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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2022-06-03

Référence

Tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse (2018-2022), 2022 CDA 4

Commissaire

René Côté

Projets de tarif examinés

Tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse, 2018

Tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse, 2019-2020

Tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse, 2021-2022

Homologation des projets de tarif

sous le titre

Tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse (2018-2022)

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. introduction

[1] La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est une société de gestion collective qui administre les droits d’exécution publique d’œuvres musicales pour le compte d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs de musique canadiens et étrangers. La SOCAN a déposé auprès de la Commission du droit d’auteur trois projets de tarif pour l’exécution en public, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales enregistrées faisant partie de son répertoire utilisées aux fins de danse, pour les années 2018, 2019-2020 et 2021-2022.

[2] Pour les motifs ci-dessous, nous concluons que les projets de tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse (2018, 2019-2020 et 2021-2022) sont justes et équitables sous réserve de diverses modifications à apporter aux modalités du tarif. Plus spécifiquement, nous homologuons les projets avec une modification apportée aux taux des redevances qui sont réduites de cinquante pour cent pour les années 2020 et 2021 en raison des mesures sanitaires adoptées par les autorités compétentes dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 et ajoutons conséquemment un mécanisme pour le remboursement de trop-perçus.

II. Contexte

[3] Le tarif 18 de la SOCAN permet à un utilisateur (bar, cabaret, restaurant, taverne, club, salle à manger, discothèque, salle de danse, salle de bal ou autre établissement du même genre) d’exécuter en public les œuvres musicales faisant partie de son répertoire en tout temps et aussi souvent que désiré, pour fins de danse par des clients.

[4] La Commission a homologué le tarif 18 de la SOCAN pour les années 2013 à 2017 le 5 mai 2017. [1] Les redevances et modalités prévues au dernier tarif homologué pour les années 2015 à 2017 sont identiques à celles prévues aux trois projets de tarif sous examen, telles que décrites ci-dessous.

[5] Le 31 mars 2017, le 29 mars 2018 et le 28 mars 2019, la SOCAN a déposé des projets de tarif relativement au tarif 18 de la SOCAN pour les années 2018, 2019 à 2020 et 2021 à 2022, respectivement. Les projets de tarif ont été dûment publiés dans la Gazette du Canada le 29 avril 2017, le 5 mai 2018 et le 18 mai 2019.

A. Les taux de redevance proposés

[6] Les redevances et modalités prévues aux trois projets de tarif sont identiques. Les redevances varient selon le nombre de mois par année et le nombre de jours par semaine durant lesquels l’établissement est ouvert. Les taux s’appliquent aux établissements pouvant accueillir 100 personnes ou moins. Au-delà de 100 personnes, les redevances sont ajustées à la hausse, tel qu’indiqué ci-dessous.

Taux proposés pour, 2018, 2019-2020, 2021-2022

a. Établissements pouvant accueillir 100 clients ou moins :

Établissement ouvert de 1 à 3 jours/semaine

Établissement ouvert de 4 à 7 jours/semaine

Établissement ouvert 6 mois ou moins par année

286,85$

573,69$

Établissement ouvert plus de 6 mois par année

573,69$

1147,38$

 

  1. Établissements pouvant accueillir plus de 100 clients :

Pour un établissement pouvant accueillir entre 101 et 120 clients, le titulaire de la licence verse 10 pour cent de plus que la redevance établie à l’alinéa a). Pour chaque augmentation additionnelle de capacité de 20 clients ou moins, une majoration additionnelle de 10 pour cent de la redevance établie à l’alinéa a) est exigible.

[7] Quant aux modalités, les projets de tarif prévoient que les redevances doivent être versées au plus tard le 31 janvier de l’année visée par la licence, accompagnées d’un rapport indiquant le nombre de clients que l’établissement peut recevoir.

B. La position des opposantes

[8] L’Association des hôtels du Canada et Restaurants Canada se sont opposés aux projets de tarif visant les trois périodes sous examen. Le Conseil canadien du commerce de détail s’est opposé au projet de tarif à l’égard de l’année 2018. Le 11 mars 2022, la Commission a été informée de son intention de ne plus participer.

[9] Le 8 juillet 2021, la Commission a informé les parties qu’elle était sur le point de débuter l’examen des projets de tarif pour les années 2018 à 2022. [2] Elle indiquait être consciente que les projets de tarif pouvaient ne pas être adéquats au regard de la pandémie de la COVID-19 et qu’elle entendait tenir compte de cet état de fait dans son examen des projets de tarif. Elle demandait également aux opposantes de déposer des motifs détaillés d’opposition et à la SOCAN de répondre à ces motifs.

