Licences

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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2016-06-27

Référence

Dossiers : 70.2-2008-01; 70.2-2012-01; 70.2-2016-01

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Fixation des redevances dans des cas particuliers

Loi sur le droit d’auteur, art. 66.51 et 70.2

Commissaires

M. le juge Robert A. Blair

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

Projets de tarif examinés

Réexamen (2008-2012); Examen (2012-2017)

Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada c. Société Radio-Canada

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le paragraphe 70.2(1) de la Loi sur le droit d’auteur [1] (la « Loi ») offre la possibilité de recourir à la Commission du droit d’auteur du Canada (la « Commission ») à défaut d’entente entre une société de gestion et une personne au sujet des redevances, ou les modalités afférentes, relatives à une licence autorisant cette personne à accomplir tel des actes mentionnés aux articles 3, 15, 18 ou 21 de la Loi, selon le cas. La Commission agit alors à titre d’arbitre entre la société de gestion et l’utilisateur du contenu protégé par la Loi aux fins de fixer ces redevances ou modalités.

[2] Se prévalant de ce moyen, la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) déposait, le 14 novembre 2008, une demande d’arbitrage relative à une licence, pour la période courant du 14 novembre 2008 au 31 mars 2012 (« la période 2008-2012 »), autorisant l’utilisation de son répertoire par la Société Radio-Canada (SRC). En vertu de l’article 66.51 de la Loi, la SODRAC demandait également la délivrance d’une licence provisoire pour cette période, prenant effet le même jour.

[3] La licence visait à permette à la SRC de procéder à la reproduction d’œuvres du répertoire de la SODRAC dans le cadre de ses activités de radiodiffusion et de télédiffusion, de synchronisation, de vente d’émissions (DVD ou téléchargement), de concession en licence d’émissions, de service audio ou audiovisuel sur Internet, de reproduction accessoire (radiodiffusion, télédiffusion, Internet) et de conservation du patrimoine (archives).

[4] Jusqu’à la saisine de la Commission, les relations entre la SODRAC et la SRC étaient régies par des ententes. La première, conclue le 19 mars 1992, autorisait l’utilisation du répertoire de la SODRAC à la radio, à la télévision et pour certaines fins accessoires (« l’entente de 1992 »). Plus spécifiquement, elle octroyait à la SRC « pour ses différents services, composantes et réseaux, ainsi que pour les stations qui peuvent lui être affiliées, [...] l’autorisation [...] de reproduire : a) pour diffusion différée à la radio et à la télévision, ou par tout autre moyen technique de diffusion, ou b) pour utilisation sur tout autre support mécanique pour ce qui concerne les activités ancillaires aux objets de Radio-Canada, par tous les moyens actuellement et ultérieurement pratiqués, le répertoire présent et à venir de la SODRAC [...] ». La seconde permettait l’utilisation du répertoire de la SODRAC dans les produits dérivés d’émissions de la SRC, tels les DVD. Cette entente est intervenue le 29 octobre 2002 et a pris fin le 30 juin 2005.

[5] L’entente de 1992 stipulait une redevance annuelle forfaitaire, laquelle s’élevait à 520 000 $ à compter de 1995, et était renouvelable par reconduction tacite par période de douze mois.

[6] Par décision du 31 mars 2009, la Commission maintenait le statu quo matérialisé par l’entente de 1992, en établissant une licence provisoire pour la période 2008-2012 comprenant une redevance annuelle forfaitaire de 520 000 $ pour les activités existantes ou envisageables en 1992. Des redevances additionnelles symboliques s’appliquaient aux nouvelles activités (par ex. la webdiffusion audio et audiovisuelle, la diffusion radio simultanée sur Internet). [2]

[7] Cette licence provisoire a été reconduite par décision provisoire de la Commission le 30 avril 2012 (la « licence provisoire 2008-2012 ») jusqu’à ce que la Commission rende une décision finale pour la période 2008-2012. [3]

[8] Le 26 mars 2012, la SODRAC demandait à la Commission de fixer, de façon provisoire puis finale, les modalités d’une licence autorisant la SRC à reproduire les œuvres du répertoire de la SODRAC entre le 1er avril 2012 et le 31 mars 2016 (« la période 2012-2016 »).

[9] Le 30 avril 2012, la Commission a acquiescé à cette demande. Elle a prorogé la licence provisoire 2008-2012 à la période 2012-2016, et ce jusqu’à ce que la Commission rende une décision finale pour la période 2008-2012.

[10] Le 2 novembre 2012, la Commission rendait sa décision finale sur la demande de licence du 14 novembre 2008 [4] (la « décision du 2 novembre 2012 »), et délivrait la licence afférente à cette décision (la « licence 2008-2012 »). Le lendemain, la SODRAC demandait à la Commission qu’à compter du 3 novembre 2012, la licence 2008-2012 gouverne à titre provisoire ses rapports avec la SRC jusqu’à ce que la Commission dispose au fond de la demande de la licence pour la période 2012-2016.

[11] La licence 2008-2012 établit les taux de redevances pour les reproductions d’œuvres du répertoire de la SODRAC effectuées dans le cadre des activités suivantes de la SRC :

  1. la production d’une émission de la SRC en vue de son exploitation, sans égard au support ou au marché, pour la durée du droit d’auteur sur l’œuvre;
  2. la production d’un montage audio ou audiovisuel, d’au plus quatre minutes, de séquences d’une émission de radio ou de télévision, ou de plus d’une émission faisant partie de la même série, destiné à promouvoir l’émission ou la série (autopublicité);
  3. la production d’un montage audiovisuel visé à l’alinéa b) destiné à promouvoir la programmation du service sur les ondes duquel l’émission est diffusée, si l’œuvre reste associée à des séquences de l’émission ou de la série dont l’œuvre est tirée;
  4. la préparation d’un montage, d’une compilation, d’un mixage ou d’un pot-pourri audio pour diffusion sur Internet ou à la radio sur ses ondes;
  5. la diffusion de programmation sur les ondes de la radio de la SRC, sur les ondes des services de télévision de la SRC (télévision conventionnelle et spécialisée) et sur Internet, y compris les copies de sauvegarde;
  6. la vente sur support matériel ou en ligne d’une émission, qu’il s’agisse ou non d’une émission de la SRC;
  7. la vente ou la concession en licence d’une émission, qu’il s’agisse ou non d’une émission de la SRC;
  8. la conservation du patrimoine radiotélévisuel de la SRC (copies d’archives).

