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Canada

[TRADUCTION]

[VERSION PUBLIQUE]

Date

2023-12-01

Référence

Tarif 8 de Ré:Sonne (2013-2018), 2023 CDA 12

Commissaires

L’Honorable Luc Martineau

René Côté

Nathalie Théberge

Projets de tarif examinés

Tarif 8 de Ré:Sonne – Diffusions simultanées, webdiffusions non interactives et semi-intéractives (2013, 2014, 2015)

Tarif 8 de Ré:Sonne – Diffusions simultanées, webdiffusions non interactives et semi-intéractives (2016, 2017, 2018)

Homologation des projets de tarif

sous le titre

Tarif 8 de Ré:Sonne – Transmission non interactive et semi-interactive (2013-2018)

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. SURVOL

[1] Ré:Sonne est la société de gestion collective qui administre les droits pour l’exécution en public et la communication au public par télécommunication d’enregistrements sonores publiés pour les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores.

[2] Ré:Sonne a déposé les projets de tarif suivants auprès de la Commission :

- Ré:Sonne – Tarif 8 Diffusions simultanées, webdiffusions non interactives et semi-interactives (2013, 2014, 2015);

- Ré:Sonne – Webdiffusions non interactives et semi-interactives (2016, 2017, 2018).

[3] Les projets de tarif portent sur les services de musique en ligne semi-interactifs et non interactifs. Les services de musique en ligne fournis par des entités non commerciales autres que la Société Radio-Canada (« SRC ») font l’objet d’un tarif différent[1].

[4] Le 30 novembre 2021, Ré:Sonne, Stingray Group inc. (« Stingray ») et l’Association canadienne des radiodiffuseurs (« ACR ») ont demandé conjointement l’homologation par la Commission d’un tarif fondé sur un ensemble particulier de taux de redevance et de modalités (le « texte présenté conjointement » ou « TPC »).

[5] Le TPC maintient un taux par écoute exprimé en sous. Ce montant fixe est dû chaque fois qu’un fichier numérique musical est communiqué à une seule personne[2].

[6] Le TPC résulte d’une entente entre Ré:Sonne et l’ACR, et Ré:Sonne et Stingray (collectivement, les « ententes RCS »). En fait, le TPC fait partie des ententes RCS et y est annexé.

[7] Nous homologuons le projet de tarif, selon le TPC, sous réserve de modifications. Les taux par écoute que nous homologuons sont les suivants :

Tableau 1 : Taux par écoute homologués

Période

SRC

Non interactif

Semi-interactif

1er janvier 2013 au
12 août 2014

0,000131 $

0,000102 $

0,000089 $

13 août 2014 au
31 décembre 2017

0,000193 $

0,000193 $

0,000193 $

1er janvier 2018 au

31 décembre 2018

0,000208 $

0,000208 $

0,000208 $

[8] Les taux homologués représentent une augmentation par rapport au précédent tarif homologué et tiennent compte (i) de l’inflation et (ii) des ajustements en fonction du répertoire utilisé compte tenu de modifications législatives (au 13 août 2014). Ces dernières ont entraîné une augmentation du nombre d’enregistrements sonores des pays étrangers donnant droit à une rémunération équitable au Canada et représentés par Ré:Sonne. Aucun changement par rapport à la dernière redevance annuelle minimale homologuée de 100$ n’a été proposé de sorte qu’elle est acceptée telle que proposée.

II. CONTEXTE

[9] La demande conjointe vise à ce que la Commission homologue le Tarif 8 de Ré:Sonne (2013-2024) selon le TPC.

[10] Subsidiairement, les parties à l’entente RCS ont demandé que, si la Commission décidait de ne pas homologuer à ce stade le TPC pour la pleine période demandée, soit de 2013 à 2024, elle l’homologue pour la période de 2013 à 2018 (avec un rajustement inflationniste proportionnel jusqu’à la fin de 2018 au lieu de 2020) et établisse une audience sur pièces distincte en vue d’homologuer le tarif pour la période de 2019 à 2024.

[11] La Commission a décidé qu’elle traiterait d’abord la période de 2013 à 2018, et celle de 2019 à 2024 dans un processus distinct[3].

[12] Le TPC est fondé sur le dernier tarif homologué, mais comprend de nouvelles dispositions administratives pour plus de clarté et de cohérence avec les tarifs homologués plus récemment.

[13] Les taux indiqués dans le TPC sont considérablement moins élevés que les taux initiaux proposés par Ré:Sonne dans les projets de tarif.

[14] Pandora et SiriusXM – participant respectivement comme opposante et intervenante – ne contestent pas que les changements législatifs (du 13 août 2014) devraient avoir une incidence sur les taux. Toutefois, Pandora et SiriusXM sont en désaccord avec l’échelle de l’augmentation proposée depuis le dernier tarif homologué.

[15] Le Tableau 2 permet de comparer les taux homologués dans Ré:Sonne – Tarif 8 (Webdiffusions non interactives et semi-interactives), 2009-2012 (le « dernier tarif homologué »)[4] et les taux du TPC pour les années 2013 à 2018.

Tableau 2 : Dernier tarif homologué / taux du TPC en $ par fichier musical transmis

Période

SRC

Non interactif

Semi-interactif

Dernier tarif homologué

0,000131 $

0,000102 $

0,0000102 $

1er janvier 2013 au
12 août 2014

0,000131 $

0,000102 $

0,000089 $

13 août 2014 au
31 décembre 2017

0,000202 $

0,000202 $

0,000202 $

1er janvier 2018 au

31 décembre 2018

0,000222 $

0,000222 $

0,000222 $

[16] Les taux du TPC constituent en général une augmentation depuis le dernier tarif homologué, comme il est indiqué dans le Tableau 3.

Tableau 3: Changements depuis le dernier tarif homologué comparativement aux taux du TPC

Période

SRC

Non interactif

Semi-interactif

1er janvier 2013 au
12 août 2014

0 %

0 %

-13 %

13 août 2014 au
31 décembre 2017

+54 %

+98 %

+98 %

1er janvier 2018 au

31 décembre 2018

+69 %

+118 %

+118 %

III. QUESTIONS

[17] Nous avons cerné les questions clés suivantes :

1. Quel devrait être le taux de redevance non rajusté?

2. Quel devrait être le rajustement en fonction du répertoire utilisé?

3. Le tarif devrait-il tenir compte des écoutes partielles et des essais gratuits?

4. Le taux de 2018 devrait-il être rajusté pour l’inflation, comme le propose Ré:Sonne?

5. Les modifications proposées au libellé devraient-elles être acceptées?

IV. ANALYSE

A. Question 1 : quel devrait être le taux de redevance non rajusté?

[18] Nous devons d’abord établir un point de départ pour le taux de redevance. Ce point de départ est nommé « taux de redevance non rajusté ».