[10] Le 15 septembre 2021, la Commission a reçu les motifs d’opposition des opposantes, déposés conjointement. [3] Pour l’essentiel, elles demandent que le tarif 18 soit ajusté pour tenir compte de la pandémie de la COVID-19. Elles demandent que cela se fasse sous la forme d’un ajustement au prorata de la redevance annuelle, qui tiendrait compte des périodes de fermetures des établissements et des limites à la capacité des établissements, telles qu’imposées par les autorités compétentes. Les opposantes indiquent qu’elles ne peuvent préciser pour quelle période ces ajustements devraient s’appliquer au motif qu’il est impossible de déterminer quand la pandémie prendra fin et quand s’opérera un retour à la normale pour les utilisateurs visés par le tarif 18. En annexe de leurs observations, les opposantes ont joint de l’information préliminaire quant aux périodes de fermeture en vigueur dans différentes juridictions au cours de la pandémie.

C. La réponse de la SOCAN

[11] Le 1er octobre 2021, la SOCAN déposait sa réponse aux observations des opposantes [4] . Elle soutient qu’aucun ajustement ne devrait être apporté aux projets de tarif sous examen pour la période de la pandémie pour les raisons suivantes.

[12] D’une part, la SOCAN affirme que les effets que la pandémie a eus sur les utilisateurs sont difficiles à quantifier, car les mesures sanitaires ont varié d’une juridiction à une autre et souvent d’une municipalité à l’autre. Elle affirme en outre que l’absence de données précises pour chaque juridiction quant à la valeur de la musique, l’utilisation de la musique, le nombre d’événements tenus et le nombre de personnes ayant assisté à ces événements fait en sorte que la Commission n’est pas en mesure d’apporter des ajustements qui seraient justes et équitables pour chacun des utilisateurs visés. Dans ces circonstances, tout ajustement équivaudrait à de la spéculation.

[13] D’autre part, la SOCAN soutient qu’aucun ajustement ne devrait être apporté parce que la structure tarifaire du tarif 18 intègre déjà deux ajustements : un ajustement pour les établissements ouverts 6 mois et moins par année et un ajustement pour ceux ouverts 3 jours par semaine et moins. Selon la SOCAN, cette structure permet de tenir compte des périodes de fermeture qui ont eu lieu durant la pandémie et aucun changement additionnel n’est donc requis. Ainsi, un établissement qui aura été contraint de fermer pendant une période de 6 à 11 mois payera la redevance réduite applicable aux établissements ouverts 6 mois et moins par année. De la même manière, un établissement qui aura été ouvert durant plus de six mois durant une année de pandémie devra verser la redevance la plus élevée, soit celle qui s’applique à tout établissement ouvert plus de 6 mois par année et ce, qu’il ait été ouvert durant 7 ou 12 mois.

[14] La SOCAN explique que bien que la Commission aurait pu, depuis de nombreuses années, homologuer des taux qui se seraient ajustés en fonction de chaque jour ou chaque mois d’opération, elle a plutôt choisi d’homologuer une structure par « fourchette » de mois et de jours d’ouverture, estimant qu’il s’agissait là d’une structure équitable. Selon elle, tout niveau additionnel de granularité dans le calcul des redevances serait impossible à faire en l’absence d’une preuve d’experts qui démontrerait que la valeur de la musique a diminué durant la pandémie.

[15] Enfin, bien que la SOCAN s’y oppose, si la Commission décidait d’apporter des ajustements pour tenir compte de la pandémie, elle demande à la Commission de limiter ces derniers aux années 2020 et 2021. Elle demande aussi à la Commission de lui donner l’occasion de faire des observations sur tout ajustement des taux avant leur entrée en vigueur.

[16] À cet égard, le 25 février 2022, la Commission informait la SOCAN qu’elle ne voyait pas la nécessité de la consulter sur la question des ajustements aux taux. [5] Du même coup, la Commission, conformément à l’article 2a) du Règlement prévoyant les délais concernant les affaires dont la Commission du droit d’auteur est saisie [6] , informait les parties que la dernière date pour présenter leurs observations était fixée au 11 mars 2022. Le 11 mars 2022, les parties ont réitéré les observations qu’elles avaient faites précédemment.

