Consortium a ensuite pris note du prix des manuels scolaires mentionné dans l’affaire K-12 pour 2005-2009, soit 9,2 ¢ par page, et a fait valoir qu’il s’agit là d’un point de référence raisonnable pour le prix des livres dans les recueils de cours.

[503] En utilisant ces deux chiffres, soit 10,0 ¢ par page et 9,2 ¢ par page, il est possible d’inférer un prix pour les articles de revue présents dans les recueils de cours, dans la mesure où l’on formule une hypothèse à propos de la fréquence relative des revues et des livres dans les recueils de cours. Le Consortium a présumé que cette fréquence relative était égale, c’est-à-dire que chacun des deux représente 50 pour cent des recueils de cours. Si l’on utilise cette hypothèse, le prix implicite des articles de revue présents dans les recueils de cours est de 10,8 ¢ par page. [329] Enfin, le Consortium a appliqué la sous-composante de l’IPC qui s’applique aux revues et aux périodiques en vue d’obtenir la valeur pour la période de 2010-2014 du Tarif, soit 11,85 ¢. [330]

[504] Access a contesté plusieurs des hypothèses de Consortium. En particulier, elle a fait remarquer que les prix de ses licences transactionnelles varient de 30 ¢ à 60 ¢ par page, suivant l’utilisation prévue de la copie. Cela étant, Access soutient que la valeur par copie des revues ne devrait pas être inférieure à 30 ¢ par page. [331]

[505] Nous sommes d’accord avec Access pour dire que les hypothèses de départ du Consortium sont douteuses. Nous ne voyons pas pourquoi les recueils de cours se composeraient de types de documents semblables à ceux qui sont copiés dans l’enquête de volume. De plus, nous ne voyons pas pourquoi il est nécessaire de formuler l’hypothèse que 50 pour cent des documents figurant dans les recueils de cours proviennent de revues. Comme la plupart des revues peuvent être consultées en ligne dans un grand nombre d’universités, il est possible que l’on retrouve peu d’articles de revue dans les recueils de cours. En fait, il est possible que les recueils de cours se composent principalement de documents non disponibles en ligne, comme des extraits de livres.

[506] Nous concluons que la valeur qu’Access suggère, soit 30 ¢ par page, est raisonnable et nous nous en servons comme valeur par copie. En conséquence, aucun prix n’est dérivé aux tableaux 7 et 8. Nous nous servons du prix de 30 ¢ pour la période de 2005-2009 visée par le Tarif. En effectuant un rajustement pour tenir compte de l’inflation, nous arrivons au prix qui s’applique à la période de 2010-2014, soit 32,61 ¢.

D. Le calcul des taux de redevances

[507] Les calculs des taux de redevances finaux sont illustrés au tableau 8 pour la période 2005-2009 et au tableau 9 pour 2010-2014. Dans les deux cas, et pour chaque genre, la valeur de toutes les copies donnant droit à rémunération est obtenue en multipliant la valeur d’une copie donnant droit à rémunération par le volume de copies donnant droit à rémunération. Les valeurs pour chaque genre sont ensuite additionnées pour obtenir la valeur totale des copies donnant droit à rémunération. Le taux final en cents par employé ETP est obtenu en divisant cette valeur totale par le nombre d’employés ETP. Ce faisant, nous obtenons des taux de redevances de 11,56 cents pour la période de 2005-2009 et de 49,71 cents pour la période de 2010-2014.

[508] Ces taux sont inférieurs à ceux que souhaitait obtenir Access (10,50 $ pour la première période visée par le Tarif, 11,70 $ pour la seconde période visée par le Tarif) et supérieurs à ceux que le Consortium offrait (0,01 $ pour la première période visée par le Tarif, 0,07 $ pour la seconde période visée par le Tarif). Plusieurs explications sont nécessaires.

[509] Premièrement, il ressort de l’enquête de volume que deux types de copie sont les plus fréquents au gouvernement : l’impression à partir de fichiers électroniques et la production de copies numériques (numérisation, envoi par courrier électronique ou mise en ligne). Comme le proposait Access, le Tarif ne vise l’impression de documents électroniques que pour la période 2010-2014. Par ailleurs, pour les motifs énoncés plus haut dans cette décision à l’égard de la portée du mandat d’Access, le Tarif ne vise pas les copies numériques pour l’ensemble de sa durée.

[510] Le présent tarif ne fixe donc une redevance que pour la production de copies papier par des employés des gouvernements provinciaux et territoriaux; la production de copies numériques demeure un acte pour lequel le présent tarif n’octroie pas de licence. Selon notre estimation, si Access avait été en mesure d’autoriser la production de copies numériques sans exiger leur suppression, le taux annuel par ETP qui en aurait résulté aurait été nettement supérieur, allant peut-être jusqu’à 2,50 $ par ETP.

[511] Deuxièmement, une part importante des copies dans les 291 cas de copie tirés de l’enquête de volume ne représentait pas des copies donnant droit à rémunération, car nous avons conclu qu’elles constituaient une utilisation équitable. [332]

[512] Troisièmement, comme l’a signalé l’avocat des opposants, environ 60 pour cent des employés ne faisaient aucune copie, et encore moins des copies donnant droit à rémunération. [333] Cela signifie qu’un nombre moins élevé de transactions a été considéré comme susceptible de donner droit à rémunération (les 291) que cela n’aurait été le cas si tous les employés avaient fait des copies. Cela est particulièrement vrai pour la production de copies papier.

[513] La répartition de l’ensemble des 291 cas de copie est présentée en annexe, au tableau 2.

E. Le montant total des redevances générées par le Tarif

[514] Comme l’illustrent les tableaux 8 et 9 en annexe, les montants de redevances qui sont susceptibles d’être générés par le Tarif que nous homologuons sont de 14 000 $ par année pour la période de 2005-2009 et de 60 000 $ par année pour la période de 2010-2014, compte tenu du nombre d’ETP que nous avons utilisé aux tableaux 9 et 10. Les calculs pour arriver à ces montants excluaient les gouvernements de l’Ontario et des Territoires du Nord-Ouest. Les montants totaux de redevances générés par le Tarif auraient été supérieurs s’ils avaient été inclus.

[515] La Commission conclut que ces montants sont justes et équitables compte tenu de la très faible fréquence de copies papier donnant droit à rémunération faites par les employés des gouvernements, comme l’illustre la preuve fournie dans le dossier.

F. Autres questions économiques

i. Un escompte de 10 pour cent?

[516] Dans sa lettre à la Commission au sujet des dispositions administratives, le Consortium a proposé d’appliquer un escompte de 10 pour cent à la partie rétroactive des paiements prévus par le tarif. [334] Elle a justifié cette proposition en se reportant à la décision K-12, dans laquelle un escompte de 10 pour cent a été appliqué.

[517] Dans cette décision, la Commission a pris note du fait que le montant qu’elle homologuait représentait plus du double du montant des redevances payables en vertu de la licence que le tarif était censé remplacer. La Commission y signalait qu’à long terme le système d’éducation était parfaitement capable de supporter cette augmentation des redevances. Mais, étant donné qu’il faut du temps pour changer les affectations budgétaires, un escompte de 10 pour cent à court terme était équitable. [335]

[518] Dans sa réponse, Access a soulevé plusieurs points. [336] Premièrement, les opposants ne sont pas des entreprises en démarrage, mais plutôt des [TRADUCTION] « entités souveraines bien financées ». Deuxièmement, les montants à payer sous le régime du tarif ont peu de chances d’être constatables dans les bilans des opposants, contrairement à la situation dont il était question dans l’affaire K-12, où il était interdit à de nombreuses commissions scolaires de se trouver en situation déficitaire. Troisièmement, les raisons typiques du partage des risques ne s’appliquent pas en l’espèce : il n’y a aucune preuve que les opposants ont adopté de nouvelles technologies, ou qu’ils ont assumé des risques importants. Quatrièmement, étant donné que la plupart des opposants n’ont jamais payé Access pour leurs copies, un escompte récompenserait en fait leur « comportement illicite ».

[519] Les arguments qu’invoque Access sont, pour la plupart, peu pertinents. La question est de savoir si les redevances que génère le présent tarif sont suffisamment importantes pour justifier l’octroi d’un escompte en vue de tenir compte des rigidités à court terme des processus d’affections budgétaires. La réponse à cette question, manifestement, est non. Le Tarif que nous homologuons représente des ordres de grandeur inférieurs aux redevances payées à Access aux termes des licences des diverses provinces, et non des ordres de grandeur supérieurs, comme cela a été le cas dans l’affaire K-12. Nous n’homologuons donc pas un escompte.

ii. Intérêts sur paiements rétroactifs

[520] Dans sa lettre à la Commission, le Consortium a déclaré que :

[TRADUCTION] [i]l n’y a pas lieu de facturer plus de huit années d’intérêts sur un montant à payer, déterminé rétroactivement en vertu d’un tarif. Cela impose un lourd fardeau, et cette mesure ne devrait pas être approuvée pour les mêmes raisons, comme le soutient le Consortium, pour lesquelles il devrait y avoir un escompte d’au moins 10 pour cent sur la partie rétroactive du tarif. [337]

[521] Access a exprimé son désaccord à l’égard des observations du Consortium. [338] Premièrement, elle a fait remarquer que les opposants ont effectivement eu un congé de paiement depuis 2005. Deuxièmement, elle a comparé le présent tarif avec le tarif 2005-2009 dans l’affaire K-12, [339] qui comportait des facteurs d’intérêt multiplicateurs. Enfin, elle a fait remarquer que le montant à payer sera négligeable, comparativement aux budgets annuels des opposants.

[522] Dans la décision Radio de la SRC (2011), la Commission a écrit : « [i]l faut étendre l’utilisation des facteurs d’intérêts. » [340] Le mot « étendre » sous-entend qu’il doit y avoir des circonstances spéciales pour que l’on n’applique pas de facteurs d’intérêts. En l’espèce, il n’existe aucune circonstance spéciale de cette nature. [341] La règle générale qui a été énoncée dans la décision Radio de la SRC s’applique en l’espèce. Cela dit, les facteurs d’intérêts ont été recalculés afin de refléter la date d’homologation du Tarif. Les facteurs d’intérêts mis à jour figurent dans la section « Dispositions transitoires » du Tarif.