[19] Nous utilisons le même taux de redevance non rajusté que celui ayant conduit au dernier tarif homologué, soit 0,00026222 $ par écoute[5], comme point de référence pour le taux de redevance avant que tout rajustement soit appliqué pour tenir compte des enregistrements sonores qui ne sont pas représentés par Ré:Sonne[6].

[20] Dans cette instance, le taux de redevance non rajusté n’est pas contesté par les parties. Par exemple, Ré:Sonne soutient que le TPC « reflète le même taux effectif et la même structure tarifaire que ceux établis par la Commission lorsqu’elle a homologué le [dernier tarif homologué] »[7] [traduction].

B. Question 2 : Quel devrait être le rajustement en fonction de l’utilisation du répertoire?

Conclusion

[21] Le seul changement significatif sur le marché en cause, étayé par de la preuve, est le changement du répertoire admissible de Ré:Sonne. En nous basant sur la combinaison de deux points de référence, nous appliquons un rajustement de 73,7 pour cent en fonction du répertoire utilisé au taux de redevance non rajusté. Il en résulte un taux de redevance de 0,000193 $ par écoute, avant tout autre rajustement.

Contexte

[22] Une portion importante de musique enregistrée rattachée à d’autres pays, y compris les É.-U., est devenue admissible à une rémunération au Canada le 13 août 2014[8]. Ainsi, le répertoire admissible de Ré:Sonne sur le marché canadien a augmenté depuis le dernier tarif homologué. Un nouveau rajustement en fonction du répertoire utilisé est donc nécessaire[9].

Observations de Ré:Sonne

[23] Ré:Sonne soutient que la taille de son répertoire mis à jour (particulièrement par suite de l’inclusion d’enregistrements sonores étatsuniens) devrait être déterminée en utilisant le TPC comme point de référence, ce qui donne un rajustement de 77 pour cent au titre du répertoire utilisé. Cette méthode s’appuie sur les ententes de 2021 avec l’ACR, représentant Bell Média et son service de transmission iHeart Radio, ainsi que Stingray (les ententes RCS).

[24] Bien que les ententes RCS ne précisent pas un rajustement au titre du répertoire utilisé, Ré:Sonne explique que l’augmentation du taux est attribuable principalement à une « augmentation du répertoire ». En calculant les changements depuis le dernier tarif homologué, le résultat correspond à un rajustement en fonction du répertoire utilisé de 77 pour cent pour la période du 13 août 2014 au 31 décembre 2019[10].

[25] Par ailleurs, Ré:Sonne explique la logique des ententes RCS au sujet du répertoire : « Le règlement […] sur le répertoire faisait partie d’un compromis général en vue de simplifier cette instance et d’éviter les coûts d’une audience complète, y compris les coûts d’une étude approfondie du répertoire et d’un audit, compte tenu des faibles recettes générées par le Tarif 8 (||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||»[11]) [traduction].

[26] Autrement, si la Commission choisit une méthode différente, Ré:Sonne recommande une étude particulière sur le répertoire utilisé qu’elle a commandée et déposée.

[27] Cette étude a été réalisée en juin 2021 par Benoît Gauthier (le Réseau Circum inc.) et Doris Tay (Vice-présidente, Répartition, chez Ré:Sonne) (« l’étude RS8 »)[12]. Selon cette étude, 95,1 pour cent du contenu (non interactif) et 92,6 pour cent du contenu (semi-interactif) transmis par les utilisateurs du Tarif 8 sont représentés par Ré:Sonne. À titre de référence, un rajustement de 38,9 pour cent au titre du répertoire utilisé a été appliqué au dernier tarif homologué.

[28] Ré:Sonne affirme par ailleurs que les résultats de l’étude RS8 (un rajustement de 92,6 pour cent à 95,1 pour cent de l’utilisation en fonction du répertoire) montrent que le rajustement de 77 pour cent issu des ententes RCS est prudent. Un audit n’est donc pas nécessaire pour confirmer qu’un rajustement de 77 pour cent au titre du répertoire utilisé est manifestement raisonnable.

[29] Quant à la SRC, Ré:Sonne soutient que le raisonnement adopté dans le cadre du dernier tarif homologué visant à appliquer à la SRC un rajustement spécifique au titre du répertoire utilisé (comparativement aux webdiffuseurs commerciaux) n’est plus pertinent. La Commission avait conclu que, en raison de son mandat, la SRC faisait jouer plus de musique canadienne que les webdiffuseurs commerciaux. Ainsi, un contenu plus important de Ré:Sonne avait été joué par rapport aux services commerciaux. Maintenant, Ré:Sonne déclare qu’ « [A]vec l’expansion du répertoire de Ré:Sonne et du fait que le répertoire étatsunien est maintenant admissible, un rajustement distinct au titre du répertoire utilisé pour la SRC n’est plus nécessaire »[13] [traduction].

Observations de Pandora

[30] Pandora fait la critique des deux méthodes de calcul du rajustement au titre du répertoire utilisé. Elle affirme que ce rajustement devrait se situer entre 63,5 et 70 pour cent.

[31] En ce qui concerne les ententes RCS, Pandora soulève trois points principaux. Premièrement, les ententes ne sont pas représentatives du marché (|||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||). Deuxièmement, il ne s’agissait pas d’ententes sur le rajustement en fonction du répertoire utilisé, mais plutôt d’un taux de redevance. Troisièmement, même si la Commission préférait utiliser les ententes RCS, le rajustement implicite au titre du répertoire utilisé des ententes est de 70 pour cent lorsque l’inflation est soustraite du taux par écoute.

[32] Pandora explique le dernier point comme suit : le taux de redevance non rajusté était de 26,2 ¢ par 1000 écoutes jusqu’en 2012. De janvier 2013 à juin 2022 (le point milieu de la période de règlement étendue de 2020 à 2024), l’inflation était de 24,7 pour cent. En se basant seulement sur l’inflation, le taux non rajusté en juin 2022 aurait été de 32,7 ¢ par 1000 écoutes. Cependant, le montant des redevances convenu pour cette période était de 22,9 ¢ par 1000 écoutes, soit seulement environ 70 pour cent du taux rajusté au titre de l’inflation, ce qui suppose un rajustement de 70 pour cent au titre du répertoire utilisé (le « rajustement implicite au titre du répertoire utilisé»).

[33] Pandora indique que ce rajustement de 70 pour cent correspond au rajustement de 63,5 pour cent au titre du répertoire utilisé appliqué à Ré:Sonne pour 2015 et 2016 selon la récente décision sur les services sonores payants[14]. Pandora remarque que le chiffre de 63,5 pour cent a suivi une phase d’audit partiel de l’étude du répertoire[15]. Selon Pandora, il s’agit du seul rajustement en fonction du répertoire utilisé appuyé par un audit des déclarations de Ré:Sonne sur l’admissibilité du répertoire en lien avec le régime de 2014.

