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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2021-12-17

 

Référence

SCPCP – Tarif pour la copie privée (2022-2024), 2021 CDA 12

 

Commissaires

Katherine Braun

L’honorable Luc Martineau

René Côté

 

Projet de tarif examiné

Tarif des redevances à percevoir par la SCPCP en 2022, 2023 et 2024 sur la vente, au Canada, de supports audio vierges

Homologation du projet de tarif

sous le titre

SCPCP – Tarif pour la copie privée (2022-2024)

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. INTRODUCTION

[1] La Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) est un organisme-cadre qui représente les auteurs-compositeurs, les artistes-interprètes, les éditeurs de musique et les maisons de disques par l’intermédiaire de ses sociétés de gestion membres, à savoir l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux, la société de gestion de la musique Ré:Sonne et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Depuis le 31 décembre 2018, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) n’est plus membre de la SCPCP, bien que cette dernière conserve le mandat de percevoir et de distribuer les redevances à la SODRAC.

[2] La SCPCP a déposé à la Commission du droit d’auteur (la « Commission ») son premier projet de tarif pour la copie privée en 1998. Dans le cadre de chacune des procédures subséquentes, la Commission a évalué la preuve de nouveau (« de novo ») en fonction des observations présentées.

[3] Le 15 octobre 2020, conformément à l’article 83 de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la Loi), la SCPCP a déposé son projet de tarif des redevances à percevoir sur la vente, au Canada, de supports audio vierges, aux fins de la copie pour usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent (« copie privée ») pour les années 2022, 2023 et 2024 (le « projet de tarif »).

[4] Les supports audio vierges sont définis dans le projet de tarif comme les disques audionumériques enregistrables (CD-R, CD-RW, CD-R Audio et CD-RW Audio) fabriqués au Canada ou importés (conjointement « CD vierges »).

[5] Le 23 octobre 2020, le projet de tarif a été publié sur le site Web de la Commission. On y propose une redevance de 29 ¢ pour chaque CD vierge vendu. Il n’y a aucun opposant à ce projet de tarif.

[6] Une analyse attentive de la preuve nous permet de conclure que le projet de tarif constituera la base d’un tarif juste et équitable pour la période 2022-2024. En particulier, la preuve appuie raisonnablement notre conclusion que les CD seront considérés comme un support « habituellement utilisé » pour copier de la musique en 2022, 2023 et 2024. Ainsi, nous approuvons la redevance de 29 ¢ pour chaque CD vierge vendu au Canada, à être perçue par la SCPCP pendant la durée du tarif homologué.

[7] Pour les raisons suivantes, nous homologuons le projet de tarif sous le titre SCPCP – Tarif pour la copie privée (2022-2024).

II. CONTEXTE

[8] Dans la présente section, nous résumons le contexte juridique du régime de copie privée et discutons de la signification de « habituellement utilisé » par les consommateurs pour copier de la musique.

[9] Le régime de copie privée a été établi en 1998. La partie VIII de la Loi prévoit son régime législatif. Elle indique que la copie faite par un consommateur, pour son usage privé, d’un enregistrement sonore sur un « support audio » ne constitue pas une violation du droit d’auteur [2] .

[10] En contrepartie, le régime prévoit que les auteurs, artistes-interprètes et producteurs d’enregistrements sonores admissibles ont le droit de recevoir une rémunération des fabricants et des importateurs de supports audio vierges eu égard à la reproduction sur un « support audio » pour usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent [3] . Cette rémunération prend la forme d’une redevance établie par la Commission, à être payée pour tout support audio vierge vendu au Canada [4] .

[11] Tous les types de supports utilisés pour copier de la musique ne sont pas assujettis au paiement d’une redevance. Conformément à la Loi, seul un « support audio » peut faire l’objet d’une redevance, défini par l’article 79 comme tout support audio « habituellement utilisé » par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores. Si un support n’est pas utilisé à cette fin, il ne se qualifie pas comme « support audio » et le droit à rémunération ne s’applique pas.