XV. LES DISPOSITIONS ADMINISTRATIVES

[523] Les parties ont convenu qu’un tarif unique pouvait être homologué pour la période de 2005 à 2014 et qu’il y avait lieu de rejeter le libellé des dispositions administratives du projet de tarif de 2005 qui différait de celui des dispositions administratives du projet de tarif de 2010. [342]

[524] Cela dit, il y a quelques désaccords entre les parties au sujet de certaines dispositions du projet de tarif de 2010, et il en est question ci-après.

A. Article 2 – Définitions – « Copie » – Impression à partir d’un fichier électronique

[525] L’une des méthodes de copie qui a été saisie dans l’enquête de volume est l’impression d’une œuvre à partir d’un fichier électronique. Cependant, le libellé du projet de tarif de 2010 est ambigu, en ce sens qu’il n’est pas clair qu’il autorise ce type d’impression. Chacune des parties avait une opinion légèrement différente sur la manière dont cette activité était visée par le projet de tarif.

[526] Selon le Consortium, bien que [TRADUCTION] « les dispositions mêmes du tarif n’indiquent pas clairement où l’acte d’“imprimer à partir d’un fichier électronique” pourrait se situer dans la définition d’une “copie”, » il pourrait être inclus dans une [TRADUCTION] « interprétation large et libérale du mot “reprographie” » à l’alinéa 2a). [343] Le gouvernement de la Colombie-Britannique croit qu’un tel type de copie pourrait se situer soit à l’alinéa 2a) (la reprographie), soit à l’alinéa 2d) (« la reproduction par une machine, un dispositif ou un ordinateur qui crée une copie numérique »). [344]

[527] En réponse aux observations des opposants, Access a proposé que l’on clarifie la définition en précisant qu’une « copie » inclut une copie faite par impression. [345]

i. Une impression faite à partir d’un fichier électronique est-elle une forme de reprographie?

[528] Les définitions habituelles du mot « reprographie », dans le sens d’un procédé, [346] n’incluent pas l’impression à partir d’un fichier électronique. Par exemple, ce terme a été défini de la manière suivante :

[TRADUCTION] la science et la pratique de copier des documents par photographie, xérographie, etc. [347] [italique ajouté]

[529] En fait, la disposition elle-même renforce cette idée : « la reprographie, y compris la reproduction en facsimilé par photocopie ou xérographie. » [348] La photocopie et la xérographie sont toutes deux des procédés qui saisissent une représentation graphique d’une œuvre et qui l’exposent ensuite à la lumière, modifiant ainsi la charge sur une surface d’exposition. Cela n’est pas le cas lorsqu’une copie est imprimée à partir d’un fichier électronique.

[530] Access a également déclaré qu’une [TRADUCTION] « “impression faite à partir d’un fichier électronique” n’était pas un usage visé par le tarif de 2005-2009 : cet usage a été autorisé la première fois par Access Copyright sous le régime du tarif de 2010-2014. » [349] (soulignement omis). Cela veut dire que si un usage était permis en vertu du projet de tarif de 2005, il ne peut donc s’agir d’un usage qui comporte une impression faite à partir d’un fichier électronique.

[531] Il ressort d’une comparaison entre les projets de tarif de 2005 et de 2010 que les usages autorisés en vertu de l’alinéa a) sont quasi identiques. L’élargissement créé dans le projet de tarif de 2010 de façon à inclure les reproductions non perceptibles visuellement n’aurait pas d’incidence sur l’inclusion ou l’exclusion des impressions faites à partir de copies numériques.

Projet de tarif de 2005

Projet de tarif de 2010

Copie » reproduction visuellement perceptible d’une œuvre publiée créée par l’un des procédés suivants:

a) toute reproduction par reprographie, y compris la reproduction en fac-similé par photocopie ou xérographie;

[…]

« Copie » reproduction d’une œuvre publiée créée par l’un des procédés suivants :

a) la reprographie, y compris la reproduction en facsimilé par photocopie ou xérographie;

[…]

[532] Par conséquent, selon nous, une impression faite à partir de fichiers électroniques n’est pas considérée à l’heure actuelle comme une « reproduction » à l’alinéa 2a) du projet de tarif de 2010.

ii. L’impression faite à partir d’un fichier électronique est-elle une « reproduction par une machine qui crée une copie numérique »?

[533] Tant le gouvernement de la Colombie-Britannique qu’Access ont laissé entendre qu’une impression faite à partir d’un fichier électronique peut être visée par l’alinéa 2d), soit « la reproduction par une machine, un dispositif ou un ordinateur qui crée une copie numérique ». Cela signifie vraisemblablement que cette définition peut viser n’importe quelle reproduction créée par une machine quelconque qui se trouve à créer une copie numérique lors d’un acte de procédé de reproduction, car ni l’un ni l’autre ne croient que le résultat principal de l’impression est une copie numérique.

[534] Une « copie numérique » s’entend du « fichier électronique d’une œuvre publiée ». Même si M. Murphy a témoigné au sujet des copies qui sont faites lors du procédé d’envoi par courrier électronique, ou de l’affichage d’une œuvre dans un réseau intranet, [350] il n’a pas parlé de la question de savoir si une imprimante crée un fichier électronique d’une œuvre quand elle reproduit cette dernière sur papier.

[535] Même si c’était le cas, une telle définition demeure obscure. Le fait qu’une imprimante puisse créer une copie numérique tout en imprimant une copie papier semble être un moyen détourné de faire passer l’idée qu’imprimer à partir d’un fichier électronique peut être un usage autorisé. En fait, il ressort des propos de M. Murphy que l’on crée une copie numérique d’une œuvre même au moment de faire une photocopie, [351] et pourtant le libellé du projet de tarif de 2010 exprime plus clairement qu’une telle activité est permise.

iii. Conclusion

[536] Étant donné que la question de savoir si le projet de tarif de 2010, tel qu’il est formulé, traduit l’idée qu’imprimer à partir d’un fichier électronique est autorisé, nous ajoutons un autre alinéa à l’article 2, qui prévoit explicitement qu’une « copie » inclut la « [r]eproduction d’une œuvre publiée créée par l’un des procédés suivants […] i) l’impression à partir d’un fichier électronique… »

[537] De plus, étant donné qu’Access n’a pas cherché, dans son projet de tarif de 2005, à inclure l’impression à partir d’un fichier électronique, cette activité n’a été incluse que dans le projet de tarif de 2010. Cela étant, l’impression ne donne droit à rémunération que pour la partie du Tarif visant la période de 2010-2014.

[538] De ce fait, la disposition sera libellée ainsi :

« copie » : Reproduction d’une œuvre publiée créée par l’un des procédés suivants :

[…]

i) l’impression à partir d’un fichier électronique, dans le cas des reproductions créées à partir du 1er janvier 2010

B. Article 2 – Définitions – « Copie »

[539] Compte tenu des conclusions que nous avons tirées à la partie IX au sujet du caractère rémunérable des copies numériques dans le présent tarif, nous excluons les « copies numériques » de la définition d’une « copie », ainsi :

« copie » Reproduction d’une œuvre publiée créée par l’un des procédés suivants :

a) la reprographie, y compris la reproduction en facsimilé par photocopie ou xérographie;

[…]

mais exclut la copie numérique.

C. Article 2 – Définitions – « ETP »

[540] L’article 2 du projet de tarif de 2010 prévoit ce qui suit :

« ETP » Employé à temps plein ou personne à contrat à temps plein pour le compte du titulaire de licence ou encore employé à temps partiel ou personne à contrat à temps partiel pour le compte du titulaire de licence dont les heures ouvrables ordinaires combinées sont comptées proportionnellement par rapport aux heures ouvrables ordinaires d’un employé à temps plein. [352]

[541] Les opposants ont avancé divers arguments quant à la raison pour laquelle il serait inapproprié d’inclure des personnes telles que celles à contrat dans la définition d’un « ETP ». Ils soutiennent que les gouvernements membres du Consortium ne définissent pas tous ce terme de la même façon. De plus, il est inapproprié d’inclure les entrepreneurs et d’autres personnes du genre en tant qu’employés. [353] Enfin, la définition adoptée devrait concorder avec celle qui a été employée pour l’enquête de volume. [354]

[542] En revanche, Access a fait valoir [TRADUCTION] « [qu’]il serait incongru que les gouvernements des provinces et des territoires ne paient pas les copies que font ses mandataires, lesquels comprennent ceux qui travaillent à contrat pour eux. » [355]

[543] Elle a de plus fait valoir que :

[TRADUCTION] [l]’intention ici est de s’assurer que les personnes qui font des copies pour un gouvernement, qui agissent sous son contrôle – qu’il s’agisse d’employés ou de personnes à contrat – tombent sous le coup du tarif; supprimer la mention aurait pour effet de faire déborder du cadre du tarif un nombre (de plus en plus) considérable de personnes qui font des copies pour les gouvernements provinciaux ou territoriaux. [356]

[544] Le rapport de Circum sur l’enquête de volume mentionne que :

[TRADUCTION] [l]a population faisant l’objet de l’enquête est composée des employés provinciaux ou territoriaux visés par les projets de tarif. La définition opérationnelle de ce groupe diffère d’un ressort à un autre; par exemple, certains incluent les travailleurs de la santé, tandis que d’autres les excluent. Il incombait aux ressorts de définir la population en fonction de leurs circonstances et de fournir des listes de personnes correspondant à leur définition. [357]

[545] Ce fait, ainsi que la mention faite par les opposants, nous convainc que les divers ressorts ont, en fait, une conception différente de ce qu’est un « employé » de chacun des opposants.

