Licences

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Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2009-05-28

Référence

Dossier : 70.2-2009-01

Régime

Fixation des redevances dans des cas particuliers

Loi sur le droit d’auteur, articles 66.51 et 70.2

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Francine Bertrand-Venne

Me Jacinthe Théberge

L’association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) c. sodrac 2003 inc. et société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC)

Motifs de la décision

[1] Le 6 mars 2009, l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), se prévalant du paragraphe 70.2 (1) de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »), déposait une demande d’arbitrage des redevances et modalités d’une licence permettant à ses membres de reproduire sur phonogramme les œuvres du répertoire de SODRAC 2003 inc. et de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (conjointement la SODRAC) entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012. Le 19 mars, la SODRAC demandait à son tour que la Commission fixe les redevances et modalités d’une licence permettant aux membres de l’ADISQ de reproduire sur vidéogramme les œuvres du répertoire de la SODRAC entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2012.

[2] Le 6 avril, à la demande des parties et afin de permettre aux maisons de disques de continuer à recevoir le financement public offert pour la création de phonogrammes auquel elles n’ont droit que si elles se conforment aux modalités de licence pour l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur, la Commission rendait la décision suivante :

[1] La Commission fait siennes, à titre de décision provisoire prenant effet le 1er janvier 2009, les licences déposées par l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) sous la cote RP-1 et par SODRAC 2003 inc. et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (conjointement la SODRAC) sous la cote S-3.

[2] La présente décision est prise pour répondre aux circonstances décrites aux paragraphes 41 à 44 de la demande de l’ADISQ, à titre de mesure d’urgence. Les demandes de décisions provisoires de l’ADISQ et de la SODRAC feront donc l’objet d’un examen subséquent, qui pourrait ou non amener la Commission à modifier la présente décision.

[3] Pour les motifs qui suivent, la décision du 6 avril 2009 est maintenue.

I. Phonogrammes

[4] Jusqu’au 31 décembre 2008, les parties étaient assujetties à la licence cadre produite sous la cote RP-1. Le dernier taux prévu à l’entente était de 9,1 ¢ par piste. L’article 11 de la licence est une clause de parité : la SODRAC accorde à l’avance aux membres de l’ADISQ les « conditions plus avantageuses » qu’elle pourrait consentir à des tiers. La SODRAC soutient que le caractère plus avantageux s’établit toujours en fonction de l’ensemble des conditions; l’ADISQ soutient au contraire que dans certains cas, le caractère plus avantageux s’établit condition par condition.

[5] En ce moment, les membres de l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (CRIA) versent 8,1 ¢ par piste à la SODRAC. Se fondant sur la clause de parité, l’ADISQ demande que la licence provisoire prévoie le même taux. L’ADISQ invoque aussi d’autres facteurs pour demander que le quart des sommes versées au titre de la licence provisoire soit détenu par un fiduciaire tant et aussi longtemps que la Commission n’aura pas rendu sa décision finale.

[6] Pour sa part, la SODRAC demande le maintien du statu quo intégral. Elle soutient que les taux que versent les membres de la CRIA seraient provisoires et que seule une analyse complète des contrats pertinents et des abattements qu’ils prévoient permettrait d’établir si l’application de la clause de parité entraînerait une réduction de taux. La licence cadre prévoit le renvoi à l’arbitrage des mésententes sur l’interprétation ou l’application de la licence. Selon la SODRAC, il ne serait pas approprié que la Commission se substitue à l’arbitre. Enfin, la SODRAC, pour des motifs qu’il n’est pas nécessaire d’énumérer, soutient que la mise en fidéicommis d’une partie des redevances n’est pas justifiée.

[7] Les parties s’étendent assez longuement sur le manque de diligence dont l’une ou l’autre aurait pu faire preuve lors des négociations, ainsi que sur certaines promesses d’en arriver à une redevance qui soit un pourcentage du prix de gros plutôt qu’un montant fixe par piste. Le débat, si tant est qu’il soit d’une quelconque pertinence, ne l’est pas à ce stade du processus.

[8] Les parties ne s’entendent ni sur l’interprétation de la clause de parité ni sur la possibilité de l’invoquer, dans la mesure où les prix payés par les membres de la CRIA ne sont pas finaux. Nous n’entendons pas nous engager dans ce débat dans le contexte d’une décision provisoire. La preuve dont nous disposons est loin d’être claire et les prétentions des parties demeurent mal étayées. La SODRAC semblait déjà pratiquer des taux plus bas que ceux prévus à l’entente cadre au moment de signer la clause de parité. L’ADISQ n’a jamais invoqué l’arbitrage pour trancher le débat alors que les taux CRIA semblent avoir été de notoriété publique. Les parties sont libres de s’adresser à un arbitre si elles tiennent à vider le débat à ce stade du processus. Elles n’auront d’ailleurs pas le choix de le faire à l’égard des transactions intervenues avant la date d’entrée en vigueur de la licence qu’on demande à la Commission d’adopter. Dans les circonstances, nous préférons imposer aux parties précisément ce dont elles ont déjà convenu, quitte à ce que la Commission se penche sur le fond de la question dans sa décision finale.

