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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2019-12-13

Référence

CB-CDA 2019-088

Régime

Copie pour usage privé

Loi sur le droit d’auteur, paragraphes 83(1), 83(8) et 83(8.1)

Commissaires

L’honorable Robert A. Blair

Mme Nathalie Théberge

Mme Katherine Braun

Tarifs des redevances à percevoir par la SCPCP en 2020 et 2021 sur la vente de supports audio vierges

DÉCISION DE LA COMMISSION

I. APERÇU DE LA DÉCISION

[1] La Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) a déposé un projet de tarif assorti d’une redevance de 29 ¢ pour chaque CD vierge fabriqué ou importé au Canada.

[2] La SCPCP invoque deux arguments principaux : premièrement, selon les principes qui ont guidé la Commission dans ses décisions antérieures, les CD vierges continuent de satisfaire au seuil qu’a fixé la Commission pour être considérés comme un support habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique ; deuxièmement, la redevance actuelle de 29 ¢ sur les CD vierges est juste et équitable et devrait demeurer en vigueur pour 2020 et 2021. [1]

[3] Pour les motifs qui suivent, nous concluons que les CD vierges constituent un « support audio vierge » au sens de l’article 79 de la Loi sur le droit d’auteur [2] (la « Loi ») et nous convenons que la redevance de 29 ¢ par CD vierge est appropriée.

II. CONTEXTE

[4] Le 29 mars 2019, la SCPCP a déposé auprès de la Commission un projet de redevances à percevoir en 2020 et 2021 sur la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent (« copie privée »), conformément à l’article 83 de la Loi.

[5] La SCPCP est un organisme parapluie qui représente les auteurs-compositeurs, les artistes-interprètes, les éditeurs de musique et les maisons de disque par l’intermédiaire de ses sociétés membres : l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux limitée, Ré:Sonne Société de gestion de la musique et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Depuis le 31 décembre 2018, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (la « SODRAC ») n’est plus membre de la SCPCP, mais cette dernière a toujours pour mandat de percevoir les redevances et de les remettre à la SODRAC [3] .

[6] Le projet de tarif vise les disques compacts enregistrables (CD-R, CD-RW, CD-R Audio et CD-RW Audio : collectivement, les « CD vierges »). Il propose une redevance de 29 ¢ par CD vierge.

[7] Le 26 avril 2019, la Commission a publié le projet de tarif dans la Gazette du Canada. Aucune opposition n’a été déposée. Le 9 août 2019, conformément à l’Avis de la Commission no2019-044, la SCPCP a déposé auprès de la Commission sa preuve à l’appui de la redevance.

[8] La SCPCP a proposé que la présente instance soit instruite sur dossier seulement, sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience [4] .

III. PREUVE

A. Lisa Freeman, directrice générale, SCPCP

[9] MmeLisa Freeman, directrice générale de la SCPCP, a déposé un témoignage écrit portant sur la direction et le personnel de la SCPCP, sur la situation financière de cette dernière, sur la distribution des redevances ainsi que sur l’application du tarif [5] .

B. Benoît Gauthier, président, Réseau Circum Inc.

[10] M. Benoît Gauthier, témoin-expert de la SCPCP, a mis à jour les variables que la Commission avait prises en compte dans sa décision d’homologuer les tarifs de copie privée pour 2018-2019 et il a présenté des projections concernant les années 2020 et 2021.

[11] Les données relatives à la copie de musique au Canada sont tirées du sondage de veille musicale (SVM) mené par Réseau Circum Inc. La méthode suivie par ce dernier est demeurée la même de 2001-2002 à 2015-2016. Cependant, bien que les questions de base soient les mêmes dans le sondage de 2019, M. Gauthier a changé la méthode de sondage, qui est passée d’un questionnaire téléphonique à un questionnaire en ligne.

