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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2013-01-16

Référence

Dossier : 70.2-2012-01

Régime

Fixation des redevances dans des cas particuliers

Loi sur le droit d’auteur, art. 66.51 et 70.2

Commissaires

L’honorable William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au canada c. société radio-canada

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Les présents motifs disposent de la demande de licence provisoire de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) visant l’utilisation de son répertoire par la Société Radio-Canada (SRC).

[2] Le 26 mars 2012, s’appuyant sur les articles 66.51 et 70.2 de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la « Loi »), la SODRAC demandait à la Commission de fixer, de façon provisoire puis finale, les modalités d’une licence autorisant la SRC à reproduire les œuvres du répertoire de la SODRAC entre le 1er avril 2012 et le 31 mars 2016. La demande visait également la chaîne Explora à partir de sa mise en ondes le 28 mars 2012.

[3] En ce qui concerne le provisoire, la SODRAC proposait que la licence provisoire délivrée le 31 mars 2009, et modifiée le 13 octobre 2009, soit prorogée jusqu’à ce que la Commission rende une décision finale dans la demande d’arbitrage que la SODRAC avait déposée le 14 novembre 2008 pour une licence pour la période du 14 novembre 2008 au 31 mars 2012. Le 30 avril 2012, la Commission a fait droit à la demande et établi une redevance de 1 $ par mois pour la chaîne Explora.

[4] Le 2 novembre 2012, la Commission rendait sa décision finale sur la demande de licence du 14 novembre 2008 (la « licence 2008-2012 »). [2] La licence autorise la reproduction d’œuvres du répertoire de la SODRAC dans le cadre des activités de radiodiffusion et de télédiffusion, de synchronisation, de vente d’émissions (DVD ou téléchargement), de concession en licence d’émissions, de service audio ou audiovisuel sur Internet, de reproduction accessoire (radiodiffusion, télédiffusion, Internet) et de conservation du patrimoine (archives).

[5] Le lendemain, la SODRAC demandait à la Commission qu’à compter du 3 novembre 2012, la licence 2008-2012 gouverne à titre provisoire ses rapports avec la SRC jusqu’à ce que la Commission dispose au fond de la demande de la licence pour la période 2012-2016. La demande propose l’ajout d’une redevance provisoire de 1 $ par mois pour les activités reliées à la chaîne Explora, qui n’était pas visée par la licence 2008-2012.

[6] Le 16 novembre 2012, la SRC s’opposait à la demande de la SODRAC. La réplique de la SODRAC suivait le 23 novembre.

II. PRÉTENTIONS DES PARTIES

[7] La SRC prétend que la licence 2008-2012 ne représente aucunement le statu quo, et ce pour trois motifs. Premièrement, la licence 2008-2012 a imposé une augmentation rétroactive importante. Invoquant sa situation financière difficile, la SRC prétend qu’elle est contrainte de revoir immédiatement ses façons de faire et d’ajuster son fonctionnement, notamment en procédant désormais à la libération sur une base transactionnelle des droits de reproduction à des fins de synchronisation. Deuxièmement, la jurisprudence sur le droit d’auteur a évolué. Notamment, la décision SOCAN c. Bell Canada [3] de la Cour suprême a clarifié le droit d’utilisation équitable au Canada, ce qui a des conséquences importantes sur le présent dossier. Troisièmement, la Loi sur la modernisation du droit d’auteur [4] est entrée en vigueur le 7 novembre dernier. Cette loi, particulièrement les nouveaux articles 29.24 et 30.71 et l’article 30.9 tel que modifié, a aussi des conséquences importantes pour le dossier à l'étude.

[8] La SRC prétend qu’elle sera en mesure de démontrer que plus aucune redevance n’est due à la SODRAC dans le cadre de la demande d’arbitrage à l’exception de quatre activités : la vente sur support matériel ou en ligne d’une émission, la vente ou concession en licence d’une émission, les copies d’archives et les copies de synchronisation. À l’égard de ces dernières, la SRC entend négocier les licences à la pièce dès maintenant. La SRC prétend donc que les redevances payables à la SODRAC seront considérablement moindres à l’avenir que celles prévues dans la licence 2008-2012.

[9] La SRC propose, sous toutes réserves, de verser, pour l’ensemble de ses reproductions radio, télévision et Internet (audio et vidéo) du répertoire de la SODRAC, soit 10 pour cent de ce qu’elle versait en vertu de la licence provisoire en vigueur jusqu’au 2 novembre 2012, soit au maximum le total des redevances payables en vertu de cette même licence provisoire. Ce dernier montant représente environ la moitié des redevances établies par la Commission le 2 novembre dernier pour les utilisations radio et Internet audio.

[10] La SRC accepte par ailleurs de verser à titre provisoire les redevances établies dans la licence 2008-2012 pour la vente d’émissions sur support matériel ou en ligne et pour la vente ou concession en licence d’émissions.

[11] La SODRAC, pour sa part, prétend que la licence 2008-2012 représente désormais le statu quo.