[12] Le 3 décembre 2012, la SRC déposait à la Cour d’appel fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du 2 novembre 2012.

[13] Par décision du 16 janvier 2013, [5] la Commission prolongeait à titre provisoire la licence 2008-2012 (avec deux modifications, soit un escompte de 20 pour cent applicable à la redevance relative aux activités de synchronisation et une redevance symbolique de 1 $ par mois pour les copies accessoires à la télédiffusion de la chaîne Explora). La licence prenait effet le 3 novembre 2012 et devait durer jusqu’à la date de la décision finale de la Commission dans le présent dossier de demande d’arbitrage (la « licence provisoire 2012-2016 »).

[14] Le 28 février 2013, la licence provisoire 2008-2012 a été prolongée par suite de la décision de la Cour d’appel fédérale accueillant des requêtes en sursis de la licence 2008-2012 et de la licence provisoire 2012-2016. [6] La Cour d’appel fédérale ordonnait le maintien du statu quo, lui-même fondé sur l’entente de 1992, jusqu’à ce qu’elle rende un jugement définitif sur les demandes en contrôle judiciaire de la décision du 2 novembre 2012 sur la licence 2008-2012 et de la décision du 16 janvier 2013 sur la licence provisoire 2012-2016.

[15] Le 31 mars 2014, la Cour d’appel fédérale rendait sa décision relativement aux demandes de contrôle judiciaire, et mettait fin aux sursis des licences délivrées par la Commission le novembre 2012 et le 16 janvier 2013. [7]

[16] Le 30 mai 2014, la SRC a demandé à la Cour suprême du Canada la permission d’en appeler de la décision de la Cour d’appel fédérale du 31 mars 2014. Cette décision a ainsi été suspendue par effet du paragraphe 65(1) de la Loi sur la Cour suprême [8] et du dépôt de l’avis d’appel du 30 mai 2014.

[17] Le 26 novembre 2015, la Cour suprême du Canada (la « Cour ») rendait sa décision dans l’affaire Société Radio-Canada c. SODRAC 2003 Inc., [9] et disposait de l’appel sur le contrôle judiciaire des décisions de la Commission relativement à la licence 2008-2012 et à la licence provisoire 2012-2016.

[18] Essentiellement, la Cour suprême a annulé en partie la licence 2008-2012 ainsi que la licence provisoire 2012-2016, et a renvoyé ces deux décisions à la Commission afin qu’elle procède à un nouvel examen. Le juge Rothstein, écrivant pour la majorité, a conclu comme suit:

[114] La Commission n’a pas tenu compte des principes de neutralité technologique et de mise en équilibre pour fixer les redevances relatives aux copies accessoires de diffusion télévisuelle et sur Internet de la SRC. Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler la licence légale 2008-2012 en ce qui a trait à la fixation des redevances relatives aux copies accessoires de diffusion télévisuelle et sur Internet de la SRC et de renvoyer la Décision sur la licence légale à la Commission pour réexamen de la fixation des redevances en tenant compte des principes de neutralité technologique et de mise en équilibre.

[115] Dans la mesure où les redevances fixées par la licence provisoire reposaient sur l’évaluation des copies accessoires de diffusion dans la licence légale 2008-2012, je suis d’avis d’annuler la licence provisoire et de renvoyer la Décision sur la licence provisoire pour réexamen en conformité avec les principes qui s’appliquent aux fins de la nouvelle décision sur la licence 2008-2012.

[19] La présente décision porte sur le réexamen de la licence provisoire 2012-2016. Elle porte également sur la demande de la SODRAC du 24 mars 2016 de continuer, à partir du 1er avril 2016 et jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue, les conditions établies à la licence provisoire 2012-2016 telle que ci-après réexaminée. La SRC ne s’est pas opposée à cette demande, sous réserve de ses représentations déjà au dossier. [10]

II. PRÉTENTIONS DES PARTIES

A. Demande de la SODRAC

[20] La SODRAC demande à la Commission de réviser la licence provisoire et propose que les redevances provisoires pour les reproductions accessoires à la diffusion télévisuelle soient établies à 20 pour cent des taux prescrits aux alinéas 5.03(1)a) et b) de la licence 2008-2012. Les taux réduits seraient comme suit :

  1. Pour la télévision conventionnelle, 2,90 pour cent de ce que la SRC paie en vertu du tarif 2.D de la SOCAN (télévision commerciale), soit 200 755 $ par année; [11]
  2. 0,043 pour cent pour RDI, 0,019 pour cent pour News Network et 0,069 pour cent pour Documentary Channel des revenus bruts du service durant le mois de référence.

La redevance Internet de 4 pour cent prévue à la licence 2008-2012 (article 5.05) ne serait pas modifiée, étant un pourcentage des redevances payables en vertu de l’article 5.03 et non des revenus.

[21] À l’appui de sa proposition, la SODRAC soumet les arguments suivants :

  • le niveau de 20 pour cent proposé est fondé, par analogie, sur la décision de la Commission au sujet de la licence provisoire relative à Astral. La Commission avait considéré que ce taux était de prime abord raisonnable;

  • l’utilisation du ratio SODRAC/ SOCAN comme base des redevances provisoires (mais réduites de 80 pour cent) est également raisonnable, sachant que la Cour n’a pas invalidé ce ratio mais a requis que la Commission applique les principes de neutralité technologique et d’équilibre en recherchant la valeur du droit;

  • l’utilisation récente (2009 à 2012) du répertoire de la SODRAC par la SRC est connue et diffère peu des niveaux retenus par la Commission dans la licence 2008-2012.