III. Enjeux

[17] Il y a deux enjeux qui ressortent de l’analyse de ces trois projets de tarif. Le premier consiste à déterminer si les taux et modalités prévus aux projets de tarifs peuvent servir de fondement à l’établissement d’un tarif juste et équitable pour les années 2018 à 2022.

[18] Le second consiste à déterminer si des ajustements devraient être apportés pour les années visées par la pandémie de la COVID-19. Dans l’affirmative, il faudra également s’attarder aux sous-questions suivantes : quelle forme ces ajustements devraient-ils prendre? et à quelles années ces ajustements devraient-ils s’appliquer?

IV. analyse

A. Les taux applicables

[19] Pour toute la période visée par les trois projets de tarif examinés, aucune augmentation n’est proposée. Puisque les redevances proposées correspondent à celles précédemment homologuées pour la même utilisation, ces taux représentent le meilleur point de référence applicable pour la période tarifaire ici visée. Nous n'avons aucune information qui nous inciterait à la remettre en question. Toutefois, pour les années 2020 à 2022, soit celles affectées par la pandémie de COVID-19, la question se pose de savoir si les taux des projets de tarif, bien qu’identiques aux derniers taux homologués, sont justes et équitables.

[20] Il ne fait aucun doute que les utilisateurs visés par le tarif 18 ont été durement affectés par la pandémie de la COVID-19 depuis mars 2020. En effet, à la faveur des mesures adoptées par les autorités compétentes ces établissements ont été, pendant des périodes plus ou moins longues, contraints de fermer. Une fois autorisés à rouvrir, ils ont été contraints d’opérer en appliquant des mesures sanitaires prescrites comme de réduire la capacité ou d’exiger des clients une preuve de vaccination contre la COVID-19. Bref, pour de nombreux établissements visés par le tarif 18, les conditions d’exploitations ont été tout sauf normales.

[21] Certains tarifs sont structurés de façon telle qu’aucun ajustement n’est requis lors de fermeture plus ou moins longue des établissements. C’est notamment le cas des tarifs qui dépendent du nombre de concerts réellement donnés et des recettes perçues lors de ces concerts. Dans ce cas, les taux versés par les établissements s’ajustent automatiquement. [7] Ce n’est pas le cas ici. Les tarifs dont les taux sont établis en fonction de seuils comme c’est le cas du tarif 18 ou qui prévoient des redevances minimales annuelles s’adaptent moins bien aux conditions exceptionnelles qui ont prévalu depuis le début de la pandémie de COVID-19. C’est ainsi que la Commission a décidé de réduire la redevance minimale annuelle d’environ cinquante pour cent pour le tarif 7 de la SOCAN – Patinoires pour les années 2020 et 2021. [8]

[22] La SOCAN prétend que la structure tarifaire du tarif 18 permet de tenir compte de la pandémie, car elle intègre déjà deux ajustements, l’un relatif au nombre de mois d’ouverture dans l’année, l’autre au nombre de jours d’ouverture dans une semaine. Nous ne sommes pas d’accord, et ce, pour les raisons suivantes.

[23] La structure du tarif 18 exige le paiement de la redevance en janvier, de façon prospective, pour l’année en cours. L’argument de la SOCAN pourrait être valable en temps normal, car l’établissement verserait au 31 janvier la redevance appropriée selon le nombre de mois et le nombre de jours d’ouverture habituels et prévus. Toutefois, en période de pandémie, les utilisateurs sont, en début d’année, dans l’impossibilité de prévoir les périodes de fermeture auxquelles ils seront assujettis par les autorités de santé publique et ignorent donc les informations qui permettent habituellement de calculer la redevance due.

[24] La SOCAN ne voit pas de problème non plus quant au fait qu’un établissement normalement ouvert 12 mois par année, qui aurait été contraint de fermer durant 5 mois (et donc aurait été ouvert 7 mois) verse la même redevance que s’il avait été ouvert toute l’année. Elle soutient que cette situation n’est pas propre à la pandémie mais au fait que les taux sont déterminés par « fourchette ». Elle souligne aussi que la Commission a jugé dans le passé qu’une telle structure est juste et équitable.