[546] S’écarter de cette conception d’un employé dans la définition du terme « ETP » risquerait d’amoindrir le caractère représentatif des conclusions tirées de l’enquête de volume. Étant donné que le taux de redevances applicable au titre du Tarif découle de l’échantillon recueilli dans le cadre de l’enquête de volume, le Tarif devrait s’appliquer autant que faire se peut aux personnes qui appartenaient à la population étudiée. Par conséquent, la définition ne devrait inclure que les employés, et le concept d’un employé devrait correspondre au sens donné à ce terme dans chacun des ressorts.

[547] Pour cette raison, nous excluons de la définition d’un ETP la notion des personnes à contrat et nous révisons cette définition de la manière suivante :

« employé » Employé de l’un des titulaires de licence, déterminé selon les dispositions, les politiques et les méthodes comptables applicables de ce titulaire.

« ETP » Employé à temps plein ou employé à temps partiel dont les heures ouvrables ordinaires combinées sont comptées proportionnellement par rapport aux heures ouvrables ordinaires d’un employé à temps plein.

[548] Une structure semblable a été employée dans le tarif K-12, où le terme « élève équivalent temps plein » a été défini de la manière suivante :

Élève étudiant à temps plein ou l’équivalent d’un élève répondant aux critères d’élève à temps plein dans un établissement d’enseignement, aux termes des politiques d’un ministère sur le financement des établissements d’enseignement qui relèvent de sa compétence. [358]

[549] Dans la mesure où le gouvernement d’une province ou d’un territoire particulier considérait qu’une personne à contrat était un employé, il était représenté dans l’enquête de volume et il continuera d’être englobé par la définition révisée. Si cette personne n’est pas considérée comme un employé, c’est donc dire qu’elle n’est pas représentée dans l’enquête de volume, et elle est exclue à juste titre de la définition.

D. Article 2 – Définitions – « Œuvre publiée »

[550] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait valoir que la définition d’une « œuvre publiée » devrait être conforme à celle que comporte le tarif K-12, lequel se limite aux œuvres distribuées au public sous forme imprimée. [359] Le Consortium ne conteste aucunement la définition qui figure dans le projet de tarif de 2010.

[551] Compte tenu de la manière dont l’enquête de volume a été menée, c’est-à-dire que toutes les œuvres publiées ont été prises en considération, qu’elles soient distribuées au public sous forme imprimée ou d’une autre façon, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait limiter ainsi l’application de la licence.

E. Article 3 – Application

i. Les objets

[552] Le projet de tarif de 2010 prévoit qu’il est possible de faire et de distribuer des copies « à des buts non lucratifs pour mener des affaires dans le cadre du mandat du titulaire de licence et aux fins de prestation de programmes et services gouvernementaux. » [360] [italique ajouté]

[553] Tant le Consortium que le gouvernement de la Colombie-Britannique se sont opposés à l’inclusion de la limite que constituent les mots « buts non lucratifs ». [361]

[554] Nous concluons que l’enquête de volume n’a généralement pas fait de distinction entre les copies qui sont faites à des buts lucratifs et celles qui sont faites à des buts non lucratifs. L’inclusion d’une telle limite rendrait les résultats de l’enquête de volume moins représentatifs.

[555] De plus, le libellé de l’article 3 du projet de tarif de 2010 donne à penser que, si le fait de mener des affaires dans le cadre du mandat d’un titulaire de licence doit viser des buts non lucratifs, la prestation des programmes et des services n’est pas soumise à une telle restriction. Il serait difficile de déterminer où prend fin la prestation des programmes et des services et où commencent les affaires menées dans le cadre du mandat d’un titulaire de licence.

[556] De ce fait, les mots « buts non lucratifs » sont rayés du libellé de l’article 3 du Tarif.

[557] Le Consortium a également fait valoir que les mots « prestation de programmes gouvernementaux » ne sont pas suffisants pour englober l’étendue des activités gouvernementales. [362]

[558] À notre avis, les mots « mener des affaires dans le cadre du mandat du titulaire de licence » sont très généraux et suffisent pour englober [TRADUCTION] « l’établissement, la prestation et l’exécution de programmes, de services et d’activités gouvernementaux » – comme le voudrait le Consortium. Cependant, afin d’éviter tout litige quant à la portée du mandat d’un titulaire de licence particulier, nous modifions la disposition ainsi :

Sous réserve de l’article 4, un ETP peut faire et distribuer des copies d’œuvres publiées dans le répertoire pour mener des affaires dans le cadre du mandat du titulaire de licence, notamment aux fins de prestation de programmes et services gouvernementaux au moyen d’activités telles que, mais sans s’y limiter, les activités professionnelles, de recherche, d’archivage, de communication et d’administration du titulaire de licence, et ce, de la manière suivante :

[…]

ii. Les reproductions d’une partie importante

[559] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait valoir qu’il faudrait modifier les articles 3 et 4 du projet de tarif de 2010 afin de reconnaître expressément que les reproductions de parties non importantes et les activités qui ne constituent pas une violation du droit d’auteur aux termes de la Loi sont également permises. Il a fait valoir que le fait que des licences antérieures que des gouvernements avaient conclues avec Access comportaient une telle disposition démontre qu’une telle disposition est utile. [363]

[560] Access a répondu que le fait de reconnaître des usages qui ne requièrent pas une licence parce qu’ils font l’objet d’une exception prévue par la Loi serait redondant et inutile. À son avis, le Tarif ne devrait pas comporter une telle déclaration. [364]

[561] Nous sommes d’accord avec Access. À moins qu’il soit nécessaire de clarifier des dispositions par ailleurs ambigües du Tarif, il n’est pas obligatoire de répéter le droit en matière de droit d’auteur.

iii. La distribution

[562] L’alinéa 3d) du projet de tarif de 2010 prévoit qu’un titulaire de licence peut :

d) Sous réserve de l’alinéa 3a), distribuer :

(i) des copies à des ETP;

(ii) des copies, sauf des copies numériques, à des personnes qui ne sont pas des ETP;

(iii) des copies numériques à d’autres titulaires de licence d’Access Copyright dont la licence couvre la reproduction et la distribution de copies numériques.

[563] Bien que nous n’ayons aucune preuve qu’Access a le pouvoir d’autoriser la distribution de copies, les opposants ne s’opposent pas à l’inclusion de cette disposition. Étant donné qu’aucune valeur n’est expressément attribuée à cette autorisation, nous incluons cette disposition dans le Tarif.

[564] Cependant, compte tenu de notre conclusion dont il est fait mention à la partie IX, ci-dessus, à propos des copies numériques, nous supprimons les renvois faits à la distribution de copies numériques à l’alinéa 3d), de sorte que ce dernier soit libellé ainsi :

d) sous réserve de l’alinéa 3a), distribuer :

(i) des copies à des ETP;

(ii) des copies à des personnes qui ne sont pas des ETP.

F. Alinéa 4h) – Droits moraux

[565] L’alinéa 4h) du projet de tarif de 2010 stipule : « ne pas faire de copies ni utiliser des copies de manière à enfreindre les droits moraux d’un auteur. »

[566] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait valoir qu’Access ne peut pas faire appliquer les droits moraux des auteurs, [365] mais ni ce gouvernement ni le Consortium ne se sont explicitement opposés à la disposition figurant à l’alinéa 4h) du projet de tarif. Nous incluons donc cette disposition dans le Tarif.

G. Copies numériques

[567] L’alinéa 5d) du projet de tarif de 2010 prévoit ce qui suit :

Si le titulaire de licence n’est plus couvert par un tarif pour la préparation et la distribution de copies numériques, il doit cesser immédiatement d’utiliser des copies numériques d’œuvres publiées dans le répertoire, les effacer de ses disques durs, de ses serveurs ou de ses réseaux de stockage et faire les efforts raisonnables pour les effacer de tout dispositif ou support de mémoire capable de les stocker et, sur demande écrite d’Access Copyright, il doit attester l’avoir fait.

[568] Compte tenu de la conclusion sur les copies numériques à laquelle nous sommes arrivés à la partie IX, ci-dessus, nous n’incluons pas l’article 5 du projet de tarif de 2010 dans le présent tarif.

H. Article 5 – Mention de la source

[569] L’article 6 du projet de tarif de 2010 prévoit ce qui suit :

Le titulaire de licence doit aviser toutes les personnes ayant le droit de faire des copies en vertu du présent tarif que, lorsque cela est raisonnable dans les circonstances, les copies faites et/ou distribuées doivent mentionner, sur au moins une page :

a) une référence à l’auteur (y compris l’écrivain, l’artiste, l’illustrateur et le photographe) ainsi qu’à la source;

b) l’avis suivant « Reproduction sous licence d’Access Copyright. Toute autre reproduction ou distribution est interdite, sauf disposition contraire dans la Loi. »

[570] Le Consortium a fait valoir que [TRADUCTION] « cette disposition concernant l’avis ne peut pas être appliquée ou contrôlée de manière raisonnable parmi les nombreux bureaux gouvernementaux. » [366]

[571] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a allégué que les exigences précisées à l’article 6 du projet de tarif de 2010 sont [TRADUCTION] « déraisonnables, inexécutoires et exagérément exigeantes vu la nature des activités de copie de la Colombie-Britannique », et qu’il faudrait supprimer cet article. [367] De plus, il fait valoir que, [TRADUCTION] « [q]uoi qu’il en soit, étant donné que la Colombie-Britannique compte environ 27 000 employés, un effort raisonnable pour fournir un avis est déjà prévu à l’article 7 qui suit, ce qui devrait suffire. » [368]

[572] Access a allégué que cette disposition vise à protéger les droits moraux des auteurs et qu’il s’agit d’une condition raisonnable. Elle a fait remarquer que cette disposition est incluse dans la licence de 2010 avec l’Ontario. [369]

[573] Nous ne sommes pas d’accord pour dire que cette disposition a pour objet de protéger les droits moraux. Les droits moraux des auteurs sont protégés, que cette disposition soit présente ou non dans le Tarif, car ce n’est pas parce qu’on accorde une licence pour faire et distribuer des copies de l’œuvre d’un auteur que ces droits sont amoindris.

