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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2021-11-26

Référence

Tarif 4.B de la SOCAN (2018-2024), 2021 CDA 11

Commissaire

René Côté

Projets de tarif examinés

Tarif 4.B de la SOCAN : Exécutions par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concert, théâtres ou autres lieux de divertissement – Concert de musique classique (2018)

Tarif 4.B de la SOCAN : Exécutions par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concert, théâtres ou autres lieux de divertissement – Concert de musique classique (2019)

Tarif 4.B de la SOCAN : Exécutions par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concert, théâtres ou autres lieux de divertissement – Concert de musique classique (2020-2021)

Tarif 4.B de la SOCAN : Exécutions par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concert, théâtres ou autres lieux de divertissement – Concert de musique (2022-2024)

Homologation des projets de tarif

sous le titre

Tarif 4.B de la SOCAN – Exécutions par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concert, théâtres ou autres lieux de divertissement – Concerts de musique classique (2018-2024)

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. INTRODUCTION

[1] La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est une société de gestion collective qui administre les droits d’exécution publique d’œuvres musicales pour le compte d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs de musique canadiens et étrangers. La SOCAN a déposé auprès de la Commission du droit d’auteur une série de projets de tarif pour l’exécution de concerts publics de musique classique pour les années 2018, 2019, 2020-2021 et 2022-2024, plus précisément les projets de tarif 4.B.1 visant les licences pour concerts individuels, 4.B.2 visant les licences annuelles pour orchestres et 4.B.3 visant les licences annuelles pour diffuseurs.

[2] Pour les motifs suivants, nous concluons que les tarifs 4.B de la SOCAN visant les concerts de musique classique pour la période 2018-2024 sont justes et équitables tel que proposés, sous réserve de quelques ajustements à apporter aux modalités pour les Tarifs 4.B.1 et 4.B.3, et au taux des redevances au Tarif 4.B.2 pour l’année 2018. Par conséquent, nous homologuons ces projets de tarif.

II. CONTEXTE

A. Historique

[3] Les tarifs pour l’exécution en public de musique dans des salles de concert sont parmi les premiers tarifs homologués au Canada par la Commission d’appel du droit d’auteur – l’ancêtre de la Commission du droit d’auteur – et remontent à 1939. À cette époque, aucune distinction n’était faite entre les concerts de musique classique et les concerts de musique populaire. Cette distinction n’a été introduite qu’en 1967 [1] .

[4] En 1983, la Commission d’appel du droit d’auteur fixe la redevance des concerts de musique classique à 25 pour cent de la redevance pour les concerts de musique populaire, elle-même fixée à 1 pour cent des recettes brutes au guichet. La Commission d’appel du droit d’auteur précise que ce n’est pas qu’elle croit que la musique jouée dans les concerts de musique classique vaut moins que celle des concerts de musique populaire, mais plutôt que cette distinction se fonde sur le constat que seule une fraction des œuvres jouées lors de concerts de musique classique appartient au répertoire des œuvres protégées par le droit d’auteur [2] . Il faut noter que la détermination de cet ajustement de 25 pour cent du tarif concert de musique populaire, soit 0,25 pour cent des recettes brutes au guichet, ne provient pas de données précises soumises par les parties au dossier; il s’agit d’une estimation faite par la Commission d’appel du droit d’auteur.

[5] La décision de la Commission du droit d’auteur dans le dossier des Tarifs divers de la SOCAN 1992-1994 va modifier cet ajustement après avoir constaté une différence de la proportion de musique protégée jouée lors de concerts de musique classique .

Le taux fixé en 1983 reposait sur la prémisse voulant qu’environ le quart de la musique exécutée durant les concerts de musique classique était protégée. Le dossier de la présente affaire mène à une conclusion fort différente. Durant la première moitié de l’année 1993, la musique protégée occupait 37 pour cent de la durée des concerts exécutés par des membres de l’ACO [Association canadienne des orchestres] et 61 pour cent des autres concerts. (…) L’application de ce pourcentage au taux fixé pour les concerts de musique populaire donne 1,3 pour cent [3] .

