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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2018-12-14

Référence

CB-CDA 2018-225

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, article 66.52 et paragraphe 70.15(1)

Commissaires

L’honorable Robert A. Blair

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projets de tarif examinés

Stations de radio commerciale

Demande de modification

 

CSI (2012-2013)

Connect/SOPROQ (2012-2017)

Artisti (2012-2014)

 

Stations de radio commerciale

Examen

 

CSI (2014-2018)

Connect/SOPROQ (2018)

Artisti (2015-2018)

Tarif des redevances à percevoir, pour la reproduction, au Canada, d’œuvres musicales, D’enregistrements sonores et de prestations d’artistes-interprètes

Motifs de la décision

I. GÉNÉRALITÉS

A. Introduction

[1] À compter de mars 2013, les sociétés de gestion en cause dans la présente instance ont déposé un certain nombre de projets de tarifs portant sur les reproductions d’œuvres musicales, d’enregistrements sonores et de prestations d’artistes-interprètes faites par les stations de radio commerciale dans le cadre de leurs activités de radiodiffusion. Les projets de tarifs ont été publiés dans la Gazette du Canada, de sorte que les utilisateurs éventuels intéressés ou leurs représentants ont été avisés de leur droit de s’y opposer. Au nom de ses membres qui exploitent les stations de radio concernées, l’Association canadienne des radiodiffuseurs (l’ACR) s’est opposée aux projets de tarifs. D’autres radiodiffuseurs et représentants de radiodiffuseurs s’y sont également opposés.

[2] Dans le cadre de l’examen et du traitement des projets de tarifs, la Commission a rendu le 21 avril 2016 (la « décision du 21 avril 2016 ») [1] une décision homologuant les tarifs de reproduction pour les sociétés de gestion et les périodes suivantes : CSI (2012-2013), Connect/SOPROQ (2012-2017) et Artisti (2012-2014) (les « tarifs homologués »). [2] La décision visait certains des projets de tarifs en attente d’une décision à ce moment-là.

[3] CSI, Connect/SOPROQ et l’ACR ont chacune présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision devant la Cour d’appel fédérale. Le litige soulevait plusieurs questions, mais un sujet de préoccupation en particulier était au cœur des activités et des négociations ayant éventuellement mené au règlement général de toutes les questions opposant les parties. Il s’agit du régime de licence générale modifiée (ci-après « LGM ») limitée que la Commission a inclus dans le tarif homologué relativement à une réduction éventuelle des redevances pour les copies éphémères.

[4] Toutes les parties soutiennent maintenant conjointement que la mise en œuvre du régime de LGM limitée s’est révélée très complexe et irréalisable. Elles affirment qu’en dépit des efforts de collaboration exhaustifs qui ont été déployés, elles n’ont pas réussi à élaborer des critères de conformité mutuellement acceptables qui auraient permis de mettre le régime en application. Les parties ont donc changé d’approche.

[5] Les parties ont négocié une entente générale de règlement (l’« entente de règlement ») dans le but de régler non seulement les problèmes soulevés par le régime de LGM limitée, mais aussi d’autres questions liées aux demandes de contrôle judiciaire et aux périodes tarifaires futures. L’entente, qui est expliquée en détail ci-dessous, a reçu l’approbation générale de l’industrie. Elle englobe les tarifs convenus qui ont été conçus pour remplacer les tarifs homologués et qui visent également la période subséquente allant jusqu’à la fin de 2018.

[6] Les parties nous demandent de donner effet à cette entente de règlement a) en modifiant la décision du 21 avril 2016 de façon à remplacer les taux et les modalités des tarifs homologués par ceux que prévoit l’entente de règlement et b) en homologuant les tarifs pour les années subséquentes aux taux et aux modalités prévus dans l’entente de règlement. Bien que certaines considérations s’appliquent aux deux demandes, celles-ci comportent plusieurs éléments qui nécessitent une analyse différente. Nous examinerons donc les demandes séparément.

[7] Comme il est expliqué ci-dessous, il est fait droit aux deux demandes.

B. Les parties et l’objet des tarifs

[8] La présente décision porte sur des tarifs visant les reproductions faites par des stations de radio commerciale dans le cadre de leurs activités de radiodiffusion. Plus précisément, elle porte sur trois catégories de droits, à savoir :

  • le droit du titulaire du droit d’auteur sur une œuvre musicale de la reproduire et d’autoriser une telle reproduction;

  • le droit du titulaire du droit d’auteur sur un enregistrement sonore de le reproduire et d’autoriser une telle reproduction;

  • le droit du titulaire du droit d’auteur sur une prestation d’un artiste-interprète de reproduire toute reproduction d’une fixation autorisée de la prestation à des fins autres que celles visées par cette autorisation et d’autoriser une telle reproduction.

[9] Le premier droit est représenté dans la présente instance par CMMRA-SODRAC inc. (CSI); le deuxième, par Connect/SOPROQ, et le troisième, par Artisti.

C. L’entente de règlement

[10] CSI, Connect/SOPROQ et Artisti (les « sociétés de gestion ») ainsi que l’ACR (collectivement, les « parties ») sont parties à l’entente.

[11] Dans l’entente de règlement, les parties indiquent qu’elles souhaitent :

[TRADUCTION] (i) régler les différends qui les opposent au sujet des tarifs homologués, des projets de tarifs et des demandes [de contrôle judiciaire]; (ii) regrouper les tarifs homologués et les premiers projets de tarifs, révisés conformément à la présente entente, en un seul tarif de reproduction homologué pour la radio commerciale pour la période de 2012 à 2017 selon le modèle joint à l’annexe A (le « premier tarif convenu »); s’entendre sur un tarif de reproduction homologué pour la radio commerciale pour 2018 selon le modèle joint à l’annexe B (le « deuxième tarif convenu ») (collectivement, les « tarifs convenus »); et accroître la certitude et la prévisibilité quant aux redevances que les stations doivent déjà ou devront payer aux sociétés de gestion pendant la période visée par les tarifs convenus.

[12] L’entente de règlement élimine la LGM limitée que prévoient les tarifs homologués établis par la Commission dans sa décision du 21 avril 2016 et la remplace par certaines réductions générales applicables aux redevances qui ont été négociées par les parties. À cet égard, les parties font valoir ce qui suit :

[TRADUCTION] […] les tarifs convenus permettent de contourner les difficultés imprévues engendrées par la LGM, notamment en simplifiant le calcul des redevances, en précisant et en simplifiant les obligations en matière de reddition de comptes des stations, et en dispensant les parties de leur obligation de concevoir et de mettre en œuvre des régimes compliqués et coûteux pour administrer la LGM.

[13] Comme les parties l’ont indiqué dans leur lettre conjointe du 15 septembre 2017 adressée à la Commission, l’objectif consistait à :

[TRADUCTION] […] accroître la certitude et la prévisibilité quant aux redevances que les stations de radio commerciale doivent payer aux sociétés de gestion pendant la période visée par les tarifs convenus, de façon à réduire les coûts de transaction, les conflits inutiles et les litiges éventuels.

[14] Les sociétés de gestion et l’ACR sont les signataires originaux de l’entente de règlement. Cependant, à la première clause de l’entente, il est prévu que l’ACR ferait de son mieux, dans la mesure du raisonnable, pour que les radiodiffuseurs exerçant des activités de radiodiffusion commerciale contresignent l’entente de règlement et conviennent d’y être liés en tant que « stations consentantes ». L’entente de règlement ne devait entrer en vigueur que lorsque les stations consentantes représenteraient [TRADUCTION] « au moins 90 pour cent des revenus générés par la radio commerciale au Canada en 2015 ». Comme il est expliqué ci-dessous, ce seuil a été franchi.