[34] En ce qui concerne l’étude RS8, Pandora affirme que ses résultats devraient être rejetés parce que l’audit complet des autorisations en vue de représenter un échantillon d’enregistrements sonores américains, demandé à l’origine par la Commission, n’a pas été effectué.

Considérations

[35] Pour déterminer l’ampleur du rajustement au titre du répertoire utilisé, nous avons un choix de deux méthodes : une étude sur le répertoire utilisé d’un tarif particulier, c.-à-d. l’étude RS8, et un point de référence, les ententes RCS[16].

[36] Nous observons que l’étude RS8, bien qu’imparfaite, repose sur un modèle robuste. Nous observons aussi que les ententes RCS ont été exécutées après l’achèvement de l’étude RS8 et ont donc sans doute été éclairées par elle. Autrement dit, les ententes RCS pourraient tenir compte des imperfections de l’étude RS8 et aboutir à un rajustement moindre du répertoire.

L’étude RS8

[37] Nous analysons d’abord l’étude RS8. Cette méthode pour déterminer le rajustement au titre du répertoire utilisé comporte à la fois des forces et des faiblesses.

[38] En termes de forces, nous remarquons plusieurs faits saillants. Premièrement, l’étude RS8 se rapporte directement aux enregistrements sonores transmis par les utilisateurs de ce tarif (webdiffuseurs non interactifs et semi-interactifs). En revanche, d’autres études de répertoire (comme celle sur les services sonores payants et celle sur la radio commerciale[17]) portent sur différents marchés (avec des offres de contenu potentiellement différentes).

[39] Deuxièmement, la taille de l’échantillonnage de l’étude RS8, comprenant plus de 1,4 milliard d’écoutes, est la plus importante comparativement aux études de répertoire sur les services sonores payants et la radio commerciale. La taille de l’échantillonnage de la radio commerciale était de 1,5 million d’écoutes. Bien que la taille de l’échantillonnage de l’étude sur les services sonores payants ne soit pas disponible, elle est probablement de l’ordre de 10 pour cent plus grande que celle de l’étude sur la radio commerciale[18], donc environ 1,65 million d'écoutes.

[40] Troisièmement, l’étude RS8 a été réalisée en 2021 et est donc la plus récente, comparativement à l’étude sur les services sonores payants (2016) et l’étude sur la radio commerciale (2008).

[41] En ce qui concerne les faiblesses, le point principal soulevé par Pandora est qu’elle n’a pas pu vérifier pleinement dans quelle mesure Ré:Sonne est véritablement autorisée par les titulaires de droits à gérer les enregistrements sonores qu’elle dit représenter.

[42] Nous remarquons toutefois que Ré:Sonne a fourni des documents permettant un audit partiel. Ré:Sonne a déposé 208 documents pour montrer sa capacité à représenter et gérer les enregistrements sonores étatsuniens en général, ainsi que des exemples d’enregistrements sonores énumérés spécifiquement dans l’étude RS8 qui sont représentés licitement par Ré:Sonne[19].

[43] Quant aux grandes maisons de disques (qui représentent une large part du marché), nous remarquons que Ré:Sonne a l’autorisation de représenter leurs répertoires grâce à un mandat général. Les enregistrements sonores particuliers faisant partie de ces répertoires sont identifiés par ces ayants droit comme leur appartenant au moment de la distribution des redevances [20].

[44] Bien que ce système d’identification de bonne foi des titres détenus au moment de la distribution des redevances puisse être pratique courante, des erreurs dans la titularité des droits ou des lacunes sont possibles. Par exemple, dans SODRAC c SRC[21], la Commission a conclu que l’étendue de la représentation du répertoire de la SODRAC a été surévaluée de 12 points de pourcentage (para 88). Dans l’étude sur les services sonores payants, l’audit de l’étude du répertoire n’a pas été achevé. Toutefois, Ré:Sonne a accepté un rajustement au titre du répertoire utilisé de 8,5 points de pourcentage de moins que dans sa demande initiale[22].

[45] Quoi qu’il en soit, Pandora n’a pas répondu à ces aspects de l’étude RS8 et ne les a pas commentés, quoiqu’elle ait laissé entendre ne pas avoir examiné ces documents afin d’effectuer un audit partiel, comme nous l’avons fait.

[46] Cela montre un problème de proportionnalité compte tenu des redevances annuelles relativement modestes du Tarif 8 de Ré:Sonne (voir la Pièce Ré:Sonne-2 au para 33). Si un audit complet implique la collecte de documents pour un échantillon de 300 enregistrements sonores, cela générerait plus de 2300 documents, tandis que les ententes RCS peuvent agir comme substituts sans avoir les coûts d’un audit complet.

[47] Par ailleurs, des études du répertoire utilisé imparfaites ou partiellement vérifiées ont été réalisées par le passé. L’étude RS8 peut donc servir de contexte pour les ententes RCS. Inversement, les ententes RCS peuvent être utilisées pour compenser les imperfections de l’étude RS8.

Les ententes RCS

[48] Pandora critique cette méthode, affirmant que les ententes RCS ne sont pas représentatives du marché en termes d’utilisateurs et n’ont pas de valeur comme précédents.

[49] Quant à la représentativité, Ré:Sonne fournit une liste de 38 utilisateurs qui ont versé des redevances dans le cadre du Tarif 8 entre 2012 et 2020[23]. Aux fins du dernier tarif homologué, la Commission a présumé l’homogénéité des offres de contenu des webdiffuseurs[24]. Nous appliquons la même hypothèse en l’espèce. Il n’y a pas de raison de croire que les services ayant signé les ententes RCS et les autres utilisateurs énumérés offrent un contenu très différent.

[50] Pandora remarque également que certains des plus grands acteurs du marché, comme |||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, sont absents de la liste. Cependant, ces sociétés n’offrent que des services interactifs. Ainsi, ils n’auraient pas à traiter avec Ré:Sonne qui, selon nous, ne gère pas les droits applicables aux services interactifs. Leur absence ne constitue donc pas un problème en matière de représentativité.

[51] De toute manière, la représentativité n'est pas déterminante pour savoir si les ententes RCS sont des points de référence significatifs d'un rajustement au titre du répertoire utilisé[25]. Nous remarquons que – |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| – elles fixent un taux qui lie les signataires. Ainsi, elles sont juridiquement significatives.

Une négociation éclairée?

[52] Les ententes sur la portée d’un répertoire sans l’avantage d’une étude sur le répertoire utilisé sont communes et la Commission en tient compte fréquemment[26]. Toutefois, une négociation qui bénéficie de données provenant d’études sur le répertoire utilisé devient un point de référence encore plus significatif.

[53] Dans le cas présent, la négociation semble avoir été rationnellement éclairée par l’étude RS8 et peut-être par l’étude sur les services sonores payants. Ensemble, ils ont constitué un intervalle au sein duquel négocier.

[54] Tout d’abord, les ententes RCS (du 21 novembre 2021) ont été négociées avec le bénéfice de l’étude RS8. Spécifiquement, l’ACR et Stingray ont été consultées sur la méthode utilisée et l’échantillon obtenu par le Réseau Circum inc. leur a été fourni[27].