A. Sens de l’expression habituellement utilisé par les consommateurs pour copier de la musique

[12] Le rôle de la Commission est d’évaluer la preuve présentée et de se faire une impression relativement au caractère habituel de l’utilisation. Comme il a été énoncé dans le cadre de décisions précédentes, une « conclusion selon laquelle un support sert habituellement à des fins privées découle d’impressions, compte tenu non seulement des niveaux, mais aussi des tendances » [5] .

[13] La Loi est muette sur la façon d’évaluer le « caractère habituel ». La Commission a dû interpréter la notion de « habituellement utilisé par les consommateurs » en 1999 dans sa première décision relative au régime de copie privée [6] .

[14] À l’époque, la SCPCP affirmait que si un support était utilisé régulièrement ou normalement par des consommateurs pour copier de la musique, il serait habituellement utilisé pour copier de la musique et se qualifierait donc de support audio selon la Loi. Inversement, la Canadian Storage Media Alliance (CSMA), qui représentait les importateurs de supports audio vierges, indiquait que la redevance ne devrait s’appliquer qu’aux supports les plus souvent utilisés pour copier de la musique, ce qui devait exclure les supports dont la part du marché était marginale.

[15] Après avoir examiné des décisions des tribunaux et des sources de référence, et analysé les principes d’interprétation législative, y compris l’objet du régime, la Commission a conclu que le caractère habituel comportait une connotation de cohérence et de régularité, plutôt que de quantité ou de fréquence. Ainsi, pour qu’une activité ait un caractère habituel, elle n’a pas besoin d’être l’activité principale d’une personne, pour autant qu’elle ne soit pas rare, anormale ou minime [7] .

[16] En appliquant cette interprétation large au contexte de la Loi, la Commission a conclu que le caractère habituel de l’utilisation, comme il en est fait référence dans la définition de support audio, signifiait que seuls les médias clairement non utilisés pour copier de la musique ne feraient pas l’objet d’une redevance. Ainsi, la notion de caractère habituel devait être interprétée comme comprenant toutes les utilisations non négligeables [8] . La Commission a ajouté que puisque la définition de support audio se rapporte à l’utilisation habituelle par des consommateurs, l’analyse devait porter sur ceux qui utilisaient le support plutôt que sur ceux qui utilisaient d’autres supports pour copier de la musique [9] .

[17] Lors du contrôle judiciaire de la décision [10] , le demandeur, la CSMA, avait fait valoir que les mots « habituellement utilisé » auraient dû être interprétés par la Commission comme signifiant ordinairement, communément ou principalement. La CSMA avait également suggéré une approche permettant de déterminer si un support était habituellement utilisé pour copier de la musique, à savoir que l’utilisation ne devait être considérée comme habituelle que si l’on utilisait un support pour copier de la musique au moins la moitié du temps. La Cour a rejeté la demande de la CSMA, affirmant qu’une approche fondée uniquement sur un pourcentage serait arbitraire [11] . Par ailleurs, la Cour a convenu avec la Commission que, puisque la définition de « support audio » comprend les mots « par les consommateurs », c’était l’utilisation par les consommateurs qui devait être ordinaire et non l’utilisation du produit en général [12] .

[18] L’évaluation que fait la Commission de la preuve relative à la copie privée peut comprendre des considérations tant qualitatives que quantitatives. Dans les premières années du régime, l’utilisation de certains supports en vue de copier de la musique était relativement nouvelle et la Commission ne possédait que peu de connaissances sur la façon dont certains supports étaient utilisés. L’analyse de la Commission portait sur des considérations qualitatives pour déterminer si un support audio était « habituellement utilisé » [13] . Dans les années suivantes, au fur et à mesure qu’un plus grand nombre de preuves quantitatives devenaient disponibles, l’analyse de la Commission du caractère habituel de l’utilisation des CDs vierges devint plus axée sur les données, se concentrant sur plusieurs variables afin de déterminer si un support était « habituellement utilisé ». Par exemple, la Commission a examiné les données présentées par la SCPCP, comme le nombre de pistes copiées sur des CD vierges, le nombre de CD vierges achetés et le pourcentage de CD vierges utilisés par des consommateurs pour copier de la musique. Le poids accordé par la Commission à ces données et à ces considérations qualitatives a varié au cours des années, selon son évaluation de la fiabilité et de la suffisance de la preuve présentée.