[22] La SODRAC rejette par ailleurs le principe de redevances symboliques puisque le droit de reproduction est applicable et que le niveau d’utilisation du répertoire est connu. La SODRAC conclut en soulignant le fait que les redevances proposées sont modestes et raisonnables.

B. Réponse de la SRC

[23] Dans sa réponse, la SRC soutient que les redevances proposées par la SODRAC, même réduites, demeurent importantes. Elle allègue par ailleurs que la Commission doit réexaminer la licence provisoire 2012-2016 non seulement en ce qui concerne les copies accessoires à la diffusion télévisuelle et sur Internet, mais aussi en ce qui concerne les copies accessoires à la radiodiffusion et les droits de synchronisation, conformément aux principes énoncés dans la décision de la Cour.

[24] La SRC plaide que les redevances devraient être symboliques (100 $ pour toutes les copies accessoires) puisque la SODRAC n’a pas apporté la preuve, selon les principes énoncés par la Cour, de la valeur économique des copies accessoires. À cet égard, se fonder sur des ratios n’est pas suffisant.

[25] Selon la SRC, les redevances devraient être symboliques compte tenu également de la grande probabilité que les copies accessoires (i) soient couvertes par les nouvelles exceptions au droit d’auteur entrées en vigueur en novembre 2012 ou (ii) n’aient pas de valeur économique indépendante. De plus, des redevances autres que symboliques seraient difficilement, voire pas remboursables après les faits, ce qui entraînerait un préjudice irréparable pour la SRC.

[26] Autrement, le taux réduit proposé par la SODRAC devrait s’appliquer à toutes les copies accessoires. En effet, l’évaluation de tous les types de copie accessoire, y compris pour la radiodiffusion, doit être régie par les principes établis par la Cour.

[27] Enfin, la licence provisoire ne doit pas comporter de licence générale pour l’activité de synchronisation au vu de la décision de la Cour selon laquelle les modalités d’une licence ne peuvent être imposées à un utilisateur. Le fait d’exclure la licence forfaitaire crée une mesure incitative pour les parties à négocier les droits de synchronisation selon leurs besoins réels.

C. Réplique de la SODRAC

[28] La SODRAC prétend que la Cour n’a pas annulé l’ensemble des modalités de la licence provisoire 2012-2016. La Cour a annulé uniquement la partie de la licence provisoire concernant les redevances accessoires à la diffusion télévisuelle et sur Internet et en a ordonné le réexamen par la Commission. La Cour ne s’est pas prononcée sur la validité des taux ni sur les conclusions de fait fondées sur la preuve. La Cour a renvoyé le dossier à la Commission afin qu’elle l’évalue à la lumière des principes de neutralité technologique et d’équilibre et des facteurs sous-jacents, ainsi qu’au regard de tout autre facteur pertinent, y compris l’application d’un ratio.

[29] La SODRAC considère que la Cour n’a pas suggéré que les redevances soient symboliques. La Cour réfère plutôt à des redevances « relativement peu élevées ». Seule l’application ex post des facteurs de la Cour permettra de déterminer la redevance appropriée.

[30] La SODRAC mentionne que la preuve au dossier n’a pas porté sur les investissements ou les risques. De plus, la preuve au dossier ne permet pas de conclure que les gains internes en efficacité sont peu élevés. [12] Enfin, l’analyse par ratio de la Commission n’implique pas des redevances proportionnelles au nombre de copies.

[31] Une redevance de 100 $ pour tous types de copie accessoire n’est pas « relativement peu élevée » mais plutôt « infinitésimale ». La Cour n’impose pas à la SODRAC à ce stade de démontrer que la redevance devrait être plus que symbolique. Il s’agit plutôt, en attendant le réexamen complet du dossier sur le fond, pour la Commission d’établir une redevance provisoire raisonnable. L’exemple de redevances symboliques cité par la SRC concerne une décision au fond. La Cour n’a pas exigé que la Commission change son approche au stade du provisoire. La Commission peut décider prima facie en se fondant sur le statu quo.

[32] La SODRAC mentionne qu’elle ne s’en remet pas uniquement au ratio : elle propose un taux réduit découlant de l’analyse par ratio faite par la Commission, sachant que la Cour n’a pas rejeté le ratio comme facteur pertinent.

[33] La question de l’application des nouvelles exceptions aux reproductions accessoires n’a pas été traitée par la Cour et a été rejetée par la Commission dans sa décision provisoire du 16 janvier 2013 pour la période 2012-2016. [13]

[34] Concernant les copies accessoires, la SODRAC conclut que le statu quo doit être maintenu en ce qui concerne les redevances applicables à la radio puisque :

  • la Cour n’a pas ordonné le réexamen de cette partie de la licence provisoire;

  • la Cour a validé le fait de fonder le statu quo sur la licence 2008-2012, sachant que les redevances pour la radio n’y ont pas été invalidées par la Cour;

  • l’effet des exceptions et les facteurs de la Cour doivent être traités au fond avec le bénéfice d’un dossier complet;

  • les redevances radio sont directement fondées sur l’entente CMRRA/SRC pour le même type de reproductions. Elles représentent donc un taux de marché. En tant que tel, il doit être présumé au stade provisoire que ce taux est neutre technologiquement et équilibré.

[35] En ce qui concerne la question des droits de synchronisation, la SODRAC plaide que le retrait demandé par la SRC des dispositions de la licence provisoire relatives à la synchronisation n’est pas justifié pour plusieurs raisons. En premier lieu, la Cour n’a pas annulé les dispositions relatives à la synchronisation, contrairement à ce qu’affirme la SRC. La Cour n’a pas renvoyé ces dispositions pour réexamen. La Cour n’a annulé que les dispositions relatives aux copies accessoires. En deuxième lieu, la Cour a explicitement établi que la Commission peut fixer les redevances pour une activité donnée mais ne peut contraindre l’utilisateur à accepter les modalités de la licence après les avoir examinées. En troisième lieu, le retrait de l’autorisation de faire des copies de synchronisation créerait un vide juridique et placerait la SRC en situation de violation de droit d’auteur. En dernier lieu, la licence relative aux copies de synchronisation est forfaitaire mais son taux (i) reflète une utilisation réduite de copies de synchronisation et (ii) correspond dans les faits à ce que la SRC paierait selon un taux transactionnel (le taux est fondé sur deux taux à la pièce multipliés par le nombre de copies de synchronisation effectuées de 2006 à 2008).

