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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2022-11-04

Référence

Tarif 3.B de la SOCAN (2018-2025), 2022 CDA 17

Commissaire

René Côté

Projets de tarif examinés

Tarif 3.B de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et autres établissements de même genre - Musique enregistrée accompagnant un spectacle, 2018-2020

Tarif 3.B de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et autres établissements de même genre - Musique enregistrée accompagnant un spectacle, 2021-2022

Tarif 3.B de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et autres établissements de même genre - Musique enregistrée accompagnant un spectacle, 2023-2025

Homologation des projets de tarif

sous le titre

Tarif 3.B de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et autres établissements de même genre - Musique enregistrée accompagnant un spectacle

(2018-2025)

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. INTRODUCTION

[1] La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est une société de gestion qui administre les droits d’exécution publique d’œuvres musicales pour le compte d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs de musique canadiens et étrangers. La SOCAN a déposé auprès de la Commission du droit d’auteur trois projets de tarif pour l’exécution en public, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales enregistrées faisant partie de son répertoire accompagnant un spectacle dans un cabaret ou un autre établissement du même genre, pour les années 2018-2020, 2021-2022 et 2023-2025.

[2] Pour les motifs ci-dessous, nous concluons que les projets de tarif 3.B de la SOCAN (2018- 2020, 2021-2022 et 2023-2025) sont justes et équitables sous réserve d’une modification à apporter à la redevance annuelle minimale à verser pour les années 2020 et 2021 qui est réduite du tiers en raison des mesures adoptées par les autorités compétentes pour contrer la pandémie de la COVID-19. Nous apportons quelques modifications aux modalités du tarif, notamment en acceptant une modification relative aux conditions de vérification des livres et registres d’un utilisateur du tarif à la demande de la SOCAN en éliminant l’option pour l’utilisateur de requérir un vérificateur indépendant choisi à même une liste d’au moins trois noms. Enfin, nous ajustons la redevance annuelle minimale afin de tenir compte de l’inflation pour les années 2023 à 2025.

II. CONTEXTE

[3] Le tarif 3.B de la SOCAN permet à un utilisateur (cabaret, café, club, bar à cocktail, salle à manger, foyer, restaurant, auberge, taverne et autres établissements de même genre) d’exécuter en public des œuvres musicales enregistrées accompagnant un spectacle faisant partie de son répertoire en tout temps et aussi souvent que désiré.

[4] La Commission a homologué le tarif 3.B de la SOCAN pour les années 2013 à 2017 le 5 mai 2017. [1] Les redevances prévues au dernier tarif homologué pour les années 2015 à 2017 sont identiques à celles prévues aux deux premiers projets de tarif sous examen, telles que décrites ci-dessous. Précisons que le tarif 3.B avait fait l’objet d’un ajustement lié à l’inflation qui fut accepté par la Commission pour la période 2015-2017. Le résultat de cet ajustement lié à l’inflation portait la redevance annuelle minimale de 62,74 $ pour les année 2013-2014, à 67,32 $ pour les années 2015-2017.

[5] Le 31 mars 2017, le 28 mars 2019 et le 15 octobre 2021, la SOCAN a déposé des projets de tarif relativement au tarif 3.B pour les années 2018-2020, 2021-2022 et 2023-2025 respectivement. Les deux premiers projets ont été publiés dans la Gazette du Canada le 29 avril 2017 et le 18 mai 2019 alors que le projet de tarif pour 2023-2025 fut publié sur le site Web de la Commission le 3 novembre 2021.

[6] Les taux proposés par la SOCAN pour les années 2018-2020 et 2021-2022 sont identiques au dernier tarif homologué pour les années 2015-2017. Les taux prévus dans ces deux projets de tarifs sont de 2 % de la « compensation pour divertissement » versée pour l’année couverte par le tarif avec une redevance annuelle minimale de 67,32 $. La « compensation pour divertissement » s’entend des sommes totales payées par l’utilisateur aux exécutants, plus toute autre compensation reçue par eux, pour le divertissement dont la musique enregistrée fait partie intégrante.