III. Questions

[19] Dans le cadre de cette instance, nous devons d’abord déterminer si les CD vierges se qualifient comme support audio, selon la définition de l’article 79 de la Loi. Si nous sommes d’avis que les CD vierges se qualifient comme supports audio pour copier de la musique en 2022, 2023 et 2024, nous devons ensuite déterminer quelle sera la redevance à être versée par les fabricants et manufacturiers de CD vierges pour ces années.

[20] Notre analyse a porté sur deux questions pertinentes :

  1. Les CD vierges seront-ils « habituellement utilisés » par des consommateurs pour copier des œuvres musicales en 2022, 2023 et 2024?
  2. Si la réponse est affirmative, quelle devrait être la redevance sur la vente de CD vierges en 2022, 2023 et 2024?

IV. Preuve

[21] Le 30 juillet 2021, la SCPCP a déposé sa preuve auprès de la Commission. En résumé, elle affirme que, considérés globalement, la prévision quant au nombre de pistes qui seront copiées, la prévision qu’un quart de CD vierges achetés seront utilisés pour copier de la musique ainsi que des signes d’un marché actif de ventes de CD vierges indiquent que les CD vierges seront « habituellement utilisés » par des consommateurs pour copier de la musique en 2022-2024. La SCPCP soutient également que la Commission devrait approuver une redevance de 29 ¢ pour chaque CD vierge vendu, à être perçu par la SCPCP au cours de ces mêmes années [14] .

[22] Au soutien de son projet de tarif, la SCPCP s’appuie sur les éléments de preuve soumis par trois témoins : Lisa Freeman, Directrice générale, SCPCP, Marcel Boyer, professeur émérite et Benoît Gauthier, Président, Réseau Circum Inc.

A. Lisa Freeman, Directrice générale, SCPCP

[23] Madame Freeman a déposé un témoignage écrit présentant la direction et le personnel de la SCPCP, sa situation financière, la distribution des redevances et l’application du tarif [15] . Une annexe à ce témoignage comprenait les données du NPD Group sur le nombre de CD vierges vendus et les prix de vente.

B. Marcel Boyer, Professeur émérite

[24] Dans son témoignage écrit, le professeur Boyer [16] indique que les données mises à jour sur le prix de vente de détail des CD vierges et les résultats du sondage de veille musicale (SVM) pour 2021 déposés en preuve n’ont pas modifié son opinion sur la pertinence de la redevance de 29 ¢. Il estime que, du fait que les données mises à jour sont en général similaires aux données déposées lors de procédures antérieures sur la copie privée, l’absence de tout changement significatif laisse entendre qu’il n’y a pas de raison d’ajuster la redevance proposée.

[25] Le professeur Boyer s’est également prononcé sur deux critères énoncés à l’article 66.501 de la Loi. En ce qui concerne l’alinéa 66.501a), il affirme que le marché de détail canadien des CD vierges est concurrentiel, qu’il n’a pas connaissance de quelque préoccupation que ce soit à propos du marché des CD vierges et que tous les marchés sont « raisonnablement concurrentiels » à moins de preuve du contraire.

[26] Le témoignage du professeur Boyer, qui fait écho à l’alinéa 66.501b) de la Loi, tient également compte de l’intérêt public relativement à la redevance proposée. Il explique qu’il a examiné trois éléments : le caractère équitable de la redevance proposée, son incidence et la capacité de payer. Il conclut qu’une redevance de 29 ¢ répond à ces trois éléments.

C. Benoît Gauthier, Président, Réseau Circum inc.

[27] M. Gauthier a fourni des prévisions sur les habitudes de copie privée de musique au Canada pour les années 2022, 2023 et 2024 en utilisant les données du SVM effectué par le Réseau Circum Inc. La méthode suivie par ce dernier est demeurée la même pendant la période de 2001-2016, mais la méthode de sondage de M. Gauthier est passée en 2019 d’un questionnaire téléphonique à un questionnaire en ligne. Il affirme que le sondage en ligne est plus pratique et précis et que les données du sondage sont représentatives de la population canadienne âgée de 13 ans et plus [17] . Les prévisions de M. Gauthier sont résumées ci-dessous.

