Licences

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Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2009-03-31

Référence

Dossier : 70.2-2008-01

Régime

Fixation des redevances dans des cas particuliers

Loi sur le droit d’auteur, articles 66.51 et 70.2

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Sodrac 2003 inc. et société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) c. société radio-Canada (SRC)

Motifs de la décision

[1] Le 14 novembre 2008, s’appuyant sur l’article 70.2 de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »), SODRAC 2003 inc. et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (conjointement la SODRAC) demandaient à la Commission de fixer les droits et les modalités d’une licence pour la reproduction des œuvres musicales de son répertoire par la Société Radio-Canada (SRC) entre cette date et le 31 mars 2012. S’appuyant par ailleurs sur l’article 66.51 de la Loi, la SODRAC demandait la délivrance d’une licence provisoire prenant effet le même jour.

[2] Deux ententes sont à la source du présent litige.

[3] La première est intervenue le 19 mars 1992 et prenait effet le 17 août 1990. Elle aurait pris fin le 17 août 1995, n’eût été d’une disposition prévoyant qu’elle resterait « en vigueur jusqu’à son remplacement par la signature d’une nouvelle convention ». Elle octroyait à la SRC « pour ses différents services, composantes et réseaux, ainsi que pour les stations qui peuvent lui être affiliées, [...] l’autorisation [...] de reproduire : a) pour diffusion différée à la radio et à la télévision, ou par tout autre moyen technique de diffusion, ou b) pour utilisation sur tout autre support mécanique pour ce qui concerne les activités ancillaires aux objets de Radio-Canada, par tous les moyens actuellement et ultérieurement pratiqués, le répertoire présent et à venir de la SODRAC [...] »

[4] La seconde est intervenue le 29 octobre 2002 et a pris fin le 30 juin 2005. Elle visait l’utilisation du répertoire de la SODRAC dans les produits dérivés d’émissions de la SRC, tels les DVD.

[5] La SODRAC demande à la Commission d’établir à titre provisoire les redevances suivantes :

  1. pour la télévision conventionnelle, La Première Chaîne radio, Radio One et Radio-Canada International, la redevance annuelle forfaitaire de 520 000 $ prévue à la convention de 1992;

  2. pour les vidéogrammes d’émissions, les tarifs prévus à la convention de 2002; [1]

  3. pour RDI et NewsWorld, 100 $ par mois d’avance le premier de chaque mois;

  4. pour Espace Musique et CBC Radio 2, 100 $ par mois d’avance le premier de chaque mois;

  5. pour la webdiffusion audio et audiovisuelle, 650 $ par mois d’avance le premier de chaque mois;

  6. pour la diffusion simultanée de la programmation radio, 1 $ par mois d’avance le premier de chaque mois;

  7. pour la vente et la concession en licence d’émissions de la SRC par la SRC à des tiers télédiffuseurs et transporteurs, 1 $ par transaction dans les quinze jours suivant la signature du contrat.

[6] Les utilisations visées aux paragraphes a), c), d), e) et f) seraient assujetties aux modalités de l’entente de 1992 et celles visées au paragraphe b), aux modalités de l’entente de 2002. Les modalités applicables aux utilisations visées au paragraphe g) seraient similaires à celles que la Commission avait établies pour le même usage à l’égard de MusiquePlus. La SRC fournirait à la SODRAC des données lui permettant d’être tenue au courant des licences délivrées par la SRC et d’établir l’étendue de l’utilisation de son répertoire dans chaque émission. La SODRAC, à son tour, informerait la SRC du pourcentage de droits que la SODRAC détient dans chaque œuvre.

[7] La SRC convient qu’il faut procéder à l’arbitrage et ne s’oppose pas à la délivrance d’une licence provisoire. Elle soutient par ailleurs qu’il serait préférable de prolonger à titre provisoire l’application des ententes de 1992 et de 2002, sans modification.

[8] Les modalités que la SODRAC propose pour la licence définitive ne sont pas pertinentes.

I. ANALYSE

[9] L’objet de la décision provisoire est de parer aux effets néfastes de la longueur des procédures. Le plus souvent, la meilleure façon d’y arriver est de préserver le statu quo tout en évitant un vide juridique. Parfois, l’évolution des circonstances porte plutôt à adopter de nouvelles mesures. En l’espèce, il semble nécessaire de faire un peu des deux.