[55] Par ailleurs, les ententes RCS indiquent explicitement que « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| »[28] [traduction]. Cela indique que les résultats finals de l’étude RS8 ont été examinés. (En particulier, l’étude a permis de conclure que 92,6 pour cent (semi-interactifs) et 95,1 pour cent (non interactifs) des enregistrements sonores transmis était représentés par Ré:Sonne.)

[56] Ensuite, l’étude du répertoire utilisé des services sonores payants a probablement éclairé la négociation ayant mené aux ententes RCS. Nous remarquons que Stingray, l’une des parties aux ententes RCS, a participé à l’étude du répertoire utilisé des services sonores payants. Bien que nous ne sachions pas avec certitude que l’ACR connaissait cette étude, puisque l’entente ACR-Ré:Sonne est essentiellement la même que l’entente Stingray-Ré:Sonne, nous pouvons raisonnablement présumer que l’étude sur les services sonores payants a probablement éclairé les deux ensembles de négociations.

[57] Par ailleurs, l’étude sur les services sonores payants a été dûment référencée dans la décision de la Commission le 28 mai 2021 concernant les services sonores payants. Dans le cadre de cette instance, les parties se sont entendues sur un rajustement au titre du répertoire utilisé après une étude du répertoire, mais sans un audit complet et formel de l’admissibilité d’un échantillon d’enregistrements sonores et de leur statut vis-à-vis du répertoire. Le règlement sur les services sonores payants comprend deux chiffres : 45 pour cent pour la période allant jusqu’au 12 août 2014 et 63,5 pour cent pour la période à partir du 13 août 2014 et par la suite[29].

[58] Dans le cadre du règlement sur les services sonores payants, Ré:Sonne déclarait ce qui suit : « Les parties ont convenu que la proposition conjointe décrite ci-dessus complète l’étude du répertoire, y compris l’étape de l’audit, et qu’aucune autre preuve documentaire ni observation ou audience formelle n’est nécessaire »[30] [traduction].

[59] Même si les deux études sur le répertoire utilisé, soit celle sur les services sonores payants et celle de RS8, étaient incomplètes, elles ont fourni des renseignements pertinents. Les ententes RCS ont pu profiter de ces informations techniques et pertinentes, qui par la suite ont éclairé la négociation.

[60] De toute manière, nous observons que le rajustement du répertoire tiré des ententes RCS se situe dans l’intervalle fixé par les études sur les services sonores payants et RS8. Ainsi, il représente un chiffre raisonnable et pertinent.

Quel est le bon rajustement implicite au titre du répertoire utilisé?

[61] En se fondant sur les ententes RCS, les parties ont proposé différentes façons de calculer les rajustements implicites au titre du répertoire utilisé (RRU), c.-à-d. le pourcentage du taux convenu qui représente le rajustement pour le répertoire utilisé accepté par les signataires.

[62] Pour comparer les propositions des parties, nous les présentons comme des formules :

- Ré:Sonne: taux convenu pour 2018 (20,2 ¢ par 1000 écoutes) ÷ Taux non rajusté (26,2 ¢ par 1000 écoutes) = 77 pour cent RRU

* Ne présume pas que le taux convenu tient compte de l’inflation

- Pandora : taux convenu pour 2022 (22,9 ¢ par 1000 écoutes) ÷ [Taux non rajusté (26,2 ¢ par 1000 écoutes) x taux d’inflation]* = 70 pour cent RRU

* Présume que le taux convenu tient compte de l’inflation en utilisant le « point médian » de la période de l’entente de règlement, de janvier 2013 à juin 2022, soit 24,7 pour cent.

[63] Essentiellement, Pandora considère que 77 pour cent du rajustement du répertoire proposé par Ré:Sonne est trop élevé, du fait qu’il ne prend pas en compte l’inflation, ce que Ré:Sonne, l’ACR et Stingray, en tant que signataires, auraient pris en considération dans leurs ententes. Donc, pour trouver le « rajustement implicite du répertoire », nous devons retirer l’inflation des taux convenus.

[64] Nous sommes plutôt d’accord avec l’approche de Pandora. Puisque les ententes RCS sont considérées comme des points de référence fiables, elles doivent être considérées dans leur intégralité. La Commission présume que tous les éléments pertinents auraient été pris en compte dans toute entente, y compris l’inflation[31]. L’inflation devrait donc être évaluée dans le calendrier des ententes, indépendamment de toute description d’une entente par les parties, lorsque le contexte l’exige[32].

[65] Toutefois, nous ne sommes pas d’accord avec le taux d’inflation de Pandora. Son approche ignore le fait que les ententes de règlement ont été signées le 23 novembre 2021. À cette date, seul le taux d’inflation de 2013 au mois précédant la date de la signature (c’-à-d, octobre 2021) pouvait être déterminé, soit 18,63 pour cent.

[66] Une augmentation de 18,63 pour cent du taux de redevance non rajusté équivaut à 0,000311 $ par écoute, ce qui représente 73,7 pour cent de plus que 0,000229 $. Nous préférons la formule suivante :

- Taux convenu de 2022 (22,9 ¢ par 1000 écoutes) ÷ [Taux non rajusté (26,2 ¢ par 1000 écoutes) x 18,63 pour cent taux d’inflation]* = 73,7 pour cent RRU

* Tient compte de l’inflation connue au moment de la signature (de janvier 2013 à octobre 2021) (signature en nov. 2021), soit 18,63 pour cent

[67] Nous homologuons donc un rajustement au titre du répertoire utilisé de 73,7 pour cent en tenant compte du taux d’inflation connu de 18,63 pour cent. L’approche de Ré:Sonne ignore le passé et Pandora présume que les parties pouvaient avoir prédit parfaitement l’avenir. Notre approche permet de remédier à ces lacunes.

Rajustement au titre du répertoire utilisé pour la SRC

[68] Enfin, nous expliquons pourquoi le rajustement de 73,7 pour cent en fonction du répertoire utilisé est applicable aussi à la SRC.

[69] Premièrement, comme la Commission l’a noté dans ses motifs du dernier tarif homologué, on s’attendait à ce que, en raison de son mandat, la SRC fasse jouer beaucoup plus de contenu canadien dont la plupart fait partie du répertoire de Ré:Sonne, comparativement aux webdiffuseurs commerciaux[33]. Comme l’explique Ré:Sonne, avec l’expansion de son répertoire et du fait que le répertoire étatsunien est maintenant admissible, un rajustement distinct du répertoire n’est plus nécessaire pour la SRC.

[70] Deuxièmement, comme la Commission l’a fait remarquer dans ses motifs du dernier tarif homologué, il n’y a pas de raison de croire que le contenu de webdiffusion de la SRC est très différent de celui de ses contreparties commerciales[34]. De même, il n’y a pas de preuve au dossier suggérant que la SRC et les webdiffuseurs commerciaux utilisent des enregistrements sonores non représentés par Ré:Sonne différemment.