[7] Pour la période 2023-2025, la SOCAN propose de procéder à un ajustement pour l’inflation en ce qui a trait à la redevance annuelle minimale qui passerait à 79,83 $. Le Tableau suivant illustre les taux de redevance pour les trois périodes sous étude.

Tableau: Taux de redevance proposés 2018-2020, 2021-2022 et 2023-2025

2018-2020 Taux proposés

2021-2022 Taux proposés

2023-2025 Taux proposés

2 % de la compensation pour divertissement

 

Redevance annuelle minimale: 67,32 $

2 % de la compensation pour divertissement

 

Redevance annuelle minimale : 67,32 $

2 % de la compensation pour divertissement

 

Redevance annuelle minimale: 79,83 $

[8] Les paiements sont effectués le 31 janvier de chaque année et ce, soit en fonction de la compensation due pour la musique effectivement jouée l’année précédente, soit sur une estimation de la compensation à être versée pour l’année qui débute. Au plus tard le 31 janvier de l’année suivante, l’utilisateur soumet à la SOCAN un rapport établissant la compensation pour divertissement réellement versée l’année précédente et le montant dû est ajusté en conséquence. Si le montant dû est inférieur au montant déjà payé, la SOCAN porte le supplément au crédit de l’utilisateur.

A. La position des opposantes

[9] Le Conseil canadien du commerce de détail, l’Association des hôtels du Canada et Restaurants Canada se sont opposés aux trois projets de tarif.

[10] Le 8 juillet 2021, la Commission a informé les parties qu’elle était sur le point de débuter l’examen des projets de tarif pour les années 2018-2020 et 2021-2022. [2] La Commission demandait que les opposantes confirment par écrit leur intention de participer à cet examen au plus tard le 16 juillet 2021. Par son avis CB-CDA 2021-040 du 30 juillet 2021, la Commission indiquait qu’elle prolongeait le délai de la consultation et ajoutait être consciente que les projets de tarif pouvaient ne pas être adéquats au regard de la pandémie de la COVID-19 et qu’elle entendait tenir compte de cet état de fait dans son examen des projets de tarif. Elle demandait également aux opposantes de déposer des motifs détaillés d’opposition et à la SOCAN de répondre à ces motifs.

[11] Le 15 septembre 2021, la Commission a reçu les motifs d’opposition des opposantes. [3] Pour l’essentiel, elles reconnaissent que le taux proposé, soit 2 % de la compensation pour divertissement, est généralement juste et équitable et qu’il s’ajuste automatiquement aux conditions ayant prévalu durant la pandémie de la COVID-19 alors que les revenus ont pu fluctuer en raison des mesures sanitaires mises en place par les autorités compétentes. Cependant, les opposantes demandent que la redevance annuelle minimale de 67,32 $ soit ajustée à la baisse pour tenir compte des restrictions d’affaires liées à la pandémie, et ce, plus particulièrement pour les petits établissements. Les opposantes n’expliquent ni ce qu’elles entendent par « petits établissements », ni quel pourcentage de réduction serait adéquat. Les opposantes indiquent qu’elles ne peuvent préciser pour quelle période ces ajustements devraient s’appliquer au motif qu’il est impossible de déterminer quand la pandémie prendra fin et quand s’opérera un retour à la normale pour les utilisateurs visés par le tarif 3.B.

[12] Le 31 janvier 2022, la Commission informait les parties qu’elle consolidait le projet de tarif 3.B pour les années 2023 à 2025 avec les deux autres projets de tarif [4] . Elle demandait aux opposantes d’expliquer les raisons pour lesquelles elles s’opposent aux taux et modalités du projet de tarif. La Commission demandait également à la SOCAN de déposer ses réponses aux commentaires formulés par les opposantes au plus tard le 22 mars 2022.

[13] Les opposantes arguent qu’il est inapproprié d’inclure dans une même consultation les années 2023-2025 et les périodes précédentes (2018-2020 et 2021-2022). [5] Elles font valoir que la Commission ne peut en venir à une décision informée et raisonnable pour les années futures en raison de leur incapacité à colliger des preuves significatives sur les conditions du marché des établissements visés par le tarif.