[6] La Commission fixe alors la redevance pour les concerts de musique populaire à 2,2 pour cent des recettes brutes au guichet et à 1,3 pour cent des recettes brutes au guichet pour les concerts de musique classique (4.B.1), soit un peu moins de 60 pour cent du tarif pour les concerts de musique classique en comparaison avec les concerts de musique populaire.

[7] C’est dans cette même décision de 1994 qu’apparaissent pour la première fois les tarifs pour les orchestres (4.B.2) et pour les présentateurs (ou « diffuseurs » aujourd’hui) (4.B.3), et ce, pour l’année 1994 seulement. En effet, une entente entre une des sociétés de gestion collective qui précède la SOCAN et l’Association canadienne des orchestres (ACO) [4] existe depuis une dizaine d’années sans que la Commission ou sa prédécesseure n’aient été informées de cette situation. [5] La Commission homologue alors le Tarif 4.B.2 dont le taux est fonction du nombre de concerts joués (y compris les concerts qui ne comprennent aucune œuvre faisant partie du répertoire de la SOCAN) et du budget annuel de l’orchestre. La Commission note toutefois ceci :

Cette formule comporte certaines limites. Des orchestres ayant le même budget paient des prix différents pour la musique qu’ils utilisent, en fonction du nombre de concerts qu’ils présentent. Un tarif qui serait fonction du budget ou des ventes au guichet et dont le taux tiendrait compte de la quantité de musique protégée exécutée au cours d’une saison toute [sic] entière, permettrait peut-être de contourner cette difficulté tout en offrant les mêmes avantages que la formule mise de l’avant par les parties [6] .

[8] Quant au Tarif 4.B.3, il fait son apparition à la suite des représentations faites par l’Association canadienne des organismes artistiques (CAPACOA) auprès de la Commission. Il s’agit d’une redevance annuelle qui s’adresse aux présentateurs (ou « diffuseurs » aujourd’hui) de série de concerts de musique classique. Le montant de la redevance est fixé à 0,75 pour cent des recettes brutes au guichet de tous les événements, y compris ceux qui ne comprennent aucune œuvre faisant partie du répertoire de la SOCAN.

Le tarif impose le versement de droits pour les concerts au cours desquels aucune musique protégée n’est exécutée. Il y a donc lieu de tenir compte de ces concerts lorsque vient le temps d’établir la quantité de musique protégée utilisée par l’industrie dans son ensemble. La seule information versée au dossier de la présente affaire qui tienne compte de ces concerts donnés se trouve dans la pièce SOCAN-3, et porte sur les concerts donnés par les membres de l’ACO; la musique protégée représente 37 pour cent, en durée, de toute la musique exécutée durant ces concerts. Il n’est pas déraisonnable de croire que le niveau d’utilisation des présentateurs se rapproche de ce chiffre. L’application de ce pourcentage au taux fixé pour les concerts de musique populaire donne 0,77 pour cent [7] .

[9] Quant au tarif par concert de musique classique (4.B.1) et celui pour les présentateurs (4.B.3) de 1994 à 1997 ainsi que pour la période 1998 à 2002, la SOCAN demandait que les taux soient tributaires de ceux applicables aux concerts de musique populaire. La Commission annonçait qu’elle remettait cette prémisse en question. Selon la Commission,

Il faut desserrer le lien établi jusqu’ici entre les concerts de musique classique et populaire. Les marchés semblent différents, tout comme le sont les défis financiers relevés dans chacun de ces secteurs de l’industrie du concert et les sources de financement [8] .

[10] En 2001, la Commission ajoute qu’elle souhaite pouvoir établir une redevance à l’égard de la musique classique de façon plus autonome [9] . Dans cette décision, la Commission fait passer progressivement sur une période de 5 ans le taux des redevances pour les concerts de musique classique (4.B.1) de 1,3 à 1,56 pour cent. Quant au taux de la redevance annuelle pour les séries de concerts de musique classique (4.B.3), il passe de 0,75 pour cent des recettes brutes au guichet à 0,96 pour cent.