[12] Les projections de M. Gauthier au sujet des variables qui permettent d’établir si les CD vierges sont un support habituellement utilisé aux fins de copie privée sont présentées ci-après.

i. Nombre de pistes copiées

[13] Les données les plus récentes du SVM (avant celles de 2019) datent de 2015-2016. Le SVM a permis d’estimer que, en 2015-2016, les Canadiens ont copié 252,3 millions de pistes sur des CD vierges. Selon le SVM, 232,8 millions de pistes ont été copiées sur des CD vierges en 2019. [6]

[14] M. Gauthier prévoit que 218,3 millions de pistes musicales seront copiées sur des CD vierges en 2020 et 204,8 millions en 2021 [7] .

ii. Pourcentage de pistes copiées sur des CD vierges

[15] M. Gauthier explique qu’étant donné que la Commission a cessé d’utiliser cet indicateur dans la décision Copie privée 2018-2019 [8] , il n’a fait aucune projection à cet égard pour 2020-2021 [9] .

iii. Nombre de CD vierges achetés par des particuliers

[16] Dans les instances antérieures en matière de copie privée, la SCPCP s’est fondée sur des données tirées des rapports du Santa Clara Consulting Group (SCCG) pour calculer le nombre de CD vierges vendus sur le marché canadien qui sont achetés par des particuliers. Le SCCG ne produit plus de rapport sur ce sujet [10] . M. Gauthier projette plutôt les ventes de CD vierges au Canada en prenant pour base les recettes de la SCPCP. Il indique que son calcul est valable en raison du degré élevé de corrélation statistique qui existe entre le nombre de CD vierges vendus chaque année sur le marché canadien et le nombre de CD vierges à partir desquels la SCPCP génère des recettes [11] .

[17] En présumant que la tendance observée dans les recettes de la SCPCP pour 2006-2019 se maintiendra, M. Gauthier estime ces dernières à 1,1 million de dollars en 2019, à 0,9 million de dollars en 2020 et à 0,7 million de dollars en 2021. Il s’est servi de ces chiffres pour estimer à la fois la taille du marché des CD vierges au Canada et le nombre de CD vierges achetés par des particuliers en 2019-2021.

iv. Pourcentage de CD et nombre de CD vierges utilisés pour copier de la musique

[18] En 2015-2016, 33 pour cent des CD vierges achetés par des particuliers ont servi à copier de la musique. Selon les données du SVM pour 2019, 30 pour cent des CD vierges ont été utilisés pour copier de la musique en 2019. M. Gauthier explique que ces statistiques montrent que le rapport est demeuré relativement stable entre 2015 et 2019 [12] , et il présume que le pourcentage de 30 pour cent se maintiendra en 2020 et 2021.

[19] De l’avis de M. Gauthier, ses projections concernant :

[TRADUCTION] le nombre de pistes musicales copiées sur des CD vierges en 2020 et 2021, le nombre de CD vierges achetés par des particuliers, le pourcentage du support utilisé pour copier de la musique ainsi que le nombre de CD vierges utilisés par des particuliers pour copier de la musique sont nettement supérieurs aux seuils historiques utilisés par la Commission du droit d’auteur pour considérer qu’un support est habituellement utilisé pour copier de la musique [13] .

C. Marcel Boyer, professeur

[20] Le professeur Marcel Boyer, un autre témoin-expert de la SCPCP, a déposé un rapport [14] dans lequel il réitère les conclusions exposées dans son rapport antérieur [15] , déposé dans le cadre de l’instance en matière de copie privée de 2018-2019, en se servant de la version mise à jour des données sur les prix de détail fournies par la SCPCP. En particulier, il estime que la prudence qu’exerce la Commission en maintenant le taux de redevance de 29 ¢ à cause de la maturité du marché est le reflet d’un degré de précaution approprié et d’un raisonnement économique valable. Il est également d’avis que le marché des CD vierges semble avoir [TRADUCTION] « atteint un plateau », plutôt que de s’être effondré complètement, ce que la Commission avait prédit antérieurement.

[21] Il conclut que, [TRADUCTION] « étant donné que les montants en cause ne sont pas négligeables pour les titulaires de droits et que la pratique consistant à percevoir une redevance de 29 ¢ par CD vierge fait partie des “réalités du marché”, pour reprendre l’expression de la Commission, les principes de précaution justifient le maintien de la redevance à son niveau actuel». [16]

IV. LES CD VIERGES CONSTITUENT-ILS UN « SUPPORT AUDIO » AU SENS DE L’ARTICLE 79 DE LA LOI ?

A. Contexte juridique

[22] Le régime de copie privée est entré en vigueur en 1998. La partie VIII de la Loi énonce le régime législatif qui s’y applique. Ce dernier prévoit que le fait de reproduire pour usage privé un enregistrement sonore sur un « support audio » ne constitue pas une violation du droit d’auteur [17] .