[15] Une fois cette étape franchie, les sociétés de gestion devaient déposer auprès de la Commission le premier tarif convenu et le deuxième tarif convenu, de même qu’une demande conjointe afin qu’ils soient approuvés tels qu’ils ont été déposés, ce qu’elles ont fait le 15 septembre 2017. Le 21 novembre 2017, les sociétés de gestion et l’ACR ont retiré leurs demandes de contrôle judiciaire de la décision du 21 avril 2016.

[16] À la suite de l’avis 2017-171 de la Commission, les parties ont déposé le 9 février 2018, une demande écrite de modification, conformément à l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »), [3] à l’égard des tarifs homologués.

[17] Il est important de souligner que les tarifs visés par la demande de modification des tarifs homologués sont un sous-ensemble du premier tarif convenu, au sens donné à ce terme dans la lettre du 15 septembre 2017. Ainsi, le reste des projets de tarifs visés par le premier tariff convenu et le deuxième tarif convenu n’ont toujours pas été examinés par la Commission.

[18] Les deux principales questions à trancher sont donc les questions de savoir : i) s’il faudrait accueillir la demande de modification se rapportant aux tarifs homologués et, dans l’affirmative, de quelle manière ces tarifs devraient être modifiés, et ii) s’il faudrait homologuer le reste des projets de tarifs sur le fondement du premier tarif convenu et du deuxième tarif convenu qui visent une période subséquente à la période visée par les tarifs homologués.

D. Les stations consentantes

[19] Les sociétés de gestion, l’ACR et les stations consentantes représentent ensemble la très grande majorité des stations de radio commerciale privées au Canada et les titulaires des droits de reproduction de la musique enregistrée utilisée par ces stations dans le cadre de leurs activités de radiodiffusion. Au total, 709 stations ont convenu d’être liées par l’entente de règlement en tant que stations consentantes.

[20] Pratiquement toutes les stations de radio commerciale au Canada ont été contactées. Toutes celles qui ont répondu aux avocats de l’ACR ont convenu d’être liées par l’entente de règlement. Aucune station de radio commerciale au Canada ne s’y est opposée. L’entente de règlement est donc largement acceptée dans l’industrie.

II. LA DEMANDE DE MODIFICATION

A. Le contexte factuel

i. La décision du 21 avril 2016 de la Commission

[21] Dans sa décision du 21 avril 2016, la Commission s’est penchée sur de nombreuses questions. L’une d’elles consistait à savoir si – et dans quelle mesure – certains types de reproductions pouvaient bénéficier des exceptions prévues par la Loi à l’égard de l’utilisation équitable (art. 29), des reproductions de sauvegarde (art. 29.24), des reproductions qui font partie intégrante d’un processus technologique (art. 30.71) et des copies éphémères faites par une entreprise de radiodiffusion aux fins de leur radiodiffusion (art. 30.9). La Commission a rendu une décision à l’égard de chacun de ces points litigieux, mais c’est la structure des tarifs homologués en ce qui a trait aux copies éphémères (le « tarif fondé sur l’art. 30.9 ») qui est le principal moteur de la demande de modification.

[22] La Commission a conclu que les copies d’évaluation de la musique, les copies de sauvegarde et les copies pour diffusion en continu faites par les stations de radio à des fins de radiodiffusion sont admissibles aux exceptions prévues aux articles 29, 29.24 et 30.71, respectivement. Elle a établi des réductions générales pour ces types de reproductions.

[23] De plus, la Commission a conclu que trois autres types de copies, à savoir les copies d’incorporation, les copies de prestation en direct et les copies de préenregistrement vocal, pourraient être admissibles à une réduction en tant que copies éphémères. Cependant, puisqu’il existait à ce moment une preuve importante établissant que les stations de radio n’avaient pas encore entrepris les démarches nécessaires pour satisfaire aux exigences de l’article 30.9, la Commission ne pouvait pas appliquer une réduction générale pour ces types de copies. Elle a donc inclus une LGM limitée. En arrivant à cette conclusion, la Commission s’est exprimée comme suit :

[215] Il est à espérer que des éléments d’information sur l’application de la LGM seront présentés lors de la prochaine audience sur la radio commerciale, de même qu’une preuve à jour des pratiques de l’industrie. Il pourrait être pertinent pour la Commission de savoir quels types de reproductions faites par les radiodiffuseurs satisfont aux exigences de l’article 30.9, et dans quelles proportions. Ces données permettraient à la Commission de réévaluer comment tenir compte, dans le tarif, du fait que les stations se conformeraient à l’article 30.9, soit au moyen d’une réduction générale globale, d’une LGM ou d’une autre approche.

[…]

[217] Nous avons également conclu, étant donné que nous ne disposons d’aucun élément de preuve établissant que les stations se conforment aux exigences prévues à l’article 30.9 de la Loi, que nous ne pouvions accorder une réduction générale sur les taux de redevances sans avoir à spéculer quant au niveau anticipé de conformité. Toutefois, les stations qui démontrent qu’elles se conforment à l’article 30.9 pourront se prévaloir d’une réduction des redevances par l’entremise d’une LGM restreinte.

[…]

[346] Afin d’être admissible à cette réduction additionnelle à l’égard des reproductions éphémères, le diffuseur devra démontrer que chacune des copies pour lesquelles il demande une réduction respecte l’ensemble des exigences prescrites par l’article 30.9 de la Loi. Pour ce faire, le diffuseur remplira un rapport et le présentera à CSI. Les détails de ce rapport sont exposés ci-dessous, à la section portant sur le libellé du tarif. [non souligné dans l’original]

[24] Selon le paragraphe 8(2) des tarifs homologués, une station qui demande une réduction au titre de la LGM doit « fourni[r] tous les renseignements nécessaires pour évaluer le degré de conformité de la station avec l’article 30.9 de la Loi ».

ii. Les consequences

[25] Les parties font conjointement valoir que l’ambiguïté et le manque de clarté qui découlent de l’absence de critères de conformité à l’égard du régime de LGM ont rendu la mise en œuvre et la gestion de la LGM beaucoup plus complexes que ce à quoi on aurait pu raisonnablement s’attendre au moment où la Commission a rendu sa décision du 21 avril 2016, et que le régime de LGM est essentiellement impossible à appliquer. Les parties se sont engagées dans des négociations approfondies dans le but d’élaborer des critères de conformité mutuellement acceptables qui auraient permis aux stations qui demandent une réduction au titre de la LGM de démontrer qu’elles y ont droit et aux sociétés de gestion de vérifier la conformité, d’une manière qui est pratique du point de vue commercial, proportionnelle et réalisable sur le plan technologique. En dépit des efforts qui ont été déployés, les parties n’ont pas réussi à concevoir un tel protocole.

[26] Selon les parties, c’est ce qui a mené à l’entente de règlement, qui vise à remplacer le régime de LGM par certaines réductions générales additionnelles négociées par les parties.

B. Analyse : Demande de modification

i. Le pouvoir de modifier

[27] L’article 66.52 de la Loi confère à la Commission le pouvoir de modifier une décision :

La Commission peut, sur demande, modifier toute décision concernant les redevances […] ainsi que les modalités y afférentes, en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances depuis ces décisions.

[28] Par conséquent, dans la présente décision, il est question de savoir s’il y a eu une évolution importante des circonstances. Nous répondons par l’affirmative pour les raisons suivantes.

[29] Le pouvoir de la Commission de modifier une décision antérieure constitue une exception au principe général connu sous le nom de functus officio : une décision rendue par un tribunal est définitive, sous réserve d’un appel ou d’un contrôle judiciaire. Le pouvoir de modifier une décision ne doit pas être exercé aveuglément. Cela étant dit, les lois habilitantes qui régissent les tribunaux de réglementation ne devraient pas être interprétées restrictivement ni de manière à rendre les pouvoirs de ces tribunaux « stériles en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste ». [4] La loi « s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». [5]

[30] Pour expliquer en quoi consiste le pouvoir de modification d’un tribunal de réglementation que lui confère sa loi habilitante, la Cour suprême du Canada a adopté, il y a quelque temps, la définition suivante du terme « modifier » que donne le Shorter Oxford Dictionary : [TRADUCTION] « changer, altérer, adapter aux circonstances ou aux exigences par des changements appropriés ». [6] Bien que la Cour suprême du Canada se penchait sur le pouvoir de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique de modifier une décision ou une ordonnance en vertu du paragraphe 65(3) de la Labour Relations Act, RSBC 1960, dans sa version modifiée, nous sommes d’avis que cette description s’applique également au pouvoir conféré à la Commission par l’article 66.52.