[11] Seul le tarif pour les orchestres (Tarif 4.B.2) suivra un cours qui ne sera pas lié à l’évolution des tarifs pour les concerts de musique populaire. En effet, c’est un tarif homologué sur la base d’un projet de tarif ayant fait l’objet d’une entente entre la SOCAN et Orchestres Canada, prévoyant le rehaussement du taux de la redevance payée par les orchestres canadiens pour la période 2008-2012 [10] et pour 2013-2014 [11] .

[12] Dans différentes décisions prises au sujet du Tarifs 4.B depuis 1994, la Commission a parfois déploré le manque de données soumises par la SOCAN pour justifier son projet de tarif. Ainsi, en 2001, la Commission affirme que « [l]a preuve versée au dossier en ce qui concerne les concerts de musique classique était pour le moins superficielle. » [12] Elle ajoute :

La Commission est consciente du fait que les redevances attribuables à l’ensemble des concerts de musique classique ne dépassent pas le demi-million de dollars. Cela a nécessairement un impact sur l’importance des sommes que la SOCAN peut raisonnablement engager dans la compilation de données. La preuve versée au présent dossier portant sur l’utilisation de musique protégée durant ces concerts n’en est pas moins fort superficielle. La Commission aurait préféré disposer d’analyses plus détaillées, permettant de procéder à des vérifications à l’égard de chaque concert, et incluant, pour fins comparatives, les événements comportant uniquement de la musique du domaine public. Il se peut que les données pour les orchestres assujettis au tarif 4.B.2 soient suffisamment robustes pour servir de point de départ à ces calculs [13] .

[13] Une bonne partie de l’insatisfaction dont fait état la Commission au cours des dernières décennies vient de l’absence de données relatives au pourcentage d’œuvres de musique classique faisant partie du domaine public jouées lors des concerts. La dernière estimation du pourcentage de musique protégée par le droit d’auteur daterait d’une étude de 1993 [14] , soit il y a 28 ans. Une des caractéristiques du domaine public est que ce dernier s’enrichit au fil du temps des œuvres ou même des arrangements musicaux d’auteurs décédés depuis plus de 50 ans.

[14] Bien entendu, des compositeurs de musique classique contemporains viennent alimenter le répertoire des œuvres protégées par le droit d’auteur, mais nous nous contentons de souligner le caractère évolutif du contenu du domaine public et la nécessité pour la Commission d’obtenir de nouveau des renseignements concernant le contenu des concerts de musique classique qui est protégé par le droit d’auteur.

B. La présente instance

[15] Des projets de tarifs pour les concerts individuels de musique classique ont été publiés pour les années 2018, 2019, 2020-2021 et 2022-2024. Seul Restaurants Canada s’est opposé aux projets de tarif pour les années 2018 [15] et 2019 [16] , et ce sans en expliquer la raison. Dans une lettre datée du 10 février 2020, Restaurants Canada avait avisé la Commission qu’elle retirait son opposition aux projets de Tarif 4.B.2 pour les années 2018, 2019 et 2020-2021. Par son avis CB-CDA 2020-056 du 16 décembre 2020, la Commission a demandé à Restaurants Canada de confirmer par écrit son intention de participer au présent processus d’homologation. Restaurants Canada n’a pas répondu à cet avis dans le délai qui lui était imparti, soit jusqu’au 15 janvier 2021, et est donc réputé avoir cessé sa participation au processus d’homologation des projets de Tarif 4.B.

