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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2018-12-07

Référence

CB-CDA 2018-222

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

L’honorable Robert A. Blair

Me Claude Majeau

Projets de tarif examinés

Tarif 21 de la SOCAN – Installations récréatives exploitées par une municipalité, une école, un collège, une université, une société agricole ou autres organisations communautaires du même genre (2013-2020)

Tarif des redevances à percevoir, pour l’exécution en public, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le 30 mars 2012, le 2 avril 2013 et le 31 mars 2017, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé au titre de l’article 67.1 de la Loi sur le droit d’auteur [1] ses projets de tarif de redevances pour l’exécution en public d’œuvres musicales faisant partie de son répertoire dans des installations récréatives exploitées par une municipalité, une école, un collège, une université, une société agricole ou autres organisations communautaires du même genre pour les années 2013 à 2020. Les projets de tarif ont été publiés dans la Gazette du Canada. À chaque occasion, les utilisateurs éventuels intéressés ou leurs représentants ont été avisés de leur droit de s’opposer aux projets de tarif.

[2] Aldergrove Community League, Athlone/Dunvegan Community League, Avonmore Community League, Baturyn Community League, Calder Community League, Canora Community League, Delwood Community League, Dovercourt Community League, Edmonton Federation of Community Leagues, Goldbar Community League, Idylwylde Community League, Jasper Park Community League, La Perle Community League, Leefield Community League, McQueen Community League, North Glenora Community League, Ogilvie Ridge Community League, Queen Mary Park Community League, Ridgewood Community League, Royal Gardens Community League, et West Meadowlark Community League ont déposé des oppositions.

[3] Des oppositions ont été déposées auprès de la Commission à l’égard de toutes les années sauf pour les années 2015, 2016 et 2017. Les motifs d’opposition sont essentiellement les suivants :

  • Il serait injuste d’exiger des organismes à but non lucratif telles des ligues communautaires ayant des ressources limitées de payer un tel tarif;

  • Les obligations de rapport imposées aux exploitants d’installations récréatives sont trop exigeantes.

[4] Le 2 août 2018, la Commission informait les parties qu’elle était prête à examiner le tarif 21 pour les années 2013-2020 et qu’elle avait l’intention de procéder sur dossier, sur la base des oppositions formulées et toute information complémentaire écrite que les parties souhaiteraient produire. Les parties ci- dessus mentionnées devaient déposer à la Commission toute soumission supplémentaire au soutien de leur position au plus tard le 24 août 2018. À cette même échéance, les parties devaient aussi répondre à une série de questions portant sur les difficultés d’administration du tarif et d’obligations de rapport soulevées par les opposantes. La SOCAN devait aussi expliquer pourquoi le montant fixe et le plafond tarifaire pour 2018- 2020 étaient plus élevés que ceux du dernier tarif homologué, et pas dans la même proportion, ainsi que certaines divergences et variations au sein de ses divers projets de tarif.

[5] La Commission a reçu des réponses de la part des parties suivantes : The McQueen Community League, Edmonton Federation of Community Leagues, et la SOCAN. Aucune réplique n’a été subséquemment produite.

II. CONTEXTE

[6] Le tarif 21 a été créé dans les années 1990 afin de traiter le problème du fardeau administratif qu’entraîne l’application de multiples tarifs à un même utilisateur. Le tarif 21 a permis la consolidation de divers tarifs (aujourd’hui, ceux-ci sont : le tarif 5.A (Expositions et foires), le tarif 7 (Patinoires), le tarif 8 (Réceptions, congrès, assemblées et présentations de mode), le tarif 9 (Événements sportifs, y compris le hockey mineur, le patinage artistique, le patinage sur roulettes, le patinage sur glace, les spectacles jeunesse sur glace, les carnavals et les rodéos amateurs), le tarif 11.A (Cirques, spectacles sur glace, etc.) et le tarif 19 (Exercices physiques et cours de danse)) en un seul, sous certaines conditions. Le fait d’avoir un tarif unique pour toutes leurs activités vise à aider les communautés à but non lucratif puisque cela réduit la complexité administrative d’avoir à se conformer à divers tarifs et à rendre compte à de multiples occasions selon des modalités et conditions disparates. [2]

[7] Ce tarif unique à usages multiples fixe un plafond de revenus bruts pour toutes les activités qu’il vise. Au-delà de ce plafond (15 422,88$, tel qu’homologué la dernière fois pour 2012), l’utilisateur ne peut se prévaloir de la licence du tarif 21 et doit se conformer aux tarifs spécifiques à chacune de ces activités. En deçà du plafond, le tarif requiert le paiement d’un montant annuel fixe (185,07 $, tel qu’homologué la dernière fois).