[31] En effet, la Commission a déjà, dans le passé, exercé son pouvoir de modifier un tarif homologué, ou a exprimé sa volonté de le faire, afin de remédier aux difficultés liées à la gestion d’un tarif et de veiller à ce que le tarif soit plus efficace et plus facile d’application. [7]

[32] Cette démarche est compatible avec les vues exprimées par la Cour d’appel fédérale selon lesquelles une demande de modification est une mesure appropriée, et peut être accueillie moyennant une preuve adéquate, lorsqu’une ordonnance s’avère ambiguë ou difficile d’application. [8] Dans cette affaire, la Cour devait déterminer s’il fallait faire droit à une requête en sursis à l’exécution d’une injonction. Elle n’a pas accueilli la requête, mais le juge Stratas a fait observer que, si les ambiguïtés dont l’ordonnance était porteuse causaient de véritables difficultés pour son application, la partie plaignante pouvait présenter une requête en modification en vertu de l’alinéa 399(2)a) des Règles des Cours fédérales, parce que « [c]es véritables difficultés, si elles sont avérées et prouvées de façon convaincante, peuvent constituer “des faits nouveaux [qui] sont survenus […] après que l’ordonnance a été rendue” ». [9] Il a ensuite formulé les observations suivantes :

Si Janssen présente une requête devant la Cour fédérale en vertu de l’alinéa 399(2)a), il appartiendra à cette Cour de rechercher si les difficultés véritables alléguées par Janssen constituent « des faits nouveaux [qui] sont survenus […] après que l’ordonnance a été rendue ». La Cour fédérale pourrait se dire d’avis que les difficultés ont été dûment débattues avant le prononcé de l’injonction et que le libellé de celle-ci les résout de manière définitive. Lors des débats, Janssen semble avoir soutenu que bon nombre des difficultés qu’elle dit éprouver maintenant n’ont pas été prévues et que la Cour n’y a pas répondu lorsqu’elle a formulé l’injonction. Dans la mesure où cela est vrai, Janssen peut présenter une requête fondée sur l’article 399. [10]

ii. Évolution importante des circonstances

[33] Les observations qui précèdent portent principalement sur la démarche que nous avons adoptée pour interpréter les pouvoirs conférés à la Commission par l’article 66.52 et la manière dont les demanderesses voudraient que nous le fassions en l’espèce, c’est-à-dire, modifier les tarifs homologués en faisant des changements appropriés afin de s’adapter à l’évolution des circonstances. Nous nous penchons à présent sur la question de savoir si ce qui s’est passé constitue une évolution importante des circonstances, selon l’article 66.52, et, dans l’affirmative, si la Commission devrait modifier la décision du 21 avril 2016 pour mettre en œuvre le premier tarif convenu, comme cela a été demandé.

[34] Les parties soutiennent que la complexité et l’inapplicabilité imprévues de la LGM, ainsi que la signature de l’entente de règlement par les parties et les stations consentantes, constituent ensemble une évolution importante des circonstances factuelles depuis la décision de la Commission, comme l’envisage l’article 66.52. Les difficultés liées à la mise en œuvre du régime de LGM et la raison d’être de l’entente sont expliquées dans leur demande de modification conjointe :

[TRADUCTION] 23. Parallèlement au dépôt des demandes de contrôle judiciaire, CSI, Connect/SOPROQ et l’ACR ont entrepris des négociations multilatérales en vue de s’entendre sur des exigences précises en matière de reddition de comptes pour la LGM.

24. Les demanderesses ont établi la nécessité de s’entendre sur un ensemble d’exigences en matière de reddition de comptes pour la LGM qui sont déterminées et uniformes et qui seraient applicables au moins à tous les membres de l’ACR, sinon à la totalité des stations qui pourraient avoir demandé des réductions au titre de la LGM. En l’absence de ces exigences en matière de reddition de comptes, il subsisterait le risque grave que diverses stations individuelles ou groupes de stations communiquent des renseignements différents dans des formats différents. CSI, Connect/SOPROQ et l’ACR ont reconnu qu’en raison de tels résultats, il aurait été impossible pour les sociétés de gestion et les stations de procéder à l’échange et au traitement automatisé de données servant à l’établissement de rapports, ce qui aurait rendu la LGM inapplicable et donc impossible à gérer en pratique. Cette situation aurait donné lieu à beaucoup d’incertitude et de retards, et aurait entraîné une augmentation du coût des activités et des possibilités de litiges.

25. Par conséquent, pendant plusieurs mois, CSI, Connect/SOPROQ et l’ACR ont collaboré étroitement et de bonne foi pour tenter d’établir des exigences mutuellement acceptables en matière de reddition de comptes. Elles ont notamment tenu des réunions en personne et des conférences téléphoniques, et se sont échangées des lettres et des versions préliminaires de documents. Grâce à ces efforts, les parties ont tenté de déterminer et de s’entendre sur les renseignements et les documents qu’une station serait tenue de produire, et qu’elle aurait été capable de produire, pour demander une réduction au titre de la LGM, compte tenu à la fois des exigences prévues à l’article 30.9 et des fonctions technologiques et administratives des stations et des groupes de stations. Ces renseignements n’étaient pas tous aisément accessibles.

26. Toutefois, en décembre 2016, il était devenu évident que les parties ne seraient pas capables de formuler des exigences en matière de reddition de comptes adéquates et applicables pour la LGM, malgré le déploiement d’intenses efforts de collaboration. Il était donc manifeste, à moins de trouver une autre solution, que les demanderesses continueraient de courir les risques décrits au paragraphe 24 susmentionné, ce qui aurait rendu la LGM inapplicable et donc impossible à gérer en pratique.

27. En pareilles circonstances, chacune des demanderesses a exprimé sa volonté de faire des concessions afin d’aboutir à une solution négociée concernant les difficultés imprévues liées à la LGM […].

[35] Nous acceptons l’exactitude des faits relatés précédemment et concluons que l’explication, en soi, est convaincante.

[36] Au moment de rendre la décision du 21 avril 2016, la Commission avait prévu que la mise en œuvre de la LGM poserait des problèmes administratifs et des problèmes de conformité. Elle s’attendait, néanmoins, à ce que les stations soient capables de se conformer aux exigences et d’être admissibles à des réductions. La Commission a fait observer que, comme les radiodiffuseurs avaient entrepris graduellement de se conformer aux exigences énoncées à l’article 30.9, ce qu’ils n’avaient pas encore commencé de faire, et comme les stations de radio et les sociétés de gestion collaboraient en vue de partager le fardeau des coûts administratifs découlant de ces exigences, les radiodiffuseurs qui procédaient à certaines reproductions « devraient pouvoir se prévaloir de l’exception [relative aux copies éphémères] sans devoir attendre la prochaine audience ». [11]

[37] Cependant, compte tenu de la nature non limitative du tarif fondé sur l’article 30.9, de la situation de la collecte de renseignements pertinents dans l’industrie à ce moment-là (ou son absence), de la nécessité d’élaborer un système de conformité automatisé mutuellement accepté et, de manière générale, pour les raisons expliquées ci-dessus par les parties, les attentes de la Commission n’ont pas été satisfaites. Nous sommes convaincus que, si les éléments de preuve avaient établi de manière fiable que tel serait le cas, la Commission n’aurait pas homologué le tariff comme elle l’a fait. Il n’y aurait eu aucun intérêt à le faire. À notre avis, les changements ultérieurs et l’évolution des circonstances factuelles sont par conséquent « importants ». [12]

[38] Il ne s’agit pas ici d’un cas où les parties ont elles-mêmes créé une évolution des circonstances et cherchent maintenant à obtenir une modification simplement pour mettre en vigueur une entente postérieure à l’homologation qui correspond davantage à leurs préférences. Il s’agit plutôt d’un cas où elles ont réagi à une tournure des événements à laquelle on ne pouvait pas raisonnablement s’attendre en négociant une solution mutuellement acceptable qui a bénéficié d’un appui massif, sans aucune opposition, au sein de l’industrie.