[36] La SODRAC conclut en déclarant qu’elle n’accordera aucune licence de synchronisation qui ne soit pas conforme aux dispositions de la licence provisoire en place.

III. ANALYSE

[37] Les questions soumises au débat concernent par conséquent l’étendue du réexamen, l’application des principes et critères de neutralité technologique et de mise en équilibre, la demande de redevances symboliques et l’exclusion de la licence de synchronisation. Nous les traitons dans ce même ordre.

A. Étendue du réexamen

[38] Les parties divergent quant à l’étendue du réexamen de la licence 2012-2016. Pour la SRC, l’effet de l’arrêt de la Cour suprême est tel que les redevances provisoires pour toutes les copies accessoires, y compris pour la radiodiffusion, et pour les copies de synchronisation devraient être révisées. Nous ne sommes pas d’accord pour les raisons suivantes.

[39] Premièrement, les copies accessoires à la radiodiffusion ne faisaient pas l’objet des demandes de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. La Cour suprême a conséquemment annulé la licence 2008-2012 uniquement « en ce qui a trait à la fixation des redevances relatives aux copies accessoires de diffusion télévisuelle et sur Internet ». [14] La Cour précise ensuite qu’elle n’annule la licence provisoire 2012-2016 que « [d]ans la mesure où les redevances fixées par la licence provisoire reposaient sur l’évaluation des copies accessoires de diffusion dans la licence légale 2008-2012 ». [15]

[40] La Cour confirme par ailleurs qu’en ce qui concerne la licence provisoire, celle-ci peut perpétuer les éléments de la licence 2008-2012 qui n’ont pas été annulés :

[100] Je ne vois rien de déraisonnable dans la manière dont la Commission a choisi et utilisé la licence légale 2008-2012 comme statu quo dans la présente affaire. Toutefois, comme je suis d’avis de lui renvoyer le dossier pour réexamen de la licence 2008-2012 ainsi que je l’ai mentionné précédemment, la Commission devra revoir les modalités de la licence légale provisoire pour veiller à ce que celles-ci concordent avec sa nouvelle décision sur les redevances visées par la licence 2008-2012.

[41] Ainsi, il apparaît clairement que les seules modifications éventuelles à la licence provisoire sont celles nécessaires pour assurer la concordance avec les points assujettis au réexamen dans la licence 2008-2012, soit les copies accessoires pour la diffusion télévisuelle et sur Internet. [16] Toutes les autres redevances provisoires, y compris celles applicables aux copies radio et de synchronisation, ne sont donc pas assujetties au réexamen. Par conséquent, la licence 2008-2012 peut valablement représenter le statu quo sauf à l’égard des copies accessoires pour la diffusion télévisuelle et sur Internet.

B. Application des principes et critères de neutralité technologique et de mise en équilibre

[42] La Cour demande à la Commission de réexaminer les modalités de la licence provisoire 2012-2016 conformément aux mêmes principes qui s’appliquent au réexamen de la licence 2008-2012, soit les principes de neutralité technologique et de mise en équilibre. [17]

[43] La SRC a d’ores et déjà indiqué qu’elle entend produire, lors du réexamen de la licence 2008-2012, de la preuve visant à démontrer ses niveaux d’investissement en matière de technologie numérique de diffusion, l’absence d’investissements et de risque pour la SODRAC relativement à l’adoption par la SRC de cette technologie et la nature et la valeur relative des copies accessoires à la télédiffusion.

[44] La SODRAC prévoit produire une preuve additionnelle ou complémentaire en lien avec les critères de mise en équilibre et de neutralité technologique pour les copies accessoires à la diffusion télévisuelle et Internet. La SODRAC prévoit un rapport technique complémentaire et un rapport économique complémentaire en lien avec l’impact de ces deux critères.

[45] Comme dans toute décision établissant des redevances provisoires, la Commission ne bénéficie pas encore de la preuve qui lui permettra de prendre une décision finale. La Commission doit donc se fonder sur l’information qu’elle a à sa disposition. [18]

[46] La preuve produite au dossier jusqu’à présent révèle l’adoption par les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs de technologies numériques destinées à moderniser les processus de mise en ondes, notamment au moyen de serveurs informatiques et de systèmes de gestion de contenu automatisés. [19]

[47] La preuve révèle par ailleurs que ces technologies numériques de télédiffusion n’avaient pas encore été déployées par la SRC en 1992. [20] Cependant, à cette époque, la SRC effectuait des copies du répertoire de la SODRAC pour la diffusion différée et pour les utilisations liées aux activités accessoires aux objets de la SRC. [21]

[48] Le principe de neutralité technologique requiert de comparer les valeurs que tire l’utilisateur de l’emploi de technologies différentes. [22] Dans le cas où les valeurs pour l’utilisateur sont identiques, une technologie, quelle que soit sa différence par rapport à une autre, ne doit pas donner lieu à des redevances plus élevées :

[…] Bien que cela soit très improbable, lorsque des utilisateurs tirent la même valeur de l’utilisation des reproductions d’œuvres protégées par le droit d’auteur en utilisant des technologies différentes, la neutralité technologique suppose qu’il serait incorrect d’exiger des redevances plus élevées à l’utilisateur d’une technologie particulière qu’à l’utilisateur d’une technologie différente. Agir ainsi donnerait au titulaire des droits d’auteurs plus de droits dans le contexte de l’utilisation d’une technologie plutôt que d’une autre, même s’il n’existe aucune différence entre la valeur que retire l’utilisateur de la première de ces reproductions par rapport à celle que retire l’utilisateur de la seconde. [23]

