Licences

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Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1999-08-31

Référence

DOSSIER : 70.2-1999-1

Régime

Loi sur le droit d’auteur, articles 66.51 et 70.2

Demande de fixation des droits et modalités d’une licence en vertu du paragraphe 70.2(1) de la Loi sur le droit d’auteur

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

M. Stephen Callary

Me Sylvie Charron

Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (Sodrac) c. l’association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ)

Motifs de la décision

I. MOTIFS DE LA DÉCISION

À la demande de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (Sodrac) et conformément aux articles 66.51 et 70.2 de la Loi sur le droit d’auteur (la Loi), la Commission fait sienne à titre de décision provisoire l’entente intervenue le 5 janvier 1995 entre la Sodrac et l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ). Les maisons de disques membres de l’ADISQ pourront donc utiliser le répertoire de la Sodrac pour fins de reproduction mécanique à ces conditions jusqu’à l’émission de la décision finale de la Commission dans la présente affaire, à moins qu’une autre décision provisoire intervienne entre-temps.

II. MOTIFS

A. Introduction

Le 15 juin 1999, la Sodrac, s’appuyant sur l’article 70.2 de la Loi, demande à la Commission de fixer les droits et modalités d’une licence pour la reproduction des œuvres musicales de son répertoire en 1999, 2000 et 2001 par les maisons de disques membres de l’ADISQ. S’appuyant cette fois sur l’article 66.51 de la Loi, la Sodrac demande par ailleurs l’émission d’une décision provisoire reprenant l’entente intervenue le 20 avril 1995 entre la Sodrac et l’ADISQ et venue à échéance le 31 décembre 1998. La Sodrac demande enfin que l’effet de la decision provisoire ne se prolonge pas au-delà du 31 décembre 1999. La Sodrac offre plus de détails sur les motifs qui l’amène à formuler ses demandes dans une lettre du 6 juillet 1999.

Dans des lettres du 29 juin et du 20 août 1999, l’ADISQ explique pourquoi elle s’oppose à la demande de décision provisoire. La décision serait superfétatoire, l’entente prévoyant déjà le maintien du statu quo. Elle serait aussi déplacée puisque se substituant à une entente librement négociée entre les parties. Enfin, les conditions permettant à la Commission de rendre une décision provisoire ne seraient pas remplies à deux titres. Premièrement, comme le contrat prévoit le maintien du statu quo, la Sodrac ne subirait aucun préjudice du fait des délais dans la procédure qu’elle a engagée. Deuxièmement, vu l’absence de débat contradictoire entre les parties, la question serait académique.

L’ADISQ demande par ailleurs que toute décision provisoire ait effet jusqu’à l’émission de la décision finale de la Commission, de façon à éviter tout vide juridique.

i. Dispositions législatives et contractuelles pertinentes

Les articles 66.51 et 70.2 de la Loi se lisent comme suit :

66.51 La Commission peut, sur demande, rendre des décisions provisoires.

70.2(1) À défaut d’une entente sur les redevances, ou les modalités afférentes, relatives à une licence autorisant l’intéressé à accomplir tel des actes mentionnés aux articles 3, 15, 18 ou 21, selon le cas, la société de gestion ou l’intéressé, ou leurs représentants, peuvent, après en avoir avisé l’autre partie, demander à la Commission de fixer ces redevances ou modalités.

(2) La Commission peut, selon les modalités, mais pour une période minimale d’un an, qu’elle arrête, fixer les redevances et les modalités afférentes relatives à la licence. Dès que possible après la fixation, elle en communique un double, accompagnée des motifs de sa décision, à la société de gestion et à l’intéressé, ou au représentant de celui-ci.

L’article 11 de l’entente intervenue le 20 avril 1995 entre la Sodrac et l’ADISQ se lit comme suit :

Durée

11.1 La présente entente entre en vigueur le 1er janvier 1994 et dure jusqu’au 31 décembre 1998.

11.2 Jusqu’à la signature d’une nouvelle entente, les modalités de la présente entente restent en vigueur.

B. Analyse

L’objet de la décision provisoire est avant tout d’éviter les effets néfastes de la longueur des procédures. [1] Jusqu’à maintenant, comme l’ADISQ l’a constaté, la Commission a rendu des décisions provisoires pour éviter les vides juridiques. Mais la compétence de la Commission ne s’arrête pas là.

En l’espèce, le temps qu’il faudra pour rendre une décision finale risque de porter préjudice à la Sodrac non pas à cause d’un quelconque vide juridique, mais au contraire à cause du carcan que ses liens contractuels avec l’ADISQ pourraient lui imposer contre son gré.

L’article 11.2 de l’entente venue à échéance en décembre dernier prévoit le maintien de ses modalités jusqu’à la conclusion d’une nouvelle entente. L’article ne précise pas si ces modalités sont contraignantes et définitives pour la durée de l’intérim ou encore, si elles peuvent être modifiées ou remplacées avec effet rétroactif, à une date subséquente. La Commission opte pour la deuxième interprétation, la première permettant à l’une des parties de transformer une entente délimitée dans le temps en contrat à durée indéterminée en négligeant simplement de conclure une nouvelle entente.

Par ailleurs, il n’est pas certain que la décision que la Commission rend en application de l’article 70.2 de la Loi puisse rétroagir au dépôt de la demande qui la saisit ou encore, comme la Sodrac le demande, à une date antérieure au dépôt. Si la décision ne peut prendre effet avant qu’elle soit émise, la seule façon d’empêcher que le statu quo se transforme en fait accompli est d’émettre la décision provisoire. Comme il est de l’essence de la décision provisoire qu’elle puisse être révisée par la décision finale, il sera alors loisible à la Commission (si elle le juge nécessaire) de faire rétroagir sa décision finale au moins jusqu’à la date de la décision provisoire. Refuser d’émettre la décision provisoire, c’est peut-être imposer à la Sodrac de se contenter d’une rémunération moindre que ce que la Commission estime juste et équitable pour la période précédant la décision au fond. [2]

Compte tenu de ce qui précède, point n’est besoin d’expliquer davantage pourquoi la présente décision n’est ni superfétatoire, ni académique. Par ailleurs, le fait que la décision se substitue à une entente librement négociée ne peut en empêcher l’émission pour deux motifs. Premièrement, le régime juridique auquel la Loi assujettit les parties ne saurait être interprété de manière à permettre à l’une d’entre elles de jouir d’un avantage démesuré par rapport à l’autre; or, c’est précisément ce qui risque de se produire si l’on permet à l’ADISQ de se prévaloir des termes de l’entente de 1995 pour une durée indéterminée. Deuxièmement, ce régime a précisément pour objet de permettre à la Commission de se substituer à la volonté des parties.

La décision provisoire ne comporte pas de date d’échéance. L’ADISQ a raison de dire qu’une décision provisoire assujettie d’une date d’expiration crée un risque de vide juridique. Par ailleurs, une décision provisoire peut toujours être remplacée par une autre décision provisoire. La Sodrac est donc en mesure de demander une réévaluation de la situation avant l’émission d’une décision finale si les circonstances s’y prêtent.

Le secrétaire de la Commission,

Signature

Claude Majeau



[1] Bell Canada c. Canada (CRTC), [1989] 1 R.C.S. 1722, 1754.

[2] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, 1992-1994 [1990-1994] Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur, 240, 242.

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