[71] En octobre 2019, la SRC a cessé sa participation à l’instance et a déclaré officiellement qu’elle ne s’opposait plus au projet de tarif de Ré:Sonne jusqu’en 2018 inclus. La SRC pourrait, lors d’instances futures, présenter des preuves que son contenu justifie un rajustement au titre du répertoire utilisé différent, même si elle a choisi de ne pas le faire lors de cette instance.

[72] Nous utilisons les ententes RCS comme points de référence pour un rajustement de 73,7 pour cent au titre du répertoire utilisé, y compris pour les taux de la SRC.

C. Question 3 : Le tarif devrait-il tenir compte des écoutes partielles et des essais gratuits?

[73] Pandora affirme que les écoutes partielles (c.-à-d. les transmissions de 30 secondes ou moins) et les essais gratuits devraient être exclus du calcul des redevances à verser. Autrement dit, les écoutes qui ont lieu pendant les essais gratuits et les écoutes partielles ne devraient pas générer des redevances.

[74] Nous concluons que les écoutes partielles devraient générer des redevances, mais non pas les essais gratuits.

i. Écoutes partielles (ou « sauts »)

[75] Pandora et SiriusXM affirment que les écoutes partielles ne devraient plus entraîner des redevances en raison de nouvelles preuves sur les changements de pratiques du secteur[35].

[76] Pandora suggère aussi que les écoutes partielles sont des actes non substantiels et non redevables des redevances. Pandora affirme aussi qu’

[u]ne approche exigeant un paiement pour des écoutes partielles comme un genre de prime d’interactivité n’est pas conforme à la neutralité technologique. Le saut est possible parce que les services mettent en mémoire tampon la chanson suivante "en avance" et parallèlement à la chanson en cours de lecture, afin qu'elle soit disponible si la chanson en cours de lecture est sautée. Ainsi, il s’agit d’une forme de reproduction (mise en mémoire tampon) et non d’une exécution, et c’est l’intervention de la technologie (aux frais du service) et non l’œuvre qui est à l’origine de cette interactivité[36]. [Traduction]

[77] Pandora suggère la mise en œuvre d’une exclusion des écoutes partielles, soit en n’exigeant pas de paiements pour les écoutes partielles (les écoutes de 30 secondes ou moins), soit par un escompte général au taux par écoute.

[78] Si un escompte général est utilisé, Pandora suggère que le rajustement devrait comprendre la moyenne de trois points de données : |||||||||||||||||||||||||||||| des écoutes de Pandora étant des écoutes partielles sur son volet semi-interactif financé par la publicité, |||||||||||||||||||||||||||||| provenant de son volet semi-interactif payant et |||||||||||||||||||| en fonction d’une étude par une tierce partie du comportement des utilisateurs de Spotify, ce qui résulterait en un escompte de |||||||||||||||||||||||||.

[79] D’après Ré:Sonne, les écoutes partielles doivent faire l’objet des redevances complètes. Elle affirme que les sauts et leur interactivité connexe fournissent une valeur réelle (et ajoutée) tant aux consommateurs qu’aux fournisseurs de musique en ligne. Ré:Sonne n’est pas d’accord pour dire que l’exclusion des écoutes partielles sont une « pratique du secteur » : seules quelques ententes de licence de la SOCAN excluent les écoutes partielles. Par ailleurs, elle souligne que, dans le cadre du droit d’auteur aux É.-U., les écoutes partielles entraînent en général des redevances et les exceptions sont très limitées. Comparativement, le taux canadien par écoute est faible et le serait encore plus si les écoutes partielles étaient exclues.

[80] Selon Ré:Sonne, le fait d’exclure les sauts de l’assiette des redevances susciterait un problème de données. D’abord, les données sur les sauts sont fournies par Pandora au moyen de témoignages sur les faits déposés dans le cadre de l’instance sur les SML. Ré:Sonne n’a donc pas été en mesure d’interroger le témoin sur la fiabilité de ces données. Aussi, les données se rapportent à un marché géographique différent. Ensuite, les chiffres additionnels sur les sauts proviennent d’une étude d’une tierce partie qui s’est fondée sur des sources de données non vérifiées et qui se rapportent à Spotify, laquelle n’offre que des services complètement interactifs. Ceux-ci font normalement l’objet d’un tarif différent et d’une structure tarifaire différente.

[81] Enfin, Ré:Sonne n’est pas d’accord pour dire que les sauts se rapportent au droit de reproduction (qui n’a pas de rapport avec le présent tarif) par la mise en mémoire tampon. Les sauts peuvent avoir lieu sans cela. De plus, selon Ré:Sonne, il n’est pas exact juridiquement d’associer les écoutes partielles et l’utilisation équitable à des fins de recherche. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Bell Canada (« Bell »), qui portait sur les écoutes préalables de 30 secondes avant l’achat d’un fichier musical, ne s’applique pas dans le cas présent.

Considérations

[82] La question de savoir si les écoutes partielles de 30 secondes peuvent entraîner une responsabilité juridique est non pertinente. Nous n’attribuons pas de valeur aux sauts. Nous ne comptabilisons les sauts que comme moyen d’évaluer l’interactivité.

[83] En effet, un service qui comporte une interactivité a plus de valeur qu’un service qui n’en comporte pas, cette valeur ajoutée étant la « prime d’interactivité ». À cet égard, les données produites par Pandora laissent entendre que les sauts diffèrent selon le marché : |||||||||||||||||||||||||||||| des écoutes de Pandora sont des écoutes partielles sur son volet semi-interactif financé par la publicité, |||||||||||||||||||||||||||||| sur son volet semi-interactif payant[37] et ||||||||||||||||||||||||| sur Spotify – un service complètement interactif[38].

[84] Si ces taux de pourcentage sont convertis en un taux par écoute en utilisant des données sur le nombre de transmissions et le montant des redevances payées par chaque service provenant de l’instance sur les SML[39], nous concluons que les taux par écoute pour les services interactifs complets sont, en moyenne, |||||||||| fois plus élevés que ceux des services semi-interactifs que nous homologuerions. Cela laisse supposer qu’une plus grande interactivité entraîne un prix plus élevé.

[85] Le fait que certaines ententes sectorielles ne comptabilisent pas les écoutes partielles aux fins des redevances n’explique pas la manière dont l’interactivité est évaluée. L’interactivité peut néanmoins être reflétée dans le taux convenu, la structure des taux ou des dispositions financières particulières.

[86] Dans une situation parfaite, nous aurions deux taux différents : l’un pour les services non interactifs et l’autre, plus élevé, pour les services semi-interactifs, la différence exprimant la prime d’interactivité. Toutefois, nous n’avons pas d’information sur la valeur précise de l’interactivité pour les consommateurs ni sur la valeur marginale des sauts du point de vue du consommateur.