[8] Un tarif unique à usages multiples réduit généralement le fardeau administratif relié aux obligations de rapport. Toutefois, la question de ce que constituent les « revenus bruts » a généré des préoccupations additionnelles qui ont été soulevées lors de l’examen du tarif 21 de la SOCAN pour les années 2000-2004. À l’époque, les communautés rurales avaient fait valoir que le tarif 21 était difficile à administrer car la définition de revenu (c.-à-d., les recettes brutes d’entrée pour les événements visés par le tarif) utilisée pour établir le plafond nécessitait de prendre en compte de l’information sur les revenus générés par ceux qui louaient les installations récréatives municipales. Pourtant, seuls les locataires, et non l’exploitant de l’installation récréative, connaissaient cette information. Des échanges avec la SOCAN résultèrent en une entente conclue en janvier 2002 visant des modifications aux modalités du tarif 21. Au titre de cette entente, la SOCAN acceptait d’ajouter au tarif 21 les activités assujetties aux tarifs 8 et 19. La SOCAN convenait également de redéfinir l’assiette des revenus qui déterminent l’admissibilité au tarif 21. La SOCAN proposa également que le plafond soit fonction des revenus bruts du détenteur de licence (ces revenus étant essentiellement composés des revenus de location, selon la SOCAN) au lieu des recettes brutes d’entrée pour les événements qui se déroulent dans les installations. [3]

[9] Les parties ne se sont pas entendues sur la nouvelle définition de revenus aux fins du calcul du plafond. La SOCAN considérait que cela impliquait des revenus diminués tandis que les opposants considéraient l’inverse. Par exemple, le Canadian Recreation Facilities Council avançait que la nouvelle définition de revenus proposée par la SOCAN était plus large puisqu’elle incluait dorénavant potentiellement plusieurs nouvelles catégories tels les revenus provenant des commanditaires et les revenus provenant de la vente de boissons alcoolisées. Selon cet organisme, cette nouvelle définition plus large pouvait empêcher un plus grand nombre d’utilisateurs d’avoir accès au tarif. En l’absence de preuve supplémentaire sur cette question, la Commission a homologué le tarif pour 2003 tel que proposé par la SOCAN (y compris la nouvelle définition de revenus), tout en maintenant le plafond à son niveau de 2002, soit 15 000 $. [4]

III. ANALYSE

[10] Trois enjeux se dégagent de l’information au dossier. Premièrement, il convient de régler la question de savoir si le statut de communautés à but non lucratif devrait les exempter du paiement du tarif. Deuxièmement, il est nécessaire de traiter de la question du fardeau administratif en ce qui a trait aux obligations de rapports prévues aux projets de tarif. Troisièmement, il faut traiter de la question des variations des projets de tarif pour l’ensemble de la période 2013-2020 en ce qui concerne le montant fixe, le plafond et les obligations de rapport.

A. L’exemption des communautés à but non lucratif

[11] La question des organismes à but non lucratif ayant à payer des tarifs a été soulevée de temps à autre. [5] La Commission a rejeté l’argument selon lequel les activités des communautés à but non lucratif devraient être exemptées de redevances. Notant que la SOCAN peut choisir de renoncer à ses redevances pour de tels événements dans des conditions relativement strictes, la Commission a refusé de considérer que cela impliquait que les communautés puissent avoir gratuitement accès au répertoire d’une société de gestion. Nous sommes d’accord avec ce raisonnement. Une licence gratuite reviendrait à créer indirectement une nouvelle exception en dehors du processus parlementaire. [6] Cela procurerait un avantage indu aux utilisateurs et une perte correspondante pour la SOCAN. La musique doit être considérée comme toute autre dépense contribuant au fonctionnement d’une installation, au même titre que l’électricité, les frais d’entretien et les salaires.

B. Fardeau administratif

[12] En ce qui concerne le fardeau administratif qui semble être associé aux obligations de rapport imposées aux exploitants d’installations récréatives, nous notons que tous ont convenu que ces obligations ne s’appliquent qu’aux revenus des exploitants des installations récréatives. Il s’agit d’une obligation très différente de celle qui exigerait que ces exploitants surveillent les revenus de tiers, tels que les membres d’une communauté ou associations qui louent l’installation. La seule question est celle de savoir si le libellé du tarif devrait être clarifié afin (i) de spécifier que les revenus bruts sont seulement ceux de l’exploitant de l’installation récréative et (ii) de définir « revenu brut » en fonction des types de revenus tels que la location, les boissons, les entrées, les commandites, etc.