[14] De plus, elles font valoir que, bien que les plus récentes vagues d’infections à la COVID-19 perdent en intensité et que les autorités sont susceptibles de lever les restrictions sanitaires, la situation demeure fragile. Prédire une quelconque stabilité pour les entreprises qui utilisent les œuvres protégées par le droit d’auteur dans le but de constituer des preuves économiques pour déterminer du caractère juste et équitable des taux des redevances s’avère extrêmement difficile à ce stade-ci. [6]

B. La réponse de la SOCAN

[15] Le 1er octobre 2021, la SOCAN déposait sa réponse aux observations des opposantes [7] . Elle soutient qu’aucun ajustement ne devrait être apporté aux projets de tarif sous examen pour la période de la pandémie pour les raisons suivantes.

[16] D’une part, elle affirme que les effets que la pandémie a eus sur les utilisateurs sont difficiles à quantifier, car les mesures sanitaires ont varié d’une juridiction à une autre et souvent d’une municipalité à l’autre. SOCAN argue que la redevance annuelle minimale pour le Tarif 3.B a toujours été très basse. [8] Elle se situe à 67,32 $ pour la période 2015-2017. La SOCAN affirme que les derniers ajustements apportés à cette redevance pour la période 2015-2017 sont d’ailleurs plus faibles que si la Commission avait utilisé sa propre méthodologie pour tenir compte de l’inflation au cours de cette même période.

[17] D’autre part, la SOCAN affirme que la Commission a confirmé à plusieurs reprises que les redevances annuelles minimales sont justes et équitables et sont établies pour couvrir les coûts minimaux nécessaires à la gestion du tarif et reflète la valeur intrinsèque de la musique de son répertoire. De plus, la SOCAN note que la Commission a déjà établi que les redevances annuelles minimales ne doivent pas être si basses que leur collecte deviendrait irrationnelle ou impossible économiquement. La SOCAN n’a pas indiqué quelle serait la réduction qui rendrait la collecte d’une redevance annuelle minimale irrationnelle ou impossible économiquement.

[18] Enfin, bien que la SOCAN s’y oppose, si la Commission décidait d’apporter des ajustements pour tenir compte de la pandémie, elle demande à la Commission de limiter ces derniers aux années 2020 et 2021. Elle demande aussi à la Commission de lui donner l’occasion de faire des observations sur tout ajustement des taux avant leur entrée en vigueur.

[19] En ce qui a trait au projet de tarif pour la période 2023-2025, la SOCAN argue qu’elle est d’accord avec le fait de joindre l’étude du projet de tarif pour cette période aux deux périodes précédentes dans la mesure où elle considère que la pandémie de la COVID-19 et les restrictions sanitaires tirent à leurs fins. Elle soutient que le seul changement proposé au projet de tarif est l’augmentation de 12,51 $ de la redevance annuelle minimale qui s’établirait à 79,83 $. La SOCAN soutient que cette hausse interviendrait après une période de sept années depuis la dernière hausse et prendrait en compte l’inflation en utilisant la méthode développée par la Commission dans sa décision de la Radio de la SRC (2006-2011). [9] La SOCAN soutient que cette modeste hausse est juste et équitable. [10]

[20] Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles ont dû faire face les utilisateurs du tarif 3.B, la SOCAN note que ses membres ont eux aussi été durement affectés par la pandémie. Comme la structure du tarif 3.B s’ajuste automatiquement en fonction des frais réellement encourus dans des périodes de faibles activités, la SOCAN considère que les redevances annuelles minimales ne sont pas onéreuses pour les utilisateurs et ne devraient pas être réduites durant la période de la pandémie, car elles reflètent la valeur intrinsèque de la musique utilisée durant cette période. Elle réitère sa demande que les ajustements pour tenir compte de la pandémie se limitent aux années 2020 et 2021 dans l’éventualité où les taux seraient ajustés.