[25] Selon nous, cette affirmation est discutable. La question qui se pose ici n’est pas de savoir si une structure par « fourchette » est équitable ou non. La question est de savoir si le fait pour un établissement fermé durant plusieurs mois de devoir verser la même redevance que s’il n’avait pas été fermé est équitable, compte tenu que ces fermetures résultent de restrictions sanitaires imposées et non d’un choix librement consenti.

[26] De l’autre côté, les opposantes demandent que la Commission ajuste les redevances au prorata afin de tenir compte des périodes où les établissements ont dû fermer et de celles où ils ont pu rouvrir, mais à capacité réduite. [9] Notons qu’elles n’ont fourni aucune indication de la façon concrète dont cela pourrait se faire.

[27] Selon nous, la proposition des opposantes quant à la forme de l’ajustement ne peut être retenue, et ce, pour les raisons suivantes.

[28] La proposition des opposantes est en pratique quasi impossible à mettre en œuvre. L’exemple qui suit illustre pourquoi. Prenons le cas d’un établissement dont la capacité habituelle est de 150 personnes, et dont la redevance annuelle est par conséquent majorée. Comment se ferait le calcul de la redevance exigible si, au cours d’une même année de pandémie, cet établissement a été successivement fermé pendant plusieurs mois, puis autorisé à rouvrir à capacité réduite (p. ex. 75 personnes [10] ) ; et enfin autorisé à rouvrir à pleine capacité?

[29] Du reste, même s’il était possible de mettre en œuvre une telle proposition, les calculs que devraient faire les utilisateurs pour déterminer la redevance à verser seraient d’une grande complexité et le risques d’erreur élevés.

[30] Cela dit, nous sommes d’accord avec les opposantes pour dire que la pandémie a eu un tel impact sur les utilisateurs, et sur l’utilisation de la musique dans les établissements visés par le tarif 18, qu’un ajustement aux redevances doit être apporté. Toutefois, étant donné les difficultés associées à la proposition des opposantes, il nous faut déterminer la forme que doit revêtir cet ajustement.

[31] Il est particulièrement difficile de trouver une façon d’établir avec précision l’impact de la pandémie sur l’ensemble des utilisateurs du tarif 18 dans la mesure où les périodes où les établissements ont dû être fermés, ou n’être ouverts que pour offrir des plats pouvant être consommés en plein air, ou pour les commandes à emporter ou les livraisons diffèrent d’une province à l’autre et parfois même d’une municipalité à une autre dans une même province.

[32] Qui plus est, les règles concernant la réduction du nombre de clients pouvant être accueillis par un établissement, le port du masque ainsi que les règles de distanciation sociale (respect d’une distance de 2 mètres) ont rendu particulièrement difficile des activités de danse même lorsque les établissements pouvaient être ouverts à pleine ou à demi capacité ou avec un maximum de clients. Ces règles sanitaires ont notamment eu un fort impact sur les activités offertes par certains types d’établissements qui utilisent de la musique enregistrée pour fins de danse, ces activités ayant été pour la plupart annulées.

[33] Devant la difficulté d’en venir à une formule susceptible de prendre en compte tous les facteurs que nous venons de décrire, nous croyons qu’il faut recourir à une formule simple applicable à tous et ne présentant pas de calculs complexes et personnalisés. Tout comme la Commission l’a décidé dans le tarif de la SOCAN pour les patinoires [11] , nous réduisons les redevances payables par les utilisateurs du tarif 18 de cinquante pour cent pour les années 2020 et 2021. Nous sommes toutefois d’avis que les taux habituels doivent être rétablis pour l’année 2022 en raison des assouplissements déjà décrétés par les autorités concernées.

B. Les modalités du tarif

[34] En vertu du tarif 18, les redevances sont versées le 31 janvier de chaque année. Cela signifie que les utilisateurs auront payé pour les années 2020 et 2021, en janvier de chacune de ces années, les redevances « normales » et non les redevances réduites de 50 pour cent. Des redevances auront donc été payées en trop à la SOCAN. Par conséquent, il faut intégrer un mécanisme pour gérer les trop-perçus.

[35] Pour ce faire, une clause est ajoutée au tarif, stipulant que tout utilisateur qui a versé des redevances en trop pour les années 2020 et 2021 devra faire parvenir à la SOCAN, au plus tard le 3 octobre 2022, un avis indiquant :

· le nom et les coordonnées de l’établissement et de la personne qui l’exploite ;

· les montants des redevances payées pour 2019 (puisque cette année sert de référence afin de calculer la redevance globale réduite de 50 pour cent) ;

· le montant des redevances payées en 2020 et en 2021 ;

· les redevances qui auraient dû être versées à la SOCAN conformément aux taux homologués pour 2020 et 2021 ; et

· le montant du trop-perçu versé à la SOCAN.

