Licences

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Contenu de la décision

Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2009-12-14

Référence

Dossier : 70.2-2008-02

Régime

Fixation des redevances dans des cas particuliers

Loi sur le droit d’auteur, articles 66.51 et 70.2

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Sodrac 2003 inc. et société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) c. les chaînes télé astral, une division du groupe de radiodiffusion astral inc., et teletoon inc.

Motifs de la décision

Le 19 décembre 2008, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) demandait à la Commission de fixer, de manière provisoire puis finale, les droits et modalités d’une licence visant les chaînes de télévision spécialisée que Les Chaînes Télé Astral, une Division du Groupe de radiodiffusion Astral inc. (Astral) exploite seule ou avec d’autres, à l’exclusion des chaînes MusiquePlus et MusiMax. La demande vise la période du 19 décembre 2008 au 31 août 2012. La redevance permanente demandée est de 0,19 (0,019 × 1/3,2 × 0,3185) pour cent des revenus des chaînes visées par la licence, où :

  • 0,019 (1,9%) est le taux de redevance de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) pour les chaînes de télévision spécialisée;
  • 1/3,2 est le ratio entre la redevance de CMRRA/SODRAC Inc. (CSI) et celle de la SOCAN pour les services de musique en ligne;
  • 31,85% est le temps d’antenne du répertoire de la SODRAC dans la programmation des chaînes spécialisées, établi au moyen d’une analyse préliminaire des rapports musicaux d’émissions qu’Astral diffuse.

Le 12 janvier 2009, la SODRAC déposait un projet de licence permanente. Plus tard en janvier, les parties demandaient à la Commission de suspendre l’examen de la demande de licence provisoire afin de permettre la reprise des négociations. Le 27 août 2009, les négociations ont été rompues. Le 1er septembre, la SODRAC demandait à la Commission de délivrer une licence provisoire et déposait un projet de licence provisoire modifié.

Astral s’oppose à la délivrance d’une licence provisoire au motif qu’elle n’en a pas besoin. Les producteurs indépendants dont elle acquiert la programmation seraient tenus de libérer tous les droits de reproduction nécessaires. Elle reconnaît que les ententes conclues entre la SODRAC et les producteurs semblent ne pas autoriser ces reproductions, mais soutient qu’il ne faut pas en tenir compte à ce stade du processus. Elle demande plutôt à la Commission de déclarer que les « licences » que lui accorderaient les producteurs suffisent pour l’instant.

Subsidiairement, Astral prétend que la licence provisoire ne devrait prévoir aucune redevance. Elle met en cause la compétence de la Commission à l’égard des chaînes qui ne sont pas nommément désignées dans la lettre du 19 décembre 2008. Elle conteste les exigences de rapport à deux titres. D’une part, si la licence provisoire n’est pas fondée sur les revenus, Astral ne devrait pas être tenue de faire rapport de ces sommes. D’autre part, elle s’oppose à ce que ces exigences rétroagissent à la date du dépôt de la demande de licence; subsidiairement, elle demande davantage que les 15 jours que propose la SODRAC pour fournir les renseignements pour la période précédant la date de la délivrance de la licence provisoire.

En réplique, la SODRAC soutient qu’en permettant à Astral d’exploiter son répertoire en vertu de ses ententes avec les producteurs, on la traiterait différemment du reste de l’industrie, qui verse des redevances et qui se plaint du fait qu’Astral ne le fait pas. La SODRAC accepte que la licence provisoire vise uniquement les chaînes nommées dans sa demande initiale sans pour autant être d’accord avec les raisons qu’Astral invoque pour ce faire. Enfin, la SODRAC fait valoir que les obligations de rapport visant les revenus sont nécessaires pour faciliter l’application rétroactive de la licence permanente.

Pour les motifs qui suivent, la demande de licence provisoire est accueillie. La licence provisoire se trouve à la fin des présents motifs.

Y a-t-il lieu de délivrer la licence?

L’objet de la décision provisoire est de parer aux effets néfastes de la longueur des procédures et entre autres, d’éviter les vides juridiques. Un tel vide existe si un utilisateur puise dans un répertoire sans autorisation. En l’espèce, il y a désaccord sur la nécessité d’une licence et donc, vide juridique potentiel. C’est précisément dans ce type de situation que la licence provisoire est utile.

