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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2019-12-06

Référence

CB-CDA 2019-082

Régime

Loi sur le droit d’auteur, article 70.1

Commissaires

L’honorable Robert A. Blair

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projet(s) de tarif examiné(s)

Établissements d’enseignement postsecondaires (2011-2014)

Établissements d’enseignement postsecondaires (2015-2017)

tarifs des redevances à percevoir par Access copyright pour la reproduction par reprographie, au canada, d’œuvres de son répertoire

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION ET HISTORIQUE DE L’INSTANCE 1

A. Les tarifs 1

B. Aperçu et contexte 2

C. Questions préalables à l’audience 4

i. Opposants 4

ii. Tarif provisoire et modifications subséquentes 5

iii. Autres points pertinents relatifs à l’historique de l’instance 6

D. Faits survenus après l’audience 9

II. CADRE PROBANT 10

A. Historique des licences 10

i. Avant 2015 11

ii. Après 2015 12

B. Éléments de preuve 13

i. Access 13

a. Témoins de faits 13

Roanie Levy et Jennifer Lamantia 13

Michael Andrews 15

David Swail 16

Don LePan 16

John Degen 17

b. Témoins experts 17

Benoît Gauthier 17

Professeur Michael Murphy 19

Michael Dobner 19

Bradley Heys 20

c. Conclusions concernant les éléments de preuve d’Access 21

ii. Sean Maguire 21

III. POSITIONS DES PARTIES ET PROJETS DE TARIF 21

A. Access 21

B. Sean Maguire 24

IV. ANALYSE JURIDIQUE 25

A. Le cadre de l’utilisation équitable et son effet 25

B. Titulaires de droits non affiliés 27

i. Ententes d’affiliation et titulaires de droits non affiliés 27

ii. Analyse 29

iii. Mandat tacite 29

iv. Non-établissement du mandat tacite par ratification 31

C. Mandat relatif aux copies numériques et disposition de suppression des copies numériques 34

i. Projets de tarif 34

a. Décision Access – Gouvernements 35

ii. Mesures prises par Access à la suite de la décision Access – Gouvernements 37

D. Conséquences de l’absence d’établissements d’enseignement 38

i. Dossier et rôle de la Commission en l’absence d’établissements d’enseignement 38

V. ANALYSE ÉCONOMIQUE 40

A. Introduction 40

B. Les deux projets de tarif 41

C. Notre point de référence pour 2011-2014 : la licence type de l’AUCC 42

i. Similarité du point de référence et de la cible 42

ii. La question du marché concurrentiel 43

iii. Autre point à prendre en considération : les licences Copibec 44

D. Notre point de référence pour 2015-2017 : la licence Premium 45

i. « Adaptation » du marché ou « défaillance » du marché 45

ii. Offre de licence Premium 48

a. Considérations préliminaires 48

b. La question de la date d’évaluation 51

c. Caractère représentatif du nombre d’établissements signataires 51

E. Méthode du volume multiplié par la valeur 53

F. Rajustements des points de référence 54

i. Utilisation équitable 54

ii. Reproduction d’une partie non importante d’une œuvre 55

iii. Rajustements tenant compte de l’affiliation 55

G. Taux définitifs 57

H. Licence des collèges 57

I. Licences transactionnelles 58

i. Contenu des lettres reçues après l’audience 58

ii. Réponse d’Access 60

iii. Analyse 61

J. Qui paie pour le tarif? 63

VI. TAUX DE REDEVANCES 64

VII. LIBELLÉ DU TARIF 64

A. Définitions 65

i. « Copie » – définition 65

ii. « Copie » – déterminer si les activités donnent lieu à une copie 65

iii. « Recueil de cours » 66

iv. « Cours » 66

v. « Œuvre du répertoire » 66

vi. « Réseau sécurisé » 67

B. Octroi de droits 67

C. Conditions de « copier » 67

D. Non-autorisation de contournement d’une mesure technologique 68

E. Année scolaire ou civile 68

F. Date de paiement et déclaration 68

G. Présentation de rapports 69

H. Vérification 71

I. Sous-traitants et tiers 71

J. Œuvres du répertoire d’Access 72

K. Paiement et intérêts 72

L. Autres enjeux 73

i. Nature obligatoire du tarif 73

ii. Taux de redevances tenant compte des utilisations non couvertes par le tarif 73

iii. Droits de licence payés au cours de la période du tarif pour la reproduction théoriquement couverte par les tarifs 74


I. INTRODUCTION ET HISTORIQUE DE LINSTANCE

A. Les tarifs

[1] La Canadian Copyright Licensing Agency, exerçant ses activités sous l’appellation d’« Access Copyright » (Access), est une société de gestion qui administre les droits de reproduction concernant les livres, les magazines, les revues et les journaux de son répertoire pour tout le Canada, à l’exception du Québec. Dans la présente instance, la Commission est appelée à homologuer des tarifs pour la reproduction de ces œuvres par les établissements d’enseignement postsecondaires et par les personnes relevant de leur autorité pour les années 2011 à 2013 et 2014 à 2017.

[2] Les taux proposés par Access, en date du dépôt de son énoncé de cause, sont de 26 $ par étudiant équivalent à temps plein (ETP) [1] pour les universités et de 10 $ par ETP pour les autres établissements d’enseignement postsecondaires. Dans le cadre de ces projets de tarif, les reproductions en question s’entendent principalement de :

  1. la photocopie sur papier d’œuvres du répertoire d’Access aux fins d’étude privée ou de recherche, et aux fins de la préparation des recueils de cours des étudiants;
  2. la reproduction électronique des œuvres sous forme numérique aux fins d’étude privée ou de recherche et aux fins d’affichage dans les plateformes numériques sécurisées (désignées sous l’appellation de « système de gestion des cours » ou « SGC ») dont se servent les universités et les collèges pour offrir des cours aux étudiants.

[3] Pour les motifs exposés ci-après, nous homologuons les tarifs aux taux de redevances suivants :

Tableau 1 : Taux fixés, par ETP par année

Établissement d’enseignement

Taux pour les années

2011 à 2014

Taux pour les années

2015 à 2017

Collèges

9,54

$

5,50

$

Universités

24,80

$

14,31

$

[4] Ces taux ont été établis à partir de deux points de référence : pour les années 2011 à 2014, il s’agit de la licence type accordée par Access aux universités et aux collèges pendant la période; pour les années 2015 à 2017, il s’agit de la nouvelle licence type accordée par Access aux établissements d’enseignement à taux réduit. Les taux ont été rajustés pour tenir compte de la reproduction d’œuvres dont le titulaire du droit d’auteur n’est pas affilié à Access, à l’égard desquelles nous avons conclu qu’Access n’est pas autorisée à accorder de licence.

B. Aperçu et contexte

[5] Comme nous le décrivons en détail plus loin, les facteurs qui sous-tendent et expliquent la longue durée de l’instance découlent essentiellement de l’évolution récente de la jurisprudence et des dispositions législatives, et des avancées de la technologie numérique. En 2012, deux arrêts de la Cour suprême du Canada, [2] notamment, et les modifications législatives apportées à la Loi sur le droit d’auteur [3] ont eu pour effet d’inclure l’éducation aux utilisations soustraites à la protection du droit d’auteur au titre de « l’utilisation équitable ».

[6] Parallèlement à ces changements, les progrès rapides de la technologie ont radicalement modifié les modes de reproduction des œuvres. Les établissements d’enseignement et leur personnel ne dépendent plus des supports papier; ils ont désormais facilement accès aux œuvres littéraires sous forme numérique et peuvent offrir des cours à leurs étudiants par l’entremise de leurs systèmes de gestion des cours sur des plateformes numériques sécurisées.

[7] Les universités et les collèges ont été nombreux à réagir à cette évolution en modifiant leur pratique antérieure, en vertu de laquelle leur utilisation des œuvres du répertoire d’Access était régie par des licences types. Ils ont plutôt élaboré des lignes directrices sur l’utilisation équitable (les « lignes directrices ») qui, selon eux, déterminent les utilisations qui sont désormais visées par l’exception au titre de l’utilisation équitable et qui ne requièrent donc plus de licence. Ce n’est peut-être pas l’effet du hasard si les différentes utilisations équitables figurant dans les lignes directrices s’apparentent étroitement aux utilisations visées dans les licences types d’Access, ainsi que dans les projets de tarif qu’elle cherche à faire adopter, de crainte que les établissements d’enseignement refusent d’acquérir d’autres licences auprès d’elle pour la reproduction des œuvres de son répertoire. La question de savoir si les utilisations figurant dans les lignes directrices des établissements font l’objet ou non d’une exception dans le nouveau cadre de l’utilisation équitable a été débattue devant la Cour fédérale du Canada. Le jugement a été rendu en juillet 2017, [4] et nous y reviendrons plus loin. Le jugement est porté en appel devant la Cour d’appel fédérale.

[8] Pour la Commission, ce contexte a compliqué encore davantage l’examen des projets de tarif. Les établissements d’enseignement postsecondaires qui avaient initialement déposé des oppositions se sont tous retirés de l’instance. Plus précisément, l’Association des universités et des collèges du Canada (AUCC), renommée Universités Canada, s’est retirée en tant qu’opposante en avril 2012, au cours du processus d’échange de renseignements. L’Association des collèges communautaires du Canada (ACCC), renommée Collèges et instituts Canada, s’est retirée en octobre 2013 après avoir pris part à l’échange de renseignements, mais avant de déposer son énoncé de cause. Ces deux associations représentent les établissements d’enseignement visés par les projets de tarif. Leur désistement signifiait que les utilisateurs les plus directement touchés par les tarifs n’étaient plus représentés à l’instance et qu’ils n’ont versé aucun élément de preuve au dossier sur lequel la Commission aurait pu se fonder. Nous reviendrons plus loin sur les complications supplémentaires qui en ont découlé pour les délibérations de la Commission.

[9] Dans un tel contexte, il n’est pas si surprenant que l’instance ait d’emblée donné lieu à l’émission d’un nombre quasi record d’avis et d’ordonnances par la Commission, dont certains sont traités en détail plus loin. Les avis et les ordonnances portaient sur une grande diversité de questions litigieuses, notamment la fixation d’un tarif provisoire; la diminution du nombre initial d’opposants individuels et institutionnels, qui est passé d’une centaine à dix-sept; l’admissibilité de certaines données d’enquête dont la production était demandée par Access et à laquelle s’opposait l’Université de Toronto (parallèlement, la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté une demande d’injonction présentée par l’Université en vue de restreindre l’utilisation des éléments de preuve au cours de l’instance de la Commission); la demande présentée par le professeur Ariel Katz, alors opposant, invitant la Commission à renvoyer une question de droit devant la Cour fédérale, demande qui a été rejetée par la Commission et renvoyée devant la Cour d’appel fédérale pour contrôle, sans succès; les demandes présentées par la Commission à Access et à d’autres en vue d’obtenir des données supplémentaires, pour pallier à tout le moins en partie l’absence d’éléments de preuve versés au dossier par les établissements d’enseignement; les multiples ordonnances ayant trait au processus d’échange de renseignements.

[10] Access a déposé son projet de tarif pour 2011-2013 en mars 2010, et son projet de tarif pour 2014-2017 en mars 2013. La Commission a finalement accepté d’examiner en même temps les deux instances tarifaires, en juillet 2015. Une audience a eu lieu en janvier 2016. Un seul intervenant y a participé, soit M. Sean Maguire, un étudiant.

[11] D’autres questions ont toutefois été soulevées à la suite de l’audience. De nombreux établissements d’enseignement postsecondaires – qui s’étaient tous retirés bien avant comme opposants ou intervenants, et qui avaient refusé de participer – ont cherché à se réengager dans le processus. Se prévalant de la Directive sur la procédure de la Commission, qui permet à toute personne de « formuler des observations » sur l’instance, ils ont écrit à la Commission en réitérant des observations antérieures et en soulevant de nouvelles questions, sur lesquelles ils n’avaient présenté aucun élément de preuve à verser au dossier.

[12] La Commission a pris en compte le contexte et l’ensemble des facteurs pour effectuer son analyse du dossier et des questions soulevées. Celles-ci comprennent : i) la pertinence et l’incidence du cadre de l’« utilisation équitable » en pleine évolution et des lignes directrices sur l’utilisation équitable adoptées par les établissements d’enseignement dans un tel contexte; ii) la question de savoir si Access est autorisée à compter ses « non-affiliés » comme des membres aux fins de la perception des droits; iii) la question de savoir si Access est en mesure d’autoriser la production de copies numériques sans exiger que celles-ci soient supprimées par la suite; iv) la question de savoir si les licences types antérieures et actuelles sont des points de référence utiles pour la fixation d’un tarif; v) la question de savoir si les taux de redevances doivent être rajustés pour tenir compte de l’utilisation équitable ou de la reproduction d’une partie non importante d’une œuvre; vi) la question de savoir s’il y a lieu d’établir des licences transactionnelles.

[13] Avant de procéder aux analyses juridiques et économiques de ces questions, il serait cependant indiqué de fournir certains éclaircissements sur le contexte ayant précédé et suivi l’audience.

C. Questions préalables à l’audience

i. Opposants

[14] Le projet de tarif de 2011-2013 et le projet de tarif de 2014-2017 ont été publiés dans la Gazette du Canada le 12 juin 2010 et le 18 mai 2013, respectivement, accompagnés d’un avis indiquant que tout utilisateur éventuel intéressé, ou son représentant, pouvait y faire opposition.

[15] Environ une centaine de personnes et d’organisations se sont opposées au projet de tarif de 2011-2013. À l’époque, la qualité d’« utilisateur éventuel intéressé » au sens de la Loi de certaines d’entre elles a été remise en question. Le 25 novembre 2010, la Commission a établi que 17 de ces personnes ou organisations pouvaient prendre part à l’instance à titre d’opposants ou d’intervenants investis des pleins droits de participation. Le nombre d’opposants au projet de tarif de 2014-2017 était bien moins élevé.

[16] Les personnes et les organisations s’étant opposées à l’un des projets de tarif ou aux deux comprenaient la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCEE), l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), le professeur Ariel Katz de l’Université de Toronto, Sean Maguire, un étudiant, l’AUCC et l’ACCC. [5]

[17] La plupart des opposants et des intervenants se sont retirés à un stade précoce – principalement avant le début du processus d’échange de renseignements. Comme il a été mentionné, l’AUCC a retiré son opposition en avril 2012 (durant le processus d’échange de renseignements), et l’ACCC a fait de même en octobre 2013, après avoir pris part à l’échange de renseignements, mais avant de déposer son énoncé de cause. Le professeur Katz s’est retiré le 20 décembre 2013, tout comme la FCEE et l’ACPPU. Par la suite, en juin 2015, la Commission a rejeté une demande présentée par la FCEE et l’ACPPU qui désiraient obtenir le statut d’intervenants avec droits de participation limités dans le cadre de l’instance sur le projet de tarif de 2014-2017.

[18] Par conséquent, Sean Maguire a fini par être l’unique intervenant relativement aux projets de tarif durant la majeure partie de l’instance et à l’audience.

ii. Tarif provisoire et modifications subséquentes

[19] Comme il est décrit en détail ci-après, depuis les années 1990, la photocopie dans les établissements d’enseignement était régie par les ententes de licence conclues entre Access et ces établissements, qui sont des licences types négociées sous l’égide de l’AUCC et de l’ACCC et souscrites par chaque établissement. Or, en 2010, Access a déposé son projet de tarif de 2011-2013 en soutenant qu’il lui semblait de plus en plus évident que les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur les modalités des nouvelles licences qui entreraient en vigueur après l’expiration des licences le 31 décembre 2010.

[20] Conformément à cette position, Access a présenté à la Commission le 13 octobre 2010, une demande de tarif provisoire en vertu de l’article 66.51 de la Loi. Vu l’urgence de la situation, et pour éviter un éventuel vide juridique, la Commission a accueilli la demande et émis le 23 décembre 2010 un tarif provisoire « sans le bénéfice d’une analyse plus approfondie ». [6]

[21] Le tarif provisoire reprenait, dans la mesure du possible, le libellé de la licence type conclue avec l’AUCC. Il devait s’appliquer à compter du 1er janvier 2011 et rester en vigueur jusqu’au 31 décembre 2013 ou jusqu’au jour de l’homologation du tarif définitif, selon la première des deux éventualités. Comme la licence type, le tarif prévoyait un taux de redevances de 3,38 $ par ETP et de 0,10 $ par page copiée devant faire partie d’un recueil de cours. Dans le cas des collèges indépendants, [7] ces taux étaient de 3,58 $ par étudiant et de 0,11 $ par page copiée devant faire partie d’un recueil de cours.

[22] Le tarif provisoire a été modifié à plusieurs reprises dans les mois qui ont suivi, mais aucune des modifications n’a touché les taux de redevances à verser.

[23] Enfin, le 23 septembre 2011, dans la décision Tarif provisoire d’Access – Licence transactionnelle, [8] la Commission a rejeté la demande présentée par l’AUCC et refusé de modifier le tarif de façon à forcer Access à accorder des licences transactionnelles à la pièce. L’AUCC et l’Université du Manitoba ont ensuite demandé le contrôle judiciaire de cette décision. Le 20 mars 2012, la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande au motif qu’il n’y avait pas de circonstances particulières justifiant l’intervention de la Cour à ce stade préliminaire de l’instance. [9]

[24] Il convient de noter que l’AUCC et l’Université du Manitoba ont aussi demandé le contrôle judiciaire d’une autre décision interlocutoire rendue par la Commission relativement au processus d’échange de renseignements. Le 18 août 2011, la Commission avait ordonné à l’ACCC et à l’AUCC d’obtenir des réponses aux demandes de renseignements auprès d’un échantillon représentatif d’établissements qui avaient dit vouloir se soustraire au tarif provisoire. La Cour a également rejeté cette demande, pour les mêmes raisons. [10]

iii. Autres points pertinents relatifs à l’historique de l’instance

[25] Nous avons déjà fait état du nombre élevé d’interventions et d’ordonnances de la Commission que l’instance a nécessité. Suit un tableau général de la situation.

[26] Après que l’AUCC a eu retiré son opposition au projet de tarif de 2011-2013, il ne restait qu’un seul opposant institutionnel (l’ACCC) et un seul intervenant (M. Maguire), et la Commission a établi un calendrier et fixé la date de l’audience au 12 février 2014. Toutefois, le 28 mars 2013, Access a présenté son projet de tarif de 2014-2017.

[27] Le 13 septembre 2013, Access a présenté son énoncé de cause et ses éléments de preuve à l’appui. Cependant, le 18 novembre 2013, après que l’ACCC a eu retiré son opposition aux deux tarifs, Access a demandé à la Commission de combiner les procédures ayant trait aux deux tarifs. Dans une ordonnance rendue le 4 décembre 2014, la Commission a d’abord refusé de le faire.

[28] Le professeur Katz avait demandé à la Commission de renvoyer une question de droit devant la Cour d’appel fédérale, en application des paragraphes 18.3(1) et 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, demande que la Commission a rejetée le 9 décembre 2013. La question soulevée par le professeur Katz visait à déterminer si un seul cas de copie ayant lieu dans un établissement d’enseignement suffisait à déclencher l’application du tarif, ou à engager la responsabilité au regard du tarif. La Commission a rejeté sa demande en affirmant, entre autres, que la question soulevée n’était pas pertinente pour un renvoi, car il ne s’agissait pas d’une question à laquelle la Commission était tenue de répondre pour exercer sa compétence et homologuer les projets de tarif.

[29] Le problème suivant qui s’est posé concernait le dossier de preuve dont disposerait la Commission durant l’instance. Le 13 décembre 2013, Access a demandé l’autorisation de présenter un élément de preuve supplémentaire, soit une analyse qu’elle avait menée sur les données que l’Université de Toronto avait fournies au sujet des reproductions effectuées dans ses propres plateformes numériques sécurisées hébergeant ses systèmes de gestion des cours. Les données traitées dans l’analyse avaient été soumises par l’Université de Toronto dans le cadre d’une licence conclue entre les parties le 30 janvier 2012, laquelle était entrée en vigueur de façon rétroactive le 1er janvier 2011 et prenait fin le 31 décembre 2013. Access a fait valoir que cet élément de preuve était pertinent, car il était fondé sur les seules données dont elle disposait au sujet de la reproduction des œuvres sur une plateforme numérique universitaire.

[30] L’Université de Toronto s’est opposée à cette demande. Elle a déclaré que l’élément de preuve en question était inadmissible, car l’Université n’était pas partie à l’instance sur le projet de tarif. Dans le cadre d’un processus mené en parallèle, l’Université a demandé une injonction auprès de la Cour supérieure de l’Ontario le 9 janvier 2014 pour empêcher Access de présenter cet élément de preuve.

[31] À la lumière de ces éléments nouveaux, la Commission a lancé un processus pour donner la possibilité aux intervenants [11] et à l’Université de présenter leurs arguments contre le dépôt d’éléments de preuve supplémentaires demandé par Access. Le 13 janvier 2014, l’Université a toutefois demandé à la Commission de suspendre le processus concernant la présentation d’éléments de preuve supplémentaires jusqu’à ce que la Cour ait tranché la demande d’injonction. La Commission a accueilli cette demande le jour même.

[32] Entretemps, le 19 décembre 2013, M. Maguire a déposé son énoncé de cause. Le lendemain, tous les autres intervenants se sont retirés. Le 17 janvier 2014, la Commission a elle-même présenté une série de questions initiales – d’ordre économique pour la plupart – à Access. Elle a également ajourné sine die l’audience du 12 février.

[33] La Commission a pris cette dernière mesure pour plusieurs raisons. Premièrement, Access ne pouvait raisonnablement pas répondre aux questions posées par la Commission, vu la nature de celles-ci, avant le début de l’audience le 12 février. Deuxièmement, si la Commission décidait d’autoriser Access à déposer l’élément de preuve supplémentaire au sujet des systèmes de gestion des cours de l’Université de Toronto, elle aurait peut-être des questions à poser à Access sur cet élément, et il faudrait prévoir plus de temps pour obtenir les réponses. Enfin, les désistements du professeur Katz, de l’ACPPU et de la FCEE, et de l’ACCC à peine quelques semaines plus tôt, s’ajoutant à celui de l’AUCC, obligeaient la Commission à jouer un rôle plus actif, et il lui fallait du temps pour procéder aux adaptations nécessaires.

[34] Le 4 février 2014, la Cour supérieure de l’Ontario a rejeté la demande d’injonction interlocutoire présentée par l’Université de Toronto. Le 6 février, la Commission a rétabli les délais qu’elle avait suspendus le 17 janvier 2014 pour recevoir les arguments des parties et de l’Université de Toronto au sujet de l’admissibilité des éléments de preuve. Le 6 mars, la Commission a autorisé Access à déposer l’élément de preuve contesté relatif aux copies numériques produites à l’Université de Toronto, en concluant, entre autres choses, qu’elle devait s’assurer de disposer de la preuve la plus complète qui soit afin d’homologuer un tarif juste et équitable. La Commission a aussi déclaré que cette question portait sur l’admissibilité de la preuve et que, dès lors, les arguments de l’Université sur le fait qu’Access aurait dû exclure les copies visées par des ententes de licence conclues avec de tierces parties concernaient le poids à accorder aux éléments de preuve; pour cette raison, les arguments étaient prématurés.

[35] Entretemps, le 27 janvier 2014, Access a déposé son énoncé de cause en réplique. Le 3 juin 2015, la Commission a soumis à Access d’autres questions d’ordre économique, dont certaines portaient sur les nouvelles offres de licence qu’Access avait proposées aux établissements d’enseignement postsecondaires à partir de décembre 2014, à des taux inférieurs à ceux de 26 $ et de 10 $ par ETP applicables aux termes des ententes types conclues avec l’AUCC et l’ACCC.

[36] Le 16 juin 2015, Access a demandé à la Commission de fixer une nouvelle date d’audience. Elle a aussi demandé un sursis à l’ordonnance du 3 juin l’obligeant à répondre à des questions. Elle alléguait que plusieurs de ces questions concernaient les années consécutives à 2013, et donc postérieures à la période de 2011 à 2013, la seule période visée par l’examen puisque la Commission avait refusé de regrouper ce tarif avec celui de 2014-2017. Elle a donc demandé à la Commission de suspendre le délai accordé pour répondre aux questions. Subsidiairement, elle a encore une fois demandé à la Commission de regrouper l’examen des tarifs de 2011-2013 et de 2014-2017, auquel cas elle répondrait aux questions posées le 3 juin.

[37] Le 3 juillet 2015, la Commission a décidé d’examiner conjointement les deux tarifs. Elle estimait que les raisons motivant son refus de regrouper les deux dossiers en 2013 n’étaient plus valides. Premièrement, l’audience initiale n’avait pas eu lieu. Deuxièmement, plus d’un an et demi plus tard, les parties étaient mieux en mesure de fournir des renseignements utiles sur la période de 2014 à 2017. Enfin, les deux parties convenaient que l’examen regroupé des deux périodes coûterait moins cher que deux examens distincts.