[16] Dans son avis CB-CDA 2021-018 du 5 mars 2021, la Commission a demandé à la SOCAN d’expliquer la raison justifiant que les redevances pour le Tarif 4.B.2 pour l’année 2018 diffèrent de celles homologuées pour 2015-2017, alors que celles-ci sont identiques à celles proposées pour 2019, 2020-2021 et 2022-2024. Dans une lettre datée du 5 mars 2021, la SOCAN a répondu qu’elle avait déjà avisé la Commission qu’une erreur avait été commise lors de la rédaction du projet de Tarif 4.B.2 pour l’année 2018 et que les redevances proposées pour 2018 étaient supposées être les mêmes que celles proposées pour 2019 à 2024.

[17] Par son avis CB-CDA 2021-042 du 19 août 2021, la Commission a cherché à mettre à jour les données de 1993 concernant la proportion d’œuvres protégées par le droit d’auteur, jouées lors de concerts de musique classique. Il s’agissait d’évaluer la part d’œuvres protégées par rapport à celle des œuvres du domaine public. Elle a donc demandé tant à la SOCAN qu’à Orchestres Canada et CAPACOA (soit les principaux représentants des utilisateurs des tarifs à l’étude) de lui fournir des données quantitatives mais aussi de répondre à la question suivante :

[Traduction] Dans la mesure où le répertoire de musique classique de la SOCAN a diminué, le taux du Tarif 4.B.2 et du Tarif 4.B.3, qui est calculé en tenant compte de tous les concerts, y compris ceux où aucune œuvre du répertoire de la SOCAN n’est exécutée, devrait-il être ajusté et, dans l’affirmative, comment?

[18] Seules la SOCAN et CAPACOA ont répondu à l’avis. Dans sa réponse, la SOCAN reconnait que le passage du temps fait en sorte que des œuvres protégées tombent dans le domaine public mais soutient que ce phénomène est compensé par la création de nouvelles œuvres protégées par le droit d’auteur. La SOCAN ajoute :

[Traduction] En outre, de nombreux orchestres et organismes de diffusion sont de plus en plus tenus de présenter un contenu canadien; ainsi, leurs événements comportent un pourcentage plus élevé de musique protégée par le droit d’auteur par rapport au répertoire classique traditionnel (principalement européen et plus ancien) que les événements du passé. [17]

[19] La SOCAN explique également qu’elle reçoit un nombre important [18] de listes d’œuvres présentées lors des concerts de musique classique par les utilisateurs des tarifs 4.B.2 et 4.B.3 et que ces listes sont analysées par son service chargé de distribuer les redevances perçues par la SOCAN. Pour ce faire, on analyse les listes en fonction du statut de l’œuvre (faisant partie du répertoire de la SOCAN ou non) ainsi que de sa durée. Les données fournies par la SOCAN portent sur une période de 10 ans soit de 2009 à 2018 et son analyse concerne les années 2011 à 2018.

[Traduction] Les données indiquent que la quantité de musique protégée par le droit d’auteur utilisée lors de concerts de musique classique en tant que pourcentage de la musique totale utilisée, en fonction de la durée, est demeurée généralement constante au cours de la dernière décennie et, à la question de la Commission, elle est conforme à « 37 % de la durée » pour 1993, chiffre qui a été présenté en preuve devant la Commission dans la décision susmentionnée.

[20] Enfin, la SOCAN fait valoir que la clause voulant que les concerts ne présentant pas d’œuvres faisant partie de son répertoire soient inclus dans le calcul de la redevance est en application depuis près de quatre décennies, qu’elle simplifie la gestion des deux tarifs et qu’elle n’a pas pour effet d’inciter l’utilisation d’un moins grand nombre d’œuvres protégées par le droit d’auteur.

[21] La réponse présentée par CAPACOA le 1er octobre 2021 fait part à la Commission de l’absence de données en ce qui a trait au pourcentage d’œuvres provenant du répertoire de la SOCAN présentées par les utilisateurs des tarifs 4.B.2 et 4.B.3. CAPACOA ajoute :

[Traduction] Mais un ratio révisé devrait-il correspondre exactement à la proportion d’œuvres protégées par rapport aux œuvres du domaine public exécutées? Pas nécessairement. Les décisions relatives aux taux tarifaires ne devraient pas récompenser ou encourager l’exécution d’œuvres du domaine public par rapport aux œuvres encore protégées par le droit d’auteur. Même si la proportion réelle était, hypothétiquement, aussi faible que 10 %, il serait raisonnable pour la Commission du droit d’auteur de fixer les tarifs en fonction d’une proportion plus élevée, afin d’encourager la programmation et l’exécution d’un plus grand nombre d’œuvres de musique contemporaine protégées [19] .