Le taux de redevance

En décembre 2008, la SODRAC proposait que la redevance provisoire soit le cinquième de la redevance permanente recherchée. Le projet de licence provisoire de septembre 2009 laissait en blanc le taux de la redevance. Cela dit, la SODRAC demande toujours que le taux soit établi eu égard au fait que la Commission « a ici une base de marché (le tarif de la SOCAN et le ratio entre les deux droits) pour établir une redevance plus que symbolique. » [1] Dans sa lettre du 1er septembre 2009, la SODRAC priait Astral d’indiquer ce qu’elle croit être une redevance équitable et demandait à la Commission d’établir la redevance provisoire à ce même montant. Astral n’a pas avancé de chiffre et continue de proposer une redevance symbolique.

Lorsqu’il existe une entente entre les intéressés, il est généralement préférable de prolonger l’entente à titre provisoire. Lorsqu’il n’existe pas d’entente ou qu’il s’agit de nouvelles utilisations, la Commission préfère établir une redevance symbolique aux fins de la licence provisoire « à moins que le contexte justifie une approche différente ». [2]

En l’espèce, le contexte justifie d’établir une redevance non symbolique. La SODRAC soutient que des chaînes spécialisées concurrentes paient déjà des redevances à la hauteur de ce que la SODRAC demande d’Astral en guise de paiement permanent et que ces chaînes se plaignent du préjudice qu’elles subissent du fait qu’Astral ne verse toujours rien. Astral ne remet pas en cause ces affirmations. Au contraire, le procureur agissant à la fois pour le compte d’Astral et de la Société Radio-Canada (SRC) a soutenu, au nom de la SRC, que ce sont les chaînes qui paient tant pour la synchronisation faite par le producteur que pour la reproduction éphémère faite par le diffuseur. Il faut donc conclure, sur la base des renseignements dont nous disposons et à titre préliminaire, que l’utilisation du répertoire de la SODRAC par Astral sans versement de redevances crée un déséquilibre qu’il y a lieu de compenser, à tout le moins partiellement, en fixant une redevance provisoire non symbolique. Qui plus est, si l’on tient pour acquis que des chaînes concurrentes versent déjà à la SODRAC ce qu’elle demande d’Astral, ce qu’elles paient constitue un prix que le marché a établi et ce que la SODRAC demande correspond à ce prix.

Par ailleurs, nous en savons suffisamment sur le répertoire de la SODRAC et son utilisation dans le marché pertinent pour nous permettre de conclure, sans égard à l’existence de ce prix de marché, que le montant demandé à titre provisoire, soit le cinquième de ce qui est recherché à titre définitif, est de prime abord raisonnable. La formule tarifaire proposée reflète les décisions antérieures de la Commission. Tous les chiffres que la formule utilise proviennent de décisions pertinentes de la Commission, sauf l’ajustement de répertoire, qui est établi au moyen d’une méthodologie que la Commission utilise fréquemment. L’analyse, bien que préliminaire, est sérieuse. L’ajustement est réaliste compte tenu de la façon dont la télévision utilise la musique. Le fait qu’il repose sur des données qui n’ont pas été vérifiées ne pose pas problème : la décision provisoire se prend en fonction de données préliminaires. Astral ne conteste pas la fiabilité des données. Enfin, le montant demandé, soit 7 367,79 $ par mois, demeure modeste.

Les modalités

La SODRAC prétend que son projet de licence provisoire reprend, dans la mesure du possible, les modalités de la licence provisoire délivrée dans l’affaire MusiquePlus. Cette affirmation soulève plusieurs questions. Premièrement, il aurait été préférable de s’inspirer de la licence finale de MusiquePlus. Deuxièmement, le projet de la SODRAC semble se démarquer passablement de la licence MusiquePlus. Troisièmement, les projets de licence provisoire de décembre 2008 et de septembre 2009 sont différents sous plusieurs aspects qui vont au-delà des modifications de style. Cela dit, et sous réserve de ce qui suit, comme Astral ne remet pas en cause le libellé comme tel, il semble inutile d’engager un débat sur cette question à ce stade du processus.