[49] À l’inverse, lorsque la valeur des copies pour l’utilisateur est plus élevée d’une technologie à l’autre, le principe de neutralité technologique justifie que la redevance soit plus élevée :

[…] Lorsque l’utilisateur d’une technologie tire une plus grande valeur de l’utilisation de reproductions d’une œuvre protégée par le droit d’auteur qu’une personne qui en fait une utilisation similaire en se servant d’une autre technologie, le principe de la neutralité technologie suppose que le titulaire du droit d’auteur aurait droit à des redevances plus élevées de l’utilisateur qui obtient la plus grande valeur en question. Bref, il ne serait pas neutre sur le plan technologique de traiter ces deux technologies comme si elles permettaient de tirer la même valeur des reproductions. [24]

[50] Le principe de mise en équilibre que doit aussi appliquer la Commission peut avoir une incidence sur la valeur dont profite l’utilisateur et par conséquent sur le montant des redevances :

[…] la Commission doit tenir compte des facteurs qu’elle juge pertinents pour mettre en équilibre les droits de l’utilisateur et ceux du titulaire des droits. Les facteurs pertinents incluent notamment : les risques pris par l’utilisateur et l’ampleur de son investissement dans la technologie ainsi que la nature de l’utilisation de l’œuvre protégée par le droit d’auteur dans la nouvelle technologie. La Commission doit évaluer les contributions respectives des risques pris par l’utilisateur et de son investissement, d’une part, et des copies des œuvres protégées par le droit d’auteur, d’autre part, par rapport à la valeur dont profite l’utilisateur. En l’espèce, où les risques financiers découlant de l’investissement dans la nouvelle technologie et de son implantation ont été pris par l’utilisateur et où l’utilisation de reproductions des œuvres protégées par le droit d’auteur était accessoire, le principe de mise en équilibre supposerait que les redevances à verser au titulaire du droit d’auteur soient relativement peu élevées. [25]

[51] Cependant, la Cour spécifie que la redevance ne sera jamais nulle :

[…] jamais un investissement important par l’utilisateur dans une technologie ou le risque considérable qu’il a pu prendre n’auront pour effet de rendre nulles les redevances du titulaire du droit d’auteur. Dès lors que le droit entre en jeu, des redevances suivront. Le montant de ces dernières dépendra de l’examen de la preuve par la Commission dans chaque affaire, examen qui doit toujours tenir compte des principes de neutralité technologique et de mise en équilibre ainsi que de tout autre facteur qu’elle juge pertinent. [26]

[52] Dans ce contexte, le taux provisoire proposé par la SODRAC – soit le taux initial réduit de 80 pour cent, c’est-à-dire 200 755 $ par année – apparaît raisonnable aux fins de la licence provisoire, pour plusieurs raisons. Premièrement, l’entente SODRAC-SRC de 1992 comportait un montant global de 520 000 $ par année. Ce paiement forfaitaire permettait d’autres types de reproductions que celles accessoires à la télédiffusion. Bien que les redevances propres aux copies accessoires à la télédiffusion n’aient pas été réparties de manière explicite, elles étaient vraisemblablement du même ordre de grandeur que le montant de 200 755 $ par année. Ce montant tient ainsi compte de la possibilité théorique que l’analyse au fond, guidée par les principes de neutralité technologique et de mise en équilibre, permette d’établir l’absence de différence des valeurs pour la SRC malgré des différences technologiques. Par exemple, il n’y aura pas lieu de déroger au niveau de redevances correspondant aux systèmes employés en 1992 si les nouveaux systèmes ne comportent pas de « différences fonctionnelles » ou ne génèrent pas de « gains en efficacité interne » différents. [27]

[53] Par ailleurs, ce taux réduit représente une valeur « plancher » raisonnable. D’abord, il est proposé par la SODRAC. Ensuite, pour la SRC, l’entente de 1992 autorisait déjà tous les types de copies effectuées par les producteurs et les télédiffuseurs. [28] Le taux réduit se rapproche donc de ce que la SRC était disposée à payer. En fait, la SRC a régulièrement soutenu que l’entente de 1992 représentait le statu quo aux fins d’une licence provisoire. [29] Enfin, ce taux réduit reflète (i) la conclusion selon laquelle les copies accessoires de diffusion mettent en jeu le droit de reproduction [30] et (ii) les avantages que procurent les technologies numériques. La Commission se prononçait au sujet de ces avantages dans les termes suivants :

[…] L’adoption de technologies nécessitant la réalisation de copies permet aux télédiffuseurs de demeurer concurrentiels et de protéger leurs activités principales même lorsque ces copies ne génèrent pas de bénéfices directs. Astral et la SRC ont besoin de ces technologies pour demeurer pertinents et que le public continue de les visionner. Il s’agit de nets bénéfices découlant de technologies nécessitant la réalisation de copies. Puisque ces technologies supposent l’utilisation de copies supplémentaires, certains des avantages associés à ces technologies doivent se refléter dans la rémunération découlant de ces copies accessoires supplémentaires. [31]

[54] Cette conclusion n’est pas d’un genre isolé; elle se retrouve également dans les tarifs applicables à la radio commerciale. Par exemple, la Commission a jugé en 2010 dans le dossier relatif au tarif des redevances à percevoir par CSI à l’égard des stations de radio commerciale pour les années 2008-2012 [32] que la preuve présentée des deux côtés confirmait que les technologies de reproduction permettent aux stations d’accroître leur efficience et leur rentabilité. [33] Compte tenu de la similarité des technologies employées par la SRC pour ses activités de télédiffusion avec les technologies modernes de radiodiffusion, [34] nous considérons que rien ne permet de présumer à ce stade que les copies accessoires de diffusion en lien avec la télévision et l’Internet soient dénuées de valeur pour la SRC.