[39] Dans le contexte de la présente instance, nous sommes convaincus que les changements factuels postérieurs à l’homologation constituent à la fois une « évolution » et une évolution « importante » des circonstances factuelles suffisante pour que la Commission exerce son pouvoir de modification prévu à l’article 66.52. [13]

iii. La demande de modification devrait-elle être accueillie?

[40] Les situations dans lesquelles les parties à une instance relative à l’homologation arrivent à un règlement de diverses questions postérieures à l’homologation – y compris des questions qui sont visées par les tarifs homologués – n’aboutissent pas toutes nécessairement à la décision de modifier les tarifs. Le pouvoir de la Commission de modifier un tarif est discrétionnaire. Chaque cas doit être tranché en fonction des fondements factuels et juridiques sur lesquels il repose.

[41] Le simple fait que les sociétés de gestion et les utilisateurs aient conclu une entente à la suite d’une décision de la Commission dont l’issue est différente de ce qui est prévu dans un tarif homologué ne justifie pas nécessairement, à lui seul, qu’une modification soit accordée. Toutefois, compte tenu des circonstances particulières de l’instance, nous acceptons les observations conjointes des parties.

[42] L’entente de règlement respecte les facteurs que la Commission prend généralement en compte pour trancher la question de savoir s’il faut homologuer un projet de tarif en fonction d’une entente des parties concernées lorsque l’objet de l’entente et celui du projet de tarif sont les mêmes. En pareilles circonstances, la Commission prend en compte les facteurs suivants, que l’on appelle parfois le « cadre établi dans la décision Tarif 5 de Ré:Sonne » : a) la mesure dans laquelle les parties aux ententes peuvent s’exprimer au nom de tous les utilisateurs et b) si les prétentions mises de l’avant par d’anciennes parties ou des tiers utilisateurs ont été prises en compte. [14]

[43] En l’espèce, nul ne conteste que les demanderesses, de concert avec les stations consentantes, représentent les intérêts de tous les utilisateurs. Bien que l’ACR ne représente pas chaque station de radio commerciale au Canada, elle représente la grande majorité d’entre elles.

[44] En ce qui concerne les chiffres, il ressort des renseignements les plus récents [15] qu’un nombre total de 687 stations de radio commerciale ont versé des redevances à CSI en 2016. Parmi ces stations, 636 (environ 93 pour cent, représentant environ 97 pour cent des revenus) ont signé l’entente de règlement. En outre, 73 autres stations qui ne versent pas de redevances à CSI ont accepté d’être liées, ce qui porte le nombre total de stations consentantes à 709. De plus amples précisions sont fournies dans les tableaux ci-après.

[45] Le tableau 1 montre la répartition des stations par région. Le nombre total de stations, à savoir 687, est le nombre total de stations de radio autorisées au Canada qui ont versé des redevances à CSI en 2016 et comprend aussi bien des membres que des non-membres de l’ACR.

Tableau 1 : Répartition des stations par région et par situation quant au consentement, 2016

Région

Stations consentantes

Stations qui n’ont pas répondu

Total

Pourcentage quant au consentement

Nord

1

3

4

25,00 %

Ouest

276

16

292

94,52 %

Ontario

206

10

216

95,37 %

Québec

72

18

90

80,00 %

Est

81

4

85

95,29 %

Total

636

51

687

92,58 %

[46] Le tableau 2 montre la répartition des stations par la langue de diffusion, selon la licence du CRTC de la station.

Tableau 2 : Répartition des stations par langue et par situation quant au consentement, 2016

Langue

Stations consentantes

Stations qui n’ont pas répondu

Total

Pourcentage quant au consentement

Français

75

15

90

83,33 %

Anglais

548

31

579

94,65 %

Autre

13

5

18

72,22 %

Total

636

51

687

92,58 %

[47] Le tableau 3 montre la répartition des stations selon les groupes de revenus.

Tableau 3 : Répartition des stations par taille et par situation quant au consentement, 2016

Taille

Stations consentantes

Stations qui n’ont pas répondu

Total

Pourcentage quant au consentement

Petite

167

28

195

85,64 %

Moyenne

162

13

174

93,10 %

Grande

307

10

317

96,85 %

Total

636

51

687

92,58 %

[48] Il ressort des tableaux 1 à 3 qu’il n’existe pas de concentration élevée de stations qui n’ont pas répondu dans l’une ou l’autre région géographique particulière du pays, [16] ou selon la répartition par langue ou par taille de la station. Ainsi, les stations consentantes reflètent la situation de l’industrie de la radio commerciale au Canada.

[49] La Commission a antérieurement conclu qu’un opposant représentant plus de 90 pour cent des utilisateurs concernés exprime le point de vue « d’un grand nombre » de ces utilisateurs. [17] Compte tenu des renseignements qui précèdent, nous sommes d’avis que la même supposition peut être formulée sans crainte en l’espèce.

[50] Le second facteur énoncé dans l’analyse du Tarif 5 de Ré:Sonne porte sur d’anciennes parties et des tiers utilisateurs ainsi que sur l’appréciation de prétentions qu’ils ont mises de l’avant. La raison d’être sous-jacente est de veiller à ce que la Commission entende, et puisse examiner, les commentaires pertinents qui confirment le point de vue de toute personne ou organisation raisonnablement intéressée à qui pourrait s’appliquer l’entente de règlement.

[51] L’appréciation des commentaires formulés par des tiers utilisateurs est souvent plus difficile à faire, étant donné qu’ils ne sont pas souvent au courant des procédures de la Commission. Cependant, cet énoncé général n’est pas exact en l’espèce. Dans une lettre adressée à la Commission le 22 décembre 2017, les parties ont conjointement stipulé ce qui suit :

[TRADUCTION] L’avocat de l’ACR a consulté celle-ci pour obtenir une liste de toutes les stations de radio commerciale au Canada qui avaient été consignées dans la base de données de l’ACR. L’ACR possède une base de données de tous ses membres ainsi que d’autres stations de radio qu’elle connaît grâce à des communications antérieures. Sur une période de six mois, l’avocat de l’ACR a communiqué par courriel et par téléphone avec toutes les stations figurant dans la base de données et, dans certains cas, il a contacté des stations six fois ou plus pour tenter de discuter avec elles de la question relative aux tarifs et au règlement. L’avocat de CSI, après une série de communications concernant les efforts de sensibilisation déployés par l’avocat de l’ACR, a consulté la CMRRA et la SODRAC au sujet d’autres stations et groupes de stations que chaque société de gestion avait désignées comme titulaires de licences. L’avocat de l’ACR a par la suite tenté de communiquer avec les autres stations dont il avait appris l’existence grâce aux listes de la CMRRA et de la SODRAC. Ainsi, l’avocat de l’ACR a tenté de communiquer à plusieurs reprises avec toutes les stations figurant dans la base de données de l’ACR (membres et non membres) ainsi qu’avec toutes les stations figurant sur les listes de la CMRRA et de la SODRAC en tant que titulaires de licences pour lesquelles il existait des coordonnées. [non souligné dans l’original]

[52] À notre avis, les efforts décrits ci-dessus correspondent à ceux que nous exigerions de parties qui prennent part à un règlement afin de veiller à ce que les tiers utilisateurs soient contactés en l’espèce. À la suite de ces contacts, les tiers utilisateurs n’ont formulé aucuns commentaires. En outre, comme cela ressort de la lettre du 27 mars 2018 que les parties ont adressée à la Commission, les efforts soutenus qui ont été déployés pour joindre plus de stations ont permis qu’un plus grand nombre de stations consente au règlement. À la suite de ces efforts soutenus, la Commission ou les parties n’ont pas non plus reçu d’autres commentaires formulés par des tiers utilisateurs.