[10] Les parties ne s’entendent pas sur la portée de l’entente de 1992. La SRC soutient qu’elle est suffisamment vaste pour lui permettre d’utiliser le répertoire de la SODRAC dans l’ensemble de ses opérations, ce que la SODRAC conteste.

[11] La prétention de la SRC suppose que l’entente de 1992 est généreuse au point de permettre l’utilisation du répertoire de la SODRAC pour des activités, tel Internet, qu’il aurait été impossible d’envisager au moment de la conclusion de l’entente. Si la SRC a tort, simplement reconduire la licence à titre provisoire laisserait un vide juridique : en se livrant à ces nouvelles utilisations, la SRC violerait le droit d’auteur. Il semble donc important que la mesure provisoire qu’on nous demande de mettre en place résolve l’ambiguïté qui cause problème.

[12] La SODRAC demande le versement de redevances additionnelles à l’égard de deux types d’activités : celles qu’on n’aurait pu envisager au moment de la conclusion de l’entente de 1992 et d’autres prévisibles ou existantes à l’époque. Certaines activités qui existaient en 1992 ont par ailleurs pris beaucoup d’ampleur depuis. Cela dit, les redevances additionnelles que la SODRAC demande qu’on lui verse en vertu de la licence provisoire sont nominales (supérieures à une valeur symbolique de 1 $).

[13] Par conséquent, à moins que le contexte ne justifie une approche différente, nous n’établirons pas de redevances additionnelles pour une activité existante ou envisageable en 1992, au motif que les ententes les visent déjà clairement. Par contre, nous établissons des redevances additionnelles symboliques pour les nouvelles activités. Il ne fait aucun doute que la SRC se conformera à la décision de la Commission, le temps venu. Nous disposons donc de la demande de la SODRAC comme suit.

[14] La demande visant la télévision conventionnelle, La Première Chaîne radio, Radio One et Radio-Canada International (une redevance annuelle forfaitaire de 520 000 $) est accordée. Le montant ne fait que reprendre ce que prévoit déjà l’entente de 1992.

[15] La demande visant les vidéogrammes d’émissions est elle aussi accordée au motif qu’elle ne fait que reconduire l’entente de 2002.

[16] La demande pour un taux distinct visant RDI et NewsWorld est rejetée. En 1992, ces utilisations étaient soit en place, soit prévisibles. NewsWorld est en ondes depuis 1989. La demande de licence pour RDI a été déposée à l’époque de la conclusion de l’entente de 1992.

[17] La demande pour un taux distinct visant Espace Musique et CBC Radio 2 est rejetée. Ces chaînes ont pris l’antenne bien avant 1992, mais la quantité de musique protégée qu’elles utilisent a beaucoup changé. Cela dit, rien ne nous permet d’évaluer l’ampleur du changement, d’autant plus que la SODRAC ne représente plus certains éditeurs importants.

[18] La demande visant la webdiffusion audio et audiovisuelle est accordée, mais au taux de 1 $ par mois plutôt que les 650 $ que la SODRAC demande. La formule qu’elle propose s’inspire de la façon dont la Commission a établi le tarif SOCAN 22.E (Internet – Autres utilisations de musique : Société Radio-Canada, etc). Or, le répertoire de la SOCAN est plus important que celui de la SODRAC. En plus, le taux établi dans le tarif 22.E est un maximum : la SRC peut réduire la redevance qu’elle verse en mesurant et en rendant compte du ratio des visualisations de pages ayant du contenu audio aux pages totales visualisées. Il est préférable de s’en tenir à une redevance symbolique.

[19] La demande visant la diffusion simultanée de la programmation radio (1 $ par mois) est accordée. Il s’agit d’un nouvel usage. Puisque nous rejetons la formule que la SODRAC propose pour la webdiffusion, il n’y a pas double emploi.

[20] La demande visant la vente et la concession en licence d’émissions de la SRC par la SRC à des tiers télédiffuseurs et transporteurs (1 $ par transaction) est accordée. La vente ou la concession en licence d’émissions était probablement beaucoup moins fréquente en 1992 qu’aujourd’hui. L’importante croissance de ces transactions et la nécessité d’imposer des obligations de rapport dès maintenant exigent qu’on y porte une attention particulière. Le modèle transactionnel est le plus courant pour ce type de licence; il permet aussi d’imposer un nouveau tarif sans devoir décider à quel point ces transactions ont augmenté.