[38] Le 15 juillet 2015, la Commission a établi un calendrier de l’instance qui devait déboucher sur une audience le 18 janvier 2016.

[39] Le 3 novembre et le 4 décembre 2015, respectivement, Access et M. Maguire ont déposé leurs énoncés de cause portant sur les périodes de 2011 à 2013 et de 2014 à 2017. Enfin, le 17 décembre, Access a déposé son énoncé de cause en réplique. L’audience s’est déroulée sur quatre jours.

[40] En dernier lieu, il convient de noter que la Commission a posé à Access des questions sur une variété de sujets tout au long du processus. Certaines ont été soumises à Access avant l’audience, soit le 17 janvier 2014 (les réponses d’Access ont été déposées en preuve aux pièces AC-18, AC-19 et AC-20), le 18 février 2014 (les réponses ont été déposées en preuve à la pièce AC-21), le 3 juin 2015 (les réponses ont été déposées en preuve à la pièce AC-32), le 15 décembre 2015 (les réponses ont été déposées en preuve à la pièce AC-34) et le 14 janvier 2016 (les réponses ont été déposées en preuve à la pièce AC-48); d’autres lui ont été soumises après l’audience, le 9 juin 2016 (les réponses d’Access ont été déposées en preuve aux pièces AC-50, AC-51 et AC-52).

D. Faits survenus après l’audience

[41] Le 9 février 2016, après la fin de l’audience, l’Université York (York) a écrit à la Commission pour lui faire savoir qu’elle avait conclu de nombreuses ententes de licence avec de tierces parties autres qu’Access pour la reproduction d’œuvres protégées par le droit d’auteur, à titre individuel ou avec un groupe de bibliothèques universitaires. Elle soutenait que le tarif devant être homologué par la Commission devrait tenir compte de ces licences, de façon à lui éviter de payer deux fois. De plus, outre la licence générale prévoyant un taux fixe par étudiant, le tarif devrait aussi inclure un volet transactionnel qui permettrait aux établissements d’enseignement de payer en fonction de l’utilisation. Selon York, une telle approche tiendrait compte du fait que les besoins des universités en matière de reproduction étaient déjà largement couverts dans le cadre d’ententes de licence conclues avec de tierces parties.

[42] York a également fait observer qu’elle avait pris la décision, le 31 août 2011, de ne pas appliquer le Tarif provisoire d’Access (2011-2013), contrairement à d’autres établissements. Elle soutenait qu’elle n’était pas assujettie au tarif provisoire, car elle n’avait fait aucune copie qui aurait nécessité une licence d’Access. En réponse, Access a entamé des procédures contre York à la Cour fédérale en vue d’obtenir, entre autres mesures de réparation, une déclaration selon laquelle York était tenue de verser à Access les redevances fixées dans le tarif provisoire, car elle avait reproduit du matériel protégé par le droit d’auteur de son répertoire dont elle n’avait pas autrement acquitté les droits.

[43] Par la suite, le 15 février 2016, un consortium regroupant les universités et les conseils d’administration suivants a également envoyé une lettre d’observations à la Commission : l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Winnipeg, l’Université de Lethbridge, l’Université de Calgary, l’Université Thompson Rivers et l’Université Fraser Valley, de même que le conseil d’administration de l’Université de Toronto et le conseil d’administration de l’Université de l’Alberta.

[44] La lettre du consortium reprend essentiellement les mêmes arguments que ceux de York, à savoir que la Commission doit offrir diverses possibilités de licence, dont la licence transactionnelle, pour tenir compte du fait que les établissements doivent conclure de nombreuses ententes de licence avec de tierces parties pour la reproduction de matériel ne faisant pas partie du répertoire d’Access, ou pour éviter les paiements en double, qui surviennent lorsque les licences octroyées par de tierces parties et la licence d’Access autorisent la reproduction des mêmes œuvres, Access accordant les licences de façon non exclusive.

[45] Enfin, les 17, 18 et 29 février et le 25 mars 2016, l’Université Brock, l’Université du Manitoba, l’Université d’Athabasca et l’Université Mount Royal ont tour à tour écrit à la Commission pour lui faire savoir qu’elles souscrivaient aux propos formulés dans les lettres envoyées par le consortium et par York.

[46] Ces démarches que les établissements d’enseignement postsecondaires ont entreprises après l’audience pour se réintroduire dans l’instance, à la faveur de la directive de la Commission permettant à toute personne qui le désire de faire part de ses « observations » sur l’instance, combinées au fait qu’ils n’ont rien versé au dossier de preuve au cours du processus, ont eu des conséquences sur la manière dont la Commission a dû examiner les projets de tarif et le dossier dont elle disposait. Nous reviendrons sur ce point plus loin dans les présents motifs.

[47] Le 26 octobre 2016, le dossier de l’instance a été mis en état en vue de la décision, après que la Commission eût reçu les réponses d’Access aux questions qu’elle lui avait posées le 9 juillet 2016.

II. CADRE PROBANT

A. Historique des licences

[48] Depuis les années 1990, les paiements des redevances pour la reproduction des œuvres du répertoire d’Access reposent sur des ententes de licence conclues entre Access et les établissements d’enseignement postsecondaires, ou les associations qui les représentent. Avant d’examiner l’ensemble de la preuve, nous donnerons un aperçu de ces ententes de licence dans la présente section des motifs, et ferons une brève analyse de l’évolution qui s’est opérée à cet égard dans les dernières années. Certaines des ententes en question constituent le fondement du projet de tarif d’Access. Par ailleurs, nous examinerons les ententes conclues avant et après 2015, car c’est à partir de ce moment-là qu’Access a pour la première fois accordé des licences à un prix inférieur à celui qu’elle estimait équitable.

i. Avant 2015

[49] En 1994, Access et l’AUCC ont conclu leur première entente de licence type pour les universités. Une entente de licence type a ensuite été conclue avec l’ACCC pour les collèges. Les licences types ont été renouvelées plusieurs fois par la suite. Aux termes de ces licences, les établissements d’enseignement ont versé des redevances à Access jusqu’au 31 décembre 2010.

[50] Les licences ne couvraient initialement que les reproductions sur papier. Elles prévoyaient généralement un taux fixe par ETP et un taux par page pour les reproductions faisant partie des recueils de cours. Aux fins de la distribution des redevances, les établissements d’enseignement fournissaient à Access des rapports de copie qui contenaient la liste des copies effectuées pour leurs recueils de cours. Aux termes des licences types qui sont arrivées à expiration en décembre 2010, les établissements payaient 3,38 $ par ETP et 0,10 $ par page incluse dans un recueil de cours. [12]

[51] En 2010, après des négociations infructueuses, certains établissements ont informé Access de leur intention de ne pas renouveler leurs licences. La même année, Access a présenté son projet de tarif pour 2011-2013.

[52] En janvier 2012, Access a conclu des ententes de licence avec les universités de Toronto et de Western Ontario au taux de 27,50 $ par ETP, qui seraient applicables du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Ces licences visaient les copies numériques et les copies papier. Les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur les conditions du renouvellement, et les ententes n’ont pas été reconduites après leur expiration.

[53] Au printemps 2012, Access a conclu une entente de licence type avec l’AUCC, puis avec l’ACCC, qui ont à leur tour invité leurs universités et collèges membres respectifs à signer l’entente. Un certain nombre d’établissements l’ont fait, ce sur quoi nous reviendrons plus loin. Aux termes de ces licences types, le taux par ETP était de 26 $ pour les universités et de 10 $ pour les collèges. Les ententes prenaient effet de façon rétroactive pour la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015. Elles visaient les copies papier et les copies numériques et prévoyaient la production de rapports sur les copies incluses dans les recueils de cours. Après la conclusion de l’entente de licence type entre Access et l’AUCC, les taux prévus dans les licences des universités de Toronto et de Western Ontario ont été abaissés à 26 $, conformément à une clause contenue dans ces ententes.

[54] Après avoir conclu l’entente de licence type, l’AUCC s’est retirée de l’instance le 24 avril 2012. L’AUCC a fait observer à juste titre que, en vertu de l’article 70.191 (tel qu’il existait alors) de la Loi, le Tarif provisoire d’Access (2011-2013) et le tarif final qui serait éventuellement homologué ne s’appliqueraient pas aux établissements d’enseignement qui avaient conclu une entente avec Access.

[55] À l’automne 2012, cependant, un autre fait important s’est produit. Se fondant sur la jurisprudence de la Cour suprême susmentionnée, l’AUCC et l’ACCC ont adopté des politiques sur l’utilisation équitable prenant la forme de lignes directrices. [13] Aux termes de ces politiques, les copies de « courts extraits » produites à une des fins énumérées à l’article 29 de la Loi, et comprenant la reproduction d’un article de journal ou de périodique, d’un chapitre de livre ou de 10 pour cent ou moins du contenu d’un livre, sont considérées comme équitables et ne donnent donc pas droit à rémunération. Ces limites sont pratiquement identiques à celles prévues dans les licences types d’Access ou prévues dans les projets de tarif d’Access. [14]

ii. Après 2015

[56] En 2014, la plupart des établissements d’enseignement qui avaient conclu une entente de licence avec Access ont informé celle-ci de leur intention de ne pas renouveler l’entente après son expiration le 31 décembre 2015. En conséquence, Access s’est mise à offrir de nouvelles licences aux établissements d’enseignement vers la fin de 2014, à des taux inférieurs à ceux qui étaient prévus dans les licences types alors en vigueur, à savoir 26 $ pour les universités et 10 $ pour les collèges.

[57] Access offrait deux types de licences : la licence Premium, [15] une licence générale à taux fixe par ETP, et la licence Choice, [16] qui combine un taux fixe par ETP avec un taux par page pour les recueils de cours et les copies numériques. Cette dernière n’était offerte qu’aux établissements disposant d’une structure centralisée de gestion des droits d’auteur. Ces licences étaient applicables à compter du 1er juillet 2015. Les ententes de licence que certains établissements avaient conclues sous l’égide de l’AUCC et de l’ACCC arrivaient à expiration en décembre 2015, et les établissements ne voulaient pas les renouveler aux mêmes taux. Dans ce contexte, Access a offert de les remplacer avant leur expiration par de nouvelles ententes de licence à taux réduits.

[58] Les licences Premium et Choice offrent des taux variables. Dans le cas de la licence Premium, les taux par ETP pour les universités sont de 18 $, de 15 $ ou de 12 $ pour une licence d’un an, de trois ans ou de cinq ans, respectivement. Les taux par ETP pour les collèges sont de 8 $ et de 7 $ pour une licence d’un an ou de trois ans. Dans le cas de la licence Choice, les taux par ETP pour les universités et les collèges sont de 6 $ et de 5 $ respectivement pour une licence d’un an ou de trois ans, plus 0,12 $ par page pour les copies numériques ou les copies incluses dans des recueils de cours. En outre, ces licences prévoient des limites de reproduction permise plus élevées que celles autorisées par les anciennes licences.

[59] Nous procéderons maintenant à un examen approfondi des éléments de preuve présentés par les divers témoins.

B. Éléments de preuve

i. Access

[60] Access a appelé six témoins qui ont témoigné de façon générale sur les pratiques en matière d’octroi de licences et le répertoire d’Access, ses projets de tarif et les conséquences que l’actuel recours à la technologie numérique dans le milieu de l’éducation a sur l’industrie canadienne de l’édition. Elle a aussi appelé quatre témoins experts qui ont présenté un aperçu de l’utilisation des plateformes numériques dans le milieu de l’éducation et donné leur point de vue sur les tendances observées dans les établissements quant aux volumes de copies et aux méthodes de reproduction, l’effet de la technologie numérique sur les revenus et la production des créateurs, et la valeur. Voici le résumé de ces témoignages.

a. Témoins de faits

Roanie Levy et Jennifer Lamantia

[61] La directrice générale d’Access, Roanie Levy, et la directrice de l’élaboration de licences éducatives, Jennifer Lamantia, ont décrit la structure d’Access, la composition de son conseil d’administration, son mandat, le type d’œuvres qu’elle représente, les types de licences qu’elle accorde et les principes régissant la perception et la distribution des redevances.

[62] Elles ont également brossé un historique des licences octroyées dans le secteur de l’enseignement postsecondaire depuis 1994 jusqu’au moment du dépôt des projets de tarif. Elles ont ensuite décrit les ententes de licence conclues par les universités de Toronto et de Western Ontario, ainsi que les ententes de licence type conclues en 2012 par l’AUCC et l’ACCC. Elles ont expliqué qu’il y avait trois catégories d’utilisateurs : ceux qui payaient des redevances aux termes d’une licence octroyée par Access, ceux qui payaient des redevances aux termes du projet de tarif de 2011-2013, [17] et ceux qui ne payaient aucune redevance.

[63] Elles ont ensuite expliqué qu’en 2012, quelques mois après l’octroi des licences types, plusieurs établissements avaient adopté une politique sur l’utilisation équitable. Mme Levy et Mme Lamantia attribuent le non-renouvellement des licences types après leur expiration en décembre 2015 à ces politiques, mais aussi à d’autres facteurs, comme le fait que les universités concluent des ententes de licence pour la reproduction de périodiques directement avec les titulaires de droits, que les établissements se tournent de plus en plus vers le contenu en libre accès, que les modifications législatives et les arrêts rendus par la Cour suprême en 2012 ont créé de l’incertitude quant aux limites de l’utilisation équitable, et qu’il est plus difficile pour les titulaires de droits de déceler les cas de violation du droit d’auteur dans un environnement numérique.

[64] D’après elles, Access s’est résignée à offrir des licences à taux réduit pour éviter la cessation des paiements de redevances. Malgré les taux proposés, la proportion d’établissements ayant signé ces ententes de licence « au rabais » était inférieure à celle des établissements ayant signé les ententes de licence type. Elles ont souligné qu’Access s’attendait à voir ses revenus chuter considérablement de 2015 à 2016. [18]

[65] Elles ont en outre expliqué qu’Access avait effectué une analyse du répertoire en utilisant les données fournies par les établissements en réponse aux demandes de renseignements adressées à un échantillon de collèges membres de l’ACCC. Sur ce point, elles ont mentionné des cas où des recueils de cours dont les redevances avaient d’abord été acquittées auprès d’Access, selon les modalités d’une licence ou d’un tarif provisoire, avaient été reproduits l’année d’après, mais sans paiement de redevances cette fois-là. Elles ont aussi donné des exemples de cas où les établissements avaient dépassé les limites de reproduction qu’elles avaient elles-mêmes prévues dans leurs politiques sur l’utilisation équitable.

[66] En ce qui concerne le répertoire d’Access, Mme Levy et Mme Lamantia ont expliqué qu’Access percevait des redevances pour les œuvres de titulaires de droits avec qui elle avait signé une entente d’affiliation, et pour les œuvres de membres de sociétés de gestion étrangères avec lesquelles elle avait conclu des ententes de réciprocité.

[67] Elles ont expliqué qu’Access percevait également des redevances pour les œuvres de titulaires de droits qui n’avaient pas conclu d’entente d’affiliation, mais qui avaient autorisé Access à agir pour leur compte par voie de mandat tacite. Cette situation survient lorsque Access remarque que ces œuvres ont été reproduites, verse les redevances aux non-affiliés et que ceux-ci les acceptent, ce qu’ils font presque toujours.

[68] Mme Levy et Mme Lamantia ont expliqué que le répertoire d’Access est ainsi constitué d’œuvres d’affiliés et de non-affiliés, mais qu’il exclut les œuvres de ceux qui ont expressément demandé de ne pas être représentés par Access. Compte tenu du fait qu’Access affirme représenter des non-affiliés, elle prévoit dans ses licences une clause d’indemnité selon laquelle elle s’engage à défendre les utilisateurs qui pourraient être poursuivis pour violation du droit d’auteur par un non-affilié.

[69] Au sujet de la disposition du tarif stipulant que l’établissement d’enseignement doit détruire les copies à l’expiration de la période d’application du tarif, elles ont expliqué que cette condition figurait dans leurs précédentes ententes d’affiliation. Access avait toutefois obtenu de ses membres une renonciation écrite rétroactive à cette clause, de sorte que la condition pouvait être retirée du tarif. Ainsi, dès 2015, Access avait demandé à ses membres de signer de nouvelles ententes d’affiliation où cette condition ne figurait plus.

Michael Andrews

[70] Michael Andrews [19] est le vice-président aux finances de Nelson Education Inc. M. Andrews a expliqué que Nelson est le plus important éditeur d’ouvrages pédagogiques au Canada. Nelson publie des manuels scolaires, entre autres pour l’enseignement postsecondaire, sur support papier et sous forme numérique. Nelson offre aussi des services d’édition numérique à la carte, qui permettent aux enseignants de n’acheter que les chapitres désirés et de créer un manuel unique combinant le contenu créé par Nelson et le contenu élaboré par eux-mêmes. Nelson distribue aussi au Canada des manuels scolaires publiés aux États-Unis.

[71] M. Andrews a décrit les revenus que Nelson tirait de sa source principale, la vente de manuels scolaires, et de sa source secondaire, les redevances perçues par Access auprès des utilisateurs ayant souscrit une licence et celles payées par les utilisateurs ayant obtenu des autorisations directement auprès de Nelson. Il a affirmé que les ventes de manuels scolaires reculent depuis quelques années, ce qu’il attribue à plusieurs facteurs, dont le marché des livres d’occasion, la location de manuels scolaires, la distribution illégale sur Internet et la reproduction non autorisée par les établissements d’enseignement. En ce qui concerne la source secondaire de revenus, il a expliqué que les redevances versées par Access et par les utilisateurs ayant obtenu des autorisations directement auprès de Nelson chutent depuis 2011, soit depuis que les établissements d’enseignement ont décidé de ne pas renouveler les licences d’Access et d’adopter des politiques sur l’utilisation équitable. Ces politiques permettent aux enseignants de reproduire des manuels scolaires à l’intérieur de limites telles que les reproductions entrent en concurrence avec la principale source de revenus de Nelson.

[72] Selon M. Andrews, la baisse des revenus tirés des demandes de reproduction adressées directement à Nelson est contraire à la logique. En effet, comme les établissements ne voulaient plus d’entente de licence avec Access, les demandes de reproduction adressées directement à Nelson auraient dû augmenter. [20] Enfin, il a décrit comment une étude du répertoire fondée sur les réponses de l’ACCC aux demandes de renseignements d’Access [21] avait permis de démontrer que plusieurs des titres publiés par Nelson avaient été reproduits par des établissements d’enseignement qui n’étaient assujettis à aucune licence et ne versaient aucune redevance.

David Swail

[73] David Swail a été président et directeur général de McGraw-Hill Ryerson Ltd. (MHR) jusqu’en 2014. En 2015, il a été nommé directeur général du Canadian Publishers’ Council. Il a décrit les changements apportés à la structure de MHR en 2014 et expliqué que la société mère établie aux États-Unis, McGraw-Hill Education, avait restreint l’étendue des activités de MHR au Canada. MHR publie essentiellement des manuels scolaires destinés au milieu de l’éducation, pour les niveaux primaire, secondaire et postsecondaire, sur support papier et sous forme électronique. Même si MHR tire l’essentiel de ses revenus des publications imprimées, les revenus tirés des publications numériques augmentent constamment.

[74] M. Swail a expliqué que l’élaboration de ressources numériques coûte cher et décrit l’éventail de produits numériques offerts, notamment la possibilité de créer des manuels scolaires personnalisés. Il a aussi expliqué l’importance que revêtaient les redevances versées par Access et décrit à quel point elles avaient diminué de 2011 à 2014, pour diverses raisons, mais surtout à cause des politiques sur l’utilisation équitable et de l’incertitude entourant le statut du droit d’auteur au Canada. Selon lui, dans un marché relativement petit comme le Canada, la baisse des revenus attribuable aux politiques sur l’utilisation équitable des établissements d’enseignement risque tôt ou tard d’entraîner une diminution des investissements dans la création de contenu canadien par les éditeurs comme MHR, ce qui nuirait à la diversité de l’offre de manuels scolaires.

Don LePan

[75] Don LePan est le fondateur, président et directeur général de Broadview Press, une maison d’édition canadienne spécialisée dans la publication de recueils de poésie, d’anthologies et d’œuvres de fiction qui s’adressent surtout aux étudiants en littérature de niveau postsecondaire. M. LePan a expliqué l’importance des redevances versées par Access, lesquelles peuvent faire la différence entre réaliser des gains ou essuyer des pertes pour un petit éditeur indépendant.

[76] M. LePan a également comparé les revenus tirés des ventes de neuf titres publiés par Broadview Press entre 2011 et 2015. Au cours de la période, les revenus ont diminué de façon constante et importante, baisse qu’il attribue aux politiques sur l’utilisation équitable adoptées en 2012 par plusieurs établissements d’enseignement. En autorisant la reproduction de poèmes en entier et leur inclusion dans des recueils de cours, ces politiques permettent de créer des anthologies de poésie sans verser de redevances, ce qui revient à concurrencer Broadview Press dans son propre créneau. M. LePan a même donné des exemples précis de cas où la reproduction de 10 pour cent du contenu d’une œuvre, comme le permettent ces politiques, donne la possibilité de reproduire des douzaines de poèmes ou l’introduction complète d’une anthologie, qui est sans contredit la partie la plus importante d’un tel ouvrage.

John Degen

[77] John Degen est le directeur général de The Writers’ Union of Canada (TWUC). M. Degen a fait état des conclusions d’une étude menée en 2015 sur les revenus de ses quelque 2 000 membres. L’étude a révélé que le revenu annuel moyen de ses membres était de 12 879 $. De plus, la moitié des répondants ont affirmé que leurs revenus avaient diminué d’environ 25 pour cent au cours des dernières années. En 2013, la TWUC avait aussi sondé ses membres pour connaître leur point de vue au sujet des politiques sur l’utilisation équitable adoptées par plusieurs établissements d’enseignement. Selon M. Degen, l’exercice avait montré que près de la totalité des membres, qui appuyaient pourtant la notion d’utilisation équitable, estimaient que ces politiques constituaient une interprétation erronée et inéquitable de cette notion et s’attendaient à ce qu’elles fassent baisser leurs revenus, déjà faibles.

b. Témoins experts

Benoît Gauthier

[78] Benoît Gauthier, président de Circum Network Inc., a présenté les conclusions de plusieurs analyses qu’il a réalisées à la demande d’Access.

[79] Il a tout d’abord exposé les résultats d’une analyse des réponses aux questions qui avaient été posées à un échantillon aléatoire de 16 établissements membres de l’ACCC n’ayant pas conclu d’entente de licence avec Access, comme l’avait ordonné la Commission dans le cadre du processus d’échange de renseignements. [22] Les établissements devaient fournir, entre autres choses, une liste de toutes les œuvres reproduites pour certains cours durant l’année scolaire 2011-2012. M. Gauthier a expliqué que, à la lumière de ces données, il avait estimé que 986 copies donnant droit à rémunération avaient été faites par ETP par année. Il a aussi expliqué que les établissements avaient fait cinq fois plus de copies numériques que de copies à inclure dans un recueil de cours sur support papier.

[80] En outre, M. Gauthier a présenté les résultats d’une analyse portant sur les reproductions faites par les établissements postsecondaires aux fins de la préparation de recueils de cours sur support papier entre 2005 et 2014. [23]

[81] D’après ses conclusions, le volume de reproductions d’œuvres du répertoire d’Access effectuées en vue d’être incluses dans des recueils de cours équivaut, par ETP par année, à 168,7 pages pour les établissements membres de l’AUCC, à 36,2 pages pour les membres de l’ACCC et à 43,7 pages pour les collèges indépendants. M. Gauthier a précisé qu’il n’avait utilisé que les données de 2005 à 2010 pour calculer le nombre de copies. Selon lui, les données de 2011 et des années subséquentes, qui montrent une baisse du nombre de copies, sous-estiment le nombre de copies et ne devraient donc pas être prises en compte.

[82] Initialement, de 2005 à 2010, tous les établissements d’enseignement avaient conclu un accord de licence avec Access. Selon les modalités des licences, les établissements devaient verser des redevances par page dans le cas des copies insérées dans les recueils de cours. Ils présentaient donc des rapports sur ces copies à Access. Or, lorsque les licences en vigueur sont arrivées à expiration à la fin de 2010, plusieurs établissements ont décidé de ne pas renouveler la leur avec Access et de ne pas appliquer le tarif provisoire, dont la structure était identique à celle des licences en vigueur jusque-là, c’est-à-dire un taux fixe par ETP et un taux par page pour les copies destinées aux recueils de cours. Par conséquent, ils ont cessé de déclarer les copies qu’ils effectuaient, mais n’ont pas arrêté pour autant de faire des copies. Par ailleurs, M. Gauthier a affirmé que les copies numériques ont progressivement remplacé les copies destinées aux recueils de cours à partir de 2011.