[22] La Commission se réjouit d’avoir obtenu des données afin d’appuyer ses conclusions dans le présent processus d’homologation du tarif pour les concerts de musique classique et remercie la SOCAN et CAPACOA pour leurs réponses.

III. Enjeu

[23] L’enjeu unique de la présente procédure est de savoir si le projet de tarif pour les concerts de musique classique est juste et équitable. Nous analyserons notamment les dispositions prévoyant que la programmation d’un orchestre ou la saison artistique d’un diffuseur soient, en vertu des tarifs 4.B.2 et 4.B.3, sujettes au paiement d’une redevance annuelle, que la musique jouée à l’occasion de leurs concerts soit constituée ou non d’œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN.

IV. Analyse

A. Le tarif pour les concerts individuels (4.B.1)

[24] Le premier tarif que nous devons analyser est le Tarif 4.B.1 qui concerne les concerts individuels de musique classique. Les projets de tarifs ne comportent aucun changement quant au taux des redevances par rapport au dernier tarif homologué, taux qui est fixé à 1,56 pour cent des recettes brutes au guichet ou, lors d’un concert gratuit, à 1,56 pour cent des cachets versés aux chanteurs, musiciens, danseurs, chef d’orchestre et autres artistes-interprètes sous réserve, dans les deux cas, d’une redevance minimale de 35 $ par concert.

[25] Puisque les taux proposés correspondent à ceux précédemment homologués pour la même utilisation, ces derniers taux représentent le meilleur point de référence applicable pour la période tarifaire ici visée. Nous n'avons aucune information qui nous inciterait à les remettre en question.

[26] Nous décidons toutefois de modifier légèrement le texte des modalités afin de le rendre plus clair. En effet, le texte introductif du projet de tarif prévoit que :

Pour une licence permettant l’exécution, par des exécutants en personne à un concert pendant l’année 2018, de l’une ou de la totalité des œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN, à l’occasion de concerts ou de récitals de musique classique, (…). [nous soulignons]

[27] La première référence aux mots « à un concert » est inutile et nous décidons de la radier du tarif. Le paragraphe se lirait donc ainsi : « Pour l’exécution, par des exécutants en personne, pendant les années 2018 à 2024, de l’une ou de la totalité des œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN, à l’occasion de concerts ou de récitals de musique classique… ». Cette modification au texte du tarif n’entraîne aucune modification à son application pratique. De plus, comme nous l’avons fait récemment dans un autre dossier, nous supprimons les références au terme « licence » afin de distinguer les termes « tarif » et « licence » [20] .

[28] Il est bon de mentionner que la redevance principale du Tarif 4.B.1 s’ajuste automatiquement aux mesures sanitaires que peuvent avoir adopté les autorités gouvernementales lors de la pandémie de la COVID-19. En effet, les évènements annulés ne génèrent aucune redevance et la baisse des recettes brutes au guichet qu’entraineraient les mesures sanitaires, comme la limitation de la capacité des salles où sont présentés les concerts de musique classique, ajusteront à la baisse les redevances que doivent verser les utilisateurs en fonction de la baisse des recettes au guichet. Quant à la redevance minimale, son montant est suffisamment peu élevé pour que son maintien soit justifié dans un contexte de pandémie.