[53] Compte tenu de ce qui précède, nous sommes convaincus que le second facteur de l’analyse du Tarif 5 de Ré:Sonne est également respecté.

[54] Dans l’arrêt Netflix, la Cour d’appel fédérale a généralement approuvé l’analyse du Tarif 5 de Ré:Sonne, mais l’a précisée ainsi, quand une entente de règlement porte sur un objet différent de celui de projets de tarifs publiés :

quand une entente de règlement porte sur une question qui ne figurait pas dans le projet de redevances publié, comme c’est le cas en l’espèce, et quand aucune des parties à la table de négociation n’est lésée par le changement, comme c’est aussi le cas en l’espèce, il me semble que l’équité procédurale exige qu’on donne à un membre représentatif du segment lésé de l’industrie la possibilité, s’il le désire, de formuler ses observations et son point de vue pour que la Commission en dispose. [18]

[55] Les précisions apportées par l’arrêt Netflix ne s’appliquent pas en l’espèce, parce que l’objet de l’entente de règlement se rapportant aux tarifs homologués et aux projets de tarifs demeure le même. Il n’est donc pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.

[56] Par conséquent, nous concluons que la modification devrait être accordée. Nous examinons donc la manière dont les tarifs homologués devraient être modifiés.

C. Comment modifier les tarifs homologués

[57] Les parties ont demandé à la Commission de modifier les tarifs homologués en fonction du premier tarif convenu. Nous analysons donc ci-dessous les portions pertinentes du premier tarif convenu.

[58] Par définition, la demande de modification ne peut s’appliquer qu’aux tarifs homologués et aux périodes visées par ceux-ci. Par conséquent, les tarifs concernés sont les suivants :

  • le tarif de CSI s’appliquant aux stations de radio utilisant peu d’œuvres (œuvres musicales) pour la période du 7 novembre 2012 au 31 décembre 2013;

  • le tarif de CSI s’appliquant à toutes les autres stations de radio (œuvres musicales) pour la période du 7 novembre 2012 au 31 décembre 2013;

  • le tarif de Connect/SOPROQ s’appliquant aux stations de radio utilisant peu d’enregistrements (enregistrements sonores) pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017;

  • le tarif de Connect/SOPROQ s’appliquant à toutes les autres stations de radio (enregistrements sonores) pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017;

  • le tarif d’Artisti s’appliquant aux stations de radio utilisant peu d’enregistrements (enregistrements sonores) pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014;

  • le tarif d’Artisti s’appliquant à toutes les autres stations de radio (enregistrements sonores) pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

[59] Comme le montre cette liste, la période d’application des tarifs homologués varie d’une société de gestion à l’autre; la période visée par la demande de modification (la « période de modification ») varie donc également d’une société de gestion à l’autre.

i. Analyse des tariffs

[60] Tant les tarifs homologués que les tarifs convenus reposent sur une structure de redevances à trois paliers de revenus. Le fonctionnement de ces paliers est similaire à celui des fourchettes d’imposition : une station de radio paye un taux donné sur son revenu dans le palier donné, des taux différents s’appliquant aux différents paliers de revenus. Nous estimons donc utile d’examiner les effets de la demande de modification sur trois stations de radio fictives, chacune d’elles ayant un revenu correspondant à un des paliers. Il s’agit d’une « petite » station, qui génère des revenus annuels de 312 500 $, d’une station « moyenne », qui génère des revenus annuels de 937 500 $ et d’une « grande » station, dont les revenus annuels correspondent à la moyenne de l’industrie dans son ensemble, soit de 2,1 M$ à 2,4 M$ selon l’année.

[61] Cette moyenne a été calculée en fonction des renseignements statistiques et financiers publiés par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Chaque année, celui-ci publie des données tirées du cumul des rapports annuels présentés par les stations de radio commerciale et les stations de Radio-Canada. Les rapports couvrent une année de radiodiffusion se terminant le 31 août. [19] Au moment d’effectuer notre analyse, les données sont accessibles pour la période de 2012 à 2016. Les données comprennent, entre autres, les revenus de l’ensemble de l’industrie de la radiodiffusion commerciale et le nombre de stations composant cette industrie. Aux fins de notre analyse, nous avons déterminé le revenu moyen des stations en divisant les revenus globaux par le nombre de stations. Nous avons également posé l’hypothèse que les revenus moyens des stations de radio continueraient de diminuer en 2017 et en 2018 au même rythme que de 2012 à 2016.

[62] Enfin, comme il est question de comparer les redevances payables en vertu des tarifs convenus avec celles des tarifs homologués, qui reposent sur une licence générale modifiée, nous avons effectué nos calculs en supposant une conformité nulle aux conditions établies à l’article 30.9 (sur lequel s’appuie la LGM homologuée en 2016).

[63] Il y a trois raisons de procéder de la sorte. D’abord, selon la preuve présentée dans le cadre de l’instance ayant mené à l’homologation du Tarif pour la radio commerciale (2011-2017), au dernier trimestre de 2013, les radiodiffuseurs ne disposaient pas des systèmes qui leur auraient permis de se conformer à l’article 30.9. [20] Ensuite, la Commission ne dispose d’aucune donnée qui lui permettrait d’estimer de façon fiable la conformité des stations lors d’années subséquentes. Pour terminer, cette méthode facilite les comparaisons entre les années, compte tenu du fait que la conformité d’une station donnée peut varier d’une année à l’autre.

[64] Les tableaux 4 et 5 présentent les résultats de notre analyse. Pour chacun des tariffs examinés, nous avons calculé l’écart entre la somme des redevances qu’une station aurait dû verser au cours de la période de modification selon les tarifs convenus par rapport à celle qu’elle aurait dû verser selon les tarifs homologués. Un écart positif correspond à un coût additionnel pour la station, tandis qu’un écart négatif représente une économie.

Tableau 4 : Variation des redevances entre les tarifs convenus et les tarifs homologués, selon la société de gestion, pour trois stations « à utilisation normale » pendant la période de modification

Catégorie de revenus de la station

Artisti

(janv. 2012-déc. 2014)

Connect/SOPROQ

(janv. 2012-déc. 2017)

CSI

(7 nov. 2012-déc. 2013)

Petite station

0 $

-13 $

14 $

Station moyenne

0 $

-58 $

61 $

Grande station

24 $

-215 $

325 $

Tableau 5 : Variation des redevances entre les tarifs convenus et les tarifs homologués, selon la société de gestion, pour trois stations « à faible utilisation » pendant la période de modification

Catégorie de revenus de la station

Artisti

(janv. 2012-déc. 2014)

Connect/SOPROQ

(janv. 2012-déc. 2017)

CSI

(7 nov. 2012-déc. 2013)

Petite station

-7 $

-18 $

7 $

Station moyenne

-13 $

-62 $

29 $

Grande station

-13 $

-156 $

133 $

ii. Équité

[65] Selon cet examen portant uniquement sur la période de modification, on constate que les tarifs convenus entraîneraient une hausse des redevances pour certaines stations, notamment en ce qui concerne les tarifs de CSI. Cela, en soi, soulève certaines préoccupations quant à l’équité de l’entente à l’endroit de certaines stations pour la période de modification.