[83] M. Gauthier a également analysé le nombre de copies numériques et papier produites à l’Université de Toronto. [24] S’agissant des copies numériques, il convient de noter que les données sur lesquelles repose cette analyse ont été fournies à Access par l’Université de Toronto, conformément aux dispositions de la licence qui était en vigueur entre les parties de 2011 à 2013. L’Université de Toronto s’est opposée en vain à la production en preuve de ces données, comme nous l’avons vu ci-dessus.

[84] À la lumière de son analyse, M. Gauthier a conclu que, à supposer qu’il y avait autant de copies numériques que d’étudiants inscrits aux cours, le nombre de reproductions sur la plateforme numérique de l’université était de 344 copies par ETP par année, et qu’il y avait six fois plus de copies numériques que de copies papier utilisées dans les recueils de cours.

[85] Enfin, M. Gauthier a décrit les résultats d’une enquête qu’il avait menée auprès des auteurs membres d’Access. L’enquête visait à déterminer quelle incidence pourrait avoir une diminution ou une élimination des redevances versées par Access dans la foulée de l’adoption des politiques sur l’utilisation équitable par les établissements d’enseignement.

[86] M. Gauthier a d’abord décrit la provenance des revenus que les auteurs tiraient de leurs activités de création littéraire. Il a ainsi expliqué que 39 pour cent de leurs revenus provenaient des paiements versés par leur éditeur, et 21 pour cent, des redevances versées par Access. Interrogés sur l’importance des revenus provenant d’Access, 64 pour cent des auteurs ont affirmé que ces revenus étaient au moins modérément importants pour eux, et 34 pour cent, qu’ils n’étaient pas très importants ou ne l’étaient pas du tout. Enfin, en ce qui concerne leur motivation à continuer de créer des œuvres destinées au marché de l’enseignement postsecondaire, la moitié des auteurs ont répondu que leur motivation resterait la même advenant une diminution ou une élimination de leurs revenus, tandis que près du tiers ont dit qu’ils passeraient moins de temps à créer des œuvres pour ce marché.

Professeur Michael Murphy

[87] Le professeur Michael Murphy a décrit la nature des plateformes numériques utilisées dans les établissements d’enseignement. Il a aussi expliqué leur fonctionnement, en s’attardant sur la façon dont les établissements y téléversaient du contenu et sur les modes d’accès offerts aux étudiants, qui peuvent télécharger le contenu sur un appareil, l’imprimer ou le consulter directement sur la plateforme. Enfin, il a donné des éclaircissements sur le nombre de copies que requièrent ces utilisations, et sur les types de copies effectuées (permanentes, temporaires et éphémères).

Michael Dobner

[88] M. Michael Dobner, associé chez PricewaterhouseCoopers LLP, a présenté les conclusions de son analyse des répercussions que la mise en œuvre des politiques sur l’utilisation équitable adoptées par la majorité des établissements d’enseignement en 2012 aurait sur le marché.

[89] Il a expliqué que l’adoption de ces politiques risque d’entraîner l’élimination quasi complète des revenus secondaires, c’est-à-dire les redevances versées par Access aux titulaires de droits et les revenus tirés des licences accordées directement par les éditeurs aux établissements d’enseignement. Ces redevances représentent une part importante des revenus des auteurs et des éditeurs. Il a également affirmé que l’adoption de ces politiques ferait baisser les ventes de manuels : en effet, puisque ces politiques permettent la reproduction d’œuvres sans autorisation, selon des limites semblables à celles prévues dans les licences d’Access, la pratique de la copie libre de redevances l’emportera sur les ventes de manuels.

[90] De l’avis de M. Dobner, les auteurs seront moins désireux de produire des œuvres en raison des baisses de revenus, et le nombre d’œuvres qu’ils produiront diminuera à long terme. Quant aux éditeurs, ces baisses de revenus les contraindront à réduire leurs investissements, notamment ceux nécessaires pour opérer la coûteuse transition du support papier à la forme numérique. Les petits éditeurs seront les plus touchés et risquent de devoir fermer leurs portes, licencier du personnel ou réorienter leurs activités vers un marché autre que celui de l’enseignement postsecondaire. S’ensuivront finalement une diminution de la publication de titres spécifiquement canadiens, et une détérioration de la qualité et de la diversité des titres publiés.

Bradley Heys

[91] Enfin, Access a demandé à M. Bradley Heys, vice-président de NERA Economic Consulting Inc., de fournir une estimation de la valeur des autorisations accordées dans le cadre de chacun des deux projets de tarif.

[92] M. Heys a expliqué que la meilleure façon d’évaluer la valeur de ces licences était de se servir de licences de référence, à savoir les ententes de licence type conclues en 2012 avec l’AUCC, l’ACCC et les collèges indépendants, ainsi que les ententes de licence conclues en 2012 avec les universités de Toronto et de Western Ontario. Selon lui, ces licences constituent un point de référence approprié, car elles reposent sur des taux qui ont été librement négociés par les parties aux fins d’autorisations semblables à celles prévues dans les projets de tarif. Pour ces raisons, les taux prévus dans les licences de référence, soit 26 $ pour les universités et 10 $ pour les autres établissements, représentent la juste valeur marchande des copies faites pendant la période de 2011 à 2013.

[93] M. Heys soutient que ces licences constituent aussi le point de référence approprié pour la période de 2014 à 2017, et que les taux de 26 $ pour les universités et de 10 $ pour les autres établissements représentent la juste valeur marchande des copies faites durant cette période. Il affirme que les taux moindres prévus dans les licences Premium et Choice ne représentent pas la juste valeur marchande des copies faites de 2014 à 2017.

[94] En effet, Access a offert ces taux dans un contexte où bon nombre d’établissements postsecondaires avaient décidé qu’ils n’avaient pas besoin de licence; les établissements se sont mis à interpréter très librement la notion d’utilisation équitable, et une majorité d’entre eux ont adopté des politiques sur l’utilisation équitable autorisant de généreuses limites de production de copies ne donnant pas droit à rémunération. De plus, les établissements auraient été informés du fait que l’application des tarifs de la Commission était volontaire et que les dommages-intérêts en cas de violation du droit d’auteur étaient de toute façon plutôt bas. [25] À cela s’ajoute le désistement de l’AUCC et de l’ACCC, et le fait qu’il est de plus en plus difficile pour les titulaires de droits de faire valoir leurs droits à l’ère de la reproduction numérique, où les copies se retrouvent désormais plus souvent sur des serveurs que dans des recueils de cours. Enfin, rien ne permet de croire qu’il y ait eu une baisse du nombre de copies faites dans les établissements d’enseignement – ce serait plutôt le contraire – ou une hausse du nombre d’ententes de licence conclues avec des tiers autres qu’Access.

c. Conclusions concernant les éléments de preuve d’Access

[95] Comme il n’y a pas de partie qui s’oppose, aucun des éléments de preuve factuels susmentionnés n’a été contesté ou contredit. Nous retenons les faits exposés dans les témoignages des témoins de faits et les pièces connexes déposées en preuve. À une exception près, nous retenons en général les témoignages d’opinion des témoins experts.

[96] L’exception concerne le témoignage de M. Heys. Si nous retenons son témoignage selon lequel les licences types peuvent servir de référence fiable pour évaluer la valeur, nous ne souscrivons pas à son point de vue selon lequel les licences Premium et Choice ne reflètent pas le marché. Pour les raisons énoncées ci-après, nous concluons que la licence Premium est un point de référence adéquat pour la période de 2015 à 2017 parce qu’elle prend en considération la réalité de l’incertitude qui règne actuellement dans le marché à l’égard des limites de l’exception au titre de l’utilisation équitable dans le milieu de l’éducation.

ii. Sean Maguire

[97] M. Maguire n’a présenté aucun élément de preuve ni appelé de témoins.

III. POSITIONS DES PARTIES ET PROJETS DE TARIF

A. Access

[98] Pour 2011-2013, Access a proposé un taux de 45 $ par ETP pour les universités et de 35 $ par ETP pour les autres établissements d’enseignement (les « autres établissements » ou les « établissements de niveau collégial »). Pour 2014-2017, elle a proposé un taux de 35 $ par ETP pour les universités et de 25 $ par ETP pour les autres établissements d’enseignement.

[99] En réponse à une question posée par la Commission le 30 septembre 2016, Access a expliqué que le taux demandé dans son projet de tarif de 2014-2017 était inférieur au taux demandé pour 2011-2013, car au moment du dépôt du second projet de tarif, Access avait conclu des ententes de licence type avec l’AUCC et l’ACCC à des taux inférieurs. Elle avait donc voulu se rapprocher des taux négociés dans le cadre de ces ententes (26 $ et 10 $).

[100] Les deux projets de tarif sont similaires. Tous deux visent les copies papier et les copies numériques. Les restrictions sont aussi identiques : les deux projets de tarif permettent de copier jusqu’à 10 pour cent du contenu d’une œuvre, ou 20 pour cent dans le cas des chapitres. Ils visent tous deux les reproductions réalisées à la suite de l’affichage « d’un lien ou d’un hyperlien » menant vers une copie numérique.

[101] Les projets de tarif renferment aussi une disposition selon laquelle les copies ne doivent pas être « stockées ou indexées avec l’intention ou le but de créer une bibliothèque des œuvres publiées ». [26] Enfin, ils prévoient que lorsqu’un établissement d’enseignement n’est plus couvert par le tarif, l’établissement et les personnes autorisées doivent cesser d’utiliser les copies visées par le tarif et les effacer des lecteurs de disques durs, des serveurs et réseaux utilisés par l’établissement. [27]

[102] Les deux projets de tarif présentent certaines différences. Par exemple, le projet de tarif de 2014-2017 contient une référence au droit de mise à disposition qui ne figurait pas dans le projet de tarif de 2011-2013. Access explique que même si le droit de mise à disposition et le droit de reproduction sont en réalité deux droits distincts, le fait qu’elle représente ces deux droits et les regroupe dans ses licences signifie que la Commission n’a pas à attribuer un prix distinct à chacun d’eux.

[103] Dans son énoncé de cause, Access a abaissé ses taux à 26 $ par ETP pour les universités et à 10 $ par ETP pour les établissements de niveau collégial, dans les deux projets de tarif. Ces taux correspondent à ceux des ententes de licence type conclues avec l’AUCC, l’ACCC et les collèges indépendants en 2012, qui étaient en vigueur de façon rétroactive du 1er janvier 2011 jusqu’au 31 décembre 2015, dans le cas des universités, et jusqu’au 31 décembre 2013, dans le cas des collèges.

[104] Le ratio de 2,6 pour 1 entre les taux de 26 $ et de 10 $ découle du fait qu’avant 2011, lorsque tous les établissements détenaient une licence d’Access établissant un taux fixe par ETP et un taux par page pour les recueils de cours, les redevances versées par les universités étaient environ 2,6 fois plus élevées que celles versées par les autres établissements. Les taux négociés dans les licences types de 2012 reprennent le même ratio. [28]

[105] Access soutient que ces licences, dont les modalités sont comparables à celles du projet de tarif de 2011-2013, sont un point de référence approprié pour le tarif en question, et que les taux qui y sont prévus représentent la juste valeur marchande [29] des copies produites de 2011 à 2013.

[106] Access fait aussi valoir que ces licences sont aussi le point de référence approprié pour 2014 à 2017, et que les taux qui y sont fixés représentent également la juste valeur marchande des copies produites au cours de cette période, soit 26 $ pour les universités et 10 $ pour les collèges.

[107] En fait, même si Access s’est mise à offrir les licences Premium et Choice à la fin de 2014, à des taux inférieurs à ceux de 26 $ et de 10 $ établis dans les licences de référence (par exemple, dans le cas d’une licence Premium de trois ans, les taux sont de 15 $ pour les universités et de 7 $ pour les collèges), Access estime que ces licences ne devraient pas être prises en compte, car elles ne représentent pas la juste valeur marchande des autorisations octroyées par Access aux établissements de 2014 à 2017.

[108] Selon Access, il est devenu évident en 2014 que la plupart des établissements d’enseignement qui avaient conclu des ententes de licence au taux de 26 $ ou de 10 $ par ETP ne les renouvelleraient pas à leur expiration le 31 décembre 2015. Cette décision tenait vraisemblablement à leur interprétation de l’ajout de l’« éducation » à l’article 29 de la Loi et de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans Alberta, [30] qui, selon eux, permettait de penser que la majorité des copies produites dans ces établissements répondraient à la notion d’utilisation équitable. La décision des établissements d’enseignement pouvait aussi s’expliquer par leur adoption des lignes directrices sur l’utilisation équitable en 2012, selon lesquelles la reproduction à l’intérieur de limites semblables à celles prévues dans les licences d’Access relevait de l’utilisation équitable, et par la difficulté pour les titulaires de droits à détecter les cas de violation du droit d’auteur, surtout dans un environnement numérique, et à faire valoir leurs droits.

[109] Dans ce contexte, où un nombre croissant d’établissements n’estimaient plus nécessaire d’obtenir une licence d’Access, Access a décidé d’offrir des licences à taux réduits. L’objectif était d’inciter les établissements à conclure des ententes de licence avec Access, même à taux réduit, pour prévenir la perte de redevances découlant du non-renouvellement des licences. Access soutient que ces licences sont la conséquence d’une défaillance du marché et qu’elles ne représentent pas la juste valeur marchande des autorisations qu’elle a octroyées aux établissements d’enseignement de 2014 à 2017.

[110] Enfin, Access avance que le volume de copies donnant droit à rémunération est tel que si les tarifs étaient fondés sur le nombre de copies multiplié par un taux par page, plutôt que sur les taux prévus dans les licences de référence, les redevances seraient beaucoup plus élevées. Pour Access, ce facteur montre que les taux proposés de 26 $ et de 10 $ sont raisonnables.

B. Sean Maguire

[111] M. Maguire affirme, à la lumière de son expérience, que lorsque les licences prévoyaient un taux fixe par ETP assorti d’un taux par page pour les recueils de cours, le paiement des redevances à taux fixe était pris en charge par les établissements d’enseignement, tandis que le paiement des redevances pour l’utilisation des recueils de cours était supporté par les étudiants directement. M. Maguire croit que, dans la nouvelle structure tarifaire proposée par Access, soit un taux global couvrant l’ensemble des copies, les coûts des redevances seront transférés directement aux étudiants, probablement sous forme de frais. Le fardeau financier des étudiants s’en trouvera alourdi.

[112] M. Maguire affirme que les taux proposés par Access sont trop élevés. Même s’il n’a pas précisé quels devraient être les taux de redevances, il estime que l’ajout de l’« éducation » à l’article 29 de la Loi dans le contexte de l’utilisation équitable ainsi que l’arrêt Alberta font probablement en sorte qu’une proportion importante des copies produites dans les établissements d’enseignement sont équitables. Ces modifications devraient donc entraîner une diminution des taux. De plus, le refus par les établissements de renouveler, à la suite de ces modifications, les ententes de licence qu’ils avaient conclues aux taux de 26 $ et de 10 $ montre que la valeur des licences d’Access a considérablement diminué. De surcroît, comme les établissements ayant conclu des ententes de licence Premium et Choice avec Access sont proportionnellement moins nombreux que ceux ayant antérieurement conclu des ententes de licence aux taux plus élevés de 26 $ et de 10 $, il y a lieu de penser que la valeur des licences d’Access est en fait inférieure aux taux réduits prévus dans les licences Premium et Choice.

[113] Enfin, en ce qui concerne le libellé du tarif, M. Maguire s’est dit préoccupé par le paragraphe 4(3) qui prévoit que les copies « ne doivent pas être stockées ou indexées avec l’intention ou le but de créer une bibliothèque des œuvres publiées ».

[114] Selon M. Maguire, tout travail de recherche poussé réalisé au niveau postsecondaire s’appuie sur une multitude de sources bibliographiques que tout étudiant minutieux se doit d’organiser et d’indexer pour en faciliter la consultation. Il craint que cette interdiction s’applique à ce type d’activité. Si tel est le cas, il soutient qu’un tarif ne peut interdire une activité aussi fortement ancrée dans l’éducation postsecondaire. Il demande donc que ce paragraphe soit modifié ou supprimé.

IV. ANALYSE JURIDIQUE

[115] Dans cette partie, nous examinerons plusieurs questions juridiques qui doivent être tranchées dans le cadre de la présente instance et qui seront également appliquées dans notre analyse économique qui suit. La plupart d’entre elles ont été évoquées plus tôt dans les présents motifs. Il convient maintenant de les examiner plus en détail. Les voici :

  1. Le paysage juridique concernant la notion d’utilisation équitable telle qu’elle s’applique dans le milieu de l’éducation;

  2. La prétention d’Access selon laquelle elle représente les titulaires de droits non affiliés par voie de mandat tacite;

  3. Le mandat à l’égard des copies numériques et les dispositions relatives à la suppression des copies numériques;

  4. Les répercussions de l’absence d’établissements d’enseignement comme parties à l’instance.

A. Le cadre de l’utilisation équitable et son effet

[116] Access soutient fermement que les établissements d’enseignement ont mal interprété l’effet des arrêts Alberta et Bell de la Cour suprême du Canada et de la modification apportée à la Loi ajoutant expressément l’« éducation » aux fins prévues à l’article 29 au titre de l’« utilisation équitable ». Elle soutient que les établissements d’enseignement sont allés trop loin dans leur mise en œuvre des lignes directrices sur l’utilisation équitable.

[117] Au final, nous concluons qu’il est inutile de déterminer en l’espèce si, ou dans quelle mesure, les lignes directrices sur l’utilisation équitable ou les projets de tarif englobent les utilisations qui sont soustraites à la protection du droit d’auteur conformément aux dispositions sur l’utilisation équitable figurant à l’article 29 de la Loi. Comme il est expliqué dans la partie portant sur l’analyse économique des présents motifs, la licence type de l’AUCC et la licence Premium fournissent des points de référence utiles nous permettant de fixer un prix pour les projets de tarif. Ces licences prévoient déjà une déduction créée par le marché pour l’instabilité actuelle entourant le cadre de l’utilisation équitable, de sorte qu’il est inutile d’analyser le caractère équitable de l’utilisation à cet égard.

[118] Toutefois, comme le débat sur l’utilisation équitable sous-tend la plupart des questions faisant l’objet de la présente instance et a contribué à sa durée, il pourrait être utile d’indiquer brièvement comment cette instabilité actuelle a évolué.

[119] Dès 2004, dans l’arrêt de principe CCH, [31] la Cour suprême du Canada a commencé à donner un sens plus large à la notion d’utilisation équitable. Elle a conclu qu’il fallait interpréter l’utilisation équitable de manière large, que l’utilisation équitable ne se limitait pas à celle effectuée dans un contexte non commercial ou privé et que l’interprétation de l’utilisation équitable devait être abordée du point de vue des utilisateurs. Elle a établi le cadre à l’intérieur duquel l’analyse devait être menée.

[120] Huit ans plus tard, en 2012, la Cour a réexaminé la notion d’utilisation équitable dans les arrêts Alberta [32] et Bell [33] – deux décisions visant le contrôle judiciaire de tarifs homologués par la Commission. Là encore, elle a donné un sens large aux termes « recherche » et « étude privée » – les fins qui étaient alors permises au titre de l’utilisation équitable à l’article 29 de la Loi – et, là aussi, la Cour l’a fait en abordant l’analyse du point de vue des utilisateurs.

[121] Environ au même moment, la Loi sur la modernisation du droit d’auteur est entrée en vigueur, ajoutant précisément l’« éducation » comme fin permise à l’article 29.

[122] Par suite des arrêts Alberta et Bell, et de la modification apportée à l’article 29, la notion d’utilisation équitable a été interprétée de manière de plus en plus large et, comme nous l’avons décrit précédemment, cette situation a eu des répercussions importantes sur l’utilisation du répertoire d’Access dans le milieu de l’éducation. Par exemple, la plupart des établissements d’enseignement postsecondaire ont adopté des lignes directrices sur l’utilisation équitable, bon nombre d’établissements ont refusé de renouveler leurs licences avec Access ou de conclure de nouvelles ententes de licence avec elle, et Access a tenté de remédier à ce qu’elle appelait la « défaillance du marché » qui en résultait en offrant ses licences Premium et Choice pour éviter que les redevances versées par les établissements d’enseignement soient réduites à peu près à néant.

[123] Toutefois, le fait que les établissements ont adopté des lignes directrices sur l’utilisation équitable ne signifie pas que la Commission doit se fonder sur celles-ci. En effet, dans la décision Access – K-12 (2005-2009), la Commission a conclu que le peu de règles en place dans les établissements ne suffisait pas à établir une pratique générale en matière d’utilisation équitable. [34] En fait, la Commission s’est fondée sur l’information que contenaient les étiquettes d’enregistrement recueillies pendant une enquête pour déterminer le caractère équitable ou non de l’utilisation de copies en particulier. [35]

[124] Dans une décision ultérieure concernant un tarif dans ce domaine, Access – K-12 (2010-2015), la Commission a également refusé d’analyser les lignes directrices sur l’utilisation équitable au motif qu’il n’existait aucune pratique généralement uniforme qui aurait pu être évaluée de la manière envisagée dans l’arrêt CCH. [36] En fait, la Commission s’est fondée sur une preuve favorisant une méthode différente pour fixer la redevance applicable; la Cour d’appel fédérale a confirmé la conclusion de la Commission à cet égard. [37]

[125] De même, nous n’examinerons pas les lignes directrices sur l’utilisation équitable des établissements en l’espèce. Il nous est inutile de le faire. Nous nous appuyons plutôt sur les points de référence qui permettent de déterminer implicitement le nombre de copies effectuées par les établissements qui constitue une utilisation équitable. Nous l’expliquerons plus en détail dans la partie portant sur l’analyse économique des présents motifs.

B. Titulaires de droits non affiliés

[126] À titre de société de gestion, Access conclut des « ententes d’affiliation » avec des titulaires de droits d’auteur de divers domaines. Elle affirme également représenter ceux qu’elle désigne comme des titulaires de droits non affiliés, dans les circonstances décrites plus loin, et affirme qu’elle est habilitée à le faire sur le fondement d’un mandat tacite par ratification.

[127] Cette question influe sur la taille du répertoire d’Access aux fins de l’établissement des tarifs et sur la légitimité d’Access à percevoir des redevances auprès des titulaires de droits non affiliés. Nous examinons cette question davantage et, pour les motifs qui suivent, nous rejetons la prétention d’Access relativement aux projets de tarif en l’espèce. Il ne peut y avoir de mandat tacite par ratification si Access ne peut démontrer que des sommes d’argent ont été versées à des titulaires de droits non affiliés, et acceptées par ceux-ci, pour la reproduction d’œuvres faisant partie du répertoire d’Access. Nous concluons que tel est le cas en l’espèce.

i. Ententes d’affiliation et titulaires de droits non affiliés

[128] Ses ententes d’affiliation permettent à Access d’octroyer des licences aux utilisateurs pour les autoriser à reproduire les œuvres de titulaires de droits qui sont des membres d’Access. Access appelle les titulaires avec qui elle a signé une entente d’affiliation les « titulaires de droits affiliés » ou simplement les « affiliés ». [38]

[129] En pratique, Access conclut généralement des ententes d’affiliation avec les éditeurs. Access a expliqué que, dans le monde de l’édition, les éditeurs peuvent utiliser les œuvres grâce à une cession ou à une licence de la part des auteurs. Comme les éditeurs sont les titulaires du droit d’auteur (grâce à la cession) ou détiennent une licence pour les droits de reproduction, ce sont eux qui accordent à Access le droit de gérer le droit de reproduire les œuvres, par application de l’entente d’affiliation. [39]

[130] Access conclut également des ententes bilatérales avec des sociétés de gestion étrangères, aux termes desquelles ces sociétés accordent à Access le mandat d’octroyer des licences autorisant les utilisateurs à reproduire les œuvres faisant partie de leurs répertoires. [40]

[131] Enfin, Access prétend représenter les œuvres de titulaires de droits qui n’ont pas conclu d’ententes d’affiliation avec elle ou dont les œuvres ne sont pas représentées par une société de gestion étrangère avec qui elle a conclu une entente bilatérale. Access les appelle les « titulaires de droits non affiliés » ou les « non-affiliés ».