i. Nombre de pistes copiées

[28] Le calcul du nombre de pistes copiées était auparavant fondé sur les données annuelles du SVM, mais ce sondage est devenu occasionnel après l’année de sondage 2013-2014. M. Gauthier utilise la méthode préférée de la Commission dans ses prévisions [18] . Selon celles-ci, il y aura moins de pistes copiées sur des CD vierges chaque année; pour 2022, il prévoit que 227,7 millions de pistes seront copiées sur des CD vierges, ce nombre diminuant à 224,5 millions de pistes (2023) et à 221,3 millions de pistes (2024).

ii. Nombre de CD vierges achetés par des particuliers

[29] Avant 2019, M. Gauthier utilisait des données du Santa Clara Consulting Group [19] , qui ne sont plus produites, combinées à des questions d’ancrage du SVM, pour calculer le nombre de CD vierges achetés par des consommateurs sur le marché canadien.

[30] Dans Copie privée 2020-2021 [20] , M. Gauthier a utilisé une nouvelle méthode. Utilisant des données sur les redevances annuelles perçues par la SCPCP à partir de la vente de CD vierges, il a prévu le nombre de CD vierges achetés par des particuliers. Dans sa décision, la Commission a conclu que les résultats du SVM n’étaient pas « parfaits », mais « suffisamment fiables » et elle a accepté ces prévisions. Cependant, la méthode utilisant les redevances annuelles perçues pour déterminer le nombre de CD vierges achetés n’a pas été jugée une mesure fiable, du fait qu’elle avait été créée à partir d’un raisonnement « circulaire » [21] .

[31] Dans la présente instance, M. Gauthier n’a pas utilisé les données sur les redevances annuelles perçues pour évaluer le nombre de CD vierges achetés. Les données du NPD Group sur le volume de CD vierges achetés ont plutôt été utilisées. Ce groupe recueille des données sur les ventes dans les « points de vente » de plus de 8 100 commerces au Canada, y compris les sites web, les applications mobiles et les magasins traditionnels. Ce groupe affirme que ses données saisissent 80 % de l’ensemble des ventes de CD vierges sur le marché de détail au Canada [22] .

[32] Selon les prévisions de M. Gauthier, 2,42 millions de CD vierges auront été achetés par des consommateurs en 2021, ce nombre diminuant à 1,96 million (2022), puis à 1,58 million (2023) et à 1,28 million (2024).

iii. Pourcentage de CD vierges utilisés pour copier de la musique

[33] M. Gauthier a utilisé les données du SVM pour calculer le pourcentage de CD vierges achetés pour copier de la musique. L’utilisation de CD vierges continue de diminuer depuis 2006, quand 53 % de tous les CD vierges achetés par des consommateurs étaient utilisés pour copier de la musique. En 2019, ce nombre a diminué à 30 % de CD vierges utilisés à cette fin.

[34] M. Gauthier prévoit que 26 % des CD vierges achetés seront utilisés pour copier de la musique en 2022, ce nombre diminuant à 25 % (2023) et à 24 % (2024).

iv. Prix des CD vierges

[35] M. Gauthier a utilisé les données du NPD Group pour fournir des estimations sur les prix de détail des CD vierges vendus au Canada pour la période 2017-2020. Les prix de détail de ces CD sont restés relativement stables ; ils sont fonction de l’emballage (paquets de 100, de 50 ou de 10 CD). Comme le prix de détail dépasse largement les 29¢ par CD vierge, la SCPCP affirme que la redevance représente un transfert complet des coûts vers l'acheteur individuel [23] . C’est la première fois que des données du NPD Group sont utilisées lors d’une instance sur le tarif de la copie privée.

V. Analyse de la preuve

A. Importance de disposer de données fiables et en nombre suffisant

[36] La Loi prévoit que la Commission fixe les taux de redevances et les modalités connexes de manière juste et équitable [24] . Pour ce faire, la Commission exige une preuve fiable et suffisante.

[37] Dans Copie privée 2020-2021, la Commission a indiqué que les données présentées par la SCPCP n’étaient « pas aussi récentes qu’elles pourraient l’être » [25] et que la preuve présentée était devenue moins fiable. Les motifs de la décision comportaient des suggestions quant à certains moyens que la SCPCP pourrait prendre afin d’améliorer sa preuve.