[574] Cependant, il nous semble que le Consortium et le gouvernement de la Colombie-Britannique saisissent mal l’effet de cette exigence. Cette disposition n’oblige pas chaque employé à mentionner la source et à fournir un avis, mais elle oblige simplement le titulaire de licence à informer ses employés qu’ils doivent le faire lorsque cela est raisonnable.

[575] Étant donné que nous concluons que le défaut d’un employé d’inclure une telle mention ou de fournir un tel avis n’a pas pour effet d’exclure une copie de la portée du Tarif, nous ne considérons pas que cette exigence soit exagérément lourde. Un titulaire de licence peut se conformer à cette disposition en envoyant un seul courriel à chacun de ses employés.

[576] Cependant, pour la même raison pour laquelle Access s’est opposée à ce qu’on réaffirme le droit au sujet des copies d’une partie importante, nous sommes d’avis qu’il est inutile d’inclure la phrase suivante : [t]oute autre reproduction ou distribution est interdite, sauf dans la mesure où la loi l’autorise » – une phrase qui est peu utile pour informer un éventuel utilisateur de ce qu’il peut faire ou non.

[577] La disposition est donc modifiée de la manière suivante :

Le titulaire de licence doit aviser toutes les personnes sous son autorité qui ont le droit de faire des copies en vertu du présent tarif que, lorsque cela est raisonnable dans les circonstances, les copies faites et/ou distribuées doivent mentionner, sur au moins une page :

a) une référence à l’auteur (y compris l’écrivain, l’artiste, l’illustrateur et le photographe) ainsi qu’à la source;

b) l’avis suivant : « Reproduction autorisée par Access Copyright. »

I. Article 6 – Avis à l’égard des modalités de copie

[578] L’article 7 du projet de tarif de 2010 prévoit ce qui suit :

Access Copyright fournit gratuitement un avis sous la forme établie par la Commission du droit d’auteur et chaque titulaire de licence appose cet avis à proximité immédiate de chaque machine ou dispositif servant à faire des copies, dans un endroit et d’une manière permettant qu’il soit visible et lisible pour les personnes utilisant ces machines ou dispositifs.

[579] Access a plus tard proposé la version suivante de cette disposition :

[TRADUCTION] Access Copyright fournit gratuitement un avis sous la forme ci-jointe en tant qu’Annexe « A ». Chaque titulaire de licence est tenu de faire des efforts raisonnables et de bonne foi pour apposer l’avis à proximité immédiate de chaque photocopieur servant à faire des copies dans un endroit et d’une manière permettant qu’il soit visible et lisible pour les personnes utilisant cette machine. Chaque titulaire de licence doit également afficher un hyperlien menant à l’avis présenté sur la page d’accueil de chaque réseau informatique utilisé pour faire ou distribuer des copies d’œuvres publiées figurant dans le répertoire. [370]

[580] Le Consortium a fait valoir, et nous y souscrivons, que l’on ne sait pas clairement ce que signifie « page d’accueil de chaque réseau informatique ». Un réseau informatique est simplement la connexion d’au moins deux ordinateurs en vue d’échanger des informations. Nombreux sont les réseaux informatiques qui ne disposent pas d’une « page d’accueil ». [371]

[581] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a souscrit au libellé du projet de tarif de 2010, en remplaçant toutefois « machine ou dispositif » par [TRADUCTION] « photocopieur ». [372]

[582] Nous prenons note du fait que les mots « machine ou dispositif servant à faire des copies » peuvent inclure les ordinateurs de bureau, les ordinateurs portables, les téléphones mobiles, les caméras ainsi qu’une foule d’autres dispositifs. Une telle disposition serait de nature très générale et rendrait son respect difficile.

[583] Nous prenons également note du fait que de tenter d’établir un avis comprenant une description complète et précise de ce que peut faire et ne pas faire l’utilisateur d’une photocopieuse pourrait résulter en un avis beaucoup trop long. Toutefois, un avis de longueur raisonnable peut informer utilement l’utilisateur de l’existence et de l’étendue du Tarif. Nous établissons conséquemment, avec les modifications nécessaires, l’avis en utilisant les parties du Tarif les plus pertinentes pour l’utilisateur d’une photocopieuse. Nous laissons à Access le soin de décider si elle désire ou non envoyer un tel avis au titulaire de licence. Nous fixons ainsi le libellé de l’article 7 du Tarif :

Access Copyright peut fournir gratuitement un avis sous la forme établie à l’Annexe. Chaque titulaire de licence est tenu de faire des efforts raisonnables et de bonne foi pour apposer cet avis à proximité immédiate de chaque photocopieur servant à faire des copies, et ce, d’une manière permettant qu’il soit visible et lisible pour les personnes utilisant le photocopieur.

J. Article 10 – Sondage

[584] Le projet de tarif de 2010 prévoit ce qui suit :

À la demande d’Access Copyright, mais pas plus d’une fois par année, le titulaire de licence doit collaborer avec Access Copyright dans la mise en œuvre d’une méthode de collecte de données raisonnablement requise pour aider Access Copyright à distribuer les redevances payées par le titulaire de licence conformément au présent tarif. [373]

[585] Dans ses observations, Access a fait valoir que :

[TRADUCTION] [u]n sondage n’est pas à l’avantage d’Access Copyright, en soi. Ce sondage est plutôt essentiel pour qu’Access Copyright puisse distribuer à ses affiliés les redevances perçues en vertu du tarif. Cette disposition est semblable à la méthode de sondage actuellement employée dans le cadre de la licence de 2004 avec le Canada. [374]

[586] Elle a également proposé un autre libellé :

[TRADUCTION] À la demande d’Access Copyright, mais pas plus d’une fois par année, le titulaire de licence doit collaborer avec Access Copyright dans la mise en œuvre d’une méthode de collecte de données qui mesure un échantillon des ressources documentaires que possède et que fait circuler le titulaire de licence afin d’aider Access Copyright à distribuer les redevances versées par le titulaire de licence conformément à cette licence. Access Copyright doit s’assurer avec le titulaire de licence que l’on se conforme aux exigences législatives et de politique concernant la protection des renseignements personnels, la sécurité et la non-divulgation. [375]

[587] Bien que la préoccupation principale du gouvernement de la Colombie-Britannique concerne le coût, pour les titulaires de licence, de la mise en œuvre des sondages, [376] le Consortium a fait valoir que :

[TRADUCTION] il ne convient pas que les données recueillies dans le cadre d’un sondage bibliographique soient admissibles comme éléments de preuve dans une instance judiciaire. Les exigences ordinaires en matière de divulgation de preuve n’obligeraient pas les membres du Consortium à autoriser un sondage dans leurs bureaux ou leurs bibliothèques. [377]

[588] Conscients de la préoccupation du Consortium au sujet des exigences en matière de divulgation, et également du fait que la période d’application du Tarif sera passée, nous limitons donc la disposition de la manière suivante :

À la demande d’Access Copyright, mais pas plus d’une fois, le titulaire de licence doit collaborer avec Access Copyright dans la mesure d’un échantillon des ressources documentaires que possèdent et que font circuler les bibliothèques du titulaire de licence. Access Copyright s’assurera avec le titulaire de licence que l’on se conforme aux exigences législatives et de politique en vigueur en matière de protection des renseignements personnels, de sécurité et de non-divulgation. Access Copyright ne recueillera ces renseignements que dans le but de distribuer des redevances. Toute demande d’Access Copyright doit être présentée au plus tard un an après la publication du présent tarif.

K. Article 11 – Registres et vérification

[589] L’article 12 du projet de tarif de 2010 prévoit ce qui suit :

  1. Le titulaire de licence doit conserver pendant six (6) ans des registres permettant de constater facilement les redevances dues à Access Copyright aux termes du présent tarif.

  2. Access Copyright ou son mandataire peut vérifier ces registres moyennant un préavis écrit de sept (7) jours signifié au titulaire de licence pendant les heures ouvrables normales.

  3. Dans le cas où une vérification révèle que des redevances dues aux termes de l’article 8 ont été sous-estimées de plus de dix pour cent (10 %), le titulaire de licence doit payer les frais de vérification raisonnables dans les trente (30) jours suivant la demande de paiement.

  4. Dans le cas où une vérification révèle un paiement excédentaire, le titulaire de licence peut soustraire cet excédent du prochain montant de redevances exigible.

[590] Le Consortium et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont fait état de préoccupations concernant la fréquence de ces vérifications, la rapidité avec laquelle ils seraient en mesure de répondre à une demande de vérification, ainsi que les obligations auxquelles ils pourraient être assujettis au sujet de la sauvegarde de renseignements personnels et d’autres informations de nature sensible. [378]

[591] En réponse à certaines de ces préoccupations, Access a plus tard proposé ce qui suit :

[TRADUCTION]

  1. Le titulaire de licence doit conserver pendant six ans des registres permettant de constater facilement les redevances dues à Access Copyright aux termes du présent tarif.

  2. Pas plus d’une fois par année, Access Copyright ou son mandataire peut vérifier ces registres moyennant un préavis écrit de quinze (15) jours signifié au titulaire de licence pendant les heures ouvrables normales.

  3. Access Copyright doit, sur réception, fournir un exemplaire du rapport de la vérification au titulaire de licence qui a fait l’objet de la vérification.

  4. Dans les cas où une vérification révèle que des redevances dues aux termes de l’article 7 ont été sous-estimées de plus de dix pour cent (10 %), le titulaire de licence doit payer les frais de vérification raisonnables dans les trente (30) jours suivant la demande de paiement.

  5. Dans le cas où une vérification révèle un paiement excédentaire, le titulaire de licence peut soustraire cet excédent du prochain montant de redevances exigible. [379]

[592] Nous souscrivons à cette proposition de libellé. Les opposants ont soutenu qu’il n’est peut-être pas possible de se conformer à certaines lois, certains règlements ou certaines politiques de même qu’à cette disposition de vérification, mais ils n’ont pas précisé de quelle façon de tels problèmes se poseraient. Ils auraient pu le faire, par exemple en précisant quelle loi, quel règlement ou quelle politique les empêcheraient de se conformer à cette disposition.