[132] Lorsqu’Access a connaissance que des œuvres publiées par des éditeurs non affiliés ont été reproduites, elle a pour pratique de verser des redevances à ces éditeurs, au moyen d’un chèque accompagné d’une lettre explicative. [41] Access ne paie pas les auteurs non affiliés directement. Il revient aux éditeurs de payer la partie des redevances qu’ils doivent à chaque titulaire de droits, le cas échéant. [42] Access affirme que l’« encaissement » de ces chèques crée un mandat par ratification, qu’elle appelle également mandat tacite rétroactif. [43] Ce mandat autorise Access, après coup, à agir à titre de mandataire du titulaire de droits non affilié à l’égard de copies effectuées par un utilisateur détenant une licence d’Access. [44]

[133] Access a toujours fonctionné de cette façon. Selon son témoignage, il arrive que des non-affiliés reçoivent des redevances d’Access pendant des années sans même qu’elle ne leur demande de devenir membres. Access leur demande au cas par cas, généralement en fonction de la taille du répertoire de l’éditeur non affilié à qui elle a versé des redevances. [45] En réponse à une question du vice-président Majeau, Access a signalé qu’elle considère les copies effectuées dans ce contexte comme faisant partie de son répertoire. [46]

[134] À l’audience, Access a expliqué que c’est grâce à la déclaration obligatoire des copies effectuées et aux sondages bibliographiques qu’elle a appris que des œuvres de titulaires de droits non affiliés avaient été reproduites. [47] Les ententes de licence conclues entre Access et les établissements d’enseignement indiquent que certains types de copies doivent être détaillés dans des rapports. Pour l’application des présents projets de tarif, les copies pertinentes qui doivent être déclarées sont celles figurant dans les recueils de cours ou reproduites sur des réseaux numériques. [48] Toutefois, il n’est pas nécessaire de déclarer les copies distribuées de manière ponctuelle, en classe ou par courriel. Par conséquent, Access ne détient aucun renseignement sur ce dernier groupe de copies.

[135] En ce qui concerne les copies qui ne sont pas déclarées, et sur lesquelles Access ne détient aucun renseignement, Access a expliqué qu’elle ne paie de redevances qu’à ses membres affiliés. Elles sont partagées entre les affiliés d’Access selon les règles de distribution établies par son conseil d’administration sans égard au fait que certaines redevances pourraient avoir trait à des œuvres de non-affiliés qui ont été copiées mais non déclarées. Par conséquent, les titulaires de droits qui n’ont pas conclu d’entente d’affiliation avec Access ne reçoivent aucune partie des redevances perçues pour les copies sur lesquelles Access ne détient aucun renseignement.

[136] La proportion de copies qui appartiennent à cette catégorie est plutôt importante en l’espèce. En réponse à une demande de renseignement de la Commission concernant le ratio de copies qui ne sont pas incluses dans les recueils de cours par rapport à celles qui le sont, Access a indiqué que le ratio tournait autour de 6,2:1, sur la foi de données provenant de l’Université de Toronto. [49]

ii. Analyse

[137] Nous n’acceptons pas la théorie de la licence tacite avec ratification rétroactive présentée par Access, dans les circonstances de l’espèce.

iii. Mandat tacite

[138] Il peut y avoir mandat tacite ou pouvoir implicite, dans un contexte factuel donné, lorsque [TRADUCTION] « une partie s’est comportée envers une autre d’une manière telle qu’il est raisonnable pour cette autre partie d’inférer de ce comportement qu’elle consent à une relation de mandant et mandataire ». [50] Dans un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario, [51] la notion a été résumée de la manière suivante :

[TRADUCTION] Bien que le mandat soit souvent créé par un contrat exprès, qui établit la portée du pouvoir du mandataire, la création d’une relation de mandant et mandataire peut découler implicitement du comportement ou de la situation des parties. La question de savoir si une telle relation existe est en définitive une question de fait, qui sera tranchée à la lumière des circonstances.

[139] La relation de mandant et mandataire peut être formée rétrospectivement par ratification lorsque le mandant accepte et adopte l’acte qu’un mandataire a fait avant d’obtenir le pouvoir d’agir. En adoptant l’acte du mandataire, le mandant ratifie la relation, et le mandataire qui n’avait pas été nommé précédemment est réputé avoir été autorisé au moment en question. Cette ratification peut survenir subséquemment par consentement exprès ou implicitement en raison du comportement et de la situation des parties. [52]

[140] Conclure à l’existence d’un mandat tacite n’est pas chose facile. Comme l’a affirmé la Cour d’appel de l’Alberta, le pouvoir implicite repose sur [TRADUCTION] « une preuve claire et sans équivoque démontrant que le mandant a consenti au fait que le mandataire a le pouvoir d’agir en son nom ». [53] Le fardeau repose sur la partie qui invoque le mandat tacite. [54]

[141] En l’espèce, Access fait valoir que, dès que les titulaires de droits non affiliés encaissent les redevances qu’Access leur a versées, un mandat tacite est formé, ce qui légitime rétroactivement le fait qu’Access agit à titre de mandataire et lui permet du coup d’autoriser les utilisateurs à reproduire les œuvres de ces titulaires non affiliés. À l’appui de cette théorie, Access se fonde sur la définition du terme « société de gestion » figurant à l’article 2 de la Loi : [55]

« société de gestion » Association, société ou personne morale autorisée — notamment par voie de cession, licence ou mandat — à se livrer à la gestion collective du droit d’auteur ou du droit à rémunération conféré par les articles 19 ou 81 pour l’exercice des activités suivantes […] [Nos italiques]

[142] Access a expliqué comment le mandat prend forme :

[TRADUCTION] […] Access Copyright représente les œuvres des titulaires de droits qui, par mandat tacite, ont autorisé Access Copyright à agir en leur nom. Le mandat tacite se forme notamment dans le cas où Access Copyright verse des redevances aux éditeurs sur la foi d’une preuve ou de rapports démontrant que leurs œuvres ont été copiées par des titulaires de licence (les « titulaires de droits non affiliés »). Lorsqu’Access Copyright est avisée qu’une œuvre d’un titulaire de droits non affilié a été copiée sous licence, elle verse les redevances qui y sont associées à ce titulaire non affilié. Lorsque ce titulaire de droits non affilié encaisse son chèque ou accepte le paiement, Access Copyright agit à titre de mandataire de ce titulaire. Le fait que le titulaire accepte le paiement d’Access Copyright a pour effet de ratifier la transaction rétroactivement à la date à laquelle Access Copyright a octroyé une licence portant sur l’œuvre. La politique d’Access Copyright a toujours été de représenter tous les titulaires de droits et de rémunérer tous les titulaires pour la reproduction de leurs œuvres. [56]

[143] La Commission a accepté cet argument dans une décision antérieure, Access – K-12 (2005-2009), et a conclu ce qui suit :

[133] Le titulaire non affilié qui encaisse le chèque qu’il a reçu à l’égard de la distribution fondée sur l’enquête de volume accorde à Access, de façon rétroactive, le mandat tacite d’agir pour son compte à l’égard des copies qui ont été captées par l’enquête. Il ne pourrait poursuivre le copiste pour violation du droit d’auteur […] L’existence d’un mandat tacite, que l’encaissement du chèque matérialise, limité aux seules copies que l’enquête a captées, suffit pour décider d’inclure ces mêmes copies dans le calcul de la rémunération.

[134] […] En l’espèce, en encaissant le chèque de redevances, les titulaires non affiliés ont posé un geste qui confirme qu’Access avait le droit d’autoriser la reproduction de l’œuvre de l’ayant droit aux seules fins de la copie captée par l’enquête de volume.

[144] Access soulève également un deuxième argument à l’appui de sa théorie sur la ratification. Access prétend représenter tous les titulaires de droits non affiliés, sauf ceux qui ont expressément indiqué qu’ils ne voulaient pas être représentés par elle. Sa prétention est fondée sur le fait que, dans la plupart des cas, les titulaires de droits à qui elle a versé des redevances ont encaissé leurs chèques, ce qui, soutient-elle, sert de fondement à l’existence globale d’un mandat tacite rétroactif. Nous retournerons à cette observation plus tard.

iv. Non-établissement du mandat tacite par ratification

[145] En l’espèce, le problème avec la thèse d’Access est que la preuve ne permet pas de conclure que les mandants d’Access – les titulaires de droits non affiliés – ont reçu un paiement ou ont accepté le paiement. Par conséquent, le mandat tacite par ratification ne peut être établi au vu du dossier.

[146] Comme nous l’avons déjà dit, Access ne détient aucun renseignement sur la vaste majorité des copies qui sous-tendent cet argument parce que ces copies ne sont pas déclarées. De plus, comme elle l’a expliqué, Access ne verse de redevances à l’égard de ces copies qu’à ses membres affiliés; aucune redevance n’est versée aux titulaires de droits non affiliés dont les œuvres ont pu être reproduites sans que les copies soient portées à la connaissance d’Access. Comme ils ne reçoivent aucune redevance, les non-affiliés n’ont aucun chèque à encaisser et ne peuvent par conséquent ratifier quoi que ce soit en faveur d’Access même si leurs œuvres ont été reproduites, puisque ces copies n’ont pas été déclarées.

[147] Cette conclusion est conforme aux décisions antérieures de la Commission concernant Access et le milieu de l’éducation.

[148] Comme nous l’avons déjà dit, la Commission a accepté l’argument du mandat tacite dans la décision Access – K-12 (2005-2009). Dans cette affaire, toutefois, la Commission disposait d’une preuve claire établissant que des copies avaient été effectuées – sur le fondement d’une enquête de volume préparée par les parties – et que les non-affiliés avaient reçu des redevances et encaissé les chèques à cet égard. La Commission a limité le mandat tacite aux copies visées par l’enquête de volume et inclus ces copies dans le répertoire d’Access pour le calcul de la rémunération.

[149] Dans une décision concernant des copies effectuées par les gouvernements, [57] la Commission est parvenue à une autre conclusion. Dans cette affaire-là, la preuve indiquait qu’Access n’avait pas versé de paiements relativement aux copies d’œuvres de non-affiliés relevées dans l’enquête de volume pertinente. Ainsi, aucune redevance n’avait pu être encaissée ni acceptée, de sorte que la formation d’un mandat entre Access et les titulaires de droits non affiliés n’avait pu avoir lieu sur ce fondement. Le dossier démontrait également que le modèle de distribution d’Access n’était pas fondé sur les copies qui avaient été effectuées; Access distribuait plutôt à ses affiliés des paiements en fonction du nombre d’œuvres qu’ils apportaient à son répertoire, sans égard au nombre de copies qui avaient été effectuées, et même si certaines de ces copies étaient sans aucun doute des copies d’œuvres de non-affiliés. La Commission a conclu que l’acceptation par les titulaires de droits de redevances qui n’ont aucun lien avec les copies réelles ne peut servir de fondement pour conclure à l’existence d’un mandat tacite par ratification. [58]

[150] De même, dans la décision Access – K-12 (2010-2015), la Commission a refusé d’inclure les copies d’œuvres de non-affiliés dans le répertoire d’Access pour le calcul des redevances, au motif qu’aucun mandat tacite n’avait été établi. Bien que la Commission disposait de la même enquête de volume que celle dont elle disposait dans la décision Access – K-12 (2005-2009), elle avait également en main une preuve bien plus complète concernant la méthode de distribution des redevances d’Access.

[151] Par exemple, en ce qui concerne les paiements faits à l’intention de non-affiliés, Access versait les paiements aux éditeurs et non aux auteurs directement, laissant aux éditeurs le soin de distribuer les parts des auteurs. Toutefois, le dossier ne montrait pas si les éditeurs étaient titulaires du droit d’auteur de l’œuvre copiée, et aucun mandat ne pouvait être formé dans le cas où l’éditeur – n’étant pas le titulaire du droit d’auteur – n’avait pas le pouvoir de ratifier l’acte de copie. En outre, Access ne pouvait dire quelles œuvres visées par l’enquête de volume de 2006 étaient toujours copiées après 2006, et elle ne détenait aucun renseignement sur les œuvres des non-affiliés qui avaient été copiées, mais non incluses dans l’enquête de volume.

[152] Nous avons fait référence plus tôt à l’autre argument d’Access selon lequel elle est habilitée à représenter tous les titulaires de droits non affiliés sauf ceux qui ont choisi de s’exclure et expressément affirmé ne pas vouloir être représentés par elle. Cette question s’est également posée dans la décision Access – Gouvernements. Toutefois, l’argument doit être rejeté pour deux raisons. Premièrement, il est fondé sur le principe que, dans presque tous les cas, les titulaires de droits à qui elle paie des redevances encaissent leurs chèques, ce qui forme un mandat tacite rétroactif. Le dossier n’établit pas que de telles redevances ont été versées à des non-affiliés en l’espèce. Deuxièmement, la théorie aborde la question du mauvais angle : le droit de reproduction accordé aux auteurs en vertu de la Loi étant un droit exclusif, il revient donc à Access de demander et d’obtenir les autorisations requises pour gérer les droits de reproduction. Il n’incombe pas aux titulaires de droits d’aviser Access qu’ils ne souhaitent pas qu’elle gère ces droits.

[153] Les décisions précitées de la Commission démontrent que conclure à l’existence d’un mandat tacite repose essentiellement sur le contexte factuel dans lequel il survient.

[154] Par conséquent, il n’est pas dit qu’un mandat ne peut jamais être tacite ou rétroactif. Quoi qu’il en soit, il est bien établi qu’une société de gestion doit démontrer que les titulaires de droits qu’elle prétend représenter l’ont autorisée à agir en leur nom. [59] Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu des pratiques et de la méthode de distribution d’Access, telles qu’elles ont été décrites précédemment, nous ne sommes pas convaincus qu’un mandat tacite a été établi entre Access et ses non-affiliés pour étayer son autorisation de représenter les non-affiliés aux fins de la gestion collective de leurs œuvres.

[155] Compte tenu de ce qui précède, nous ferons un rajustement dans la partie portant sur l’analyse économique ci-dessous afin d’exclure du calcul la proportion des œuvres des titulaires de droits non affiliés reproduites par les établissements d’enseignement. Nous modifierons également la définition de l’expression « œuvre du répertoire » telle qu’elle figure dans la partie portant sur le libellé du tarif ci-dessous.

C. Mandat relatif aux copies numériques et disposition de suppression des copies numériques

i. Projets de tarif

[156] Les projets de tarif pour les années 2011-2013 et 2014-2017 présentés par Access englobent les copies numériques, tout comme le font les ententes de licence qu’elle a conclues depuis 2012. S’agissant de ces copies, les projets de tarif comportent tous deux une disposition de suppression des copies numériques, qui exige que les établissements d’enseignement effacent les copies numériques à l’expiration du tarif.

[157] À cet égard, les projets de tarif prévoient ce qui suit au paragraphe 5(4), sous la rubrique Conditions supplémentaires concernant les Copies Numériques des Œuvres du Répertoire :

Lorsque l’Établissement d’Enseignement n’est plus couvert par le présent tarif, l’Établissement d’Enseignement et toutes les Personnes Autorisées doivent immédiatement cesser d’utiliser toutes les Copies Numériques des Œuvres du Répertoire, les effacer de leurs lecteurs de disques durs, de leurs serveurs et réseaux, et doivent faire tous les efforts raisonnables pour les effacer de tout autre dispositif ou support capable de stocker les Copies Numériques, et ils doivent certifier avoir agi de la sorte sur demande écrite d’Access Copyright.

[158] Le 18 février 2014, la Commission a demandé à Access d’expliquer les raisons justifiant l’inclusion d’une disposition de suppression des copies numériques dans les projets de tarif.

[159] Dans sa réponse, [60] Access a expliqué qu’il s’agissait d’une clause type utilisée dans les ententes de reproduction dans l’industrie de l’édition numérique et qu’elle visait à remédier à la facilité avec laquelle les copies numériques peuvent être diffusées, par exemple au moyen de plateformes numériques ou par courriel. Cette facilité de diffusion ne serait pas aussi préoccupante avec des copies papier. Access a également affirmé que la licence type de 2012 contenait une clause similaire, ce qui n’a jamais empêché les établissements d’enseignement de souscrire à cette licence. [61]

[160] De plus, Access a expliqué que les mandats accordés par ses membres relativement aux copies numériques ne l’autorisent pas à octroyer de licence à l’égard des copies numériques des œuvres de ses affiliés sans imposer l’exigence correspondante de supprimer ces fichiers numériques à l’expiration de la licence. [62]

[161] Ce point n’est pas une simple question de sémantique dans le libellé du tarif; il concerne la question – fondamentale – de la relation de mandant et mandataire qu’Access a avec ses membres à l’égard de la reproduction numérique.

a. Décision Access – Gouvernements

[162] La question de la disposition de suppression des copies numériques n’est pas nouvelle. Elle a été soulevée pour la première fois dans la décision Access – Gouvernements, rendue en 2015, après que les questions susmentionnées eurent été posées à Access dans la présente instance.

[163] Dans la décision Access – Gouvernements, le projet de tarif prévoyait une disposition de suppression des copies numériques identique à celles qui nous occupent en l’espèce. Après l’audience, au cours des discussions sur les dispositions administratives et le libellé du tarif, la Commission a demandé aux parties de présenter des observations sur la question de savoir si le tarif devrait comporter une telle clause. À cet égard, les opposants se sont opposés à l’inclusion d’une telle clause dans le tarif au motif que cette condition n’avait aucun fondement en droit : les reproductions effectuées conformément à une licence ou à un tarif étaient dûment autorisées, et le fait que la licence ou le tarif avait expiré ne changeait rien au fait que celles-ci étaient des copies légales. Dans ce contexte, rien n’empêcherait un utilisateur de conserver les copies numériques effectuées légalement. Selon eux, la Loi protège le droit de reproduction, et non le droit de conserver ou de lire une copie. [63]

[164] Comme dans le cas qui nous occupe, la preuve démontrait qu’Access avait inclus cette clause dans son projet de tarif parce que ses affiliés, par application de l’entente d’affiliation type d’Access, ne voulaient pas habiliter Access à autoriser la création de copies numériques à moins qu’une clause exigeant la destruction de ce type de copies à l’expiration de la licence soit incluse dans l’entente de licence conclue entre Access et tous ses utilisateurs.

[165] La Commission était d’accord avec les opposants et a conclu qu’elle ne pouvait inclure une telle clause dans le tarif. Elle a ensuite demandé aux parties de lui donner leur avis sur les conséquences de la décision de ne pas inclure la disposition de suppression des copies numériques dans le tarif.

[166] Selon les opposants, puisqu’Access ne pouvait pas autoriser la création de copies numériques des œuvres de ses affiliés en l’absence de l’exigence de détruire ces copies à l’expiration de la licence, la non-inclusion de cette disposition dans le tarif exclurait les copies numériques du champ d’application du tarif. Ainsi, il ne faudrait pas tenir compte des copies dans le calcul du taux. [64] Pour sa part, Access avait informé la Commission que son conseil d’administration l’avait autorisée à octroyer des licences à l’égard de copies numériques malgré l’absence de disposition de suppression. [65]

[167] La Commission est parvenue à la conclusion suivante :

Selon cette réponse, il ne fait aucun doute qu’Access n’avait pas, en date du dépôt des projets de tarif et n’a toujours pas obtenu l’autorisation de l’ensemble de ses affiliés, voire même d’un seul, en vue de l’octroi de licences pour la création de copies numériques en l’absence d’une exigence relative à la suppression des fichiers. La question de savoir si le conseil d’administration a autorisé Access à faire quelque chose ou non ne suffit pas. Le pouvoir d’Access d’octroyer une licence pour la création d’une copie d’une œuvre découle d’une licence octroyée par le titulaire du droit d’auteur; lorsque Access n’a pas une telle licence, elle n’a pas le pouvoir d’accorder elle-même une telle licence. Le conseil d’administration d’Access ne peut pas accorder à Access des droits que les titulaires du droit d’auteur ne lui ont pas eux-mêmes octroyé. [66]

[168] Dans la décision Access – Gouvernements, la Commission a donc exclu les copies numériques du calcul des redevances; ces copies représentaient une proportion importante des copies visées par l’enquête de volume.

[169] Access a demandé le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour d’appel fédérale. Toutefois, elle n’a pas demandé le contrôle de la conclusion de la Commission concernant l’exclusion des copies numériques. [67] La Cour d’appel a rejeté la demande de contrôle judiciaire en mars 2018. [68]

ii. Mesures prises par Access à la suite de la décision Access – Gouvernements

[170] Bien qu’Access continue de soutenir que la disposition de suppression des copies numériques est une clause type dans l’industrie et devrait être incluse dans les tarifs, elle affirme être maintenant disposée à ce que la Commission supprime cette disposition des tarifs. Elle soutient qu’elle a désormais le pouvoir nécessaire pour permettre la création de copies numériques malgré l’absence de disposition de suppression des copies numériques dans ses licences, ce qui évite une issue similaire à celle de la décision Access − Gouvernements, à savoir l’exclusion des copies numériques de ses tarifs. [69]

[171] À cet égard, Access a pu démontrer qu’elle avait fait signer à ses membres une renonciation, rétroactive au 1er janvier 2010, concernant le retrait de la disposition de suppression des copies numériques qui figurait dans son entente d’affiliation type de 2002, [70] ou une nouvelle entente d’affiliation en 2015 qui ne prévoyait pas cette condition. Ainsi, le 17 décembre 2015, quelques semaines avant l’audience, près de 91 pour cent des éditeurs affiliés à Access avaient signé la renonciation ou la nouvelle entente d’affiliation de 2015 [71] qui ne prévoyait pas la clause exigeant l’inclusion de la disposition de suppression des copies numériques dans les ententes de licence qu’Access avait conclues avec les utilisateurs. [72]

[172] Quelle est donc la portée du mandat d’Access à l’égard des copies numériques? Et quelles conséquences peut avoir le fait qu’environ 10 pour cent des éditeurs affiliés à Access n’ont pas signé la renonciation à l’exigence de détruire les copies ou la nouvelle entente d’affiliation ne contenant pas cette exigence?

[173] En ce qui concerne la première question, compte tenu des mesures prises par Access, nous sommes d’avis que, contrairement à la situation observée dans la décision Access – Gouvernements, Access a le mandat d’autoriser la création de copies numériques sans condition. En ce qui concerne la deuxième question, ces conséquences sont raisonnablement négligeables. Ces chiffres datent de décembre 2015. [73] Il est raisonnable de croire qu’après 2015, les titulaires de droits d’Access ont continué de passer à la nouvelle entente d’affiliation, de sorte qu’Access a probablement obtenu de la part de tous ses titulaires de droits le droit qui lui permettrait d’octroyer des licences ne contenant pas la disposition de suppression des copies numériques. [74]

[174] Pour les motifs qui précèdent, nous concluons que le dossier étaye la thèse d’Access. Nous estimons qu’Access peut légitimement autoriser la création de copies numériques, sans condition.

[175] Enfin, Access soutient que dans la mesure où la Commission estime que la capacité d’Access d’autoriser la création de copies numériques sans condition comporte des lacunes, l’article 30.02 de la Loi aura pallié ces lacunes en date du 7 novembre 2012, à son entrée en vigueur. Cet article, qui ne concerne que les établissements d’enseignement, prévoit que les titulaires de droits qui ont autorisé Access à conclure une entente avec des établissements d’enseignement à l’égard de copies sur support papier sont réputés avoir également autorisé Access à conclure une entente à l’égard de copies numériques.

[176] Access affirme à juste titre que même si son mandat à l’égard des copies numériques posait problème, ce problème aurait été réglé en date du 7 novembre 2012. [75] En l’espèce, toutefois, nous avons conclu qu’Access a le pouvoir nécessaire pour autoriser la création de copies numériques sans condition; par conséquent, il est inutile d’appliquer l’article 30.02.

D. Conséquences de l’absence d’établissements d’enseignement

[177] L’absence d’opposants institutionnels et d’associations représentant les établissements d’enseignement et le fait qu’ils ont ressurgi au moyen des lettres d’observations après l’audience et les conclusions finales ont eu une incidence sur la présente instance. Ces particularités de l’instance soulèvent des questions concernant l’achèvement du dossier, le rôle de la Commission en l’absence de tout opposant institutionnel et le poids à accorder aux lettres d’observations. Comme on pouvait s’y attendre, elles ont également contribué à la durée de l’instance.

[178] Nous nous pencherons maintenant sur ces questions.

i. Dossier et rôle de la Commission en l’absence d’établissements d’enseignement

[179] Selon Access, le rôle de la Commission consiste à homologuer un tarif juste et équitable au vu de la preuve dont elle dispose. Le fait qu’un utilisateur assujetti à un projet de tarif a décidé de retirer son opposition et de ne pas participer – et, du coup, de ne pas présenter d’éléments de preuve – n’a aucune incidence sur ce rôle. [76]

[180] Access affirme que, par conséquent, le rôle de la Commission consiste à évaluer la preuve au dossier d’une manière impartiale, tout en tenant compte de l’intérêt du public, bien entendu, mais sans tenter d’atténuer les conséquences de l’absence d’un utilisateur qui a décidé de ne pas prendre part à l’instance. Autrement dit, les établissements d’enseignement doivent assumer la responsabilité d’avoir choisi de ne pas participer. Au final, seule Access a déposé des éléments de preuve. La Commission doit apprécier ces éléments de preuve, et sa décision doit être fondée sur ces éléments de preuve, et eux seuls.