[87] Nous adoptons donc la même approche que celle du dernier tarif homologué : demander un paiement pour des écoutes partielles dans le cadre d’un tarif par écoute qui ne fait pas la distinction entre les transmissions non interactives et semi-interactives est un moyen pratique de valoriser l’interactivité de ce dernier.

[88] Par ailleurs, nous n’acceptons pas l’argument selon lequel les écoutes partielles sont rattachées exclusivement au droit de reproduction. Cette notion ignore le fait qu’une communication doit avoir lieu pour que l’utilisateur final décide de faire le saut ou non. Même si le droit de reproduction était engagé par des écoutes partielles, nous n’avons pas de preuve que cela nous permettrait d’attribuer la prime d’interactivité entre les droits de communication et ceux de reproduction.

[89] Comme il n’y a pas d’entente au dossier sur les droits de reproduction en matière de transmission, nous ne disposons pas d’information pour savoir si une telle prime d’interactivité est déjà payée à cet égard, ou le montant de cette prime.

[90] En conclusion, nous reconnaissons qu’une prime d’interactivité est appropriée. Puisque nous ne disposons pas d’information qui nous permettrait de fixer un prix pour cette prime avec plus d’exactitude, nous continuons d’utiliser le nombre d’écoutes partielles comme mesure indirecte de l’interactivité. Par conséquent, les écoutes partielles font partie de l’assiette des redevances.

ii. Essais gratuits

[91] Pandora et SiriusXM suggèrent que toute écoute ayant lieu pendant des périodes d’essais gratuits de 31 jours ou moins par année ne devrait pas faire l’objet de redevances.

[92] Le raisonnement en est que les essais gratuits augmentent le nombre d’abonnés et en fin de compte le nombre total d’écoutes et de versements de redevances aux ayants droit. Pandora cite en appui l’expertise économique qu’elle a déposée en preuve au dossier SML[40] et le fait que les essais gratuits sont de pratique courante dans le secteur[41].

[93] Du point de vue de Ré:Sonne, il ne s’agit que de pure spéculation, ce raisonnement étant fondé sur des preuves non vérifiées et ne peut servir de base pour modifier fondamentalement les modalités économiques d’un tarif. Il est tout aussi possible – puisque de nombreux essais gratuits semblent conçus pour une concurrence entre les services pour gagner des auditeurs – que les essais gratuits attirent des utilisateurs d’un service à un autre sans avantage net pour les ayants droit. Selon Ré:Sonne, ces derniers ne tirent pas de profit des mesures promotionnelles conçues par les services de musique en ligne pour attirer des abonnés et on ne devrait pas s’attendre à ce qu’ils subventionnent ces efforts en permettant à leur musique d’être offerte gratuitement.

Considérations

[94] Bien que les essais gratuits puissent sembler contre-intuitifs d’un point de vue juridique, ils sont acceptés sur le marché, ce qui laisse entendre qu’ils sont mutuellement avantageux tant pour le concédant que pour le titulaire de licence. Des |||||||| ententes déposées par la SOCAN dans le cadre de l’instance sur les SML (et discutées par les parties à la présente instance), des dispositions sur les essais gratuits paraissent dans ||||||||||||||||||||[42].

[95] Aussi, les essais gratuits sont limités dans le temps et, ainsi, ne peuvent pas se substituer à un modèle d’abonnement payant. Nous pouvons raisonnablement présumer que l’incidence sur le marché des ayants droit est donc négligeable au vu des avantages potentiels.

[96] Cela a été reconnu implicitement dans SOCAN - Tarif 22.D.1 (Internet – Services audiovisuels en ligne), 2007-2013 [Réexamen][43], où la Commission a homologué un tarif en fonction d’un texte présenté conjointement dans lequel il était question de Netflix. Le tarif prévoyait que tout mois unique d’essai gratuit dans une période d’abonnement de 12 mois n’était assujetti à aucune redevance.

[97] Par conséquent, les écoutes au cours de tout essai gratuit de 31 jours dans une période de 12 mois ne sont pas comptabilisées aux fins des redevances.

D. Question 4 : Quel devrait être le rajustement pour l’inflation durant l’année 2018?

[98] Tant Ré:Sonne que Pandora acceptent qu’un rajustement au taux de redevance pour l’inflation est approprié. Ré:Sonne demande une seule augmentation inflationniste de 10 pour cent applicable aux taux de redevances pour 2018 (selon la pratique de la Commission, l’inflation pour 2013-2017 serait donnée en 2018). La Commission convient qu’un rajustement inflationniste est approprié du fait qu’il préserve le pouvoir d’achat des ayants droit.

[99] La Commission mesure généralement l’inflation comme le changement de pourcentage de l’Indice des prix à la consommation (IPC) entre le mois de janvier de la première année et le mois de décembre de la dernière année complète des données disponibles.

[100] Ré:Sonne demande une augmentation inflationniste de 10 pour cent commençant en 2018, en utilisant la croissance mensuelle de l’IPC de janvier 2013 à décembre 2018. L’IPC en janvier 2013 était de 121,3 et celui de décembre 2018 était de 133,4, avec pour résultat un taux d’inflation de 9,98 pour cent, qui est presque le même que le calcul de 10 pour cent de Ré:Sonne. Il convient de noter qu’en général, la Commission n’arrondit pas les augmentations inflationnistes au nombre entier le plus proche[44].

[101] L’enjeu est de savoir s’il faut appliquer l’augmentation inflationniste à compter de janvier 2018, étant donné que toute l’année 2018 (de janvier à décembre 2018) est utilisée dans l’année du calcul. La Commission a fréquemment indiqué qu’elle ne prédirait pas l’inflation; cependant, en 2023, l’inflation pour la période de 2018 est connue.

[102] Néanmoins, en permettant à toute l’année 2018 d’être incluse dans le rajustement à compter de janvier 2018, ce ne serait pas juste ou équitable. Dans un tel cas, les utilisateurs versant des redevances pour la période de janvier 2018 paieraient un taux plus élevé fondé sur une augmentation inflationniste qui n’avait pas encore eu lieu. Pour ces raisons, un rajustement pour l’inflation utilisant la période entre janvier 2013 et décembre 2017 est plus approprié.

[103] Selon Statistique Canada, l’IPC en janvier 2013 était de 121,3 et celui en décembre 2017 était de 130,8, soit une augmentation inflationniste de 7,83 pour cent.

[104] Ainsi, nous approuvons un rajustement pour l’inflation de 7,83 pour cent aux taux de redevances de l’année 2018.

E. Question 5 : Les modifications proposées au libellé du tarif devraient-elles être acceptées?

[105] Comme l’explique Ré:Sonne, le TPC comprend des révisions du libellé du dernier tarif homologué et de nouvelles dispositions administratives « dans un souci de clarté et de cohérence avec les tarifs homologués plus récemment » [traduction]. Les révisions principales proposées suivent. Ni Pandora ni SiriusXM ne s’opposent à ces modifications du libellé.