B. Le tarif à redevance annuelle pour orchestre (4.B.2)

[29] Nous avons déjà évoqué les circonstances particulières de la naissance de ce tarif par suite d’une entente de l’ACO avec la SOCAN et ce, sans que la Commission ou sa prédécesseure n’en ait été informée au préalable (voir supra par 7). Les relations entre la SOCAN et Orchestres Canada (successeur de l’ACO) semblent cordiales, puisque plusieurs projets de tarifs ont fait l’objet d’ententes au cours des quarante dernières années. Durant cette période, les taux ont pourtant doublé par rapport aux taux adoptés en 1994 par la Commission et ces taux augmentent en fonction des budgets annuels des orchestres. Plus leur budget augmente, plus la redevance annuelle des orchestres est élevée. Pour la période sous étude, aucune hausse n’est proposée et les modalités du tarif sont inchangées. Aucune opposition n’a été soulevée ni par Orchestres Canada, ni par l’un ou l’autre de ses membres.

[30] Nous étions préoccupés par le peu de données fournies par la SOCAN au soutien des projets de tarif. Comme les dernières données fournies par la SOCAN dataient de 1993, nous avons questionné la SOCAN quant au pourcentage d’œuvres provenant de son répertoire jouées à l’occasion des concerts de musique classique offerts par les orchestres canadiens. La SOCAN a mesuré ce pourcentage en analysant les listes d’œuvres jouées par les utilisateurs du Tarif 4.B.2 et 4.B.3 pendant les années 2011-2019. Ces listes, assemblées à partir de plusieurs sources, dont les utilisateurs eux-mêmes, sont aléatoires à toute fin pratique, au sens où elles sont indépendantes du calcul des redevances exigibles. À partir de ces listes et des concerts pour lesquels des redevances ont été distribuées par la SOCAN à ses membres, la SOCAN a analysé le pourcentage moyen d’œuvres protégées par le droit d’auteur, pondéré par la durée de l’œuvre musicale. Ce pourcentage indique ainsi la proportion d’œuvres protégées parmi l’ensemble des œuvres exécutées durant la période étudiée. On observe ainsi que pour cette période, le pourcentage calculé – soit entre 43 et 53% – est stable et cohérent avec le pourcentage retenu par la Commission dans le passé – soit 37%. Un ajustement aurait pu être justifié si le pourcentage avait été inférieur à 37%.

[31] Nous considérons que la méthode avancée par la SOCAN est valable au plan statistique compte tenu du caractère aléatoire de l’échantillon analysé et sa pondération en fonction de la durée des œuvres jouées. Nous retenons aussi l’argument mis de l’avant par la SOCAN selon lequel cette clause facilite tant pour elle que pour les utilisateurs l’administration du tarif. Le fait qu’Orchestres Canada n’ait pas soumis d’observations et ait dans le passé soutenu des projets de tarif qui incluaient cette clause semblent renforcer les prétentions de la SOCAN à ce sujet.

[32] Compte tenu de ce qui précède, nous retenons qu’aucun nouvel ajustement ne serait justifié pour tenir compte de la proportion de musique du domaine public dans la programmation annuelle des orchestres.

[33] Ainsi, en ce qui concerne les redevances proposées dans les projets de tarif, celles-ci ne posent aucun problème particulier puisqu’elles ne présentent aucune augmentation par rapport au dernier tarif homologué. Ces redevances représentent le meilleur point de référence applicable pour la période tarifaire ici visée. Nous n'avons aucune information qui nous inciterait à les remettre en question. Comme nous l’avons déjà noté (voir supra par 16), l’erreur du projet de tarif pour l’année 2018 est corrigée pour ramener la redevance au même niveau que celui des autres années. Pour 2018 à 2024, les redevances proposées par la SOCAN – tel qu’indiquées dans le tableau ci-dessous – sont acceptées.