[66] Cependant, il faut considérer les taux convenus pour la période de modification en tenant compte de l’ensemble de l’entente de règlement, puisqu’elle représente l’intégralité du marché conclu entre les parties. D’un point de vue économique, rien n’empêche un acheteur et un vendeur de conclure un contrat couvrant plusieurs périodes. Les versements effectués au cours d’une période donnée peuvent être plus ou moins élevés que le point d’équilibre, tant que les montants versés dans le cadre du contrat global correspondent à ce qui a été accepté par l’une et l’autre partie. L’acheteur peut ainsi choisir de verser un montant moindre initialement, ou le vendeur de toucher un paiement forfaitaire plus élevé en début de période, selon les besoins de l’une ou l’autre partie en matière de flux de trésorerie. C’est donc dire qu’une analyse portant uniquement sur la période de modification n’est pas représentative de l’entente qui a été conclue en l’espèce.

[67] Les taux prévus dans les tarifs convenus pour la période subséquente à la période de modification sont pour la plupart inférieurs à ceux prévus dans les tarifs homologués. De fait, les taux convenus pour ces années sont de 10 à 13 pour cent plus bas que les taux homologués, et supposent un taux de conformité de 35 pour cent aux conditions de la LGM.

[68] Il n’est pas possible de déterminer au premier coup d’œil si ces taux sont suffisamment bas pour être réellement avantageux pour les stations de toutes tailles (petites, moyennes et grandes). Nous reprenons donc l’analyse présentée aux tableaux 4 et 5, mais en tenant compte cette fois de la période de 2012 à 2018 dans son entier.

[69] Comme la Commission n’a pas encore homologué de tarifs pour les années suivant la période de modification, il faut utiliser un autre point de comparaison pour les taux de ces années. En guise d’approximation raisonnable des taux des futures redevances, nous posons l’hypothèse que la Commission aurait maintenu le statu quo, donc que les taux des tarifs en question seraient restés les mêmes jusqu’en 2018. Comme nous l’avons fait précédemment, nous posons également l’hypothèse que la conformité aux conditions de l’article 30.9 est nulle.

[70] Les tableaux 6 et 7 présentent les résultats de cette analyse étendue.

Tableau 6 : Variation des redevances entre les tarifs convenus et les tarifs homologués, selon la société de gestion, pour trois stations « à utilisation normale » de 2012 à 2018

Catégorie de revenus de la station

Artisti

Connect/SOPROQ

CSI

Petite station

-0 $

-103 $

-136 $

Station moyenne

-6 $

-414 $

-536 $

Grande station

-4 $

-1 731 $

-2 186 $

Tableau 7 : Variation des redevances entre les tarifs convenus et les tarifs homologués, selon la société de gestion, pour trois stations « à faible utilisation » de 2012 à 2018

Catégorie de revenus de la station

Artisti

Connect/SOPROQ

CSI

Petite station

-19 $

-62 $

-55 $

Station moyenne

-45 $

-228 $

-215 $

Grande station

-68 $

-751 $

-755 $

iii. Équité

[71] Les tableaux 6 et 7 montrent que les stations de toutes tailles devraient verser des redevances moins élevées en vertu des taux prévus aux tarifs convenus par rapport aux taux prévus aux tarifs homologués, selon l’hypothèse qu’elles ne seraient pas en mesure de se conformer aux exigences de l’article 30.9 de la Loi et de démontrer qu’elles s’y conforment, ou qu’elles s’abstiendraient de le faire.

iv. Équité à l’égard des stations n’ayant pas adhéré à l’entente

[72] La majorité des stations qui n’ont pas adhéré à l’entente semblent être des stations de petite taille (revenus de moins de 625 000 $ par année). Comme le montrent les tableaux 6 et 7, même ces stations verseraient moins de redevances en vertu des tarifs convenus qu’en vertu des tarifs homologués dans l’éventualité où elles ne profiteraient pas des dispositions de la LGM.

[73] Nous jugeons donc que la décision de modifier ou non les tarifs homologués n’a pas à être influencée par l’existence d’un nombre relativement faible de stations n’ayant pas adhéré à l’entente après avoir été contactées et d’autres stations n’ayant pas pu être identifiées. Comme le démontrent les éléments au dossier, l’entente de règlement rassemble des stations de radio commerciale de toutes tailles et de toutes les régions du pays. Le fait que la quasi-totalité des stations de radio commerciale du Canada adhère à l’entente est un indicateur clair du fait que l’ensemble de l’industrie considère la demande de modification comme une solution juste, équitable et avantageuse, qui permet d’éviter que les parties se retrouvent de nouveau devant les tribunaux.

[74] Les demanderesses reconnaissent qu’il n’est pas nécessaire de modifier le tarif pour le compte des sociétés de gestion et des stations consentantes, puisque l’article 70.191 de la Loi prévoit qu’un tarif ne s’applique pas lorsqu’une entente a été conclue. Elles font cependant valoir le besoin de modifier la décision de façon à homologuer les parties pertinentes du premier tarif convenu afin d’éviter qu’une station n’ayant pas adhéré à l’entente puisse tenter de faire appliquer le tarif tel qu’il a été homologué en 2016.

[75] Il serait improbable, mais pas impossible qu’une station n’ayant pas adhéré à l’entente cherche à faire appliquer les tarifs homologués. Selon les sociétés de gestion, dans cette éventualité, elles seraient forcées de mettre au point des mécanismes complexes et coûteux pour surveiller la conformité des stations, possiblement en tenant compte de renseignements fournis dans des formats différents par différentes stations, et ce, pour un nombre marginal d’entreprises. Cette situation neutraliserait les gains de l’entente de règlement et serait carrément contraire à ses objectifs.

[76] À notre avis, les stations n’ayant pas adhéré à l’entente ne subiraient aucun préjudice du fait de l’adoption de la modification demandée. En vérité, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, l’accueil de la demande de modification devrait les avantager en fin de compte.

D. Conclusion : demande de modification

[77] Les redevances qui sont en jeu en l’espèce ne sont pas négligeables. Les parties soutiennent que les réductions de redevances potentielles, s’il avait été possible de les appliquer, auraient pu totaliser jusqu’à 26,76 pour cent dans le cas des enregistrements sonores, et jusqu’à 27,8 pour cent dans le cas des œuvres musicales. Dans la décision du 21 avril 2016, la Commission calcule que la réduction maximale additionnelle de redevances pourrait totaliser environ 7 M$ par année. [21] En supposant que toutes les stations s’étaient pleinement conformées aux exigences de la LGM, les réductions auraient pu totaliser 42 M$ au cours de la période 2012-2017. Ces réductions pourraient être menacées par une LGM qui s’est révélée difficile à administrer. L’entente de règlement, qui a reçu un appui sans réserve de la part de l’industrie, est le résultat obtenu par la négociation.

[78] Comme les parties le font remarquer dans leur demande de modification, au paragraphe 52 :

[TRADUCTION] [É]tant donné la complexité inattendue entourant l’administration de la LGM, il est probable que ces sommes feraient l’objet de différends et de litiges sans fin qui pourraient découler des demandes de réductions des stations au titre de la LGM. En adoptant l’entente de règlement, et grâce aux concessions faites par chacune d’elles, les demanderesses cherchaient à éviter ce résultat indésirable et à fournir une voie plus sûre aux stations souhaitant réclamer des réductions de redevances par suite de l’application de l’article 30.9.

[79] Les taux et les modalités que prévoit le premier tarif convenu pour la période de modification font intervenir un élément de certitude et un certain degré de cohérence et d’uniformité qui – pour des raisons qui étaient raisonnablement imprévisibles à l’époque – faisaient défaut aux tarifs homologués. Le premier tarif convenu propose une solution raisonnable, sur le plan commercial, à une partie du tarif portant sur la LGM qui s’est avérée impossible à appliquer, et ce, avec l’aval presque unanime de l’industrie, sans causer de préjudice au public, et d’une manière qui est, selon nous, juste et équitable tant pour les titulaires de droits que pour les utilisateurs. L’industrie de la radio commerciale, tout comme le public, bénéficiera d’une structure tarifaire possédant ces attributs dans un régime efficace de gestion collective du droit d’auteur.