[23] En contrepartie, le régime prévoit que les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores admissibles ont droit, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent, à une rémunération versée par le fabricant ou l’importateur de supports audio vierges [18] . Cette rémunération revêt la forme d’une redevance fixée par la Commission à la suite du dépôt, par la SCPCP, d’un projet de tarif de redevances à payer pour chaque support audio vierge vendu au Canada [19] .

[24] Ce ne sont pas tous les types de supports servant à copier de la musique qui peuvent faire l’objet d’une redevance. Aux termes de la Loi, seul un « support audio » peut y être assujetti. L’article 79 de la Loi définit un « support audio » comme tout support audio habituellement utilisé par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores.

[25] Dans la présente instance, la Commission doit tout d’abord décider si les CD vierges constitueront un support audio en 2020 et 2021, au sens de l’article 79 de la Loi. Si elle est d’avis que les CD vierges seront habituellement utilisés par les consommateurs pour copier de la musique en 2020 et 2021, il lui faut dans ce cas décider quelle sera la redevance que paieront les fabricants de CD vierges.

B. Sens de l’expression habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique

[26] La Loi ne dit rien à propos de la manière d’évaluer le caractère habituel de l’utilisation. Dans les premières années du régime, à l’époque où l’utilisation de certains supports pour copier de la musique était relativement nouvelle, la Commission axait son analyse sur des aspects de nature qualitative pour décider si un support audio était « habituellement utilisé [20] ».

[27] La Commission a dû interpréter le concept du « support habituellement utilisé par les consommateurs » en 1999, dans le cadre de la première décision concernant le régime de copie privée [21] . À l’époque, la SCPCP a fait valoir que si des particuliers utilisaient régulièrement ou normalement un support pour copier de la musique, ce dernier serait habituellement utilisé pour copier de la musique et constituerait donc un support audio au sens de la Loi. À l’inverse, la Canadian Storage Media Alliance (CSMA), qui représentait les importateurs de supports audio vierges, affirmait que la redevance ne devait s’appliquer qu’aux supports utilisés le plus souvent pour copier de la musique, excluant de ce fait les supports dont la part du marché était négligeable.

[28] Après avoir passé en revue divers dictionnaires et décisions judiciaires, et pris en compte les principes d’interprétation législative, y compris l’objet du régime, la Commission a conclu que le mot « habituellement » avait une connotation de régularité, plutôt que de quantité ou de fréquence. Ainsi, pour qu’une activité soit habituelle, il n’était pas nécessaire qu’il s’agisse de l’activité principale d’une personne, pourvu qu’elle ne soit pas rare, anormale ou minime [22] .

[29] Appliquant cette interprétation large au contexte de la Loi, la Commission a conclu que l’utilisation habituelle, à laquelle fait référence la définition d’un support audio, signifiait que seuls les supports qui n’étaient manifestement pas utilisés pour copier de la musique n’étaient pas assujettis à une redevance ; en conséquence, la notion de caractère habituel de l’utilisation, visée par la définition d’un « support audio », devait être interprétée comme une utilisation qui comprend tous les emplois non négligeables [23] .

[30] La Commission a ajouté qu’étant donné que la définition d’un support audio renvoyait à l’utilisation habituelle faite par les consommateurs, l’analyse devait porter sur les personnes qui utilisaient le support plutôt que sur celles qui utilisaient d’autres supports pour copier de la musique [24] .

[31] Dans le cadre du contrôle judiciaire de cette décision [25] , la demanderesse, CSMA, a fait valoir que les mots « habituellement utilisé » auraient dû être interprétés par la Commission comme voulant dire ordinairement, communément ou principalement. Elle a également suggéré une démarche pour déterminer si un support était habituellement utilisé pour copier de la musique, à savoir que l’utilisation ne devait être considérée comme habituelle que si l’on utilisait un support pour copier de la musique au moins la moitié du temps.

[32] En réponse à la thèse avancée par CSMA, la Cour a décrété qu’une méthode uniquement procentuelle serait arbitraire [26] . De plus, elle a convenu avec la Commission qu’étant donné que la définition d’un « support audio » comprenait les mots « par les consommateurs », c’était l’utilisation faite par les consommateurs qui devait être habituelle et non l’utilisation générale du produit27 [27] .