Astral s’oppose à l’obligation de fournir des données financières, à l’application rétroactive de la licence et à la façon dont les utilisateurs visés sont identifiés. Pour ce qui est de l’identité des utilisateurs visés, la SODRAC accepte de procéder comme Astral le suggère; il n’est pas nécessaire de traiter de cette question pour l’instant. [3]

La licence provisoire n’oblige pas Astral à fournir ses données financières. Le taux de redevance est fixe. Le montant de revenus n’est donc pas pertinent. Ces données deviendront nécessaires si la Commission opte pour la formule tarifaire que la SODRAC propose. On pourra toujours obtenir ces données en temps et lieu.

Astral devra fournir à compter du 19 décembre 2008 les renseignements qu’elle accepte de fournir de façon prospective. L’information recherchée est autant nécessaire pour le passé que pour l’avenir. Par contre, elle aura 60 jours, pas 15, pour obtempérer.

Le secrétaire général par intérim,

Signature

Gilles McDougall

Ottawa, le 14 décembre 2009

DOSSIER : 70.2-2008-2

Licence provisoire concernant les droits de reproduction d’œuvres de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) et SODRAC (2003) inc. à Les Chaînes Télé Astral, une Division du Groupe de radiodiffusion Astral inc., et Teletoon inc.

Article 1 : Définitions

Aux fins de la présente licence, les expressions et mots suivants ont la signification qui leur est donnée au présent article :

1.1 « Astral » signifie Chaînes Télé Astral, le Groupe de radiodiffusion Astral inc., Astral Media inc., Teletoon inc. et toute autre corporation affiliée participante ou responsable de l’une ou l’autre des activités visées à la licence de la SODRAC;

1.2 « chaîne » désigne les chaînes de télévision spécialisée gérées et exploitées par Astral (seule ou avec d’autres) dont les revenus comprennent des revenus publicitaires ou des paiements par les entreprises de diffusion, à l’exclusion de MusiquePlus et MusiMax. En date des présentes, ces chaînes sont les suivantes :

  • Chaînes francophones : Teletoon, Teletoon Retro, Historia, Séries+, Vrak.TV, Z télé, Canal D, Canal vie;

  • Chaînes anglophones : Teletoon, Teletoon Retro;

1.3 « œuvre » : œuvre musicale ou dramatico-musicale des répertoires national et étrangers de la SODRAC dans la proportion des droits de reproduction qu’elle détient;

1.4 « répertoire » : l’ensemble des œuvres pour lesquelles la SODRAC a obtenu ou obtiendra durant la période d’effet de la présente licence, cession, licence ou mandat de la part des auteurs, compositeurs et éditeurs canadiens ou des sociétés de gestion étrangères pour émettre des licences au Canada;

1.5 « reproduire » ou « reproduction » : fixer une œuvre sous une forme matérielle quelconque, y compris le stockage sur un serveur;

1.6 « support » : tout support destiné à faciliter la diffusion et la conservation des émissions y compris tout serveur informatique.

Article 2 : Objet

2.1 Autorisation : Sous réserve du respect des modalités définies aux présentes et du droit moral des auteurs et compositeurs et en contrepartie du parfait paiement de la considération prévue à l’article 3.1, la présente licence octroie à Astral l’autorisation de reproduire, en totalité ou en partie, une œuvre déjà intégrée dans une émission dans le cadre de ses opérations courantes de télédiffusion et de mise à la disposition d’émissions dans le territoire défini ci-dessous, aussi souvent qu’elle le désire pendant la durée de la licence, dans le cadre spécifique suivant :

I – Télédiffusion :

(i) confectionner, par tout moyen technique actuel ou futur, tout support nécessaire aux activités de diffusion d’Astral selon les licences délivrées par le CRTC pour les chaînes aux fins suivantes :

(a) diffuser à partir des supports susmentionnés sa programmation au Canada, sur les chaînes;

(b) confectionner et conserver, aux fins de consultation privée, des copies d’archives de sa programmation.

II – Internet :

(ii) Procéder à la transmission simultanée des émissions tout en ne générant pas un téléchargement;

(iii) Transmettre sur demande gratuitement de la programmation sur un site Internet, produit, contrôlé et hébergé par Astral, n’étant pas destiné à générer un téléchargement mais permettant une écoute à un moment choisi par l’usager.