Budget annuel de l’orchestre

Redevance × nombre total de concerts

0 $ à 100 000 $

73$

100 001 $ à 500 000 $

117$

500 001 $ à 1 000 000 $

191$

1 000 001 $ à 2 000 000 $

238$

2 000 001 $ à 5 000 000 $

398$

5 000 001 $ à 10 000 000 $

436$

Plus de 10 000 000 $

477$

[34] Comme les redevances du présent tarif sont basées sur le nombre de concerts, le tarif s’ajustera automatiquement aux effets des mesures décrétées par les autorités gouvernementales pour lutter contre la pandémie de la COVID-19 tant et aussi longtemps que celles-ci seront en vigueur. Il n’y a donc aucune mesure spécifique à adopter pour tenir compte des effets la pandémie sur les utilisateurs du tarif.

C. Le tarif à redevance annuelle pour diffuseurs (4.B.3)

[35] Comme nous l’avons mentionné précédemment, le Tarif 4.B.3 est né à la suite de la demande de la CAPACOA (voir supra par 8). Si les modalités du tarif sont semblables à celles applicables aux orchestres, la structure tarifaire s’éloigne de ce modèle et se rapproche de la structure tarifaire des concerts individuels. Toutefois, contrairement aux taux pour les concerts de musique populaire qui sont identiques tant pour les redevances annuelles que pour les redevances par concert [21] , les taux diffèrent pour les concerts de musique classique.

[36] En effet, alors que nous avons vu plus haut (voir supra par 10) que le taux est de 1,56 pour cent pour les concerts individuels, le taux de la redevance annuelle applicable aux diffuseurs est de 0,96 pour cent. Ces mêmes tarifs sont en vigueur depuis 2002 et n’ont pas été ajustés par la suite [22] . Aucune augmentation n’est prévue pour la période 2018 à 2024. Puisque les redevances proposées correspondent à celles précédemment homologuées pour la même utilisation, ces taux représentent également le meilleur point de référence applicable pour la période tarifaire ici visée. Nous n'avons aucune information qui nous inciterait à la remettre en question. Au contraire, compte tenu des données fournies par la SOCAN sur la proportion des œuvres protégées par rapport à celle des œuvres du domaine public jouées au cours de la saison artistique proposées par les diffuseurs, nous maintenons le taux proposé par la SOCAN pour le Tarif 4.B.3 pour les mêmes raisons exposées pour le Tarif 4.B.2.

[37] Tout comme nous l’avons fait pour le Tarif 4.B.1, nous modifions le texte des modalités du tarif pour le rendre plus clair :

Pour l’exécution, par des exécutants en personne à un concert pendant les années de 2018 à 2024, de l’une ou de la totalité des œuvres faisant partie du répertoire de la SOCAN, dans le cadre d’une série de concerts ou de récitals de musique classique (…)

[38] Pour les raisons exprimées plus haut, nous supprimons la référence au terme « licence ».

[39] Pour les mêmes raisons que celles évoquées pour le tarif à redevance annuelle pour orchestres (Tarif 4.B.2), il n’y a pas lieu de prendre des mesures pour tenir compte des effets de la pandémie de la COVID-19 puisque les redevances principales s’ajusteront automatiquement au volume d’activités des diffuseurs ainsi qu’au niveau de revenus tirés de leurs concerts. Quant à la redevance minimale, son montant est suffisamment peu élevé pour que son maintien soit justifié dans un contexte de pandémie.

V. conclusion

[40] Pour les motifs susmentionnés, nous homologuons les projets de tarif à l’étude sous la désignation Tarif 4.B de la SOCAN - Exécutions par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concert, théâtres ou autres lieux de divertissement – Concerts de musique classique (2018-2024).

[41] Nous apportons une correction mineure au texte des modalités des projets de Tarif 4.B.1 et 4.B.3 pour les rendre plus clairs et précis ainsi qu’une correction au taux du projet de Tarif 4.B.2 pour l’année 2018 par rapport au taux qui avait été initialement proposé.

 



[1] Pour l’historique du Tarif 4 de la SOCAN, voir Tarifs des droits à percevoir pour l’exécution ou la communication par télécommunication au Canada d’œuvres musicales ou dramatico-musicales en 1992, 1993 et 1994, (12 août 1994), Commission du droit d’auteur, pp 24-28 [Tarifs divers de la SOCAN 1994], en ligne : <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/en/item/366522/index.do?q=Various+Tariffs>

[2] Rapport final de la Commission d’appel du droit d’auteur pour l’année civil 1983, (26 Mai 1983), p 13.