[80] Pour les motifs qui précèdent, la demande de modification est accueillie et les tarifs homologués sont modifiés conformément aux taux et aux modalités énoncés dans la partie correspondante du premier tarif convenu.

III. TARIFS DE REPRODUCTION « FUTURS »

[81] Dans la présente partie des motifs, nous nous penchons sur les projets de tarifs de reproduction pour les années subséquentes à celles visées par les tarifs homologués, à savoir les années visées en partie par le premier tarif convenu (jusqu’en 2017) et par le deuxième tarif convenu (2018), comme suit :

  • Tarif Artisti pour la radio commerciale (2015-2017, 2018);

  • Tarif pour la radio commerciale Connect/SOPROQ (2018);

  • Tarif CSI pour la radio commerciale (2014, 2015, 2016, 2017, 2018).

[82] Étant donné que les tarifs convenus sont une composante de l’entente de règlement et que celle-ci a déjà fait l’objet d’une analyse en profondeur, nous ne ferons pas de nouvelle analyse ici. Nous nous contenterons de dire que, pour les mêmes motifs que ceux qui s’appliquent au premier tarif convenu, nous sommes convaincus que le deuxième tarif convenu est également conforme aux exigences de l’analyse du Tarif 5 de Ré:Sonne.

[83] En bref, l’entente de règlement a reçu un appui important des stations consentantes dans l’industrie, et aucune catégorie particulière de stations de radio n’est sous-représentée; les parties à l’entente sont ainsi représentatives des intérêts de l’ensemble des utilisateurs éventuels. La Commission, ayant eu le loisir d’examiner les observations des anciennes parties, est convaincue d’avoir entendu les commentaires pertinents qui confirment le point de vue de toute personne ou organisation raisonnablement intéressée à qui pourraient s’appliquer les projets de tarifs, et d’en avoir tenu compte.

[84] Enfin, comme il est mentionné dans notre analyse qui précède concernant la période de modification du premier tarif convenu, les éléments pris en considération dans l’arrêt Netflix n’entrent pas en jeu en l’espèce, car il n’y a pas de différence d’objet entre les projets de tarifs publiés et les tarifs convenus.

A. Analyse des tarifs convenus subséquents à la période de modification

[85] Dans l’avis 2017-058 (concernant les Tarifs 5.A à 5.K (2008–2015) de Ré:Sonne [22] ), la Commission a évoqué le concept d’équité en matière de fond, suivant lequel il y a lieu de faire une comparaison entre les taux existants et les nouveaux taux. Dans la mesure où les nouveaux taux sont supérieurs aux anciens taux, cette différence ne devrait pas être fixée arbitrairement, mais plutôt reposer sur des motifs précis. L’analyse du Tarif 5 de Ré:Sonne et les précisions apportées dans l’arrêt Netflix relèvent de l’équité procédurale. Nous nous pencherons maintenant sur le deuxième tariff convenu sous l’angle de l’équité en matière de fond.

[86] La question de l’équité en matière de fond peut facilement être tranchée dans le cas de Connect/SOPROQ. Les taux homologués les plus récents visaient l’année 2017. Les taux de 2018 énoncés dans les tarifs convenus sont invariablement inférieurs aux taux homologués par la Commission pour 2017, peu importe les revenus annuels de la station de radio ou l’utilisation qu’elle fait de la musique. Cela signifie que, dans le cas des taux de Connect/SOPROQ, la question de l’équité en matière de fond ne se pose pas pour les utilisateurs.

[87] Nous examinerons maintenant les taux d’Artisti. Au regard de l’équité en matière de fond, les taux applicables aux stations à faible utilisation sont invariablement inférieurs ou égaux à ceux homologués par la Commission concernant Artisti pour l’année 2014. En ce qui concerne les stations à utilisation normale, les taux applicables sont inférieurs ou égaux en tout temps, sauf dans le cas des stations dont les revenus excèdent 1,25 M$ par année. Partant, il y a lieu de restreindre l’analyse aux stations qui se situent dans la tranche de revenu supérieure.

[88] Les taux d’Artisti applicables aux stations à utilisation normale et appartenant à la tranche de revenu supérieure sont de 0,02 pour cent en 2015 et en 2016, et de 0,017 pour cent en 2017 et en 2018, contre 0,019 pour cent en 2014. Aux fins de l’analyse de ces taux, nous avons établi que si les stations de radio appartenant à la tranche de revenu supérieure avaient connu un taux de croissance composé annualisé de 1,2 pour cent au cours de la période 2015-2018, les redevances annuelles moyennes versées relativement à la même période (exprimées en dollars) seraient égales à celles versées en 2014 si l’on retient le taux en supposant la non-conformité à l’article 30.9. Dans ses relevés statistiques et financiers relatifs à la radio, [23] le CRTC fait état d’une diminution des revenus totaux et des revenus par station au cours de la période 2015-2016, ce qui donne à penser que le taux annuel moyen auquel les stations ont versé des redevances était, en moyenne, inférieur au taux homologué pour l’année 2014. Dans les circonstances actuelles, nous sommes convaincus que les taux d’Artisti ne posent pas problème sur le plan de l’équité en matière de fond.

[89] Les taux de CSI sont en bonne partie semblables à ceux d’Artisti qui s’appliquent aux stations de la tranche de revenu supérieure, dont nous venons de parler. Dans le cas de CSI, peu importe les revenus annuels ou l’utilisation qui est faite de la musique, les taux applicables au cours de la période 2014-2016 sont supérieurs à ceux prévus pour 2013 (tels qu’ils ont été homologués par la Commission en 2016), et les taux relatifs à la période 2017-2018 sont inférieurs à ceux établis pour 2013. Par conséquent, pour chacun des six taux de CSI, nous avons réalisé la même analyse que celle décrite ci-dessus relativement à Artisti. Selon nos résultats, dans le cas de CSI, les taux de croissance annuels composés implicites qui produisent les mêmes redevances (en moyenne) pour 2014-2018 que pour 2013 se situent dans une fourchette de 1,315 à 1,615 pour cent. Ces taux sont du même ordre que ceux obtenus dans le cas d’Artisti. Encore une fois, comme les revenus des stations de radio commerciale ont diminué au cours de la période 2015-2016, les taux prévus dans l’entente ne sont pas problématiques eu égard à l’équité en matière de fond.

B. Oppositions

[90] Artisti, l’ADISQ et Shaw Communications se sont opposées à un ou plusieurs projets de tarifs de reproduction non visés par la demande de modification. Chacune a soulevé certaines questions dans sa lettre d’opposition, mais aucune n’a formulé d’autres commentaires depuis la conclusion de l’entente de règlement. Ci-après, nous nous penchons néanmoins sur les observations formulées dans les oppositions initiales.

[91] Artisti s’est opposée au projet de tarif de Connect/SOPROQ, parce que les taux des deux sociétés de gestion sont corrélés (négativement). Ainsi, la hausse du taux de l’une, sans hausse globale de la valeur de la musique par ailleurs, se traduit par une diminution du taux de l’autre. Cet argument est valable. Toutefois, l’opposition est rendue théorique du fait que ces sociétés de gestion ont accepté que les taux de l’entente de règlement tiennent compte de cette corrélation.

[92] Shaw s’est opposée aux taux proposés et aux modalités du projet de tarif de CSI. L’homologation d’un tarif reposant sur l’entente tiendrait compte de cette opposition : les taux prévus par l’entente sont inférieurs à la fois à ceux proposés par CSI et aux taux homologués les plus récents, et les modalités sont semblables à celles d’autres tarifs visant la radio commerciale que la Commission a homologués par le passé.

[93] En dernier lieu, l’ADISQ s’est opposée au projet de tarif d’Artisti au motif que les activités ciblées font l’objet d’ententes collectives qu’elle a conclues avec des tiers. Cependant, la lettre envoyée par les parties en septembre 2017 confirme que l’ADISQ ne s’oppose pas à l’homologation des tarifs convenus.