XVI. DISPOSITIONS TRANSITOIRES

[593] Puisque le Tarif est homologué après sa période de prise d’effet, nous incluons des dispositions transitoires. Pour les raisons mentionnées dans des décisions précédentes, [380] nous établissons également des facteurs d’intérêt multiplicatifs applicables aux paiements annuels.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall


ANNEXE

Tableau 1 - DÉTERMINATION DU NOMBRE DE COPIES SUSCEPTIBLES DE DONNER DROIT À RÉMUNÉRATION

 

Nombre de cas

Nombre de cas de copie dans l’enquête de volume

1 466

Dont les copies faites pour soi

768

Dont les documents publiés

483

Dont les œuvres font partie de son répertoire, selon Access

311

Dont Access a initialement allégué le caractère remunerable

291

Tableau 2 ˗ DISPOSITION DES 291 CAS

Catégorie

Cas

Cas relevés

Cas restants

Nombre initial de cas de copie admissibles

-

291

291

Droit d’auteur appartenant au gouvernement

108, 214, 267, 281

4

287

Titulaire du droit d’auteur non affilié

2, 4, 13, 15, 41, 47, 50, 51, 53, 79, 97, 98, 99, 105, 111, 120, 124, 127, 132, 134, 135, 144, 145, 148, 156, 202, 207, 215, 231, 233, 235, 241, 243, 247, 259, 260, 262, 277, 288

39

248

Copies numériques seulement

3, 5, 7, 11, 12, 17, 20, 21, 23, 24, 26, 27, 29, 30, 32, 33, 34, 35, 37, 39, 40, 43, 48, 52, 54, 59, 62, 66, 67, 69, 78, 80, 84, 85, 87, 90, 96, 103, 104, 107, 114, 117, 122, 125, 128, 130, 131, 133, 140, 146, 147, 150, 157, 158, 159, 161, 162, 163, 164, 167, 169, 172, 176, 179, 185, 188, 189, 191, 194, 198, 203, 204, 208, 210, 212, 216, 217, 222, 224, 225, 226, 227, 232, 237, 239, 242, 245, 252, 257, 261, 265, 266, 270, 272, 274, 275, 279, 289, 290, 291

100

148

Non visés par le Tarif

77, 119, 149, 180, 234

5

143

Partie non importante copiée

166, 197, 213, 271, 278

5

138

AIPRP ou loi semblable

70, 141

2

136

Donnant droit à rémunération (sans but d’utilisation équitable)

6, 14, 18, 44, 49, 55, 56, 60, 83, 89, 94, 118, 129, 153, 154, 155, 206, 219, 230, 236, 246, 254

22

114

Utilisation équitable (catégorie de la recherche et de l’étude privée)

1, 10, 16, 19, 28, 36, 42, 45, 63, 68, 72, 73, 74, 81, 82, 86, 88, 91, 92, 93, 100, 101, 102, 106, 109, 112, 113, 116, 126, 136, 137, 139, 142, 143, 151, 160, 165, 173, 174, 175, 177, 178, 181, 182, 183, 184, 190, 193, 195, 199, 200, 205, 211, 218, 220, 223, 238, 240, 251, 253, 264, 268, 269, 273, 276, 280, 287

67

47

Donnant droit à rémunération (les opposants acceptent)

58, 65, 95, 258, 284

5

42

Utilisation équitable (évaluation individuelle)

8, 22, 25, 38, 57, 61, 64, 71, 76, 115, 121, 123, 152, 168, 170, 171, 186, 192, 196, 201, 209, 221, 228, 248, 249, 250, 255, 256, 282, 283

30

12

Donnant droit à rémunération (évaluation individuelle)

9, 31, 46, 75, 110, 138, 187, 229, 244, 263, 285, 286

12

0

Nombre total de cas

 

291

 

Nombre total de cas donnant droit à rémunération

 

39

 

Tableau 3 - CAS DONNANT DROIT À RÉMUNÉRATION

No du cas

Genre

Nombre de pages

2005-2009

Nombre de pages

2010-2014

Pondération

Pages pondérées

2005-2009

Pages pondérées

2010-2014

60

Livre

20

20

1 809,48

36 189,68

36 189,68

110

Livre

25

25

2 029,83

50 745,84

50 745,84

31

Revue

0

15

1 699,81

0,00

25 497,09

229

Revue

0

14

1 699,81

0,00

23 797,29

244

Revue

0

9

1 699,81

0,00

15 298,25

9

Magazine

0

4

1 699,81

0,00

6 799,22

58

Magazine

5

5

1 574,77

7 873,84

7 873,84

95

Magazine

0

9

2 029,83

0,00

18 268,50

187

Magazine

1

1

2 456,13

2 456,13

2 456,13

285

Magazine

0

600

3 778,68

0,00

2 267 205,95

286

Magazine

5

5

2 573,56

12 867,79

12 867,79

6

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

14

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

18

Journal

5

5

2 456,13

12 280,67

12 280,67

44

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

46

Journal

0

1

2 456,13

0,00

2 456,13

49

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

55

Journal

1

1

1 809,48

1 809,48

3 618,97

56

Journal

0

1

1 809,48

0,00

1 809,48

65

Journal

0

2

1 699,81

0,00

3 399,61

75

Journal

0

5

1 699,81

0,00

8 499,03

83

Journal

1

1

2 456,13

2 456,13

2 456,13

89

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

94

Journal

1

1

2 456,13

2 456,13

2 456,13

118

Journal

1

1

2 456,13

2 456,13

2 456,13

129

Journal

1

1

1 574,77

1 574,77

1 574,77

138

Journal

0

1

1 809,48

0,00

1 809,48

153

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

154

Journal

0

1

2 573,56

0,00

2 573,56

155

Journal

1

1

1 699,81

1 699,81

1 699,81

206

Journal

1

2

1 809,48

1 809,48

3 618,97

219

Journal

0

1

1 624,61

0,00

1 624,61

230

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

236

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

246

Journal

5

5

1 699,81

8 499,03

8 499,03

254

Journal

1

1

1 809,48

1 809,48

1 809,48

258

Journal

4

4

1 809,48

7 237,94

7 237,94

263

Journal

2

2

1 574,77

3 149,54

3 149,54

284

Journal

4

4

1 809,48

7 237,94

7 237,94

TOTAL

 

 

 

 

232 602,07

2 615 259,26

Tableau 4 - VOLUME DE COPIES DONNANT DROIT À RÉMUNÉRATION, EN PAGES

Genres

Nombre de cas

Pages annualisées pondérées, 2005-2009

Pages annualisées pondérées, 2010-2014

Livre

2

86 935,52

86 935,52

Magazine

6

23 197,76

2 315 471,44

Journal

28

122 468,78

148 259,66

Revue

3

0,00

64 592,63

Volume total des copies donnant droit à rémunération

39

232 602,07

2 615 259,26

Tableau 5 - COPIES DONNANT DROIT À RÉMUNÉRATION PAR ETP, EN PAGES

Genres

Nombre

Copies annualisées par ETP,

2005-2009

Copies annualisées par ETP,

2010-2014

Livre

2

0,72

0,72

Magazine

6

0,19

19,13

Journal

28

1,01

1,23

Revue

3

0,00

0,53

Total

39

1,92

21,61

Tableau 6 - VALEUR D’UNE COPIE DONNANT DROIT À RÉMUNÉRATION, EN CENTS, 2005-2009

 

Livres

Magazines

Journaux

Revues

Prix de détail moyen par page

22,36

2,70

2,80

s.o.

Moins partie des frais ne correspondant pas à l’apport créatif

11,54

1,97

1,83

s.o.

Valeur de l’apport créatif

10,82

0,73

0,97

s.o.

Plus valeur ajoutée par une sélection de segments d’œuvres (30 %)

3,25

0,22

0,29

s.o.

Valeur d’une copie donnant droit à rémunération

14,07

0,94

1,26

30,00

Tableau 7 - VALEUR D’UNE COPIE DONNANT DROIT À RÉMUNÉRATION, EN CENTS, 2010-2014

 

Livres

Magazines

Journaux

Revues

Prix de détail moyen par page

24,31

2,93

3,04

s.o.

Moins partie des frais ne correspondant pas à l’apport créatif

12,54

2,15

1,99

s.o.

Valeur de l’apport créatif

11,77

0,79

1,05

s.o.

Plus valeur ajoutée par une sélection de segments d’œuvres (30 %)

3,53

0,24

0,32

s.o.

Valeur d’une copie donnant droit à rémunération

15,30

1,03

1,37

32,61

Tableau 8 - CALCUL DU TAUX TARIFAIRE FINAL, 2005-2009

 

Livres

Magazines

Journaux

Revues

Total

Valeur d’une copie donnant droit à rémunération (en cents)

14,07

0,94

1,26

30

 

Volume de copies donnant droit à rémunération

86 935,52

23 197,76

122 468,78

0,00

 

Valeur des copies donnant droit à rémunération (en dollars)

12 233,24

219,03

1 542,42

0,00

13 994,69

Employés équivalents temps plein

 

 

 

 

121 022

Taux final (en cents)

 

 

 

 

11,56

Tableau 9 - CALCUL DU TAUX TARIFAIRE FINAL, 2010-2014

 

Livres

Magazines

Journaux

Revues

Total

Valeur d’une copie donnant droit à rémunération (en cents)

15,30

1,03

1,37

32,61

 

Volume de copies donnant droit à rémunération

86 935,52

2 315 471,44

148 259,66

64 592,63

 

Valeur des copies donnant droit à rémunération (en dollars)

13 297,53

23 764,48

2 029,69

21 063,66

60 155,36

Employés équivalents temps plein

 

 

 

 

121 022

Taux final (en cents)

 

 

 

 

49,71

 



[1] Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42.

[2] Projet de tarif des redevances à percevoir pour la reproduction d’œuvres littéraires, au Canada, par les gouvernements provinciaux et territoriaux, pour les années 2005-2009, Gazette du Canada, 24 avril 2004.

[3] Projet de tarif des redevances à percevoir pour la reproduction d’œuvres littéraires par les gouvernements provinciaux et territoriaux (2010-2014), Gazette du Canada, 9 mai 2009.