[33] Dans ses décisions ultérieures, l’analyse de la Commission s’agissant de l’utilisation habituelle était surtout fondée sur des données et une série de variables statistiques. Afin de déterminer si un support était « habituellement utilisé », la Commission examinait les données produites par la SCPCP, comme le nombre de pistes copiées sur CD ou le pourcentage de CD utilisés par des particuliers pour copier de la musique.

V. ANALYSE DE LA PREUVE DÉPOSÉE PAR LA SCPCP

A. Est-ce que des CD vierges seront habituellement utilisés pour copier de la musique en 2020 et 2021 ?

[34] Nous avons résumé plus tôt la preuve que la SCPCP a présentée. Dans la présente section, nous analysons cette preuve, c’est-à-dire les trois statistiques que la SCPCP a mises de l’avant, de façon à décider si la SCPCP a démontré que les CD vierges demeurent un support audio et doivent donc être assujettis à une redevance.

i. Nombre de pistes musicales copiées sur des CD vierges

[35] M. Gauthier prévoit que 218,3 millions de pistes musicales seront copiées sur des CD vierges en 2020 et 204,8 millions en 2021, d’après le SVM.

[36] Même si la méthode de sondage utilisée en 2019 (questionnaire en ligne) diffère de celle qui a été employée en 2015-2016 et avant (questionnaire téléphonique), M. Gauthier est d’avis que cela n’empêche pas de s’inspirer du sondage de 2019 pour projeter une tendance, et explique qu’il s’est assuré de la cohérence des données de 2019 en les comparant aux sondages antérieurs à la lumière de plusieurs indicateurs [28] . Il est d’avis que les sondages menés en ligne sont aujourd’hui plus pratiques et, à certains égards, plus précis que les sondages téléphoniques qui ont été utilisés lors des SVM antérieurs. Il ajoute que les données du sondage sont représentatives de la population canadienne âgée de 13 ans et plus [29] .

[37] Nous souscrivons aux projections de M. Gauthier quant au nombre de pistes musicales qui seront copiées sur des CD vierges en 2020 et 2021.

ii. Pourcentage de CD vierges utilisés pour copier de la musique

[38] M. Gauthier prévoit que 30 pour cent des CD vierges seront utilisés pour copier de la musique en 2020 et 2021. Ce pourcentage est fondé sur le sondage de 2019 et il concorde avec la tendance établie pour 2015-2016.

[39] Nous souscrivons à la projection de M. Gauthier quant au pourcentage de CD vierges qui seront utilisés pour copier de la musique en 2020 et 2021.

iii. Nombre de CD vierges achetés par des particuliers

[40] Bien que M. Gauthier ait eu recours à une méthode sensée à notre avis pour prévoir le nombre de CD vierges qui seront achetés par des particuliers, nous avons quelques préoccupations importantes, d’ordre technique, à l’égard de ses estimations. Le principal problème est que le degré élevé de corrélation statistique entre le nombre de CD vierges vendus chaque année sur le marché canadien et le nombre de CD vierges à partir desquels la SCPCP génère des recettes (99 pour cent, d’après M. Gauthier) [30] ne crée pas une mesure fiable permettant de prévoir le nombre de CD vierges qui seront vendus au Canada.

[41] Premièrement, le calcul est circulaire car, en prenant pour base la redevance pour la copie privée, un degré élevé de corrélation entre le nombre de CD vierges vendus chaque année sur le marché canadien et le nombre de CD vierges à partir desquels la SCPCP génère des recettes est déjà établi ; et c’est la raison pour laquelle on constate un degré élevé de corrélation.

[42] Deuxièmement, une simple corrélation entre deux variables sur 10 ans (2006-2015) est, selon nous, insuffisante pour prévoir la relation entre elles sur une autre période de six ans (2016-2021). Même si l’on utilise des échantillons de plus grande taille, il est nécessaire d’effectuer d’autres tests statistiques pour pouvoir établir l’existence d’une telle relation entre deux variables dites « chronologiques ». En général, établir une prévision des données sur une autre période de six ans (2016-2021) [31] en prenant pour base les données réelles sur une période de dix ans (2006-2015) [32] mène à des inexactitudes, indépendamment de la méthode employée.