[36] En outre, le tarif prévoit que si l’utilisateur a commis une erreur dans le calcul du trop-perçu, la SOCAN doit en aviser l’utilisateur dans un délai raisonnable de la réception de l’avis et l’informer du montant du trop-perçu qu’elle estime être exact.

[37] L’utilisateur pourra déduire le trop-perçu du prochain versement exigible. Les trop-perçus ne portent pas intérêt.

[38] L’avantage de prévoir que l’utilisateur pourra déduire le trop-perçu du prochain versement exigible est qu’il s’agit d’un mécanisme simple d’application ; en effet, cela évite à la SOCAN d’avoir à procéder à de nombreux remboursements. Quant aux intérêts, nous croyons que les trop-perçus ne doivent pas porter intérêt, car ils ne résultent pas d’une erreur de la SOCAN, mais bien d’une réduction des redevances dans un contexte exceptionnel de pandémie.

[39] De plus, au moment du dépôt du projet de tarif pour 2018, la SOCAN avait pour pratique de déposer au sein d’un même document, en bloc, des dizaines de projets de tarif. [12] Une rubrique intitulée « Dispositions générales », applicable à tous les projets de tarif, se trouvait au début du document. Puisque désormais les projets de tarif doivent être déposés dans un document distinct et autonome contenant toutes les modalités applicables à ce projet de tarif [13] , nous avons intégré au sein d’une rubrique intitulée « Modalités » les paragraphes pertinents des « Dispositions générales » (qui concernent les intérêts et les taxes), qui viennent ainsi s’ajouter aux autres modalités du tarif 18.

[40] En outre, comme la Commission l’a fait récemment dans d’autres décisions, nous supprimons les références aux mots « licence » et « titulaire de licence » des projets de tarif, et ce, afin de distinguer les termes « tarif » et « licence ».

[41] En effet, dans la décision York [14] , la Cour suprême a analysé les interrelations entre les concepts de tarif et de licence. Ce faisant, elle a conclu que le paragraphe 68.2(1) de la Loi sur le droit d’auteur, tel qu’il se lisait avant les modifications de 2019, n’habilitait pas Access Copyright à percevoir les redevances fixées par un tarif homologué par la Commission en vertu de l’art. 70.15 auprès d’un utilisateur qui avait choisi de ne pas être lié par une licence aux conditions énoncées dans le tarif homologué.

[42] Bien que la présente affaire ne soulève pas l’enjeu au cœur de la décision York, qui portait sur la question du « tarif obligatoire », l’analyse qu’a faite la Cour des concepts de tarif et de licence est utile, car elle a mis en lumière les rôles distincts de la Commission et des sociétés de gestion. Alors que la Commission homologue des tarifs, les sociétés de gestion octroient des licences. Bien qu’une société de gestion doive octroyer des licences aux conditions énoncées dans un tarif homologué si un utilisateur le demande, il n’en demeure pas moins que tarif et licence sont des concepts distincts. Pour cette raison, un tarif homologué par la Commission ne saurait faire référence au concept de licence.

[43] En outre, nous avons supprimé la clause des projets de tarif qui énonce que la SOCAN peut, en tout temps, mettre fin à toute licence sur préavis écrit de 30 jours pour violation des modalités de la licence. En plus des raisons évoquées ci-dessus, nous radions ce paragraphe dans son intégralité car il touche au domaine de la responsabilité et des dispositions de la Loi applicables aux recours contre les utilisateurs régis par un tarif. Partant, il s’agit d’une question de conformité et de mise à exécution du tarif plutôt qu’une question d’homologation. [15] Notons cependant que la suppression de cette clause du tarif ainsi que la suppression du concept de licence ne modifient en rien la portée du tarif.

[44] Enfin, nous supprimons aussi la référence aux tarifs 4 et 8 de la SOCAN. En effet, la portée et les modalités d’un tarif doivent être clairement définies et faciles à déterminer à partir du tarif lui-même. En outre, la référence à un autre tarif peut rendre la détermination de la portée et des modalités du tarif impossible à déterminer. Cette suppression est conforme à l’Avis de pratique concernant le dépôt de projets de tarifs de la Commission [16] et reflète ce qui fut fait dans des décisions récentes de la Commission.