[4] Access Copyright - Tarifs pour les gouvernements provinciaux et territoriaux 2005-2014 (5 janvier 2012) décision de la Commission du droit d’auteur.

[5] Manitoba c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2013 CAF 91.

[6] Voir pièce AC-2, déclaration des témoins Maureen Cavan et de Roanie Levy aux paras. 65 et suivants.

[7] Access s’appelait alors Cancopy.

[8] Copibec s’appelait alors l’Union des écrivaines et écrivains québécois.

[9] Pièce AC-2KK.

[10] Pièce AC-2LL.

[11] Pièce AC-2MM.

[12] Pièce AC-2NN.

[13] Pièce AC-2L.

[14] Pièce AC-2OO.

[15] CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339. [CCH]

[16] Pièce AC-2 au para. 25.

[17] Pièce AC-2N.

[18] La modification a été faite au moyen d’un addenda à la licence de l’Ontario de 1995. Voir pièce AC-2O. L’échéance de la licence est restée la même, à savoir le 31 mars 1998.

[19] Pièce AC-2Q.

[20] Pièce AC-2K.

[21] Pièce AC-2T.

[22] Pièce AC-2U.

[23] Pièce AC-2Z.

[24] Pièce AC-2GG.

[25] Pièce AC-2-RR.

[26] Pièce AC-2-RR.

[27] Pièce AC-2-PP.

[28] Pièce AC-2-PP.

[29] Pièce AC-2QQ.

[30] Pièce AC-2M.

[31] 87 890 $ pour la période allant du 3 mai 2011 au 31 mars 2012; 97 800 $ pour la période allant du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 et 99 755 $ pour la période allant du 1er avril 2013 au 31 mars 2014.

[32] Pièce AC-1 aux paras. 42 et 43.

[33] Pièce AC-5 au para. 86.

[34] Transcriptions, volume 9, à la p. 1861 et suivantes.

[35] Pièce AC-5, tableau 4.

[36] Transcriptions, volume 9, à la p. 1863 et suivantes.

[37] Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005-2009 (26 juin 2009) décision de la Commission du droit d’auteur. [K-12]

[38] Pièce Consortium-5 aux paras. 5 et 6.

[39] Pièce AC-4 (révisée).

[40] Toutefois, d’autres observations formulées par Access ou par ses témoins n’étaient fondées que sur la licence de 2003 avec le Québec. Voir para. 439 de la décision.

[41] Pièce AC-5 aux paras. 10 et 11.

[42] Pièce Consortium-3 à la p. 26.

[43] Pièce Consortium-5 aux paras. 5 et 6.

[44] Pièce AC-4 (révisée), annexe B.

[45] Pièce AC-4 (révisée) à la p. 34.

[46] Pièce AC-R-4 (révisée) à la p. 46.

[47] Pièce Consortium-3 à la p. 22.

[48] Ibid.

[49] Lettre d’Access à la Commission, 30 mai 2013, annexe A.

[50] Courriel du Consortium à la Commission, 31 mai 2013.

[51] Lettre d’Access à la Commission, 28 août 2014, annexe A, à la p. 2.

[52] Réponse du Consortium à la Commission, 28 août 2014, à la p. 20.

[53] Lettre d’Access à la Commission, 30 mai 2013; courriel du Consortium à la Commission, 31 mai 2013.

[54] Consortium, Objectors’ Compensability Reanalysis (courriel, 17 juin 2013); Access, Compensability Reanalysis: Legal Arguments (courriel, 22 juillet 2013).

[55] Transcriptions, volume 6, à la p. 1289.

[56] Pièce AC-3 au para. 18.

[57] Pièce AC-2 au para. 22 (renvoyant à l’outil de recherche en ligne d’Access à l’adresse suivante : http://www.accesscopyright.ca/look-up-tool/).

[58] Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, [2013] 3 R.C.S. 1168 au para. 26. [Robinson]

[59] CCH, supra note 15 au para. 35.

[60] La publication en l’espèce ne comprend pas la mise à la disposition d’une œuvre en ligne.

[61] Transcriptions, volume 1, at p. 47; transcriptions, volume 2, at p. 318.

[62] Pièce AC-2 au para. 21.

[63] Pièce AC-3 au para. 10.

[64] Projet de tarif de 2010, supra note 3, article 2, « Répertoire ».

[65] Pièce BC-9 au para. 44; pièce Consortium-32 au para. 190.

[66] Ibid.

[67] Pièce AC-23 au para. 102.

[68] Loi sur le droit d’auteur, supra note 1, article 2, « société de gestion ».

[69] Pièce Consortium-32 au para. 189.

[70] Pièce BC-11 au para. 49.

[71] K-12, supra note 37.

[72] Ibid. au para. 133.

[73] Ibid. au para. 133.

[74] Lettre d’Access à la Commission, 29 avril 2013 à la p. 6.

[75] Ibid. à la p. 2.

[76] Ibid. à la p. 3.

[77] Pièce AC-3 aux paras. 25 à 29.

[78] Ibid. aux paras. 8 et 9.

[79] K-12, supra note 37 au para. 133 (« Le titulaire non affilié qui encaisse le chèque qu’il a reçu à l’égard de la distribution fondée sur l’enquête de volume accorde à Access, de façon rétroactive, le mandat tacite d’agir pour son compte à l’égard des copies qui ont été captées par l’enquête. ») [italique dans l’original]

[80] Transcriptions, volume 1, à la p. 46; transcriptions, volume 2, à la p. 296.

[81] Transcriptions, volume 1, aux pp. 48-49.

[82] Access Copyright - Tarifs pour les gouvernements provinciaux et territoriaux 2005-2014, Ordonnance de la Commission du droit d’auteur (6 mai 2014).

[83] Lettre du Consortium à la Commission, 6 juin 2014, aux pp. 5-6. [Consortium, Re. Digital Copying] Lettre d’Access à la Commission, 6 juin 2014 à la p. 4. [Access, Re. Digital Copying] Réponse du gouvernement de la Colombie-Britannique, 6 juin 2014 aux pp. 4-5. [BC, Re. Digital Copying]

[84] Access, Re. Digital Copying supra note 83 à la p. 4 ([TRADUCTION] « Lorsque le titulaire de licence cesse de payer le tarif, il cessera immédiatement de créer des copies numériques d’œuvres publiées qui figurent dans le répertoire disponible et fera des efforts raisonnables pour supprimer ou enlever les copies numériques de tout ordinateur ou de tout réseau qui donne à ses ETP, par l’intermédiaire d’une connexion Internet sécurisée, accès aux copies numériques des œuvres publiées qui figurent dans le répertoire. »)

[85] Consortium, Re. Digital Copying, supra note 83 aux pp. 6 et 7; BC Re. Digital Copying, supra note 83 aux pp. 5 et 6.

[86] Access, Re. Digital Copying, supra note 83 à la p. 2.

[87] Ibid. à la p. 5.

[88] Ibid. à la p. 4.

[89] Consortium, Re. Digital Copying, supra note 83 aux pp. 6 et 7, renvoyant à la pièce AC-26, à la page 6, BC, Re. Digital Copying, supra note 83 aux pp. 6 et 7.

[90] Access, Re. Digital Copying, supra note 83 à la p. 5.

[91] Ibid. aux pp. 5 et 6.

[92] Pièce AC-28 à la p. 9.

[93] Pièce AC-2E, Standard Affiliation Agreement, annexe A, art. 3A(i)(ii) et art. 3B(i)(ii).

[94] Transcriptions, volume 1, à la p. 42.

[95] Projet de tarif de 2010, supra note 3, alinéa 3a), sous-alinéa 3a)(vi).

[96] Loi sur le droit d’auteur, supra note 1, article 3.

[97] Pièce AC-23 au para. 70.

[98] U & R Tax Services Ltd. c. H & R Block Canada Inc. (1985), 62 C.P.R. (3d) 257; 97 F.T.R. 259 (CF 1re inst.). [U & R Tax Services]

[99] Hager c. ECW Press Ltd., 1998 CanLII 9115 (CF), [1999] 2 C.F. 287, (1998) 85 CPR (3d) 289. [Hager]

[100] Hager, supra note 99 au para. 35; U & R Tax Services, supra note 98 à la p. 268.

[101] Pièce AC-23 au para. 72.

[102] Ibid. au para. 70.

[103] Ibid. aux paras. 66 et 67.

[104] Pièce Consortium-35 au para. 36.

[105] Ibid. aux paras. 51 à 54.

[106] Ibid. aux paras. 47 à 49.

[107] Pièce BC-11 à la p. 12.

[108] Robinson, supra note 58 au para. 26.

[109] Pièce AC-23 au para. 82.

[110] Vaver, David, Copyright Law (Toronto, Irwin Law Inc., 2000), à la p. 146.

[111] Robinson c. Films Cinar inc., 2009 QCCS 3793; France Animation, s.a. c. Robinson, 2011 QCCA 1361; supra note 58.

[112] Pièce Consortium-35 au para. 7.

[113] Ibid. au para. 45.

[114] Pièce AC-23 au para. 74.

[115] Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN, la SCGDV et CSI à l’égard des services de radio satellitaire à canaux multiples par abonnement, (6 mai 2009, version révisée) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 98. Dans cette décision, la Commission a conclu que la reproduction d’une partie de 4 à 6 secondes d’une œuvre musicale de longueur moyenne approximative de 4 minutes ne constituait pas une reproduction d’une partie importante de cette œuvre.

[116] Mémoire d’Access, 22 juillet 2013 au para. 49, cas nos 70 et141.

[117] Pièce AC-23 au para. 5.

[118] Ibid. au para. 11.

[119] Pièce Consortium-35 au para. 4.

[120] Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CSC 37, [2012] 2 R.C.S. 345, au para. 12. [Alberta]

[121] Pièce Consortium-35 au para. 11.

[122] Pièce AC-23 au para. 11.

[123] CCH, supra note 15 au para. 53.

[124] Alberta, supra note 120 au para. 35.

[125] Alberta, supra note 120 au para. 37; CCH, supra note 15 au para. 52.