2.2 Pour fins de précision, l’autorisation prévue au paragraphe 2.1 n’inclut pas :

2.2.1 le droit de permettre à des tiers de diffuser des œuvres du répertoire de la SODRAC incluses dans les supports confectionnés par les chaînes ou autorisés dans le cadre de la présente licence;

2.2.2. le droit de reproduire une œuvre ou une partie de celle-ci pour d’autres fins que la programmation, la diffusion ou la conservation des émissions des chaînes;

2.2.3 le droit de reproduire une œuvre ou une partie de celle-ci en la superposant à une œuvre audiovisuelle ou des images dans le but de promouvoir des émissions, sa programmation ou son image corporative. La présente exclusion n’empêche pas Astral de créer des montages audiovisuels contenant déjà des œuvres synchronisées avec des images dans le but d’annoncer les émissions et la programmation des chaînes.

Article 3 : Considération

3.1 En considération de la présente licence, Astral paiera à la SODRAC 7 367,79 $ par mois d’avance, le premier jour de chaque mois.

Article 4 : Territoire

4.1 La présente licence est valide au Canada seulement, sauf pour l’offre sur Internet qui n’a pas de limite territoriale.

Article 5 : Information

5.1 La SODRAC fera parvenir de temps à autre à Astral la liste mise à jour de ses membres et des sociétés étrangères qu’elle représente ou rendra cette liste disponible sur son site Internet où il sera loisible à Astral de consulter en ligne la base de données de la SODRAC.

5.2 Astral fournira à la SODRAC, au plus tard le dernier jour du mois suivant le mois pertinent, les renseignements suivants :

5.2.1 un rapport journalier de diffusion de façon distincte pour chacune des chaînes, sur support informatique sous forme de base de données, comprenant pour chaque émission la date, l’heure et la durée de diffusion, son titre, le pays et l’année de production, le titre et/ou le numéro d’épisode d’une série le cas échéant et l’identification de son producteur;

5.2.2 une copie des rapports musicaux (cue sheet) des émissions diffusées sur chacune des chaînes dont Astral a copie. Astral s’engage à faire les meilleurs efforts pour obtenir ces cue sheets de ses co-contractants;

5.2.3 une copie de la programmation saisonnière de chacune des chaînes;

5.2.4 une copie des communiqués fournis aux journaux publiant un guide horaire et concernant la programmation hebdomadaire des chaînes.

Article 6 : Garantie

6.1 La SODRAC garantit, dans la mesure des droits qu’elle détient, Astral contre toute action pouvant lui être signifiée par un tiers, y compris par un ayant droit de la SODRAC, ayant pour fondement toute utilisation d’une œuvre autorisée par la présente licence.

Article 7 : Incessibilité

7.1 Les droits consentis à Astral en vertu de la présente licence sont incessibles et demeurent en vigueur conditionnellement au maintien par le CRTC des licences de diffusion délivrées, seule ou avec d’autres, à Astral pour les chaînes.

Article 8 : Durée

8.1 La présente licence entre en vigueur le 19 décembre 2008.

8.2 Les sommes qui auraient dû être versées avant la date de délivrance de la présente licence sont payables au plus tard 60 jours après cette date. La redevance payable pour le mois de décembre 2008 est ajustée au prorata de la période pour laquelle elle s’applique.

8.3 Les renseignements visés à l’article 5.2 qui auraient dû être fournis avant la date de délivrance de la présente licence sont transmis à la SODRAC au plus tard 60 jours après cette date.



[1] Lettre du 19 décembre 2008, au para. 15; lettre du 1er septembre 2009 à la p. 2.

[2] Décision provisoire, Demande de fixation des redevances et modalités d’une licence (SODRAC c. SRC), décision de la Commission du 31 mars 2009 au para. 13.

[3] Le 19 janvier 2009, la SODRAC disait retirer sa demande de licence à l’égard des chaînes francophone et anglophone Teletoon Retro au motif qu’il s’agissait de chaînes payantes, ce qui n’est pas le cas. À tout événement, ce retrait ne saurait dessaisir la Commission, puisque seul un avis d’entente a cet effet : Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 70.3(1).

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