V. Conclusion

[45] Pour les motifs susmentionnés, nous homologuons les projets de tarifs sous la désignation Tarif 18 de la SOCAN – Musique enregistrée utilisée aux fins de danse (2018-2022). Les taux des redevances restent inchangés par rapport à ceux précédemment homologués pour les années 2015-2017, sauf en ce qui a trait aux taux des redevances pour les années 2020 et 2021, qui sont réduits de cinquante pour cent. Nous apportons plusieurs changements aux modalités du tarif par rapport au tarif de 2013-2017 afin d’établir le cadre relatif aux trop-perçus, pour prendre en compte la disparition des dispositions générales s’appliquant au tarif 2013-2017, pour supprimer les références au concept de licence et pour éliminer la référence aux tarifs 4 et 8 de la SOCAN.



[1] SOCAN – Tarifs divers, 2007-2017 (5 mai 2017), 2017 CDA 038 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366759/index.do>. Par rapport aux redevances pour les années 2013 et 2014, les redevances pour les années 2015 à 2017 ont été ajustées à la hausse afin de refléter l’inflation.

[2] Avis de la Commission du droit d’auteur [CB-CDA 2021-035] (8 juillet 2021). Par son avis du 30 juillet 2021 [CB-CDA 2021-040], la Commission a prolongé le délai donné aux parties pour présenter leurs commentaires.

[3] Lettre de Gabriel Van Loon en réponse à l’avis [CB-CDA 2021-040] (15 septembre 2021).

[4] Lettre de la SOCAN en réponse à l’avis [CB-CDA 2021-040] (1er octobre 2021).

[5] Avis de la Commission du droit d’auteur [CB-CDA 2022-012] (25 février 2022).

[6] Règlement prévoyant les délais concernant les affaires dont la Commission du droit d’auteur est saisie, DORS/2020-264.

[7] SOCAN – Tarif 4.B Exécution par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concerts, théâtrale ou autres lieux de divertissement – Concerts de musique classique, 2018-2024 (26 novembre 2021), 2021 CDA 11 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/516586/index.do>, aux paras. 28 (4.B.1), 34 (4.B.2) et 39 (4.B.3).

[8] La redevance minimale annuelle passe de 111,92$ à 56$. Voir SOCAN – Tarif 7, Patinoires, 2018-2022 (6 août 2021), 2021 CDA 7 (décision), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/500977/index.do>, para. 12. [ci-après SOCAN – Tarif 7 (2018-2024)]

[9] Soumissions des opposantes (15 septembre 2021), p. 2.

[10] Il n’y a pas de majoration des taux pour une capacité de 100 clients et moins.

[11] SOCAN – Tarif 7 (2018-2022), supra note 8.

[12] À titre d’exemple, en 2017, la SOCAN a déposé en bloc, au sein d’un seul document, les projets de tarif relatifs à près d’une cinquantaine de tarifs. Voir Projet de tarifs des redevances à percevoir par la SOCAN pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales, publié dans la Gazette du Canada, Partie 1 le 29 avril 2017.

[13] Voir Avis de pratique concernant le dépôt de projet de tarif (Modifié 5 octobre 2021), AP 2019-004 rev. 1, en ligne : CDA < https://cb-cda.gc.ca/sites/default/files/inline-files/AP%202019-004%20rev.%201%20-%20D%C3%A9p%C3%B4t%20des%20projets%20de%20tarif%20%28FR%29_2.pdf >

[14] Université York c. Canadian Copyright Licensing Agency (30 juillet 2021), 2021 CSC 32, en ligne : CSC <https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/en/item/18972/index.do>.

[15] Voir Tarif 21 de la SOCAN – Installations récréatives exploitées par une municipalité, une école, un collège, une université, une société agricole ou autres organisations communautaires du même genre 2013-2020 (7 décembre 2018), CB-CDA 2018-222 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/367464/index.do?q=Socan+21>, au para. 18.

[16] Avis de pratique concernant le dépôt de projets de tarifs (14 août 2019), AP 2019-004, en ligne : CDA < https://cb-cda.gc.ca/sites/default/files/inline-files/AP%202019-004%20rev.%201%20-%20D%C3%A9p%C3%B4t%20des%20projets%20de%20tarif%20%28FR%29_2.pdf >

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