Portée

[106] Ré:Sonne explique que, pour plus de précision, l’alinéa 3(1)e) a été ajouté pour confirmer que le tarif ne s’applique pas aux fournisseurs de musique de fond, qui fait l’objet du Tarif Ré:Sonne 3.A – Fournisseurs de musique de fonds (2014-2018).

[107] Nous approuvons cette modification, car elle précise la portée d’application du tarif et ne constitue pas une référence circulaire.

Définitions

[108] Ré:Sonne explique les modifications comme suit : La terminologie du TPC a été révisée pour remplacer le mot « webdiffusion » par « transmission ». Cette modification vise à refléter la terminologie plus actuelle utilisée dans le secteur et à assurer une plus grande cohérence avec les tarifs sur les SML de la SOCAN et de CSI. Pour la même raison, le mot « webdiffuseur » est remplacé par « service ».

[109] En outre, les définitions de « transmission non interactive », « transmission sur demande » et « transmission semi-interactive » ont été révisées pour plus de clarté, en utilisant des exemples. La définition de « fichier » a été révisée pour plus de clarté, de manière à inclure toutes les écoutes, qu’elles fassent ou non partie du répertoire de Ré:Sonne. En fait, depuis que le taux est rajusté en amont dans le cadre du répertoire, il n’est plus nécessaire de déterminer en aval si un enregistrement sonore fait partie du répertoire. La définition de « transmission simultanée » a été révisée pour refléter les décisions récentes de la Commission précisant que « le fait d’utiliser ou de ne pas utiliser une option d’interactivité ne change rien à la nature du service »[45].

[110] Enfin, la définition du « nombre total d’heures d’écoute » a été retirée du fait qu’elle faisait partie de dispositions transitionnelles selon le dernier tarif homologué et n’est plus applicable.

[111] Nous approuvons les modifications pour les raisons offertes par Ré:Sonne.

Calendrier du versement de la redevance minimale

[112] Ré:Sonne explique que le paragraphe 5(3) est ajouté pour prévoir le versement de la redevance minimale annuelle de 100 $ avant le 15 janvier de chaque année, à porter au crédit des montants mensuels à payer. Selon le dernier tarif homologué, il y avait ambiguïté à savoir à quelle date la redevance minimale devait être payée.

[113] Nous approuvons les modifications pour les raisons présentées par Ré:Sonne.

Rajustements au montant des redevances exigibles

[114] Le paragraphe 11(2) du dernier tarif homologué[46], qui porte sur des renseignements inexacts fournis par un utilisateur à propos de fichiers musicaux transmis, a été retiré.

[115] Ré:Sonne explique que cela n’est pas applicable du fait que (i) le taux par écoute de Ré:Sonne est ajusté en fonction du répertoire (ce qui signifie que tout fichier transmis n’a pas besoin d’être identifié pour savoir s’il est admissible, dans le domaine public ou dans le répertoire de Ré:Sonne) et (ii) cela impose une obligation trop onéreuse et complexe eu égard à la façon dont les distributions des redevances sont effectuées par Ré:Sonne.

[116] Nous approuvons les modifications pour les raisons données par Ré:Sonne.

Audits, confidentialité, remise des avis et des paiements

[117] Ré:Sonne propose les modifications suivantes : Les articles 10, 11 et 14 ont été révisés pour leur cohérence avec des tarifs homologués plus récemment. L’alinéa 11(2)b) a été développé afin de permettre un échange d’information avec CMRRA, SODRAC et CSI pour les mêmes raisons que la Commission permet déjà un échange d’information avec la SOCAN. La communication d’information entre les sociétés de gestion crée des efficacités administratives et peut réduire la nécessité d’audits inutiles et redondants des services.

[118] Nous approuvons les modifications proposées pour les raisons présentées par Ré:Sonne.

Disposition transitoire – Facteurs d’intérêt

[119] La Commission reconnaît la valeur temporelle de l’argent et, ainsi, prévoit habituellement des facteurs d’intérêt. Nous incluons les facteurs d’intérêt qui compensent les coûts d’opportunité encourus pendant la période de 2013 à 2018. Ces coûts sont engendrés en raison de la différence des redevances qui pourraient ne pas avoir été versées à Ré:Sonne pendant cette période.

V. CONCLUSION

[120] Nous homologuons les projets de tarif selon le TPC, sous réserve des modifications suivantes :

  • -Prise en compte de l’inflation dans les taux convenus pour cerner le rajustement implicite du répertoire et l’adaptation du taux en conséquence;

 

  • -Augmentation du taux de 2018 par 7,83 pour cent pour tenir compte de l’inflation entre janvier 2013 et décembre 2017;

 

  • -Exclusion des essais gratuits jusqu’à 31 jours par année;

 

  • -Inclusion des écoutes partielles (jusqu’à 30 secondes);

 

  • -Modifications mineures du libellé selon le TPC.

 



[1] Voir Tarif 1.B.2 de Ré:Sonne – Diffusions simultanées et webdiffusions non commerciales (2013-2019) 2020 CDA 017-T (5 décembre 2020), Gaz C Supplément Vol 154 No 49.

[2] Le paiement de redevances pour la même utilisation à d’autres sociétés de gestion, comme la SOCAN, peut être fondé sur un taux de redevance exprimé en pourcentage de revenu et non en fonction des écoutes. Cette différence n'a été remise en question ni par les sociétés de gestion ni par les utilisateurs.

[3] Décision interlocutoire de la Commission CB-CDA 2021-056, 10 décembre 2021.

[4] Tarif 8 de Ré:Sonne Webdiffusions non interactives et semi-interactives 2009-2012 (Motifs) (16 mai 2014). [Tarif 8 de Ré:Sonne (2009-2012)]

[5] Ibid au para 170.

[6] Le rajustement est obtenu habituellement en multipliant le taux de redevance non rajusté par le pourcentage d’écoutes qui utilisent des enregistrements sonores du répertoire.

[7] Pièce Ré:Sonne-1 au para 7. [Ré:Sonne-1]

[8] Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), 20 décembre 1996 (entrée en vigueur au Canada : le 13 août 2014). Toutefois, selon la Déclaration limitant le droit à rémunération équitable pour certains pays qui sont parties à la Convention de Rome ou au Traité de l’OIEP, DORS/2014-181, certains enregistrements sonores étatsuniens antérieurs à 1972 n’avaient pas droit à une rémunération équitable au Canada qu’après le 28 avril 2020.