[13] La SOCAN questionne la nécessité de procéder à la modification visant à clarifier que les revenus bruts sont ceux de l’exploitant de l’installation dans la mesure où le tarif va déjà dans ce sens. Les opposants qui ont produit des commentaires sont d’avis que le tarif devrait être clarifié à ce sujet. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le tarif soit modifié afin que les exploitants d’installations récréatives n’interprètent pas erronément leurs obligations. Avec cette clarification, les exploitants seront requis de façon univoque de ne fournir de rapports que sur leurs propres revenus lorsqu’ils donnent accès à leurs installations récréatives à des tiers.

[14] En ce qui concerne la définition de « revenus bruts », les parties qui ont fourni des commentaires ont des approches quelque peu différentes. La SOCAN ne croit pas qu’une définition de « revenus bruts » soit requise puisque ces termes sont facilement compréhensibles. Toutefois, si la Commission décidait d’inclure une définition, la SOCAN est d’accord pour que tous les éléments identifiés par la Commission soient inclus et que d’autres sources de revenus potentielles soient ajoutées de manière à ce que la définition se lise comme suit : « revenu brut » Tout revenu généré par l’utilisation ou la location de l’installation, y compris, mais sans y être limité, les revenus locatifs, les entrées, la vente de billets, nourriture et boissons, la publicité, les placements de produits, la promotion ou la commandite.

[15] Les utilisateurs The McQueen Community League et Edmonton Federation of Community Leagues sont d’accord en général avec les types de revenus identifiés pour calculer l’admissibilité au tarif SOCAN. Toutefois, ils soutiennent que pour des raisons d’efficacité et de simplicité, la façon dont ces revenus sont identifiés est sous les postes Revenus Locatifs et Revenus d’Événements. Ils soutiennent également que l’utilisation de ces postes dans les rapports financiers actuels et futurs constitue un fardeau de rendre compte raisonnable pour leurs membres.

[16] À cet égard, la SOCAN avance que limiter l’obligation de rapport aux postes « Revenus Locatifs et Revenus d’Événements », sans avoir de définition qui les accompagne, risque d’omettre tous les revenus pertinents qui devraient normalement exclure une grande installation génératrice de revenus du champ de ce tarif qui accorde aux petits exploitants un taux de licence préférentiel.

[17] Nous ne voyons aucun inconvénient à clarifier que les revenus bruts incluent les Revenus Locatifs et Revenus d’Événements, lesquels incluent tout revenu généré par l’utilisation ou la location de l’installation, y compris, mais sans y être limité, les revenus locatifs, les entrées, la vente de billets, nourriture et boissons, la publicité, les placements de produits, la promotion ou la commandite. Bien que la définition de « revenu brut » puisse soulever des questions d’équité dans la mesure où elle pourrait dans les faits indirectement contribuer à restreindre le seuil d’accès à la licence « multi-usage » du tarif 21, nous notons que le montant du plafond tarifaire n’a pas été soulevé par les parties et qu’il s’agit d’une question distincte de la définition de « revenu brut ». En effet, la preuve du caractère équitable du montant du plafond tarifaire ne devrait pas dépendre de la définition de « revenu brut ». En conséquence, une définition de « revenu brut » sera ajoutée à des fins de clarification pour les années 2013 à 2020.

C. Variation des conditions et modalités

[18] Les dispositions générales des projets de tarif comprennent un paragraphe disposant que chaque licence reste valable en fonction des conditions qui y sont énoncées et que la SOCAN peut, en tout temps, mettre fin à toute licence sur préavis écrit de 30 jours pour violation des modalités de la licence. Comme la Commission l’a fait récemment au sujet de conditions similaires, [7] nous radions ce paragraphe qui relève davantage d’un contrat de licence individuelle que d’un tarif. Il touche aussi au domaine de la responsabilité et des dispositions de la Loi applicables aux recours contre les utilisateurs régis par un tarif. Partant, il s’agit d’une question de conformité et de mise à exécution du tarif plutôt qu’une question d’homologation.