[38] Ainsi, le 23 février 2021, dans le cadre de la présente instance, la Commission a publié l’avis CB-CDA 2021-015, comportant des questions pour la SCPCP. Cette dernière a déposé sa réponse à l’avis dans son énoncé de cause.

B. Question 1 : Les CD vierges seront-ils habituellement utilisés pour copier de la musique en 2022-2024?

[39] Notre décision sur l’utilisation habituelle de CD vierges par des consommateurs pour copier de la musique pendant la durée du projet de tarif comprend la considération du sens de l’expression « habituellement utilisé » et de la preuve fournie.

[40] Dans Copie privée 2020-2021, la Commission a accepté que les prévisions de deux variables – le nombre de pistes copiées sur des CD vierges et le pourcentage de tels CD utilisés pour copier de la musique – étaient suffisamment fiables pour conclure que les CD vierges seraient « habituellement utilisés » par des consommateurs pour copier de la musique. Dans la présente instance, la preuve relative à ces deux variables pour la période 2022-2024 sert à soutenir notre évaluation du caractère habituel, en plus d’une autre, le nombre de CD vierges qui seront achetés par des consommateurs.

[41] Nous souscrivons généralement aux prévisions de M. Gauthier sur le nombre de pistes qui seront copiées sur des CD vierges. De plus, nous concluons que les données du NPD Group sont satisfaisantes et que les prévisions sont fiables. La couverture des données du NPD Group représente une part importante des ventes de détail de CD vierges au Canada. Enfin, nous acceptons aussi généralement que la part de CD vierges qui seront utilisés pour copier de la musique, que la prévision situe entre 24 et 26 % au cours de la durée du tarif, est indicative d’une utilisation habituelle.

[42] Nous considérons donc que les prévisions pour les trois variables déposées en preuve, c’est-à-dire le nombre de pistes copiées sur des CD vierges, le pourcentage de CD vierges utilisés pour copier de la musique et le nombre de CD achetés, sont suffisamment adéquates pour nous permettre d’avoir une impression quant au caractère habituel de l’utilisation. Considérées ensemble, ces prévisions indiquent une utilisation « non négligeable » de CD vierges aux fins de copie privée au cours de 2022-2024. À notre avis, ces prévisions nous permettent de conclure que les CD vierges seront « habituellement utilisés » par des consommateurs pour copier de la musique pendant la durée du tarif.

[43] Toutefois, nous sommes d’avis que des modifications de conception du SVM au cours des dernières années ont entraîné des problèmes de fiabilité des données. Le SVM fonctionne maintenant à partir de panels préexistants plutôt que par échantillonnage aléatoire de la population canadienne. Bien que toutes les prévisions comprennent un certain degré d’erreur, l’utilisation des mêmes panels préexistants de manière répétée peut fausser les données du SVM et soulève des questions sur la représentativité des répondants au sondage vis-à-vis la population canadienne. Un retour à l’échantillonnage aléatoire serait une amélioration.

C. Question 2 : Quelle devrait être la redevance à percevoir sur la vente de CD vierges en 2022-2024?

[44] Avant la décision Copie privée 2012-2014, la redevance avait été fixée à 29 ¢ conformément au modèle de Stohn-Audley [26] . Le montant de la redevance est resté à 29 ¢ depuis. Nous n’avons connaissance d’aucune opposition à la redevance ou preuve selon lesquelles celle-ci serait injuste, inappropriée ou inéquitable et devrait donc être modifiée.

[45] Divers participants du marché (fabricants, importateurs, grossistes, détaillants et consommateurs) ont développé des attentes qui intègrent la redevance de 29 ¢. Les plans d’affaires intègrent la redevance et un certain degré de transfert de la redevance. Comme il a été remarqué ci-dessus, le prix de détail d’un CD vierge dépasse 29 ¢, ce qui est compatible avec un marché intégrant la redevance qui fonctionne bien. Il semble aussi raisonnable de conclure que la redevance de 29 ¢ est acceptée par les personnes qui en bénéficient.

[46] Nous concluons donc qu’une redevance de 29 ¢ par CD vierge acheté par un consommateur dans le marché canadien au cours de la période 2022-2024 est juste et équitable.