[126] Pièce AC-23 au para. 16.

[127] Pièce Consortium-35 au para. 7.

[128] CCH, supra note 15 au para. 63.

[129] Pièce AC-R-2.

[130] Pièce BC-2.

[131] CCH, supra note 15.

[132] Loi sur le droit d’auteur, supra note 1, articles 29.1 et 29.2.

[133] Alberta, supra note 120 au para. 22.

[134] Pièce AC-23 au para. 22.

[135] Société canadienne des auteurs, compositeurs, et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2012 CSC 36, [2012] 2 R.C.S. 326. [Bell]

[136] Pièce AC-23 au para. 24.

[137] Pièce AC-23 au para. 22.

[138] CCH, supra note 15 au para. 48.

[139] Ibid. au para. 51.

[140] Pièce AC-25 aux paras. 8 à 10.

[141] Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, article 12.

[143] Ibid. au para. 31.

[144] Alberta (Éducation) c. Access Copyright, 2010 CAF 198.

[145] Alberta, supra note 120 au para. 19.

[146] Pièce AC-23 aux paras. 53 et 54.

[147] Bell, supra note 135 au para. 27.

[148] K-12, supra note 37 au para. 88.

[149] Ibid.

[150] Pièce AC-23 au para. 21.

[151] Décret fixant plusieurs dates d’entrée en vigueur de diverses dispositions de la Loi, TR/2012-85 (7 novembre 2012), http://canadagazette.gc.ca/rp-pr/p2/2012/2012-11-07/html/si-tr85-fra.html.

[152] Loi sur le droit d’auteur, supra note 1, article 29.

[153] Bell, supra note 135 au para. 27.

[154] Pièce AC-4 (révisée) aux pp. 153 et 154.

[155] Bell, supra note 135 au para. 33.

[156] CCH, supra note 15 au para. 54.

[157] Pièce AC-23 au para. 28.

[158] Pièce BC-11 au para. 14.

[159] Ibid. au para. 15.

[160] Pièce AC-23 au para. 29.

[161] CCH, supra note 15 au para. 51.

[162] Ibid. au para. 54.

[163] Pièce Consortium-32 aux paras. 69-77

[164] Pièce AC-35, au para. 25.

[165] CCH, supra note 15 au para. 71.

[166] Ibid. au para. 54.

[167] Giuseppina D’Agostino, « The Arithmetic of Fair Dealing at the Supreme Court of Canada » dans Michael Geist, éd., The Copyright Pentalogy: How the Supreme Court of Canada Shook the Foundations of Canadian Copyright Law (Presses de l’Université d’Ottawa, 2013) à la p. 197.

[168] Alberta, supra note 120 au para. 30.

[169] Pièce AC-23 au para. 28.

[170] Ibid.

[171] Alberta, supra note 120 aux paras. 21 et 22.

[172] Pièce Consortium-32 au para. 21.

[173] Alberta, supra note 120 au para. 22.

[174] Pièce AC-13; pièce AC-14; pièce AC-15.

[175] CCH, supra note 15 au para. 55.

[176] Alberta, supra note 120 au para. 30.

[177] Pièce Consortium-32 aux paras. 28 et 29.

[178] Alberta, supra note 120 aux paras. 29 et 30.

[179] Pièce AC-25 au para. 27.

[180] Pièce Consortium-32 au para. 36, renvoyant à l’arrêt CCH, supra note 15 au para. 63.

[181] Ibid. au para. 36.

[182] Pièce AC-23 au para. 33 (notes de bas de page omises).

[183] Bell, supra note 135 au para. 43.

[184] Pièce AC-23 au para. 61.

[185] CCH, supra note 15 au para. 66.

[186] Bell, supra note 135 au para. 38.

[187] Pièce BC-11 au para. 17.

[188] CCH, supra note 15 au para. 56.

[189] Alberta, supra note 120 au para. 29.

[190] Pièce AC-25 au para. 33, renvoyant à la pièce Consortium-32 au para. 42.

[191] Ibid. au para. 33.

[192] Ibid. au para. 34.

[193] Ibid. au para. 35.

[194] Bell, supra note 135 au para. 39, renvoyant à la décision de la Commission (Re) Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN, Tarif no 22.A (Internet - Services de musique en ligne) 1996-2006, (2007) 61 CPR (4e éd.) 353, au para. 113 (crochets dans l’original).

[195] Pièce AC-25 au para. 36.

[196] Alberta, supra note 120 au para. 30.

[197] CCH, supra note 15 au para. 56.

[198] Bell, supra note 135 au para. 39.

[199] Pièce AC-23 au para. 31.

[200] Ibid.

[201] Pièce AC-25 au para. 34, note de bas de page 21.

[202] Pièce AC-23 au para. 31.

[203] Warman, supra note 142.

[204] Ibid. au para. 33.

[205] CCH, supra note 15 au para. 68.

[206] Ibid.

[207] Bell, supra note 135.

[208] Ibid. au para. 4.

[209] Ibid. au para. 49.

[210] K-12, supra note 37 au para. 103.

[211] Warman, supra note 142 au para. 33.

[212] Ibid. au para. 34.

[213] Century 21 Canada Limited Partnership c. Rogers Communications Inc., 2011 BCSC 1196. [Century 21]

[214] Ibid. au para. 268 (La mention [TRADUCTION] « d’actes posés à maintes reprises » dans l’examen du facteur de l’ampleur de l’utilisation semble avoir été influencée par l’observation que la Cour suprême a formulée dans l’arrêt CCH, supra note 15 au para. 68, selon laquelle « [l]’utilisation peut être inéquitable lorsque, dans un court laps de temps, un usager de la Grande bibliothèque présente de nombreuses demandes visant de multiples décisions judiciaires publiées dans les mêmes recueils. »)

[215] CCH, supra note 15 au para. 53.

[216] Ibid. au para. 56. (« Par exemple, aux fins de recherche ou d’étude privée, il peut être essentiel de reproduire en entier un exposé universitaire ou une décision de justice. Cependant, lorsqu’une œuvre littéraire est reproduite aux fins de critique, il ne sera vraisemblablement pas équitable de la copier intégralement. »)

[217] Ibid. au para. 57.

[218] Alberta, supra note 120 aux paras. 31 et 32.

[219] CCH, supra note 15 au para. 70.

[220] Ibid. au para. 57.

[221] Pièce Consortium-32 au para. 46.

[222] Pièce AC-23 au para. 35.

[223] Pièce AC-4 (révisée) à la p. 157.

[224] Ibid.

[225] CCH, supra note 15 au para. 57.

[226] Pièce AC-23, note de bas de page 43.

[227] Alberta, supra note 120 au para. 32.

[228] CCH, supra note 15 au para. 70.

[229] Bref, une perte d’efficience économique découlant de situations comme la rareté artificielle.

[230] CCH, supra note 15 au para. 58.

[231] Pièce AC-23 au para. 34.

[232] Pièce Consortium-32 au para. 63.

[233] CCH, supra note 15 au para. 71.

[234] Ibid., renvoyant au juge Linden dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2002 CAF 187, [2002] 4 FCR 213 au para. 159.

[235] Pièce Consortium-32 au para. 63.

[236] Alberta, supra note 120 au para. 30.

[237] CCH, supra note 15 au para. 59.

[238] Pièce AC-23 au para. 36.

[239] Pièce AC-25 au para. 48.

[240] CCH, supra note 15 au para. 70.

[241] Alberta, supra note 120 aux paras. 29 et 30, Juge Abella et au para. 50, Juge Rothstein, dissident.

[242] Pièce Consortium-32 au para. 67.

[243] L’ordre dans lequel nous classons les cas est important. Par exemple, certains des 67 cas qui, selon nous, constituaient une utilisation équitable, sont des cas qui, selon les opposants, donnaient droit à rémunération. Cependant, si nous avions accepté les arguments des opposants à l’égard de ces cas, nous aurions traité certains de ces cas d’utilisation équitable de façon incohérente. Nous n’avons donc pas automatiquement accepté les arguments des opposants relativement à ces cas.

[244] Pièce AC-23 au para. 2.

[245] Voir, par exemple, Renvoi à la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167 et l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, 2012 CSC 68, [2012] 3 RCS 489 au para. 80.

[246] Loi sur la diffamation, LRO 1990, c. L.12, articles 3 et 4.

[247] Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46.

[248] Beloff c. Pressdram Ltd., [1973] All E.R. 241 (Ch.D.).

[249] Hubbard c. Vosper, [1972] 2 Q.B. 84.

[250] Pièce BC-9 au para. 42.

[251] Ibid.

[252] CCH, supra note 15 au para. 71.

[253] Pièce AC-5 (révisée) au para. 8.

[254] Pièce AC-4 à la p. 50.

[255] Transcriptions, volume 1, à la p. 10.

[256] Pièce Consortium-4 au para. 55.

[257] Le prix de réserve est le point au-delà duquel un négociateur est prêt à se retirer d’une entente négociée.

[258] L’équilibre du marché est le processus par lequel l’offre est égale à la demande au prix du marché.

[259] Selon l’hypothèse du modèle de négociation de Nash (un type de négociation entre deux parties informées de manière égale et de force égale), le prix transactionnel est le point milieu de l’intervalle des prix.

[260] Cela n’est pas inusité. M. Dujsic a laissé entendre que la plupart des analyses des éléments comparables du marché finissent par rejeter la méthode des éléments comparables du marché. (Voir transcriptions, volume 6, à la p. 1384). Cela est dû au fait qu’il y a habituellement trop de différence entre le marché « comparable » et le marché cible.

[261] Par souci de parcimonie, nous présentons ces prix en supposant qu’un prix unique prévaudra, plutôt que d’avoir un prix de départ pour 2005, rajusté pour tenir compte de l’inflation. Access s’est servie des deux hypothèses. Nous présentons également ces prix supposant que la valeur de la clause d’indemnisation est liée au pourcentage du répertoire couvert par des chèques aux non-affiliés. encore, Access s’est servie des deux hypothèses.