III. ENJEUX

[21] Trois enjeux semblent ressortir des trois projets de tarif que nous étudions ici. Le premier consiste à déterminer si les taux et modalités prévus aux projets de tarifs peuvent servir de fondement à l’établissement d’un tarif juste et équitable pour les années 2018 à 2025. Notamment, il faudra s’interroger sur le caractère juste et équitable de l’ajustement pour inflation pour la période 2023-2025 de la redevance annuelle minimale.

[22] Le second consiste à déterminer si des ajustements devraient être apportés pour les années visées par la pandémie de la COVID-19. Dans l’affirmative, il faudra également s’attarder aux sous-questions suivantes : quelle forme ces ajustements devraient-ils prendre? À quelles années ces ajustements devraient-ils s’appliquer? Et devons-nous consulter la SOCAN au sujet d’ajustements le cas échéant?

[23] Le troisième enjeu concerne les modalités des projets de tarif et plus particulièrement la disposition relative au choix d’un vérificateur et sur le retrait de la notion de licence du tarif.

IV. ANALYSE

A. TAUX APPLICABLES

[24] Pour les périodes visées par les deux premiers projets de tarif examinés, aucune augmentation n’est proposée par rapport aux taux du dernier tarif homologué. Puisque les redevances proposées correspondent à celles précédemment homologuées pour la même utilisation, ces taux représentent le meilleur point de référence applicable pour la période tarifaire ici visée. Nous n'avons aucune information qui nous inciterait à les remettre en question. Toutefois, pour les années 2020 à 2022, soit les années les plus affectées par la pandémie de la COVID-19, la question se pose de savoir si le taux de la redevance annuelle minimale prévue aux projets de tarif, bien qu’identiques aux derniers taux homologués, est juste et équitable.

[25] Il ne fait aucun doute que les utilisateurs visés par le tarif 3.B ont été durement affectés par la pandémie de la COVID-19 depuis mars 2020. En effet, à la faveur des mesures adoptées par les autorités compétentes, ces établissements ont été, pendant des périodes plus ou moins longues, contraints de fermer leurs portes. Une fois autorisés à rouvrir, ils ont été contraints d’appliquer les mesures sanitaires prescrites par les autorités compétentes comme de réduire leur capacité d’accueil, d’obliger les personnes à porter un masque ou d’exiger des clients une preuve de vaccination contre la COVID-19. Bref, pour de nombreux établissements visés par le tarif 3.B, les conditions d’exploitation ont été tout sauf normales.

[26] Certains tarifs sont structurés de façon telle qu’aucun ajustement n’est requis lors de fermeture plus ou moins longue des établissements ou lors de restriction à leur capacité d’accueil. C’est notamment le cas des tarifs qui dépendent entièrement du nombre de concerts réellement donnés et des recettes ainsi collectées, ou, comme c’est le cas ici, d’un pourcentage des sommes reçues par les personnes qui exécutent la musique enregistrée dans le cadre d’un spectacle. Dans plusieurs cas, les taux versés par les établissements s’ajustent automatiquement. [11]

[27] Les tarifs qui prévoient des redevances minimales annuelles s’adaptent moins bien aux conditions exceptionnelles qui ont prévalu depuis le début de la pandémie de la COVID-19. C’est ainsi que la Commission a décidé de réduire la redevance minimale annuelle d’environ cinquante pour cent pour le tarif 7 de la SOCAN – Patinoires pour les années 2020 et 2021. [12]

En l’espèce, puisque la redevance minimale semble être de nature à couvrir plus que les coûts d’administration du tarif, et a donc pour vocation de couvrir dans une certaine mesure l’utilisation de la musique, il est approprié d’en réduire le montant afin de tenir compte d’une baisse de l’utilisation due à la pandémie. [13]

[28] Pour les mêmes raisons, la Commission a décidé de réduire la redevance annuelle minimale de 50 % et l’a fixée à 44,88 $ au cours des années 2020 et 2021 pour le tarif 3.A de la SOCAN qui s’adresse aux mêmes types d'établissements mais qui concerne l’exécution en personne d’œuvres musicales et dramatico-musicales. [14]