[94] Par conséquent, nous sommes convaincus que le reste des projets de tarifs en cause (c.-à-d. ceux des années qui suivent la période de modification) devraient être homologués eu égard au premier et au deuxième tarif convenu, tels qu’ils sont énoncés dans l’entente de règlement.

C. Libellé du tarif

[95] En général, lorsque la Commission homologue un tarif qui prévoit un rapport de vérification, ce dernier est seulement communiqué aux sociétés de gestion et l’information confidentielle est uniquement communiquée à ces sociétés et à leurs prestataires de services, tels que définis à l’article 2 du tarif. En l’espèce, les sociétés de gestion proposent d’étendre l’accès au rapport de vérification à la SOCAN et Ré:Sonne et l’accès à l’information confidentielle à ces sociétés et leurs prestataires de services.

[96] En 2010 et 2016, la Commission a homologué un tarif conjoint pour la radio commerciale, portant à la fois sur la reproduction et la communication.

[97] Le tarif 2010 prévoyait que le rapport de vérification serait communiqué aux autres sociétés de gestion. [24] Même si le terme « société de gestion » n’y était pas défini, il ressortait clairement du contexte de la disposition que ce terme incluait toutes les sociétés de gestion dans le tarif conjoint, SOCAN et Ré:Sonne incluses.

[98] Le tarif 2016 comportait deux mises à jour de ces dispositions. En premier lieu, le terme « société de gestion » était défini comme « SOCAN, Ré:Sonne, CSI, Connect/SOPROQ et Artisti ». [25] En second lieu, les mots « prestataires de service » étaient ajoutés à la partie sur le traitement confidentiel.

[99] Les tarifs convenus prévoient l’inclusion de dispositions similaires. Nous sommes d’accord; le fait d’ajouter la SOCAN et Ré:Sonne à ces deux dispositions ne ferait que recréer la situation qui existait dans le tarif homologué en 2016.

[100] Le paragraphe 6(2) des tarifs convenus prévoit qu’un utilisateur du tarif ne peut se prévaloir d’aucune réduction de redevances payables en raison d’une réclamation à l’égard de l’application d’une exception aux termes de la Loi. Cette disposition n’est pas nécessaire. À l’instar de plusieurs tarifs de la Commission, l’établissement des taux de redevances dans l’instance prévoit déjà une réduction pour tenir compte de l’application possible d’exceptions. Lorsqu’une réduction peut être obtenue dans un tarif, ce dernier en prévoit déjà explicitement la possibilité. De plus, l’inclusion d’une telle disposition dans le tarif pourrait suggérer à tort que chercher à obtenir une réduction est possible dans le contexte d’autres tarifs qui ne contiennent pas une disposition similaire. Conséquemment, nous n’incluons pas cette disposition dans le tarif.

D. Facteurs d’intérêt

[101] Dans son avis 2018-188 du 6 septembre 2018 à l’égard de l’utilisation de facteurs d’intérêt multiplicatifs, la Commission a indiqué qu’elle ne pouvait homologuer les facteurs d’intérêt inclus dans le premier tariff convenu, tel qu’actuellement libellé, puisqu’ils reflétaient des obligations de paiements pour le passé. La Commission a par la suite demandé aux parties si elle avait la compétence pour homologuer un tableau de facteurs d’intérêt autre que celui contenu dans le premier tarif convenu, et si un nouveau tableau, ajusté pour tenir compte de nouvelles obligations de paiement pour l’avenir, devrait être inclus. Les parties se sont dites d’accord pour inclure de nouveaux facteurs d’intérêt et, bien qu’elles n’aient pas déposé d’observations sur la question de compétence, elles ont affirmé ne pas avoir l’intention de contester la compétence de la Commission d’inclure un tel tableau. Les parties ont également convenu qu’il n’était pas nécessaire d’inclure des facteurs d’intérêt dans le deuxième tarif convenu.

[102] Nous incluons donc dans le tarif un tableau qui présente les facteurs d’intérêt multiplicatifs devant être appliqués aux montants dus par suite de l’homologation du présent tarif. Les facteurs sont basés sur le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois précédent. Les intérêts ne sont pas composés. Les facteurs d’intérêt sont calculés en utilisant comme date d’exigibilité le 31 mars 2019 pour tout montant exigible le, ou avant le 31 décembre 2017.

IV. CONCLUSION ET DISPOSITION

[103] Au vu des analyses qui précèdent, nous :

  • modifions les tarifs homologués pour qu’ils correspondent au premier tarif convenu;

  • homologuons les autres projets de tariffs conformément au premier tarif convenu et au deuxième tarif convenu.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN (2011-2013), Ré:Sonne (2012-2014), CSI (2012-2013), Connect/SOPROQ (2012-2017) et Artisti (2012-2014) à l’égard des stations de radio commerciale (21 avril 2016) décision de la Commission du droit d’auteur. [la « décision du 21 avril 2016 »]

[2] Tarif pour la radio commerciale (SOCAN : 2011-2013; Ré:Sonne : 2012-2014; CSI : 2012-2013; Connect/SOPROQ : 2012-2017; Artisti : 2012-2014) (23 avril 2016) tarif de la Commission du droit d’auteur. [Tarif pour la radio commerciale (2011-2017)]

[3] Loi sur le droit d’auteur, LRC (1985), ch C-42.

[4] Bell Canada c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1989] 1 RCS 1722 à la p 1756.

[5] Loi d’interprétation, LRC (1985), ch I-21 art 12.

[6] Bakery and Confectionery Workers International Union of America Local 468 v. White Lunch Ltd., [1966] SCR 282 à la p 295 (non souligné dans l’original).

[7] Voir, p. ex., SOCAN-SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 (14 octobre 2005) décision de la Commission du droit d’auteur; Demande de modification du tarif des redevances à percevoir par la SCPCP, en 2001 et 2002, pour la vente de supports audio vierges au Canada (9 avril 2002), décision de la Commission du droit d’auteur.

[8] Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 176, aux para 40-43. [Janssen]

[9] Ibid au para 40, citant le libellé de la disposition.

[10] Ibid au para 41.

[11] Supra note 1 aux para 206-208.

[12] Voir Willick c. Willick, [1994] 3 RCS 670 au para 20.

[13] See Rogers Communications Partnership c. SOCAN, 2016 CAF 28 au para 76; Janssen, supra note 8 au para 40.

[14] Tarif 5 de Ré:Sonne – Utilisation de musique pour accompagner des événements en direct (Parties A à G), 2008-2012 (25 mai 2012) décision de la Commission du droit d’auteur.

[15] Les parties ont fourni ces renseignements dans une mise à jour présentée à la Commission le 22 mars 2018, en réponse à des questions que la Commission avait posées aux parties dans l’avis 2017-154 émis le 8 décembre 2017, relativement à la représentativité des stations consentantes.

[16] Compte tenu du fait que la region « Nord » comporte très peu de stations, il est difficile de tirer des conclusions à partir d’un échantillon aussi petit.

[17] Supra note 14, au para 11.

[18] Netflix c. SOCAN, et al., 2015 CAF 289 au para 49.

[19] Canada, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Radio – relevés statistiques et financiers 2012-2016 (dernière mise à jour : 27 juillet 2017).

[20] Supra note 1 au para 136.

[21] Ibid at para 370.

[22] Tarifs 5.A à 5.G (2013‐2015) et 5.H à 5.K (2008‐2015) de Ré:Sonne – Utilisation de musique pour accompagner des événements en direct (1er septembre 2017) décision de la Commission du droit d’auteur.

[23] Supra note 19.

[24] Tarif pour la radio commerciale (SOCAN : 2008-2010; Ré:Sonne : 2008-2011; CSI : 2008-2012; AVLA/SOPROQ : 2008-2011; ArtistI : 2009-2011) Gazette du Canada (10 juillet 2010) art 11(4), 12(2)a) du tarif.

[25] Supra note 2 art 2.

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