C. La demande de redevances symboliques

[55] La SRC soutient par ailleurs qu’une redevance symbolique de 100 $ pour toutes ses activités de reproduction est justifiée en raison des nouvelles exceptions au droit d’auteur, entrées en vigueur en novembre 2012 et applicables aux copies accessoires. Il convient d’emblée de mentionner que cette question ne fait pas partie du réexamen, tel que circonscrit par les directives de la Cour. Ainsi, des arguments et de la preuve qui n’entrent pas dans ce cadre ne peuvent pas être invoqués lors du réexamen. [35]

[56] La Commission a par ailleurs déjà décidé à deux reprises que l’application potentielle de nouvelles exceptions n’est pas pertinente au stade provisoire.

[57] D’abord, dans sa décision provisoire du 21 décembre 2012 à l’égard de la radio commerciale, la Commission rejetait une demande de réduction – au stade du proviso ire – de 90 pour cent des tarifs pour la reproduction de contenu protégé fondée sur de nouvelles exceptions résultant des modifications à la Loi entrées en vigueur en novembre 2012. Essentiellement, la Commission a considéré qu’elle n’était pas en mesure d’établir, au stade provisoire, que les opposantes respectaient toutes les conditions d’application de toutes les exceptions pour l’ensemble des reproductions qu’elles effectuaient. [36]

[58] Ensuite, dans le présent dossier, la Commission réitérait cette position :

[20] Les prétentions de la SRC en ce qui concerne l’impact des récents changements dans la loi et la jurisprudence reprennent presque mot à mot les prétentions mises de l’avant par l’Association canadienne des radiodiffuseurs dans une autre affaire. Les motifs qui ont amené la Commission à mettre ces prétentions de côté sont tout aussi pertinents en l’espèce. Il revient à l’utilisateur qui invoque une exception ou un « droit » d’établir, à partir d’éléments de preuve, qu’il peut s’en prévaloir, ce qui se fait plus commodément au stade de l’examen au fond qu’à un stade provisoire. L’interprétation que la SRC offre de certaines des dispositions qu’elle invoque est loin d’être évidente. Enfin, compte tenu de ce que nous connaissons des pratiques de l’industrie, il n’est pas certain que la SRC soit toujours en mesure de se prévaloir des exceptions invoquées pour l’ensemble de ses activités de reproduction. [37]

[59] La Cour d’appel fédérale a validé cette approche :

[93] En ce qui concerne les changements touchant la façon dont les parties feront des affaires dans le futur compte tenu de la licence visant la période 2008-2012, des modifications législatives et de l’évolution de la jurisprudence, il s’agit d’une question qu’il serait préférable que la Commission examine lors de l’instruction au fond concernant la licence visant la période 2012-2016, laquelle, si j’ai bien compris, doit commencer quelques jours après l’audition du présent appel. [38] [notre soulignement]

[60] Ce passage de la décision de la Cour d’appel fédérale n’a pas été remis en cause par la Cour suprême. Par conséquent, il n’y a pas lieu de retenir à ce stade l’application potentielle d’exceptions au droit d’auteur comme justification à une redevance d’un montant symbolique.

[61] La SRC avance aussi l’argument selon lequel des redevances autres que symboliques seraient difficilement, voire pas recouvrables après les faits. La SRC invoque la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Société Radio-Canada et Astral Media Inc. c. SODRAC Inc. [39]

[62] Cette décision concernait la suspension des effets d’une décision au fond de la Commission, soit la décision du 2 novembre 2012 relative à la licence SODRAC-SRC. Elle ne concerne donc pas le cadre juridique applicable aux licences provisoires. La Cour d’appel fédérale a aussi rendu une ordonnance de surseoir suite à une requête de la SRC en sursis de la décision provisoire de la Commission du 16 janvier 2013. [40] Là encore, l’ordonnance de surseoir applique un test spécifique (question sérieuse, préjudice irréparable, prépondérance des inconvénients) qui ne concerne pas le régime des licences provisoires. Ce régime obéit à un test différent (maintien du statu quo pour éviter un vide juridique, sauf en cas de certains facteurs qui pourraient parfois justifier une dérogation au statu quo eu égard à la prépondérance des inconvénients). De plus, l’ordonnance de surseoir dans ce dossier avait été accordée dans un contexte particulier de demandes de contrôle judiciaire qui pouvaient justifier le sursis en attendant qu’elles soient jugées. Or, ce n’est plus le cas puisque la Cour a clos ce contrôle judiciaire.

[63] Au demeurant, le principe même d’une décision provisoire, comme prévu à l’article 66.51 de la Loi, suppose nécessairement que des ajustements seront apportés au moment de la décision finale. Comme l’écrit la Cour dans l’arrêt Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) : [41]

Il relève de la nature même des ordonnances provisoires que leur effet ainsi que toute divergence entre une ordonnance provisoire et une ordonnance définitive peuvent être révisés et corrigés dans l'ordonnance définitive.

[64] Les parties pourront organiser leurs ressources et comptabilités en conséquence, par exemple en prévoyant des provisions.

D. L’exclusion de la licence de synchronisation

[65] La SRC demande que la licence provisoire ne contienne plus de licence forfaitaire pour l’activité de synchronisation. Elle invoque à l’appui les motifs de la Cour établissant que les modalités d’une licence homologuée ne peuvent être imposées à un utilisateur. Elle soutient que la présence d’une licence forfaitaire n’incite pas les parties à négocier des licences à la pièce. Du point de vue de la SRC, seules les licences à la pièce garantissent que le prix payé par la SRC correspond à l’utilisation réelle du répertoire de la SODRAC. La SRC considère que la licence forfaitaire actuelle est fondée sur des données de 2008 obsolètes puisqu’elle a depuis drastiquement réduit ses copies de synchronisation.

[66] Pour les raisons qui suivent, il n’est pas approprié de modifier les modalités applicables aux activités de synchronisation.

[67] Tel que mentionné précédemment, les modalités de la licence provisoire 2012-2016 relatives aux actes de synchronisation ne sont pas assujetties au réexamen.