[43] Pour les motifs qui précèdent, nous ne sommes pas d’avis que les projections que M. Gauthier a employées quant au nombre de CD vierges achetés par des particuliers soient fiables.

iv. Conclusion

[44] Compte tenu de ce qui précède, et bien que nous ne considérions pas que les statistiques produites en preuve concernant le nombre de CD vierges achetés par des particuliers soient fiables, nous sommes d’avis que les deux autres statistiques produites en preuve, bien qu’imparfaites, sont néanmoins assez fiables pour que nous puissions apprécier le caractère habituel de l’utilisation.

[45] Considérées ensemble, la prévision du nombre de pistes qui seront copiées en 2020 et en 2021, soit 218,3 millions et 204,8 millions respectivement, et la projection selon laquelle 30 pour cent des CD vierges seront utilisés pour copier de la musique pendant cette période, nous convainquent qu’au cours des années 2020 et 2021, les CD vierges seront habituellement utilisés par les consommateurs pour copier de la musique.

[46] Comme il a été mentionné plus tôt, c’est l’utilisation que font les consommateurs qui doit être habituelle, et non l’utilisation du produit en général. Bien que les deux statistiques ne traitent pas directement des utilisations « individuelles » par opposition aux utilisations « générales» [33] , à notre avis les chiffres relatifs à l’utilisation que nous considérons comme fiables sont suffisamment élevés pour que nous puissions conclure que les CD seront habituellement utilisés par les consommateurs pour copier de la musique.

[47] Pour ces motifs, nous concluons que les CD vierges constituent un support audio à l’égard duquel la Commission doit approuver l’imposition d’une redevance.

B. Analyse de la redevance

[48] La SCPCP a proposé une redevance de 29 ¢ par CD vierge pour 2020 et 2021, faisant valoir que cette redevance fait partie des « réalités du marché » et citant à l’appui de sa position des décisions antérieures de la Commission.

[49] La Commission a fixé pour la première fois une redevance de 29 ¢ dans Copie privée 2010 en prenant pour base le modèle de Stohn-Audley [34] . Toutefois, dans Copie privée 2012-2014, elle a expliqué que « [l]orsqu’une technologie atteint la fin de son cycle de vie, les renseignements qui peuvent être obtenus, tout particulièrement par sondage, deviennent généralement instables au point de ne plus être fiables » [35] . C’est pour cette raison qu’elle a abandonné le modèle de Stohn-Audley. Depuis ce temps, la Commission a rendu cinq décisions en matière de copie privée, sans qu’aucune ne bénéficie d’un modèle formel (ou d’une mesure de référence) [36] , tout en maintenant le taux à 29 ¢ en se fondant sur le raisonnement que le taux faisait partie des « réalités du marché ».

[50] Nous approuvons le taux de 29 ¢ par CD vierge, et ce, pour les raisons suivantes. Premièrement, la redevance est de 29 ¢ depuis 2008 et, depuis 2012, la Commission a approuvé ce taux de manière continue parce qu’à son avis, il fait partie des réalités du marché. Deuxièmement, il n’y a eu aucune opposition à la redevance actuelle, et aucune preuve n’a été soumise à la Commission pour faire valoir que ce taux devait être modifié. Troisièmement, il semble raisonnable de conclure que ce chiffre est accepté par tous ceux qui bénéficient de la redevance.

i. Conclusion

[51] Compte tenu de l’analyse qui précède, nous concluons qu’une redevance de 29 ¢ est un taux juste et équitable et qu’il reflète l’intérêt public.

C. Répartition de la redevance entre les titulaires de droits

[52] L’article 84 de la Loi exige que nous répartissions la redevance entre les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs. Le pourcentage qui s’applique à chaque groupe de titulaires de droits correspond à la part de toutes les copies privées du répertoire admissible qui est attribuable à ce groupe.

[53] La SCPCP ne nous a pas demandé de changer la répartition et nous n’avons aucune raison de croire que la répartition actuelle n’est plus représentative de la part de chaque groupe. En conséquence, les auteurs ont droit à 58,2 pour cent des redevances, les artistes-interprètes à 23,8 pour cent et les producteurs à 18,0 pour cent.

D. Qualité des données

[54] Comme l’a indiqué la Commission dans sa décision la plus récente en matière de copie privée, les données présentées par la SCPCP ne sont « pas aussi récentes qu’elles pourraient l’être » [37] . Au fil du temps, ses prévisions sont devenues moins fiables.