[3] Tarifs divers de la SOCAN (1994), supra note 1, pp 52-53.

[4] Aujourd’hui Orchestres Canada.

[5] Tarifs divers de la SOCAN (1994), supra note 1, p 54.

[6] Ibid. p 55.

[7] Ibid. aux pp 58-59. (Ce taux fut fixé à 0,75 pourcent.) Ibid. p 60.

[8] Tarifs pour l’exécution publique de la musique de la SOCAN 1994-1997, (20 septembre 1996), Commission du droit d’auteur, p 21. [Tarifs pour l’exécution publique SOCAN 1994-1997], en ligne : <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/en/item/366531/index.do >

[9] Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN pour l’exécution en public oula communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales 1998-2002, (15 juin 2001), Commission du droit d’auteur, p 10. [Tarifs 4.A, 4.B.1, 4.B.3, 5.B – Concerts – 1998-2002], en ligne : <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366557/index.do >

[10] Tarif sur l’exécution publique d’œuvres musicales de la SOCAN, (20 mars 2008), Commission du droit d’auteur, para 42. (La décision portant sur le Tarif 4.B.2 porte sur la période 2008-2012.), en ligne : <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366614/index.do?q=20+mars+2008>

[11] Tarif 4 (Concerts) de la SOCAN (2009-2014), (25 juillet 2014), Commission du droit d’auteur, para 66. (La décision portant sur le Tarif 4.B.2 porte sur la période 2013-2014), en ligne : < https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/en/item/366748/index.do?q=Tariff+4>

[12] Tarifs 4.A, 4.B1, 4.B.3, 5.B de la SOCAN (1998-2002), supra note 9, p 10.

[13] Ibid. p 15.

[14] Tarifs divers de la SOCAN (1994), supra note 1, p 59.

[15] Lettre de Restaurant Canada du 28 juin 2017. Opposition aux projets de Tarifs 4.B.1, 4.B.2 et 4.B.3 pour 2018.

[16] Lettre de Restaurant Canada du 27 juin 2018. Opposition aux projets de Tarif 4.B.1 pour 2019.

[17] SOCAN, Réponse à l’avis CB-CDA 2021-047, (1er octobre 2021.) [Réponse SOCAN 1er octobre 2021] La réponse de la SOCAN fournit des données pour 2009 à 2018 qui montrent que 43% du temps des concerts soumis au Tarif 4.B.2 est consacré à la musique protégée par le droit d’auteur. Pour le Tarif 4.B.3, cette proportion serait plutôt de 53%.

[18] Les orchestres canadiens transmettent des listes des œuvres jouées lors des concerts de musique classique entre 56 et 65 pour cent du temps selon les données fournies par SOCAN pour les années 2015 à 2019 alors que pour les présentateurs de séries de concerts de musique classique ce pourcentage se situerait entre 16 et 56 pour cent. Ibid.

[19] CAPACOA, Réponse à l’avis CB-CDA 2021-047, (1er octobre 2021).

[20] Tarif 9 de la SOCAN (2018-2023), 2021 CDA 9, Commission du droit d’auteur, para 30, en ligne : <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/en/item/512205/index.do?q=tariff+9+socan> Voir aussi Université York c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2021 CSC 32.

[21] Dans les deux cas, les taux de redevance sont fixés à 3 pour cent des recettes brutes au guichet des concerts payants, à l’exclusion de toute taxe applicable, sous réserve d’une redevance minimale par concert de 35 $ ou de 3 pour cent des cachets versés aux chanteurs, musiciens, danseurs, chefs d’orchestre et autres interprètes participant à un concert gratuit, sous réserve de cette même redevance minimale de 35 $

[22] Voir Tarifs pour l’exécution publique - SOCAN (1998-2002), supra note 9.

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