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[CB-CDA 2016-017]

 

DÉCISION DE LA COMMISSION SUR LES OPPOSITIONS AUX DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS

 

Instance : Retransmission de signaux de télévision (2014-2018)

 

La 28 avril 2016

I. Remarque générale

[1] L’évaluation de la pertinence des demandes de renseignements actuelles par la Commission est limitée par la portée très restreinte de ce processus de demandes de renseignements, soit la question de l’équité procédurale pour les membres de la Canadian Cable Systems Alliance (CCSA) en lien avec les tarifs proposés par les sociétés de gestion en 2015, qui sont supérieures aux tarifs proposés publiés dans la Gazette du Canada n 2013.

[1]

II. Renonciation au secret professionnel de l’avocat

[2] La Cour suprême du Canada a souvent indiqué que le secret professionnel de l’avocat est un principe de justice fondamentale et un droit civil d’une importance suprême : il s’agit d’une pierre angulaire de notre système judiciaire.

[3] Il est possible de renoncer à un privilège de façon expresse ou tacite. En l’espèce, la CCSA n’a pas renoncé expressément à son privilège. Il nous appartient maintenant de déterminer si les mesures prises par la CCSA dans les circonstances en l’espèce constituaient une renonciation implicite au secret professionnel de l’avocat et, le cas échéant, quelle est la portée de cette renonciation.[1]

[4] Dans la décision Bank Leu AG v. Gaming Lottery Corp., le juge Ground, de la Cour supérieure de l’Ontario, s’est exprimé ainsi :

[4]

[TRADUCTION] Pour déterminer si elle doit présumer qu’il y a eu une renonciation au privilège, la cour doit soupeser d’une part l’intérêt d’une divulgation complète dans le cadre d’un procès équitable et d’autre part le maintien du privilège des communications entre client et avocat. L’équité envers les parties à un procès est maintenant un principe directeur en droit canadien. Il y aura une renonciation présumée au privilège lorsque l’équité et la cohérence l’exigent ou lorsqu’une communication entre client et avocat est légitimement invoquée lors d’un litige. Lorsqu’une partie met en cause son état d’esprit et qu’elle a reçu des conseils juridiques pour l’aider à en arriver à cet état d’esprit, il y aura renonciation présumée au privilège quant à ces conseils juridiques. [2]

[5] Les sociétés de gestion ont renvoyé à un extrait de la citation ci-dessus afin d’étayer leur thèse selon laquelle la CCSA avait [TRADUCTION] « renoncé à tout secret professionnel pouvant avoir existé dans toute correspondance directe ou indirecte entre la CCSA et le conseiller juridique ».

[6] Lorsque l’état d’esprit est en litige, il n’est pas nécessaire de renoncer au secret professionnel. Dans l’affaire précitée, l’une des questions à trancher était la responsabilité de l’avocat de fournir des conseils juridiques à une partie. Ce n’est pas le cas en l’espèce et la situation qui nous préoccupe n’est aucunement comparable. De même, dans la plupart des cas où l’on a renoncé au secret professionnel, l’existence ou le caractère adéquat des conseils juridiques constituent eux-mêmes un fondement à l’allégation ou à la défense.[3]

[7] Dans la décision Lavoie v. Hulowski[4], la cour s’est penchée sur plusieurs affaires portant sur la question de la renonciation au secret professionnel de l’avocat en s’appuyant sur la prémisse selon laquelle l’état d’esprit du défendeur est en litige. On peut lire ce qui suit dans les motifs du juge Klebuc, à partir du paragraphe 28 :

[TRADUCTION] [28] Il est vrai, comme le soutiennent les demandeurs, que si un défendeur met son état d’esprit en cause, il est possible qu’il ait renoncé au secret professionnel de l’avocat [...]

[8] Il s’exprime toutefois en ces termes au paragraphe 30 :

[TRADUCTION] [30] Avant de pouvoir revendiquer le secret professionnel, l’état d’esprit mis en cause et les communications doivent être si étroitement liés que les communications sont elles-mêmes mises en cause. Dans la décision Lac La Ronge, [Lac La Ronge Indian Band v. Canada, [1996] 10 W.W.R. 625 Q.B.)], le juge Grotsky s’est exprimé ainsi au paragraphe 17 : « Il a été conclu que l’on avait renoncé au secret professionnel dans ces affaires parce qu’une partie avait plaidé la dépendance à l’égard de conseils juridiques en matière justification ou d’atténuation. » [Italiques dans l’original.] Il ajoute ce qui suit, au paragraphe 19 : « Il a été conclu que lorsque l’existence ou le caractère adéquat ne constituent pas eux-mêmes un fondement à l’allégation ou à la défense, on ne renonce pas au secret professionnel en renvoyant simplement à un conseil juridique dans une plaidoirie ou un document divulgué. »

[9] Par conséquent, lorsque l’existence ou le caractère adéquat ne constituent pas eux-mêmes un fondement à l’allégation ou à la défense, on ne renonce pas au secret professionnel en renvoyant simplement à un conseil juridique dans un document, comme la lettre de la CCSA en l’espèce5 .

[10] En ce qui concerne la question de l’équité, les sociétés de gestion ne se voient pas refuser la possibilité de mettre à l’épreuve les fondements factuels de la lettre de la CCSA parce qu’elles ont été privées de l’accès à l’ensemble des communications entre la CCSA et son avocat sur la question limitée qui circonscrit la portée de ces demandes de renseignements.

[11] Si la Commission accepte les observations des sociétés de gestion, la levée du secret professionnel pourrait devenir la norme plutôt que l’exception dans les rapports quotidiens de la Commission, ce qui, à notre avis, serait problématique.