[68] De plus, la Cour a confirmé le pouvoir de la Commission de fixer les modalités d’une licence en vertu de l’article 70.2 de la Loi qui prendraient la forme d’une licence forfaitaire, sachant que l’utilisateur reste libre de se conformer ou non aux modalités de la licence :

[…] la Commission a effectivement le pouvoir, aux termes de l’art. 70.2, de « fixer ces redevances ou modalités [afférentes] », ce qui signifie qu’elle peut fixer des droits d’auteur équitables à verser si l’utilisateur décide d’accomplir l’activité en cause suivant les modalités d’une licence. Toutefois, ce pouvoir n’emporte pas en lui-même celui de contraindre l’utilisateur à accepter ces modalités lorsqu’après les avoir examinées, il décide de ne pas effectuer les copies visées par la licence. Évidemment, si l’utilisateur effectue ensuite des copies non autorisées, il demeurera responsable de la violation. Par contre, il ne sera pas responsable en tant que titulaire à moins qu’il ne souscrive expressément aux avantages et aux obligations dont la licence est assortie. [42]

[69] La Cour ne s’est cependant pas prononcée sur la question de savoir si la Commission peut imposer à la société de gestion le type de licence – forfaitaire ou à la pièce – que souhaite l’utilisateur :

Je conclus que le régime législatif d’octroi de licences n’envisage pas la possibilité que des licences fixées par la Commission en vertu de l’art. 70.2 aient un effet obligatoire à l’égard des utilisateurs. Cependant, la présente affaire n’oblige pas la Cour à décider s’il en est de même à l’égard des sociétés de gestion collective. Il se peut que l’objectif principal du régime législatif de réglementer les actions des sociétés de gestion collective et celui de la jurisprudence de faire en sorte que de telles sociétés ne se transforment pas en des [TRADUCTION] « instruments d’oppression et d’extorsion » (Vigneux c. Canadian Performing Right Society Ltd., [1943] R.C.S. 348, p. 356, le juge Duff, citant Hanfstaengl c. Empire Palace, [1894] 3 Ch. 109, p. 128) justifient la conclusion selon laquelle la Commission a effectivement le pouvoir de contraindre les sociétés de gestion à accepter une licence compte tenu du modèle préféré de l’utilisateur – ponctuel ou général – selon les modalités que la Commission juge équitables eu égard à ce modèle. Toutefois, cette question n’a pas été débattue dans la présente affaire. [43]

[70] Cette question juridique pourra être débattue par les parties au fond.

[71] De plus, la preuve de la réduction du nombre réel de copies de synchronisation effectuées par la SRC dans le cadre de ses activités de production audiovisuelle depuis 2008 pourra également être débattue au fond. On notera à cet effet que, comme le souligne la SODRAC, la Commission avait déjà modifié le statu quo pour tenir compte des réductions alléguées de copies de synchronisation par la SRC, en appliquant un escompte de 20 pour cent au taux de la licence 2008-2012.

IV. DÉCISION

[72] Les motifs exposés ci-dessus s’appliquent mutatis mutandis à la période 2016-2017. En effet, les questions soumises à l’arbitrage pour la période 2012-2016 sont identiques et les demandes de licences finales pour ces deux périodes seront examinées conjointement conformément à la décision de la Commission du 4 avril 2016. La Commission établit une seule licence provisoire pour ces deux périodes (la « licence provisoire 2012-2017 »).

[73] La Commission prolonge à titre provisoire la licence 2008-2012, telle que modifiée à son paragraphe 5.03(2) par la Cour d’appel fédérale le 31 mars 2014, à partir du 3 novembre 2012 jusqu’au premier des deux événements suivants, soit la date de la décision finale de la Commission pour la période 2012-2017 ou la date d’expiration de la licence finale, le 31 mars 2017.

[74] Les modalités de la licence provisoire 2012-2017 sont les mêmes que celles de la licence 2008-2012, à l’exception des changements qui suivent.

[75] Les alinéas 5.03(1)a) et b) de la licence 2008-2012 sont remplacés par ce qui suit :

  1. Pour la télévision conventionnelle, 2,90 pour cent de ce que la SRC paie en vertu du tarif 2.D de la SOCAN;
  2. 0,043 pour cent pour RDI, 0,019 pour cent pour News Network et 0,069 pour cent pour Documentary Channel, des Revenus bruts du service durant le Mois de référence;

[76] De plus, il convient de maintenir les modifications apportées à la licence 2008-2012 aux fins de la licence provisoire 2012-2017 par décision provisoire de la Commission le 16 janvier 2013.

[77] Par conséquent, l’article 5.02 de la licence 2008-2012 est remplacé par ce qui suit :

5.02 En contrepartie des droits concédés à l’alinéa 2.01a), la SRC verse à la SODRAC, par mois, 55 498 $.

[78] De même, l’alinéa 5.03(1)c) qui suit est ajouté à la licence 2008-2012 :

c) 1 $ par mois pour Explora.

[79] Il convient par ailleurs de corriger une erreur d’écriture à l’alinéa 3.02(a) dans sa version anglaise. Celui-ci est remplacé par ce qui suit :

(a) does not authorize the CBC to reproduce a Work for the purpose of promoting a product, cause, service or institution, except to the extent provided in paragraphs (b) and (c) of section 2.01;

[80] La demande de la SRC d’ajouter un article stipulant la date d’expiration de la licence provisoire est satisfaite au paragraphe 73 de la présente.

[81] Enfin, l’adresse des avis à la SRC stipulée à l’alinéa 13(2) est modifiée comme suit :

(2) Toute communication adressée à la SRC est expédiée à la Société Radio-Canada, service juridique, 1400, René-Lévesque Est, 2e étage, Montréal (Québec) H2L 2M2, télécopieur : (514) 597-4087 avec copie conforme à : droitsau@radio-canada.ca, ou à toute autre adresse dont la SODRAC a été avisée par écrit.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] L.R.C. 1985, c C-42.