[29] Dans le cas du tarif 3.B, la redevance annuelle minimale est très peu élevée à 67,32 $ et une réduction de 50 % qui la porterait à 33,66 $, paraît excessive, surtout qu’il s’agit de permettre à un utilisateur d’exécuter les œuvres du répertoire de la SOCAN en tout temps et aussi souvent que désiré dans le cadre d’un spectacle. Si on compare cette redevance annuelle minimale à d’autres tarifs où la musique n’a pas un caractère aussi fondamental que lors d’un spectacle présenté dans un cabaret ou un autre établissement semblable, on peut s’interroger sur le caractère juste et équitable d’une telle réduction. Par exemple, la redevance annuelle minimale pour une patinoire est, pour la période 2020-2021, de 56 $. On peut affirmer que la musique ne constitue pas l’attraction principale susceptible d’attirer des patineurs. Un autre exemple est tiré du tarif 11.B de la SOCAN pour lequel une redevance unique par événement est établie à 39,27 $ pour un spectacle d’humoriste ou de magicien où la musique n’est qu’accessoire à l’événement. [15]

[30] Pour cette raison, nous établissons à un tiers la réduction de la redevance annuelle minimale et nous la fixons à 44,88 $ pour les années de la pandémie de la COVID-19, soit 2020 et 2021. Ainsi, durant cette période, la redevance annuelle minimale pour l’exécution en public de musique enregistrée accompagnant un spectacle sera équivalente à celle fixée pour la musique exécutée en personne.

[31] Nous appliquons cette réduction de la redevance annuelle minimale uniquement pour les années 2020 et 2021. Nous sommes d’avis que la redevance annuelle minimale doit être rétablie pour l’année 2022 en raison des assouplissements déjà décrétés par les autorités compétentes.

[32] La SOCAN avait demandé à être consultée au sujet d’éventuelles baisses des redevances en raison des mesures adoptées par les autorités lors de la pandémie de la COVID-19 dans sa lettre du 1er octobre 2021. [16] À cet égard, dans son avis CB-CDA 2022-050 du 17 août 2022, la Commission a informé la SOCAN qu’elle ne voyait pas la nécessité de la consulter sur cet enjeu. Du même coup, la Commission, conformément à l’alinéa 2a) du Règlement prévoyant les délais concernant les affaires dont la Commission du droit d’auteur est saisie [17] , informait les parties que la dernière date pour présenter leurs observations était fixée au 31 août 2022. Les 30 et 31 août 2022, les parties ont réitéré les observations qu’elles avaient faites précédemment.

[33] Pour la troisième période soumise au présent examen, soit la période 2023-2025, la SOCAN demande une hausse de la redevance annuelle minimale pour tenir compte de l’inflation depuis que la dernière hausse est entrée en vigueur. Il s’agit d’une hausse de 18,58 % ce qui porterait la redevance annuelle minimale de 67,32 $ à 79,83 $, soit une hausse de 12,51 $. La SOCAN soutient que l’ajustement proposé suit la méthode adoptée par la Commission dans sa décision du tarif de la Radio de la SRC (2006-2011). [18] Sans entrer dans le détail, dans cette décision, la Commission avait affirmé que l’Indice des prix à la consommation (IPC) constituait la meilleure mesure de l’inflation pour préserver le pourvoir d’achats des Canadiens et elle utilisait les années civiles comme périodes de référence. [19] En utilisant les données de Statistique Canada sur l’Indice des prix à la consommation, nous arrivons à une hausse de l’inflation de 16,98 % pour la période de janvier 2014 à décembre 2021 plutôt que les 18,58 % proposés par la SOCAN. [20] Selon nos calculs, la redevance minimale annuelle passerait ainsi de 67,32 $ à 78,75 $, pour une hausse de 11,43 $.

[34] Nous pensons que cette estimation est conforme à celle utilisée depuis plusieurs années par la Commission et constitue une hausse juste et équitable de la redevance annuelle minimale.