D. Quelle est la répartition appropriée de la redevance entre les titulaires de droits?

[47] L’article 84 de la Loi exige que nous répartissions la redevance entre les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores. Le pourcentage applicable à chaque groupe de titulaires de droits correspond à la part de ce groupe relativement à toutes les copies privées du répertoire admissible. On ne nous a pas demandé de modifier la répartition et nous n’avons aucune raison de croire que la répartition actuelle n’est plus appropriée. Ainsi, les auteurs recevront 58,2 % des redevances, les artistes-interprètes 23,8 et les producteurs 18,0 %.

VI. Décision

[48] Ayant analysé la preuve, nous concluons que le projet de tarif forme la base d’un tarif juste et équitable pour la période 2022-2024, conformément à l’article 66.501 de la Loi.

[49] Nous concluons que certaines des preuves présentées sont raisonnablement étayées pour nous permettre de conclure que les CD vierges seront « habituellement utilisés » pour copier de la musique en 2022, 2023 et 2024. Nous concluons aussi qu’une redevance de 29 ¢ est appropriée au cours de ces années.

[50] Nous homologuons sans modification le projet de tarif sous le titre SCPCP – Tarif pour la copie privée (2022-2024).



[1] Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42.

[2] Ibid, art 80.

[3] Ibid, art 81.

[4] Ibid, art 82.

[5] Copie privée (2015-2016) (12 décembre 2014), en ligne : Commission du droit d’auteur <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366746/index.do?q=copie+priv%C3%A9>, para 31.

[6] Copie privée (1999-2000) (17 décembre 1999), en ligne : Commission du droit d’auteur <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366578/index.do?q=copie+priv%C3%A9e> [Copie privée (1999–2000)].

[7] Ibid, p 29.

[8] Ibid, p 30.

[9] Ibid, p 31.

[10] AVS Technologies Inc. c Canadian Mechanical Reproduction Rights Agency, 2000 CanLII 15571 (C.A.F.). [AVS]

[11] Ibid, para 8.

[12] Ibid, para 6.

[13] Voir par exemple Copie privée (2003-2004) (12 décembre 2003), en ligne : Commission du droit d’auteur <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366587/index.do?q=copie+priv%C3%A9e>, p 8. (La Commission a exclu les DVD de la définition de support audio du fait que les distinctions techniques parmi les divers formats de DVD signifiaient que la plupart de ces formats n’étaient pas compatibles avec les graveurs et les lecteurs utilisés à l’époque.)

[14] SCPCP-1, para 4.

[15] SCPCP-2.

[16] SCPCP-4.

[17] SCPCP-3, para 22.

[18] M. Gauthier insère les données manquantes et crée de nouvelles données en fonction du taux de croissance annuel moyen de la dernière période 2015/2016 à 2020/2021, une méthode que nous jugeons acceptable.

[19] SCPCP-3, para 72.

 

[20] Copie privée (2020-2021) (13 décembre 2019), CB-CDA 2019-088, en ligne : Commission du droit d’auteur <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/454552/index.do?q=copie+priv%C3%A9e> [Copie privée (2020–2021)].

[21] Ibid, para 40-43.

[22] SCPCP-3, para 76.

[23] SCPCP-1, para 49; SCPCP-2A, para 7. (Les renseignements sur les prix de détail des CD vierges sont considérés comme confidentiels.)

[24] Supra note 1, art 66.501.

[25] Supra note 20, para 54. Voir aussi Copie privée (2018-2019) (1er décembre 2017), CB-CDA 2017-148, en ligne : Commission du droit d’auteur <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366771/index.do?q=copie+priv%C3%A9e+2018-2019>, para 71.

[26] Le modèle a été utilisé pour la dernière fois dans Copie privée, 2010. Le modèle de Stohn-Audley a servi pour fixer la redevance de 29 ¢. Dans ce modèle, la redevance correspondait à la compensation totale qui aurait été payée pour un hypothétique CD préenregistré contenant des pistes copiées privément sur un CD vierge. Ce modèle a été abandonné par la Commission dans cette instance parce qu’elle considérait qu’il n’était plus fiable du fait que la technologie atteignait la fin de son cycle de vie.

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