[9] La demande de versement en fidéicommis d’une partie des redevances n’est pas justifiée. L’ADISQ soutient qu’il sera beaucoup plus facile pour un de ses membres de faire un paiement unique des redevances supplémentaires que pour la SODRAC de se faire rembourser le trop-perçu d’une multitude d’ayants droit. Ce n’est pas en ces termes que la question se pose. La SODRAC n’est pas un simple intermédiaire, c’est elle qui détient les droits. Le cas échéant, elle devra rembourser le trop-perçu en puisant à même toutes ses ressources, sans égard à la source; la maison de disque qui aurait trop versé n’aura pas à attendre que la SODRAC se fasse rembourser. Par ailleurs, si l’industrie québécoise du disque est dans l’état que décrit l’ADISQ, il est probable que l’un ou l’autre de ses membres ait de la difficulté à s’acquitter de ses obligations si le taux de la licence augmente. Il semble donc plus prudent d’imposer le versement immédiat des sommes que de risquer de faire face à un débiteur insolvable. Enfin, comme la SODRAC le souligne, ce serait une faute logique de traiter le taux de 9,1 ¢ comme un plafond. La SODRAC pourrait démontrer que son répertoire vaut davantage; autrement dit, en acceptant de recevoir de façon provisoire de maisons en difficultés un taux de 9,1 ¢, la SODRAC est à risque pour toute augmentation de redevances à compter de janvier 2009.

[10] Nous prolongeons à titre provisoire l’application de l’entente cadre dans son intégralité. La décision du 6 avril le fait déjà. Il n’est donc pas nécessaire de revenir sur la question.

II. Vidéogrammes

[11] Les parties mènent depuis septembre 2005 des négociations visant une licence cadre pour le vidéogramme musical et les ensembles CD/DVD. Le 1er juillet 2007, elles signaient une licence cadre intérimaire s’appliquant à partir du 1er juillet 2004. La SODRAC demande que les conditions de licence de l’entente intérimaire soient établies par décision provisoire jusqu’à décision finale de la Commission. L’ADISQ convient du bien-fondé d’une licence provisoire mais soutient que certaines dispositions de l’entente intérimaire pourraient ne pas être compatibles avec la nature des pouvoirs que la Loi confie à la Commission. Cette dernière devrait donc s’inspirer de l’entente plutôt que la calquer. L’entente avait par ailleurs pour but d’interrompre la prescription à l’égard des reproductions faites depuis juillet 2004 et de mettre fin à tout recours à l’égard d’au moins certaines reproductions faites antérieurement. L’ADISQ se demande comment tenir compte des dispositions pertinentes. Dans une certaine mesure, la SODRAC en convient, mais ajoute qu’on peut fort bien vivre avec le texte de l’entente à ce stade du processus.

[12] Nous partageons le point de vue de la SODRAC. L’entente intérimaire contient sans aucun doute des dispositions qui n’auraient pas leur place dans une décision finale. C’est sans doute le cas de certains « attendus », de l’article 6.2, qui permet à la SODRAC de résilier unilatéralement l’entente, ainsi que de toute autre disposition accordant à l’une ou l’autre partie une discrétion qu’il revient désormais à la Commission d’exercer. Cela dit, la décision provisoire que nous rendons a pour seul but de maintenir l’état de faits actuel en attente de la décision finale à intervenir. Les parties demandent une décision provisoire afin que le marché continue d’opérer; il sera toujours temps de revenir sur la question si la SODRAC ou une maison de disque cherchait à interpréter de façon déraisonnable les dispositions de l’entente intérimaire devenue décision provisoire de la Commission. L’alternative est de récrire la licence, ce qui pourrait s’avérer long et difficile. Il nous semble préférable de prévoir simplement que l’entente intérimaire est maintenue à titre de décision provisoire et ce, dans la mesure où elle est compatible avec l’exercice de la compétence que la Loi confère à la Commission. Le reste devrait être une affaire de bon sens.

III. Décision

La décision du 6 avril 2009 est maintenue. Les licences visées au paragraphe 1 de la décision continuent de s’appliquer à titre provisoire dans la mesure où elles sont compatibles avec l’exercice de la compétence que la Loi confère à la Commission.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau

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