[9] Les taux du dernier tarif homologué résultaient d’un rajustement en fonction de l’utilisation du répertoire appliqué à un taux d’un tarif SOCAN (c-à-d radio commerciale) qui a servi de point de référence (lequel a été converti d’un taux de pourcentage en taux par écoute exprimé en sous, à savoir 0,00026222 $ par écoute) Voir Tarif 8 de Ré:Sonne (2009-2012), supra note 4 au para 170. La Commission a ensuite appliqué un rajustement de 38,9 pour cent en fonction de l’utilisation du répertoire pour les webdiffuseurs commerciaux et de 50 pour cent pour la SRC. On s’attendait à ce que la SRC fasse jouer beaucoup plus de contenu canadien, dont la majorité fait partie du répertoire de Ré:Sonne. Les webdiffuseurs commerciaux diffusaient habituellement plus de contenu qui ne faisait pas partie du répertoire de Ré:Sonne, en particulier des enregistrements sonores américains, qui n’étaient pas admissibles à une rémunération équitable à l’époque. Ré:Sonne n’était en droit de percevoir des redevances que pour des enregistrements sonores faisant partie de son répertoire, mais provenant de pays membres de la Convention de Rome pour la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion. Il est utile de noter que les É.-U. ne sont pas membres de la Convention de Rome.

[10] Pièce Ré:Sonne-1.I et Pièce Ré:Sonne-1.J art 3. [Ré:Sonne-1.I et Pièce Ré:Sonne-1.J]

[11] Pièce Ré:Sonne-2 au para 33.

[12] Pièce Ré:Sonne-1.F et Pièce Ré:Sonne-1.G.

[13] Pièce Ré:Sonne-1, supra note 7 à la note de bas de page 9.

[14] Ré:Sonne et SOCAN – Tarif applicable au service sonore payant et aux services accessoires de Stingray (2007-2016) 2021 CDA 5 au para 256. [Tarif – Service sonore payant et services accessoires de Stingray (2007-2016)]

[15] Ibid aux para 262-276.

[16] Ré:Sonne-1, supra note 7 au para 19 et note de bas de page jointe citant les précédents de la Commission du droit d’auteur. Ré:Sonne remarque à juste titre que « la Commission a accepté à de nombreuses occasions des règlements ou des ententes entre les parties sur le rajustement du répertoire à être utilisé lors de l’homologation de tarifs » [traduction].

[17] SOCAN, Ré:Sonne, CMRRA-SODRAC inc., AVLA-SOPROQ, Artisti – Tarif pour la radio commerciale 2008-2012 (motifs) (9 juillet 2010) au para 255 [Tarif pour la radio commerciale 2008-2012]: cette étude a fixé le rajustement du répertoire à 93,72 pour cent et a pleinement pris en compte la part de répertoire admissible des enregistrements sonores rattachés aux É.-U. Voir Tarif 6.C de Ré:Sonne – Utilisation de musique enregistrée pour accompagner un divertissement pour adultes (2019-2023) 2021 CDA 2 au para 17.

[18] Ceci reflète le fait que, bien qu’il y ait beaucoup plus de stations de radio commerciale au Canada que de chaînes audio payantes, les rapports sur l’utilisation de la musique ont lieu pour un plus grand nombre de jours par année pour les services audio payants que pour ceux de la radio commerciale.

[19] Voir Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, ch. C-42, art 2 : définition de « société de gestion » qui signifie une entité autorisée par les titulaires de droits à agir en leur nom dans la gestion collective de leurs droits.

[20] Ré:Sonne-1, supra note 7 au para 23.

[21] Demande de fixation des redevances et modalités d'une licence (SODRAC c. SRC, 2012-2018 [Examen]) 2021 CDA 1 (27 janvier 2021) [SODRAC c. SRC, 2012-2018 [Examen]]

[22] Voir Tarif – Service sonore payant et services accessoires de Stingray (2007-2016), supra note 14 aux para 266 et 275.

[23] Ré:Sonne-1, supra note 7 Annexe D-C.

[24] Tarif 8 de Ré:Sonne (2009-2012), supra note 1 para 192 : « En revanche, bien que les webdiffusions de la SRC puissent être différentes de celles d’autres webdiffuseurs, rien ne permet de penser que la variété de genres de webdiffusions qu’elle propose diffère de quelque manière que ce soit de celle proposée par les autres webdiffuseurs en tant que groupe. »

[25] La Commission a déclaré à plusieurs occasions que la représentativité des parties au règlement n’est qu’un des éléments dont elle tient compte dans l’examen d’un tarif. Voir par ex Tarif Ré:Sonne 3.A – Fournisseurs de musique de fond (2014-2018) 2020 CDA 015 au para 16 et Tarif de Ré:Sonne 6.A – Utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités de danse (2013-2018) 2020 CDA 004 au para 20.

[26] Par ex dans Tarif pour la radio commerciale 2008-2012, supra note 17 au para 215, les taux sont « fondés sur la conclusion selon laquelle 50 pour cent des enregistrements sonores joués par les stations de radio figurent dans le répertoire de Ré:Sonne, une proportion sur laquelle s’entendent Ré:Sonne et l’ACR ». Cependant, cette « conclusion » elle-même n’était pas éclairée par une étude du répertoire utilisé. Elle semble plutôt un compromis raisonnable « à mi-chemin » pour les deux parties.

[27] Ré:Sonne-1, supra note 7 aux para 21-22.

[28] Ré:Sonne-1.I et Ré:Sonne-1.J, supra note 10.

[29] Tarif – Service sonore payant et services accessoires de Stingray (2007-2016), supra note 14 au para 275.

[30] Ibid au para 276.

[31] Voir par ex SODRAC c. SRC, 2012-2018 [Examen], supra note 21 au para 40.

[32] Comme le dit l'adage : « Le document parle de lui-même ».

[33] Tarif 8 de Ré:Sonne (2009-2012) au para 193.

[34] Ibid au para 192.

[35] Ces changements ont été mis en évidence au cours de l’instance Services de musique en ligne (SOCAN : 2007-2018) (l’« instance SML »).

[36] Pièce Pandora-1 au para 65.

[37] Pièce Pandora-2 au para 9.

[38] Pièce Pandora-1.A.

[39] Pièce SOCAN-7. [SOCAN-7]

[40] Pièce Pandora-3 (SML) au para 80.

[41] SOCAN-7, supra note 39.

[42] Ibid Pièce justificative O.

[43] Tarif 22.D.1 de la SOCAN – Internet - Services audiovisuels en ligne 2007-2013 [Réexamen] CB-CDA 2017-008 (27 janvier 2017).

[44] Voir plus récemment Tarif 7 de la SOCAN – Patinoires (2023-2025) 2022 CDA 14 au para 29 : où une augmentation au titre de l’inflation de 16,98 pour cent a été approuvée.

[45] Tarif – Service sonore payant et services accessoires de Stingray (2007-2016), supra note 14 aux para 210-212.

[46] Tarif 8 de Ré:Sonne (2009-2012), supra note 4 : « 11(2) L’excédent versé parce qu’un webdiffuseur a fourni des renseignements inexacts ou incomplets pour un fichier est déduit des montants payables par la suite pour l’utilisation d’enregistrements sonores appartenant à la même personne que l’enregistrement sonore contenu dans ce fichier. »

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