B. LES MODALITÉS DU TARIF

[35] Du côté des modalités du tarif, la SOCAN propose le retrait d’une disposition relative au choix d’un évaluateur indépendant advenant le cas où la SOCAN exigerait de consulter les livres et les registres d’un utilisateur du tarif. Cette disposition prévoit que :

Le titulaire de la licence peut exiger que la vérification soit effectuée par un vérificateur indépendant choisi à même une liste d’au moins trois noms soumis par la SOCAN. Dans ce cas, le titulaire n’est tenu de donner accès qu’au vérificateur ainsi choisi. Si la vérification relève que la redevance à verser a été sous-estimée de plus de 10 pour cent, le titulaire de la licence défraie les honoraires du vérificateur. [21]

[36] Dans son avis CB-CDA 2021-034, la Commission a interrogé la SOCAN au sujet de la proposition de retirer cette disposition des tarifs 3.A et 3.B. Dans sa réponse, la SOCAN fait valoir qu’une disposition semblable n’existe que dans les tarifs 3.A, 3.B et 3.C de la SOCAN, ce qui ne constitue qu’une faible proportion des tarifs de la SOCAN et que la recherche d’une certaine uniformité dans des tarifs semblables est un objectif légitime. La SOCAN avait demandé à ce que cette disposition soit retirée du tarif 3.C (2018-2022), mais la Commission avait alors refusé cette demande en 2020. [22] La SOCAN fait aussi valoir les arguments suivants :

[Traduction] Si la Commission tente de déterminer s’il pourrait y avoir un préjudice pour les utilisateurs de tarif en supprimant le libellé, la SOCAN dirait non. La SOCAN peut confirmer, sur la base des dossiers disponibles (…), que depuis 2013, aucun usager du Tarif 3 (…) ne s’est prévalu du droit de demander qu’un auditeur indépendant soit nommé. [23]

[37] Il est bon de noter que les arguments qu’a fait valoir la SOCAN dans sa lettre du 16 juillet 2021 ont été reçus par toutes les opposantes aux projets de tarifs 3.B. Les opposantes auraient très bien pu émettre une objection à l’égard du retrait de cette disposition des projets de tarif, ce qu’elles n’ont pas fait.

[38] En l’absence d’opposition sur cet enjeu et du fait qu’il soit très peu probable qu’un préjudice soit causé aux utilisateurs du tarif, nous acceptons le retrait de cette disposition des projets de tarif 3.B sous étude tout comme nous l’avons fait récemment pour le tarif 3.A. [24]

[39] Par ailleurs, en vertu de la Loi, la Commission a pour mandat de fixer les taux de redevances et les modalités connexes dans les tarifs homologués. Le mandat de la Commission en matière d’homologation des tarifs ne comprend pas l’octroi de licences. L’octroi des licences pour les droits gérés collectivement relève des sociétés de gestion, comme le souligne la Cour suprême du Canada dans l’affaire Access Copyright c York University. [25] Par conséquent, nous retirons les références aux « licences », y compris le paragraphe que l’on retrouvait dans les dispositions générales voulant que la SOCAN puisse en tout temps mettre fin à toute licence sur préavis de 30 jours. Ceci ne change en rien la portée du tarif.

[40] Nous supprimons également la référence au tarif 3.C de la SOCAN. Cette suppression s’explique par le fait que le tarif est clairement défini et ne prête pas à confusion avec le tarif 3.C qui concerne les clubs de divertissement pour adultes. Il s’agit là de la mise en œuvre de l’Avis de pratique sur le dépôt des projets de tarif. [26]

V. CONCLUSION

[41] Pour les motifs susmentionnés, nous homologuons les projets de tarifs sous la désignation Tarif 3.B de la SOCAN – Cabarets, cafés, clubs, bars à cocktail, salles à manger, foyers, restaurants, auberges, tavernes et établissements du même genre – Musique enregistrée accompagnant un spectacle (2018-2025). Les taux des redevances restent inchangés par rapport à ceux du tarif 3.B de la SOCAN (2015-2017), sauf en ce qui a trait à la redevance annuelle minimale qui est réduite du tiers, et est fixée à 44,88 $, pour les années 2020 et 2021. Nous acceptons le principe d’une hausse de la redevance annuelle minimale en fonction de l’inflation pour les années 2023-2025 et nous la fixons à 78,75 $. Nous acceptons le retrait de la disposition qui autorisait le choix d’un évaluateur indépendant lorsque la SOCAN demande à examiner les livres et les registres des utilisateurs du tarif. De plus, nous supprimons le terme « licence ».