[12] La SODRAC soutient qu’il n’y a aucun préjudice pour quiconque à ce que les taux et conditions de la licence 2008-2012 soient applicables provisoirement. La SRC demeure libre de modifier ses pratiques pour chercher à libérer les droits sur une base transactionnelle. Un rajustement pourra être fait dans la licence finale si la SRC est en mesure de prouver les changements dans son utilisation réelle du répertoire de la SODRAC.

[13] La SODRAC soutient également que l’élimination de la licence générale au stade provisoire pourrait entraîner des coûts additionnels pour les parties et qu’il pourrait être impossible d’y remédier advenant que la Commission donne raison à la SODRAC dans sa décision finale. Par ailleurs, et contrairement à ce que la SRC prétend, la SODRAC souligne qu’il n’est pas impossible que le montant total des redevances puisse en fait augmenter.

[14] Enfin, la SODRAC rappelle que l’utilisation par la SRC du répertoire de la SODRAC d’ici l’audience est inconnue et qu’il demeure préférable de se fier aux déterminations de la Commission suite à une évaluation de la preuve que de spéculer sur cette utilisation future.

III. ANALYSE

[15] Les redevances provisoires pour la vente ou concession en licence d’émissions seront celles prévues dans la licence 2008-2012, puisque la SRC y consent. Par ailleurs, la redevance provisoire nominale prévue dans la licence provisoire délivrée le 30 avril 2012 pour la chaîne Explora est maintenue.

[16] Restent deux catégories d’activités de la SRC qui font l’objet de divergences importantes entre les parties quant à la façon d’en disposer. Il s’agit des activités de reproduction accessoire (radiodiffusion, télédiffusion, Internet) et des activités de synchronisation de la SRC.

[17] Une décision provisoire sert avant tout à éviter les effets néfastes de la longueur des procédures et peut servir à éviter les vides juridiques créés lorsqu’il y a une utilisation d’œuvres protégées sans autorisation.

[18] En général, la meilleure façon d’atteindre les objectifs d’une décision provisoire est de maintenir le statu quo tout en évitant un vide juridique. Les prétentions des parties peuvent aider à déterminer si un changement au statu quo est souhaitable, eu égard à la prépondérance des inconvénients.

[19] La SRC prétend que la licence 2008-2012 ne représente pas le statu quo, pour les motifs déjà invoqués. Nous ne sommes pas d’accord. Dans le contexte d’une demande de décision provisoire, le statu quo, c’est l’état des rapports qui existent entre les parties, que ce rapport soit récent ou non. La licence 2008-2012 représente maintenant le statu quo. Reste à déterminer si la licence devrait continuer de gouverner les rapports entre les parties, ou s’il y a lieu de procéder à certains ajustements.

[20] Les prétentions de la SRC en ce qui concerne l’impact des récents changements dans la loi et la jurisprudence reprennent presque mot à mot les prétentions mises de l’avant par l’Association canadienne des radiodiffuseurs dans une autre affaire. [5] Les motifs qui ont amené la Commission à mettre ces prétentions de côté sont tout aussi pertinents en l’espèce. Il revient à l’utilisateur qui invoque une exception ou un « droit » d’établir, à partir d’éléments de preuve, qu’il peut s’en prévaloir, ce qui se fait plus commodément au stade de l’examen au fond qu’à un stade provisoire. L’interprétation que la SRC offre de certaines des dispositions qu’elle invoque est loin d’être évidente. Enfin, compte tenu de ce que nous connaissons des pratiques de l’industrie, il n’est pas certain que la SRC soit toujours en mesure de se prévaloir des exceptions invoquées pour l’ensemble de ses activités de reproduction.

[21] Ce dernier énoncé a même davantage de poids à l’égard de la SRC qu’à l’égard du reste de l’industrie de la radiodiffusion. Ainsi, le contexte particulier dans lequel la SRC opère risque de faire en sorte qu’il lui soit impossible d’invoquer l’article 30.9 de la Loi à l’égard d’une proportion importante des reproductions qu’elle fait. Par exemple, de par sa nature et son mandat, la SRC s’adonne à beaucoup d’activités de faux direct (« live-to-tape »), de transmission dans différents fuseaux horaires, de rediffusion, d’enregistrements en studio, etc. Or, il est à tout le moins possible de soutenir que les copies créées dans le cadre de ces activités ne répondent pas aux exigences de l’article 30.9. Il se peut certes que ces mêmes activités soient visées à l’article 30.8 de la Loi; or, cette exception n’est pas applicable si une licence est disponible d’une société de gestion. [6]

[22] La SRC se dit convaincue que les redevances pour les reproductions accessoires seront nettement inférieures en 2012-2016 à celles prévues dans la licence 2008-2012. La SODRAC préconise le maintien du statu quo, pour les motifs déjà invoqués. Nous abondons dans le même sens que la SODRAC. À l’égard des reproductions accessoires, nous prorogeons à titre provisoire la licence 2008-2012.