[12] À la lumière de ce qui précède, nous concluons qu’il faut trancher le conflit qui en découle sur le privilège du secret professionnel de l’avocat en faveur de la protection de la confidentialité et que la CCSA n’a pas renoncé à son privilège. Par conséquent, et pour toutes les demandes de renseignements, la définition du terme « documents » qui accompagne les demandes de renseignements doit être interprétée sans tenir compte de la dernière remarque suivante :

[TRADUCTION] REMARQUE : Les « documents » comprennent l’ensemble des communications et des dossiers de communications envoyés à des avocats et des conseillers juridiques internes et externes, envoyés par ceux-ci ou envoyés à ceux-ci.

III. Décision de la commission sur les oppositions aux demandes de renseignements

[13] Q1 : La CCSA répondra à cette demande de renseignements seulement pour ses membres qui ne sont pas de petits systèmes de retransmission.

[14] Q1(d), 1(h) : La CCSA fournira les renseignements requis afin de permettre aux sociétés de 5 Sopinka, Lederman & Bryant, The Law of Evidence in Canada, 4e éd. au paragraphe § 14.150; Lac La Ronge Indian Band v. Canada (1996), 6 C.P.C. (4th) 110 (B.R. Sask.). - 4 - gestion d’obtenir des cartes des zones de services de ses membres non exemptés qui ne sont pas de petits membres.

[15] Q1(g) : L’objection est maintenue. La question de l’affiliation n’a aucun rapport avec l’incidence de l’augmentation des redevances proposées sur les entreprises individuelles de distribution de radiodiffusion (EDR). Qui plus est, la question de la représentation des EDR affiliées a été soulevée à l’audience et l’avocat des EDR a indiqué qu’il ne représentait aucune autre EDR que les opposants.

[16] Q1(j) : L’objection est maintenue. La Commission ne voit pas la pertinence de cette demande de renseignements dans la situation actuelle.

[17] Q2 : La CCSA répondra comme il a été proposé.

[18] Q3, Q4, Q11, Q12 : Conformément aux commentaires que nous avons formulés ci-dessus sous la rubrique « Renonciation au secret professionnel de l’avocat », la CCSA n’a pas, du fait de ses propres gestes, renoncé à son privilège du secret professionnel de l’avocat relatif au litige. Dans la mesure où la demande de renseignements vise à obtenir de l’information visée par le secret professionnel, puisqu’elle s’étend aux communications entre la CCSA et son avocat, l’objection est maintenue.

[19] Q5 : La CCSA répondra comme il a été proposé.

[20] Q6 : L’objection est maintenue. La Commission ne voit pas la pertinence de cette demande de renseignements.

[21] Q8 : La CCSA a répondu qu’elle [TRADUCTION] : « n’a aucun document en sa possession ou sous son contrôle ou son pouvoir lié aux renseignements demandés ». À moins que la CCSA souhaite ajouter d’autres renseignements à cette réponse, il est établi que la demande de renseignements a fait l’objet d’une réponse. L’absence de renseignements ou de documents sous-jacents invoqués pour étayer les « conclusions » de la CCSA sera prise en compte dans l’importance que la Commission accordera à ces conclusions.

IV. Calendrier des procédures révisé

[22] Le calendrier révisé suivant s’appliquera désormais :

[23] Réponses de la CCSA aux demandes de renseignements : au plus tard le vendredi 13 mai 2016

[24] Dépôt des requêtes des sociétés de gestion de la CCSA au sujet des réponses incomplètes ou insatisfaisantes aux demandes de renseignements : au plus tard le vendredi 20 mai 2016

[25] Dépôt des réponses aux requêtes des sociétés de gestion auprès de la Commission au sujet des objections aux demandes de renseignements : au plus tard le mercredi 25 mai 2016 - 5 –

[26] [Décision de la Commission] Présentation de réponses complètes et satisfaisantes de la CCSA aux demandes de renseignements : au plus tard le vendredi 3 juin 2016

 

 

La Secrétaire générale,

Lara Taylor

 



[1] R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445 (C.S.C.); R. c. Brown, [2002] 2 R.C.S. 185 (C.S.C.); Lavallée, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 209 (C.S.C.); Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809 (C.S.C.); Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319, au paragraphe 24 (C.S.C.); Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health [2008] 2 R.C.S. 574 (C.S.C.); R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, au paragraphe 26 (C.S.C.).

[2] Bank Leu AG v. Gaming Lottery Corp. [1999] O.J. No. 3949, au paragraphe 5 (Cour sup. Ont.), cité avec approbation dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1480, au paragraphe 55.

[3] Voir, par exemple, Land v. Kaufman (1991), 1 C.P.C. (3d) 234 (Div. gén. Ont.); Simcoff v. Simcoff, 2009 MBCA 80 (C.A. Man.); Verney v. Great-West Life Assurance Co. (1998), 38 O.R. (3d) 474 (Div. gén. Ont.); Alberta Wheat Pool v. Estrin (1986), 49 Alta. L.R. (2d) 176 (B.R. Alb.), confirmé dans (1987), 17 C.P.C. (2d) xxxix (C.A. Alb.); R. c. Campbell [1999] 1 R.C.S. 565 (C.S.C.); Nowak v. Sanyshyn (1979), 23 O.R. (2d) 797 (H.C.J. Ont.); Harich v. Stamp (1979), 27 O.R. (2d) 395 (C.A.), autorisation d’interjeter appel refusée (1980), 59 C.C.C. (2d) 87 n (C.S.C.); Lev v. Lev (1990), 64 Man. R. (2d) 306, (B.R. Man.); R. v. Read (1993), 86 C.C.C. (3d) 574 (C.A. C.-B.); R. v. Gray (1992), 74 C.C.C. (3d) 267 (C.S. C.-B.).

[4] 2005 SKQB 26.

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