[21] La décision prévoit de façon explicite que la licence provisoire vise l’ensemble des activités de la SRC nécessitant une licence de la SODRAC.

[22] Toutes les utilisations sont assujetties aux modalités (y compris les échéances de paiement) de l’entente de 1992, sous réserve de ce qui suit. Les utilisations visées dans l’entente de 2002 sont assujetties aux modalités prévues dans cette entente. La vente et la concession en licence d’émissions à des tiers sont en plus assujetties aux exigences de rapport que la SODRAC a proposées.

[23] La SODRAC demande que la licence prenne effet le 14 novembre 2008, date du dépôt de la demande. La SRC ne s’y oppose pas. Il fut un temps où la Commission n’était pas certaine qu’une décision rendue conformément au paragraphe 70.2(2) de la Loi, tout comme la décision provisoire qui pourrait s’y rattacher, puisse rétroagir au dépôt de la demande. [2] La question ne se pose plus. La Commission, en tant qu’arbitre, se trouve substituée à la volonté des parties et peut donc imposer ce dont les parties auraient pu convenir. [3] Or, un titulaire de droits et un utilisateur peuvent toujours convenir d’une licence pour les gestes passés.

II. DÉCISION

  1. La demande de décision provisoire de la SODRAC 2003 inc. et de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (conjointement la SODRAC) est accordée en partie. Sous réserve de ce qui suit, la Commission fait siennes, à titre de décision provisoire prenant effet le 14 novembre 2008, les ententes intervenues le 19 août 1992 et le 29 octobre 2002 entre la SODRAC et la Société Radio-Canada (SRC). Cette dernière pourra utiliser le répertoire de la SODRAC pour l’ensemble de ses activités aux conditions prévues dans les ententes et dans ce qui suit jusqu’à ce que la Commission rende une décision finale dans la présente affaire, à moins qu’une autre décision provisoire intervienne entre-temps.

  2. La SRC verse à la SODRAC,

  1. pour les vidéogrammes d’émissions, les tarifs prévus à la convention de 2002;

  2. pour la webdiffusion audio et audiovisuelle, 1 $ par mois;

  3. pour la diffusion simultanée de la programmation radio, 1 $ par mois;

  4. pour la vente et la concession en licence d’émissions de la SRC par la SRC à des tiers télédiffuseurs et transporteurs, 1 $ par transaction;

  5. pour toute autre activité de la SRC nécessitant une licence de la SODRAC, une redevance annuelle forfaitaire de 520 000 $.

  1. Les utilisations visées à l’alinéa 2a) sont assujetties aux modalités de l’entente de 2002. Celles visées aux alinéas 2b), c), e) et, sous réserve de l’article 4, 2d) sont assujetties aux modalités de l’entente de 1992.

  2. (1) Chaque fois que la SRC se livre à une utilisation visée à l’alinéa 2d), la SRC verse la redevance et informe la SODRAC du nom de l’émission, de l’identité de l’acheteur ou de la personne à qui la vente ou la concession en licence est faite, de la portée et de la durée de la licence et lui remet copie des rapports musicaux, au plus tard le dernier jour du mois suivant celui durant lequel la vente ou concession est conclue s’il s’agit d’une émission déjà produite, et au plus tard le dernier jour du mois suivant celui durant lequel l’émission est livrée s’il s’agit d’une émission à produire.

(2) Dans les soixante jours suivant la réception des renseignements énoncés au paragraphe (1), la SODRAC remet à la SRC une liste indiquant, à l’égard de chacune des œuvres utilisées dans l’émission, le pourcentage de droits que détient la SODRAC.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] Il s’agit de tarifs à la minute qui varient en fonction de la place qu’occupe la musique et de sa durée.

[2] Voir, entre autres, Demande de fixation des droits et modalités d'une licence (SODRAC c. MusiquePlus inc.), décision provisoire de la Commission du 22 novembre 1999, à la p. 2.

[3] Demande de fixation des droits et modalités d'une licence (SODRAC c. MusiquePlus inc.), décision de la Commission du 16 novembre 2000, à la p. 18.

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