 



[1] Tarifs divers de la SOCAN 2007-2017 (5 mai 2017), CB-CDA 2017-038 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366759/index.do?q=CB-CDA+2017-038>.

[2] Avis CB-CDA 2021-034 (8 juillet 2021).

[3] Lettre de Gabriel Van Loon en réponse à l’avis CB-CDA 2021-040 (15 septembre 2021). Les motifs d’opposition ont été déposés conjointement par les trois opposantes.

[4] Avis CB-CDA 2022-003 (31 janvier 2022).

[5] Il est à noter que la Commission n’a pas sollicité l’avis des parties sur la question de la consolidation.

[6] Lettre de Kathleen Simmons en réponse à l’avis CB-CDA 2022-003 (1er mars 2022). Les motifs d’opposition ont été déposés conjointement par les trois opposantes.

[7] Lettre de la SOCAN en réponse à l’avis CB-CDA 2021-040 et aux commentaires conjoints des opposantes (1er octobre 2021), p. 3.

[8] Ibid.

[9] SOCAN, Ré:Sonne – Tarif de la radio de la SRC 2006-2011 (8 juillet 2011), (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/366708/index.do>. aux paras. 83 et ss. [ci-après Radio de la SRC (2006-2011)]

[10] Lettre de la SOCAN en réponse à l’avis CB-CDA 2022-003 (22 mars 2022), p. 1.

[11] Tarif 4.B de la SOCAN – Exécution par des artistes-interprètes en personne dans des salles de concerts, théâtrale ou autres lieux de divertissement – Concerts de musique classique (2018-2024) (26 novembre 2021), 2021 CDA 11 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/516586/index.do>, aux paras. 28 (4.B.1), 34 (4.B.2) et 39 (4.B.3).

[12] La redevance minimale annuelle passe de 111,92$ à 56$. Voir SOCAN – Tarif 7 - Patinoires (2018-2022)(6 août 2021), 2021 CDA 7, para. 12.

[13] Ibid. para. 11.

[14] Tarif 3.A de la SOCAN – Exécution en personne (2018-2024) (5 août 2022), 2022 CDA 5 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/520927/index.do?q=2022+CDA+5>.

au para. 21.

[15] Tarif 11.B de la SOCAN – Spectacles d’humoristes et spectacles de magiciens (2018-2022) (21 août 2021), 2021 CDA 8-T (tarif), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/certified-homologues/fr/item/511819/index.do>.

[16] Lettre de la SOCAN (1er octobre 2021).

[17] Règlement prévoyant les délais concernant les affaires dont la Commission du droit d’auteur est saisie, DORS/2020-264.

[18] Lettre de la SOCAN (22 mars 2022), supra note 10, p. 1.

[19] Radio de la SRC 2006-2011, supra note 9, para. 91.

[20] Statistique Canada, Tableau 18-10-0004-01 Indice des prix à la consommation mensuel, non désaisonnalisé. DOI : <https: //doi.org/10.25318/181000401-fra>.

[21] Tarifs divers de la SOCAN 2007-2017, supra note 1. (Supp. à la Gaz. Off. 6 mai 2017, Tarif 3.B, p. 10).

[22] Tarif 3.C de la SOCAN – Club de divertissement pour adultes (2018-2022) (7 août 2020), 2020 CDA 008 (motifs), en ligne : CDA <https://decisions.cb-cda.gc.ca/cb-cda/decisions/fr/item/483924/index.do?q=2020+CDA+008>, para. 16-17.

[23] Lettre de la SOCAN en réponse à l’avis CB-CDA 2021-034 (16 juillet 2021).

[24] Tarif 3.A de la SOCAN (2018-2024), supra note 14, para. 26.

[25] Université York c. Canadian Copyright Licensing Agency (30 juillet 2021), 2021 CSC 32, en ligne : CSC <https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/18972/index.do>.

[26] Commission du droit d’auteur AP 2019-004 rev. 2.

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