[23] Les reproductions aux fins de synchronisation soulèvent une question particulière. Le fait que la SRC entend modifier ses façons de faire n’est aucunement garant de ce qui se produira dans les faits. Nous ne disposons d’aucune preuve pour quantifier l’ampleur et l’impact de ces changements potentiels sur l’utilisation du répertoire de la SODRAC. Une décision provisoire se fonde non pas sur ce qui pourrait être éventuellement, mais sur ce qui est certain maintenant : Access Copyright (Établissements d’enseignement postsecondaires – 2011-2013). [7] Par ailleurs, la SODRAC déclare qu’elle n’entend pas négocier pendant l’instance d’autres taux ou conditions de licence que ceux établis par la Commission, peu importe l’intention de la SRC de négocier avec la SODRAC des licences à la pièce. En d’autres termes, la SODRAC s’en tiendra à la licence forfaitaire de synchronisation à moins que nous imposions la négociation à la pièce de ces licences.

[24] Or, comme la Commission l’a mentionné dans SODRAC c. SRC (2012), [8] le marché de l’utilisation de musique dans les émissions télévisées se prête bien à l’octroi de licences ponctuelles. Les réserves exprimées par la Commission dans cette décision à l’égard d’une licence forfaitaire de synchronisation, [9] qu’il n’est pas nécessaire de répéter ici, demeurent pertinentes.

[25] Compte tenu de ce qui précède, quatre options s’offrent à nous pour ce qui est des droits de synchronisation.

[26] La première est de maintenir le statu quo. Cette solution a l’avantage de se conformer aux pratiques antérieures de la Commission. Par contre, elle nous semble ne pas refléter suffisamment les préoccupations exprimées dans SODRAC c. SRC (2012) à l’égard de la licence forfaitaire de synchronisation.

[27] La deuxième est de ne pas délivrer de licence provisoire pour les activités de synchronisation. La SRC devrait négocier les licences à la pièce. Cette approche comporte plusieurs inconvénients, surtout à titre de mesure provisoire. Elle impose la mise en place d’un dispositif administratif qui deviendra inutile si la Commission retient en bout de piste ce que la SODRAC propose. Elle suppose que les parties peuvent dès maintenant procéder à une transition complète vers une approche transactionnelle; or, rien n’est moins certain. Il peut aussi en découler un vide juridique que la décision provisoire est censée éviter.

[28] La troisième est d’imposer le modèle transactionnel dans la licence provisoire. On y arriverait, par exemple, en utilisant à titre provisoire les montants [10] dont la Commission s’était servie pour calculer la licence forfaitaire. Cette façon de procéder soulève les mêmes difficultés que la deuxième. En plus, elle impose des taux au sujet desquels la Commission avait exprimé d’importantes réserves. [11]

[29] La dernière solution consiste à maintenir la licence forfaitaire de synchronisation à un taux escompté. Cette façon de procéder comporte plusieurs avantages. Elle communique une intention ferme de la part de la Commission d’envisager, sinon d’encourager, la libération des droits pertinents sur une base transactionnelle. Elle maintient essentiellement en état la SODRAC pour la durée du débat. Elle ne requiert pas la mise en place de nouveaux mécanismes administratifs, du moins pour l’instant, tout en communiquant clairement à la SRC la nécessité de préserver les données qui pourraient être nécessaires à l’établissement d’un régime de licences transactionnelles. Elle donne à la SRC l’occasion et la raison d’ajuster ses pratiques comme elle prétend devoir faire.

[30] Nous sommes d’avis qu’un escompte de 20 pour cent remplit les objectifs décrits au paragraphe précédent dans le cas présent.

IV. DÉCISION

[31] La Commission prolonge à titre provisoire la Licence autorisant la Société Radio-Canada à reproduire les œuvres faisant partie du répertoire de la SODRAC entre le 14 novembre 2008 et le 31 mars 2012 à partir du 3 novembre 2012 jusqu’à la date de la décision finale de la Commission dans le présent dossier de demande d’arbitrage.

[32] Les modalités de la licence sont les mêmes que celles de la licence 2008-2012, à l’exception des changements qui suivent.

[33] L’article 5.02 de la licence est remplacé par ce qui suit :

5.02 En contrepartie des droits concédés à l’alinéa 2.01a), la SRC verse à la SODRAC, par mois, 55 498 $.

[34] L’alinéa 5.03(1)c) qui suit est ajouté à la licence :

c) 1 $ par mois pour Explora.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] L.R.C. ch. C-42.

[2] Demandes de fixation des redevances et modalités d’une licence pour 2008-2012 (SODRAC c. SRC/CBC et SODRAC c. Astral) (2 novembre 2012) décision de la Commission du droit d’auteur. [SODRAC c. SRC (2012)]

[3] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2012 CSC 36.

[4] L.C. 2012, ch. 20.

[5] Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN, Ré:Sonne, CSI, AVLA/SOPROQ et ArtistI à l’égard des stations de radio commerciales (21 décembre 2012) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur.

[6] Loi, paragraphe 30.8(8).

[7] (23 décembre 2010) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur au para. 18.

[8] Supra note 2 au para. 135.

[9] Ibid. aux paras. 134 à 138.

[10] Ibid. aux paras. 125 et 129.

[11] Ibid. aux paras. 134 à 140.

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