[181] Bien que nous souscrivions à certains aspects généraux des observations d’Access, nous décririons le rôle que la Commission doit jouer en l’espèce plus exactement comme suit.

[182] Puisqu’elle agit comme gardien de l’intérêt public, [77] la Commission peut – et doit parfois – poser des questions pour s’assurer de bien comprendre les questions en litige dans une affaire. Elle a de vastes pouvoirs pour ce faire et peut également prendre des mesures pour compléter un dossier incomplet. [78] La Commission n’est pas restreinte aux observations des parties et peut, de sa propre initiative, demander des éléments de preuve, toujours sous réserve des questions d’équité procédurale. [79]

[183] Qu’il y ait des opposants ou pas, le rôle de la Commission dans l’ensemble demeure le même. Ce rôle consiste à évaluer la preuve dont elle dispose et de fonder sa décision sur cette preuve. Si la Commission rendait une décision qui ne reposait pas sur la preuve, mais sur des hypothèses non fondées, sa décision serait, comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans l’arrêt Bell, arbitraire et déraisonnable. [80] Bien que la Commission ait de vastes pouvoirs, ces pouvoirs ne lui permettent pas de remplacer une partie absente et n’entraînent pas non plus pour « la Commission l’obligation de créer un dossier ». [81]

[184] En l’espèce, le fait que les établissements d’enseignement n’aient pas participé à l’instance à titre d’opposants a fait en sorte que nous n’avons pas pu bénéficier des éléments de preuve, de l’analyse et des arguments d’une partie opposante pour contrebalancer ceux d’Access. [82] Comme nous sommes tenus d’homologuer un tarif juste et équitable [83] et que nous avons aussi pris en considération l’intérêt public, nous devions examiner le dossier avec le plus grand soin, et même poser des questions pour le compléter au besoin. C’est ce que nous avons fait. Toutefois, c’est là que se termine notre rôle. D’un point de vue procédural, Access ne devrait pas s’acquitter d’un fardeau plus lourd que celui auquel elle aurait normalement dû satisfaire si les établissements d’enseignement avaient décidé de participer, et la Commission ne devrait pas non plus assumer le rôle des avocats pour les établissements d’enseignement. Au final, ce sont les établissements d’enseignement qui ont choisi de ne pas prendre part à l’instance.

V. ANALYSE ÉCONOMIQUE

A. Introduction

[185] Access a proposé que la Commission homologue un taux de redevances de 26 $ par ETP pour les universités, d’après l’entente de licence type signée avec l’AUCC, [84] pour toutes les années visées par les deux projets de tarif, c.-à-d. de 2011 à 2017. Access a qualifié la licence type de [TRADUCTION] « point de référence raisonnable ». [85]

[186] De même, Access a proposé que le taux de 10 $ par ETP soit homologué pour les collèges pour les mêmes années, d’après l’entente de licence type signée avec l’ACCC. [86]

[187] Nous utilisons le terme « cible » pour désigner le prix (ou tarif) que la Commission est chargée d’établir. Nous utilisons le terme « point de référence » pour désigner le prix dans un marché lié à la cible. Le point de référence est qualifié de bon s’il est déterminé dans un marché pseudo-concurrentiel [87] et que le marché de référence est « semblable » au marché cible. [88] Dans la mesure où ces deux conditions ne sont pas réunies, il faut peut-être rajuster le point de référence en vue d’établir un tarif cible juste et équitable. Plus les rajustements nécessaires en vue d’établir un tarif juste et équitable sont incertains, moins le point de référence est utilisable. Si une grande incertitude entoure les rajustements, le point de référence peut être totalement inutilisable.

[188] Pour les motifs exposés ci-dessous, nous concluons que la licence type de l’AUCC et la licence type de l’ACCC sont de « bons » points de référence aux fins de l’établissement des tarifs respectifs pour les années 2011 à 2014. À notre avis, elles ont été accordées dans un marché suffisamment concurrentiel et semblable au marché cible (sous réserve de certains rajustements légers) pour être ainsi qualifiées. Toutefois, nous ne considérons pas les licences types comme des points de référence valides pour les années 2015 à 2017. En nous fondant sur une analyse similaire, nous adoptons plutôt la licence Premium à cette fin.

[189] Par souci de simplicité, nous examinerons pour le moment les projets de tarif visant les universités seulement et traiterons ceux visant les collèges plus loin dans les présents motifs. L’analyse est semblable dans les deux cas.

B. Les deux projets de tarif

[190] Au moment du dépôt initial de ses projets de tarif auprès de la Commission, Access proposait des taux différents pour deux périodes : 45 $ par ETP de 2011 à 2013 et 35 $ par ETP de 2014 à 2017. Lorsqu’Access a déposé sa preuve, ces taux avaient été révisés à 26 $ par ETP pour les deux périodes.

[191] Le 9 juin 2016, la Commission a posé certaines questions à Access, [89] dont la suivante :

[TRADUCTION] Expliquez pourquoi les taux demandés par Access Copyright dans le projet de tarif de 2014-2017 (35 $ pour les universités et 25 $ pour les autres établissements d’enseignement) sont inférieurs à ceux demandés dans le projet de tarif de 2011-2013 (45 $ pour les universités 35 $ pour les autres établissements d’enseignement).

[192] Le 30 septembre 2016, Access a répondu ainsi : [90]

[TRADUCTION] Access Copyright a déposé son projet de tarif de 2014-2017 au taux inférieur de 35 $ pour les universités et de 25 $ pour les autres établissements d’enseignement parce qu’au moment du dépôt en mars 2013, elle avait négocié de nouvelles licences exhaustives avec l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC, aujourd’hui Universités Canada) au taux de 26 $ par ETP, et avec l’Association des collèges communautaires du Canada (ACCC, aujourd’hui CICan) au taux de 10 $ par ETP. Auparavant, il n’y avait pas de licences négociées en place, et donc pas de point de référence approprié aux fins de l’évaluation proposée. Par conséquent, Access Copyright a rajusté les taux proposés à la baisse par rapport aux taux qu’elle proposait aux fins du tarif de 2011-2013 de manière à tenir compte plus justement du taux du marché au moment du dépôt.

Comme c’est généralement le cas de la plupart des projets de tarif, au moment du dépôt, l’expert en évaluation d’Access Copyright n’avait pas encore évalué la valeur des projets de tarif. Quand M. Heys a eu l’information en main, Access Copyright a rajusté à la baisse les taux qu’elle demandait en fonction de l’opinion de l’expert.

[193] En fait, Access affirme que le tarif devrait correspondre au taux du marché. Toutefois, s’il est approprié qu’Access tienne compte du taux du marché au moment du dépôt (à savoir le 31 mars de l’année précédant l’entrée en vigueur du tarif), notre tâche consiste à tenir compte (du moins dans une certaine mesure) du taux du marché en nous fondant sur l’information dont nous disposons au moment de la décision même.

[194] Comme nous l’avons vu ci-dessus, Access a commencé à offrir ses nouvelles licences vers la fin de 2014, ce qui correspond selon nous à la date à laquelle le contexte du marché a changé, des taux inférieurs caractérisant ce nouveau contexte. Par conséquent, nous établirons un taux pour les années 2011 à 2014 et un taux différent pour les années 2015 à 2017.

C. Notre point de référence pour 2011-2014 : la licence type de l’AUCC

i. Similarité du point de référence et de la cible

[195] Access a produit des éléments de preuve sur la question de la similarité :

[TRADUCTION] Les licences de référence sont des ententes négociées en toute indépendance portant essentiellement sur les mêmes droits que ceux qui seraient accordés aux termes du projet de tarif et s’appliquent à la période allant de 2011 à 2013 visée par le projet de tarif. Plus particulièrement, tant les licences de référence que le projet de tarif :

  1. confèrent le droit de faire des copies papier et numériques d’extraits d’œuvres publiées contenues dans le répertoire;

  2. imposent exactement les mêmes restrictions sur la reproduction permise;

  3. exigent que chaque établissement recueille certains renseignements sur la reproduction d’ensembles de cours et envisagent la possibilité qu’Access Copyright réalise une enquête par sondage auprès des établissements pour recueillir des renseignements bibliographiques et des données sur les volumes de copies produites;

  4. prévoient que les établissements verseront des redevances annuelles fondées sur le nombre d’ETP. [91]

[196] Les quatre points de similarité soulevés par Access sont exacts. Ce sont également des éléments importants des modalités de la licence type et des projets de tarif, [92] ce qui appuie notre choix de la licence type à titre de point de référence.

[197] La grande différence parmi ces quatre points concerne le sondage auprès des établissements, mais cette différence tient largement au ton. Si la licence type prévoit que le sondage devrait réduire le plus possible le fardeau administratif et respecter les lois et les politiques sur la protection des renseignements personnels des titulaires de licence, [93] le projet de tarif prévoit que « si un établissement d’enseignement refuse de façon déraisonnable de participer au sondage ou ne respecte pas le présent article, les licences des articles 3 et 10 cesseront d’être en vigueur ». [94] Nous estimons que cette différence n’est pas importante.

[198] Une autre différence est observée entre la licence type et le projet de tarif. La licence type contient une clause d’indemnité (clause 13). Cette clause n’est plus pertinente désormais, compte tenu de nos conclusions énoncées ci-dessus concernant les titulaires de droits non affiliés et l’étendue du répertoire d’Access.

ii. La question du marché concurrentiel

[199] Pour constituer le point de référence valide d’un tarif cible, le comparateur ne doit pas nécessairement être révélateur d’un marché parfaitement concurrentiel.

[200] La Commission a déjà examiné au moins deux fois la question de la relation de son mandat – l’établissement de tarifs justes et équitables – avec l’acte d’établir des tarifs qui imitent les marchés concurrentiels. Elle a d’abord exposé comment elle voyait la relation dans une décision rendue en 1993 dans laquelle elle établissait différents tarifs de la SOCAN :

[La Commission] assure un certain équilibre dans les marchés entre les titulaires de droits et les usagers; cela ne veut pas dire qu’elle doive nécessairement établir les droits en fonction d’un prix librement négocié, que ce soit ou non dans un marché concurrentiel. La Cour d’appel fédérale [Performing Rights Organization of Canada Ltd c CBC (1986), 64 N.R. 330 (CAF) au para 30] a déjà établi le principe voulant que le « prix du marché » ne constitue qu’une base rationnelle parmi d’autres. [95]

[201] Récemment, la Commission a répété comment elle voyait son rôle, plus particulièrement par comparaison avec le rôle que jouent ceux qui établissent les taux aux États-Unis :

Les taux aux États-Unis font l’objet d’une série d’instructions prévues par la loi. Elles visent à rendre compte des résultats du marché concurrentiel et à tenir compte de la valeur promotionnelle du temps d’antenne. Au Canada, la seule exigence fondamentale est que les taux doivent être équitables. Le prix de marché n’est qu’un des fondements possibles que nous pouvons utiliser pour fixer un tarif. La Commission n’est pas tenue d’établir des tarifs sur ce seul fondement. En outre, la Commission a refusé maintes fois de prendre en compte la valeur promotionnelle du temps d’antenne. [96] [Nos italiques]

[202] En termes économiques, il est presque impossible que des ententes conclues entre une société de gestion et un utilisateur soient concurrentielles dans un sens strict. Les sociétés de gestion exercent un certain pouvoir de marché. Ainsi, elles demandent un prix qui excède le coût marginal de reproduction, en partie pour couvrir le coût fixe de la création de l’œuvre au départ.

[203] Un marché théorique, parfaitement concurrentiel, comporte de nombreux acheteurs et de nombreux vendeurs. Lorsqu’un marché est créé par une société de gestion qui offre à vendre selon le principe « à prendre ou à laisser » un ensemble de droits à l’égard d’un répertoire d’œuvres, le marché n’est pas concurrentiel. Bien que les prix pratiqués dans les marchés concurrentiels soient à première vue de bons points de référence, le prix pratiqué dans le marché non concurrentiel créé par la société de gestion pourrait quand même constituer un bon point de référence si une demande raisonnablement élevée est exprimée en réponse à l’offre.

[204] Dans le cas de la licence type de l’AUCC de 2012, nous avons les données suivantes. Au 11 septembre 2013, 35 établissements avaient signé l’entente de licence type, les universités de Toronto et de Western Ontario avaient signé des ententes de licence presque identiques, [97] et 20 établissements membres de l’AUCC n’avaient pas de licence. [98] Au 2 novembre 2015, 35 établissements avaient une licence; de ces établissements, 24 avaient une licence type et 11 avaient opté pour la nouvelle licence Premium (analysée en détail ci-dessous). Les 22 autres établissements n’avaient pas de licence.

[205] Aucun seuil évident ne s’applique à un marché monopolistique présentant des caractéristiques concurrentielles. Dans le présent cas, environ 60 pour cent du marché avait une licence durant la période visée par le tarif. De plus, cette licence a été maintenue tout au long de 2014. À notre avis, il s’agit d’un marché présentant suffisamment de caractéristiques concurrentielles pour servir de point de référence.

[206] Nous concluons donc que les licences types d’Access constituent un bon point de référence pour les tarifs : les prix prévus dans ces licences sont donc un bon point de référence pour les taux tarifaires.

iii. Autre point à prendre en considération : les licences Copibec

[207] La Commission a examiné trois ententes conclues entre Copibec et des universités au Québec. De manière générale, ces ententes comportent les mêmes taux et les mêmes modalités, et portent sur un répertoire et des droits identiques.

[208] La Commission a déjà parlé de confort en faisant allusion à un deuxième élément de preuve qui corroborait un modèle primaire. Après examen des licences Copibec, nous les considérons de la même manière aux fins de la présente instance. Nous n’utiliserons pas ces licences elles-mêmes à titre de point de référence, mais elles nous confortent dans notre conclusion selon laquelle les licences types constituent de bons points de référence.

[209] Cette observation s’applique tant à la licence type de 2012 (par comparaison avec la licence Copibec de 2007-2012) qu’à la licence Premium de 2015 (par comparaison avec la licence Copibec de 2014-2017).

D. Notre point de référence pour 2015-2017 : la licence Premium

i. « Adaptation » du marché ou « défaillance » du marché

[210] Access soutient que le taux de 15 $ prévu dans la licence Premium ne représente pas un taux du marché, mais traduit plutôt une défaillance du marché. [99] Elle déclare avoir été limitée à offrir des licences à ce taux parce que les établissements d’enseignement estimaient, après l’arrêt Alberta et les changements législatifs survenus en 2012, n’avoir désormais plus besoin de licence. Par conséquent, la Commission devrait homologuer le taux de 26 $ fixé dans les licences types de 2012 pour toute la durée du tarif; contrairement au taux de 15 $, ce taux de 26 $ résulterait de négociations menées selon des règles du jeu équitables.

[211] En dépit des observations d’Access, nous sommes d’avis que le taux de 15 $, loin de représenter une défaillance du marché, montre comment le marché s’est adapté en faveur de l’élargissement de la notion d’utilisation équitable en 2012 et illustre l’incertitude ayant accompagné cette évolution.

[212] Ce qu’Access décrit comme une défaillance du marché est en fait une baisse de la demande qui correspond à un changement de perception à l’égard de la notion d’utilisation équitable. La question de savoir si cette perception est juste ou non n’est pas pertinente pour le concept de défaillance du marché. En outre, le fait que les universités ont acheté cette licence Premium à différents prix (12 $, 15 $ et 18 $) indique l’absence de défaillance du marché. En cas de réelle défaillance du marché, aucun utilisateur n’aurait acheté cette licence, peu importe le prix auquel Access l’aurait offerte.

[213] Étant donné qu’il s’agit d’une notion qualitative, l’utilisation équitable est difficile à quantifier. Comme la Cour suprême l’a dit dans l’arrêt CCH, citant Lord Denning, « c’est une affaire d’impression ». [100] Voilà pourquoi cette interprétation est souvent controversée. Chaque nouvelle décision donne lieu à une nouvelle position pour les parties et crée de l’incertitude sur le marché des licences. Le préambule des ententes de licence conclues entre Access et les établissements d’enseignement dont nous avons fait état ci-dessus le montre bien, tout comme la décision AccessGouvernements, où Access explique que sa relation avec le gouvernement fédéral avait changé après l’arrêt CCH rendu en 2004. [101]

[214] Mise en place après les arrêts Alberta et Bell, l’entente de licence Premium, en soi, témoigne de ce contexte incertain :

[TRADUCTION] Les parties ont conclu la présente entente afin de permettre au licencié de reproduire des œuvres du répertoire dans une période d’incertitude, de désaccord et de litiges continus concernant la portée et l’interprétation des droits, obligations et exceptions, dont l’utilisation équitable, au titre de la Loi sur le droit d’auteur. Les parties reconnaissent et conviennent que les redevances payables aux termes de la présente entente reflètent cette incertitude et ne constituent aucunement une admission de la valeur réelle des droits cédés sous licence ou du volume de copies d’œuvres du répertoire à l’égard de toute instance non liée à un manquement à la présente entente. [102]

[215] Pour ce qui est de savoir comment elle était arrivée à un taux de 15 $, Access explique qu’il s’agissait simplement d’un taux que, selon elle, les établissements accepteraient, à la lumière de leur interprétation de l’utilisation équitable et de l’instabilité du marché provoquée par les changements survenus en 2012. Elle croyait que ce taux était suffisamment bas pour inciter les établissements à conclure une entente. [103] Ce calcul correspond exactement au processus d’essai que les offrants doivent exécuter dans un marché pour trouver un nouveau prix d’équilibre lorsqu’un changement initial se produit dans la demande.

[216] Access n’a donc pas entièrement tort d’affirmer que c’est l’interprétation faite par les universités de la notion d’utilisation équitable qui s’est élargie. [104] En effet, les établissements d’enseignement ont interprété la notion d’utilisation équitable d’une certaine façon à la suite des arrêts Alberta et Bell. Ils ont adopté une nouvelle politique concernant l’utilisation équitable, [105] et ne voulaient pas renouveler leur licence avec Access au même taux qu’en 2012. Access a réagi en offrant les licences à un taux inférieur, à l’instar de Copibec.

[217] Nous n’avons pas ici à décider si les établissements d’enseignement ont poussé trop loin leurs interprétations des arrêts. Quoi qu’il en soit, aucun élément de preuve n’explique comment leurs politiques sont appliquées et mises en œuvre. [106] Bien que ce ne soit pas pertinent pour les besoins de l’espèce, nous remarquons que la Cour fédérale a soulevé bon nombre de préoccupations à cet égard dans la décision York. [107]

[218] Nous concluons qu’il est inutile de procéder ici à une analyse des politiques exposées sous forme de lignes directrices dans le contexte de l’utilisation équitable, car nous convenons avec Access que les taux devraient être fondés sur les ententes conclues entre Access et les établissements d’enseignement au moyen de la méthode du point de référence. Les ententes de référence contiennent elles-mêmes un rabais tenant compte de l’utilisation équitable et de l’existence des lignes directrices.

[219] Cette approche concorde avec celle que la Commission a suivie dans la décision Access – K-12 (2010-2015). Dans cette affaire, les opposants avaient présenté deux méthodes permettant d’établir les taux applicables. La première reposait sur les lignes directrices adoptées par les établissements d’enseignement et la deuxième, sur le volume de copies donnant droit à rémunération. Lors du contrôle judiciaire de cette décision, les deux parties ont critiqué la Commission pour avoir omis de fournir des commentaires détaillés sur leurs éléments de preuve concernant les lignes directrices. La Cour d’appel fédérale [108] a toutefois déterminé que la Commission, ayant accordé plus de poids aux éléments de preuve concernant le volume de copies, n’était pas tenue de se prononcer sur la validité des lignes directrices adoptées par les écoles élémentaires et secondaires. Dans la présente instance, nous sommes à plus forte raison dispensés de procéder à l’analyse de ces politiques, à notre avis, parce que les établissements d’enseignement n’ont présenté aucun élément de preuve sur cette question.

[220] Selon nous, loin d’illustrer une défaillance du marché, l’évolution que nous venons de décrire indique en réalité que le marché s’est adapté.

[221] En expliquant pourquoi le taux de la licence Premium ne devrait pas être considéré comme une base de référence valable pour la valeur des licences qu’elle offrait en 2015, Access a fait valoir que :

[TRADUCTION] […] [L]es offres de licence de décembre 2014 ne représentent pas une redevance juste et raisonnable pour le tarif de 2014 parce qu’elles ont été faites uniquement en conséquence de la défaillance du marché, où le milieu de l’éducation a unilatéralement déterminé que la reproduction sans licence était la solution de rechange viable préconisée à la reproduction avec licence. [109] [Notre surlignement]

[222] Pour cette raison, Access affirme avoir été forcée d’offrir de très faibles taux, qui ne constituent pas des taux du marché, parce que les établissements avaient jugé qu’une licence n’était désormais plus nécessaire. [110] Toutefois, les faits n’appuient pas cette conclusion. Si près des deux tiers des universités avaient signé l’entente de licence type de 2012 au taux de 26 $, 23 pour cent avaient signé l’entente de licence Premium, soit 11 universités sur 57, qui représentaient 8 pour cent des étudiants. [111] Exception faite des universités qui n’auraient pas signé d’entente de licence, peu importe le prix, le taux d’acceptation est d’environ 30 pour cent, soit 11 universités sur 37. Certes, le taux d’acceptation a baissé, mais pas jusqu’à zéro. Il est donc inexact d’affirmer que tous les établissements avaient décidé qu’ils n’avaient désormais plus besoin de licence. Cette situation démontre, répétons-le, une adaptation du marché plutôt qu’une défaillance du marché, à notre avis.

[223] Nous procédons alors à notre analyse des licences Premium à titre de point de référence valide.

ii. Offre de licence Premium

a. Considérations préliminaires

[224] En décembre 2014, Access a offert deux familles de licence à ses clients des universités (et à des clients potentiels) pour remplacer la licence type de 2012 – les licences Premium et Choice. [112] Nous axerons notre analyse sur la licence Premium, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, la licence Premium est assortie d’un prix par ETP sans supplément par page, tout comme les projets de tarif. Deuxièmement, dans le cas de la licence Choice, les établissements doivent avoir un système centralisé de gestion des droits d’auteur qui peut suivre l’utilisation de la licence, en faire rapport et percevoir le paiement, comme l’a expliqué Mme Levy. [113]

[225] Le tableau 2 montre les caractéristiques de la licence Premium, présentées dans les documents promotionnels d’Access. [114]

Tableau 2 : Caractéristiques de la licence Premium

Élément

Information

Type d’entente

Entente exhaustive assortie de redevances fixes par étudiant (ETP) couvrant les copies papier et numériques effectuées dans l’ensemble de l’établissement

Prix pour un an

18 $/ETP

Prix pour trois ans

15 $/ETP

Prix pour cinq ans

12 $/ETP

Taux à l’utilisation

Copies représentant de 20 % à 25 % d’une œuvre, 0,12 $ la page

Couverture

Copies représentant jusqu’à 20 % d’une œuvre; taux à l’utilisation applicable aux copies représentant de 20 % à 25 % d’une œuvre

Rapports

Enregistrement de toutes les copies effectuées aux fins de recueils de cours et de toutes les copies représentant de 20 % à 25 % d’une œuvre

Indemnité

Copies papier et numériques dans les limites prévues par la licence

[226] Pour simplifier notre analyse, nous nous penchons sur la licence de trois ans, dont le taux est de 15 $ par ETP, et ignorons les licences de durée plus courte et plus longue, de même que le prix par page pour les copies représentant plus de 20 pour cent d’une œuvre. Nous procédons ainsi parce que la licence à 15 $ est la licence à prix médian. C’est également la licence à prix moyen (non pondéré), lequel se situe tout près du prix moyen pondéré, égal à 15,54 $.

[227] Dans notre analyse, nous avons tenu compte de plusieurs caractéristiques de la licence Premium.

[228] Premièrement, la licence Premium prévoit un coût marginal au taux de 0,12 $ la page pour les copies excédant la limite. Le tarif proposé par Access ne contient pas de composante de coût marginal. Cette observation vaut tant pour le tarif proposé au départ par Access pour 2014-2017, à 35 $ par ETP, que pour le tarif révisé, à 26 $ par ETP. Comme Access l’a expliqué, les copies effectuées au-delà de la limite de la licence ont toujours été visées par une licence transactionnelle avec un coût marginal. En ce qui concerne la licence Premium, la seule différence est que l’importance de ce coût marginal est rendue explicite, sous forme d’un montant fixe, pour les copies qui excèdent la limite de la licence. [115]

[229] Deuxièmement, le prix par ETP doit être majoré en fonction de l’indice d’ensemble des prix à la consommation à compter du 1er septembre 2017. [116] Cette caractéristique n’est pas pertinente ici, car la Commission établit généralement les redevances pour l’année allant de janvier à décembre.