[55] À cette fin, la Commission trouverait utile que la SCPCP puisse présenter une preuve économique plus solide à l’appui des décisions à venir relativement aux notions de support « habituellement utilisé » et de tarif « juste et équitable ». Par exemple, la SCPCP pourrait envisager de mieux expliquer la manière dont les données recueillies sont pondérées dans les chiffres cumulatifs, ainsi qu’apporter quelques améliorations au SVM, relativement aux aspects suivants :

  • des données qui montreraient la mesure dans laquelle les consommateurs sont conscients de la perception d’une redevance sur les CD vierges, ainsi que l’effet que cela peut avoir sur leur comportement, le cas échéant ;
  • la mesure dans laquelle les copies faites sur des CD vierges sont déjà autorisées (p. ex. par un contrat d’utilisation).

VI. TARIF

[56] Compte tenu des motifs susmentionnés, nous approuvons un tarif assorti d’une redevance de 29 ¢ par CD vierge pour les années 2020 et 2021, à répartir comme suit : 58,2 pour cent pour les auteurs, 23,8 pour cent pour les artistes-interprètes et 18,0 pour cent pour les producteurs.

Motifs certifiés par la secrétaire générale,

Signature

Lara Taylor



[1] SCPCP-1, par. 2, 4 et 52.

[2] Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42.

[3] SCPCP-1, par. 1.

[4] SCPCP-1, par. 2.

[5] SCPCP-2.

[6] SCPCP-3, par. 14.

[7] SCPCP-3, par. 17 et tableau 2.

[8] Copie privée 2018-2019 (1er décembre 2017), Commission du droit d’auteur, par. 36-47.

[9] SCPCP-3, par. 21.

[10] SCPCP-3, par. 22.

[11] SCPCP-3, par. 23-31.

[12] SCPCP-3, par. 32, 34.

[13] SCPCP-3, par. 44.

[14] SCPCP-4.

[15] SCPCP-4A.

[16] SCPCP-4, par. 10-11, 13.

[17] Loi sur le droit d’auteur, art. 80.

[18] Loi sur le droit d’auteur, art. 81.

[19] Loi sur le droit d’auteur, art. 82.

[20] Voir p. ex. Copie privée 2003-2004 (12 décembre 2003), Commission du droit d’auteur, p. 8 (la Commission a exclu les DVD de la définition de support audio parce que les différences d’ordre technique entre les divers types de DVD signifiaient que la plupart de ces types n’étaient pas compatibles avec les graveurs et les lecteurs qui étaient utilisés à l’époque). [Copie privée 2003-2004].

[21] Copie privée 1999-2000 (18 décembre 1999), Commission du droit d’auteur. [Copie privée 1999-2000].

[22] Copie privée 1999-2000, supra note 21, p. 29.

[23] Copie privée 1999-2000, supra note 21, p. 30.

[24] Copie privée 1999-2000, supra note 21, p. 31.

[25] AVS Technologies Inc. c. Canadian Mechanical Reproduction Rights Agency, 2000 CanLII 15571 (CAF). [AVS].

[26] AVS, supra note 25, par. 8.

[27] AVS, supra note 25, par. 6.

[28] SCPCP-3, par. 6-7, 10-11.

[29] SCPCP, par. 10.

[30] SCPCP-3, par. 27.

[31] SCPCP-3, tableau 5.

[32] SCPCP-3, tableau 6.

[33] À titre d’exemple, nous ne sommes pas en mesure de discerner si c’est un ensemble précis de consommateurs individuels qui utiliseront habituellement des CD vierges pour copier de la musique ou s’il y a un ensemble plus vaste de consommateurs qui utiliseront exceptionnellement des CD vierges pour copier de la musique.

[34] Copie privée 2010 (2 novembre 2010), Commission du droit d’auteur, par. 77-96.

[35] Copie privée 2012-2014 (30 août 2013), Commission du droit d’auteur, par. 34. [Copie privée 2012-2014].

[36] Copie privée 2011 (17 décembre 2010), Commission du droit d’auteur, par. 7-10, Copie privée 2012-2014, supra note 35, par. 45-46, Copie privée 2015-2016 (12 décembre 2014), Commission du droit d’auteur, par. 34, Copie privée 2017 (16 décembre 2016), Commission du droit d’auteur, par. 28, Copie privée 2018-2019, supra note 8, par. 89.

[37] Copie privée 2018-2019, supra note 8.

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