[2] Demande de fixation des redevances et modalités d’une licence (SODRAC c. SRC) (31 mars 2009) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur.

[3] Demande de fixation des redevances et modalités d’une licence (SODRAC c. SRC) (30 avril 2012) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur.

[4] Demandes de fixation des redevances et modalités d’une licence pour 2008-2012 (SODRAC c. SRC et SODRAC c. Astral) (2 novembre 2012) décision de la Commission du droit d’auteur.

[5] Demande de fixation des redevances et modalités d’une licence (SODRAC c. SRC) (16 janvier 2013) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur.

[6] Société Radio-Canada et Astral Media Inc. c. SODRAC Inc., 2013 CAF 60 et 2013 CFA 61.

[7] Société Radio-Canada et Astral Media Inc. c. SODRAC Inc., 2014 CAF 84.

[8] L.R.C. 1985, c S-26.

[9] 2015 CSC 57. [Décision CSC]

[10] Correspondance de la SRC du 29 mars 2016.

[11] Le taux initial était de 14,478 pour cent. Le montant payé au titre du Tarif 2.D (SOCAN-SRC) était de 6 922 586 $ par année. On atteint donc un paiement annuel d’environ un million de $ au taux régulier.

[12] Pièce SODRAC-181, pp. 8-10; Témoignage de Michael Murphy, transcriptions, 1er juin 2010, Vol. 1 (confidentiel), pp. 33-37; Pièce SODRAC-81 au para 89.

[13] Décision CSC, supra note 9 au para 108.

[14] Ibid au para 114. Pour les motifs indiqués dans sa décision du 4 avril 2016, la Commission interprète le paragraphe 114 de la Décision CSC comme n’annulant pas les redevances relatives aux copies accessoires aux services audio sur Internet.

[15] Ibid au para 115.

[16] Il s’agit de la télévision sur Internet. Voir dans ce sens les paragraphes 7 et 26 de la Décision CSC; les paragraphes 146 et suivants de la décision de la Commission du 12 novembre 2012, et les paragraphes 11 et 29 du Mémoire d’appel à la Cour suprême de la SRC (http://scc-csc.ca/WebDocuments-DocumentsWeb/35918/FM010_Appell ant_Canadian-Broadcasting-Corporation.pdf).

[17] Décision CSC, supra note 9 aux para 100 et 115.

[18] Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722 à la p 1754.

[19] Notamment, pièce SODRAC-82, Report on Contemporary Broadcasting Technology, préparé pour la SODRAC par Michael J. Murphy, 1er février 2010; Pièce SODRAC-181: présentation PowerPoint de Michael J. Murphy pendant son témoignage; Témoignage de Michael J. Murphy, transcriptions, 1er juin 2010, Vol. 1 (confidentiel) aux pp 28:7 et suivantes.

[20] Pièce SODRAC-94, Réponse de la SRC à la demande de renseignement 64 de la SODRAC : « [TV] Il n’y avait pas de système de gestion de contenu en 1992 puisqu’il n’y avait pas de serveur »; Réponse de la SRC à la demande de renseignement 70 de la SODRAC : « Que veut dire MEO. Expliquez précisément ce à quoi vous faites référence. R. : MEO signifie système de mise en onde. C’est donc les systèmes de gestion de contenu. Votre réponse pour le 19 mars 1992 pour MEO: « aucun » signifie aucun quoi? R : Tout simplement qu’il n’y avait pas d’émission de conserver [sic] sur des serveurs »

[21] Pièce SODRAC-16 : R-1 Convention concernant la télévision et la radio entre la SODRAC et la SRC, intervenue à Montréal le 19 mars 1992.

[22] Décision CSC, supra note 9 aux para 70 et 79.

[23] Ibid at para 70.

[24] Ibid au para 71.

[25] Ibid au para 75.

[26] Ibid au para 77.

[27] Ibid au para 79. Voir par ailleurs supra note 20.

[28] Témoignage de Me Chantal Carbonneau, transcriptions, 15 juin 2010, Vol. 11 aux pp 2179 (ligne 13)-2180 (ligne 10).

[29] Voir supra note 2 au para 7; voir mémoire d’appel à la Cour suprême de la SRC (voir supra note 16) aux para 137, 144 et notamment 160 où la SRC dans ses conclusions demande expressément que l’entente de 1992 tienne lieu de licence provisoire 2012-2016.

[30] Décision CSC, supra note 9 au para 55 : « Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission a tenu pour acquis que les copies accessoires de diffusion mettent en cause le droit de reproduction en application de l’al. 3(1)d) de la LDA ».

[31] Supra note 4 au para 81.

[32] Radio commerciale – SOCAN : 2008-2010; Ré:Sonne : 2008-2011; CSI : 2008-2012; AVLA/SOPROQ : 2008-2011; ArtistI : 2009-2011 (9 juillet 2010) décision de la Commission du droit d’auteur.

[33] Ibid au para 222.

[34] Supra note 19.

[35] Voir Tarif no 6.B de Ré:Sonne – Utilisation de musique enregistrée pour accompagner des activités de conditionnement physique, 2008-2012 (27 mars 2015) décision de la Commission du droit d’auteur [Réexamen] au para 22.

[36] Radio commerciale – SOCAN (2008-2010); Ré:Sonne (2008-2011); CMRRA/SODRAC inc. (2008-2012); AVLA-SOPROQ (2008-2011); ArtistI (2009-2011) (21 décembre 2012) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur aux para 6 et suivants.

[37] Supra note 5 au para 20.

[38] Supra note 6.

[39] 2013 CAF 60.

[40] 2013 CAF 61.

[41] Supra note 18. Arrêt cité par la Commission dans sa decision provisoire du 17 février 2012 à l’égard des diffusions Web audiovisuelles et du contenu généré par utilisateurs transmis sur Internet.

[42] Décision CSC, supra note 9 au para 108.

[43] Ibid au para 112.

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