[230] Troisièmement, la licence Premium comprend des exigences en matière de rapports identiques à celles contenues dans la licence type de 2012 et une exigence additionnelle : le code du cours et le nom du formateur pour qui les copies aux fins des recueils de cours sont faites. [117] Ces renseignements ne sont pas pertinents en l’espèce, car cette exigence additionnelle en matière de rapports n’ajoute pas de valeur à la licence pour Access ni ne représente un coût supplémentaire important lorsqu’il s’agit de respecter les modalités de la licence.

[231] Quatrièmement, il peut être soutenu que le fait de repousser la limite de reproduction permise à 20 pour cent d’une œuvre représente une valeur considérable pour le licencié, et que nous devons en tenir compte d’une quelconque façon. En général, nous en convenons. Lorsqu’une licence sert de point de référence pour l’établissement d’un tarif, les modalités du point de référence doivent être comparées à celles du tarif. Lorsque les modalités présentent des différences non négligeables, la Commission a deux possibilités. Elle peut apporter des modifications au point de référence pour tenir compte des différences entre le point de référence et le tarif, ou rejeter le point de référence. Dans le présent cas, nous adoptons la première possibilité.

[232] Étant donné que l’extension de la limite de reproduction permise a de la valeur, deux approches sont encore possibles. Nous pourrions modifier la limite de reproduction permise dans le tarif final pour qu’elle corresponde à celle prévue dans la licence de référence et reprendre aux fins du tarif le prix établi dans cette licence de référence. Ou alors, nous pourrions rajuster le prix établi dans la licence de référence pour tenir compte des différences entre la licence de référence et le tarif, et garder la limite de reproduction permise prévue dans le projet de tarif. Nous préférons la première approche pour les raisons suivantes.

[233] Tout d’abord, les limites de reproduction permise sont précises – 10 pour cent dans le projet de tarif et 20 pour cent dans la licence Premium. Tout changement de prix exigerait un calcul compliqué qui introduirait nécessairement de l’imprécision dans la mise en correspondance du point de référence et du tarif. La première étape du calcul consiste à sélectionner un ensemble de données. Plusieurs ensembles de données sont disponibles, notamment les données sur les copies effectuées aux fins des recueils de cours ou sur les copies numériques (ou les deux), visant différentes périodes. Tous ces ensembles de données comportent une importante lacune – ils ne contiennent pas d’information sur le nombre de pages de l’ouvrage copié. Comme cette information ne s’obtient pas facilement par des moyens électroniques, l’entrée manuelle des données requiert la sélection d’une stratégie d’échantillonnage. Tous ces choix amènent de l’imprécision dans le tarif.

[234] Ensuite, les calculs approximatifs et préliminaires, appliqués sur la base d’hypothèses relevant du bon sens, donnent à penser que le rajustement de prix serait vraisemblablement petit. L’effort qu’il faudrait déployer pour obtenir un calcul plus précis pourrait ne pas se justifier, étant donné que le rajustement final ne modifierait probablement pas beaucoup le montant des redevances perçues.

[235] La question des limites soulève, à titre accessoire, une autre question – celles des années d’application du tarif. Nous avons déjà traité cette question séparément.

b. La question de la date d’évaluation

[236] M. Heys a témoigné, dans son rapport et de vive voix, que les licences Premium et Choice ne convenaient pas à titre de point de référence parce qu’elles étaient entrées en vigueur après le début de la période visée par le projet de tarif – le 1er janvier 2014 – et ne constituaient donc pas un indicateur approprié des taux de redevances selon la juste valeur marchande (JVM) pour les périodes proposées. [118] Nous reconnaissons que la JVM est définie en fonction d’une date d’évaluation, mais nous ne sommes pas d’accord pour dire que le premier jour de la durée du projet de tarif est nécessairement la date d’évaluation applicable. Par conséquent, nous ne retenons pas l’approche de M. Heys à cet égard.

[237] Ce n’est pas évident en soi que la date d’évaluation aux fins d’un tarif applicable à compter du 1er janvier 2014 doit être la date de début de ce tarif. D’un point de vue économique, les autres possibilités comprennent le 1er janvier 2016 (le point milieu de la période visée par le tarif), le 31 décembre 2017 (la fin de la période visée par le tarif) ou même le 18 janvier 2016 (la date de début de l’audience). En fait, la Commission a déjà adopté au moins une fois une date d’évaluation qui ne correspondait pas au début de la période visée par le projet de tarif et choisi plutôt le point milieu de cette période. [119]

[238] Ainsi, à notre avis, le fait que la licence Premium est entrée en vigueur après le début de l’audience portant sur le projet de tarif ne l’empêche pas de servir de point de référence.

c. Caractère représentatif du nombre d’établissements signataires

[239] Dans son rapport final, M. Heys a parlé du nombre d’établissements qui avaient signé les diverses ententes de licence offertes. [120] L’AUCC compte 57 établissements membres. De ce nombre, 35 avaient signé l’entente de licence type de 2012. Au 19 octobre 2015, 11 établissements étaient passés à la licence Premium et 24 avaient conservé la licence type de 2012 qui expirait le 31 décembre 2015.

[240] Nous ignorons ce qui s’est produit entre le 19 octobre et le 31 décembre 2015; plusieurs possibilités existent. Certains des 24 établissements se sont peut-être également tournés vers la licence Premium. Étant donné l’exposé des faits indiquant ce qui s’était produit sur le marché en réponse à l’évolution du cadre de l’utilisation équitable, nous estimons plus probable, toutefois, que la plupart de ces établissements, voire la totalité, ont laissé leur licence arriver à échéance. Pour mesurer le taux d’adoption de la licence Premium, il faut se faire une idée d’un certain groupe de 20 établissements, qui ne versaient pas de redevances aux termes du tarif provisoire et qui n’avaient pas signé l’entente de licence type de l’AUCC. Leurs déclarations publiques donnent à penser que ces établissements n’étaient pas disposés à obtenir une licence d’Access, peu importe le prix. À notre avis, il est raisonnable de conclure que ces établissements ont quitté le marché. Par conséquent, nous considérons que le marché Access-AUCC comporte 37 établissements, et non 57. D’après cette analyse et les éléments de preuve mentionnés au paragraphe précédent, nous tenons pour acquis que 11 établissements sur 37 (soit un peu moins de 30 pour cent) ont opté pour la licence Premium.

[241] Nous avons mentionné ci-dessus qu’un marché où 60 pour cent des participants potentiels achètent la licence à un prix donné fonctionne bien, et le prix donné est un prix du marché. Pour ce qui est de la licence Premium, environ 30 pour cent des participants potentiels ont acheté la licence au prix donné. [121] Nous sommes convaincus, dans les circonstances de l’espèce, que ce résultat exprime aussi un marché qui fonctionne et un prix du marché.

[242] M. Heys a expliqué que la question de savoir si une majorité des établissements avaient signé l’entente de licence type ou non n’était pas pertinente aux fins de la JVM. [122] Nous sommes d’accord.

[243] La question pertinente consiste à savoir si les signataires de l’entente de licence Premium sont représentatifs. Ces 11 établissements viennent de cinq provinces, de sorte qu’il est raisonnable de dire qu’ils sont géographiquement représentatifs. Ce sont des établissements relativement petits, qui comptent en moyenne 4 000 ETP inscrits. [123] À cet égard, ces établissements ne sont pas représentatifs.

[244] Toutefois, le caractère représentatif de la taille est moins préoccupant en l’espèce qu’il pourrait l’être dans le contexte d’autres tarifs. Comme le projet de tarif est structuré sous forme de paiement par ETP, un processus naturel de mise à l’échelle s’opère. Il est possible de soutenir que les grands établissements sont mieux en mesure de structurer leurs licences de manière à éviter d’en obtenir une en passant par Access; si tel est le cas, ces établissements renonceraient à obtenir toute licence offerte par Access ou se soustrairaient à tout tarif homologué par la Commission.

[245] Nous sommes convaincus que ces 11 licenciés sont représentatifs au sens attribué à ce terme par M. Heys.

E. Méthode du volume multiplié par la valeur

[246] La Commission a utilisé la méthodologie du volume multiplié par la valeur (VmV) dans des décisions impliquant Access dans le passé. Cependant, nous ne sommes pas enclins à le faire dans la présente instance.

[247] Dans la décision Access – Gouvernements, la Commission a décrit cette méthodologie en ces termes :

[L]a Commission a établi les taux par ETP en fonction du volume de copies d’œuvres publiées donnant droit à rémunération multiplié par la valeur estimative d’une page de chaque genre d’œuvre copiée, divisé par le nombre total d’élèves ETP. [124]

[248] Ni Access ni M. Maguire n’ont demandé à la Commission d’adopter la méthodologie VmV. Access avait demandé à son expert, M. Heys, de fournir un calcul basé sur celle-ci, ce qu’il a fait, bien qu’il ait lui-même exprimé des réserves quant aux « limites substantielles » des données sur lesquelles reposaient les estimations de volume. [125]

[249] Étant donné que la Commission a eu recours à la méthodologie du VmV dans ses décisions précédentes et la contribution de M. Heys dans le dossier, nous l’avons néanmoins considérée mais nous ne sommes pas enclins à l’adopter dans la présente instance.

[250] Nous sommes d’accord avec les réserves exprimées par M. Heys en ce qui a trait aux limites des données pertinentes. De plus, nous avons nos propres réserves sur plusieurs des hypothèses qui nous paraissent contestables lorsqu’il fait le calcul des redevances pour les universités, variant de 133,18 $ à 146,23 $ par ETP par année.

[251] D’abord, il présume que les prix par page, triés par le genre de l’œuvre copiée, peuvent être transposés des écoles élémentaires et secondaires aux institutions postsecondaires, sans ajustement. Ensuite, les données qu’il utilise pour la portion « volume » du calcul impliquent que les copies dans les collèges dépassent celles dans les universités – une prétention qui contredit d’autres données déposées dans l’espèce (p. ex. pièce AC-5). Troisièmement, M. Heys présume que la valeur des copies numériques est égale à celle des copies papier. Enfin, il présume que toutes les copies donnent droit à rémunération.

[252] Nous n’acceptons pas le bien-fondé de ces hypothèses dans les circonstances.

[253] Compte tenu de tous ces facteurs, notamment du fait qu’aucune des parties ne l’a recommandé et des réserves émises par M. Heys quant à son application, nous estimons que la méthodologie VmV, telle que présentée par M. Heys, n’est pas utile pour fixer un taux de redevances dans la présente instance.

F. Rajustements des points de référence

[254] En règle générale, la Commission considère que le processus de sélection et de rajustement d’un point de référence est itératif. Lorsque le point de référence retenu nécessite des rajustements si importants qu’il en devient méconnaissable par rapport à ce qu’il était au départ, alors il n’est pas raisonnable et devrait être écarté au profit d’un autre point de référence nécessitant moins de rajustements, dans la mesure du possible. En l’espèce, trois rajustements sont possibles et pertinents, et ont trait à l’utilisation équitable, à la reproduction d’une partie non importante d’une œuvre et à la reproduction d’œuvres de titulaires de droits non affiliés. Nous examinons chacun tour à tour et nous concluons, en définitive, qu’aucun ne remet en question notre décision d’utiliser la licence Premium comme point de référence. Toutefois, nous apportons un rajustement pour tenir compte de la reproduction d’œuvres de titulaires de droits non affiliés.

i. Utilisation équitable

[255] Dans ses réponses, Access a présenté les arguments suivants. Premièrement, la publication d’une politique en matière d’utilisation équitable n’est pas suffisante pour conclure que les reproductions effectuées conformément à cette politique sont équitables, en l’absence d’éléments de preuve en étayant la mise en application. [126] Deuxièmement, les taux proposés par Access sont ceux obtenus après rajustement tenant compte de l’utilisation équitable. Comme l’explique Access :

[TRADUCTION] Access Copyright a proposé à la Commission un taux qui comprend un rajustement tenant compte de l’utilisation équitable à des fins pédagogiques ainsi que d’autres exceptions prévues par la Loi sur le droit d’auteur. Les licences de référence découlent de négociations menées en toute indépendance pour l’ensemble des droits faisant l’objet d’une licence dans le projet de tarif, y compris toutes les exceptions s’offrant aux utilisateurs du tarif. [127]

[256] Nous sommes également de cet avis. De fait, comme il est mentionné précédemment, la licence type de 2012 de l’AUCC et la licence Premium confirment que tel est bien le cas.

[257] Au vu des éléments de preuve et des arguments présentés par Access, nous ne voyons pas de raison de réduire davantage les points de référence pour tenir compte de l’utilisation équitable.

ii. Reproduction d’une partie non importante d’une œuvre

[258] Dans l’affaire la plus récente portant sur les copies faites dans les écoles primaires et secondaires, la Commission a retenu les mesures d’approximation suivantes : toute reproduction d’article, qu’il s’agisse d’un article de journal, de magazine ou de périodique, est considérée comme la reproduction d’une partie importante de l’œuvre; la reproduction d’une ou deux pages d’un livre (ou d’un document consommable) est considérée comme la reproduction d’une partie non importante de l’œuvre, et au-delà de ce seuil, la reproduction est considérée comme la reproduction d’une partie importante de l’œuvre. [128]

[259] La Cour d’appel fédérale a convenu que cette façon de voir les choses n’était pas déraisonnable.

[TRADUCTION] À mon avis, dans les circonstances particulières de la présente affaire, et compte tenu du mandat de la Commission défini par la Loi, il n’était pas déraisonnable de sa part d’inférer que la reproduction d’une ou deux pages d’un livre ne concernait pas une « partie importante de l’œuvre » au sens de l’article 3 de la Loi. [129]

[260] En l’espèce, nous ne disposons d’aucun élément de preuve qui nous amènerait à conclure que les prix indiqués dans la licence type ne tiennent pas déjà compte du volume de copies d’une partie importante et d’une partie non importante des œuvres dans les faits. Ainsi, il n’y a pas lieu de faire un rajustement à cet égard.

iii. Rajustements tenant compte de l’affiliation

[261] Comme il est expliqué précédemment, la reproduction d’œuvres dont les auteurs ou éditeurs ne sont pas affiliés à Access Copyright doit être exclue de notre calcul de taux.

[262] À cet égard, le 9 juin 2016, la Commission a envoyé un certain nombre de questions à Access, [130] dont une concernait le calcul de la proportion de copies faisant partie des recueils de cours qui étaient des reproductions d’œuvres de titulaires de droits non affiliés. La Commission avait des calculs et souhaitait qu’Access les confirme ou les rectifie.

[263] Dans sa réponse, Access a tout d’abord fait valoir que la Commission n’avait pas retenu le bon ensemble de données. [131] Deuxièmement, il convient d’analyser les données de 2011 à 2014, en vue de couvrir la période du projet de tarif. [132] Troisièmement, les calculs de la Commission sont erronés. [133]

[264] Access a ensuite déposé les calculs suivants :

[TRADUCTION] Pour bien établir la répartition des œuvres dans le répertoire et la part des titulaires de droits non affiliés, voir la section 2 du rapport de M. Gauthier. Le tableau 1 fait état des calculs exacts de la répartition des œuvres dans le répertoire, à la lumière des ensembles de données de la période allant de 2011 à 2014. Après redistribution du volume des œuvres classées dans la catégorie « Inconnu », les résultats sont les suivants :

· 44,4 % du volume est classé dans la catégorie « Titulaire de droits affilié »;

· 50,9 % du volume est classé dans la catégorie « Entente bilatérale »;

· 3 % du volume est classé dans la catégorie « Mandataire » (c.-à-d. la part des titulaires de droits non affiliés);

· 1,4 % du volume est classé dans la catégorie « Exclu ou appartenant au domaine public »;

· 0,2 % du volume est classé dans la catégorie « Titulaire de droits d’un pays étranger – sans entente bilatérale ». [134]

[265] Nous retenons ces chiffres aux fins de notre analyse, bien que nous craignions qu’ils puissent surestimer les volumes associés aux catégories « Titulaire de droits affilié » et « Entente bilatérale », et donc sous-estimer les volumes correspondant aux trois autres catégories.

[266] Les œuvres du répertoire d’Access appartiennent aux catégories « Titulaire de droits affilié » et « Entente bilatérale », et à aucune des trois autres catégories. Nous avons exposé précédemment les raisons pour lesquelles les titulaires de droits non affiliés ne sont pas inclus dans le répertoire d’Access, ni utiles pour le calcul des redevances. Il en va de même pour les œuvres classées « Exclu ou appartenant au domaine public » ou « Titulaire de droits d’un pays étranger – sans entente bilatérale ».

[267] La somme des pourcentages correspondant aux trois dernières catégories est de 4,6 pour cent. Par conséquent, nous rajustons les points de référence à la baisse de 4,6 pour cent afin de tenir compte de la différence entre le répertoire d’Access tel qu’il était perçu lorsque la licence type de 2012 et la licence Premium de 2015 ont été proposées, d’une part, et le répertoire d’Access tel qu’il est véritablement.

G. Taux définitifs

[268] Compte tenu de l’absence d’un véritable marché concurrentiel que la Commission pourrait envisager pour fixer les redevances, nous sommes d’avis que les points de référence ajustés donnent au moins une indication raisonnable des prix qui auraient été convenus entre un acheteur et un vendeur consentants agissant dans un marché concurrentiel avec tous les renseignements pertinents, sans lien de dépendance ni contrainte externe. Ainsi, le taux que nous retenons dans le cas des universités pour les années 2011 à 2014 est de 24,80 $ par ETP par année. Nous obtenons ce taux en réduisant de 4,6 pour cent le taux de 26 $, afin de tenir compte de la reproduction d’œuvres de titulaires de droits non affiliés. De même, le taux que nous retenons pour les années 2015 à 2017 est de 14,31 $, que nous obtenons en appliquant une réduction de 4,6 pour cent au taux de 15 $.

H. Licence des collèges

[269] Jusqu’ici, la décision n’a porté que sur les taux de redevances qui concernent les universités, principalement parce que les éléments de preuve montrent que le volume de reproduction d’œuvres est beaucoup plus important dans les universités que dans les collèges. Ainsi, nous sommes d’avis qu’il est préférable d’établir les taux applicables aux collèges en nous fondant sur ceux qui concernent les universités, plutôt que l’inverse. C’est ce que nous ferons.

[270] À notre avis, les taux que nous avons établis pour les universités constituent le meilleur point de référence pour les taux applicables aux collèges. Les éléments de preuve montrent qu’au cours de la période allant de 2005 à 2010, la somme versée pour les copies d’œuvres effectuées dans les universités était 2,6 fois plus élevée que celle versée pour les copies d’œuvres faites dans les collèges. C’est en se fondant sur ce chiffre qu’Access a fixé des taux de 26 $ et de 10 $ pour les universités et les collèges, respectivement. Ainsi, nous divisons tout simplement par 2,6 le taux de redevances des universités afin d’obtenir le taux applicable aux collèges. Rien ne nous permet de penser que le ratio n’est pas le même pour les deux périodes visées par le tarif. Par ailleurs, nous ne voyons pas de raison de croire que le rajustement retenu pour tenir compte des titulaires de droits non affiliés puisse ne pas être le même pour les collèges et pour les universités, à savoir 4,6 pour cent.

[271] Par conséquent, les taux (avant rajustement) que nous fixons pour les collèges sont de 10 $ pour les années 2011 à 2014 et de 5,77 $ pour les années 2015 à 2017. Après rajustement, les taux sont de 9,54 $ par ETP par année pour la période allant de 2011 à 2014, et de 5,50 $ pour la période allant de 2015 à 2017.

I. Licences transactionnelles

i. Contenu des lettres reçues après l’audience

[272] Le 9 février 2016, après l’audience, l’Université York a écrit à la Commission pour l’informer qu’elle était partie à différentes ententes de licence de reproduction d’œuvres protégées avec des tiers autres qu’Access, que ce soit individuellement ou à titre de membre d’un groupe de bibliothèques universitaires.

[273] Selon York, pour cette raison, le tarif devant être homologué par la Commission devrait prévoir, en plus d’une licence générale assortie d’un taux fixe, un volet transactionnel qui lui permettrait de payer à l’utilisation. Cette mesure permettrait de tenir compte du fait que la majeure partie de ses besoins sont comblés par des ententes de licence conclues avec des tiers. Une licence transactionnelle lui éviterait d’avoir à payer deux fois pour la reproduction d’œuvres littéraires, une situation dans laquelle elle se retrouverait inévitablement si les établissements étaient tenus de verser des redevances en fonction d’un taux fixe (licence générale) même dans les cas où la reproduction d’une œuvre est déjà autorisée par une entente de licence conclue avec un tiers.

[274] York a dit formuler ces observations parce qu’elle avait le sentiment qu’Access n’avait pas suffisamment tenu compte de cet aspect :

[TRADUCTION] Au vu des éléments de preuve qu’elle a déposés et des plaidoiries orales qu’elle a faites à l’audience, Access Copyright ne s’est pas penchée sérieusement sur les […] autres ententes de licence […]

[…]

Pour remédier aux préoccupations susmentionnées, on pourrait notamment prévoir une option de paiement à l’utilisation, et c’est ce que York demande à la Commission de faire. [135]

[275] York a également dit ne pas avoir l’intention de déposer d’éléments de preuve pour étayer ses affirmations :

[TRADUCTION] Dans ces observations, York mentionne certains éléments de preuve et documents figurant au dossier dont dispose la Commission, mais elle ne souhaite pas déposer d’éléments de preuve. [136]

[276] À l’appui de sa demande, York a fait valoir que la Commission avait reconnu l’existence d’ententes de licence conclues avec des tiers dans les motifs rendus dans l’affaire Tarif provisoire d’Access (2011-2013), le 16 mars 2011. Dans ses motifs, la Commission accueillait la demande de tarif provisoire d’Access pour la période allant de 2011 à 2013. York a cité les extraits suivants de la décision :

[45] […] Un tarif ne s’applique qu’à ceux qui ont besoin de la licence; les autres n’ont pas à payer. Sous le régime général, lequel s’applique en l’espèce, les utilisateurs dont les habitudes de consommation justifient l’imposition de différents taux demeurent libres de se procurer, auprès d’Access ou d’autres sources, une licence transactionnelle ou autre qui aura préséance sur le tarif.

[…]

[84] Certains opposants ont fourni des indices tendant à établir que les utilisations donnant droit à rémunération pourraient changer. On s’y prend différemment pour rendre les œuvres publiées disponibles dans les établissements. On paie cher les licences nécessaires pour adopter ces méthodes. Certaines de ces dépenses pourraient bien concerner des utilisations pour lesquelles Access était compensée jusqu’à maintenant. Si les opposants fournissaient une preuve de l’existence et de l’étendue de certaines formes de double rémunération, nous réexaminerions peut-être le taux ETP.

[277] York a mentionné que la Commission avait en outre reconnu l’existence de telles licences dans la décision Tarif provisoire d’Access – Licence transactionnelle, refusant de contraindre Access à conclure des ententes de licence transactionnelle comme le lui demandaient les établissements d’enseignement :

[29] Qui plus est, si des modèles plus concurrentiels et dynamiques d’accès légal aux œuvres se développent et fleurissent, les établissements n’ont qu’à se prévaloir de ces modèles et à ignorer purement et simplement le répertoire d’Access.

[278] Après avoir reçu la lettre de York, tel qu’il est mentionné précédemment, la Commission a reçu une lettre signée par les universités et conseils d’administration suivants : l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Winnipeg, l’Université de Lethbridge, l’Université de Calgary, l’Université Thompson Rivers et l’Université Fraser Valley, de même que le conseil d’administration de l’Université de Toronto et le conseil d’administration de l’Université de l’Alberta (« lettre du consortium »).

[279] Pour l’essentiel, la lettre du consortium présente les mêmes arguments que ceux de York, à savoir que la Commission doit prévoir différentes options de licence, y compris une licence transactionnelle, afin de tenir compte de la multitude d’ententes de licence conclues par les universités avec des tiers. Le consortium affirme également ce qui suit :

[TRADUCTION] Les soussignés ont adopté des politiques et pratiques en matière de droits d’auteur qui […] ouvrent la voie à une utilisation équitable, aux licences transactionnelles et autres licences, ainsi qu’à d’autres formes d’utilisation permise de documents protégés par des droits d’auteur […] Par conséquent, la Commission doit prendre en considération un éventail d’ententes de licence.

[280] Enfin, comme il est également mentionné précédemment, l’Université Brock, l’Université du Manitoba, l’Université d’Athabasca et l’Université Mount Royal ont également écrit à la Commission pour faire savoir qu’elles souscrivaient aux observations que le consortium et York avaient formulées dans leurs lettres.

ii. Réponse d’Access

[281] La Commission a donné à Access l’occasion de répondre aux lettres d’observations des universités. Sans surprise, Access s’est opposée à l’idée que la Commission puisse accorder un quelconque poids à ces lettres, étant donné que les observations qu’elles contenaient n’étaient étayées d’aucun élément de preuve :

[TRADUCTION] Les observations reçues de la part des universités récemment, après la clôture de l’audience, ne sont guère plus que des affirmations recyclées concernant des questions qui se sont présentées depuis qu’Access Copyright a déposé son premier tarif. Ces affirmations sont non étayées par la preuve au dossier dont dispose la Commission.