[262] Même si la licence de 2004 avec le Canada prévoyait un paiement forfaitaire, le taux implicite par ETP est égal à cette somme forfaitaire, divisée par le nombre d’ETP.

[263] En particulier, la situation des renseignements restreints était attribuable au fait qu’il n’y avait pas eu de sondages sur les copies dans ces provinces.

[264] Access a soutenu que la licence du Canada était soumise à des renseignements restreints, mais une enquête avait effectivement été menée, soit l’enquête Goss Gilroy mentionnée plus tôt.

[265] Transcriptions, volume 4, à la p. 698.

[266] Transcriptions, volume 4, à la p. 756.

[267] Pièce AC-5 (révisée) au para. 88.

[268] Transcriptions, volume 3, à la p. 647.

[269] Transcriptions, volume 4, à la p. 756.

[270] Pièce AC-2RR.

[271] Ibid. à la clause 10.2.

[272] Pièce AC-5 au para. 83.

[273] Une obligation éventuelle est une obligation potentielle qui peut être engagée suivant l’issue d’un fait futur.

[274] Cela ressemble aux arguments qu’ont invoqués MM. Dujsic et Smith; voir transcriptions, vol. 6, à la p. 1396.

[275] Pièce AC-2RR à la clause 8.4.

[276] Transcriptions, volume 4, à la p. 748.

[277] Transcriptions, volume 4, à la p. 863.

[278] Transcriptions, volume 4, à la p. 871.

[279] Lettre d’Access à la Commission, 9 août 2010 aux pp. 4-5.

[280] Lettre d’Access à la Commission, 1er novembre 2010 à la p. 8.

[281] Pièce AC-R-4 à la section 2.12.

[282] Avis de la Commission, 14 mars 2013.

[283] Lettre du Consortium à la Commission, 12 avril 2013.

[284] Un test t est un test statistique qui permet d’établir si certaines statistiques calculées sont égales à zéro. Dans le cas présent, le test t a été établi pour vérifier si le biais de participation était égal à zéro et si le biais d’exécution l’était lui aussi.

[285] Lettre d’Access à la Commission, 12 avril 2013.

[286] La troncature est un mécanisme d’épuration de données qui élimine les valeurs se situant au-delà ou en deçà d’un seuil donné.

[287] Transcriptions, volume 3, à la p. 581.

[288] Transcriptions, volume 5, à la p. 1074.

[289] C’est-à-dire, une stratification, comme si elle avait fait partie du plan d’échantillonnage.

[290] Lettre de la Colombie-Britannique à la Commission, 18 août 2010, à la p. 2.

[291] Ibid.

[292] Lettre du Consortium à la Commission, 1er novembre 2010, à la p. 6.

[293] Ibid. à la p. 5.

[294] Lettre d’Access à la Commission, 1er novembre 2010, à la p. 2.

[295] Ibid. à l’annexe A.

[296] Lettre du Consortium à la Commission, 15 novembre 2010 aux pp. 5 à 7.

[297] Ibid. aux pp. 2 à 4.

[298] Le biais de désirabilité sociale est la sous- déclaration systématique d’attitudes ou de comportements indésirables et la surdéclaration systématique d’attitudes ou de comportements désirables.

[299] Pièce AC-4 (révisée) à la p. 28.

[300] Ces valeurs sont considérées comme « manquantes » parce que le répondant ne les a pas consignées au moment de répondre à l’enquête.

[301] Pièce Consortium-18.

[302] Transcriptions, volume 5, à la p. 1045.

[303] Pièce Consortium-3 à la p. 72.

[304] Pièce AC-R-4 (révisée) à la p. 21.

[305] Transcriptions, volume 5, à la p. 1073.

[306] Ce fait a été admis par M. Gauthier (voir transcriptions, volume 3, à la p. 418).

[307] Ordonnance de la Commission, 21 juillet 2014.

[308] Après plus ample examen des observations des parties, la Commission a trouvé 39 transactions donnant droit à rémunération.

[309] Pièce AC-27A à la p. 16.

[310] Pièce Consortium-36 à la p. 17.

[311] Ibid. à la p. 12.

[312] Lettre d’Access à la Commission, 12 avril 2013, à la p. 3.

[313] Transcriptions, volume 4, à la p. 719.

[314] Pièce Consortium-5 aux paras. 26 et 27.

[315] L’apport créatif a été défini de manière indirecte, en ces termes, dans la décision K-12 : « [n]ous concluons qu’il ne faut tenir compte que des éléments liés à la création de l’œuvre protégée et de son “original”, et exclure tout autre élément lié à des étapes ultérieures à la création, comme les coûts d’imprimerie, de distribution, de marketing et d’administration. » K-12, supra note 37 au para. 162.

[316] Pièce AC-R-5 au para. 54.

[317] Transcriptions, volume 7, à la p. 1579.

[318] Le montant des frais d’expédition n’est pas toujours évident, en partie parce que le droit à une expédition gratuite pour des articles livrés dans un délai d’un certain nombre de jours dépend de plusieurs facteurs, dont la valeur de la commande totale, la relation entre le vendeur et l’acheteur, ainsi que diverses mesures de promotion.

[319] Pièce Consortium-5 aux paras. 38 et 39.

[320] Pièce AC-R-4 à la p. 47.

[321] K-12, supra note 37, Tableau 4.

[322] Certes, si les deux proportions sont mesurées avec une marge d’erreur, il y a une probabilité positive que les deux fréquences de copies de magazines soient égales.

[323] Pièce AC-8D, à la p. 7 (de K-12, supra note 7).

[324] Tarifs multiples de la SOCAN (2004) à la p. 18.

[325] Tarif SOCAN-Ré:Sonne à l’égard de la Radio de la SRC, 2006-2011, décision de la Commission du droit d’auteur, 8 juillet 2011. [Radio de la SRC]

[326] Pièce Consortium-5 aux paras. 40 à 43.

[327] Comme l’a signalé M. Chodorowicz, le coût marginal de la copie d’une page, 0,10 $, était le coût pertinent d’un point de vue économique. (Voir transcriptions, volume 7, à la p.1579). Le coût fixe de 3,38 $ par ETP n’a pas d’incidence sur les habitudes de copie.

[328] Pièce Consortium-5 au para. 47.

[329] Ibid. aux paras. 44 à 48.

[330] Ibid. au para. 51.

[331] Pièce AC-R-5 aux paras. 55 et 56.

[332] En fait, comme l’a mentionné M. McGrath, l’une des raisons pour lesquelles les gouvernements ont mené l’enquête était de montrer qu’ils faisaient nettement moins de copies donnant droit à rémunération qu’Access ne le croyait. (Voir transcriptions, volume 4, à la p. 894).

[333] Transcriptions, volume 4, à la p. 872.

[334] Lettre du Consortium à la Commission, 28 mars 2013, à la p. 7.

[335] K-12, supra note 37 au para. 188.

[336] Lettre d’Access à la Commission, 26 avril 2013, aux pp. 13 et 14.

[337] Lettre du Consortium à la Commission, 28 mars 2013, à la p. 11.

[338] Lettre d’Access à la Commission, 26 avril 2013, à la p. 20.

[339] K-12, supra note 37.

[340] Radio de la SRC, supra note 325 au para. 131.

[341] Nous ne sommes pas d’avis que le fait de ne pas avoir pris en considération le projet de tarif de 2005 pendant les quatre années suivant son dépôt constitue une circonstance spéciale.

[342] Pièce AC-26 à la p. 1; pièce Consortium- 37 à la p. 1; pièce BC-1; pièce BC-2.

[343] Consortium, Re. Digital Copying, supra note 83 aux pp. 10 et 11.

[344] BC, Re. Digital Copying, supra note 83 au para. 17.

[345] Lettre d’Access à la Commission, 13 juin 2014, à la p. 5.

[346] Projet de tarif de 2010, supra note 3, article 2, « Copie » (« Reproduction d’une œuvre publiée créée par l’un des procédés suivants »).

[347] The Canadian Oxford Dictionary, sous « reprography ».

[348] Projet de tarif de 2010, supra note 3, article 2, « Copie ».

[349] Access, Re. Digital Copying supra note 83 à la p. 5.

[350] Pièce AC-19; pièce AC-R-6.

[351] Transcriptions, volume 8, aux pp. 1727- 1728.

[352] Projet de tarif de 2010, supra note 3, article 2, « ETP ».

[353] Pièce Consortium-37 à la p. 2; pièce BC- 12, aux pp. 1 et 2.

[354] Pièce BC-12 aux pp. 1 et 2.

[355] Pièce AC-26 à la p. 3.

[356] Pièce AC-28 à la p. 4.

[357] Pièce AC-4 (révisée) à la p. 6.

[358] Tarif des redevances à percevoir par Access Copyright pour la reprographie par reproduction, au Canada, d’œuvres de son répertoire - Établissements d’enseignement (2005-2009), article 2, « élève équivalent temps plein ».

[359] Pièce BC-12 au para. 5.

[360] Projet de tarif de 2010, supra note 3, article 3.

[361] Pièce Consortium-37 aux pp. 3 et 4; pièce BC-12 au para. 11.

[362] Pièce Consortium-37 à la p. 3.

[363] Pièce BC-12 aux paras. 12 à 14.

[364] Pièce AC-26 à la p. 5.

[365] Pièce BC-12 au para. 17.

[366] Pièce Consortium-37 à la p. 5.

[367] Pièce BC-1 au para. 28.

[368] Pièce BC-12 au para. 18.

[369] Pièce AC-26 à la p. 7.

[370] Ibid. à la p. 8.

[371] Pièce Consortium-37 à la p. 6.

[372] Pièce BC-12 au para. 19.

[373] Projet de tarif de 2010, supra note 3, article 11.

[374] Pièce AC-26 à la p. 11.

[375] Ibid.

[376] Pièce BC-12 aux paras. 26 et 27.

[377] Pièce Consortium-37 à la p. 8.

[378] Ibid. aux pp. 9 et 10.

[379] Pièce AC-28 à la p. 18.

[380] Voir par exemple Radio de la SRC, supra note 325 aux paras. 131 à 133.

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