[19] Les projets de tarif pour 2015-2017 et 2018-2020 comportaient un prix fixe et un plafond plus élevés par rapport au dernier tarif homologué. La SOCAN a expliqué qu’elle souhaitait une augmentation de la redevance annuelle, de 185,07 $ à 198,58 $ pour tenir compte de l’inflation. La SOCAN cherche également à obtenir une augmentation du plafond de 15 422,88 $ à 17 500 $, non pour refléter l’inflation mais, par voie d’arrondissement, pour faciliter les rapports du titulaire de licence.

[20] La SOCAN a appliqué une augmentation de 7,3 pour cent selon la formule utilisée par la Commission dans sa décision sur les tarifs divers de 2004. [8] Cependant, comme l’a expliqué la Commission dans une décision plus récente sur des tarifs divers, [9] la formule a été révisée par la suite. Cette nouvelle formule aurait conduit à un ajustement pour l’inflation de 18,2 pour cent et non 7,3 pour cent. Nous utilisons cependant cette dernière mesure, tel que le propose la SOCAN et homologuons une redevance annuelle de 198,58 $ pour 2015-2020.

[21] Nous homologuons également l’augmentation de plafond proposée par la SOCAN pour 2015 à 2020. Il n’y aucun préjudice pour les exploitants d’installations récréatives lorsque le plafond augmente.

[22] Pour 2014, le projet de tarif n’inclut ni plafond ni obligation de rapport mais comporte un droit de vérifier les livres et registres. La SOCAN explique que son intention en supprimant le plafond de revenus bruts pour 2014 était d’accommoder certains titulaires de licence qui s’étaient plaints de ne pouvoir calculer leurs revenus bruts annuels. Lorsque la SOCAN a retiré le plafond, elle a par mégarde omis de retirer le droit de vérification afférent. La SOCAN reconnaît que le plafond fait partie intégrante du tarif et son omission en change l’économie. Toutefois, puisque l’essence du tarif est très différente sans plafond, le réintroduire pourrait avoir de graves conséquences pour ceux qui auraient organisé leurs affaires en fonction du projet de tarif publié. Partant, bien que le tarif 2014 demeure une anomalie, l’équité procédurale ne nous permet pas d’altérer le projet de tarif de façon à le rendre cohérent aux autres projets de tarif.

[23] Finalement, nous homologuons le tarif pour 2013 tel que proposé par la SOCAN (avec l’ajout d’une définition de « revenu brut » tel que mentionné ci-avant). Le projet de tarif pour 2013 perpétue le dernier plafond et montant fixe homologués et aucune raison valide de modifier le statu quo n’a été fournie.

[24] Ce tarif comporte des mesures transitoires rendues nécessaires par le fait qu’il prend effet en janvier 2013 même s’il est homologué bien plus tard.

[25] Dans le passé, la Commission a souvent homologué des facteurs d’intérêts applicables aux montants dus pour tenir compte du fait que le tarif est homologué rétroactivement. En l’espèce toutefois, dans un courriel du 19 octobre 2018 adressé à la Commission, la SOCAN a renoncé à tout intérêt qui porterait sur un paiement rétroactif par un titulaire de licence. Par conséquent, nous n’homologuons aucun facteur d’intérêts pour ce tarif.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42.

[2] SOCAN Tarifs divers (1992-1994) (12 août 1994) décision de la Commission du droit d’auteur aux pp 3 et s.

[3] SOCAN Tarifs divers (1998-2007) (18 juin 2004) décision de la Commission du droit d’auteur aux pp 8-9.

[4] Ibid aux pp 26-27.

[5] Voir SOCAN Tarifs divers (2006-2012) (29 juin 2012) décision de la Commission du droit d’auteur au para 9; voir aussi Tarif no 3 de la SCGDV – Utilisation et distribution de musique de fond (2003- 2009) (20 octobre 2006) décision de la Commission du droit d’auteur au para 169.

[6] Les paragraphes 32.2(2) et 32.2(3) de la Loi sur le droit d’auteur établissent certaines exceptions qui s’appliquent notamment aux foires, expositions et organisations charitables.

[7] Tarif 5 de la SODRAC (Reproduction d’œuvres musicales dans des œuvres cinématographiques pour usage privé ou en salle), [Réexamen (2009-2012); Examen (2013-2016)] (28 septembre 2018) décision de la Commission du droit d’auteur au para 39.

[8] Supra note 3 aux pp 18-21.

[9] SOCAN Tarifs divers (2007-2017) (5 mai 2017) décision de la Commission du droit d’auteur aux para 6-7.

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