[282] Access a notamment rappelé qu’à l’étape de l’échange de renseignements, elle avait eu du mal à obtenir des universités qu’elles répondent aux questions, dont certaines concernaient expressément les licences convenues avec des tiers, en dépit des multiples ordonnances rendues par la Commission. [137] L’AUCC avait même présenté à la Cour d’appel fédérale une demande de contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire rendue par la Commission à cet égard, demande que la Cour a rejetée. [138]

[283] Le manque d’éléments de preuve auquel Access fait référence concerne aussi bien les ententes de licence conclues avec des tiers que les paiements en double allégués et la capacité des établissements d’instaurer et de faire respecter un régime de licences transactionnelles.

[284] À ce sujet, Access fait remarquer que, dans la décision Tarif provisoire d’Access – Licence transactionnelle, concernant la demande de licence transactionnelle de l’AUCC, la Commission a souligné les difficultés posées par un régime de licences transactionnelles. Un tel régime suppose l’existence de mesures (p. ex. des vérifications, des rapports détaillés des copies effectuées, de la surveillance) permettant de s’assurer que les titulaires de droits sont dédommagés comme il se doit. Or, la Commission a conclu que les établissements d’enseignement n’avaient pas démontré que ces conditions étaient réunies, d’où son refus de mettre en œuvre une licence fondée sur un taux à l’utilisation. [139] Étant donné l’absence d’éléments de preuve montrant que la situation des établissements d’enseignement a changé depuis cette décision, Access fait valoir que l’issue ne saurait être différente : la licence transactionnelle devrait être refusée.

[285] En effet, Access trouve ironique le fait que les universités demandent une licence fondée sur un taux à l’utilisation, sachant que la plupart d’entre elles n’ont versé aucune redevance au cours de la totalité ou d’une partie de la période visée par le tarif provisoire, bien que la structure du tarif ait été celle d’une licence transactionnelle, du moins en partie, car un taux par page s’appliquait aux copies faisant partie de recueils de cours. La même logique s’applique à la licence Choice proposée par Access depuis 2015, laquelle comprend également un volet transactionnel. Aucune université n’a choisi ce type de licence. [140] Comment, alors, la demande de licence transactionnelle peut-elle être considérée comme étant crédible, sachant que plusieurs universités ont eu l’impression, en 2011, de n’avoir fait aucune copie nécessitant une licence d’Access?

[286] En dernier lieu, en ce qui a trait à l’affirmation faite dans la lettre du consortium selon laquelle les universités ont adopté des politiques en matière d’utilisation équitable, Access réitère que rien au dossier ne concerne le caractère équitable ou la mise en œuvre de ces politiques.

iii. Analyse

[287] La section A.2 de la Directive sur la procédure de la Commission prévoit ce qui suit :

Observations

Toute personne peut formuler par écrit des observations relativement à la présente affaire. En principe, la Commission ne tient pas compte des observations reçues après la date fixée pour la présentation des plaidoiries orales ou le dépôt des argumentations écrites des participants. En temps utile, la Commission transmet ces observations aux participants.

[288] D’un point de vue procédural, nous aurions pu décider de ne pas tenir compte des lettres d’observations rédigées par les universités, car celles-ci ont été envoyées après la fin de l’audience. Tenant compte des caractéristiques particulières de cette instance, nous avons néanmoins décidé de les prendre en considération.

[289] Vu l’absence d’opposant institutionnel en l’espèce et puisque ces tarifs sont d’application générale, les lettres de commentaires nous aident à considérer l’intérêt public en nous permettant de prendre en compte les points de vue de ceux qui ne sont pas devant nous et qui seront touchés par notre décision.

[290] La Cour d’appel fédérale a abordé une question semblable dans l’arrêt Netflix c. SOCAN :

Étant donné que les tarifs homologués par la Commission sont d’application générale, les intérêts qui doivent être pris en considération sont ceux d’une industrie, par opposition à ceux d’un particulier ou d’une entité. [141]

[291] Même si cette affirmation concernait la question de savoir si les parties qui demandaient à la Commission d’homologuer un tarif particulier représentaient les intérêts de l’ensemble des utilisateurs intéressés éventuels, elle demeure malgré tout utile en l’espèce. Nous nous pencherons donc sur les observations faites par les universités ayant présenté des demandes à la Commission.

[292] Access soutient que la Commission ne peut valider une licence prévoyant un taux à l’utilisation comme le demandent les universités, au motif que ces dernières n’ont pas déposé d’éléments de preuve concernant les ententes de licence conclues avec des tiers. Nous sommes également de cet avis.

[293] À la lumière du dossier dont elle dispose, la Commission a de bonnes raisons de croire que le marché de la reproduction d’œuvres littéraires dans les établissements postsecondaires est vraisemblablement différent de ce qu’il était il y a plusieurs années. Access ne le conteste pas, et n’a jamais nié l’existence des ententes de licence conclues avec des tiers, mais souligne qu’il lui est impossible de savoir comment mesurer l’ampleur et les modalités de ces ententes. [142]

[294] Comme nous l’avons souligné précédemment, les universités ont décidé de ne pas participer à l’instance. Si elles avaient décidé de le faire, elles auraient eu à déposer des éléments de preuve à l’appui de leurs arguments. En l’absence d’éléments de preuve, il n’est pas possible pour la Commission d’homologuer un tarif avec une licence transactionnelle, comme le demandent les universités, ni de calculer de façon arbitraire une réduction de redevances pour tenir compte des ententes de licence conclues avec des tiers (comme l’a demandé l’Université de Toronto en 2014). [143]

[295] L’absence d’éléments de preuve est fatale à l’observation des universités voulant que la Commission devrait ajouter une disposition relative aux licences transactionnelles dans les tarifs. La Commission doit rendre une décision en se fondant sur le dossier dont elle dispose. Par conséquent, la Commission rejette la demande d’homologation d’un tarif avec une licence transactionnelle qui a été présentée par les universités susmentionnées.

J. Qui paie pour le tarif?

[296] Un des points importants soulevés par M. Maguire concerne la question de savoir qui paie pour le tarif. M. Maguire a mentionné que, selon son expérience, la plupart des établissements payaient les frais de 3,38 $ par ETP à même leurs revenus généraux et qu’ils facturaient les frais par page aux acheteurs des recueils de cours. Maintenant qu’il n’y a pas de frais par page, l’ensemble des frais par ETP sont inclus dans les frais accessoires obligatoires des étudiants. [144] Access a contesté cette allégation. Mme Levy a expliqué que certains établissements payaient les frais par ETP à même le budget des bibliothèques ou en facturant des frais accessoires obligatoires, et que certains avaient augmenté le prix des recueils de cours pour couvrir les frais par ETP. [145]

[297] Nous prenons acte de l’argument de M. Maguire voulant que si l’AUCC négocie une licence type avec Access, et qu’un établissement adopte cette licence type pour ensuite facturer les redevances aux élèves au moyen d’un droit spécial, alors l’AUCC se trouve bien loin de ceux qui paient pour le tarif en définitive. Deux points doivent toutefois être mentionnés à cet égard. Premièrement, même si l’AUCC se trouve éloignée, il n’en demeure pas moins qu’elle-même, les établissements et les étudiants ont ce point commun qu’ils cherchent à réduire le plus possible les coûts et à maximiser l’accès aux œuvres du répertoire d’Access. Les motivations sont ainsi alignées. Deuxièmement, même si les arrangements pris entre les établissements et les étudiants diffèrent de ce qu’ils étaient dans le cadre des autres tarifs homologués par la Commission, la situation a ceci de souhaitable que l’utilisateur et le payeur sont bien souvent la même personne.

[298] Tout bien considéré, le mode de financement du tarif est sans grande importance en l’espèce, selon nous. Un établissement comptant 50 000 ETP et un corps enseignant de 2 000 membres pourrait décider de facturer à chaque étudiant les frais par ETP correspondant au tarif, ou à chaque membre du corps enseignant une somme 25 fois plus grande, ou facturer les frais en fonction d’une autre répartition, si tel est son choix. Il pourrait aussi puiser dans ses revenus généraux. Dans un cas comme dans l’autre, le caractère approprié du tarif ne s’en trouve pas affecté.

VI. TAUX DE REDEVANCES

[299] Conformément à l’analyse qui précède, nous fixons les taux de redevances suivants :

Tableau 3 : Taux fixés, par ETP par année

Établissement d’enseignement

Taux pour les années

2011 à 2014

Taux pour les années

2015 à 2017

Collèges

9,54

$

5,50

$

 

Universités

24,80

$

14,31

$

 

VII. LIBELLÉ DU TARIF

[300] Étant donné que nous avons établi les taux de redevances en utilisant la licence type de 2012 et la licence Premium (trois ans) de 2015 en tant que points de référence, nous utilisons également ces licences comme point de départ pour les modalités des tarifs de 2011-2014 et de 2015-2017, respectivement.

[301] Notamment, nous avons repris les modalités d’octroi de droits (et de limites de copies) des licences de référence, plutôt que les modalités énoncées dans les tarifs proposés, puisque les prix des licences de référence ont été établis en fonction de ces droits et de ces limites. Nous ne disposons d’aucun moyen fiable d’ajuster les prix des licences de référence pour tenir compte des différences entre ces licences et les tarifs proposés. Il est beaucoup plus facile d’utiliser les dispositions des licences de référence que d’essayer d’estimer de nouveaux prix découlant de ces différences.

[302] En partant des licences de référence, nous avons apporté plusieurs modifications aux modalités (portant principalement sur les effets rétroactifs et les dispositions transitoires). Le 6 février 2019, dans l’avis 2019-007, nous avons communiqué ces modalités modifiées aux parties sous forme de projets de tarif pour qu’elles formulent des commentaires sur leur applicabilité et leur clarté.

[303] Après avoir reçu les commentaires des parties, la Commission a permis aux personnes concernées de formuler des commentaires sur l’applicabilité et la clarté des modalités des projets de tarif (avis 2019-013, 6 mars 2019). Les parties ont par la suite eu l’occasion de répondre aux commentaires des personnes concernées (avis 2019-021, 24 avril 2019).

[304] Nous avons pris connaissance des observations des parties, ainsi que des commentaires des personnes concernées, et nous avons modifié les projets de tarif en conséquence. Nous abordons ci-dessous certains des enjeux les plus importants.

A. Définitions

i. « Copie » – définition

[305] La définition de « copie » dans le projet de tarif de 2015-2017 pose problème. Le terme est défini comme englobant à la fois un objet (une reproduction) et un acte (mettre à la disposition). Comme la définition donnée au terme « copier » est la réalisation d’une « copie », elle équivaut au concept alambiqué de « réalisation de la mise à la disposition du public ». Cette définition peut aussi entraîner des difficultés d’interprétation du terme « copie » dans ses utilisations ultérieures.

[306] Cela dit, ce libellé est utilisé dans la licence Premium de 2015, et aucune partie ni personne concernée n’a commenté cet aspect du projet de tarif. On peut donc supposer que, malgré les difficultés d’interprétation théoriques, cela n’a pas causé de problème dans la pratique.

[307] Par conséquent, nous ne modifions pas ce libellé, mais il n’est pas dit que la Commission approuvera ce libellé dans de futurs tarifs.

ii. « Copie » – déterminer si les activités donnent lieu à une copie

[308] Certaines personnes concernées ont fait valoir que certaines des activités énumérées dans la définition de « copie » ne donnent pas lieu à la production de copies. Il est important de noter que « copie » désigne toute reproduction destinée aux activités énoncées ou réalisée à la suite ou en conséquence d’une de ces activités.

[309] Par exemple, si « la projection d’une image en utilisant un ordinateur ou quelconque autre dispositif » ne donne pas lieu à la création d’une copie et qu’aucune copie n’a été faite à cette fin, alors il n’y a pas de « copie » au sens des tarifs. De plus, même si une reproduction est réalisée, mais n’exige pas d’autorisation ou a été autorisée, il n’y aura toujours pas de « copie » au sens des tarifs. Par conséquent, nous concluons qu’aucune modification n’est requise à cet égard.

iii. « Recueil de cours »

[310] Certaines personnes concernées font valoir que ce terme, tel qu’il est défini dans le projet de tarif de 2011-2014, ne devrait pas faire référence aux « copies numériques […] envoyées par courrier électronique ou qui font l’objet d’un lien ou d’un hyperlien ».

[311] Access ne s’oppose pas à ce changement, et nous ajustons le tarif de 2011-2014 en conséquence.

iv. « Cours »

[312] Access appuie les observations de certaines personnes concernées selon lesquelles la définition de ce terme doit être clarifiée pour indiquer clairement que chaque section d’un même cours constitue un « cours » distinct. Cela garantirait que différentes sections dun cours ne soient pas capturées par la même limite de copies (par exemple, la section automne, puis la section hiver).

[313] Nous apportons cet ajustement, en désignant ce concept comme une « section de cours ».

v. « Œuvre du répertoire »

[314] Access propose que la définition d’ « œuvre du répertoire » soit modifiée pour refléter la définition de « société de gestion » dans la Loi. En particulier, elle propose l’ajout du libellé « […] autorisée – notamment par voie de cession, licence ou mandat […] »

[315] Il ne semble pas s’agir d’un changement nécessaire. La définition de répertoire dans les projets de tarif est, à tout prendre, moins restrictive que celle proposée par Access. De plus, la définition donnée dans les projets de tarif évite de donner l’impression qu’Access a, de fait, été autorisée par toutes les méthodes énumérées. Étant donné la façon dont les redevances sont déterminées dans ce dossier, il ne nous est pas nécessaire de trancher cette question.

[316] Pour la même raison, nous supprimons également les mots « […] ou d’une autre organisation de gestion collective ». Nous sommes d’accord avec M. Katz qu’il s’agit d’une formulation redondante.

vi. « Réseau sécurisé »

[317] Access appuie la proposition d’Universités Canada visant à préciser dans la définition de « réseau sécurisé » du tarif de 2015-2017 qu’il s’agit d’un réseau « exploité par l’établissement » ou « pour l’établissement d’enseignement et sous son contrôle ».

[318] Nous effectuons cet ajustement et nous harmonisons la définition pour les deux périodes de tarifs.

B. Octroi de droits

[319] M. Katz observe que les projets de tarif, tels qu’ils sont formulés, semblent autoriser la copie d’œuvres qui ne font peut-être pas partie du répertoire d’Access. En particulier, les projets de tarif semblent autoriser de « copier » des œuvres contenues dans d’autres œuvres (comme un essai dans un recueil), même si la seconde œuvre n’est pas explicitement tenue de faire partie du répertoire d’Access.

[320] Nous sommes d’accord. Nous apportons des éclaircissements au libellé des tarifs pour nous assurer qu’ils n’autorisent que « copier » des œuvres faisant partie du répertoire d’Access.

C. Conditions de « copier »

[321] Access soutient que la Commission devrait prévoir des conditions exigeant i) que les reproductions soient fidèles et exactes; ii) que les sources soient mentionnées dans la mesure du raisonnable. Access soutient que ces conditions [TRADUCTION] « sont importantes pour le respect des droits moraux de nos auteurs affiliés ».

[322] Premièrement, nous constatons qu’il n’est pas possible pour les utilisateurs de se conformer rétroactivement à ces conditions. Pour toutes les actions passées, soit ces dispositions ont été respectées, soit elles ne l’ont pas été. Dans la mesure où elles ne l’ont pas été, l’inclusion d’une telle condition donnerait à penser que les copies effectuées qui ne respectent pas ces conditions ne bénéficient pas de la licence des tarifs. Il faudrait donc que les redevances payables soient ajustées en fonction de la diminution de la portée effective des tarifs.

[323] Dans ce cas, la solution la plus pratique est de ne pas inclure la condition pour les copies réalisées avant l’homologation des tarifs. Nous n’avons aucune preuve tangible indiquant la mesure dans laquelle ces dispositions ont été respectées, nous n’avons pas ajusté les redevances en conséquence, et nous n’incluons donc pas ces conditions pour les copies effectuées dans le passé.

[324] Deuxièmement, nous observons que les tarifs n’ont pas d’incidence sur les droits moraux de l’auteur : ils demeurent intacts. Par conséquent, une atteinte au droit moral d’un auteur commise dans le cadre d’un acte autorisé par ces tarifs demeure une atteinte à ce droit moral. De plus, le pouvoir d’Access lui est conféré par le titulaire du droit d’auteur (et non par l’auteur). Or, comme le droit moral appartient à l’auteur, la pertinence de pareilles dispositions est contestable.

[325] Pour ces deux motifs, nous n’incluons pas de telles conditions.

D. Non-autorisation de contournement d’une mesure technologique

[326] Access souhaite l’inclusion d’une mention selon laquelle les tarifs n’autorisent pas le contournement d’une mesure technologique. Nous déclinons cette proposition.

[327] La Commission évite de répéter le droit dans un tarif lorsqu’il n’est pas nécessaire de le faire pour la compréhension de celui-ci. [146] Nous appuyons ce principe. Comme rien dans les tarifs ne laisse entendre qu’ils autorisent de tels actes, nous concluons que cet éclaircissement n’est pas approprié.

E. Année scolaire ou civile

[328] Access soutient que les redevances devraient être calculées et payées en fonction de l’année civile, plutôt qu’en fonction de l’année scolaire. Elle fait valoir que les tarifs en seraient [TRADUCTION] « simplifiés, qu’il ne sera pas nécessaire d’ajuster le taux pour les portions d’années scolaires qui se trouvent en dehors des périodes couvertes par les tarifs et que cela simplifiera également le calcul des intérêts ».

[329] Selon les personnes concernées qui ont évoqué cette question, [TRADUCTION] « le paiement de redevances réparties sur l’année civile plutôt que sur l’année scolaire est incompatible avec les pratiques des établissements d’enseignement ».

[330] Les ETP sont calculés sur une année scolaire. L’application d’un taux de redevances fondé sur les ETP pour toute une année civile entraînerait très certainement des paiements en trop ou en moins pour la session « automne/hiver ». Bien qu’on puisse envisager de mettre en place divers mécanismes d’ajustement, nous préférons éviter des mécanismes de va-et-vient complexes. Nous établissons donc les redevances en fonction de l’année scolaire.

F. Date de paiement et déclaration

[331] Access soutient qu’en vertu des projets de tarif, [TRADUCTION] « les redevances pour copier (et la déclaration des ETP correspondants) ne sont pas exigibles avant onze mois et demi dans une année civile couverte par le tarif. […] Sachant que l’objectif premier du tarif est de faire en sorte que les utilisateurs soient couverts par une licence au moment de leur utilisation, il devrait s’appliquer de façon prospective, et les redevances et la déclaration des ETP devraient être exigibles au début de l’année civile ».

[332] Par ailleurs, des établissements d’enseignement comme l’Université Simon Fraser soutiennent qu’il [TRADUCTION] « serait tout à fait impossible […] de connaître le nombre approximatif d’ETP [de l’établissement d’enseignement] avant la fin du mois de juillet de l’année scolaire et que les chiffres définitifs pour l’année scolaire échue ne seraient pas facilement disponibles avant l’automne pour l’année scolaire précédente ».

[333] Lorsque la structure des redevances exige de mesurer certaines quantités, comme le nombre de téléchargements vendus ou le nombre d’étudiants inscrits, il est plus pratique d’effectuer le paiement une fois les données déterminant les redevances connues. Par exemple, dans le Tarif des services de musique en ligne (2010-2013), [147] une personne qui exploite un service de téléchargement permanent effectue des paiements liés aux téléchargements seulement après la fin du trimestre où ces téléchargements ont eu lieu.

[334] Bien qu’on puisse envisager de créer un mécanisme selon lequel les établissements d’enseignement tenteraient d’estimer leurs ETP et effectueraient les paiements en conséquence, puis des rectifications (paiements supplémentaires ou remboursements) auraient lieu une fois les chiffres définitifs sur les ETP connus, nous préférons ne pas mettre en place un tel mécanisme de va-et-vient. Nous fixons plutôt la déclaration des ETP pour une année scolaire et le paiement connexe au 15 novembre de l’année scolaire suivante.

G. Présentation de rapports

[335] Certaines personnes concernées soutiennent que les exigences en matière de déclaration devraient se limiter aux ETP, car il s’agit des seules données requises pour déterminer les redevances à payer.

[336] Il est exact que les redevances payables en vertu des tarifs sont calculées sur la base des ETP – et ne sont pas du tout touchées par la présence ou l’absence de l’information supplémentaire recherchée. Cela ne signifie toutefois pas automatiquement qu’il n’est pas pertinent d’exiger la collecte et la déclaration de renseignements sur la « copie ». Nous tenons plutôt compte de l’aspect pratique et de la proportionnalité de la collecte et de la déclaration des renseignements visés, ainsi que de la mesure dans laquelle ils sont nécessaires pour atteindre l’objectif de répartition des redevances. Cela est conforme aux décisions antérieures de la Commission.

[337] On constate en survolant les décisions antérieures de la Commission que, règle générale, les entités à but lucratif dont l’activité principale concerne directement l’objet du droit d’auteur en question sont généralement assujetties à des exigences de déclaration plus rigoureuses que les entités non commerciales ou les entités commerciales dont l’activité principale ne concerne pas aussi directement l’objet du droit d’auteur. Plus l’objet du droit d’auteur est au cœur de l’activité d’une entité et plus la capacité de cette entité à produire des rapports (financiers, techniques ou autres) est importante, plus les exigences ont tendance à être exhaustives. Toutefois, dans les cas où une société de gestion collective n’était pas en mesure de démontrer comment certains renseignements sur l’utilisation devaient servir à la répartition, la Commission a refusé d’inclure la déclaration de ces renseignements dans le tarif homologué.

[338] En l’espèce, les utilisateurs ne sont pas des organismes à but lucratif et leur activité principale ne concerne pas directement l’objet du droit d’auteur visé par les tarifs.

[339] De plus, selon la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada (CIPPIC), le manque de transparence quant au contenu du répertoire d’Access Copyright rend la conformité à une telle disposition difficile, voire impossible. Ce manque de clarté place les établissements d’enseignement dans une position difficile, traçant une fine ligne de démarcation entre la déclaration excessive et la sous-déclaration, sans que ceux-ci sachent où se situe ladite ligne de démarcation.

[340] Il est vrai qu’il n’y a pas de source définitive et facilement accessible qui fournirait aux utilisateurs une liste d’œuvres figurant au répertoire d’Access, tel que cette expression a été formulée dans la présente décision ainsi que dans Access – Gouvernements et Access – K-12 (2010-2015).

[341] Nous sommes également conscients que l’absence de ces renseignements pourrait réduire la capacité d’Access à répartir les redevances entre les titulaires de droits concernés. Toutefois, il existe deux facteurs atténuants à cet effet. Premièrement, Access ne fonde pas entièrement la répartition sur les renseignements de reproduction fournis par les établissements. Deuxièmement, dans la mesure où des exigences de déclaration semblables sont réalistes, Access aura reçu des renseignements de ce type de la part des établissements d’enseignement avec lesquels elle a conclu un contrat de licence. Ainsi, il y aurait des sources facilement accessibles à partir desquelles extrapoler les pratiques de reproduction des établissements d’enseignement assujettis au présent tarif.

[342] Nous n’exigeons pas que les « établissements d’enseignement » déclarent les renseignements bibliographiques et connexes pour les « ensembles de cours », pour les raisons suivantes :

  • la structure des redevances des tarifs n’exige pas la déclaration des « copies » pour déterminer les redevances;

  • les « établissements d’enseignement » ne disposent pas d’un moyen facile d’accès et fiable pour déterminer à quelles « copies » les exigences de déclaration s’appliqueraient;

  • Access Copyright ne répartit pas les redevances sur la seule base des déclarations sur les copies;

  • dans la mesure où les « établissements d’enseignement » signataires de la licence type de 2012 et de la licence Premium (trois ans) de 2015 respectent leurs dispositions relatives à la production de rapports, Access Copyright disposera de renseignements à partir desquels elle pourra extrapoler les pratiques de copies des « établissements d’enseignement » assujettis à ces tarifs.

H. Vérification

[343] Certaines parties concernées ont fait valoir que le préavis de cinq jours ouvrables serait trop lourd et pourrait même être impraticable. Access a fait valoir qu’elle est disposée à accepter un préavis de 10 jours. Nous ajustons les tarifs en conséquence.

I. Sous-traitants et tiers

[344] Selon Access,

[TRADUCTION] il est de fait possible que les utilisateurs se soient fiés au tarif proposé pour autoriser la sous-traitance de la reproduction pendant les périodes couvertes par le tarif. Si la Commission exclut maintenant ces utilisations des tarifs pour la reproduction qui a eu lieu avant l’homologation, cela signifierait que toutes les copies effectuées en sous-traitance par les établissements d’enseignement qui se fiaient aux tarifs proposés se transformeraient en utilisations illicites à compter de l’homologation. Cette situation serait déplorable.

[345] Universités Canada convient qu’une disposition de sous-traitance devrait être ajoutée au tarif de 2011-2014 et devrait également s’appliquer aux copies effectuées avant l’homologation.

[346] Access est d’accord avec cette proposition et propose la disposition suivante :

[TRADUCTION] Dans l’éventualité où le sous-traitant a déjà versé des redevances à Access Copyright pour des recueils de cours papier au nom d’un établissement d’enseignement, l’établissement d’enseignement a droit à un crédit égal au montant des redevances versées par le sous-traitant à Access Copyright, à condition qu’une copie de l’entente de sous-traitance et un rapport complet, y compris les renseignements comptables pertinents pour évaluer le crédit, soient fournis à Access Copyright. Ce crédit est applicable aux redevances que doit verser l’établissement d’enseignement à Access Copyright au titre du tarif.

[347] Nous accueillons l’essentiel de la proposition d’Access. Nous ajoutons une disposition permettant la sous-traitance, et nous exigeons que l’entente et les renseignements comptables ou autres démontrant le montant des redevances que le sous-traitant a déjà versées soient transmis afin d’obtenir un crédit.

J. Œuvres du répertoire d’Access

[348] De nombreuses personnes concernées ont indiqué qu’elles ne sont pas en mesure de déterminer si une œuvre fait partie du répertoire d’Access, ni la portée de l’autorisation accordée par le titulaire de droit relativement à une œuvre.

[349] L’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC), par exemple, a demandé que la Commission

[TRADUCTION] ajoute dans les tarifs une disposition obligeant Access Copyright à fournir une liste accessible au public de ses titulaires de droits d’auteur affiliés, y compris les renseignements bibliographiques essentiels concernant l’auteur et l’éditeur, de même que le numéro ISBN ou ISSN des œuvres pour lesquelles elle se propose d’octroyer des licences. Cette liste devrait aussi refléter la distinction entre sa capacité d’autoriser les copies papier et les copies numériques.

[350] Nous avons également pris connaissance du rapport de juin 2019 du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie sur l’examen prévu par la loi de la Loi sur le droit d’auteur, dans lequel le Comité recommande :

Que la Commission du droit d’auteur du Canada examine les dispositions de la Loi sur le droit d’auteur afin de déterminer si elles lui permettent d’exiger de hausser la transparence de la gestion collective du droit d’auteur dans l’intérêt des titulaires de droit et des utilisateurs dans le cadre du processus de tarification […]

[351] Dans ce contexte, nous sommes conscients des difficultés avec lesquelles doivent composer les établissements d’enseignement pour déterminer si Access est habilitée à autoriser un acte particulier à l’égard d’une œuvre donnée. Toutefois, l’imposition de cette exigence, ou d’une exigence semblable, serait relativement nouvelle dans un tarif homologué par la Commission. Nous préférerions que l’aspect pratique d’une telle exigence, ses avantages et ses inconvénients soient examinés plus en profondeur avant de l’imposer.

K. Paiement et intérêts

[352] Bien que certaines personnes concernées aient soutenu qu’il ne devrait pas y avoir d’intérêts à payer sur les sommes dues, nous ne sommes pas d’accord. Les taux d’intérêt que nous fixons reflètent simplement la valeur temporelle de l’argent; il s’agit d’une pratique courante de la Commission, qui veille à ce que la personne payée le soit aussi bien (approximativement) que si elle avait été payée au moment où le montant était dû à l’origine.

[353] Tout montant dû par les établissements d’enseignement ou leur étant dû porte intérêt.

[354] De plus, nous nous assurons que les intérêts ne s’accumulent pas sur les taxes fédérales ou provinciales impayées. Nous n’avons aucune preuve qu’Access Copyright a déjà remis ces taxes au nom des établissements d’enseignement assujettis aux tarifs, d’autant plus qu’elle ne connaît pas encore les montants dus.

L. Autres enjeux

[355] Le 24 avril 2019, la Commission a demandé aux parties de répondre aux observations formulées par les personnes concernées à la suite de l’avis 2019-007 (avis 2019-021). La Commission a fait l’observation suivante :

[TRADUCTION] Étant donné l’étendue des questions soulevées dans les commentaires, la Commission […] est d’avis que de nombreuses questions dépassent le cadre de « l’applicabilité et de la clarté ». La Commission n’a pas l’intention de s’appuyer sur ces commentaires et ne s’attend pas à ce que les parties y répondent. Cela comprend des commentaires sur la nature obligatoire des tarifs, leur application rétroactive, la structure des redevances (fondée sur les ETP plutôt que sur les transactions) et la portée des actes couverts par les tarifs. De plus, ces questions ne sont pas nouvelles. Soit elles ont été explicitement évoquées dans les tarifs proposés, soit leur possibilité aurait raisonnablement dû être envisagée (p. ex. le fait qu’un tarif homologué puisse avoir un effet rétroactif).

[356] Bien que nous estimons que les trois questions fréquemment soulevées que nous avons identifiées ci-dessous dépassent le cadre des informations demandées aux parties concernées, nous les traitons néanmoins dans l’intérêt de celles-ci.

i. Nature obligatoire du tarif

[357] Les tarifs ne précisent pas si les utilisateurs qui ne souhaitent pas profiter de la licence offerte par le tarif ont l’obligation de se conformer aux modalités du tarif. Nous savons que des questions connexes ont été soulevées dans de récentes procédures judiciaires [148] et il n’est pas nécessaire pour nous de nous prononcer sur la question à l’heure actuelle.

[358] Dans la mesure où il pourrait être approprié d’insérer dans un tarif un libellé selon lequel ses avantages et obligations ne s’appliqueraient que sur une base volontaire, nous aimerions un dossier plus étoffé avant d’envisager cette insertion et invitons les personnes concernées à participer aux procédures la prochaine fois que la Commission examiner les tarifs proposés pour ces utilisateurs.

ii. Taux de redevances tenant compte des utilisations non couvertes par le tarif

[359] Certaines personnes concernées demandent à la Commission de fixer des taux qui tiennent compte des utilisations qui n’ont pas besoin d’être autorisées par les tarifs. Comme il a été mentionné précédemment, les taux que nous fixons, fondés sur un marché de référence, devraient tenir compte des considérations évoquées par les parties concernées – le fait que certains actes peuvent avoir été autorisés d’autre manière ou ne pas avoir à être autorisés par le titulaire du droit d’auteur – selon la compréhension qu’en avaient les parties au marché de référence, au moment de conclure les ententes utilisées comme modèles.

iii. Droits de licence payés au cours de la période du tarif pour la reproduction théoriquement couverte par les tarifs

[360] Dans l’avis 2019-021, la Commission a sollicité des réponses des parties sur la question des paiements antérieurs effectués pour l’octroi de licences à l’égard de documents pendant la période du tarif. La Commission écrit qu’à

[TRADUCTION] première vue, il n’y a pas dans cette instance les preuves nécessaires pour insérer dans les tarifs un mécanisme qui ajusterait les redevances en fonction des autres activités de licence de l’utilisateur.

[361] Access est d’accord avec l’avis préliminaire de la Commission et M. Maguire n’a pas répondu à l’avis.

[362] Nous concluons donc que nous ne disposons pas dans cette instance de la preuve nécessaire pour établir dans les tarifs un mécanisme qui ajusterait les redevances en fonction des autres activités de licence de l’utilisateur. Nous espérons disposer d’une plus grande quantité d’éléments de preuve de meilleure qualité sur cette question à la prochaine occasion.

[363] Nous remercions l’avocat d’Access de nous avoir fourni des exposés clairs et bien présentés sur les dispositions administratives des tarifs. Nous souhaitons également remercier M. Maguire pour sa contribution à la présente procédure.

Motifs certifiés par la secrétaire générale

Signature

Lara Taylor


APPENDIX / ANNEXE

List of Objectors and Intervenors / Liste des opposants et des intervenants

Objectors / Opposants

  • Association of Canadian Community Colleges / Association des collèges communautaires du Canada
  • Association of Universities and Colleges of Canada / Association des universités et des collèges du Canada
  • Athabasca University / Université d’Athabasca
  • British Columbia Association of Institutes and Universities

Intervenors / Intervenants

  • Ambrose University / Université Ambrose
  • Ariel Katz
  • Canadian Alliance of Student Associations / Alliance canadienne des associations étudiantes Canadian Association of University Teachers / Association canadienne des professeures et professeurs d’université
  • Canadian Federation of Students / Fédération canadienne des étudiantes et étudiants Government of Alberta / Gouvernement de l’Alberta
  • Jay Rahn
  • Mark McCutcheon
  • Meera Nair
  • Nancy Pardoe
  • Sean Hunt
  • Sean Maguire
  • St-Mary’s University College / Collège universitaire St-Mary’s
  • Yellowhead Tribal College / Collège tribal de Yellowhead


[1] « Étudiant équivalent à temps plein » désigne un étudiant à temps complet ou l’équivalent d’un étudiant à temps complet d’un établissement d’enseignement.

[2] Voir Alberta (Éducation) c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CSC 37 [Alberta]; Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Bell Canada, 2012 CSC 36 [Bell].

[3] Loi sur la modernisation du droit d’auteur, LC 2012, ch. 20 [LMDA].

[4] Voir Canadian Copyright Licensing Agency c Université York, 2017 CF 669 [York].

[5] Se reporter à l’annexe pour voir la liste de l’ensemble des personnes et des organisations qui avaient initialement demandé le statut d’opposants et d’intervenants.

[6] Access Copyright – Établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2013 (23 décembre 2010) Commission du droit d’auteur au para 4 (décision tarif provisoire) [Tarif provisoire d’Access (2011-2013)].

[7] La définition de « collège indépendant » n’est pas donnée dans les projets de tarif d’Access. Au paragraphe 59 de la pièce AC-2, Access explique que cette catégorie regroupe un éventail très diversifié d’établissements : [TRADUCTION] « Pour le milieu de l’enseignement postsecondaire, Access Copyright offre aussi actuellement une licence type à l’intention des collèges indépendants, c’est-à-dire les collèges de formation postsecondaire ou d’enseignement professionnel qui ne sont pas membres de l’ACCC. » Les collèges indépendants comprennent des établissements comme la Stratford Chefs School, le Vancouver Institute of Media Arts, l’Alberta Bible College, le Collège Herzing, le Canadian Memorial Chiropractic College, et le Maritime Christian College (Pièces AC-2HH; AC-2II).

[8] Access Copyright – Établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2013 (23 septembre 2011) Commission du droit d’auteur (motifs - demande de modification du tarif provisoire : licence transactionnelle) [Tarif provisoire d’Access – Licence transactionnelle].

[9] Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 96 au para 2 [AUCC].

[10] Ibid.

[11] À ce stade, les intervenants restants étaient Sean Maguire, l’ACPPU, la FCEE et Ariel Katz.

[12] À l’exception des collèges indépendants, qui devaient payer 3,58 $ et 0,11 $ par page.

[13] Pièces AC-2KK et AC-2JJ (les politiques sur l’utilisation équitable de l’AUCC et de l’ACCC, respectivement).

[14] Ces politiques autorisent la reproduction d’un chapitre sans restriction, alors que les projets de tarif et les ententes de licence conclues avec l’AUCC et l’ACCC autorisent la reproduction d’un chapitre dans une proportion ne dépassant pas 20 pour cent.

[15] Pièce AC-23N.

[16] Pièce AC-23P.

[17] Access n’a pas demandé de tarif provisoire pour 2014 à 2017.

[18] Pièce AC-23 au para 36.

[19] M. Andrews a remplacé M. Nordal à l’audience.

[20] Déclaration découlant d’une question du vice-président, M. Majeau, transcriptions, vol 1 aux pp 172-173.

[21] Analyse du répertoire axée sur les réponses aux demandes de renseignements en suspens obtenues auprès d’un échantillon de membres de l’ACCC (pièce AC-2MM).

[22] Pièce AC-4.

[23] Pièce AC-25 (mise à jour de la pièce AC-5).

[24] Pièce AC-14.

[25] Pièce AC-46 à la p 46.

[26] Paragraphe 4(3) des projets de tarif.

[27] Paragraphe 5(4) des projets de tarif.

[28] En moyenne, les universités et les collèges ont payé à Access 19 $ et 7 $ respectivement; pièce AC-18 au para 169. Les licences alors en vigueur ne visaient que les copies papier.

[29] Access définit la « juste valeur marchande » (JVM) comme le prix le plus haut, exprimé en espèces, dans un marché libre et dépourvu de toute restriction dont conviennent les parties éclairées et prudentes, agissant sans lien de dépendance et sans contrainte aucune. Voir la pièce AC-12 au para 2.

[30] Alberta, supra note 2.

[31] CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13 [CCH].

[32] Alberta, supra note 2.

[33] Bell, supra note 2.

[34] Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005-2009 (26 juin 2009) Commission du droit d’auteur au para 84 [Access – K-12 (2005-2009)].

[35] Ibid au para 86.

[36] Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2010-2015 (19 février 2016) Commission du droit d’auteur au para 234 [Access – K-12 (2010-2015)].

[37] Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Canada, 2018 CAF 58 aux para 130-147 [Access c Canada].

[38] Pièces AC-49 aux para 13 et s; AC-2 aux para 11 et s.

[39] Pièce AC-50 aux para 24-25. Voir aussi la pièce AC-48 aux para 7 et s.

[40] Ibid.

[41] Pièce AC-2 au para 15.

[42] Ibid au para 80.

[43] Témoignage de R. Levy, transcriptions, vol 1 aux pp 61-65.

[44] Ibid. Voir aussi la pièce AC-49 aux para 16-17.

[45] Transcriptions, vol 1 aux pp 64-65.

[46] Transcriptions, vol 5 à la p 796. Voir aussi la pièce AC-49 au para 13.

[47] Transcriptions, vol 1 aux pp 62-64.

[48] Historiquement, jusqu’en 2012, seules les copies insérées dans les recueils de cours devaient être déclarées. Access a subséquemment imposé cette exigence dans le cas des copies numériques également.

[49] Pièce AC-18 au para 13.

[50] Siemens v Howard, 2017 BCSC 587 au para 130, conf par 2018 BCCA 197, citant Peter Watts et FMB Reynolds, Bowstead and Reynolds on Agency, 21e éd, London, Thomson Reuters, 2018 à la p 62; voir aussi GHL Fridman, Canadian Agency Law, 3e éd, Toronto, Lexis Nexis, 2017 aux pp 57-58 pour une analyse du mandat tacite ratifié.

[51] 1196303 Inc v Glen Grove Suites Inc, 2015 ONCA 580 au para 71.

[52] Voir Fridman, supra note 50 aux pp 47, 57-58.

[53] Swift v Tomecek Roney Little & Associates Ltd, 2014 ABCA 49 au para 22.

[54] ADAG Corporation Canada Ltd v SaskEnergy Incorporated, 2018 SKCA 14 au para 76.

[55] Pièce AC-49 aux para 14-15.

[56] Pièce AC-2 au para 15. Voir aussi la pièce AC-49 aux para 15-17.

[57] Access Copyright (Gouvernements provinciaux et territoriaux), 2005-2014 (22 mai 2015) Commission du droit d’auteur [Access – Gouvernements].

[58] Access a demandé le contrôle judiciaire de cette décision, mais pas sur la question du répertoire ni sur le fait que les copies d’œuvres de non-affiliés étaient exclues du calcul de la rémunération. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande le 22 mars 2018 : Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Canada, 2018 CAF 58.

[59] Voir Ré:Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada et Goodlife Fitness Centres Inc, 2014 CAF 48 [Goodlife].

[60] Pièce AC-21 aux para 200 et s; voir aussi la pièce AC-49 au para 20.

[61] Pièce AC-49 au para 23.

[62] Pièce AC-21 (Réponses aux questions du 18 février 2014) au para 204.

[63] Access – Gouvernements, supra note 57 au para 158.

[64] Ibid au para 161.

[65] Ibid au para 162.

[66] Ibid au para 165.

[67] Access avait soulevé cette question au début, mais l’a retirée quelques jours avant l’audience en juin 2016.

[68] Access c Canada, supra note 37.

[69] Transcriptions, vol 5 à la p 790; voir aussi la pièce AC-49 aux para 19 et s.

[70] Pièce AC-2F. Cette entente était utilisée jusqu’à ce qu’elle soit remplacée en 2015.

[71] Pièce AC-23C.

[72] Pièces AC-33 au para 2; AC-33A; transcriptions, vol 1 aux pp 54 et s (témoignage de R. Levy).

[73] Pièce AC-33.

[74] Access n’a pas demandé aux auteurs de signer une renonciation. Ce fait n’a aucune incidence en l’espèce car Access a démontré qu’elle était autorisée à gérer le droit de reproduction des éditeurs, puisqu’ils avaient obtenu une cession ou une licence pour exploiter l’œuvre, y compris eu égard aux droits de reproduction. Voir la pièce AC-50C.

[75] Pièce AC-49 aux para 31 et s.

[76] Transcriptions, vol 5 à la p 835; voir aussi la pièce AC-22 aux para 31 et s.

[77] Goodlife, supra note 59 au para 52.

[78] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Bell Canada inc, 2010 CAF 139 aux para 32 et s [Bell - CAF].

[79] Goodlife, supra note 59 aux para 52 et s.

[80] Bell - CAF, supra note 78 au para 27.

[81] Ibid au para 33.

[82] Nous ne voulons pas insinuer que la participation de M. Maguire n’était pas utile; toutefois, elle ne peut être un substitut à la participation des établissements.

[83] L’obligation qui incombe à la Commission d’homologuer un tarif juste et équitable a été examinée dans de nombreuses décisions; voir par ex. Bell - CAF, supra note 78 aux para 32-34.

[84] Pièce AC-12 aux para 8-11.

[85] Pièce AC-12 au para 46.

[86] Pièce AC-31 aux para 11-14.

[87] Un marché est pseudo-concurrentiel s’il s’agit d’un marché concurrentiel ou d’un marché où négocient un petit nombre d’acheteurs et de vendeurs ayant un pouvoir de négociation à peu près égal de sorte qu’un effet concurrentiel se produit sur le marché.

[88] Deux versions de la similarité sont évidentes dans le contexte du droit d’auteur. Un marché peut être semblable à un autre si on y négocie le même droit pour des activités différentes. À l’inverse, un marché peut être semblable à un autre si on y négocie des droits différents pour la même activité.

[89] Access Copyright – Établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2017 (9 juin 2016) CB-CDA 2016-050 (avis).

[90] Pièce AC-50 aux para 8-9.

[91] Pièce AC-12 au para 38.

[92] Pièce AC-2BB.

[93] Pièce AC-2V à l’alinéa 11d).

[94] Projet de tarif publié dans la Gazette du Canada, 12 juin 2010 au para 13(3).

[95] SOCAN – Tarifs divers (6 décembre 1993) Commission du droit d’auteur à la p 18.

[96] Tarif 8 de Ré:Sonne – Webdiffusions non interactives et semi-interactives, 2009-2012 (16 mai 2014) Commission du droit d’auteur au para 121 [Ré:Sonne 8, 2009-2012].

[97] Les ententes de licence signées par les universités de Toronto et de Western Ontario étaient essentiellement semblables à l’entente de licence type de l’AUCC pour ce qui est de la plupart des modalités. Les licences des universités prévoyaient une redevance de 27,50 $ par ETP, et comportaient une clause selon laquelle si Access concluait une entente de licence plus favorable dans l’avenir, les deux universités pourraient profiter de ces prix plus avantageux. En ce sens, les licences des universités de Toronto et de Western Ontario sont pour ainsi dire identiques à la licence type de l’AUCC de 2012.

[98] Pièce AC-2 aux para 47-48.

[99] Pièce AC-22 au para 15.

[100] Hubbard c Vosper, [1972] 1 All ER 1023 (CA) à la p 1027; extrait reproduit dans l’arrêt CCH, supra note 31 au para 52.

[101] Access – Gouvernements, supra note 57 aux para 21 et s.

[102] Pièce AC-23N à l’art 13(b).

[103] Pièce AC-23 au para 30; voir aussi les réponses d’Access aux questions de la Commission du 3 juin 2015 (pièce AC-32).

[104] Transcriptions, vol 5 aux pp 851 et s.

[105] Pièce AC-49 aux para 47 et s. Access a produit en preuve une copie de ces lignes directrices. Dans le préambule, il est mentionné que les politiques en question sont fondées sur les arrêts CCH et Alberta, rendus en 2004 et en 2012, respectivement. Voir la pièce AC-2KK.

[106] Pièce AC-49 aux para 76 et s.

[107] York, supra note 4.

[108] Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c Colombie-Britannique (Éducation), 2017 CAF 16 aux para 58 et s [Access Copyright c Colombie-Britannique].

[109] Pièce AC-22 au para 15.

[110] Pièce AC-49 au para 98.

[111] Pièce AC-46 aux pp 19, 43. Voir aussi la pièce AC-23 aux para 32-34.

[112] Pièce AC-23 au para 24.

[113] Transcriptions, vol 1 aux pp 114-115.

[114] Outre la licence Premium, Access offrait également la licence Choice. Les licences Premium et Choice étaient toutes deux offertes aussi aux collèges. Par souci de concision, nous examinons plus particulièrement la licence Premium offerte aux universités. La pièce AC-23M contient les documents promotionnels de ces licences qui ont été déposés auprès de la Commission.

[115] Pièce AC-2 au para 19.

[116] Pièce AC-23N à l’art 5(b).

[117] Pièce AC-23N à l’art 8(a).

[118] Pièces AC-31 aux para 2, 49, 59; AC-46 à la p 48.

[119] Ré:Sonne 8, 2009-2012, supra note 96.

[120] Pièce AC-31 au para 23.

[121] Bien entendu, la licence Premium est assortie de trois prix différents, en fonction de sa durée.

[122] Pièce AC-20 à la p 2.

[123] Le nombre moyen d’inscriptions dans les 35 établissements ayant une licence type est supérieur à 11 000. Voir la pièce AC-50D.

[124] Access – Gouvernements, supra note 57 au para 56.

[125] Pièces AC-12 aux para 51, 56; AC-31 aux para 27, 92.

[126] Pièce AC-21 au para 99.

[127] Pièce AC-21 au para 160.

[128] Access – K-12 (2010-2015), supra note 36 aux para 225-226.

[129] Access Copyright c Colombie-Britannique, supra note 108 au para 40.

[130] Access Copyright – Établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2017 (9 juin 2016) CB-CDA 2016-050 (avis).

[131] Pièce AC-50 au para 16.

[132] Ibid au para 19.

[133] Ibid au para 21.

[134] Ibid au para 23.

[135] Lettre de Maureen Armstrong, secrétaire de l’Université et avocate générale de l’Université York (9 février 2016) aux pp 3, 5.

[136] Ibid à la p 2.

[137] Voir Access Copyright – Établissements d’enseignement postsecondaires, 2011-2017 (6 juin 2011) Commission du droit d’auteur (ordonnance); (18 août 2011) Commission du droit d’auteur (ordonnance).

[138] AUCC, supra note 9.

[139] Tarif provisoire d’Access – Licence transactionnelle, supra note 8 aux para 22-24.

[140] Voir la lettre de Erin Finlay, avocate générale d’Access Copyright (4 mars 2016); voir aussi la pièce AC-33.

[141] Netflix, Inc c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2015 CAF 289 au para 43.

[142] Transcriptions, vol 5 à la p 822.

[143] L’Université de Toronto a fait cette demande en 2013, quand elle s’opposait à la demande d’Access qui voulait déposer des éléments de preuve supplémentaires concernant les copies numériques faites dans l’établissement. L’Université de Toronto a demandé à la Commission de ne pas admettre ces éléments en preuve ou, à titre subsidiaire, de réduire le volume de copies d’œuvres de tiers pour tenir compte des ententes de licence conclues avec ceux-ci. La Commission a admis en preuve les éléments qui concernaient le volume de copies numériques. Pour ce qui est de la réduction de taux, la Commission était d’avis que la question devait s’inscrire dans l’appréciation de la preuve et qu’il était ainsi trop tôt pour se prononcer à ce stade. En définitive, la Commission ayant décidé d’homologuer un tarif reposant sur des licences de référence plutôt que sur le volume de copies, il n’est plus pertinent de se demander quel poids devrait être accordé à ces licences.

[144] Pièce Maguire-1 au para 7.

[145] Pièce AC-33 au para 1.

[146] Access – Gouvernements, supra note 57.

[147] Tarif des services de musique en ligne (CSI : 2011-2013; SOCAN : 2011-2013; SODRAC : 2010-2013) (26 août 2017) Commission du droit d’auteur.

[148] Société Radio-Canada c SODRAC 2003 inc, 2015 CSC 57; York, supra note 4.

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